HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

VII. — LES ÉMIGRÉS EN LORRAINE ET EN CHAMPAGNE.

 

 

Nous réunissons ici plusieurs pièces inédites qui font connaître quelle fut l'attitude prise par les frères du roi et leurs adhérents, lors de leur rentrée momentanée sur le territoire français, en 1792.

 

I.. — ADRESSES DE FÉLICITATIONS ET D'HOMMAGES ENVOYÉES AUX FRÈRES DU ROI.

 

Leurs Altesses Royales les Princes français.

 

Princes, vous voyez à vos pieds la députation de la comté d'Audun-le-Riche, qui vient vous exprimer sa satisfaction la plus vive pour l'honneur que vous lui faites, en choisissant cet endroit pour votre rentrée en France. Que ce bonheur, ô Princes, ne la prive pas de la douce consolation d'offrir à Vos Altesses son hommage le plus respectueux, son attachement sincère au plus vertueux des monarques, enfin son obéissance entière à toutes les lois futures qui émaneront de Sa Majesté !

Cette communauté, Princes, dont les mœurs n'ont jamais démenti la pureté de ses sentiments, si elle s'est quelquefois oubliée, si elle s'est rendue réfractaire en adoptant des maximes qui répugnaient à sa conscience et à sa probité, son silence aujourd'hui parle en sa faveur, et manifeste à vos yeux le plus vif repentir de sa faute.

Si ces regrets sincères, accompagnés d'une vraie résipiscence, touchent votre âme sensible, cette paroisse sollicitera des bontés du Roi et de Vos Altesses Royales, qu'elle respecte et qu'elle chérit, un pardon dont le souvenir lui retracera toujours son erreur passée. Cet acte généreux, Princes, si elle l'obtient, assurera à ce village en partie ruiné par les mouvements de cette guerre injuste une protection de laquelle ils ne seront redevables qu'à la gloire que vont acquérir deux héros, deux princes magnanimes, pour )e succès de laquelle ces habitants ne cessent d'invoquer le Très-Haut, afin qu'il répande sa bénédiction sur leurs armes.

La députation termine son adresse par les cris de : Vive le roi ! vive Monsieur ! vive M. le comte d'Artois !

BAUVET, procureur ; J. BARTHÉLEMY, maire ; J.-C. BARTHÉLEMY, substitut ; DENAISSANCE, greffier ; TRAISIN, receveur de la Douane.

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À Monsieur le marquis de Lambert, lieutenant général commissaire des Princes[1].

 

Les habitants de la ville de Longwy viennent de faire une adresse à Monsieur, Frère du roi, dans laquelle ils expriment les sentiments qui les animent ; le style en est peu soigné, parce qu'elle a été rédigée au milieu des applaudissements. Veuillez bien la faire agréer à Son Altesse Royale comme un témoignage de notre fidélité et de notre respect envers Sa Majesté.

Je suis, monsieur le marquis, etc.

BERNARD.

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À son Altesse royale Monsieur, Frère du roi.

 

Les notables habitants de la ville de Longwy, appréciant la générosité du général des armées combinées de Leurs Majestés l'Empereur et le Roi de Prusse, instruits tout récemment des manœuvres odieuses pratiquées contre le trône, informés que la sanction donnée par le Roi à plusieurs décrets de l'Assemblée nationale a été dictée par la contrainte forts de leur conscience, ils prennent la liberté d'offrir à Votre Altesse Royale leur vraie profession de foi.

