HISTOIRE ROMAINE

PREMIÈRE PARTIE — ROYAUTÉ

CHAPITRE II.

 

 

A peu de distance de sa jonction avec l’Anio, le Tibre forme un repli fortement accentué, autour duquel s’élèvent plusieurs monticules, ombragés autrefois de lauriers, d’osiers, de hêtres, d’yeuses, de saules et de chênes, et habités par des Sabins et des Latins. Les principales de ces collines étaient sur la rive gauche du fleuve le Capitole, le Cœlius, le Quirinal, le Viminal, l’Esquilin, le Palatin et l’Aventin, la plus haute de toutes : la plus importante sur la rive droite était le Janicule (mont de Janus). C’est sur le Palatin et sur une partie du territoire situé au-dessous de ce monticule que trois tribus latino-sabines, les Ramniens, les Titiens et les Lucères, fondent, il y a environ deux mille cinq cents ans (753 avant J.-C.), une ville à la fois agricole et maritime qu’ils appellent Roma. D’où vient ce nom ? Est-ce de Rumon, le Rongeur, surnom du Tibre ? Est-ce de Romè, Force, en langue grecque, ou de Ruma, mamelle, en langue osque ? Ni l’histoire ni la philologie ne peuvent se prononcer.

La légende romaine raconte que deux frères jumeaux, Romulus et Remus, nés d’Ilia, fille de Numitor, roi d’Albe, qu’avait détrôné son frère Amulius, sont exposés sur le Tibre par ordre de leur grand-oncle, qui espère les noyer. Le fleuve les épargne et les dépose sur la rive. Une louve, qui les entend crier, leur donne son lait. Faustulus, berger du roi, les trouve endormis sous un figuier : il les emporte dans sa cabane et les fait élever par sa femme. Les deux enfants grandissent et deviennent de vigoureux bergers. Romulus, ayant appris qu’il est petit-fils de Numitor, tue Amulius et rend à son grand-père le trône dont il avait été dépossédé. Il part ensuite d’Albe avec son frère, accompagné de pitres, de chasseurs, d’aventuriers, se fixe sur le Palatin, et y fonde une ville. Qui nommera la cité nouvelle ? Romulus ou Remus ? Les deux jumeaux recourent aux auspices. Remus, placé sur l’Aventin, aperçoit six vautours ; Romulus, debout sur le Palatin, en voit douze ; il est vainqueur : il donne à la ville naissante le nom de Rome, et il espère qu’elle sera guerrière, ainsi que le promettent les oiseaux de proie et de carnage qu’il a vus planer. Romulus entoure Rome d’une enceinte carrée et d’un fossé qu’il défend de franchir. Remus brave la défense : il est tué par Romulus. Ainsi se marque, dès la fondation de la ville, la dualité qui doit mettre aux prises, durant toute son histoire, le prolétariat et l’aristocratie, les plébéiens et les patriciens.

Demeuré seul maître de Rome, Romulus en trouve la population trop peu nombreuse. Pour l’augmenter, il ouvre, sur le Capitole, un asile à tous les meurtriers, les bannis, les esclaves fugitifs. La ville regorge bientôt d’habitants. Ce n’était d’ailleurs qu’une sorte de camp comme celui d’une horde de Tartares. Les Romains manquaient de femmes. Romulus fait annoncer qu’on va célébrer des jeux en l’honneur du dieu Consus. Les peuplades voisines y accourent de toutes parts. Pendant la célébration des jeux, les Romains se jettent sur les étrangers et enlèvent les jeunes filles. Cet acte de violence amène la guerre entre les Latins et les Sabins. Tatius, roi des Sabins, introduit sur le Capitole par Tarpeia, que les Sabins écrasent sous leurs boucliers, livre bataille à Romulus i mais pendant une lutte acharnée les femmes sabines s’élancent entre les deux armées, et supplient leurs époux et leurs pères de se réconcilier. Romulus et Tatius font la paix et se partagent la royauté. Quelque temps après, Tatius est assassiné, et Romulus reste seul roi des deux nations fondues en une seule. Il signale sa bravoure par plusieurs exploits. Il tue de sa main Acron, roi des Céniniens, et en consacre les dépouilles opimes à Jupiter Férétrien. Il s’empare ensuite de Fidènes, de Cameria, dont il transporte les habitants à Rome et dans lesquelles il envoie des colonies romaines. La ville de Véies est contrainte de lui donner des otages. En même temps il organise la milice, qu’il distribue en légions, composées de trois mille hommes de pied et de trois cents cavaliers, forme l’ordre des patriciens, crée le sénat, distribue le peuple en tribus et règle les rapports des patrons et des clients. Il institue également plusieurs fêtes, entre autres les Lupercales en l’honneur du dieu Pan. Mais ses victoires l’ayant rendu despotique et capricieux, les Romains le font périr au milieu d’un orage, répandent la nouvelle qu’il a été ravi dans le ciel, où il est adoré sous le nom de Quirinus, l’enterrent dans l’enceinte sacrée du Pomœrium, et lui consacrent un temple sur le mont Quirinal (715).

