Réponse du citoyen Faro, président de la section Poissonnière, aux députés de la Convention nationale envoyés dans son sein, le 8 mars 1793, l'an 2e de la République française. Citoyens, Il est des circonstances ou quelques revers de la fortune des armes tournent à l'avantage de la République. Le trait qui perce nos frères aux frontières atteint le cœur de tous les Français. Le peuple tout entier va se lever, et, comme un nouvel Hercule, il ne posera ses armes qu'après avoir banni de la terre et l'esclavage et la tyrannie. Législateurs, vous serez témoins de ce sublime effort, et sous peu les despotes vaincus et humiliés courberont la tête devant le peuple souverain. Paris s'estime heureux, et particulièrement la section Poissonnière, de pouvoir fournir une nouvelle preuve éclatante de son amour pour la liberté. Maintenant, mandataires du peuple, je dois vous exprimer les justes plaintes et réclamations des citoyens ici présents. La Convention n'a pas déployé toute l'énergie que le peuple attendait d'elle. Beurnonville n'eût jamais du parvenir au ministère ; il n'a point la confiance du peuple, et, au nom de cette assemblée, je vous demande sa destitution. Les officiers généraux n'étaient point à leur poste, et, par leur perfidie, notre avant-garde a été sacrifiée par les satellites des tyrans dans les plaines de la Belgique. Nous vous demandons le décret d'accusation contre Dumouriez et contre son état-major. Nous demandons que le décret du 15 décembre dernier rendu en faveur de la Belgique soit commun à toute la République, qu'aucun individu des ci-devant classes privilégiées ne puisse être revêtu d'une fonction publique. La responsabilité des ministres jusqu'à présent n'a été qu'un mot. Un vampire de l'État, dont le plus léger chef d'accusation contre lui aurait dû faire tomber la tête sur l'échafaud, Roland, respire encore ; nous vous demandons le décret d'accusation contre lui. Un autre agent non moins dangereux, le ministre des contributions publiques, ce suppôt de l'agiotage, fait couler par des sources impures les contributions du pauvre destinées au soutien de l'État. Il n'a pas la confiance du peuple, nous vous demandons sa destitution, et que sa conduite soit renvoyée au tribunal qui doit en connaître. Nous demandons à la Convention nationale qu'elle rapporte le décret désastreux qui déclare l'argent marchandise ; qu'elle tienne ses engagements envers nos volontaires ; qu'elle ne souffre pas plus longtemps qu'un assignat qu'ils reçoivent pour 5 livres n'ait de valeur que 45 sols. Nous lui demandons qu'elle fasse fermer la Bourse, ce repaire infâme de toutes les sangsues du peuple. Nous lui demandons qu'elle s'occupe des subsistances d'une manière favorable et utile au peuple, et que l'accaparement soit à jamais banni du sol de la liberté. La Convention nationale n'est pas sans avoir les plus graves reproches à se faire ; elle a souvent passé à l'ordre du jour sur des pétitions les plus dignes de fixer son attention, présentées par la commune de Paris et les départements. Le peuple ne voit pas sans inquiétude que beaucoup de ses délégués ne se rendent pas exactement à leur poste ; que les séances commencent fort tard ; que cette insouciance met la chose publique dans le plus grand danger ; de là résulte le mauvais choix des membres du bureau car cette section vient d'apprendre avec douleur que la Convention nationale a nommé Gensonné pour son président. Citoyens, dites à la Convention nationale que le peuple est à la hauteur de la Révolution, qu'il n'est nullement coupable des excès commis dernièrement par quelques-uns de ses membres égarés. Dites-lui qu'elle prenne des mesures dignes du grand caractère dont elle est revêtue, et tous les mouvements populaires disparaîtront. Le peuple est levé encore une fois, il veut la liberté tout entière ; il l'aura : il en est digne. Depuis quatre ans, sans lois, sans gouvernement, attaqué de toutes parts au dehors, calomnié, trahi, persécuté au dedans ; presque tous ses chefs vendus à ses ennemis ; n'ayant pour lui que ses malheurs et ses vertus ; ces citoyens généreux se détachant des affections les plus douces, abandonnant père, mère, sœurs, épouse, enfants, pour voler à la défense de la patrie qui leur tend les bras ; tous les sacrifices ne sont rien pour eux ; la mort ou la liberté, voilà leur devise ; un tel peuple est invincible ; c'est un peuple de dieux ! Citoyens législateurs, la section Poissonnière volerait tout entière aux frontières s'il n'en pouvait résulter les inconvénients les plus graves. Mais elle détachera de son sein Je plus de membres possible, et ceux qui resteront serviront de boucliers à la Convention nationale, feront respecter la souveraineté du peuple dans la personne de ses représentants. Voilà le vœu des citoyens de cette assemblée j'omets sans doute quelques articles, mais les citoyens ici présents se reposent sur votre énergie et sur votre patriotisme. FARO, président ; GRANGER, secrétaire. |