Depuis le commencement de cette révolution orageuse, ils ne se sont jamais livrés ni aux publicistes, ni aux factieux ; si quelquefois ils ont été égarés par la force, ils ont néanmoins fait tous leurs efforts pour empêcher les vexations, les émeutes populaires. La plus belle preuve qu'ils puissent en offrir, c'est que l'étendue de cette juridiction n'a jamais offert les tristes et affreux spectacles qui ont affligé les autres provinces. Lorsque des malheurs extraordinaires forcèrent les princes, et avec eux les chefs de l'État, à s'expatrier, lorsque des écrits incendiaires semés de toutes parts enfantaient dans les opinions quelque chose de sinistre, lorsque les divisions intestines étaient entretenues par une faction d'autant plus redoutable qu'elle avait armé le plus grand nombre contre l'honnête homme, les citoyens de la ville de Longwy et de sa dépendance sont restés constamment attachés aux principes de l'union, de la subordination et de la véritable monarchie. Il est cependant vrai que, de temps à autre, quelques menaces, quelques violences les ont forcés au silence, mais aujourd'hui qu'ils commencent seulement à jouir de la vraie liberté, ayant fait un retour sérieux sur tous les événements extraordinaires et inouïs qui ont donné lieu aux crimes, aux assassinats, aux incendies qui se sont commis à Paris et dans la plus grande partie du royaume, convaincus que la France ne peut subsister sans un pouvoir royal revêtu de toute sa plénitude, de toute sa souveraineté, assurés d'ailleurs que Louis XVI, notre auguste souverain, est le meilleur ainsi que le plus calomnié des rois, indignés contre les factieux qui, par un régicide abominable, se sont emparés de sa personne et l'ont exposé à la fureur populaire ;

Ils promettent solennellement à Son Altesse Royale Monsieur que toujours la ville de Longwy et dépendance regardera Louis XVI, roi de France et de Navarre, comme son seul et unique souverain, aux volontés duquel elle se résigne indéfiniment. Elle supplie ce même Prince de vouloir bien lui servir de protecteur auprès de Sa Majesté, et de l'assurer qu'elle désavoue hautement les voies de fait, les horreurs dont un peuple de cannibales rougirait de se rendre coupable, et comme il se répand que Louis XV[ est impitoyablement détenu dans une des tours du Temple que cette captivité est la même que celle du roi Jean en Angleterre ; les exposants, au nom de tout l'arrondissement, prient instamment, et avec toute l'ardeur dont ils sont capables, Son Altesse Royale Monsieur, de vouloir bien accepter la régence du royaume de France, de se faire reconnaître en cette qualité par les peuples et armées, de former lui-même son conseil de gens instruits, éclairés, vertueux, propres au rétablissement du bon ordre et à la prospérité de l'État. Tel est le vœu de leur cœur, tel est l'exemple que suivront sans doute les autres cités du royaume, et avec lesquels tous les Français s'écrieront avec allégresse Vive Louis XVI, notre bon roi ! vive le père des Français !

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Aux notables habitants de Longwy.

 

Du camp sous Verdun, le 3 de septembre.

Messieurs,

J'ai reçu la lettre dont vous m'avez honoré, à laquelle était jointe celle que les notables du district et de la ville de Longwy ont adressée à Monsieur, Frère du roi. Je me suis empressé de la communiquer à Sa Majesté Prussienne, et à Son Altesse Sérénissime monseigneur le duc de Brunswick, général des armées prussienne, autrichienne et royale de France. Je suis flatté de pouvoir vous apprendre, Messieurs, la satisfaction que le Roi et monseigneur le duc de Brunswick ont éprouvée en apprenant le premier effet de la liberté qu'ils sont venus apporter au peuple français, en le délivrant de l'oppression des factieux qui l'empêchaient de manifester ses véritables sentiments pour notre malheureux souverain et son auguste famille.

Il est honorable pour la ville de Longwy et pour chacun de ceux qui ont signé la lettre adressée à Leurs Altesses Royales. d'avoir été les premiers à publier Je vœu de leur cœur, qui est celui de tous les bons Français, qui s'empresseront à suivre votre exemple, à mesure que les armées avanceront en France et que chaque citoyen pourra librement faire connaître son opinion.

