Desaix marche contre Mourad-Bey dans la Moyenne-Égypte. — Bataille de Sédiman. — Combat de Medineh-Fayoum. — Les Anglais tentent une descente à Abouqyr et sont repoussés. — L'eau du Nil arrive à Alexandrie. — Bonaparte envoie des parlementaires aux Anglais et tente des négociations avec la Porte et ses agents. — Politique fautive du Directoire. — La Porte déclare la guerre à la France. L'Italien Rosetti, consul d'Autriche au Kaire, chargé par Bonaparte de négocier un arrangement avec Mourad-Bey, dont il avait toute la confiance, était allé le trouver à Minieh, et en fut assez bien accueilli. Il donna même l'espérance qu'il reviendrait au Kaire avec le ministre de ce bey. Cependant la négociation n'eut aucun résultat. On ignore les causes qui la firent échouer. Il fallut donc s'occuper de le réduire par les armes. Le camp retranché que Bonaparte avait projeté à deux lieues du Kaire en remontant le. Nil, avait été établi sur la rive droite en avant de Torrah, où il y avait un vieux château. Rampon l'occupait avec une partie de la division Desaix ; il poussa des détachements le long du Nil jusqu'à Atfyh ; les habitants parurent d'abord les bien accueillir, et prirent ensuite les armes ; les détachements retournèrent dans leur camp. Desaix allait entrer en campagne. Alors Rampon se trouvant couvert, pouvait, sans inconvénient, reprendre la position d'Atfyh pour punir cette ville de la conduite perfide qu'elle avait tenue. C'était l'intention du général en chef, qui lui écrivit[1] : Je connais trop l'esprit des trois bataillons que vous commandez pour n'être pas persuadé qu'ils seraient fâchés que je donnasse à d'autres le soin de les venger de la trahison infâme des habitants d'Atfyh. Mourad-Bey qu'on avait laissé tranquille depuis la bataille des Pyramides, en avait profité pour rallier ses Mamlouks, une grande quantité d'Arabes, et former un rassemblement considérable au village de Behneseh, sur le canal Joseph, à 50 lieues du Kaire. Desaix partit, le 8 fructidor an VI (25 août 1798), de son camp retranché de Torrah. Il embarqua sa division forte d'environ 3.000 hommes, et composée des demi-brigades 21e légère, 61e et 88e de ligne. Le convoi était escorté par un chebeck, un aviso et deux demi-galères, armés en guerre. Il remonta le Nil et arriva le 13 à Beny-Soueyf, il y resta quatre jours pour assurer ses subsistances. Bonaparte lui donna une leçon d'étiquette qui prouve que dès lors il voulait tenir ses subordonnés à distance, et ne souffrait pas que par négligence ou familiarité on s'écartât des formes. L'adjudant-général Donzelot avait signé plusieurs lettres pour le général Desaix au général en chef. Il écrivit à Desaix[2] : Votre état-major doit correspondre avec le chef de l'état-major de l'armée. Il n'est pas d'usage que je reçoive des lettres des adjudants-généraux, à moins que ce ne soit pour des réclamations qui leur sont particulières 1. Le général en chef lui expédia la Cisalpine avec le 3e bataillon de la 21e, 40.000 rations de biscuit, 2 pièces de canon et 50.000 cartouches. Il espérait que Desaix trouverait le moyen de se porter directement à Behneseh et d'atteindre Mourad-Bey. Ce projet lui paraissait le plus simple : s'il n'était pas exécutable, il désirait que Desaix remontât le Nil jusqu'à Melaoui pour entrer dans le canal Joseph, et redescendre sur Behneseh. Vous savez, lui mandait-il, qu'en général je n'aime pas les attaques combinées. Arrivez devant Mourad-Bey par où vous pourrez et avec toutes vos forces. La, sur le champ de bataille, vous ferez vos dispositions pour lui faire le plus de mal possible. Le général en chef attendait, pour envoyer des troupes dans le Fayoum, de savoir définitivement ce que ferait Mourad-Bey[3]. Le 18 fructidor (4 septembre), Desaix se rembarqua sur la flottille, à Beny-Soueyf, et arriva le soir à Abou-Girgeh, après un trajet de r5 lieues. Il apprit qu'un convoi de l'ennemi, embarqué sur le Nil, se dirigeait sur le canal Joseph pour se rendre à Behneseh ; le 20, au matin, il débarqua un bataillon, et après avoir traversé un pays inondé par les crues du Nil, et passé à gué huit canaux, il arriva dans les plaines cultivées où Danville place le lac Bathen. Il atteignit le convoi au moment où il entrait dans le canal Joseph. Il était escorté par un grand nombre d'Arabes et 150 Mamlouks y commandés par trois beys. Desaix les dispersa et s'empara de 12 djermes ; l'une d'elles portait, pièces de canon ; les autres étaient chargées de munitions et de vivres. Lorsque Desaix était parti de Torrah pour remonter le Nil, Mourad-Bey n'avait point marché à sa rencontre, il l'avait laissé s'engager dans la Haute-Égypte, éparpiller sa division en plaçant des postes dans toutes les villes où il passait, espérant pouvoir ensuite l'attaquer en queue, l'isoler du Kaire et le battre en détail. Dans ce dessein, il descendit vers le Fayoum, en suivant la limite du désert, et se contenta de laisser sur le Nil, dans la province de Syout, un corps de Mamlouks pour inquiéter les Français, lever de l'argent, et protéger sa flottille. Le but de Mourad-Bey était trop évident pour échapper à la pénétration de Desaix. De son côté, il laissait descendre tous les Mamlouks, espérant bientôt revenir sur ses pas, marcher à leur poursuite, les couper entièrement de la Haute-Égypte, et les traquer dans le Fayoum. Il jugea nécessaire de se défaire auparavant du corps de Mamlouks que Mourad-Bey avait laissé en position à Syout. Le 21 fructidor, il s'embarqua à Abou-Girgeh avec sa division, et arriva, le 26, à la hauteur de Darout-el-Cheryf. C'est près de ce village que le canal Joseph prend les eaux du Nil pour les -porter dans le Fayoum, en traversant la fertile province de Beny-Soueyf. Desaix fit occuper ce point important, et y laissa une chaloupe pour croiser à l'entrée du canal, et protéger la navigation avec le Kaire. Escorté par deux demi-galères, il partit avec quatre bataillons pour Syout, où l'ennemi avait réuni tous ses bâtiments de guerre, et se fit suivre à quelque distance par la 21e demi-brigade, sous l'escorte d'un aviso. Le 28, Desaix arriva à Syout ; l'ennemi avait évacué cette ville et fait remonter sa flottille vers Girgeh. Trois kachefs de Soliman-Bey, 300 Mamlouks, quelques Arabes, avec leurs femmes, leurs enfants et de nombreux bagages, après avoir fait un ricochet dans les terres, étaient descendus au village de Beny-Adyn, à six lieues au-dessous de Syout, sur les confins de la Moyenne et de la Haute-Égypte. Desaix. résolut d'aller les surprendre. La vallée entre Syout et la chaîne libyque est très-étroite. Desaix partit de cette ville le ier, jour complémentaire, laissa le Nil derrière lui, et arriva bientôt au pied des montagnes. Il suivit la lisière du désert pendant tout le jour, rentra dans la vallée, et arriva à Beny-Adyn le lendemain ; mais l'ennemi, instruit de sa marche, avait disparu, et s'était dirigé vers le Fayoum, pour y renforcer Mourad. Le 3e complémentaire, Desaix rentra à Syout, où il laissa une demi-brigade et un aviso pour escorter un convoi considérable de grains qu'il envoyait au Kaire. Ce général se rembarqua sur sa flottille pour se rendre à Darout-el-Cheryf, où il arriva le 5e complémentaire. Certain qu'il n'avait plus rien à craindre, pour le moment du côté de la Haute-Égypte, Desaix résolut de se porter dans le Fayoum, où l'armée de Mourad-Bey se grossissait d'un grand nombre de fellah et des Arabes du désert. Il laissa quatre bâtiments de guerre pour croiser à Darout-el-Cheryf, et ordonna à deux chaloupes canonnières de descendre le Nil, à la hauteur de la division qui devait suivre sur la flottille le canal Joseph. Desaix y entra le 2 vendémiaire an VII, et, après une pénible navigation de dix jours, son avant-garde aperçut, le 12, un poste de Mamlouks, à la hauteur du village de Menekia. Desaix ordonna aussitôt le débarquement, et se porta, avec un détachement, sur les mamelons de la chaîne libyque. Il s'engagea une fusillade d'avant-garde ; l'ennemi se retira ; la division se rembarqua et continua à suivre le canal. Le 13, au matin, la flottille arriva à un endroit où le canal se rapproche du désert, et on aperçut des Mamlouks embusqués derrière des dunes. Des forces considérables se montrèrent tout-a-coup dans le village de Manzoura. Desaix jugea qu'il était dangereux et inutile de débarquer sous le feu de l'ennemi. Il fit virer de bord à sa flottille, regagna la position de Menekia, et débarqua sa division. Des compagnies de grenadiers chassèrent et dispersèrent les Mamlouks qui harcelaient les barques. Desaix ordonna à la flottille de suivre les mouvements des troupes. Il forma sa division en carré et s'avança à l'extrémité de l'inondation, sur la limite du désert, entre l'eau et le sable. Les Mamlouks vinrent escarmoucher avec l'avant-garde ; l'artillerie les éloigna. Le soir, la division prit position près de Manzoura, Elle continua sa marche, rejoignit sa flottille pour y prendre des vivres, et se reposer. Desaix apprit que Mourad-Bey était en position avec son armée non loin du village de Sédiman ; il se mit en marche avec sa division, le 16 vendémiaire (7 octobre), au lever du soleil. A huit heures du matin, on découvrit l'armée ennemie. Elle était rangée en deux lignes sur le plateau qui sépare la province de Beny-Soueyf du Fayoum. Huit ou dix mille Arabes et fellah à pied gardaient le retranchement où il y avait une batterie. Un corps de cavalerie, composé de 4.000 Mamlouks et 2.000 Arabes, occupait le front de bataille. On voyait sur les premiers rangs Mourad-Bey, couvert