HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

XI. — CORRESPONDANCE DES GÉNÉRAUX ET DES MINISTRES AVEC L'EMPEREUR D'AUTRICHE.

 

 

Le général Clairfayt aa comte de Metternich.

 

2 avril.

Je m'empresse de faire part à Votre Excellence que le général Dumouriez m'a écrit ce matin, en m'envoyant comme prisonniers quatre envoyés de l'Assemblée conventionnelle, le général Beurnonville et son aide de camp. Ils étaient envoyés pour l'arrêter et le conduire à la barre. ll m'écrit qu'ils l'auraient laissé assassiner en chemin il les a prévenus et fait saisir. Je les ai fait partir sous bonne escorte pour Mons, où est le prince de Cobourg, et j'ai fait mettre le scel sur leurs papiers.

Le général Dumouriez m'écrit qu'il partira demain avec son armée pour détruire ceux, qui s'opposent au bien général et rendre au royaume la paix et la tranquillité. Je m'empresse a faire part de cet événement intéressant à Votre Excellence, et je suis, etc.

CLERFAYT.

 

Le comte de Metternich au comte de Trautmannsdorff.

 

Bruxelles, 2 avril 1793.

Monsieur le comte,

La nouvelle que M. le comte de Clerfayt vient de me transmettre aujourd'hui par estafette est trop importante pour que je ne m'empresse point de la porter à l'instant même de sa réception à la connaissance de Son Excellence. Cet événement semble prouver ce que l'on m'avait déjà fait pressentir, que M. Dumouriez avait deux grands objets en vue de s'attacher à l'un ou à l'autre, d'après les circonstances dans lesquelles il se trouverait ; ou de régner sur la Belgique, le pays de Liège et la Hollande dans le cas où il parviendrait à consolider ses conquêtes ; ou d'opérer une contre-Révolution en France, s'il éprouvait des revers considérables, son désir ardent de jouer un grand rôle ne lui permettant point d'autre alternative. Mais, d'un autre côté, cette ambition bien prononcée de M. Dumouriez me paraît exiger la plus grande attention il serait dangereux, sans doute, de se relâcher sur les mesures sérieuses qui doivent seules assurer la tranquillité de l'Europe. Pour ce qui concerne ce pays-ci, l'enthousiasme, que l'on a montré au retour de nos troupes pour l'autorité légitime, se. soutient parfaitement, et je me propose de faire passer incessamment à la cour des détails fort intéressants sur cet état de choses.

Je suis, etc.

METTERNICH-WINNEBOURG.

 

Le prince de Cobourg à l'empereur François II.

 

Mons, 2avril 1793.

Au moment où Votre Majesté recevra ce rapport. Elle sera sans doute déjà informée, par le colonel Fischer et la relation du colonel Mack qu'on lui a remise, des grandes et importantes dispositions du général Dumouriez, si importantes pour la bonne cause[1].

Depuis lors, le colonel Mack a eu une nouvelle entrevue avec le général Dumouriez et ses compagnons les plus intimes, mais il les a trouvés aussi fermes et inébranlables qu'avant. On lui a dit que Dumouriez lancerait ces jours-ci, le plus tôt possible, une proclamation adressée à son armée, dans laquelle il peindrait, avec des couleurs convenables, la Convention nationale et toutes ses horreurs, et que par là il s'efforcerait de stimuler et d'enflammer encore davantage le courage des soldats, d'ailleurs déjà très-bien disposés pour la bonne cause.

Dumouriez apprit en même temps au colonel Mack que des commissaires envoyés par la Convention nationale étaient arrivés à Lille, pour lui retirer son commandement ; que ces commissaires ont l'intention d'en finir avec lui criminellement, en le faisant assassiner ou en l'emmenant à Paris mais que déjà il avait pris ses mesures pour faire arrêter ces commissaires et nous les livrer.

Par la lettre du général Dumouriez adressée au général Clerfayt, Votre Majesté verra que ce dernier événement a eu lieu en effet, et que le ministre de la guerre de Beurnonville se trouve parmi eux. Je les fais transporter tous sous bonne escorte à Maëstricht, et j'écris au gouverneur prince de Hesse de s'occuper du nécessaire.

On a notifié aujourd'hui l'armistice des deux côtés, et j'ai d'autant moins hésité à y consentir qu'il n'y a plus de doute que Dumouriez a réellement déclaré la guerre à la Convention nationale. D'ailleurs, mon armée, fatiguée et comptant à peine trente mille hommes, a sérieusement besoin de quelque repos. Pendant ce temps l'armée alliée prusso-hollando-anglo-hanovrienne se rapprochera de moi, et nous déciderons la suite des événements selon ce qui se passera en France. Du reste, d'ici à six ou huit semaines il m'est impossible de me procurer mon artillerie de siège, et cependant j'en ai absolument besoin.

Sous tous les rapports, la décision du général Dumouriez ne peut être qu'avantageuse pour la bonne cause, et c'est pour cela que j'ai fait tout au monde pour le fortifier dans son projet, et, s'il m'appelait à son aide et qu'il m'ouvrît les portes de la forteresse, je n'hésiterais naturellement pas un seul instant.

Mais encore, en ce qui touche les opérations de Sa Majesté le roi de Prusse, j'espère que tout cela aura l'effet désiré. Dumouriez ne négligera rien pour mettre le général Custine dans ses intérêts, et une dame qui a beaucoup d'influence sur lui et qui est déjà d'accord avec Dumouriez, partira demain ou après-demain pour se rendre auprès de Custine afin de le convertir. Si elle réussit, il y a tout lieu d'espérer qu'il rendra spontanément ses conquêtes. Dans le cas contraire, il faudra qu'il marche avec une partie de son armée .au moins contre Dumouriez, et alors la résistance à Mayence et dans les environs sera beaucoup moins opiniâtre. Mais, pour compléter ce concours heureux des événements, il faudrait que Sa Majesté le roi eût déjà passé le Rhin avec son armée, et qu'il eut commencé son mouvement sur Mayence.

COBOURG.

Mons, 2 avril 1793.

 

Le comte de Metternich à S. Ex. le comte de Trautmannsdorff.

 

Monsieur le comte,

Votre Excellence a été informée par ma dernière lettre de l'événement extraordinaire auquel la conduite de M. Dumouriez a donné lieu je m'empresse de l'informer de la suite qu'il a eue jusqu'à présent. L'armée française s'étant mise en marche sur Paris, M. Dumouriez, avec M. l'Égalité fils, s'était ménagé une entrevue à Boussu avec M. le prince de Cobourg, en présence de Son Altesse Royale, monseigneur l'Archiduc ; mais lorsque M. Dumouriez a voulu rejoindre son armée, il s'en est vu coupé par un détachement de gardes nationaux près de Condé ; ils l'obligèrent de regagner le territoire autrichien à Bury, après que son valet de chambre et un officier qui l'accompagnaient furent tués d'un coup de feu. M. Dumouriez-a cependant trouvé moyen de joindre la seconde colonne de son armée ; mais, s'étant aperçu qu'elle était partagée d'opinions, il s.'est déterminé à rentrer sur notre territoire en y attirant les troupes qui lui sont restées fidèles et dévouées à son nouveau système ; de manière que ce général, avec M. l'Égalité fils, qui a repris aujourd'hui le nom de duc de Chartres, se trouvent maintenant au corps d'armée de M. de Clerfayt renforcé par plusieurs régiments français qui arrivent en grand nombre ; M. le prince de Cobourg qui vient d'arriver à Mons m'a informé de ce nouvel état des choses ; et, comme M. le maréchal se rend encore aujourd'hui à Anvers pour assister à la conférence qui a lieu demain avec M. le stathouder, M. le duc d'York, l'ambassadeur d'Angleterre et le ministre de Prusse à La Haye, je n'ai que le temps de faire part à Votre Excellence du premier aperçu de cet événement, puisque M. le comte de Stahremberg m'a invité par courrier, au nom de M. le prince stathouder et des autres personnes qui se rendent à Anvers, d'assister aux conférences auxquelles se trouvera également M. de Valence, gênerai français. Vous pouvez aisément vous persuader, monsieur le comte, que la tranquillité et le salut de l'Europe vont dépendre du développement de cette crise ; il m'est difficile en ce moment d'entrer dans tous les détails que les circonstances fournissent ; je n'en aurais pas moins à transmettre sur l'intérieur du pays, où j'ai déjà fait les premiers arrangements d'après les ordres de Sa Majesté renfermés dans mes instructions. En attendant que je puisse en faire. .part, je crois qu'il est de mon devoir d'informer du moins Votre Excellence que tout va parfaitement bien, et je porte en ce moment à sa connaissance deux gazettes des Pays-Bas qui rendent compte de mes démarches à l'égard du conseil de Brabant et de la conduite que j'ai tenue vis-à-vis du magistrat de Bruxelles. Un rapport, que je me propose de faire passer incessamment par courrier, informera Votre Excellence plus au long de toutes les opérations. Les événements se succèdent avec une si grande rapidité, qu'il me serait difficile d'en dire plus en ce moment. J'attends M. le comte de Mercy un de ces jours ; je suis désolé que ses arrangements ne lui permettent point de se rendre à Anvers ; j'avais cependant pris soin de l'informer de la conférence.

Je suis avec respect, monsieur le comte, de Votre Excellence, le très-humble et très-obéissant serviteur.

METTERNICH-WINNEBOURG.

Bruxelles, le 7 avril 1793.

 

L'empereur François II au prince de Cobourg.

