HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

V. — PROCÈS-VERBAUX DES ASSEMBLÉES DE BRUXELLES ET D'OSTENDE.

DANS LESQUELLES FUT VOTÉE LA RÉUNION DE CES VILLES À LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

 

 

PROCÈS-VERBAL DE L'ASSEMBLÉE DE BRUXELLES.

 

Liberté. — Égalité.

 

L'an 2e des peuples libres et le 25 février 1793, à 10 heures du matin.

Le peuple de la ville libre de Bruxelles et de sa banlieue, assemble en très-grand nombre dans l'église des S. S. Michel et Gudule, conformément à la convocation qui a été faite par la proclamation du lieutenant général Moreton, commandant en chef le Hainaut et le Brabant, laquelle a été affichée et publiée aux termes du décret de la Convention nationale du 31 janvier 1793, pour émettre librement son vœu sur la forme du gouvernement qui convient le mieux au Brabant ;

L. J. B. Lavalette, lieutenant-colonel commandant le bataillon des Lombards, ayant été chargé par le lieutenant général Moreton de le représenter et de remplir en son nom les fonctions que le décret attribue aux commandants militaires ;

Lavalette a dit :

Citoyens, c'est en vertu de cette réquisition des commissaires de la Convention nationale députés dans la Belgique, et d'après les ordres du général Moreton, que je viens vous réunir. Par la lecture du décret et de la proclamation, vous jugerez que l'objet qui vous assemble est le plus important dont un peuple libre peut s'occuper. Vous allez prononcer entre la liberté et l'esclavage ; vous allez choisir le gouvernement qui vous convient le mieux je vous engage à faire librement et avec courage le premier acte de votre souveraineté.

Le discours du citoyen Lavalette, applaudi, a été souvent interrompu par l'impatience que l'assemblée témoignait d'émettre son vœu.

La parole ayant été donnée au citoyen Gonchon pour un discours patriotique, et dont le but était d'éclairer le peuple sur ses vrais intérêts, malgré les applaudissements dont les vérités, qu'annonçaient le citoyen, étaient couvertes, il a été impossible d'arrêter l'ardeur des citoyens ; ils. ont ordonné l'impression du discours, et demandaient à prononcer un vœu sur lequel ils ont assuré qu'ils étaient assez instruits.

Le citoyen Gonchon ayant applaudi à l'ordre du peuple, Lavalette a dit :

Peuple de Bruxelles, votre impatience est bien louable ; mais il faut, pour que les malveillants n'attaquent pas votre suffrage, que vous remplissiez les formes qui assurent la liberté de vos décisions.

Vous avez un président et des secrétaires à élire quel mode voulez-vous employer pour l'élection ? Le cri unanime a été : Par acclamation et surtout la réunion, la réunion !...

La présidence mise aux voix, la très-grande majorité y a porté J. Il. C. Verlooy, qui, ayant prêté le serment d'être fidèle à la liberté et à l'égalité, en a occupé la place. L'assemblée ayant procédé à l'élection des secrétaires, les citoyens Grégoire, Lorenzo, A. d'Aubremez, G. J. Claeysens, F. F. Baret, ont été appelés au bureau et ont prêté le serment.

Le président a proposé à l'assemblée, avant de procéder à émettre son vœu, de prêter aussi le serment de liberté et d'égalité. Les transports les plus vifs se sont manifestés, et l'église a retenti des cris de : Fidélité à la liberté et à l'égalité ! Vive la République française ! Vive la réunion !

Le président, ayant rappelé l'assemblée au recueillement, a répété le serment au nom du peuple de Bruxelles et de sa banlieue le président ayant proposé les différents modes de voter, on a demandé à l'unanimité le mode d'acclamation le président ayant demandé si on connaissait bien l'objet de la délibération, tous répondent : oui, oui ! Alors il propose que le peuple choisisse entre le gouvernement aristocratique, qui comprend les anciens États et le gouvernement autrichien, et le démocratique. Le vœu unanime, les cris d'allégresse ont annoncé que tous voulaient le gouvernement démocratique. Il a proposé ensuite de prononcer entre le gouvernement simplement libre, ou la réunion departementaire à la France. Que ceux qui veulent la réunion à la France, a-t-il dit, passent à gauche. Un cri spontané et universel a déclaré vouloir la réunion les bras se sont élevés, toutes les voix s'écrient : Nous sommes Français, vive la France ! nous voulons la réunion !

Le président répète le même cri et annonce le vœu unanime de l'assemblée. Vive la République ! Vive l'union ! se répètent à l'envi.

Un citoyen fait la motion qu'il soit envoyé à la Convention nationale une députation qui exprime le vœu de la réunion départementaire à la France, émis par la ville et banlieue de Bruxelles.

Cette demande arrêtée à l'unanimité, les citoyens Rosières, lieutenant général, Chapel, l'aîné, Lavalette, lieutenant-colonel, et Verlooy, ont été chargés de porter ce vœu dans le plus court délai à la Convention nationale[1].