de vêtements éclatans de magnificence. Les Français se disposèrent à l'attaque. En voyant s'avancer vers lui cette redoutable phalange, le fier Mamlouk faisait bonne contenance. Il avait déjà éprouvé la valeur de Desaix ; tous deux s'étaient mesurés de près à la bataille des Pyramides. Desaix réunit sa division en un seul carré, flanqué de droite et de gauche par deux petits carrés de 200 hommes chacun, et se porta sur le front de l'ennemi. Les Mamlouks, supérieurs en nombre, chargèrent avec la plus grande impétuosité les Français sur toutes les faces et les enveloppèrent. Ne pouvant rompre les carrés, ils se jetèrent avec fureur sur le petit peloton de droite, commandé par le capitaine Valette, et le culbutèrent, Valette ayant ordonné à ses soldats de ne tirer qu'à bout portant, ce qui n'arrêta que trop tard l'impulsion des Mamlouks. Le feu du grand carré ne leur permit pas de profiter de cet avantage. Mourad reconnut la faute qu'il avait faite de diviser ses troupes pour tourner les Français. Il réunit tous ses cavaliers, démasqua son artillerie, et revint à la charge sur un seul front. On les attendit avec le plus grand sang-froid, et, lorsqu'ils furent arrivés à dix pas de la ligne, les grenadiers les reçurent par une fusillade meurtrière et croisèrent leurs baïonnettes. Les plus intrépides de ces cavaliers, ne pouvant se résoudre à fuir, vinrent mourir dans les rangs, après avoir jeté leurs masses et haches d'armes, leurs fusils et leurs pistolets à la tête des Français. Plusieurs d'entre eux, ayant eu leurs chevaux tués, se glissèrent, le ventre contre terre, sous les baïonnettes, pour couper les jambes des soldats. En vain Mourad tenta de nouvelles charges ; il ne put rompre le carré ; mais ces attaques réitérées coûtaient beaucoup de monde aux Français, l'artillerie des Mamlouks causait de grands ravages dans les rangs serrés de leurs adversaires. Desaix jugea dangereux d'opérer sa retraite sur ses barques. Il eût fallu d'ailleurs abandonner un grand nombre de blessés. Dans cette situation critique, ce général vit qu'il fallait combattre jusqu'au dernier homme. Il demanda conseil au général Friant qui était à ses côtés. Celui-ci, lui montrant la batterie ennemie, répondit : C'est-là qu'il faut aller, nous y trouverons la victoire ou la mort. — C'est aussi mon intention, répliqua Desaix ; mais nos malheureux blessés ?... — Si je suis blessé, s'écria Friant, qu'on me laisse sur le champ de bataille ! Desaix le serra dans ses bras, ordonna de marcher en avant, et fit battre le pas de charge. Ce mouvement fut brillant et rapide comme l'éclair. Les Arabes et les fellahs épouvantés se dispersèrent. Le général Friant qui commandait l'attaque, entra dans les retranchements, et fit pointer l'artillerie sur les Mamlouks. Mourad-Bey, après avoir eu 3 de ses beys tués, 2 de blessés, et avoir perdu beaucoup de monde, s'enfonça dans le désert, et gagna le lac Gharaq, dans le Fayoum. Les Arabes l'abandonnèrent. L'ennemi perdit dans cette journée un grand nombre d'Arabes et de fellah et 400 cavaliers d'élite. Aucun Mamlouk ne fut trouvé vivant sur le champ de bataille ; ils avaient combattu jusqu'au dernier soupir. Ce succès coûta cher aux Français ; ils perdirent 340 hommes et eurent 150 blessés. Le chef de brigade Conroux, Rapp, aide-de-camp de Desaix, les capitaine Valette, Sacro et Geoffroy se couvrirent de gloire ; le maréchal-des-logis Rousseau et le sergent Jérôme rendirent des services importants en pointant l'artillerie. En un mot, cette poignée d'hommes, assaillie par une armée six fois plus nombreuse, fit des prodiges, et la victoire de Sédiman fut un des faits d'armes les plus glorieux de l'armée d'Orient pendant son séjour en Égypte. Le surlendemain de la bataille, le général Desaix fit partir les malades et les blessés pour le camp, sous la conduite du capitaine Rapp et du commissaire des guerres d'Aure : plusieurs Mamlouks de Mourad-Bey blessés étaient dans le convoi. Dès que le général en chef eut reçu la nouvelle de cette bataille, il en publia une relation et l'adressa à tous les généraux pour la faire connaître à leurs troupes Il témoignait sa satisfaction du courage et de la valeur qu'avaient montrés les citoyens Gizard, Petitjean, Chatelain, Claude Tissot, Claude Desmoules et Julien Marchand, simples soldats de l'intrépide 21e demi-brigade. Il ordonna que l'ordre du jour et la relation de la bataille seraient envoyés en France, et publiés dans les communes où ils étaient nés[4]. Le 17 vendémiaire 5 Desaix se rendit avec sa flottille à El-Lahoun, à l'endroit où le canal Joseph perce la chaîne libyque pour entrer dans le Fayoum et y répandre les eaux du Nil par une multitude de petits canaux. Ce point est pour ainsi dire la porte de cette province. On y voit une énorme pyramide en brique, que l'on croit avoir été construite par le roi Asychis. Desaix y trouva plusieurs barques de Mamlouks chargées de vivres. Il entra ensuite dans le Fayoum. Excepté du côté d'El-Lahoun, cette contrée est partout ceinte par des montagnes, et forme un bassin entièrement séparé de celui du Nil. Là, dit-on, se trouvait autrefois le lac Mœris, dont plusieurs savants ont cru reconnaître les vestiges dans le Berket-Qeroun, vaste lac situé dans la partie septentrionale du Fayoum. Cette province occupe l'emplacement de l'ancien nome arsinoïte ; sa capitale est Medineh-Fayoum, située non loin des ruines d'Arsinoé. L'inondation des campagnes ne permettant pas de poursuivre Mourad-Bey, Desaix résolut d'attendre dans le Fayoum la retraite des eaux. Pendant ce temps-là, il organisait la province, parcourait le pays pour lever des impositions et des chevaux ; il éprouva beaucoup d'obstacles, car Mourad avait défendu avec menaces aux habitants de payer les Français et de se soumettre à leur autorité. Tandis que Desaix se reposait avec sa division dans le Fayoum, Mourad-Bey soufflait la révolte parmi les pacifiques habitants de cette province. Il répandait le bruit qu'Alexandrie était tombée au pouvoir des Anglais, et qu'il fallait exterminer tous les Français. Il avait envoyé 150 Mamlouks et des Arabes pour soulever les villages. Desaix partit de Medineh-Fayoum, le 16 brumaire, pour réprimer l'insurrection. Il laissa dans cette ville une garnison de 350 hommes, la plupart atteints d'ophtalmie. Tous les villages rentrèrent dans l'obéissance, excepté celui de Cheruneh, dont les habitants, excités par le kachef Ali et ses Mamlouks, attaquèrent l'avant-garde de Desaix. L'ennemi perdit 15 hommes ; le village fut pris, livré au pillage et brûlé. Pendant l'excursion de ce général, Mourad-Bey avait envoyé environ 1.000 Mamlouks sur Medineh-Fayoum ; ils traînaient avec eux des Arabes et des fellahs. Ils s'y présentèrent le 18, au nombre de plusieurs milliers. La place était commandée par le chef de bataillon Eppler ; Robin, nommé général de brigade depuis la bataille de Sédiman, s'y trouvait malade de l'ophtalmie. La ville, ouverte de tous côtés, fut envahie par cette multitude. Les Français se réunirent et se retranchèrent à la hâte dans la maison de l'hôpital, où il y avait 150 malades. Dès que l'ennemi fut à portée, tandis qu'une réserve le fusillait par les fenêtres, deux colonnes, commandées par les chefs de bataillon Eppler et Sacro, se jetèrent sur lui à la baïonnette, le culbutèrent, le frappèrent d'épouvante, en firent un carnage affreux, et le poursuivirent jusqu'à une lieue de la ville. Desaix, instruit pendant sa tournée des dangers qui menaçaient Medineh-Fayoum, s'était mis en marche pour venir au secours de cette ville. Il y arriva le 20 brumaire et apprit la victoire aussi glorieuse qu'inespérée de la brave garnison. Il en profita pour quitter le Fayoum et faire de nouvelles courses dans la province de Beny-Soueyf et le territoire de Minieh, et y disputer la levée des contributions à Mourad-Bey qui y faisait de son côté des incursions pour les percevoir. La ville de Beny-Soueyf devint la principale place d'armes des Français dans la Moyenne-Égypte. Ils y construisirent une redoute pour mettre ce point à l'abri d'un coup de main. Dans les premiers jours de brumaire (fin d'octobre), la croisière anglaise avait été renforcée de quelques bâtiments légers. Le 3, à 2 heures après-midi, 18 ou 20 chaloupes, soutenues par quelques avisos, se présentèrent devant le fort d'Abouqyr. Il s'engagea de part et d'autre une canonnade qui se termina avec le jour. Le 4, à la même heure, l'ennemi recommença la même manœuvre, et perdit une chaloupe qui fut coulée bas. Le 5, à 10 heures du matin, 150 Arabes des villages d'Edkoû et Atfeïneh, voisins de la côte, se présentèrent à pied et à cheval derrière Abouqyr, et placèrent sur un monticule de sable un turban rouge, signal dont ils paraissaient être convenus avec les Anglais ; mais un détachement de la 4e ayant marché sur eux, ils se dispersèrent après avoir eu, hommes tués. Le 6, à 9 heures du matin, le nombre des chaloupes ennemies fut porté jusqu'à 30. La canonnade s'engagea, et une heure après elles s'approchèrent si près que la fusillade devint très-vive. L'ennemi n'osa pas arriver jusqu'à terre ; il fila sur la droite et débarqua une soixantaine d'hommes sur la digue. Quelques soldats qui étaient cachés derrière marchèrent à eux battant la charge ; les Anglais se rembarquèrent avec précipitation ; il y en eut plusieurs de tués. La flottille, ayant eu plusieurs chaloupes coulées bas, prit le large. Le 7, à 3 heures après-midi, considérablement diminuée, elle s'approcha encore du fort et de la plage, et fut reçue comme les jours