 

Le rapport que m'a fait le colonel Fischer envoyé par vous, relativement à ['entrevue avec Dumouriez, m'a préoccupé à ce point que je ne puis tarder d'une minute à vous transmettre mes instructions. J'espère de votre zèle pour le bien général, pour la cause du repos à restituer à l'Europe entière, de votre dévouement pour moi, et de vos nobles sentiments auxquels la conservation de votre si grande célébrité vous fait un devoir de veiller, que vous suivrez ponctuellement ces instructions,

La situation intérieure de la France est telle, que ce serait une véritable impossibilité politique de conclure la paix ou même seulement de consentir à des négociations préliminaires certaines. Tout ce qu'on pourrait dès lors entreprendre devrait tendre à gagner un homme important ou un parti, afin de s'assurer ainsi les voies et moyens nécessaires pour rétablir la paix plus facilement. Or, je vous laisse à vous-même le soin de juger' si Dumouriez est cet homme, et si on peut avoir en lui la confiance qu'exigent de semblables et aussi délicates négociations. Dumouriez n'a-t-il pas honteusement trompé le duc de Brunswick par des négociations simulées, et n'a-t-il pas, après avoir ainsi gagné du temps pour rassembler une armée nombreuse. et après que les armées coalisées d'Autriche et de Prusse se sont trouvées affaiblies par cet incident si heureux pour lui, n'a-t-il pas, dis-je, rompu les négociations en s'excusant de ne pouvoir plus négocier, parce que la France venait d'être déclarée en république ? Et c'est cependant lui qui a le plus fait pour qu'elle devînt république. Dumouriez, par sa présence à Paris, n'a-t-il pas encouragé le meurtre du roi, et n'a-t-ii pas, au moment ou il se préparait à attaquer vigoureusement la Hollande, et ou, bien plus, il entrait déjà en Hollande, cherché à tromper lord Auckland par des négociations ?

Dumouriez veut donner pour prétexte, que grâce aux progrès victorieux de nos armes la contre-révolution naissante est entravée, et qu'il en pourrait résulter itérativement une union de la nation entière, union qui serait dangereuse pour nous. Or, ce qui prouve que ce n'est qu'un prétexte, c'est que ce sont précisément nos victoires qui ont rendu le courage aux royalistes, et qu'il est évident qu'une contre-révolution ne serait pour personne plus redoutable que pour lui et la faction orléaniste dont il est, lui, le véritable ressort moteur. Il est dès lors manifeste que Dumouriez n'a jamais été ni pu être sincère dans ses propositions, qu'il n'a jamais songé sérieusement à rétablir l'ancien régime — à moins que ce ne fût avec Orléans comme roi.

Par les négociations commencées avec vous, Dumouriez semble avoir pour but de gagner du temps, afin de pouvoir anéantir par la force ses antagonistes à lui et ceux de son parti, puis d'empêcher le progrès de nos armes victorieuses et enfin de semer la défiance entre moi et mes alliés, par des négociations fréquentes avec lui et par notre inaction singulière. Il faut que Dumouriez ait de doubles intentions par rapport aux conditions actuelles en France, d'abord, d'opprimer et de supprimer les républicains ainsi que les partisans de l'ancienne maison royale, et secondement de mettre le duc d'Orléans sur le trône de France. Ces intentions se trouvent anéanties par nos instances. Il cherche donc à nous tromper par de feintes négociations sur les véritables intentions qu'il poursuit avec son parti...

Il y a ici dans le manuscrit allemand une phrase complètement inintelligible.

... Même une victoire moyenne remportée sur nous — Dieu veuille que ce ne soit pas ! — ne pourrait plus le sauver avec son parti, et c'est ce qui le pousse maintenant à recourir à son ancien artifice. La conquête des trésors hollandais a été sa seule ressource. Or, il est obligé d'y renoncer désormais à tout jamais. Il ne lui reste donc plus qu'un seul moyen, et dont il s'est déjà servi deux fois avec tant de succès.

Les deux Egalité, en faisant semblant de renier leur père, ont fait une gaminerie (bubenstück) convenue par ces gens-là .entre eux, car je tiens de source certaine que tout ce qui s'est passé entre Égalité et ses fils a été entrepris par ordre du père.

Je vous ai exposé tout cela le plus minutieusement qu'il m'a été possible, afin que vous voyiez bien la nécessité de mes .demandes. Ces demandes sont : Que vous ne vous laissiez aller, sous aucun prétexte, sous aucune condition, ni par Dumouriez ni par qui que ce soit, à suspendre, fût-ce un seul moment, la poursuite de vos opérations militaires, et que tout au contraire vous vous efforceriez d'entretenir et d'augmenter, si possible, les appréhensions de l'ennemi ci-dessus mentionnées.

Je vous prie donc de ne jamais donner à Dumouriez le plus petit espoir que vous arrêterez les opérations ; mais, s'il renouvelle ses ouvertures, de vous borner à répondre : que rien ne me serait plus agréable que de voir l'ordre rétabli en France directement par les efforts de la partie bien pensante de la nation ; que je persiste en attendant dans les principes justes et modérés que j'ai fait connaître jusqu'à il présent comme devant être introduits éventuellement dans la forme gouvernementale future, et que Dumouriez, quand il aura affirmé par des actes les principes louables qu'il a déclarés ici, pourrait compter pour lui et ses coadjuteurs sur mon assistance et ma bienveillance.

De plus je dois vous prier, si de semblables propositions vous sont faites dans l'avenir, d'en faire dresser chaque fois un procès-verbal circonstancié et de me l'envoyer sans retard. Au reste, je ne puis m'empêcher de vous témoigner ma pleine et entière satisfaction de la conduite sagace et circonspecte que vous avez tenue en ceci.

Vienne, 8 avril 17923.

FRANÇOIS.

 

L'empereur François au prince de Cobourg.

 

Vous aurez pu voir toute ma pensée sur l'affaire Dumouriez par la lettre que je vous ai fait parvenir par le colonel Fischer. Ce que m'apprend votre rapport du 2 de ce mois me prouve, il est vrai, que Dumouriez est parti pour Paris pour se protéger contre la faction républicaine ; mais, comme dans sa lettre au feldzeugmeister de Clerfayt il n'explique point formellement si c'est Louis XVII ou le duc d'Orléans qu'il veut proclamer roi, force m'est toujours de douter de ses bonnes intentions à l'endroit de l'ancienne maison royale.

Mais comme tout cela, quelque chose qui arrive à Paris, ne peut que nous être très-favorable, je ne puis que vous exprimer ma satisfaction pour tout ce que vous avez fait en cette affaire. Mais je vous prie d'avoir constamment l'œil le plus vigilant sur tout ce qui se passe à Paris. La grande confiance que j'ai en vous, d'une part, et que m'inspire votre circonspection habituelle, puis aussi la grande distance où nous nous trouvons fait que je dois me borner à vous recommander de faire tout ce que les circonstances exigeront, et de toujours m'informer sans retard de vos actes.

Il va sans dire que, dans le cas où Dumouriez proclamerait roi le duc d'Orléans, il ne devra nous demander aucune espèce d'assistance. Il serait à désirer que nous pussions obtenir possession de l'une ou de l'autre des forteresses. Du reste, c'est encore une fois les circonstances qui décideront du plus ou moins de durée de l'armistice et, sous ce rapport aussi, je dois m'en rapporter à vous. Seulement je désire être informé minutieusement et rapidement de tout ce qui se passe.

Vienne, 10 avril 1793.

FRANÇOIS.

 

L'empereur François au prince de Cobourg.

 

Je vous ai fait connaître par ma lettre d'hier, qui a dû vous avoir été remise par le courrier baron Kleist, ma ratification de l'armistice conclu. Mais, comme les événements qui se passent en France sont tels qu'ils doivent nécessairement favoriser considérablement les opérations de mon armée, comme de plus, si le bruit qui se répand que cet armistice doit être prolongé se confirme, je m'exposerais au danger de voir les alliés profiter de la circonstance et conclure de leur côté un armistice qui nous nuirait, ou tout au moins', je risquerais qu'ils nous fassent le reproche de les avoir abandonnés, en les exposant seuls au choc des forces françaises, comme enfin il vous sera facile, si votre matériel de siège tarde trop longtemps à vous arriver, de vous procurer, en attendant, de l'artillerie hollandaise et anglaise, comme encore vous pouvez, pour vous renforcer, réunir à vous les troupes hollandaises, anglaises et hanovriennes, comme finalement Dumouriez doit être arrivé à Paris à l'heure qu'il est et que la confusion et la consternation doivent avoir atteint maintenant le plus haut degré en France, je vous prie, à la réception de la présente, de déclarer immédiatement que, sur mon ordre, l'armistice sera rompu sur l'heure, puis de pénétrer aussi rapidement et aussi vigoureusement que possible sur le territoire français, et, s'il ne vous est pas possible d'attaquer tout de suite une forteresse importante, d'en emporter au moins une moyenne.

La manière dont la France est tombée sur moi en me faisant la guerre ne me permet pas de considérer si Dumouriez a proclamé roi le duc d'Orléans ou Louis XVII. Le devoir qui m'incombe comme monarque me commande de tirer le plus grand avantage possible de la confusion qui existe chez l'ennemi. Je vous prie donc d'avancer en France avec toute votre circonspection, avec toute votre résolution, mais surtout d'occuper celles des forteresses qui forment, du côté de la France, la barrière des Pays-Bas.

Vienne, 11 avril 1793.

FRANÇOIS.

 

Le baron de Thugut au général Wurmser.