L’hostilité de l’élément sabin et de l’élément latin dans la ville romaine disparaît avec Romulus. Numa, né à Cures, ville sabine, gouverne paisiblement la cité, où domine l’ascendant sabin jusqu’à l’avènement des rois étrusques. Son règne pacifique assure la prépondérance du Quirinal et du Capitole sur les habitants farouches du Palatin. Pas de guerres au dehors ; mais au dedans institutions civiles, religieuses, et même militaires. Numa divise le peuple par métiers, adoucit la loi qui autorise les pères à vendre leurs enfants, change l’ordre des mois, qu’il fait partir de janvier, et construit le temple de Janus, qui doit être ouvert pendant la guerre et fermé pendant la paix. Pour la religion, il crée deux grands auspices, ajoute deux augures au nombre primitif, confie à cinq pontifes la présidence des sacrifices, établit les collèges des flamines, des saliens et des vestales, chargées d’entretenir un feu perpétuel dans le temple de Vesta, fait garder dans le temple de Mars les Ancilies ou boucliers sacrés, dédiés au dieu de la guerre, et élève un temple à la Foi et au dieu Terme, protecteur des limites. Il institue les Fécials ou Féciaux, chargés de déclarer la guerre au nom du droit et de la justice.

L’imagination populaire s’est plu à entourer d’un prestige romanesque les institutions et la physionomie du roi Numa. Il était, dit-on, en communication avec une déesse, nommée Égérie, qui lui inspirait ses règlements et ses lois. On ajoutait que les peuples de l’Italie semblaient, sous ce règne bienheureux, respirer l’haleine salutaire d’un vent doux et pur, qui venait du côté de Rome, et que la sagesse de Numa était une vive source de biens qui rafraîchissait et fécondait toute l’Italie. Ce bonheur dura quarante ans. Numa meurt âgé de plus de quatre-vingts années (672).

Tullus, fils d’Hostus, étranger de Medullia, colonie d’Albe, est élu par le peuple après la mort de Numa, et maintient à Rome l’influence sabine. Il crée la discipline militaire et l’art de la guerre. La rudesse des mœurs nationales adoucie par Numa reprend le dessus. Bien que Tullus dédie un temple à la Peur et à la Pâleur, son règne est signalé par de sanglants et terribles exploits. Il fait une guerre acharnée à la ville d’Albe, chef-lieu de la confédération latine, afin de préparer l’asservissement du Latium. Après plusieurs combats, où les deux armées albaine et romaine sont tour à tour victorieuses trois frères de part et d’autre, les Horaces et les Curiaces, immortalisés par Tite-Live et par Corneille sont chargés de la destinée des deux empires. La lutte commence. Les trois Curiaces sont blessés, deux Horaces sont tués. Le troisième feint de prendre la fuite et, divisant ses ennemis, qui le suivent, chacun selon ses forces, à des distances inégales, il les immole l’un après l’autre. Mais il souille bientôt sa victoire d’un fratricide. Il voit sa sœur Horatia pleurer un des Curiaces, son fiancé : il la perce de son épée. Condamné à mort par le roi qui siège dans le Comitium, au pied du Capitole, Horace va être pendu ; mais son père s’élance, en appelle au peuple ; et obtient par ses éloquentes supplications que son fils soit absous, à la condition de passer sous la poutre de la sœur (tigillum sororium), pour être purifié de son fratricide (667).