L'histoire fera passer à la postérité la plus reculée cette circonstance unique dans tes fastes de deux grandes puissances, qui emploient leurs armées non pour la gloire passagère, souvent aussi funeste aux vainqueurs qu'aux vaincus, d'enlever quelques provinces, mais pour porter l'ordre, la paix, la véritable liberté chez une grande nation rivale de mériter par là, d'être regardés comme les bienfaiteurs des peuples qu'ils vont combattre. Le nom de votre ville et la démarche qu'eue vient de faire trouveront une place dans le récit de cette mémorable entreprise. On ne dira point qu'elle fut conquise, mais qu'elle eut le bonheur et la gloire d'être la première à reconnaître son souverain légitime, et à réclamer l'empire d'antiques lois qui avaient fait prospérer la France pendant tant de siècles.

Leurs Altesses Royales ne tarderont pas à vous adresser les assurances de leur sensibilité, aussitôt qu'elles auront terminé quelques affaires qui les occupent uniquement dans ce moment. En attendant, elles me permettent d'être l'interprète de leurs sentiments auprès de vous. Si vous avez quelques demandes à leur faire passer, je vous supplie de me les adresser avec confiance. Mon exactitude est un devoir que je remplirai avec empressement et que m'imposent également la confiance dont ils veulent bien m'honorer, et la reconnaissance que je vous dois d'avoir bien voulu me choisir pour leur faire parvenir vos vœux.

Je suis avec respect, Messieurs, etc.

Le marquis DE LAMBERT.

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Réponse de Monsieur à l'adresse envoyée le 30 août dernier par les notables habitants de la ville de Longwy et environs.

 

Au quartier général d'Hettange-la-Grande, le 4 septembre 1792.

 

Il me serait difficile, Messieurs, de vous peindre combien je suis touché des sentiments d'amour et de fidélité pour le Roi mon Frère, qui sont si bien exprimés dans la lettre que vous m'avez adressée. Je me ferai un devoir et un plaisir de les porter à ses pieds, aussitôt que le plus cher de nos vœux sera rempli, et je regrette bien vivement de ne pouvoir les lui faire parvenir dès ce moment même, étant bien assuré que la certitude d'être aimé comme il mérite de l'être adoucirait les peines dont il est accablé. L'accueil que j'ai reçu de vous et qui ne s'effacera jamais de mon souvenir m'était un sûr garant de votre façon de penser, et je ne doute pas que tous les Français n'imitent le grand exemple que vous venez de donner, dès que les armées des souverains, qui ont si généreusement embrassé notre cause ; les auront délivrés des factieux qui tyrannisent jusqu'à leurs pensées.

Quant à moi, Messieurs, je m'estimerai toujours heureux d'avoir été le premier dépositaire de vos véritables sentiments, et je vous prie d'être bien persuadés de tous les miens pour vous.

LOUIS-STANISLAS-XAVIER.

 

II. — SOMMATIONS FAITES À THIONVILLE.

 

Nous avons donné, dans le texte même de ce volume (livre XVI, § I), l'extrait des deux sommations qui furent envoyées aux autorités civiles et militaires de Verdun par le duc de Brunswick. Elles étaient faites en son nom, et invoquaient accessoirement le nom des frères de Louis XVI. Celles envoyées aux autorités de Thionville présentaient le fait contraire. Elles étaient libellées au nom du comte de Provence et du comte d'Artois le nom du généralissime des armées coalisées y était à peine mentionné. Nous ne croyons pas que les sommations adressées à Thionville aient jamais été imprimées. Nous donnons le texte même de ces sommations, ainsi que celui des. réponses du générât Wimpffen qui commandait cette place.

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Première sommation faite par les frères du roi, commandant leur armée campée près Thionville.

 