 

Très-noble comte de l'empire,

Votre Excellence est sans doute déjà informée des propositions que Dumouriez a faites au prince de Cobourg. Elles consistent essentiellement en ceci, que, pour rétablir l'ordre à l'intérieur, il veut s'employer énergiquement avec ses troupes si, pendant ce temps, nous suspendions nos opérations de guerre. Le commandant en chef s'étant borné à transmettre purement et simplement cette proposition, il est arrivé dans l'intervalle, ainsi que Votre Excellence l'a sans doute déjà appris également, que Dumouriez, pour affirmer ses prétendues bonnes dispositions, a livré au prince de Cobourg avec tout ce qu'ils possédaient le ministre de la guerre français Beurnonville et quelques autres membres et employés de la Convention nationale qui étaient venus pour l'arrêter et, à ce qu'il prétend, pour le massacrer. A cette occasion, il a également donné au prince l'assurance qu'il allait se porter immédiatement, avec son armée, contre Paris et contre la Convention nationale, pour y humilier la faction qui domine et accomplir ses promesses.

Quelque satisfaisante que soit cette résolution et quelque désirable qu'en soit la mise à exécution, puisqu'elle peut contribuer d'une manière ou d'autre au succès de nos entreprises, Sa Majesté persiste cependant dans la décision prise par Elle à notifier au prince, dès la première nouvelle annonçant les propositions faites par Dumouriez, décision portant que nonobstant cette déclaration favorable en apparence, nos opérations de guerre devront être reprises aussi rapidement que possible, et devront être poussées de tous les côtés avec toute la vigueur possible, attendu que Sa Majesté ne veut pas faire dépendre d'événements fortuits la continuation d'une campagne commencée si glorieusement, et considère bien plutôt, comme tout à fait favorable à la poursuite du but final, précisément ce moment où l'apparition de Dumouriez, entrant avec son armée dans l'intérieur du pays, doit nécessairement y porter au plus haut degré la confusion et la terreur.

Sa Majesté a fait transmettre à Sa Majesté le roi de Prusse la résolution ainsi arrêtée. Elle ne doute pas que, de son côté, Sa Majesté prussienne ne voudra, elle .aussi, se servir de ces circonstances favorables pour commencer rapidement ses entreprises. Je crois bon de notifier tout spécialement à Votre Excellence ces résolutions de Sa Majesté, afin que Votre Excellence puisse prendre les mesures voulues dans ce sens, non-seulement en ce qui touche les projets et entreprises ultérieurs, mais aussi dans les circonstances où il s'agira de ranimer l'activité du concours prussien, et de formuler en conséquence les représentations directes qu'il y aura lieu de faire au roi même.

Comme il m'est personnellement agréable et souvent même utile d'entretenir une correspondance avec Votre Excellence, je la prie de m'envoyer de temps en temps, suivant que ses grandes occupations le permettront, des informations sur les choses les plus essentielles qui se passent là-bas, et de me communiquer ses idées relativement aux espérances possibles, aux moyens qui pourraient aider au succès de nos entreprises, et aux obstacles, s'il en existe.

Votre Excellence m'obligera par là très-particulièrement, et je m'efforcerai constamment et vivement de saisir toute occasion pour donner à Votre Excellence des preuves du véritable dévouement et du respect distingué, avec lesquels je demeure, de Votre Excellence

L'obéissant serviteur, baron de THUGUT.

Vienne, le 14 avril 1793.

 

Rapport du prince de Cobourg à l'Empereur.

 

Par mon dernier rapport, Votre Majesté a été informée de la démarche décisive que le général Dumouriez a osé entreprendre afin de rétablir l'ordre et la tranquillité dans sa malheureuse patrie et la sauver si la chose est possible.

Le mémoire ci-joint contient la relation complète de tout ce qui s'est passé pendant les négociations, et fait connaître les suites qu'elles ont eues.

Ces suites n'ont point eu, il est vrai, pour le rétablissement du repos en France, un résultat aussi favorable que le général Dumouriez croyait ou paraissait croire qu'elles auraient. Cependant, pour ce qui nous touche, il nous en reste toujours un avantage essentiel, inappréciable, c'est que, aidés par les projets et les démarches du général Dumouriez, nous avons pu marcher en avant à partir de Bruxelles et occuper une partie des Pays-Bas sans aucune perte, et que l'armée ennemie a perdu un général aimé et estimé d'elle par-dessus tout, et a perdu aussi plusieurs autres généraux, ainsi que diverses divisions d'infanterie de ligne, dont une partie a, ou bien passé chez nous, ou s'est dispersée en regagnant ses foyers. De plus, la haine entre l'infanterie de ligne et la garde nationale a considérablement augmenté. Enfin nous sommes devenus maîtres des camps importants de Maulde et de Bruille, et nous sommes s mis à même de pouvoir bloquer Condé.

Les proclamations dont il est question dans le mémoire du colonel Mack sont jointes à la présente.

A. C'est la déclaration que le général Dumouriez a lancée la première dans son armée[2].

B. C'est une proclamation qui a suivi la première et qui était impérieusement commandée par les circonstances[3].

Comme le concours réel, effectif et actif des puissances coalisées n'eût pas été facile à obtenir par correspondance, j'ai décidé qu'une conférence aurait lieu à Anvers où les questions principales seraient traitées verbalement entre les plénipotentiaires, les puissances belligérantes et leurs généraux respectifs.

A cette conférence, qui a eu lieu le 8 et de laquelle je suis revenu avant-hier, étaient présents le duc de York, le stathouder héréditaire, le prince héréditaire d'Orange, l'ambassadeur d'Angleterre lord Auckland, le ministre prussien comte Kôhler, le lieutenant général Knobelsdorf, le plénipotentiaire impérial et royal ministre comte Metternich et le ministre impérial et royal à La Haye comte Stahremberg.

On a fixé le nombre et l'espèce des troupes qu'il faut faire venir, l'époque de leur arrivée et leur emploi ultérieur.

On a également parlé dans cette conférence de ce qui s'est passé avec Dumouriez, et, sur la demande de l'ambassadeur anglais, on a rédigé le mémoire ci-inclus du colonel Mack. Puis, indépendamment de l'armistice déjà dénoncé par moi, on a arrêté les termes d'une proclamation qui a été écrite et que je transmets sous l'annexe n° 4.

COBOURG[4].

 

Très-respectueuse note.

 

Dans la conférence d'Anvers, il m'est venu quelques doutes sur la situation actuelle des affaires, que je ne puis m'empêcher de soumettre ici aux hautes lumières et à la décision de Votre Majesté.

Dès le premier moment, tes négociations avec Dumouriez rencontrèrent parmi les ministres des trois cours alliées des objections. Ce ne fut que lorsque j'eus démontré les avantages évidents qui pouvaient et devaient en résulter pour nos opérations ultérieures, que l'on approuva mes mesures ; je ne puis cacher à Votre Majesté que je fus surpris des sentiments et des opinions que je découvris à cette occasion. N'étant aucunement versé dans les mystères de la politique et le secret des cabinets, j'avais cru jusqu'à présent que le vœu des puissances coalisées était de rétablir en France la monarchie, l'ordre et la paix en Europe, de terminer cette guerre d'une manière prompte et honorable, pour mettre fin à tant de convulsions .et de malheurs, attacher par là les peuples à leurs souverains, et les préserver du fléau terrible de l'anarchie et des révolutions. Je trouvai dans les conférences d'Anvers que je m'étais trompé. J'y vis que chacun ne pensait qu'à soi, et qu'on avait beaucoup moins en vue l'intérêt général que des intérêts particuliers.

L'ambassadeur d'Angleterre, par exemple, donna clairement à entendre que ce n'était point là le but de sa cour, et que le retour de l'ordre ne l'intéressait pas du tout. Il démentit même, involontairement peut-être, la réserve connue de son caractère, pour annoncer avec beaucoup de vivacité que le vœu de l'Angleterre était de faire des conquêtes sur la France, et que ce pays-là devait être réduit à un véritable néant politique. Il alla même jusqu'à dire : Chacune des puissances coalisées doit chercher à faire des conquêtes et à garder ce qu'elle aura conquis. Puis, s'adressant à moi, il me dit, Prenez toutes les places frontières de votre côté, et procurez-vous une bonne barrière pour les Pays-Bas. Quant à l'Angleterre, je le dis franchement, elle veut faire des conquêtes et elle les gardera. Ces propos et beaucoup d'autres de cette espèce m'ont suffisamment convaincu que les cours coalisées ne le sont que par des intérêts partiels et isolés, qu'on n'a en vue que son propre agrandissement et son avantage, que la forme du gouvernement en France est ce dont on s'occupe et se soucie le moins, et qu'on n'a d'autre véritable projet que celui de s'agrandir et de s'enrichir à ses dépens. Pour y réussir, la chose n'étant d'ailleurs pas aisée, on n'épargne ni les promesses ni les assurances pour encourager à des opérations hardies et décisives la puissance la mieux disposée ou la plus à même d'agir. L'on se sert de ses succès pour suppléer à de faibles efforts. On prodigue les encouragements et les éloges pour mettre en avant une armée victorieuse et aguerrie, qui doit à la longue se fondre et s'affaiblir. L'on envisage tout cela comme offrant le double avantage de n'avoir plus que la moitié à faire, et d'avoir vu se diminuer les moyens d'une puissance dont on craignait l'agrandissement et les succès. L'anéantissement politique de la France intéresse vivement l'Angleterre, la Prusse et la Hollande je ne crois pas me tromper, et tout a servi à m'en convaincre. Ces puissances craignent et veulent éloigner le rétablissement de la monarchie, qui augmenterait l'influence de l'Autriche : Les conséquences de ce système sont aisées à déduire.