Un citoyen a demandé :

1° Que toutes les cloches de la ville sonnent depuis l'instant de l'émission du vœu du peuple jusqu'à la nuit ;

2° Que le commandant militaire fasse tirer le canon

3° Que la ville soit illuminée ce soir.

Ces différentes motions accueillies, le président a été charge de surveiller l'exécution de la volonté du peuple souverain, qui désire mettre la plus grande solennité au jour précieux qui assure son bonheur.

On a demandé une nombreuse députation aux députés de la Convention commissaires dans la Belgique ; chacun avec joie a crié : Nous irons tous ! On a proposé qu'un registre soit ouvert à la ville pour recevoir la protestation de ceux qui voudraient s'opposer à la réunion. Un mouvement d'indignation générale aurait fait repousser cette proposition, si l'on n'avait pas annoncé qu'il ne faut laisser aucune ressource aux malveillants.

Sur la demande d'un citoyen, on a arrêté que le procès-verbal de cette séance mémorable serait imprimé, affiché, envoyé à la Convention nationale, aux quatre-vingt-cinq départements, aux commissaires de la Convention, à ceux du pouvoir exécutif, aux généraux d'armées et commandants des places de la Belgique, aux autorités constituées et aux sociétés patriotiques.

Un citoyen demande que l'hymne des Marseillais termine la séance, et que les cris de réunion, de liberté et d'égalité se fassent entendre dans toute la ville : Arrêté.

Fait et clos les jours et an, avant dits, à midi.

J. B. C. VERLOOY, président ; LORENZO, secrétaire ; G. J. CLAEYSENS, secrétaire ; J. F. BARET, secrétaire ; LAVALETTE, commissaire.

 

Procès-verbal de l'Assemblée l'Ostende convoquée le 28 février pour le dimanche 3 mars.

 

Liberté, égalité.

Cejourd'hui, dimanche 3 mars, l'an deuxième de la République française et le dernier du règne des tyrans, à midi précis, l'assemblée s'est ouverte après l'ordre donné à la force armée de s'éloigner du lieu des séances. Le citoyen Amandry, remplissant les fonctions de commissaire national du pouvoir exécutif de la République française, a fait l'ouverture de l'assemblée par un discours dans lequel il a retracé que sa nation libre et généreuse ne pouvait attendre plus longtemps à connaître le vœu des Ostendais. Eh quoi, leur a-t-il dit, quelqu'un d'entre vous regretterait-il les chaînes honteuses que le Français vainqueur a brisées ?Non, non ! s'est-on écrié de toutes parts. Je proposerai donc ces deux points importants l'option vous est accordée, citoyens, ou vivre sous le régime du prince, ou vivre sous celui de la liberté. Que chacun de vous consulte la liste, et près de son nom qu'il émette son vœu. A ces mots, on n'entendait que des cris : La réunion à la France ! nous sommes Français ! Le commissaire poursuivit : Quoique le vœu paraisse unanime, je n'en ouvre pas moins un registre pour ceux qui ne voudraient pas de la réunion. — Point de registre ! s'est-on écrié, personne ne protestera. Le commissaire reprit : Ostende et son arrondissement, convoqués bien légalement tant par le général O'Moran que parles représentants provisoires du peuple, sont Il réellement représentés dans cette assemblée. En conséquence, je déclare Ostende et son arrondissement comme faisant partie de la République française ; cette déclaration sera ratifiée par les députés de la Convention nationale.

Le serment fut proposé dans cette ville, formule écrite dans les deux langues

Je jure que je renonce à tous les privilèges, je jure de maintenir la liberté et l'égalité, et de mourir à mon poste en les défendant. Je jure aussi que je consens à la réunion d'Ostende à la France.

Chaque citoyen l'a prêté individuellement et signé aussitôt la réunion a été proclamée dans toutes les places publiques. Le canon a été tiré, les cloches ont été sonnées, les illuminations ont été ordonnées et deux pièces de vin ont été bues à la santé de la République française.

Le peuple a demandé les drapeaux des anciennes confréries sur lesquels étaient peintes les armoiries d'Autriche ; ils n'ont pas tardé à être mis en pièces.

L'assemblée a nommé les citoyens Delplanque et Forcade comme porteurs du vœu des Ostendais auprès des députés de la Convention nationale, et Je citoyen Amandry a été chargé d'exhiber leur commission.

AMANDRY, GRYCPERRE, GREENWOOD.

 

 

 



[1] De ces quatre délégués du peuple bruxellois, deux au moins étaient Français : 1° le général Rosières, qui, du service de France, était passé au service belge, et sur le compte duquel Dumouriez s'exprime ainsi dans ses Memories : Cet ancien officier français sans mérite et sans talent gouvernait le comité de la guerre très-ignorant et très-fripon ; 2° le colonel Lavalette, qui commandait le bataillon des Lombards. Il devint plus tard un des séides de Robespierre et fut guillotiné avec lui le 10 thermidor.