De par le roi,

Nous, Louis-Stanislas-Xavier et Charles-Philippe, Fils de de France, Frères du Roi, commandant l'armée de Sa Majesté, composée de ses plus fidèles sujets et réunie à celle de Leurs Majestés Impériale et Prussienne, sous les ordres de Son Altesse Sérénissime le duc de Brunswick, déclarons au commandant de la ville de Thionville, à la garnison, à la municipalité, au district et à tous les habitants, que nous venons prendre possession de cette ville, pour le Roi notre Frère, et qu'en son nom nous les sommons, par ces présentes, d'ouvrir aussitôt leurs portes, d'apporter leurs clefs et de se soumettre au commandement de leur légitime souverain, sous peine, en cas de refus et d'une résistance, qui, lorsqu'ils se trouvent cernés par trois armées, serait aussi insensée que criminelle, d'y être forcés par toutes voies d'exécution militaire, avec la plus extrême rigueur, et de subir les punitions exemplaires dues à des rebelles pris les armes à la main ; déclarons, conformément aux intentions de Leurs Majestés Impériale et Prussienne, que, s'il n'était pas satisfait à la présente sommation, le commandant, les officiers municipaux et les chefs du district répondraient personnellement des suites d'une désobéissance séditieuse qui obligerait d'employer le fer et le feu sans ménagement et exposerait la ville à une subversion totale. Nous espérons que les habitants préviendront cette cruelle nécessité qui serait infiniment douloureuse à notre cœur, et nous les conjurons, au nom de tout ce qu'ils ont de plus cher, de nous l'épargner en se hâtant de rentrer dans leur devoir. Nous sommes informés qu'on a caché aux peuples des provinces qu'un roi, qui fut et sera toujours leur père, est détenu et emprisonné, livré aux plus indignes traitements. Nous sommes persuadés qu'il suffit de le leur apprendre, pour faire reparaître des sentiments innés à tous les Français et leur faire abjurer toute liaison avec des scélérats qui veulent rendre la nation complice de leur attentat atroce contre la Majesté Royale..

Les habitants de Thionville doivent reconnaître que si la présente sommation est accompagnée de menaces redoutables, elles ont leur salut pour objet, qu'elles ne tendent qu'à les arracher à un funeste égarement, et que ce serait le comble du délire que de se laisser écraser par des forces irrésistibles, plutôt que de redevenir fidèles à leurs premiers serments, et d'imiter l'exemple des villes de Longwy et de Verdun qui ont prévenu leur ruine par une prompte soumission. Nous désirons vivement que celle des habitants de Thionville nous mette dans le cas de n'avoir à exercer envers eux que des actes de clémence et de bienfaisance analogues aux sentiments paternels de Sa Majesté nous comptons sur la fidélité des officiers de ses troupes et nous saurons faire valoir toutes les preuves qu'ils donneront de leur attachement à leur Roi.

Ainsi fait et notifié par nous Frères du roi, Fils de France, au nom de Sa Majesté, de concert avec Son Altesse le prince de Hohenlohe, commandant les troupes autrichiennes unies aux nôtres en ce moment.

Au quartier général d'Hettange-la-Grande, le 4 septembre 1792.

LOUIS-STANISLAS-XAVIER, CHARLES-PHILIPPE, de concert avec Son Altesse Royale le prince de HOHENLOHE, général commandant l'armée impériale au quartier général de Richemont.

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Réponse du général commandant la place de Thionville.

 

Nous ignorons ce qui se passe en France les citoyens et la garnison n'ont pas cessé un instant d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi ; ils dépendent des autorités constituées, tant civiles que militaires, établies dans leur chef-lieu de département et ne peuvent recevoir d'ordre que d'elles.

Fait à Thionville, le 4e jour du mois de septembre 1792.

FÉLIX WIMPFFEN, maréchal de camp, commandant à Thionville.

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Seconde sommation faite, par les frères du roi.

 

Aux citoyens et à la garnison de Thionville.

Puisque vous déclarez vous-mêmes que vous ignorez ce qui se passe en France, nous sommes portés à croire qu'aussitôt que vous en serez instruits vous en aurez horreur, et que vous vous séparerez avec indignation de la faction criminelle dont les attentats font frémir l'humanité ; qui a violé la personne sacrée de votre Roi, qui le tient emprisonné, qui menace ses jours, qui menace vos compatriotes et qui a plongé le royaume dans un abîme de maux.