Il est indispensable que je sois instruit sur ces importants objets des intentions de Votre Majesté. Cette guerre ne ressemble à aucune autre. Je croirais qu'on devrait voir plus loin que le moment actuel. Les opérations militaires doivent marcher de front avec les combinaisons politiques et les dispositions du cabinet. Je désirerais être, en conséquence, positivement instruit du système adopté dans la crise actuelle des affaires si l'on veut faire des conquêtes, s'ouvrir par là le chemin vers Paris, ou se procurer une barrière pour les Pays-Bas, s'arrêter à un certain point, marcher sans prendre aucun intérêt à la situation et à l'organisation politique de la France, en un mot quels sont les principes qu'on a adoptés et le but définitif qu'on se propose. Indépendamment de la nécessité absolue de faire marcher de concert les plans du cabinet et les opérations militaires, j'ai trop senti dans mes négociations avec Dumouriez, qui ne pouvaient être différées, combien il est pénible et délicat d'agir sans être au fait de ce qu'il est si important de savoir.

J'ose donc réitérer à Votre Majesté mes pressantes et respectueuses instances, de vouloir bien nommer un ministre, chargé de ses pleins pouvoirs, qui soit. auprès de moi, ou très-près dans le voisinage de l'armée.

COBOURG.

 

Mémoires succinct sur la négociation avec le général Dumouriez.

 

L'armée autrichienne ayant forcé le général Dumouriez, par l'affaire décisive du 22 mars, de quitter son camp derrière Louvain et de se retirer au de)à de Bruxelles, le maréchal prince de Cobourg marcha vers cette ville et se campa en deçà. Son armée n'était forte que de 30.000 hommes, et celle de Dumouriez lui était encore très-supérieure en nombre. Il fut donc décidé qu'on ne. pouvait pas.

sans une grande témérité se porter en avant de Bruxelles, jusqu'à ce que le corps prussien du prince Frédéric de Brunswick nous eût joints, ou que le renfort de quelques bataillons et de deux régiments de cavalerie que nous attendions fût arrivé.

Après que cette résolution fut prise, arriva un aide de camp du général Dumouriez, pour dire au maréchal prince de Cobourg que son général était décidé à mettre fin à toutes les calamités qui déchiraient sa malheureuse patrie, à rétablir la royauté constitutionnelle, à dissoudre la Convention nationale et à punir les scélérats de Paris. I) ajouta que le général souhaiterait que monseigneur le maréchal envoyât une personne affiée pour pouvoir s'expliquer plus amplement.

Le colonel Mack fut envoyé chez Dumouriez, qui avait établi son quartier général à Ath, et campé son armée derrière la Dendre.

Il lui accorda une entrevue particulière dans un cabinet écarté. Des officiers généraux et les plus fidèles à l'entour du général Dumouriez étaient présents à cette entrevue, et entre autres le lieutenant général Valence et le général Thouvenot. Le général Dumouriez commença par dire au colonel Mack qu'il ne pouvait plus être spectateur tranquille de toutes les horreurs qui se commettaient en France, qu'il voulait disperser cette criminelle Convention nationale, rétablir la royauté constitutionnelle, sauver le Dauphin, le proclamer roi et sauver les jours de la reine ; mais que, pour qu'il pût faire tout cela avec sécurité et succès, il était nécessaire que le prince de Cobourg s'engageât à le laisser tranquille dans sa position derrière la Dendre, et, bien loin de l'attaquer, lui prêtât tout le secours qu'il pourrait lui demander.

Pour bien comprendre la manière dont le colonel Mack envisagea cette proposition, il est nécessaire de se faire une juste idée de la force respective des deux armées et de la position où se trouvait la nôtre relativement à celle de Dumouriez. L'ennemi était très-supérieur en forces, il avait 40.000 hommes, nous en avions 30.000. Il occupait.une position avantageuse derrière la Dendre, avait Anvers à sa gauche et Namur à sa droite. Il pouvait marcher à nous avec ses 40.000 hommes, non-seulement nous empêcher de pénétrer plus en avant de Bruxelles, mais nous attaquer avec avantage et nous forcer de nous replier, avec autant de pertes que nous avions eu d'avantages dans nos marches précédentes, l'ennemi ayant des places, plus de troupes, et pouvant les augmenter encore par la jonction du corps d'armée qu'il avait en Hollande ; tandis que nous étions dans un pays ouvert, avec une armée fatiguée, manquant de beaucoup de choses, et n'ayant aucun renfort de quelque conséquence à espérer. Sous ce point de vue, la proposition de Dumouriez paraissait certainement très-avantageuse. Cependant le colonel Mack sentit d'abord que, si l'entreprise de Dumouriez sur la France n'avait pas le succès qu'il en attendait, il pouvait revenir sur nous, et qu'alors notre inaction tournerait tout entière à notre désavantage.

Le résultat de ces différentes réflexions fut que le colonel Mack déclara à Dumouriez, d'un ton ferme et décidé, que le prince de Cobourg n'entamerait jamais avec lui une espèce de négociation tant qu'il resterait un seul Français dans les Pays-Bas, et qu'avant toute chose il était indispensablement nécessaire qu'il évacuât non-seulement tous les pays, mais aussi les places de Namur et d'Anvers et les deux forteresses de Bréda et Gertruydenberg, occupées encore par ses troupes. Le colonel Mack ajouta que, le prince de Cobourg ayant une armée victorieuse de 60.000 hommes, il eh emploierait 40.000 pour l'attaquer de nouveau et le faire retirer derrière ses frontières, tandis qu'il en enverrait 20.000 pour couper toute retraite à ses troupes de la Hollande. Dumouriez répliqua au premier instant : Mais je suis ici aussi fort que vous j'attends des renforts considérables en peu de jours, et je saurai me défendre.

Le colonel Mack ne lui répondit que par un geste significatif, que le prince de Cobourg en resterait invariablement à sa première résolution. Dumouriez réfléchit quelques instants, puis il lui dit : Eh bien, les Pays-Bas ont toujours été la proie d'une bataille, j'en ai livré deux, j'ai eu le malheur de les perdre, et je m'accorde avec le prince de Cobourg de me retirer sur la frontière de la France et de donner mes ordres aux commandants des places fortes qu'elles soient évacuées sans délai. Le colonel Mack lui déclara qu'en ce cas-là le prince de Cobourg ne le suivrait que jusqu'à la frontière, et y resterait pour voir d'un œil tranquille ses opérations sur Paris, et qu'il ne se mettrait pas en mouvement avant que d'être requis de sa part de marcher à son secours.

Cette promesse réciproque ayant été solennellement donnée, le colonel Mack quitta Dumouriez pour en faire son. rapport à M. le maréchal prince de Cobourg. Les jours suivants, Dumouriez remplit ses engagements, en évacuant entièrement les Pays-Bas, en nous cédant Anvers et Namur et à la Hollande Bréda et Gertruydenberg.

Le soir, avant que Dumouriez se fut retiré entièrement au delà de la frontière, il demanda à son quartier général de Tournay une nouvelle entrevue avec le colonel Mack. tt lui dit que des commissaires étaient arrivés à Lille pour lui porter le décret de la Convention nationale en vertu duquel il devait se rendre à la barre, mais qu'il ferait arrêter ces scélérats, nous les enverrait, et préparerait sa marche sur Paris le plus tôt possible ; que son armée était d'accord avec lui. il fut question aussi, dans cette entrevue, de la cession momentanée de quelques places-frontières et en général des destinées à venir de la France. Dumouriez exigea, comme une condition préalable, qu'aucune puissance étrangère, mais surtout les émigrés, ne devraient se mêler de l'organisation intérieure du gouvernement français ; il exigea aussi qu'en cas de malheur imprévu il aurait pour sa propre personne, ses généraux et officiers, un asile sûr chez nous et l'entretien analogue à leur grade, et que les troupes qui voudraient le suivre seraient prises à notre solde ce que le prince de Cobourg, sur le rapport que le colonel Mack lui en fit, crut pouvoir accorder, en décidant que les troupes seraient à la solde de l'empire après avoir prêté serment de fidélité.

Le lendemain de cette entrevue il se retira avec son armée dans les deux camps retranchés de Maulde et de Bruille et prit son quartier général à Saint-Amand. Nous marchâmes avec l'armée à Mons et à Tournay. Deux jours après, il nous livra les quatre commissaires et le ministre, de la guerre Beurnonville, qui les avait accompagnés. Aussitôt après cette arrestation il fit imprimer et répandre la proclamation ci-jointe, harangua son armée, régiment par régiment, et fit dire au prince de Cobourg qu'il la trouvait entièrement disposée à ce qu'il attendait d'elle, même les bataillons nationaux, dont il n'avait pas attendu tant de bonne volonté.