précédents. Les 8, 9 et 10, les Anglais mouillèrent à 4 lieues au large, occupés à se radouber. Ces chaloupes portaient 7 à 800 hommes. Martinet, commandant la légion nautique, se comporta dans ces affaires avec beaucoup de distinction. Au premier avis de ces mouvements, le général en chef expédia Murat à Rahmanieh avec une partie de la 75e pour se rendre de là à Rosette, à Abouqyr ou à Alexandrie. Il fit disposer des bâtiments pour envoyer d'autres troupes et s'y transporter lui-même si les nouvelles qu'il recevrait le lui faisaient juger nécessaire[5]. Elles furent rassurantes ; les renforts devinrent inutiles. Il était évident que les Anglais n'avaient tenté ce débarquement que par suite de quelque projet concerté avec Mourad-Bey, des Arabes ou des habitants ; mais puisque ces alliés ne s'étaient pas montrés en force, il fallait laisser les Anglais débarquer et tomber sur eux. C'était du moins ce qu'écrivait le général en chef à Marmont, en ajoutant[6] : Vous nous auriez envoyé quelque colonel anglais prisonnier qui nous aurait donné des nouvelles du continent. Les exemples de sévérité faits sur plusieurs villages, entre autres sur celui de Berket-Gitàs, mirent enfin à la raison les habitants et les Arabes. Grâce à l'activité des troupes et notamment de la 4e- d'infanterie légère, les eaux du Nil arrivèrent le 14 brumaire à Alexandrie en si grande abondance, qu'on estimait la provision suffisante pour deux ans. On profita de leur présence dans le canal pour approvisionner de blés la place, et pour transporter à Gizeh les équipages d'artillerie[7]. Le cheyk El-Messiri, à qui Bonaparte avait déjà témoigné sa satisfaction de ce qu'il avait révélé à Kléber une intrigue des Anglais pour se faire livrer Alexandrie, était retourné dans cette ville après avoir assisté au grand divan extraordinaire convoqué au Kaire ; le général en chef lui écrivit[8] : J'ai vu avec plaisir votre arrivée à Alexandrie, cela contribuera à y maintenir la tranquillité et le bon ordre. Il serait essentiel que vous et les notables de cette ville prissiez des moyens pour détruire les Arabes, ou les forcer à vivre d'une manière plus conforme à la vertu. Je vous prie aussi de faire veiller les malintentionnés qui débarquent à deux ou trois lieues d'Alexandrie, se glissent dans la ville, et y répandent de faux bruits qui ne tendent qu'à troubler la tranquillité. Sous peu, je ferai travailler au canal d'Alexandrie, et j'espère qu'avant six mois l'eau y viendra en tout temps. Quant à la mer, persuadez-vous bien qu'elle ne sera pas longtemps à la disposition de nos ennemis. Alexandrie réacquerra son ancienne splendeur, et deviendra le centre du commerce de tout l'Orient ; mais vous savez qu'il faut quelque temps. Dieu même n'a pas fait le monde en un seul jour. Rendre le canal d'Alexandrie propre en tout temps à y conduire l'eau du Nil et à la navigation, était un des grands travaux que, dans les premiers mois de sa conquête, au témoignage de ingénieur Lepère, Bonaparte avait projeté[9]. Ignorant toujours la situation dans laquelle la France se trouvait vis-à-vis de la Porte, et ne recevant aucune réponse de Constantinople, Bonaparte apprit qu'une flottille turque était avec la croisière anglaise devant Alexandrie et résolut de leur envoyer à l'une et à l'autre des parlementaires pour avoir des nouvelles et entamer quelque négociation. Bracewich, chancelier interprète de France, habillé en musulman, et le Turc Ibrahim-Aga devaient s'embarquer avec pavillon turc sur le canot de la caravelle qui était dans le port, et aborder l'amiral turc. Un officier de terre, sur un canot portant pavillon tricolore, devait se rendre à bord de l'amiral anglais. Il fallait que ce canot fut commandé par un officier intelligent qui pût tout observer sans se mêler de rien. Le parlementaire turc était chargé de prendre tous les renseignements possibles sur la situation de la France avec la Porte, et sur celles de l'ambassadeur français à Constantinople et de l'ambassadeur ottoman à Paris ; de faire connaître à l'officier commandant la flottille turque le désir qu'avait le général en chef qu'il envoyât au Kaire un officier distingué pour conférer avec lui d'objets importants ; que si les Anglais ne le laissaient pas entrer à Alexandrie ni à Rosette, il pouvait envoyer une frégate à Damiette ; que le général en chef en profiterait pour écrire à Constantinople des choses également avantageuses aux deux puissances. La mission du parlementaire français était de porter à l'amiral anglais une lettre du général commandant à Alexandrie, dans laquelle il lui dirait qu'il s'était empressé d'envoyer au Kaire la lettre qu'il en avait reçue le 19 octobre ; que la caravelle qui était dans le port était à la disposition du pacha d'Égypte et suivrait ses ordres ; que ce pacha ayant jugé devoir, avant de les donner, envoyer un de ses officiers à bord de l'amiral turc, lui, commandant d'Alexandrie, avait autorisé la sortie du parlementaire sur le canot de la caravelle. Il était ordonné à ce commandant d'avoir soin qu'aucun individu de ce bâtiment ne s'embarquât sur le canot, excepté les matelots rameurs ; de prescrire à l'officier de terre parlementaire de se conduire à bord de l'amiral anglais avec la plus grande honnêteté, de lui remettre, comme par hasard, quelques journaux d'Égypte, de chercher à tirer toutes les nouvelles possibles du continent, de lui offrir de la part du général en chef tous les rafraîchissements dont il pourrait avoir besoin[10]. Il paraît que Marmont, dans ce moment, commandait temporairement à Alexandrie ; il choisit pour parlementaire français l'adjudant-commandant Fouler[11], et Martin, officier de l'Alceste, pour commander le canot. Le 15 brumaire, les canots sortirent du Port-Vieux et allèrent à bord du vaisseau anglais le Swiftshure, qui croisait devant la ville et les envoya au vaisseau le Zealous, monté par le commodore Hood, près d'Abouqyr. Les parlementaires furent reçus avec tous les égards imaginables. Fouler fit les offres de rafraîchissements ; les Anglais y parurent sensibles, mais ne les acceptèrent pas. La conversation s'engagea ; le commodore Hood parla constamment à Fouler avec beaucoup de modération, de retenue, d'égards et d'estime, pour la nation, pour l'armée et celui qui la commandait ; il donna la nouvelle d'une insurrection arrivée à Malte, où tout était rentré dans l'ordre après quelque effusion de sang. Il dit ensuite que la Porte avait déclaré la guerre à la France ; qu'une escadre de onze caravelles, suivie d'un convoi, était, dans ce moment, sortie des Dardanelles, et une escadre j russe. forte de seize bâtiments, devant Corfou. Il avait à son bord une très-grande quantité de lettres appartenant aux officiers de l'armée ; il offrit de les rendre, si on le désirait, et, de lui-même, il promit d'envoyer toutes celles qui viendraient dorénavant à l'adresse du général en chef et à celle des officiers généraux, et qui seraient étrangères au gouvernement ; il ajouta qu'il attendait sous peu de jours des gazettes, et que, lorsqu'il les aurait lues, il les ferait passer par le premier parlementaire. Bracewich et Ibrahim-Aga trouvèrent le commandant turc à bord de l'amiral anglais, où il était toujours ; c'était Hassan-Bey de Rhodes, vieillard très-âgé, sans esprit et sans moyens, et qui, probablement, était le jouet des Anglais. Les caravelles et les deux frégates turques, qui étaient à Abouqyr, venaient de Rhodes ; et n'avaient point reçu d'ordres de Constantinople. Les petits bâtiments paraissaient être, pour la plupart, des vaisseaux marchands que l'on avait rasés et armés en guerre. Bracewich reconnut à bord l'interprète Pisani, drogman du commodore Hood, qui lui raconta qu'à la prise de possession de l'Égypte par les Français, il y avait eu un mouvement à Constantinople, et qu'après une assemblée des grands de l'empire, on avait déclaré, le 10 septembre, la guerre à la France ; que le chargé d'affaires Ruffin avait été mis au château des Sept-Tours ; que les Français avaient été renfermés au palais de la République, et leurs biens séquestrés ; que le capitan-pacha, le grand-vizir et le reis-effendi, comme amis des Français, avaient été déposés ; que Passwan-Oglou avait fait sa paix, etc., etc. Bracewich et Ibrahim-Aga n'osèrent pas faire au commandant turc, à bord de l'amiral anglais, la proposition dont ils étaient chargés ; ce commandant ne leur inspira aucune confiance. Le but principal de la mission fut donc manqué. Cependant les parlementaires avaient rapporté des nouvelles importantes ; mais Bracewich et Marmont n'y croyaient pas. Ils étaient persuadés que c'étaient des mensonges inventés par les Anglais ; que le manifeste de la Porte était une pièce apocryphe, et que les bâtiments de guerre turcs qui se trouvaient là, n'y étaient venus de Rhodes que trompés par une fausse déclaration de guerre. Cependant ces nouvelles n'étaient que trop vraies. Il faut convenir qu'avant de les avoir reçues, Bonaparte lui-même ne croyait pas encore à une rupture avec la Porte. Il avait écrit, le 14 à Marmont : J'ai reçu des nouvelles de Constantinople ; la Porte se trouve dans une position très-critique ; il s'en faut de beaucoup qu'elle soit contre nous. L'escadre russe a demandé le passage par le détroit, la Porte lui a refusé avec beaucoup de décision. Il écrivit même au grand-vizir cette nouvelle lettre[12] : J'ai eu l'honneur d'écrire à votre excellence messidor, à mon arrivée à Alexandrie. Je lui ai également écrit le 5 fructidor par un bâtiment que j'ai expédié exprès de