L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, an quatre de la liberté, le premier de l'égalité, le deuxième jour du mois de septembre, à neuf heures du matin, par-devant nous, Jean-René Loyseau, l'un des directeurs du jury d'accusation, établi par la loi du dix-sept août dernier, pour juger les délits commis dans la journée du dix de ce mois, circonstances et dépendances ; Avons fait extraire de la prison de l'Abbaye, en vertu de. notre mandat de ce jour, Le sieur Romain-François-Philippe-Louis Diesbach, sous-lieutenant aux ci-devant gardes Suisses né dans le canton de Fribourg, Lequel nous a dit qu'avant de répondre aux questions que nous nous proposons de lui faire, il proteste contre la forme de procéder à laquelle nous sommes assujettis, pour le maintien des lois de son pays en exécution des traités du corps helvétique avec la France ; A lui demandé où il était la journée du dix et les jours précédents, répondu qu'il était aux Tuileries, depuis le neuf août, vers les trois ou quatre heures du matin ; A lui demandé quelles fonctions il y a rempli, s'il n'a en connaissance d'aucun complot, si le régiment des ci-devant gardes Suisses n'était pas destiné à en procurer l'exécution si les officiers supérieurs du régiment n'étaient pas particulièrement dans le secret de ce complot ? Quels sont ceux qui y ont eu la part la plus directe et la plus considérable si on a employé aucuns moyens de séduction auprès des soldats et sous-officiers pour les détacher des principes de notre liberté et les engager à diriger toutes leurs forces contre le peuple ? A répondu que, toute la journée du 9, il ne s'est rien passé d'extraordinaire au Château qu'il ne connaît aucun complot ; les officiers supérieurs du régiment n'ont donné aucuns ordres pour animer les soldats et sous-officiers contre le peuple ; A lui demandé à quelle heure on s'est aperçu des dispositions extraordinaires, s'il n'a pas vu un grand mouvement dans le Château si les appartements n'étaient pas remplis d'hommes, allant et venant, vêtus de toutes les manières, décorés ou non, armés de toutes sortes d'armes, passant pour être les amis du roi et dans l'opinion publique connus sous le nom de chevaliers du poignard ; s'il n'y avait pas des officiers supérieurs de son régiment et notamment des officiers supérieurs de la garde nationale ; s'il connaît enfin l'officier général qui a donné les principaux ordres soit au Château, soit dans les escaliers, soit dans les cours ; A répondu que, dans la nuit, dix heures du soir, 9 août, on leur a dit qu'il y avait des mouvements dans la ville, qui ont produit de fausses alarmes, à chacune desquelles on a pris les armes, tant le régiment des Suisses que la garde nationale ; qu'il ne s'est aperçu d'aucun mouvement du Château parce qu'il n'a pas été à portée de le remarquer, attendu qu'il a passé toute la nuit jusqu'à six heures du matin en réserve à l'hôtel de Brionne ; qu'à six heures on a fait prendre les armes à cette réserve et qu'elle est restée dans la cour des Suisses jusqu'à huit heures du matin A lui demandé si le roi n'est pas venu passer en revue les Suisses et gardes nationales dans la matinée du 10 août dernier, et de quelles personnes le roi était accompagné ; quelles sont celles qui ont été le plus près de lui et avec lesquelles il a paru avoir le plus d'intimité, enfin ce qui s'est passé pendant cette revue ; A répondu que le roi, après avoir passé en revue la garde nationale, est revenu dans la cour des Suisses que le roi était suivi de beaucoup de personnes vêtues en habit de garde nationale, d'officiers de la gendarmerie et de quelques officiers généraux ; A entendu les cris de : vive le roi ! et quelques cris de : vive la nation ! qu'ensuite le roi s'est retiré qu'à huit heures, le bruit s'étant répandu que le peuple marchait vers le Château on a distribué les postes et que celui du répondant, commandé par un capitaine appelé M. de Sahsalte, a été fixé en bas de l'escalier de la reine, dans une espèce de poste de garde nationale ; que le répondant commandait vingt-cinq hommes des Suisses et cinq de la garde nationale ; qu'ils ne reçurent