Le même jour au soir, Dumouriez envoya un officier au prince de Cobourg, pour lui faire dire, qu'après midi, étant sorti à cheval avec sa suite, il rencontra un batail.lon de troupes nationales, s'approcha pour savoir par où il marchait, et fut reçu par une décharge de mousqueterie de la plupart des soldats du bataillon, en sorte qu'il avait eu la plus grande peine à se sauver aux avant-postes autrichiens et au village de Bury, après avoir passé l'Escaut sur une petite barque au risque de sa vie. Dumouriez fit prier le prince de Cobourg de lui envoyer -le plus vite possible le colonel Mack, à qui il dit, à son arrivée, que cette étrange aventure ne pouvait être que l'effet des insinuations des commissaires nouvellement arrivés à Valenciennes, qu'ils avaient trouvé moyen de faire parvenir à ses troupes un manifeste qu'ils avaient fait imprimer. Cependant le colonel Mack trouva déjà chez lui trois officiers arrivés, coup sur coup. l'un après l'autre, de ses deux camps, pour le prier, de la part de son armée, de revenir sur le champ ; que l'armée avait nouvellement assuré qu'elle voulait vivre et mourir pour lui, mais qu'il s'était la veille répandu un bruit sourd et lugubre, même dans quelques régiments de ligne, parmi les soldats, que leur patrie serait livrée à l'ennemi, et forcée de recevoir ses lois. Le général Dumouriez dit au colonel Mack qu'il s'en était déjà aperçu lui-même le jour précédent, et qu'il serait de la dernière importance de dissiper ces bruits causés et fomentés par les commissaires de Valenciennes, et, par cette raison urgente, il conjurait le prince de Cobourg de lui faire parvenir le. plus tôt possible une proclamation signée de sa main, et en nombre suffisant d'exemplaires imprimés, de la nature de celle qui est jointe à ce mémoire, pour pouvoir tranquilliser les esprits faibles, agités et indécis. Le colonel Mack lui dit qu'il en ferait son rapport au prince de Cobourg. Ils se séparèrent le matin à trois heures.

Dumouriez fut reçu dans son camp aux acclamations de toute son armée. Le maréchal se décida à accorder au général Dumouriez la proclamation qu'il avait demandée par les raisons suivantes

1° Si Dumouriez réussissait, comme toutes les apparences le faisaient croire, il n'en pouvait résulter qu'un très-grand bien pour la cause des souverains ; s'il ne réussissait pas, nous avions toujours l'avantage du nouveau désordre, de la division d'opinions, de partis, que son entreprise produirait dans son armée et en France, dont nous pourrions profiter.

2° Nous avions suivi depuis Bruxelles, lentement et restant toujours deux marches en arrière, l'armée de Dumouriez jusqu'à l'extrême frontière, n'ayant pas même assez des troupes pour nous soutenir vis-à-vis d'une armée plus forte en nombre et protégée par ses forteresses, si cette armée eût conservé son chef et son ensemble ; aussi ne nous étions-nous portés entièrement jusqu'à la frontière que lorsque Dumouriez se trouva en guerre ouverte avec la Convention nationale, par les lettres qu'il avait écrites et par l'arrestation des commissaires et du ministre de la guerre. Cette proclamation ne pouvait donc pas être refusée à Dumouriez, puisque, sans elle, il était à craindre que son armée ne verrait plus en lui qu'un traître, s'assurerait de sa personne et élirait ou ferait nommer par les commissaires à Valenciennes un autre chef, et se présenterait à nous avec plus d'union et d'ensemble que jamais.

3° Si nous avions été en état d'entreprendre d'abord un siège, il eût fallu peut-être hésiter à donner cette déclaration, pour ne pas se lier les mains et perdre du temps ; mais, n'ayant pas une seule pièce de siège, et rien moins qu'un nombre suffisant de troupes pour pouvoir l'entreprendre avec quelque apparence de succès, n'ayant pas même l'espoir d'avoir notre grosse artillerie et nos renforts avant six semaines, le cas était très-différent.

4° La perspective d'obtenir quelque place-frontière et d'y mettre nos troupes, pour la sûreté de notre armée et celle de Dumouriez, perspective que ce général nous faisait envisager comme certaine, et qu'on pouvait trouver vraisemblable, était également décisive et avantageuse ; mais il la faisait dépendre uniquement de la déclaration qu'il demandait, assurant itérativement que cette cession momentanée ne pouvait jamais être regardée par lui, et ne devait passer en France que pour un dépôt, puisqu'il ne consentirait jamais, et se prêterait encore moins au démembrement de sa patrie, dans laquelle son vœu le plus cher et celui de son armée étaient de rétablir la royauté constitutionnelle.

5° Ces places-frontières couvraient en même temps les Pays-Bas et nous mettaient à l'abri de tout événement, et si même la cour de Vienne et les autres cours désavouaient la déclaration, le prince de Cobourg était toujours à même de tenir sa parole aux Français et d'obéir à [son souverain. Il rendait les places qui lui avaient été confiées, en retirant toujours le profit clair d'en avoir acquis une connaissance exacte, ainsi que plusieurs autres facilités pour en faire le siège ensuite, qu'il pouvait se procurer sans compromettre sa parole. Dans ces entrefaites, l'armée de Dumouriez s'engagerait avec celle de la Convention nationale, ce qui pouvait encore être très-avantageux à nos opérations, et le prince de Cobourg pouvait recevoir, sur tous ces objets, les ordres de sa cour, même longtemps avant l'arrivée de son artillerie de siège et des troupes qu'il avait à attendre des puissances coalisées.

Tous ces motifs réunis et la considération que l'occupation de ces places, quoique conditionnelle, pouvait être très-utile dans les négociations, si l'on trouvait bon d'en entamer, engagèrent le prince de Cobourg à envoyer, le lendemain au soir, cette déclaration à Dumouriez. Mais. cette même nuit, il fut obligé de se sauver, et nous apprit que les inquiétudes et les soupçons que les commissaires de Valenciennes par leur manifeste et leurs émissaires avaient trouvé moyen de faire naître, s'étaient accrus visiblement, en sorte que déjà les canonniers déclaraient qu'ils voulaient quitter son camp pour se retirer à Valenciennes, que cet exemple avait été suivi d'abord par la plupart des bataillons nationaux et que, lorsque le général Dumouriez s'adressa à ses troupes de ligne pour leur dire qu'elles devraient engager et forcer ces factieux à faire cause commune avec elles, elles déclarèrent que, quoique disposées à marcher ,avec lui sur Paris pour y combattre les factieux et les régicides, pour rétablir la constitution de l'année 1789 et mettre le roi constitutionnel sur le trône, elles ne combattraient jamais contre des compatriotes et frères d'armes innocents.

Il n'y avait plus de sûreté pour lui après cette déclaration des troupes de ligne. Il se sauva, la nuit du 5 au 6, avec plusieurs généraux et officiers ; deux ou trois mille troupes de ligne le suivirent, et on apprit le lendemain que toutes les troupes des deux camps retranchés de Maulde et de Bruille les avaient entièrement quittés, et s'étaient jetées dans Condé, Valenciennes et Maubeuge, tandis que les grandes routes avaient été couvertes de plusieurs fuyards, disant qu'ils allaient chez eux, puisque le général Dumouriez les avait quittés. Le prince de Cobourg profita sur-le-champ de ces circonstances. Les camps retranchés de Maulde et de Bruille, qui auraient pu coûter beaucoup de monde s'il avait fallu les attaquer et les forcer, et qui sont cependant indispensablement nécessaires pour faire une entreprise quelconque sur une des forteresses françaises de ces environs, ont été d'abord occupés. L'armistice illimité qui avait existé a été levé, une seconde proclamation qui annulait la première a été rendue, toute l'armée a été campée et le blocus mis devant la forteresse de Condé, puisque tous les renseignements qu'on a été à même de se procurer s'accordent a dire que cette place n'était approvisionnée que pour peu de temps. Il

 

Très respectueusement vôtre.

 

J'ai appris à mon vif regret, par la note datée du 8 courant que Votre Majesté a daigné m'adresser, le mécontentement que lui ont causé mes négociations avec Dumouriez. J'espère, toutefois, que les rapports que je lui ai transmis depuis lors auront non-seulement rassuré Votre Majesté, mais encore l'auront convaincue que nous avons tire de ces négociations des avantages que je n'aurais pu obtenir, le cas échéant, qu'au prix de millions.

Je ne puis m'empêcher d'exprimer à Votre Majesté — espérant qu'elle accueillera mes aveux avec indulgence — !a vive douleur que j'ai éprouvée en trouvant dans sa gracieuse note l'expression de la crainte que moi-même, ainsi que les personnes employées par moi, nous n'ayons apporté dans une affaire de cette importance' la circonspection et la prudence nécessaires, et n'ayons, par conséquent, compromis ainsi le succès de nos opérations.

Le mémoire rédigé par le colonel Mack, et présenté à Votre Majesté, lui aura probablement inspiré des sentiments plus favorables. Toutefois, je crois nécessaire d'y ajouter les observations qui suivent.

Déjà, après le combat décisif de Louvain, du 22 de ce mois, j'ai examiné la question de savoir si je pouvais risquer de m'avancer seul avec une armée de 30.000 hommes, puisque, malgré mes représentations constantes et réitérées, malgré l'envoi de courriers expédiés souvent deux fois par jour, je n'avais point réussi à décider le corps prussien de Bois-le-Duc à se rapprocher de ma sixième aile seulement d'une étape.

Je me suis, au contraire, assuré qu'on montrait peu de zèle à venir à notre secours et qu'on ne se souciait guère que l'ennemi pût rallier ses troupes néerlandaises et se jeter sur moi, avant que je ne parvinsse à me réunir au corps prussien qui, après l'évacuation complète des Pays-Bas par les Français, n'aurait, dès lors, plus eu aucun prétexte pour demeurer en Hollande.

C'est pourquoi je ne fis avancer vers Louvain que des troupes légères, et que je ne passai devant cette place qu'après m'être assuré que l'ennemi avait quitté Bruxelles et avait effectué sa retraite sur. Hall. Toutefois je ne dépassai pas la Montagne-de-Fer et je ne m'approchai de Bruxelles qu'après avoir acquis la certitude que l'ennemi avait reculé jusqu'à Ath.