Damiette ; je n'ai reçu aucune réponse à ces différentes lettres. Je réitère cette troisième pour faire connaître à votre excellence l'intention de la République Française de vivre en bonne intelligence avec la Sublime-Porte. La nécessité de punir les, Mamlouks des insultes qu'ils n'ont cessé de faire au commerce français, nous a conduits en Égypte ; tout comme, à différentes époques, la France a dû faire la même chose pour punir Alger et Tunis. La République Française est, par inclination comme par intérêt, amie du sultan, puisqu'elle est l'ennemie de ses ennemis. Elle s'est positivement refusée à entrer dans la coalition qui a été faite avec les deux empereurs contre la Sublime-Porte : les puissances, qui se sont déjà précédemment partagé la Pologne, ont le même projet contre la Turquie. Dans les circonstances actuelles, la Sublime-Porte doit voir l'armée française comme une amie qui lui est dévouée, et qui est toute prête à agir contre ses ennemis. Je prie votre excellence de croire que personnellement je désire concourir et employer mes moyens et mes forces à faire quelque chose qui soit utile au sultan et puisse prouver à votre excellence mon estime et ma considération pour elle. Le général en chef ordonna au général commandant à Alexandrie, s'il se présentait, pour entrer dans le port, une ou deux frégates turques, de les laisser entrer ; de répondre qu'il devait en référer au Kaire, si des bâtiments de guerre se présentaient en plus grand nombre, et d'engager le commandant à y envoyer quelqu'un. Si une escadre turque venait croiser devant le port et communiquer directement, de lui faire toutes sortes d'honnêtetés, et de prendre toute espèce d'informations ; si elle ne communiquait que par des parlementaires anglais, de lui faire connaître combien cela était indécent et contraire au respect que l'on devait à la dignité du sultan, cl d'engager le commandant à communiquer directement[13]. Quand il eut reçu les rapports de Bracewich et de Marmont, Bonaparte ne partagea pas leur incrédulité et ne put pas conserver d'espérances. Peu satisfait de la manière dont la mission confiée à Bracewich avait été remplie, il dépêcha un nouveau parlementaire, et choisit le lieutenant de ses guides Guibert, officier souple, mesuré, adroit, et mettant dans ses négociations l'habileté d'un vrai diplomate[14]. D'après ses instructions, Guibert partit pour Rosette avec le Turc Muhammed-Téhaouss, lieutenant de la caravelle qui était à Alexandrie, pour s'y embarquer et aller à bord de l'amiral anglais. Muhammed était porteur d'une lettre de Bonaparte à Hassan-Bey, commandant de la flottille turque. Il était recommandé à Guibert de rester quelques heures avec l'amiral anglais ? de lui remettre sans prétention les journaux égyptiens, de tâcher d'avoir les journaux d'Europe, de laisser échapper dans la conversation que le général en chef recevait souvent par terre des nouvelles de Constantinople ; si l'amiral parlait de l'escadre russe devant Corfou, de lui laisser d'abord dire tout ce qu'il voudrait, ensuite de lui faire sentir qu'il ne croyait pas à la présence de cette escadre, parce que, si les Russes avaient des forces dans ces mers, ils ne seraient pas assez dupes pour ne pas venir devant Alexandrie ; de dire à l'amiral, comme par inadvertance, que depuis les premiers jours de septembre, le général en chef faisait partir journellement un officier pour la France, qu'il avait expédié plusieurs de ses aides-de-camps et entre autres son frère Louis ; de lui demander des nouvelles de la frégate la Justice sur laquelle il avait un cousin ; de dire, mais très-légèrement, que le général en chef était à Suez, où il était arrivé de l'Ile-de-France un très-grand nombre de bâtiments ; qu'il désirait que le premier parlementaire anglais qu'on enverrait débarquât à Rosette et vînt au Kaire ; que si l'amiral avait de la difficulté à faire de l'eau, ou à se procurer des choses qui pourraient lui être agréables, l'intention du général en chef était de les lui fournir ; de raconter que devant Mantoue, sachant que le maréchal Wurmser avait une grande quantité de malades, Bonaparte lui avait envoyé beaucoup de médicaments, et lui faisait passer tous les jours six paires de bœufs et toutes sortes de rafraîchissements ; qu'il était très-satisfait de la manière dont l'amiral traitait les prisonniers français[15]. Guibert rendit compte de sa mission par le rapport suivant, dans lequel il justifiait la bonne opinion que Bonaparte avait de son habileté. Il contient un tableau exact et curieux de la situation des affaires du Levant à cette époque. Le 2 frimaire, à la pointe du jour, je partis d'Abouqyr pour me rendre à bord de la flotte anglaise. Un seul vaisseau était mouillé à la pointe ; c'était le Swiftshure, commandé par M. Lallowell. Une chaloupe vint au devant de moi. Je lui demandai si le vaisseau commandé par M. le commodore Hood était dans ces parages. On me répondit que non, qu'il croisait devant Alexandrie ; que M. Lallowell me priait cependant de 111e rendre à bord du Swiftshure. M. Lallowell me reçut froidement, surtout lorsqu'il me vit accompagné d'un Turc. Je lui exposai avec simplicité le sujet de ma mission auprès de M. Hood ; il me répondit que Hassan-Bey ne recevrait pas le Turc ; qu'ainsi ma démarche était inutile. — Vous me permettrez cependant, monsieur, de me rendre à bord de M. Hood. Il me répondit qu'il avait quelque chose de très-intéressant à lui communiquer ; qu'on voyait à peine le Zealous, mais qu'on venait de lui faire le signal d'approche. Il me proposa d'attendre à son bord. — Nous nous rendrons ensemble, me dit-il, auprès de l'amiral.-Il fit apporter le déjeuner, nous nous mîmes à table : peu à peu, il devint plus aimable. Le hasard lui fit rappeler d'anciens rapports avec ma famille. J'eus avec lui une conversation qui, de ma part, fut souvent interrompue par des saillies simples et sans affectation. Nous nous entretenions de la situation politique de l'Europe. Il me dit, avec l'air de la vérité, qu'il y avait plus de sept semaines qu'ils n'avaient reçu de nouvelles, qu'ils en attendaient tous les jours. Il me parla avec assurance des dispositions hostiles de la Turquie. — Les nouvelles, lui dis-je, que le général reçoit souvent de Constantinople par terre, ne s'accordent pas avec ce que vous dites. — Le général reçoit souvent des nouvelles de Constantinople ? — Oui. — Il sourit, mais parut surpris. — Cependant, vous ne pouvez douter que le pacha de Rhodes ne soit devant Alexandrie par les ordres de son gouvernement. — J'allais répondre ; il continua. — Nous étions à Rhodes lorsqu'il fut forcé de venir. — Forcé ? Je souriais. — Oui, par les ordres de la Sublime-Porte. — Je n'insistai pas. Il me montra ensuite votre lettre au citoyen Talleyrand, que vous avez chargé de rendre compte des évènements d'Égypte au grand-seigneur, de donner le détail du combat d'Abouqyr, et de dire qu'il nous restait 32 vaisseaux dans la Méditerranée. Il scruta avec ironie le nombre de ceux que nous y avons encore, et ajouta : — M. de Talleyrand n'est point arrivé a Constantinople ; et puis il n'y aurait plus trouvé vos bons amis, le grand-vizir et le reis-effendi. Ils ont été chassés et déportés. — Il s'arrêta. Je feignis de n'avoir point fait attention. Il me parla de l'escadre russe commandée par l'amiral Okzakoff. — Où est-elle ? lui demandai-je. — A l'entrée du golfe de Venise ; elle attaquera bientôt vos îles. —Nous ne pouvons croire à l'existence d'une escadre russe dans la Méditerranée. Vous devriez, dans l'intérêt de la coalition, lui conseiller de se montrer, la faire paraître. — Mais, répondit M. Lallowell, d'un air presque piqué, vous avez déjà vu deux de ses frégates ; si elle ne tient pas des forces plus considérables dans ces eaux, c'est que cela n'entre pas dans son système d'opérations. — La conversation tomba sur quelques-uns des officiers de notre marine, sur le contre-amiral Villeneuve. — N'avez-vous pas pris quelques-uns des bâtiments qui raccompagnaient ? — Non ; l'Heureux, qui a été séparé par un coup de vent, a eu le bonheur de nous échapper et d'entrer à Corfou ; le reste est à Malte. — Et la Justice ? — Sans doute aussi. — J'ai un cousin à son bord. S'il eût été votre prisonnier, je vous aurais demandé la permission de lui faire passer quelques fonds. Il appartient à une famille riche. — Mais attendez, reprit-il maladroitement je me le rappelle à présent, la Justice ! elle a coulé à fond. Donnez-moi le nom, de votre parent. — Je lui donnai, sans balancer, un nom en l'air. M. Lallowell me parla aussi d'une lettre interceptée qui venait de Toulon et, vous était adressée. Elle annonçait le départ d'un convoi ; il doit mettre à la voile dès que les Anglais ne croiseront plus devant le port. Mais Nelson est là. Il m'assura que quelques-unes de vos dépêches avaient été interceptées par les Turcs ; et prétendit qu'Ibrahim-Aga n'était qu'un domestique déguisé, que Hassan-Bey l'avait dit. — Le général Bonaparte, lui répondis-je, n'envoie sous des pavillons parlementaires que des hommes revêtus d'un caractère public ; Ibrahim-Aga est connu, et faisait partie de la suite du pacha du Kaire. Je lui parlai de leurs relations avec les Arabes. Je lui appris que les cheyks d'Edkoû et d'Atfeïneh[16] étaient fusillés. J'ajoutai que vous saviez parfaitement que l'intendant d'Ibrahim-Bey était passé de leur bord en Syrie. Il soutint avec la plus grande affectation que ce fait était faux, et que la flotte n'avait point de relations avec les Arabes ; je recueillis presque