Les affreuses vérités, qu'on a eu soin de dérober à vos regards, sont tracées dans notre déclaration du 8 du mois dernier, dont nous vous envoyons plusieurs exemplaires ; voyez-y par combien d'égarements on a porté la nation à se détruire elle-même, de combien de forfaits on a souillé nos annales ; vous y verrez que l'on a forcé les -puissances de l'Europe à s'armer contre notre malheureuse patrie, et dans quelles intentions nous nous sommes joints aux armées qui n'attaquent la France que pour la sauver ; nous y avons consigné nos sentiments et vous y trouverez vos devoirs.

Ce qui est arrivé depuis doit achever de vous ouvrir les yeux, non-seulement sur le caractère et les projets des scélérats qui oppriment le royaume, mais aussi sur les suites abominables qu'entraînent les innovations qui vous ont séduits sachez donc qu'un roi, qui a tout sacrifié à son amour pour son peuple, est aujourd'hui victime des séditieux acharnés à le combler d'outrages ; sachez que, forcé de fuir, avec toute la famille royale, son palais ruisselant de sang et fumant d'incendie, votre infortuné monarque s'est vu réduit à chercher sa sûreté au sein même de l'Assemblée qui surprit son pouvoir, et que là, après l'avoir confiné avec la Reine et monsieur le Dauphin dans un espace étroit, où pendant vingt-quatre heures il a été abandonné sans aucun secours, on a eu l'indignité de prononcer en sa personne la suspension de tout exercice d'autorité ; sachez que renfermé ensuite au Temple, dont la tour est préparée pour lui servir de prison, il est traité en criminel d'État, séquestré de toute communication et soumis à l'humiliation d'être interrogé par des sujets rebelles sur des accusations chimériques ; sachez enfin que, dans l'état des choses, il n'y a plus à hésiter ; que ne pas se hâter de désavouer les crimes des usurpateurs c'est y tremper ; que rester armé avec des factieux, c'est mériter les peines qui leur sont dues, et qu'il faut ou redevenir Français fidèles, ou périr révoltés. Vous n'avez plus que peu d'instants pour choisir, et votre choix décidera du sort de votre ville ; celui qu'une résistance aveugle attirerait sur elle lui est notifié par la déclaration que Son Altesse le duc de Brunswick a faite le 25 juillet dernier au nom de l'empereur et du roi de Prusse. Peut-être en a-t-on empêché la publication dans votre ville ; nous vous en adressons un exemplaire et nous vous exhortons avec les plus vives instances à ne pas vous exposer aux exécutions militaires qui y sont annoncées vous devez voir que rien ne pourrait vous en préserver et que l'armée formidable dont vous êtes entourés, ainsi que la prise de Verdun, ne vous laissent aucun espoir de secours ; vous ne pouvez trouver de salut que dans la soumission ; rendez-la assez prompte pour qu'on puisse l'attribuer aux sentiments plutôt qu'à la crainte. Le retard ne pourrait être d'aucune utilité et les effets en seraient funestes ; s'il vous faut un exemple de ce qu'exige le cas où vous êtes, vous le trouverez dans la déclaration ci-jointe, que les habitants de la ville de Longwy nous ont envoyée ils ignoraient comme vous ce qui s'était passé dans la capitale ; ils ont frémi en l'apprenant, et se sont empressés de déposer en nos mains l'expression des sentiments qu'il nous paraît impossible que vous ne partagiez pas avec eux et avec tous les bons Français. Hâtez-vous donc de faire les mêmes protestations ; profitez de la modération des puissances qui veulent éclairer avant de frapper, et donnez à votre Roi captif la consolation de voir ses peuples revenir à lui, revenir à leurs devoirs sans y être forcés par des rigueurs dont il gémirait, mais que leur obstination rendrait indispensables.

Nous vous déclarons finalement, suivant les instructions de Leurs Majestés Impériale et Prussienne et d'accord avec Son Altesse le prince de Hohenlohe, dont l'armée est devant votre ville, que la présente itérative sommation de nous ouvrir sur-le-champ vos portes est la dernière que nous puissions vous faire ; vous rendant personnellement responsables des suites terribles que votre refus aurait immédiatement causées.

Au quartier général d'Hettange-la-Grande, le 5 septembre 1792.