Le principal motif qui me détermina à m'avancer dans ces conditions jusqu'à Bruxelles, c'était que Bruxelles est capitale, mais rien ne 'm'aurait autorisé, dans ma pensée, à dépasser cette ville, si les offres de Dumouriez ne me fussent parvenues heureusement juste à point.

Il n'y a pas à douter que Dumouriez, qui avait en Flandre bon nombre de magasins à sa disposition, n'eût assuré sa retraite dans les forteresses, et qu'il pouvait, couvert par Anvers, mouvoir tout à son gré ses troupes hollandaises sur Termonde et les rapprocher de lui, puis s'arrêter en deçà du Dender-Bach et renouveler l'attaque avec des forces supérieures. Il C'était donc pour nous un grand bonheur d'avoir effectué ainsi l'évacuation de l'autre moitié des Pays-Bas, d'Anvers et de Namur, moitié qui aurait bien pu nous coûter quelques milliers d'hommes, encore sans compter que le sort des batailles n'est pas toujours certain

Et ce bonheur nous le devons, Sire, à l'aveu que Dumouriez avait fait à table au colonel Mack, à travers les fumées du champagne, en présence de vingt à trente officiers, aveu d'où il résulte qu'il nous attribuait des forces considérables.

Ainsi, Mack pouvait lui dire que j'irais l'attaquer avec 40.000 hommes et que je détacherais 20.000 hommes pour couper la retraite à ses troupes hollandaises, car l'occasion n'eût pas manqué pour cela, si j'avais eu 60.000 hommes à ma disposition au lieu d'en avoir 30.000.

C'est seulement après que Dumouriez eut rempli sa promesse relativement aux places fortes de la Hollande et des Pays-Bas, et qu'il eut effectivement retiré son armée jusqu'à Mons et à Tournay, que je m'avançai avec toute la précaution possible, en allant d'abord de Bruxelles à Hall ; et je ne continuai ma route vers Mons et Tournay qu'après m'être assuré que Dumouriez était en guerre ouverte avec la Convention et qu'il n'y avait plus à compter sur une réconciliation avec elle.

Votre Majesté connaît, par mes rapports, la suite de ces événements.

Je crois positivement pouvoir me flatter de l'espoir que Votre Majesté ne doutera pas que je n'aie tirerons les avantages possibles des désordres que suscitèrent, dans une partie de l'armée, les proclamations de Dumouriez et celles des commissaires de Valenciennes, ainsi que de la perturbation causée par sa fuite dans le reste de l'armée.

J'occupai instantanément les camps de Bruille et de Maulde, le premier desquels offrant les plus grands avantages à une armée, en ce que le petit camp retranché de Maulde protège son aile gauche et la forteresse de Condé son aile droite, et qu'il est hors de doute que nous eussions dû sacrifier quelques milliers d'hommes pour prendre ce camp, qui nous est indispensable pour peu qu'on veuille entreprendre quoi que ce soit contre une forteresse.

En même temps je bloquai la forteresse de Condé, ce que je n'aurais pu hasarder sans le concours des circonstances favorables que je dois à Dumouriez, puisque je n'avais toujours à à ma disposition qu'une armée de 30.000 hommes et que je ne pouvais, avant une huitaine, compter sur l'arrivée du corps prussien.

J'aurais immédiatement aussi Moqué Valenciennes, qui était déjà à demi bloqué par Condé, et j'aurais occupé le camp de Famars, si j'eusse eu à ma disposition M.000 hommes ou même 10.000 hommes de plus, avantage d'autant plus désirable que Valenciennes était mal approvisionnée en vivres et en munitions, ce qui nous donnait la certitude que, dans le cas où il eût fallu l'assiéger, le siège aurait été moins long et moins opiniâtre.

Maintenant ces avantages sont perdus. Le camp de Famars est déjà occupé en forces par l'ennemi, qui travaille jour et nuit aux retranchements.de ce camp.

La communication avec Valenciennes est parfaitement ouverte, et, si nous voulons à l'avenir assiéger cette place, la prise de Famars nous coûtera nécessairement de plus grands sacrifices en hommes et en temps, qu'elle ne nous aurait coûtés si nous eussions pu agir comme j'ai dit plus haut.

Si les Hanovriens, en dépit de mes instances et représentations réitérées, n'avaient pas aussi misérablement tardé à venir (Dieu sait pourquoi !), les grands avantages que nous offrait Valenciennes n'auraient pu nous échapper. Mais Votre Majesté sait, par le compte rendu du congrès d'Anvers, que je ne pouvais compter sur ces alliés avant la moitié de mai, et de même sur les Hollandais et sur les troupes hessoises payées par l'Angleterre.

Jamais, je le répète encore une fois, je ne me serais déterminé à dépasser Bruxelles avant d'avoir appelé à moi tous mes renforts, et c'est ce que nous avons réussi à faire sans perdre un seul homme, à partir de Bruxelles jusqu'à l'extrême frontière de plus, nous avons occupé sans coup férir les camps de Bruille et de Maulde, et nous avons bloqué Condé, sans que cette opération nous ait coûté un seul homme. Enfin nous avons pris Anvers et Namur sans effusion de sang. Tous ces avantages, nous les devons exclusivement aux négociations de Dumouriez et à leurs conséquences, sans compter les avantages que nous obtenons par rapport à la constitution actuelle de l'armée de Dumouriez, et surtout par rapport à la personne même de ce général que nous gagnons et qui est (Votre Majesté daignera me croire sur ce point) le plus excellent général que tes Français, notamment ceux de nos jours, aient pu avoir. Dumouriez était véritablement l'idole de ses soldats.

Quant à la sincérité des intentions que m'a révélées Dumouriez, il l'a démontrée suffisamment par sa conduite, et le seul reproche que je pourrais lui faire, c'est d'avoir procédé avec trop de précipitation et trop d'assurance, et d'avoir négligé les règles de prudence et de circonspection.

Mais j'assure à Votre Majesté que je n'avais jamais cru à l'infaillibilité des projets de ce général, de même que je n'avais jamais douté des avantages que mes opérations militaires devaient en tirer de toute manière.

Ma position vis-à-vis de Dumouriez a été toute différente de celle qui existait l'année passée entre Dumouriez et le duc de Brunswick.

Alors Dumouriez pouvait tout gagner en gagnant un peu de temps, et te duc de Brunswick pouvait tout perdre en perdant seulement quelques jours. Alors Dumouriez, tout en négociant, pouvait devenir l'idole de sa patrie.

Mais cette fois-ci il savait déjà que les Jacobins demandaient sa tête, et que les commissaires avaient reçu l'ordre de le citer devant la barre de la Convention.

Alors, le duc de Brunswick pouvait tout faire et devait tout faire.

Mais aujourd'hui, passé Bruxelles, je n'aurais pu rien faire (à moins d'une témérité compromettante), d'ici à quelques semaines.

Du reste j'avais réellement fait, jusqu'au premier mars, bien des choses qui peuvent excuser une interruption de quelques semaines.

Dumouriez est un de ces hommes qui ont la manie de jouer un rôle, peu importe lequel j'ai cru découvrir que du rôle qu'il allait jouer maintenant la cause des souverains tirerait beaucoup de profit, de même aussi que le repos de l'Europe de telle sorte que je ne doutais nullement que de tout cela il ne dût résulter de grands avantages pour mes opérations militaires.

C'est pour cela aussi que je ne crus pas devoir lui refuser la proclamation qu'il m'avait demandée, car il était évident qu'il n'était pas possible dé commencer le siège avant six semaines ; mais je pouvais bien dans l'intervalle attendre les ordres de Votre Majesté, et, dans le cas où cette affaire n'eût pas été approuvée, évacuer les places fortes que j'avais occupées, pour tenir ma parole, sans compromettre le moins du monde mes opérations, à moins qu'il ne se fut trouvé d'autre moyen de m'emparer de ces places et d'accomplir en même temps ma promesse. Si Dumouriez n'avait commis les fautes que j'ai exposées plus haut, je serais entré dans ces forteresses, et, quand même j'aurais été forcé de les abandonner, j'aurais maintenant l'avantage de les connaître et je n'aurais à coup sur, tant que je les tenais, rien fait pour en améliorer l'état.

D'après les circonstances que je viens d'exposer ici et d'après celles que j'ai déjà antérieurement fait connaître à Votre Majesté, je me flatte de pouvoir compter sur l'approbation bienveillante de Votre Majesté en tant qu'il s'agit de ces négociations. Je regrette seulement que la grande distance où je me trouve doive faire envisager à Vienne les objets tout autrement qu'ils ne sont réellement.

Ce !a ressort par exemple de l'opinion qui y règne, que Dumouriez est toujours partisan des Jacobins et du duc d'Orléans, dont il était l'ennemi déclaré, il y a déjà plusieurs mois ; de même aussi cette autre opinion, que les fils du duc d'Orléans participeraient à ces gamineries (bubenstücke), tandis que je puis assurer à Votre Majesté que le duc de Chartres, qui a passé avec Dumouriez, est un des hommes les plus vertueux et les plus intéressants, et qui a pleuré des larmes de sang sur les méfaits de son père.

La distance où je me trouve, surtout en raison des questions politiques qui se présentent si souvent, m'a mis dans un extrême embarras, et je répète avec instance la demande que Votre Majesté daigne envoyer à l'armée ou près de l'armée un ministre muni d'instructions et de pouvoirs suffisants.