aussitôt des preuves du contraire. Il me parla de la jonction de 50.000 Grecs. Je n'eus garde de le détromper. Je lui dis qu''en effet ils s'étaient réunis à nous, et se formaient en troupes[17]. Alors arriva Hassan-Bey. Il était suivi d'un Turc qui, dévoué aux Anglais, paraît joindre l'âme la plus féroce au caractère d'ennemi mortel des Français. M. Lallowell parut étonné de la présence du bey. Nous continuâmes de nous promener en causant. Muhammed s'approcha d'Hassan, attendit quelques minutes, et, nous interrompant tout-à-coup, tira sa lettre de sa poche, et me demanda s'il fallait la remettre. M. Lallowell, surpris, s'arrêta et fixa le bey. — Non, répondis-je à Muhammed, vous ne la remettrez qu'en présence de M. le commodore Hood. Vous voyez, monsieur, dis-je à M. Lallowell, qu'il ne dépend que de la volonté de M. Hood que Hassan la reçoive. Il me demanda la permission de sortir, et appela le bey. Je n'avais pas l'air de faire attention à ce qui se passait. Hassan-Bey revint, me parla de la guerre que la Sublime-Porte nous a déclarée, et me dit que l'Angleterre et la Russie allaient conjointement nous attaquer. Je lui dis en italien : Croyez-vous que la Porte s'unisse jamais à la Russie, son ennemie naturelle, et qui ne cherche qu'à s'agrandir a ses dépens ? Je lui répétai que vous aviez de fréquentes correspondances par la Syrie avec Constantinople, et que le grand-seigneur ne l'ignorait pas. Le Turc, qui l'accompagne, me dit alors, avec l'accent de la férocité, qu'à Rhodes 146 Français avaient été chargés de fers, et que cette mesure avait été suivie dans tous les pachalies. — Elle sera un jour désavouée par le grand-seigneur. Au reste, ajoutai-je, qu'Hassan-Bey sache qu'en Égypte la religion est respectée, les mosquées consacrées, les Arabes repoussés. Qu'il lise la proclamation du divan, et il reconnaîtra dans les Français les alliés de la Sublime-Porte. — Je lui remis alors une proclamation, mais il la prit sans la lire. M. Lallowell me proposa de parcourir son vaisseau. J'acceptai. Un émigré français, employé comme pilote, m'aborda dans la première batterie, parut vivement regretter son pays, et me demanda, s'il était vrai que 50.000 Grecs se fussent réunis à nous. Il ajouta, mais plus bas, que les Arabes qui se rendaient à bord tous les jours, faisaient mille contes absurdes ; qu'on commençait à ne plus les croire, et qu'on n'en était pas content. Il me dit qu'il y avait 11 prisonniers français à bord. Je témoignai le désir de les voir ; ce sont des soldats de la 4e légère. Je leur demandai s'ils étaient bien. — Nous n'avons qu'une demi-ration, me répondirent-ils. — Un officier s'avança précipitamment et me dit : L'équipage lui-même n'a que la demi-ration, je vous assure. — Je le crois, monsieur, lui répliquai-je, nous partageons toujours avec nos prisonniers. Le vaisseau du commodore Hood était encore très-loin. M. Lallowell fit servir à dîner. Il avait plus de laisser aller ; il me parla de la paix, de l'ambition de notre gouvernement ; et finit par ces mots : C'est vous qui ne voulez pas la paix. Je lui rappelai, quoique assez légèrement, que, vainqueurs des puissances continentales, c'était toujours nous qui l'avions offerte ; que dernièrement encore, maître de la Styrie, de la Carniole et de la Carinthie, vous fîtes envers le prince Charles une démarche pleine de loyauté et de franchise, en lui écrivant cette lettre que je lui récitai toute entière. Eh bien, soit ! dit M. Lallowell, sur lequel cette lettre avait fait effet : A une paix honorable pour les deux nations ! A 5 heures, nous nous embarquâmes, M. Lallowell, Hassan-Bey et moi, pour nous rendre à bord de M. Hood. Nous y arrivâmes à 8 heures du soir. Il me reçut plus froidement encore que ne l'avait fait d'abord M. Lallowell ; il me fit entrer, sortit, et causa longtemps avec ce capitaine et le bey. Il rentra ; je lui dis : Vous savez, M. le commodore le sujet de ma mission près de vous. —Oui ; mais Hassan-Bey ne recevra pas la lettre de M. Bonaparte. — Cependant il l'eut reçue ce matin, si vous l'aviez permis. — J'appuyai fortement sur ce mot. — Eh bien ! que ce Turc la présente, il la recevra ou ne la recevra pas, il est parfaitement libre. — Muhammed la présenta. Hassan-Bey la reçut et l'ouvrit. L'interprète anglais s'approcha ; ils la lurent ; sourirent ironiquement à diverses reprises ; M. Hood affectait aussi de rire. — J'ai été très-étonné, me dit-il, du Turc que le général m'a envoyé sous le pavillon parlementaire turc. Vous doutez donc de la déclaration de guerre que vous a faite la Porte ? Eli bien, je vous donne ma parole d'honneur qu'elle est réelle. Et M. Bonaparte que fait-il ? — Il est parti pour Suez après avoir reçu un courrier de cette ville ; il a conclu un traité d'alliance avec les Arabes du Mont-Sinaï et les princes du Mont-Liban. J'avais déjà parlé légèrement de l'arrivée à Suez de vaisseaux et de bâtiments de transport à quelques officiers. Je demandai ensuite à M. Hood, s'il y avait longtemps qu'il n'avait reçu des nouvelles d'Europe. — Depuis plus de sept semaines ; j'en attends tous les jours ; je m'empresserai de faire passer les journaux à M. Bonaparte. Le général Manscourt m'a fait demander ses lettres par un parlementaire très-aimable, ajouta-t-il en riant. Je transmettrai celles qui seront indifférentes, je vous en donne ma parole. Je ferai même passer un mot en France ou en Italie. — Oh ! vous êtes bien bon, repris-je précipitamment ; c'est inutile. Depuis le commencement de septembre, tous les cinq ou six jours, il part un badinent pour France. Déjà plusieurs officiers et aides-de-camp du général en chef ont été expédiés. — Oui ! — Assurément ; vous devez en avoir pris beaucoup. Avez-vous pris le frère du général Bonaparte ? — Comment a le frère de M. Bonaparte ? — Oui. Il est parti d'Alexandrie, il y a 25 ou 30 jours. Il parut ne pas le croire ; je le lui confirmai. — Au surplus, il n'échappera pas aux croisières supérieures. — Il me demanda ensuite si j'étais venu d'Abouqyr, et si j'ignorais la lettre que lui avait écrite l'adjudant-général Lescale. Il me la communiqua. Elle pouvait être mieux. — Mon intention, continua M. Hood, est de me conduire envers vous comme votre nation se conduira envers nous. Vous voyez que j'eusse pu ne pas vous recevoir. Je suis même étonné que M. Lallowell vous ait permis de vous rendre à son bord venant d'Abouqyr. — Je lui répondis que j'étais parti de Rosette, mais que la barre du Nil étant trop forte, j'avais été obligé de venir par Abouqyr. Qu'au reste, il pouvait être dangereux pour nous que des parlementaires pénétrassent dans un fort et dans un poste dont ils pourraient reconnaître la position, tandis qu'il n'était de nulle conséquence pour eux qu'un parlementai ré vint de tel ou tel point, se rendît à tel ou tel bord. — En vous envoyant des lettres, reprit M. Hood, je ne suivrai pas l'exemple de votre gouvernement qui vient d'ordonner que toutes les lettres adressées à des, Anglais, et prises sur quelque bâtiment que ce soit, soient portées en France. Vous faites la guerre comme on ne la fit jamais ; nous la ferons comme vous ; nous vous imiterons, de quelque manière que vous agissiez. — Je crois, M. le commodore, lui ai-je répondu, que sur ce point nos deux gouvernements n'ont rien à se reprocher ; quant au général Bonaparte, sa manière de faire la guerre a toujours été branche, loyale, et réglée par l'humanité. Je lui racontai alors les attentions que vous eûtes pour le maréchal Wurmser, au siège de Mantoue ; que vous lui aviez envoyé toutes sortes de rafraîchissements pour ses malades, générosité qui avait fort étonné le vieux maréchal. Je lui parlai de l'humanité avec laquelle les deux nations belligérantes avaient mutuellement traité leurs prisonniers. J'ajoutai que je savais que votre intention était de fournir aux Anglais les choses qui leur seraient agréables, et qui pourraient leur manquer. M. Hood parut surpris de cette politesse, remercia, et me dit qu'il ne manquait de rien. Je continuai en lui disant que vous désiriez que le premier parlementaire qu'il enverrait fût adressé à Rosette. — Mais, dit-il, en m'interrompant, il me paraît plus simple de l'envoyer à Alexandrie. —Le général désire que vous ayez la complaisance de le faire venir à Rosette ; les ordres sont donnés pour que, de là, il soit introduit au Kaire. Dans ce cas, le général désire que vous choisissiez quelqu'un qui soit intelligent, et qui ait votre confiance. — Eh bien, soit ! je suivrai cette marche. Je saisis cette occasion pour offrira un ministre protestant qui venait de témoigner un vif désir de voir les pyramides, de venir avec moi ; je lui dis que je le ramènerais. Dans ce moment, l'interprète anglais s'approcha de M. Hood, lui traduisit votre lettre à Hassan-Bey. Le commodore feignit de rire aux éclats. L'interprète revint à moi et me dit : Hassan-Bey a pris un brick français et a mis l'équipage aux fers. Il ne le rendra pas, et en usera de même avec tout ce qui appartient à la nation française. — Mohammed étant porteur de la lettre, lui dis-je, c'est à lui que doit s'adresser la réponse. — Hassan-Bey n'en fera ni verbalement ni par écrit. — M. Lallowell m'avertit que le canot était prêt. Je pris congé de M. Hood qui me chargea de vous faire ses compliments. Dans la traversée, M. Lallowell me dit : — Vous devez avoir eu un combat près du Kaire, il y a trois jours. — Avec qui ? lui répondis-je ; Mourad-Bey vient d'être battu par le général Desaix. — Je le sais ; mais vous verrez. Il ajouta qu'un Turc que j'avais