La paix faite avec les Albains n’est pas de longue durée. On accuse de ligues secrètes leur chef Metius Suffetius, dont la conduite contre les Fidénates a paru équivoque, et Tullus le condamne à un horrible supplice. Attaché entre deux chars, il est écartelé par des chevaux fougueux. Albe n’est pas plus épargnée : Tullus la fait raser et en transporte à Rome les habitants et les richesses. Le nombre des citoyens est doublé et le mont Caelius ajouté à la ville. Telle est déjà la politique romaine admirée par Bossuet et par Montesquieu. Rome détruit les cités rivales : Albe, Véies, Capoue, Tarente, Carthage ; mais elle augmente le nombre de ses habitants en ouvrant ses portes aux vaincus. Parmi les grandes familles, transportées d’Albe dans Rome, était celle des Julii, de laquelle devait un jour sortir Jules César (665).

Tullus détruit plutôt qu’il ne bâtit. Cependant son nom demeure attaché à un édifice de la plus grande importance, la Curia Hostilia, principal lieu des assemblées du sénat jusqu’au moment où elle est incendiée pendant les querelles de Clodius et de -Milon. La fin de ce roi est singulière. On dit que voulant pratiquer l’art d’attirer la foudre, il fut frappé et consumé par un éclair (640).

A Tullus Hostilius succède le petit-fils de Numa, que le poète Lucrèce appelle le bon Ancus. Il aimait la paix comme son grand-père, mais les Latins le forcent à prendre les armes ; et il donne le premier une extension réelle au territoire romain, du côté des montagnes et du côté de la mer, au sud et nord. Il détruit ou prend Politorium, Ficana, Tallène, villes latines, établit une colonie à Medullia et à Cameria, bat les Sabins et les Étrusques, et enlève à ceux-ci la forêt Masia et les Septem pagi ou les Sept bourgs. Après avoir mis en exploitation dans le voisinage d’Ostie des salines, où l’on travaille encore aujourd’hui, il fonde aux embouchures mêmes du Tibre (Ostia) un port, dans lequel la Rome future des consuls et des empereurs recevra les blés de la Sicile et de l’Égypte qui devront la nourrir. Tullus Hostilius avait transporté sur le Cælius la population latine d’Albe : Ancus Martius transplante de même sur l’Aventin, et dans la vallée qui le sépare du Palatin, lit population des villes latines soumises à ses armes : c’est l’origine de la plèbe romaine, plebs romana, rivale future des patriciens. Enfin, il place sur le Janicule une citadelle qu’il rattache à la ville par le pont Sublicius, pont de bois, le premier qui fut construit à Rome, et il tait élever la prison Mamertine au-dessus du Forum. Ancus est le dernier des trois rois sabins qui succèdent à Romulus. Il avait accordé sa confiance à un étrusque de Tarquinies, nommé Lucumon ou Tarquin, petit-fils du Corinthien Démarate, qu’une révolution avait forcé à quitter sa patrie avec toutes ses richesses. Au moment où Tarquin entrait dans Rome, la légende raconte qu’un aigle lui avait enlevé sa coiffure et l’avait ensuite replacée sur sa tête. C’était le présage de sa grandeur. A la mort d’Ancus (616), Tarquin, conseillé par l’ambitieuse Tanaquil, sa femme, envoie à la chasse les deux fils du roi, dont il est le tuteur, et, pendant leur absence, séduit le peuple par un discours : il est élu roi.