ordre de tirer que quand on leur en donnerait le commandement et ne pas tirer que la garde nationale en eût donné l'exemple ; A lui demandé s'il a exécuté l'ordre de tirer et quand à lui a été donné ; A répondu que la première décharge de dessus l'escalier sur le peuple ayant été faite sur l'escalier, le vestibule et les cours étant fort dégarnis, on lui a donné l'ordre de passer dans la cour Royale avec son détachement ainsi qu'à la majeure partie des troupes qui étaient dans l'escalier de la reine ; que le passage se fit avec précipitation et dans une espèce de désordre ; que quand on fut dans la cour, tout le monde tira que les Suisses et les gardes nationales étaient irrités ; que cette place n'étant pas tenable à cause de la vivacité du feu, ils se replièrent sous le vestibule, ou ils ne restèrent qu'un instant ; que de là, ils reçurent un ordre de M. d'Hervilly, officier général, de se rendre à l'Assemblée, et comme ils étaient fatigués par le canon et la mousqueterie qui leur ont tué beaucoup de monde, ils sont parvenus par la porte des Feuillants à l'Assemblée nationale, attendu que M. d'Hervilly lui avait dit de cesser le feu ; que de l'Assemblée nationale ils sont allés, savoir les soldats dans l'église des Feuillants et les officiers dans un comité qui se tient aux Feuillants — le déclarant n'ayant pu nous désigner son objet — qu'après avoir remis ses armes, on a laissé les officiers à ce comité, du nombre desquels étaient trois capitaines dont M. Salis faisait partie, qu'ils y sont restés jusque vers les dix heures du soir ; que l'Assemblée nationale leur a donné la liberté de se retirer après avoir donné des ordres, pour leur donner des moyens de déguisement ; que le déclarant et M. d'Ernest se sont retirés dans la rue Saint-Marc, chez l'oncle de mondit sieur d'Ernest ; que de la ils sont allés se réfugier au Temple où, lorsqu'on les y a découverts, ils ont eu la faiblesse, pour éviter leur arrestation, de se dire Hollandais ; que c'est la seule chose que le répondant ait à se reprocher. Lecture faite, etc., Signé LOYSEAU-COLIN, commis-greffier ; DE DIESBACH. —————————— Est aussi comparu sieur Frédérick d'Ernest, premier sous-lieutenant aux ci-devant gardes Suisses, compagnie de Salis, né dans le canton de Berne A lui demandé où il était la journée du 10 et les jours précédents, quel poste il occupait le 10 au Château ce qu'il y a vu et à quel mouvement il a eu part s'il a connaissance d'aucun complot de contre-révolution, et s'il ne sait pas que le régiment t des gardes Suisses fût destiné à l'appuyer ; A répondu qu'étant de la caserne de Rueil, il s'est rendu à Paris dans la nuit du 8 au 9, avec la réserve fournie par cette caserne qu'il est allé à l'hôtel de Brionne, qu'il y est resté la journée du 9 jusqu'à onze heures du soir environ, qu'il n'a connaissance d'aucun complot ; que, s'il en existait un, nous devons bien présumer qu'on ne l'aurait pas confié à sa jeunesse ; A lui demandé quel poste il a occupé aux Tuileries depuis onze heures jusqu'au lendemain matin, ce qu'il a vu dans les allées et venues qui agitaient le Château, quels sont les hommes qui faisaient les mouvements et s'il n'a pas remarqué quelques officiers qui s'en fussent mêlés ; A répondu que son poste, dans la nuit, duquel on ne l'a pas retiré jusqu'à environ dix heures du matin, a été à la porte de l'appartement de madame Élisabeth, dans le vestibule ; que le 10 août dernier, à l'heure que le roi a passé sa revue, il a visité le poste qui était sur son passage ; que le feu ayant commencé, sans pouvoir dire qui a tiré d'abord des Suisses ou de la garde nationale, attendu sa position qui l'empêchait de voir, il s'est retiré à l'Assemblée nationale, d'où il est allé le soir chez son oncle, n° 15, rue Saint-Marc, avec M. Diesbach, que de là ils se sont réfugiés au Temple, où le répondant s'est d'abord donné pour Hollandais, ainsi que M. Diesbach, afin d'éviter leur arrestation ; Plus le répondant n'a été interrogé. Lecture à lui faite de ses réponses ci-dessus, a dit qu'eues sont véritables et a signé avec nous. Signé : LOYSEAU-COLIN, commis-greffier ; D'ERNEST. |