TOUTES les traditions s’accordent à dire que la cité latine primitive, appelée Roma ne comprenait que le mont Palatin et une portion du terrain situé au-dessous. Elle était entourée de murs et de forme carrée ; d’où l’épithète de quadrata. Les Sabins habitaient le Quirina et le Capitolin, sur lequel s’élevait l’Arx, ou citadelle sabine. Les Etrusques, fixés d’abord sur le Caelius et sur l’Esquilin, descendirent plus tard dans la plaine appelée de leur nom Vicus Tuscus, quartier des Étrusques. Accrue sous les rois du Viminal et de l’Aventin, Rome finit par occuper les sept collines qu’elle a rendues immortelles. Depuis le règne de Servius Tullius jusqu’à celui d’Auguste, Rome palatine fut divisée en quatre régions : 1° Suburana, comprenant tout l’espace depuis le Subura, vallée très populeuse entre l’Esquilin et le Quirinal, jusqu’au Cœlius ; 2° Esquilina, comprenant la colline de l’Esquilin ; 3° Collina, s’étendant sur le Quirinal et sur le Viminal ; 4° Palatina, comprenant le mont Palatin. Le Capitole et l’Aventin, consacrés aux divinités, étaient en dehors des quatre régions. Les flancs abrupts des collines, reliés par des murailles où s’ouvraient un grand nombre de portes, formaient la défense de la ville, à laquelle donnaient accès plusieurs ponts jets sur le Tibre. Le pont le plus ancien était le Sublicius, construit sur pilotis et sur l’étai naturel d’une île du Tibre, et qui, jusqu’aux derniers temps, fut toujours fait de solives (sublices), sans un seul morceau de fer. A l’intérieur, de grandes places (fora), des terrains libres, couverts de gazon et plantés d’arbres (campi), servaient de lieux de marché et de réunions publiques. Le Forum proprement dit était destiné aux assemblées populaires, aux affaires judiciaires et commerciales. C’est dans le plus vaste des camps, le Champ de Mars, riante et large plaine, au sud-ouest de la colline hortulane, sur la rive gauche du Tibre, que la jeunesse romaine venait s’instruire aux exercices de la guerre. Les maisons isolées (domus) ou groupées (insulæ) composaient les rues (viæ) et les quartiers (vici). Les temples les plus célèbres étaient ceux de Jupiter, de Vesta, de Mars, de Janus et de Bellone. Le père et la mère, unis par le mariage, les fils et les filles, l’habitation urbaine et le domaine agricole (villa), les esclaves et le mobilier domestique composent le faisceau de la famille romaine, base de l’unité sociale et de l’ordre politique. Le père de famille (pater familias) dirige et conduit sa maison selon la loi absolue de sa volonté. Prêtre, juge et guerrier, il a l’autel et la lance : il parle au nom des dieux et de la force : tout lui obéit, la femme comme l’enfant, le bœuf comme l’esclave : il a sur tous les êtres qui l’entourent droit de vie et de mort. La mère, exclusivement soumise à son époux, exerce, à son tour, en maîtresse souveraine, une haute surveillance sur toute la domesticité. Des familles réunies en peuplades s’étaient formées dans l’origine trois classes ou tribus. Plus tard chaque tribu se divisa en dix curies, composées d’un nombre égal de gentes ou parentés. La gens demeure l’élément patricien, d’où sortent les patrons, autour desquels se groupent des clients ou protégés, élément plébéien. Le patron doit défendre son client en justice, lui expliquer la loi, l’aider de ses conseils : le client doit déférence à son patron, qu’il assiste, au besoin, de son argent. Au-dessous du client est l’esclave, propriété, véritable chose du maître : il peut toutefois se racheter au moyen de son pécule et devenir affranchi. L’État romain reposant sur l’élément de la famille en adopte les formes. Mais comme il n’existe pas dans la communauté politique un chef selon la loi de la nature, la loi civile choisit un roi. La royauté se trouve ainsi restreinte par la volonté du peuple, que manifestent soit les assemblées populaires, soit les pleins pouvoirs transférés au sénat. Le roi, une fois élu, exerce une autorité illimitée comme chef de l’armée, de la religion et de la justice. Vêtu de pourpre, avec des brodequins rouges, une couronne d’or et un bâton d’ivoire surmonté d’une aigle, il rend la justice, assis sur une chaise curule. A côté du pouvoir royal s’élève le sénat, conseil de trois cents vieillards (senes) choisis par le roi. Le Sénat participe au gouvernement : il discute les propositions soumises à l’assemblée du peuple sur la guerre, la paix, la législation et édicte ses décisions dans des sénatus-consultes. La continuité héréditaire de ses maximes de conduite fut une des principales causes de la grandeur de Rome. La toge sénatoriale est bordée d’une large bande de pourpre, nommée laticlave, et la chaussure est ornée d’une demi-lune. Le peuple (populus) se compose de l’ensemble des citoyens. Les droits réservés à ses comices sont l’élection du roi, l’adoption et le rejet des lois, l’admission au droit de cité, la grâce des citoyens qui lui font appel, la décision de la paix et de la guerre. Ses résolutions prennent le nom de plébiscites. Tous les citoyens romains, libres et ingénus, sont obligés au service militaire : ils jouissent d’une parfaite égalité de droits, et portent la toge de laine blanche serrée par une ceinture. Les chevaliers (equites) ou cavaliers, au nombre de trois cents, constituent une classe intermédiaire entre le peuple et le sénat. Ils servent à cheval et sont montés aux frais du trésor public. Leur costume se distingue de celui des sénateurs par l’angusticlave, bande étroite de pourpre, et de celui du peuple par un anneau d’or au doigt. Avant que Rome soit envahie par les idées