vu à bord de M. Hood était un envoyé du grand-seigneur. Il était chargé de distribuer des présents et de prendre avec l'amiral de grandes mesures. M. Hood ne m'en a pas parlé : cela n'a pas même l'apparence de la vérité. En général, malgré les amitiés ostensibles et affectées qu'ils s'efforçaient de faire au vieux pacha de Rhodes et à sa suite, les Anglais ne m'ont pas paru sympathiser avec eux ; je les crois surtout très-mécontents des Arabes. M. Lallowell me disait qu'un jour Hassan-Bey lui avait témoigné combien il était étonné de voir les communications sociales des parlementaires français et anglais ; chez eux, de pareils envoyés courraient risque de perdre la vie. M. Lallowell ne put s'empêcher de lui répondre : Nous ne sommes pas des barbares. Nous arrivâmes à bord du Swiftshure à minuit. Il était dangereux de partir à cette heure, à cause des canots de ronde. J'acceptai un lit que M. Lallowell me fit tendre dans sa chambre. Je le quittai le lendemain matin. Un officier me dit que l'amiral Nelson était attendu. Je demandai ce qui en était à M. Lallowell qui m'affirma le contraire. Ce qu'a dit le premier me parut une indiscrétion. Vous avez jugé, mon général, de l'effet qu'a produit le dernier parlementaire du général Manscourt ; vous savez encore qu'il se disposait a y en envoyer un nouveau. Le dernier eut, à ce qu'il paraît, un mouvement de vivacité avec M. Hood. C'est sur de tels hommes qu'on juge de la nation et de l'esprit de l'armée. Je ne puis vous dissimuler aussi que l'officier de marine qui m'accompagnait m'a forcé vingt fois de rougir pour lui, et qu'embarrassé souvent, j'ai dû m'efforcer de réparer ses indiscrétions. Je dois aussi vous dire, mon général, que l'armement de la division, qui s'effectue avec activité, n'est déjà plus un secret. Alexandrie doit fixer vos regards et votre attention. Les Anglais paraissent trop bien instruits de ce qui s'y passe. Bonaparte écrivit de nouveau à Djezzar-Pacha[18] : Je ne veux pas vous faire la guerre, si vous n'êtes pas mon ennemi ; mais il est temps que vous vous expliquiez. Si vous continuez à donner refuge à Ibrahim-Bey et à le garder sur les frontières de l'Égypte, je regarderai cela comme une hostilité et j'irai à Acre. Si vous voulez vivre en paix avec moi, vous éloignerez Ibrahim-Bey à 40 lieues des frontières, et vous laisserez libre le commerce de Damiette et de la Syrie. Alors je, vous promets de lui laisser liberté, entière, soit par terre, soit par mer. Cette lettre fut portée par le jeune Mailly de Châteaurenaud, à Djezzar, qui, pour toute réponse, le fit prisonnier et se prépara à la guerre[19]. Ce pacha écrivit à la Porte[20] : Bonaparte — que Dieu veuille le
précipiter dans l'abîme — m'a adressé une lettre dans laquelle il dit qu'il a
appris que je faisais de grands préparatifs ? et me demande si cet armement
est destina contre lui ; que dans ce cas, il veut venir me chercher lui-même
dans mon gouvernement, et me traiter comme je le mérite. Je lui ai aussitôt
répondu comme il convenait, savoir : que ces préparatifs étaient entièrement
dirigés contre les infidèles, et qu'il pouvait, sans s'incommoder y
m'attendre au Kaire où je devais arriver sous peu, et où Dieu déciderait
entre lui et le grand-seigneur, dont le Tout-Puissant veuille aiguiser le
glaive et le fasse tomber sur la tête de ses ennemis. Le général Manscourt, que Bonaparte avait envoyé à Alexandrie, à la fin de thermidor, pour étudier le pays, afin de remplacer Kléber, lui avait succédé dans le commandement d'Alexandrie ; mais il n'y resta pas longtemps. On a imputé à Marmont d'avoir, de concert avec Menou, desservi ce général pour avoir sa place[21] ; cependant Bonaparte écrivit à Marmont[22] : Je fais venir le général Manscourt au Kaire, parce que j'ai appris que, le 24 brumaire, il avait envoyé un parlementaire aux Anglais, sans m'en rendre compte, et que d'ailleurs sa lettre à l'amiral anglais n'était pas digne de la nation. Marmont remplaça Manscourt ; en le lui annonçant, Bonaparte lui mandait : Je vous répète ici l'ordre que j'ai donné de ne pas envoyer de parlementaire aux Anglais sans mon autorisation. Qu'on ne leur demande rien ! J'ai accoutumé les officiers que je commande à accorder des grâces et non à en recevoir. J'ai appris que les Anglais avaient fait quatorze prisonniers à la 4e d'infanterie légère ; il est extrêmement surprenant que je n'en n'aye rien su. Secouez les administrations, mettez de l'ordre dans cette grande garnison d'Alexandrie, et faites qu'on s'aperçoive du changement de commandant. Écrivez-moi souvent et dans le plus grand détail. Je savais depuis trois jours la nouvelle que vous m'avez écrite des lettres venues de Saint-Jean-d'Acre. Renvoyez d'Alexandrie tous les hommes isolés. Ayez soin que personne ne s'en aille sans avoir un passeport en règle ; que ceux qui s'en vont n'emmènent point de domestiques avec eux, surtout d'hommes ayant moins de trente ans, et qu'ils n'emportent point de fusils[23]. Le général en chef avait enfin réglé les comptes avec les bâtiments du convoi et consenti à leur départ ; mais il ordonna d'envoyer au Kaire tous les matelots âgés de moins de 25 ans qui étaient à bord, de quelque nation qu'ils fussent. Cette me. sure avait deux motifs : le premier, de réparer en partie les pertes qu'avait faites l'armée ; le second, d'intéresser à l'expédition un grand nombre de marins de nations différentes, lesquelles par-là se trouveraient portées à donner des nouvelles et ce qui était nécessaire à l'armée. Bonaparte avait calculé qu'il obtiendrait ainsi au moins cinq à six cents hommes ; mais ses ordres avaient été mal exécutés. Il s'en plaignit à Marmont, et lui ordonna de se concerter avec le chef de division Dumanoir, pour que, dans le plus court délai, tous les jeunes matelots italiens, français, espagnols, etc., fussent envoyés à Boulaq. Il lui fallait 800 hommes. Si on ne trouvait pas ce nombre au-dessous de vingt-cinq ans, on le compléterait avec les matelots qui s'en éloignaient le moins[24]. Bonaparte transmit à Marmont l'ordre de faire arrêta un individu appartenant à l'administration de la marine, de convoquer ensuite les administrateurs, de leur dire que le général en chef recevait, de toutes parts, des plaintes sur leur conduite ; qu'ils ne secondaient en rien l'ordonnateur Leroy ; qu'il punirait les lâches avec d'autant plus de sévérité, qu'un homme qui manquait de courage n'était pas Français[25]. Marmont chercha à se justifier relativement aux soldats de la 4e demi-brigade faits prisonniers par les Anglais. Mais Bonaparte lui répondit : Il est toujours plus important de rendre compte d'une mauvaise nouvelle que d'une bonne, et c'est vraiment une faute que vous avez faite. Il donna l'ordre d'envoyer au Kaire la légion nautique pour l'habiller et l'organiser, afin qu'elle pût retourner à Alexandrie, si les circonstances l'exigeaient et servir utilement, de désarmer une galère sur laquelle 4 ou 500 hommes mangeaient beaucoup et n'étaient pas en état de se rendre utiles les armes à la main ; d'envoyer au Kaire tous les hommes inutiles ; de débarrasser, au plutôt, Alexandrie des pèlerins, par terre ou par mer ; d'envoyer à Rosette les djermes, chaloupes et petits bâtiments qui pourraient passer la barre, afin d'y charger, pour Alexandrie, du riz, de l'orge et autres grains, cent mille quintaux de blé, deux mille quintaux de farine, et cent mille rations de biscuit qu'il expédiait du Kaire ; de prendre toutes les mesures pour que ces objets ne fussent pas dilapidés[26]. Certain que la Porte avait déclaré la guerre à la France, et ne pouvant réussir à ouvrir une négociation avec le commandant turc qui était devant Alexandrie, Bonaparte continua de faire des tentatives directes à Constantinople, et profita de la caravelle turque qui était à Alexandrie depuis plus d'un mois. Il avait écrit au commandant de se tenir prêt à partir, et qu'il lui donnerait des dépêches pour la Porte. Il mit à son départ ces conditions : 1° Qu'il laisserait en otages ses deux enfants et l'officier de la caravelle, son plus proche parent, pour répondre du citoyen Beauchamp qui allait s'embarquer à son bord, pour se rendre à Constantinople. 2° Qu'il passerait devant l'île de Chypre, et ferait entendre au pacha que Bonaparte n'était pas en guerre avec la Porte, et qu'il envoyât en Égypte le consul et les Français qui étaient dans l'île ; qu'il les ferait embarquer devant lui sur une djerme pour se rendre à Damiette ; que, pour répondre du consul et des Français, il laisserait a Alexandrie un officier et dix hommes, lesquels seraient envoyés à Damiette et embarqués sur le même bâtiment qui y aurait amené les Français, de Chypre. 3° Qu'il sortirait du port d'Alexandrie de nuit, et qu''il éviterait Rhodes, afin d'échapper aux Anglais. 