 

L'empereur François à son frère l'archiduc Charles.

 

Cher frère,

J'ai reçu par Sternfeld, par lequel tu as envoyé la nouvelle de la prise d'Anvers, la réponse à la lettre que je l'avais fait parvenir par Wratislaw. Je te réponds maintenant par le colonel Fischer que je te renvoie. J'ai été charmé de voir que tu restes à l'armée jusqu'à ce que tu sois proclamé gouverneur. J'espère .que cela doit être fait maintenant. Les hésitations du comte Metternich me contrarient d'autant plus que maintenant l'activité est plus que jamais nécessaire, afin de pouvoir profiter du zèle et de la bonne volonté de la nation.

Prends donc, je l'en prie, aussitôt que tu seras nommé, possession du gouvernement près duquel nous avons placé, autant que possible, des hommes honnêtes et considérés ; supplée par ton activité à la lenteur du comte Metternich ; songe que tu peux, en ce moment, rendre à la monarchie des services que tu ne seras peut-être plus jamais à même de rendre dans l'avenir.

Je te répondrai bientôt au sujet de tes charges à la cour et de Warnsdorf. J'ai encore un service d'amitié à réclamer de toi. Quand tu seras au gouvernement, fais-moi des rapports positifs et donne-moi des informations sur tout ce qui se passe, et, s'il arrive quelque chose d'important, n'hésite pas à envoyer des courriers et des exprès. Fischer m'a rendu compte des entretiens avec Dumouriez. Je ne me fie pas à cet individu, car il peut nous tromper avec ses paroles il sait comment mentir aux gens ; puis, quand il est ensuite au milieu du danger le plus pressant, il sait comment se tirer d'affaire. Aussi aide écrit au prince de continuer d'agir, nonobstant les négociations et comme si celles-ci n'existaient pas, et de déclarer ses intentions à Dumouriez, car alors on pourra voir s'il a des vues honnêtes. Dieu veuille qu'il ne nous trompe pas. J'attends avec une véritable impatience le moment de te voir à la tête du gouvernement. Sur ce, porte-toi bien, donne tous mes compliments à Warnsdorf et crois-moi pour la vie,

Ton meilleur ami et frère,

FRANÇOIS.

Vienne, avril 1793[5].

 

Je profite du départ d'un courrier qu'on expédie au prince Cobourg, pour l'écrire aujourd'hui. L'événement étrange de la livraison de Beurnonville et de ses acolytes me paraît être un bon résultat de la loyauté récente de Dumouriez, et, ce qui vaudrait mieux, me paraît promettre la paix pour cette année encore.

Quant à ce que tu as fait avec Dumouriez, cela a été fait d'après les conseils et les désirs du prince Cobourg ; tu as donc eu raison de le faire. Mais comme frère, et parlant à toi seul pour que tu en fasses ton profit, il faut que je te dise que toute cette histoire de Dumouriez ne me plaît pas du tout, et, comme tu dois le savoir, j'ai immédiatement écrit au prince pour qu'il rompe avec lui. Les Français trompent avec de belles paroles, comme cela s'est déjà vu l'an passé, et nous n'en avons pas pris exemple. D'ailleurs, avec qui négocierons-nous en France, puisque personne n'y tient le pouvoir, et qu'il n'y règne ni une classe de la nation et encore moins un chef définitif ? La déclaration du prince l'a rendu ridicule aux yeux de tout le monde, et semble, s'il m'est permis de dire cela, être rédigée par Dumouriez. Heureusement que Metternich et Stahrenberg ont réparé les choses par une contre-déclaration, ce qui a été k seul, mais, dans tous les cas, un mauvais expédient. J'interdis donc, par ce même courrier, au prince Cobourg de négocier davantage. Il agira et fera la guerre avec toute la fureur possible jusqu'à ce que survienne un changement en France qui nous permette de songer à la paix. Pour le reste, il laissera négocier les ministres qui ont déjà mes instructions à cet effet. Il y a une grande différence entre un général et un ministre. Tous les deux exigent des études spéciales et la pratique constante des affaires, qui sont de nature si complètement dissemblable. Pardonne-moi de l'avoir écrit tout ce bavardage, mais mon cœur s'est ouvert et tu peux t'imaginer la situation désagréable dans laquelle je me trouverais s'il me fallait d'ici désavouer le prince.

Vienne, le 28 avril 1793.

 

..... Une chose qui m'a vivement contrarié a été d'apprendre qu'on a délivré chez vous de nouveau à Dumouriez un faux passeport de la part du gouvernement ; cela nous discrédite considérablement auprès des princes voisins et autres. Comme j'ai déjà, quand le fait s'est produit la première fois, admonesté le comte de Metternich par l'entremise de Trautmannsdorf, Metternich a considéré ma remontrance comme une offense personnelle, il a présenté à la conférence cette admonition avec une déclaration, et en a référé à Vienne en termes tranchants. Ces taquineries qui, pour dire toute ma pensée, ressemblent le plus naturellement du monde aux radotages des vieilles blanchisseuses, quand elles se produisent parmi des chefs qui doivent servir ensemble, nuisent considérablement au service.

Luxembourg, 25 juillet 1793.

 

Mémoire justificatif sur la négociation faite avec Dumouriez[6].

 

Le maréchal prince de Cobourg n'avait reçu de S. M. l'empereur aucun plein pouvoir qui l'autorisât à entamer, encore moins à conclure des arrangements ou des négociations politiques avec les généraux ennemis et les autres agents de l'autorité en France. Tout ce qu'il a été dans le cas de. faire à cet égard, il l'a fait de son chef, et d'après la conviction où il était qu'un général d'armée, séparé par une grande distance de son souverain, peut quelquefois dans cette guerre, qui sous tous.tes rapports est si extrêmement différente de toutes les autres, saisir une circonstance imprévue et profiter d'un instant décisif ; il y est même obligé, s'il peut opérer par là un changement avantageux dans la situation politique et militaire des affaires, au lieu de le laisser échapper à jamais, pour rester dans les bornes que l'intérêt seul de son souverain et des puissances coalisées l'avait engagé de franchir. Après plusieurs affaires sanglantes, et où le sort des armes fut disputé par l'ennemi avec beaucoup d'habileté, d'acharnement et de valeur, le général Dumouriez se trouvait avec son armée derrière la Dendre, ayant des forc.es encore très-supérieures aux nôtres, étant en possession de la citadelle d'Anvers et de Namur, ayant un corps de 12.000 hommes en Hollande et étant maitre de Bréda et de Gertruydenberg. Les'revers de l'armée de Belgique lui avaient fait perdre du terrain, mais ne l'avaient encore, eu égard a ta supériorité des forces, que médiocrement affaibli. EUl' avait encore une excellente position ; elle était presque d'un tiers plus forte que la nôtre, elle était appuyée par des forteresses, ,elle avait ses derrières libres et une retraite sure. Dumouriex, dont le génie entreprenant est fertile en ressources, dont l'ascendant sur son armée était connu, pouvait marcher à nous avec ses 40.000 hommes nous en avions à peine 30.000 à lui opposer. Non-seulement il pouvait nous empêcher de pénétrer plus avant de Bruxelles, mais nous forcer de nous replier avec autant de pertes que nous avons eu de succès. L'ennemi pouvait, outre les avantages mentionnés ci-dessus, se renforcer des troupes qu'il avait en Hollande : tandis que notre armée, fatiguée par tant de marches, de batailles et d'affaires successives, affaiblie même par nos succès, manquant encore, vu la célérité que nous avions mise dans nos opérations, de beaucoup de choses qui n'avaient pu nous joindre, et n'ayant point d'artillerie de siège ni de longtemps aucun renfort de quelque conséquence à espérer, se trouvait dans un pays ouvert, sans appui, entièrement réduite à ses propres forces, et ne pouvant rien hasarder sans risquer entièrement sa sûreté, la campagne qui venait de s'ouvrir, la réputation de ses armes et les Pays-Bas.

Ici le mémoire entre dans le détail des négociations ouvertes avec Dumouriez, et ne fait que répéter ce qui a été dit dans les mémoires précédents.