L’influence étrusque commence avec Tarquin l’Ancien. Les édifices, les rites sacrés et les institutions de l’Étrurie élèvent Rome au rang d’une capitale florissante. Après avoir soumis les peuples voisins, Sabins, Latins ou Étrusques, ligués contre lui, Tarquin jette les fondements du temple de Jupiter sur le mont Tarpéien, qui prend dès lors le nom de Capitole. On dit qu’on y trouva, en creusant la terre, une tête coupée (caput Oli) la tête d’Olus, un chef étrusque, et les devins conclurent que là devait être la tête, le chef-lieu, la capitale du monde. Tarquin construit aussi le grand cirque, où il fait lutter des chevaux et des pugilistes venus d’Étrurie. Il crée un système d’égouts, qui excitait l’admiration de Pline, et dont un reste très imposant, le grand égout (cloaca maxima), excite encore la nôtre. On commençait déjà, dit Montesquieu, à bâtir la ville éternelle. Des portiques s’élèvent autour du Forum, un mur de pierre autour de la ville. Les Romains apprennent des. Étrusques l’usage des chiffres, de la monnaie, des cloches, des moulins à bras, du pugilat, des courses de chevaux et de chars, des représentations dramatiques.

Cependant les fils d’Ancus vivaient encore, prêts à se venger de l’usurpateur étrusque. Ils apostent deux prétendus bûcherons, qui, armés de leur serpe, viennent, sur le midi, devant la maison du roi, située au sommet de la Velia, quartier des Sabins, et commencent à se quereller en demandant justice. Le roi sort pour les accorder : ils se jettent sur lui, le tuent, et s’enfuient vers la montagne sans être arrêtés (578).

Tarquin laissait un gendre. Tanaquil, sa belle-mère, en fait un roi. Le véritable nom de Servius est Mastarra. Fils d’une captive de Corniculum, Ucrisia, esclave de Tanaquil, il était venu à Rome en compagnie d’un aventurier, Cœles Vibenna, qui s’était installé avec ses hommes sur le mont Cœlius. Après la mort de Tarquin, Tanaquil, dans mie harangue au peuple, prétend que le roi n’est que blessé, et annonce que son gendre exercera jusqu’à nouvel ordre les fonctions royales. En même temps, Mastarna sort, escorté de douze licteurs, et convoque le sénat, qui le salue roi, sous le nom de Servius Tullius. Un des premiers actes de Servius est d’ériger un temple à la Fortune : il était juste qu’il se montrât reconnaissant envers cette déesse. Il fortifie ensuite l’enceinte de Rome en ajoutant au mur un fossé de trente pieds, large de cent, et présentant au dedans un relèvement de terre, agger, encore visible en plusieurs endroits. Mais c’est peu pour lui de donner à Rome une sorte d’unité topographique, il crée l’unité politique de la cité. Pour celai il partage la ville et la campagne en un certain nombre de districts ou régions nommées tribus : quatre urbaines et vingt-six rurales : Les tribus se subdivisent en cantons, vici, dans la ville ; et pagi, dans la campagne. A cette distribution de la population d’après le sol ; Servius en ajoute une autre d’après la richesse. Elle se répartit en cinq classes, selon le revenu, census ; et ces cinq classes sont, à leur tour, divisées en cent quatre-vingt-treize centuries : chevaliers ou cavaliers, artisans ou prolétaires. A partir de cette époque, les comices, ou réunions du peuple, sont convoqués par centuries et deviennent les grandes assemblées romaines. Chacune des cent quatre-vingt-treize centuries, quel que soit le nombre d’individus dont elle se compose, a un suffrage, c’est-à-dire une voix. La prépondérance des votes n’appartient donc ni à l’aristocratie ni à la multitude, mais à la propriété. Les comices votent les lois, les impôts, et nomment les magistrats. La contribution et le service militaire incombent à tous ceux qui possèdent. Tout citoyen est soldat de dix-huit à soixante ans. Les hommes jeunes, de dix-huit à quarante-six ans, sont appliqués aux guerres lointaines ; les plus âgés à la défense des foyers.