4° Qu'après que le citoyen Beauchamp aurait causé avec le grand-vizir, à Constantinople, le commandant se chargerait de le faire revenir à Damiette, et que, sur le même bâtiment qui le ramènerait, on embarquerait les enfants du commandant et l'officier laissés en otages. Pour faire cette communication au commandant de la caravelle, Marmont était chargé de l'inviter à une conférence où il amènerait ses enfants et les otages désignés, de dresser de leurs conventions un procès-verbal en turc et en français, qu'ils signeraient tous les deux, dont ils garderaient chacun une copie, et d'en envoyer l'original au général en chef ; de tenir cet entretien et la mission de Beauchamp parfaitement secrets ; d'empêcher que le commandant n'eût, le reste de la journée, aucune espèce de communication avec personne, et de le faire partir dans la nuit, de manière que le lendemain, à la pointe du jour, les gens du pays fussent tout étonnés de ne plus voir la caravelle[27]. Telles étaient les instructions de Beauchamp : d'aborder à Chypre, de demander au pacha, de concert avec le commandant de la caravelle, qu'on envoyât à Damiette le consul et les Français arrêtés dans cette île ; d'y prendre tous les renseignements possibles sur la situation actuelle de la Syrie, sur une escadre russe que l'on disait être dans la Méditerranée, sur les bâtiments anglais qui y auraient paru ou qui y seraient constamment en croisière, sur Corfou, sur Constantinople, sur Passwan-Oglou, sur l'escadre turque, sur la flottille de Rhodes, commandée par Hassan-Bey, qui avait été pendant un mois devant Abouqyr, sur les raisons qui empêchaient qu'on n'apportât du vin à Damiette, enfin sur les bruits qui seraient parvenus jusqu'à ce pays-là relativement à l'Europe ; D'expédier toutes ces nouvelles avec les Français, si on les relâchait, sur un petit bâtiment qui viendrait à Damiette, ou s'il ne voyait pas de, possibilité à obtenir leur liberté, d'expédier un petit bateau avec un homme de la caravelle pour porter ses lettres au général en chef, et sous le prétexte de lui mander que le capitaine de la caravelle ayant fait tout ce qu'il avait pu, on relâchât les matelots de la caravelle ; A toutes les stations que le temps ou les circonstances feraient faire dans les différentes échelles du Levant, d'expédier des nouvelles par de petite bâtiments envoyés exprès à Damiette, et qui seraient largement récompensés ; Arrivé à Constantinople, de faire connaître au ministre de France la situation de l'armée en Égypte, de demander, d'accord avec lui, que les Français arrêtés en Syrie fussent mis en liberté, leur arrestation formant un contraste avec la conduite de la France ; De faire savoir à la Porte que les Français voulaient être ses amis ; que leur expédition d'Égypte avait eu pour but de punir les Mamlouks, les Anglais, et d'empêcher le partage de l'empire ottoman que les deux empereurs avaient arrêté ; qu'on . lui prêterait secours contre eux, si elle le croyait nécessaire, et de demander impérieusement et avec beaucoup de fierté qu'on relâchât tous les Français qu'on avait arrêtés ; qu'autrement cela serait regardé comme une déclaration de guerre ; que le général en chef avait écrit plusieurs fois au grand-vizir sans en avoir reçu de réponse ; et qu'enfin la Porte pouvait choisir et voir en lui, ou un ami capable de la faire triompher de tous ses ennemis, ou un ennemi aussi redoutable qu'elle. Si le ministre de France était arrêté, de faire e tous ses efforts pour pouvoir causer avec des Européens ; de revenir en apportant toutes les nouvelles qu'il pourrait recueillir sur la position actuelle de la politique de cet empire ; D'avoir soin de se procurer tous les journaux, depuis messidor, en quelque langue qu'ils fussent. Si jamais on lui faisait la question : les Français consentiront-ils à quitter l'Égypte ? de répondre : pourquoi pas ? pourvu que les deux empereurs fissent finir la révolte de Passwan-Oglou, et abandonnassent le projet de partager la Turquie européenne ; que, quant a la France, elle ferait tout ce qui pourrait être favorable à l'empire ottoman, et le mettre à l'abri de ses ennemis ; mais que le préliminaire à toute négociation, comme a tout accommodement j était un firman qui fit relâcher les Français, partout où on les avait arrêtés, surtout en Syrie ; De dire et de faire tout ce qui pourrait convenir pour obtenir cet élargissement ; de déclarer que, dans le cas contraire, il ne répondait pas que le général en chef n'envahît la Syrie ; et dans le cas où on voudrait le retenir, que, si sous tant de jours, le général en chef ne le voyait pas revenir, il pourrait se porter à une invasion. Enfin, le but de sa mission était d'arriver à Constantinople, d'y demeurer, de voir le ministre de France sept à huit jours, et de retourner avec des notions exactes sur la position actuelle de la politique et de la guerre de l'empire ottoman. Il lui était recommandé d'expédier de Constantinople une estafette à Paris, par Vienne, avec tous les renseignements qui pourraient être nécessaires au gouvernement, et de lui faire passer des relations et imprimés de l'armée d'Égypte ; Si la Porte n'avait point déclaré la guerre, de paraître à Constantinople comme pour demander qu'on relâchât le consul français, et qu'on laissât libre le commerce entre l'Égypte et l'empire ottoman ; Si la porte avait déclaré la guerre et fait arrêter le ministre, de lui dire que le général en chef lui renvoyait sa caravelle, comme une preuve du désir qu'avait le gouvernement français de voir se renouveler la bonne intelligence entre les deux Etats ; De faire enfin plusieurs notes pour détruire ce que l'Angleterre et la Russie pourraient avoir imaginé contre la France, et de revenir[28]. Le général en chef remit à Beauchamp les deux lettres suivantes : Au grand-vizir, J'ai écrit plusieurs fois à votre excellence pour lui faire connaître les intentions du gouvernement français, de continuer à vivre en bonne intelligence avec la Sublime-Porte. Je prends aujourd'hui le parti de vous en donner une nouvelle preuve, en vous expédiant la caravelle du grand-seigneur, et le citoyen Beauchamp, consul de la République, homme d'un grand mérite et qui a entièrement ma confiance. Il fera connaître à votre excellence que la Porte n'a point de plus véritable amie que la République Française, comme elle n'aurait point d'ennemi plus redoutable, si les intrigues des ennemis de la France parvenaient à avoir le dessus à Constantinople, ce que je ne pense pas, connaissant la sagesse et les lumières de votre excellence. Je désire que votre excellence retienne le citoyen Beauchamp à Constantinople le moins de temps possible, et me le renvoye, pour me faire connaître les intentions de la Porte. Je prie votre excellence de croire aux sentiments d'estime et à la haute considération que j'ai pour elle. Au citoyen Talleyrand, ambassadeur à Constantinople. Je vous ai écrit plusieurs fois, citoyen ministre ; j'ignore si mes lettres vous sont parvenues ; je n'en ai point reçu de vous. J'expédie à Constantinople le citoyen Beauchamp, consul à Mascate, pour vous faire connaître notre position, qui est extrêmement satisfaisante, et pour, de concert avec vous, demander qu'on mette en liberté tous les Français arrêtés dans les échelles du Levant, et détruire les intrigues de la Russie et de l'Angleterre. Le citoyen Beauchamp vous donnera de vive voix tous les détails et toutes les nouvelles qui pourraient vous intéresser. Je désire qu'il ne reste à Constantinople que sept à huit jours[29]. Beauchamp fut enlevé par les Anglais, et livré à la Porte comme espion. Ce savant astronome, alors consul à Mascate, n'échappa à la mort que par l'intercession de quelques personnages diplomatiques. Il fut détenu dans un château fort, sur les bords de la Mer-Noire, et ne recouvra sa liberté, en 1801, que pour venir mourir à Nice, au moment où il allait rentrer dans sa patrie. Ainsi, à cette époque (21 frimaire an 7), Bonaparte était encore dans la persuasion que, suivant ce qu'il avait été convenu entre lui et le Directoire, un ambassadeur avait été envoyé à Constantinople, et que cet ambassadeur était Talleyrand. Mais toutes ces illusions ne durèrent pas longtemps ; et à compter aussi de cette époque Bonaparte renonça à toute négociation qui aurait pu avoir pour objet de prévenir une rupture de la part de la Porte. Jetons un coup-d'œil sur la situation politique de la France envers cette puissance, et sur les causes qui l'entraînèrent à la guerre. Nous avons dit que Bonaparte était parti pour l'expédition, dans la confiance que Talleyrand irait, comme ambassadeur, à Constantinople ; mais que ce ministre s'était déchargé de cette mission sur Descorches. A la nouvelle de l'entrée de l'armée française au Kaire, le Directoire l'annonça par un message au Corps législatif (28 fructidor). La nation française, y était-il dit, la Porte ottomane elle-même, et les peuples opprimés de ce pays superbe et malheureux ont enfin des vengeurs. Cet événement mémorable était entrevu par un petit nombre d'hommes à qui les idées glorieusement utiles sont familières ; mais on s'était trop occupé à le ranger parmi les idées chimériques. Il était réservé à la France-République de réaliser ce nouveau prodige. Le Directoire retraçait les causes qui avaient préparé cette expédition et qui devaient en consacrer le succès. D'abord les odieuses vexations dont les beys et leurs Mamlouks, ces esclaves dominateurs de l'Égypte, accablaient, à l'instigation de l'Angleterre, depuis près de 40 ans, mais surtout depuis que la France s'était constituée en république, les Français établis dans ces contrées sur la foi des traités passés avec la Porte. Les vaines réclamations faites par la France auprès de la Porte pour réprimer ces insultes et ces excès ne laissaient pas d'autre ressource à la France que de se rendre justice elle-même et par ses armes. Répondant d'avance à l'objection qu'aucune déclaration de
guerre n'avait précédé cette expédition : à qui donc
eût-elle été faite ? demandait le Directoire. A la Porte ottomane ? Nous
étions loin de vouloir attaquer cette ancienne alliée de la France, et de lui
imputer une oppression dont elle était la première victime : au gouvernement
isolé des beys ? Une telle autorité n'était et ne pouvait pas être reconnue.