..... S'élevait alors la question de savoir s'il convenait plus ou moins à S. M. l'empereur et aux puissances coalisées que la royauté constitutionnelle fût rétablie en France. Voici en peu .de mots sous quel point de vue cette proposition délicate et intéressante fut envisagée :

Différentes circonstances très-convaincantes prouvaient que la -première constitution que s'était donnée la France, quoiqu'elle eût pour base l'usurpation et de grandes erreurs politiques, avait encore pour elle les regrets, l'assentiment et le suffrage de la plus grande partie de la nation. Or on ne pouvait de bonne foi se dissimuler que la nation n'entrât pour beaucoup dans cette guerre, et en général dans les déterminations publiques. On savait que la grande majorité des opinions politiques.est contre la royauté absolue et la Convention nationale ; on savait que les Français, dont cette première constitution paraît encore être l'idole, n'obéissent qu'avec crainte et avec horreur aux décrets tyranniques de la faction qui règne aujourd'hui. On croyait pouvoir supposer que les moyens les plus prompts de rétablir l'ordre et de faire cesser cette anarchie, cet oubli de tous les principes, cette violation de tous les droits, qui eût pu à la longue influer sur l'existence des trônes comme sur le sort des particuliers, pouvaient, pour le premier moment, être regardés comme utiles et véritablement avantageux. On croyait, n'ayant pas alors de notions précises, que c'était là le grand but, le grand objet de la sollicitude des souverains. On se dit alors Si c'est en donnant les mains avec prudence à ces propositions qu'on peut sauver les jours de la famille royale ; si c'est un moyen de ramener l'armée à un roi, qui, s'il en redevient le chef suprême, saura bien tôt ou tard s'en servir avec succès pour relever son trône et l'affermir ; si c'est le rétablissement de la première constitution qui peut seul ramener l'ordre et la paix ; s'il est possible alors d'en rectifier avec le temps les imperfections et les nombreux défauts ; si la dignité et les revenus d'un roi, même constitutionnel, peuvent produire aisément dans des mains habiles des modifications successives ; si une monarchie limitée dans un pays, dont la guerre, l'anarchie et les déprédations ont épuisé les ressources, ouvre un accès facile à l'influence du dehors ; si l'on compte aussi pour quelque chose la fin de tant de convulsions et de malheurs, la sûreté, la vie de tant de milliers de particuliers et de soldats, la cessation du bouleversement affreux qui déchire la France et reflue sur toute l'Europe, d'une guerre dispendieuse et sanglante qui absorbe les finances des souverains et retombe sur leurs peuples, dont il importe tant qu'ils continuent à être aimés si enfin l'on considère que cette opération salutaire s'achemine et se consomme par un général qui parle en son propre nom, prévient d'avance qu'il n'a ni autorisation ni pleins pouvoirs, ne compromet par conséquent en rien ni l'opinion ni la dignité des souverains, et leur laisse, quand les difficultés seront levées et les premiers avantages bien décidément obtenus, l'entière liberté de confirmer ce qu'on a promis ou d'y faire les modifications nécessaires, de s'y refuser ou d'y souscrire ; si tout cela ne peut être contesté, se dit-on alors pour peu qu'on veuille entrer dans l'état des choses et la combinaison des circonstances, on peut prendre un parti qui y soit analogue et donne quelque chose à l'état actuel des affaires et à la crise des événements.

Voilà quelles furent les réflexions d'après lesquelles on se détermina à entrer en pourparlers avec Dumouriez, et les premières bases des négociations entamées avec ce général.

 

Ici encore Cobourg revient sur des faits déjà connus par les mémoires précédents ; puis il passe à l'exposé des motifs qui l'engagèrent à donner à Dumouriez la proclamation qu'il demandait. Ces motifs ont été exposés m extenso, page 403. Le mémoire se termine ainsi :

Examinée en détail, même .sévèrement analysée, cette proclamation ne paraît pas être de nature à faire une sensation aussi fâcheuse que celle que l'on-dit avoir été produite, dans les cours intéressées à cet objet.

Encore une fois, il paraît que, pour bien juger de cette pièce, il faut se placer au point où l'on en était, avant 'que l'on sût que l'entreprise de Dumouriez n'aurait pas un grand succès. Si la déclaration eût entraîné toute l'armée, eût-on blâmé la déclaration ? Si nous étions dans Valenciennes, Lille ou Condé, maîtres pour longtemps de ces places, et, suivant la tournure des négociations, maîtres peut-être d'y rester pour toujours, eût-on trouvé de l'inconvénient à s'en être procuré l'entrée de cette manière ?

Si l'on avait eu à combattre une nation assez unie d'intérêts et d'opinions, et une armée dans les mêmes principes, aurait-on refusé une déclaration qui tendait pour le moment actuel à rétablir la monarchie ? Et, pour remonter plus haut, si l'on se fût trouvé avec des forces inférieures et une armée fatiguée dans un pays ouvert et sans places fortes, vis-à-vis d'un ennemi établi dans une position avantageuse ayant presque le double de monde et maître de quatre forteresses, eût-on refusé d'entrer en négociation, s'il promettait de se retirer, de tout évacuer et de tout rendre ?

Enfin ce Dumouriez, qu'on n'a jamais pu aimer et estimer, mais qu'on a craint et admiré longtemps, qu'on aurait acheté à tout prix, qu'on aurait détaché à tout prix de la cause si criminelle et si dangereuse qu'il défendait si bien, fallait-il refuser de se l'attacher et de l'enlever à la soi-disant République française, quand, au Heu de payer si cher sa défection, c'était lui qui la payait par les plus grands sacrifices, et qu'on gagnait à la fois la moitié des Pays-Bas, quatre forteresses, de grandes espérances, l'armée française et Dumouriez ?

Quant à la promesse de rétablir la première Constitution, outre que le prince de Cobourg ne parlait ici qu'en son propre nom, et qu'après avoir obtenu les avantages, la cour de Vienne et les autres puissances coalisées restaient toujours complètement en droit et en mesure de mettre a cette concession telle restriction que la politique, les circonstances, leurs volontés ou nos succès pouvaient y poser ; outre tout cela, dis-je, Dumouriez avait positivement répondu aux objections qu'on lui fit à cet égard qu'il ne pouvait absolument pas dans le premier moment parler aux Français d'une autre forme de gouvernement que la première Constitution ; que la masse de ses compatriotes ne voulait que cela ; que non-seulement il ne réussirait pas en tenant un autre langage, mais qu'il risquait tout, ainsi que son armée, s'il ne posait pas cette Constitution pour base de toutes ses entreprises. Le colonel Mack lui parla de la noblesse et lui demanda ce que cette malheureuse et respectable portion de la nation française deviendrait. Ii répondit : N'ayez pas peur que je l'oublie ; mon but est bien de la rétablir, mais il faut encore attendre quelque temps. Elle est perdue à jamais, et moi et mon armée avec elle, si l'on en fait mention dans ce moment-ci. Quelque temps encore, et elle n'aura pas à se plaindre.

Quant à la promesse particulière de ne pas vouloir faire de conquêtes, et de regarder les places-frontières comme un dépôt qu'on s'engageait à rendre, cette condition, que Dumouriez faisait envisager comme base essentielle de nos premiers succès, a été expliquée ci-dessus ; d'ailleurs, quoi de plus facile que de désavouer, modifier, éluder une mesure du moment, prise en son nom par un général d'armée qu'on pouvait toujours regarder et même déclarer comme n'ayant pas eu de pleins pouvoirs et d'autorisation de son souverain, et comme n'ayant agi que d'après sa propre impulsion et les circonstances du moment ? Alors on retournait au point d'où l'on était parti, et l'on n'avait encore non-seulement rien perdu, mais beaucoup gagné.

La proclamation du 9 avril a annulé celle du 5. On fit camper l'armée sur le territoire de l'ennemi, on investit Condé. Tout cela se fit sans perdre un homme et sans le moindre délai. On ne fit rien de plus alors, puisqu'à présent, à l'heure ou ceci s'écrit, c'est-à-dire six semaines après, on n'a pas encore, malgré le changement de circonstances, été complètement en mesure de rien entreprendre et qu'on a du se borner à repousser avec avantage les attaques de l'ennemi. Qu'a-t-on perdu par conséquent à ces négociations ? Et ensuite est-il bien prouvé, bien démontré, que sans elles nous fussions où nous sommes ?

Toutes ces considérations ont paru si claires et si évidentes à milord Auckland, 'ambassadeur d'Angleterre à La Haye, qu'il a dit et écrit, lorsqu'il a été instruit de tout ce qu'il est indispensable de savoir pour porter un jugement équitable sur cet objet, que dans des circonstances semblables on n'eût pu mieux faire.

Le maréchal prince de Cobourg n'a rien vu dans tout l'ensemble de cette négociation, de ces manifestes et de ces événements, qui pût être désavantageux ni à sa cour ni aux puissances coalisées rien qui compromît leur dignité ou pût ternir la gloire de leurs armes.

L'événement a prouvé que Dumouriez n'avait pas assez connu sa nation et son armée, mais il n'a pas prouvé qu'on eût dû refuser des avantages qui, en grande partie, ont été réellement obtenus.

Le maréchal se serait cru très-coupable de les avoir négligés.

Il agi d'après sa propre conviction, et d'après la combinaison des circonstances ; il avoue qu'il a besoin de relire les ordres qui lui sont parvenus depuis, pour se persuader qu'il n'a commis que des fautes.

 

 

 



[1] Cette relation est celle de l'entrevue de Mack avec Dumouriez Ath, qui eut lieu dans la nuit du 25 au 26 mars et que nous avons racontée en détail, livre XXXI, §§ I et II.

[2] Voir cette déclaration, livre XXXII, § I.

[3] Le prince de Cobourg n'ose pas ici s'expliquer davantage sur sa déclaration du 5 avril, qu'il s'empressa d'ailleurs de rétracter le 9.

[4] Ce rapport est sans date, mais évidemment il fut écrit le surlendemain de la conférence d'Anvers, c'est-à-dire le 10 avril.

[5] La date du jour manque, mais, d'après les lettres antérieures et postérieures de l'empereur François à son frère, et d'après les événements dont il y est parle, on peut la considérer comme ayant été écrite du 12 au 15 avril.

[6] Ce mémoire justificatif ne porte pas de date, mais d'une de ses phrases il résulte qu'il a été écrit six semaines après les événements, c'est-à-dire vers le 15mai. Nous en donnons des fragments considérâmes. Les parties que nous avons retranchées racontent les faits qui se trouvent relatés dans les mémoires précédents, et forment par conséquent double emploi avec eux.

Par la correspondance de l'empereur François, on voit qu'il avait été fort mécontent des négociations entamées avec Dumouriez, et surtout de la proclamation du 5 avril signée du prince de Cobourg. Ce mémoire est destine à démontrer à l'empereur que le prince n'a pas commis les fautes qu'on lui impute.