LOUIS-STANISLAS-XAVIER, CHARLES-PHILIPPE, de concert avec Son Altesse Royale le prince de HOHENLOHE, général commandant l'armée impériale au quartier général de Richemont.

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Réponse du commandant de la place de Thionville à l'armée impériale et prussienne.

 

Nous gémissons avec vous sur les maux qui affligent la France, nous ne partageons et ne partagerons jamais les crimes qui souillent les annales de notre révolution ; mais, citoyens français, nous sommes tout aussi peu disposés à nous soumettre au despotisme que vous nous offrez et les princes savent bien qu'à part opinion, un ensemble de gens d'honneur ne posent point lès armes sur des invitations qui ne sont que des menaces.

A Thionville, le 5 septembre 1792, l'an 4e de la liberté.

FÉLIX WIMPFFEN, maréchal de camp, commandant à Thionville.

 

III. — COMMISSIONS DONNÉES POUR LA LEVÉE DES IMPÔTS.

 

De par le Roi et Leurs Altesses Royales les Frères de Sa Majesté, commandant son armée.

Nous, Ministre d'État, chargé par les princes, Frères du Roi, de faire vérifier l'état des recettes et recouvrements de droits dans les différents lieux où ils ont ordonné qu'ils seraient perçus au nom et pour le compte de Sa Majesté, avons autorisé et autorisons, de la part de Leurs Altesses Royales, le sieur Ostone, receveur principal des douanes à Sierck, de procéder à la susdite vérification tant des registres de recette que de l'état des caisses dans les lieux dépendants des districts de Longwy et de Thionville, pour en être rendu compte à Leurs Altesses Royales et être ensuite par elles ordonné ce qu'il appartiendra.

Fait au camp de Hettange, le 2 septembre 1792.

DE CALONNE.

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Nous, Ministre d'État soussigné, certifions que le sieur Ostone, receveur principal des douanes nationales à Sierck, sorti de France en juillet, et admis au nombre des émigrés, par certificat de M. Rey, du 17 août dernier, s'est rendu depuis ce temps aussi utile qu'il a dépendu de lui.

Au camp de Hettange, le 14 septembre 1702.

DE CALONNE.

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Luxembourg, le 29 septembre 1792.

Je vous préviens, Monsieur, que Leurs Altesses Royales les princes, Frères du Roi, m'ont nommé administrateur des droits du Roi, et m'ont donné les ordres les plus précis pour que j'établisse une régie exacte et suivie pour le compte du Roi. En conséquence des pouvoirs qui m'ont été confiés, je vous engage à continuer lé zèle que vous avez montré jusqu'à présent pour l'exactitude du service.

Je sais que, pour le moment, ce service est à peu près nul, à cause du passage des armées qui ont anéanti tout le commerce mais il peut d'un moment à l'autre reprendre son activité, et il est toujours nécessaire d'entretenir les brigades et les préposés dans un travail suivi, avec d'autant plus de raison qu'il se fait toujours un transport de comestibles pour les armées, et il faut empêcher que sous ce prétexte il ne se fasse des versements dans votre ville et des entrepôts dans votre inspection.

Vous avez sans doute la connaissance de la décision donnée par M. de Calonne, Ministre d'État, au nom des princes et pour le compte du Roi, qui exempte de tous droits tous les comestibles destinés pour tes armées combinées et celles des princes. Mais il est nécessaire que tes marchands ou détaillants soient munis de passeports, qui attestent et prouvent que lesdites denrées sont pour la consommation des armées. Cette formalité est de rigueur, et, dans le cas où lesdits marchands n'auraient pu se procurer les passeports lors de leur passage aux bureaux des douanes royales, il faudrait que les receveurs ou contrôleurs expédiassent des acquits-à-caution, qui seraient visés et certifiés par les officiers commissaires des guerres des armées. A l'égard du sucre et du café. qui ne sont point des comestibles de première nécessité, vous aurez pour agréable de faire payer les droits à t'entrée, sauf cependant à les restituer aux marchands s'ils vous rapportaient des certificats en bonne forme des officiers qui auront acheté lesdits sucre et café pour leur consommation. Ces précautions sont essentielles pour éviter autant que possible les dépôts de ces marchandises précieuses vous voudrez bien, Monsieur, donner connaissance de la présente aux receveurs de votre inspection, en les engageant à en prendre copie et l'enregistrer sur leurs registres d'ordre.