La mort de Servius, vieilli dans les fonctions royales, est sombre et tragique. Il avait deux filles, appelées toutes deux Tullia, mariées aux deux fils de Tarquin l’Ancien, Tarquin et Aruns. Tarquin, ambitieux et emporté, avait pour femme Tullia, honnête et douce ; Aruns, sans ambition et sans orgueil, était le mari de la violente et parricide Tullia. Tarquin tue sa femme et Tullia son mari ; puis, unis l’un à l’autre, ils forment une conspiration contre Servius, avec une partie de la noblesse mécontente. Au temps de la moisson, quand le peuple est aux champs, Tarquin parait dans le sénat, revêtu des insignes royaux. Le vieux roi accourt et reproche à Tarquin d’être un séditieux. Tarquin saisit le vieillard et le précipite au bas des- degrés de la curie. Servius, la tête meurtrie par les pierres, essaie de se relever : les serviteurs du roi l’achèvent et laissent le cadavre étendu dans le sang. Tullia, au milieu du trouble ; arrive sur son char, traîné par des mulets. Le corps de son père l’empêche de passer : le conducteur et les mulets reculent : Tullia ordonne d’aller en avant : le sang du père jaillit sur le char et sur les vêtements de la fille. Le meurtre s’était accompli au pied du mont Viminal, à l’extrémité du Vicus Cyprius : ce fut dès lors le Vicus Sceleratus, la rue Scélérate, la voie maudite (533).

Arrivé au pouvoir par un parricide ; Tarquin le Superbe, c’est-à-dire despote, se montre digne de son nom. Entouré de soldats, seul juge des causes capitales, il gouverne tour, sans consulter le sénat ni le peuple ; opprimant les grands par des confiscations et des meurtres, le reste par des travaux et des guerres ; qui tournent néanmoins à l’utilité commune. Il achève le cirque, les égouts et le temple de Jupiter Capitolin, commencés par son aïeul. Allié des Etrusques, il cimente la confédération avec les Latins par des sacrifices célébrés sur le mont Albain et nommés féries latines. Il soumet les Volsques, prend d’assaut Suessa Pometia, Gabies par la trahison de son fils Sextus, et place des colonies dans les villes de Signia et de Circeii.

Quelques prodiges menaçants le déterminent à envoyer consulter l’oracle de Delphes. Deux de ses fils, Titus et Aruns, partent pour la Grèce, accompagnés de l’un de leurs parents Junius, surnommé Brutus, à cause de sa stupidité réelle ou simulée. Le père de Brutus avait été mis à mort par Tarquin. Quand les trois jeunes gens ont reçu la réponse de l’oracle, ils demandent au dieu quelle sera leur destinée. Celui-ci leur prédit que le premier d’entre eux qui embrassera sa mère deviendra roi. Brutus tombe alors, comme par accident, et embrasse la terre, la mère commune. On dit que dans le bâton, qu’il avait offert au dieu pour présent, il avait placé un bâton d’or, symbole de son âme héroïque cachée sous les apparences d’un corps stupide et grossier

À leur retour, Titus, Aruns et Brutus trouvent Tarquin et Sextus assiégeant Ardée, ville forte des Rutules. Une discussion s’élève sur la vertu de leurs femmes avec Tarquin Collatin, chef de la petite ville de Collatie. La dispute s’échauffe : on se décide à faire une chevauchée jusqu’à Rome. On y trouve les femmes occupées, de leur plaisir ou de leur parure. On se rend ensuite à Collatie. A une heure tardive de la nuit, la belle et vertueuse Lucrèce, femme de Collatin, est au milieu de ses servantes, filant la laine et dirigeant les travaux. Sextus se prend pour elle d’une passion coupable, revient, le lendemain, armé dans la chambre de Lucrèce et la menace de déshonorer sa mémoire, si elle ne partage pas son amour. Lucrèce désespérée est contrainte de céder, mais le matin suivant, elle rappelle chez elle son père, son époux. Brutus et ses autres parents, leur raconte l’affront qu’elle a subi, leur fait jurer vengeance et se plonge un poignard dans le cœur. Brutus rejette alors son déguisement, comme Ulysse ses haillons, saisit le poignard sanglant et jure la ruine de la maison royale. Un pacte est conclu sur le cadavre de Lucrèce : on porte la victime sur la place de Collatie : de là, on se rend à Rome : le peuple se soulève à la voix de Brutus et prononce l’exil éternel des Tarquins. La royauté est abolie et l’autorité souveraine confiée à deux consuls (509). Ainsi, dit Florus, l’odieuse tyrannie de Tarquin le Superbe, soulevant le peuple contre une domination injurieuse, et l’enflammant de l’amour de la liberté, devint pour Rome le plus grand des bienfaits.