On châtie des brigands, on ne leur déclare pas la guerre. Et aussi, en
attaquant les beys, n'était-ce donc pas l'Angleterre que nous allions
réellement combattre ? C'est donc avec surabondance de droit que la République s'est mise en position d'obtenir promptement les immenses réparations qui lui étaient dues par les usurpateurs de l'Égypte. Mais elle ne voulait point n'avoir vaincu que pour elle-même : l'Égypte était opprimée par des brigands ; les Égyptiens seront vengés, et le cultivateur de ces fécondes contrées, jouira enfin du produit de ses sueurs, qu'on lui ravissait avec la plus stupide barbarie : l'autorité de la Porte était entièrement méconnue ; elle recueillera, par les mains triomphantes des Français, d'immenses avantages dont elle était privée depuis longtemps. Enfin, pour le bien-être du monde entier, l'Égypte deviendra le pays de l'univers le plus riche en productions, le centre d'un commerce immense, et surtout le poste le plus redoutable contre l'odieuse puissance des Anglais dans l'Inde, et leur commerce usurpateur. Sur la motion de Chénier, le conseil des Cinq-Cents déclara que l'armée française, victorieuse en Égypte, avait bien mérité de la patrie. Il était notoire que, depuis longtemps, les cabinets de Londres et de Pétersbourg travaillaient à entraîner la Porte dans une coalition contre la France, et que ces trois puissances traitaient d'une alliance offensive et défensive. Lorsqu'on apprit, à Chypre, la prise d'Alexandrie, des courriers furent expédiés par la Caramanie pour en informer la Porte. Les Turcs s'armèrent dans les villes et dans les campagnes, les Français furent menacés. Dans la crainte d'une rupture, ils songeaient au moyen de fuir, car le moins qui pût leur arriver, était d'être arrêtés, et traînés en esclavage. La nouvelle de la victoire remportée à Abouqyr par Nelson, dissipa les hésitations du divan. Du 11 au 14 fructidor (du 28 au 31 août), la Porte déclara la guerre à la France, fit emprisonner les Français, déposa, comme leurs amis, le vizir, le reis-effendi et le capitan-pacha, ordonna la formation d'une armée pour reconquérir l'Égypte, invita la flotte russe à se joindre à la sienne, et envoya de riches présents à l'amiral anglais. Qu'avait fait le Directoire exécutif pour prévenir ce funeste résultat ? Par son chargé d'affaires Ruffin, il avait fait connaître à la Porte le but de l'expédition, et annoncé l'envoi d'un ambassadeur pour s'entendre avec elle. Était-ce assez pour balancer l'influence des Russes et des Anglais ? Par ces communications lointaines, par d'e vagues promesses, pouvait-on espérer de déjouer les intrigues et les efforts de deux grandes puissances, dont les agents assiégeaient le divan de leurs offres et de leurs menaces ? En leur laissant le champ libre, le Directoire trahit l'armée d'Orient, et commit une faute grossière, une faute irréparable. Quelle fut, après la déclaration de guerre de la Porte, la conduite du Directoire ? Il fit le généreux, il donna a l'ambassadeur turc l'assurance qu'il continuerait à jouir de tous les égards dus à son caractère. Il y eut entre lui et le ministre Talleyrand de longues conférences. Il fit partir Descorches pour Constantinople, le 25 vendémiaire an 7, quatre mois après le départ de l'expédition, trois mois après l'invasion de l'Égypte, plus de 40 jours après que la Porte avait déclaré la guerre ! Il annonçait dans ses journaux les conférences tenues à Paris, et l'envoi tardif d'un ambassadeur, comme une preuve des sentiments pacifiques qu'il n'avait cessé d'avoir et qu'il conservait toujours. Répondant au manifeste de la Porte, la Cour ottomane, disait le Directoire, n'ignorait pas les vues du gouvernement français. Elle avait chargé son ambassadeur à Paris d'en conférer avec le Directoire. Elle en avait conféré elle-même avec Ruffin, son chargé d'affaires. L'objet de l'expédition ne lui avait point été caché. La Porte avait su que Bonaparte devait s'emparer de Malte. Ali-Essendi, son ambassadeur, lui avait écrit qu'il était instruit par le ministre des relations extérieures du projet de destruction de cet ordre, événement avantageux pour tous les musulmans. Ruffin avait remis officiellement copie des lettres dans lesquelles le Directoire lui communiquait que Bonaparte avait ordre de se rendre en Égypte ; que cette expédition avait pour objet de punir les beys, de retirer des avantages commerciaux, et de faire du tort à l'Angleterre. Ces faits étaient avoués par le manifeste de la Porte, et répondaient au reproche d'avoir inopinément envahi l'Égypte ; mais il n en résultait pas que la Porte y eut consenti. D'ailleurs, les communications de Ruffin n'avaient probablement été faites que lorsqu'il n'y avait plus a craindre qu'elles ne suscitassent des obstacles à l'expédition. Les Turcs sacrifiaient, il est vrai, leurs véritables intérêts a des considérations du moment ; car il est hors de doute que, pour conserver la paix, la France leur eut concédé des avantages ne pouvaient espérer de trouver dans leur nouvelle alliance. Mais toutes discussions, toutes tentatives de négociations étaient désormais superflues ; la France et le Directoire ne tardèrent pas à s'en convaincre. Subjuguée par l'Angleterre et la Russie, la Porte rejeta toutes les avances, et Descorches ne put pas même arriver à Constantinople. Le Directoire fut donc obligé de repousser les hostilités, et de prendre des mesures de représailles contre la Turquie et les puissances barbaresques. |
[1] Lettre du 29 thermidor an VI (16 août).
[2] Lettre du 18 fructidor (4 septembre).
[3] Lettre du 18 fructidor (4 septembre).
[4] Ordre du jour du 28 vendémiaire an VII.
[5] Lettre à Marmont, du 9 brumaire.
[6] Lettre à Marmont, du 14 brumaire.
[7] Lettre de Bonaparte au Directoire, du 26 brumaire.
[8] Lettre du 3 frimaire.
[9] Le pacha d'Égypte, Mehemet-Aly, a réalisé ce projet. Le canal a été fait ; 300.000 Égyptiens y ont travaillé ; 40.000 y sont morts.
[10] Lettres de Bonaparte à Bracewich et au général commandant à Alexandrie, du 9 brumaire an VII.
[11] Ancien officier d'artillerie, de la plus grande distinction, tué devant Acre.
[12] Lettre du 19 brumaire (9 novembre).
[13] Lettre du 21 brumaire.
[14] Petit-fils de M. de Guibert, ancien gouverneur des Invalides, il était âgé de 20 ans au plus, et était venu de Rome avec Monge.
[15] Lettre de Bonaparte, du 26 brumaire.
[16] Villages de la province de Rosette.
[17] Les notions des Anglais sur l'Égypte étaient si fausses, qu'après la bataille navale d'Abouqyr, Nelson, en renvoyant nos marins à Alexandrie, leur dit : Allez en Égypte y mourir de faim.
[18] Lettre du 29 brumaire.
[19] A l'arrivée des Français devant Acre, Djezzar lui fit couper la tête, la fit mettre avec son corps dans un sac et jeter à la mer. Minerve Mailly de Châteaurenaud, son frère aîné, ignorait cet événement ; il avait demandé à monter le premier à l'assaut. C'est un brevet de chef-d'escadron, lui dit d'Aure, — ou un extrait mortuaire, répondit Mailly. En effet, il fut tué à l'assaut.
[20]
Du moins cette lettre fut publiée dans les journaux. V. Moniteur, 6 germinal an VII.
[21] Antommarchi, tome I, page 175.
[22] Lettre du 9 frimaire.
[23] Lettre du 9 frimaire.
[24] Lettres des 15 et 18 frimaire.
[25] Lettre du 15 frimaire.
[26] Lettres à Marmont des 22 et 28 frimaire.
[27] Lettre à Marmont, du 21 frimaire.
[28] Instruction de Bonaparte, du 21 frimaire.
[29] Lettres du 21 frimaire.