Je vous engage en outre, Monsieur, à vous rendre chez M. Laires, votre inspecteur généra), pour lui faire part de cette lettre, et le prier de vouloir bien se transporter avec vous chez MM. tes généraux commandants de votre ville, ainsi que chez M. le commissaire de l'armée impériale et royale, pour prendre et recevoir leurs ordres et leur demander sûreté, protection et main-forte en cas de besoin, et surtout des passeports pour que vous et vos subordonnés puissiez vaquer à l'exercice de vos fonctions, avec autorisation de porter vos armes, étant revêtus des plaques aux armes de France, ainsi que de vos anciennes commissions.

A l'égard de vos appointements, en attendant qu'Us vous soient totalement payés, je vous autorise à prendre et recevoir les fonds qui pourraient se trouver dans vos recettes.

GOULARD, administrateur des fermes du Roi.

P. S. Vous voudrez bien renvoyer copie de la présente avec soumission de vous y conformer.

 

IV. — LES ÉMIGRÉS APRÈS L'ÉVACUATION DU TERRITOIRE FRANÇAIS.

 

On trouve dans le Moniteur de 1792, et notamment dans le numéro 300, un grand nombre de lettres saisies ou interceptées, qui peignent l'effroyable détresse des émigrés au moment de la retraite de l'armée austro-prussienne. Nous y renvoyons nos lecteurs, nous nous contenterons de faire connaître comment l'Empereur d'Allemagne en agissait avec eux au moment même où ils venaient de servir sous ses drapeaux. Cette pièce a été imprimée à Bruxelles, mais elle est extrêmement rare. Elle donne une triste idée de la reconnaissance et de la générosité de François II.

 

Déclaration de Sa Majesté l'Empereur et Roi, concernant les émigrés français.

 

Du 23 octobre 1792.

Sa Majesté voulant prévenir les inconvénients qui pourraient résulter pour la chose publique de la grande affluence des émigrés français de toute classe dans ce pays, Elle a trouvé bon, à la délibération des sérénissimes gouverneurs généraux des Pays-Bas, de statuer et ordonner comme Elle statue et ordonne ce qui suit :

Art. Ier. Les émigrés employés ou attachés à l'armée des princes français ne pourront se tenir ou séjourner ailleurs que dans les lieux désignés pour les cantonnements de cette armée tous ceux qui se trouveraient ou se présenteraient dans quelque autre ville ou lieu de ce pays, seront arrêtés par les officiers de police, à l'assistance, s'il est besoin, du militaire, pour être reconduits à ladite armée, et, en cas de la moindre résistance, ils seront punis comme perturbateurs du repos public.

II. Les autres émigrés français, de quelque état ou qualité qu'ils puissent être, ecclésiastiques ou laïques, qui.ne tiennent pas en louage une maison ou un quartier, devront sortir du pays dans le terme de huit jours, à compter de la publication des présentes, à peine d'être traités comme gens sans aveu.

III. Tous ceux des émigrés qui, en conséquence de l'article précédent, peuvent rester dans le pays, devront remettre, dans Je même terme de huit jours, à l'officier de justice ou de police de l'endroit de leur demeure, une note exacte signée par eux, contenant leurs noms de baptême et de famille, ainsi que ceux des personnes qui composent leur famille et leur domestique, avec une indication exacte de leur logement, l'endroit du dernier domicile qu'ils avaient en France, ainsi que leur état ou profession. Ceux qui resteront en défaut de donner ces renseignements, ou qui se permettront de porter à leur chapeau des cocardes ou des plumes blanches, devront également vider le pays sous la même peine.

 

 

 



[1] Le marquis de Lambert était commissaire des princes près le roi de Prusse.