mythologiques de la Grèce, sa religion se compose de traditions étrusques, et de cultes légendaires empruntés aux Latins et aux Sabins. Les dieux étrusques se divisent en deux ordres : les douze dieux supérieurs, innomés, mystérieux, qui n’agissent que dans les grandes convulsions de la nature, et les douze dieux consentes, qui forment le conseil de Tina ou Jupiter, et l’aident à gouverner le monde. Les principales de ces divinités sont Cura ou Héra, la même que Junon, Meurfa ou Minerve, Vertumnus répondant à Bacchus, Nortia ou la Fortune, Silvanus dieu des forêts. Les dieux Pénates et les dieux Lares président au foyer domestique. Chaque homme a un génie particulier qui s’attache à lui dés sa naissance. Les âmes des trépassés (manes) vont habiter sous terre un lieu de délices ou d’épouvante, suivant qu’elles ont bien ou mal vécu. L’art de prévoir et de prédire l’avenir s’exerce par le vol des oiseaux, la foudre, l’inspection des entrailles de la victime. Parmi les principaux dieux latins figurent Tellus, la terre, Fortuna, la déesse du destin, Saturne, le dieu des semailles, Jupiter, Junon, Vesta, Janus ou Dianes, le soleil, le dieu du jour, Diana, la lune, la déesse de la nuit. Mars (mors) est la mort divinisée. Faunus, Picus, Pilumnus et Lupercus, noms expressifs, sont des divinités des forêts et des champs. La tige des dieux sabins est le devin Sancus, pitre de Sabin ou Sabinus. Diespiter ou Jupiter, Feronia, déesse des fleurs et des moissons, le Soleil, la Lune et Mars sont l’objet d’un culte analogue à celui des divinités latines. A la tête de l’organisation religieuse des Romains sont placés les pontifes (constructeurs de ponts), qui connaissent le secret des mesures et des nombres. Ils dirigent le calendrier de l’État, annoncent au peuple la nouvelle et la pleine lune, veillent à l’accomplissement fixe de tout acte religieux ou judiciaire, conservent, sous le nom d’annales, le souvenir des grands événements et ébauchent les premiers linéaments du droit. Les rites et les sacrifices sont confiés à des prêtres nommés flamines. Le service de Mars est présidé par le collège sacerdotal des Saliens (sauteurs), qui exécutent, en chantant, la danse des armes. Les frères Arvals (arvum, champ) servent Janus, Jupiter, Junon et la Terre, qu’ils invoquent en mai pour la prospérité des semences. Les vestales veillent à l’entretien perpétuel du feu sacré. Cinq cohortes de quinze manipules ou pelotons, à deux centurions, composent la fameuse légion romaine, véritable place de guerre ambulante, dont Végèce regarde la création comme inspirée par un dieu. Elle était formée de cinq à six mille soldats, choisis parmi les citoyens, d’un corps d’auxiliaires, au moins aussi nombreux, et d’une aile de cavalerie de trois cents hommes. Un drapeau rouge, surmonté d’une aigle, appelait aux armes les fantassins ; un drapeau bleu, les cavaliers. Les armes offensives étaient le javelot, la pique, l’épée, la lance, l’épieu, la broche, l’arc et la fronde ; les armes défensives, le casque, la cuirasse, les cuissards et le bouclier. L’éducation du soldat romain était rude et continuelle, la discipline inflexible. Tout combattant devait vaincre ou mourir. A cette loi guerrière s’ajoutait une supériorité réelle dans l’art de la tactique et de la stratégie. L’ordre de bataille des Romains, cause principale de leur suprématie, reposait sur la combinaison des trois grands principes de guerre : 1° organisation d’une réserve ; 2° réunion du combat corps à corps et du combat à distance ; 3° offensive et défensive également faciles au soldat. Une autre cause de la prépondérance de Rome sur les champs de bataille, c’est que l’armée se recrutait surtout dans la classe agricole. L’agriculture est la meilleure préparation à la vie militaire. Ce que les Romains avaient conquis, soldats, à la pointe de l’épée, colons, ils l’utilisent par la charrue, puis ils l’augmentent par de nouvelles conquêtes. La vie pastorale des premières peuplades de l’Italie fait progressivement place à la vie agricole. La politique guerrière et conquérante des Romains a son point d’appui le plus solide dans la propriété foncière. La richesse des classes rurales consiste en terres arables, en troupeaux et en esclaves. Les céréales, les vignes et les oliviers se partagent les soins du cultivateur. Il élève aussi dans sa métairie des porcs, de la volaille, des oies et des abeilles : le cheval, le bœuf, l’âne et le chien l’assistent dans ses travaux. Il va rarement à la ville, où il n’a qu’un pied-à-terre : il n’y séjourne point, sinon durant la canicule, lorsque la campagne est malsaine. Il est plus assidu aux foires ; surtout à celle du mont Soracte, sur la frontière des Étrusques, des Sabins et des Latins : il y vend ses produits et achète ceux des autres. La juridiction civile se concentre primitivement dans le roi, image du père de famille. Du haut de sa chaise curule, entouré de licteurs, le roi ordonne, et ce qu’il a ordonné est le droit (jus, de jubere). Il prononce la peine capitale, gibet ou bûcher, contre les meurtriers et les incendiaires, la peine des verges et l’amende (mulla) contre les autres malfaiteurs. Les dommages (injuria) corporels on réels, faits à des particuliers, se règlent par l’indemnité ou par le talion. Les mesures les plus ‘rigoureuses sont exécutées contre les débiteurs insolvables. La transmission héréditaire des biens par testament est entourée des garanties les plus efficaces. Telles sont les institutions fondamentales des premiers temps de Rome. La suite de son histoire en fera voir es modifications. |