Le volume que j’offre en ce moment au lecteur ne comprend qu’une partie des événements dont je me propose de raconter la suite sous le titre d’Histoire de la Révolution de 1848. Des considérations particulières me déterminant à différer la publication de la totalité de mon travail, je crois pouvoir en détacher un fragment complet en soi, puisqu’il conduit jusqu’au dénouement de la lutte des trois journées de Février, par la proclamation de la République à l’Hôtel de Ville. L’esprit de parti qui s’attaque à cette heure avec tant d’arrogance et d’acharnement à la révolution populaire devant laquelle il s’était courbé si bas, me fait un devoir de publier, sans plus attendre, une étude consciencieuse, que je crois de nature à jeter un jour vrai sur des hommes et des choses étrangement défigurés. J’ai apporté dans mes recherches, avec la plus scrupuleuse bonne foi, un sincère désir d’impartialité. Si, comme il n’est que trop probable, des erreurs sont échappées à ma plume, je puis du moins affirmer qu’elles n’ont rien de systématique, et je m’estimerai heureux, à mesure qu’elles me seront signalées, de les faire disparaître. C’est tout ce que j’ai à dire d’un livre qui, selon toute apparence, m’attirera plus d’une inimitié ; car il n’est guère possible d’écrire l’histoire contemporaine sans irriter beaucoup d’amours-propres et sans blesser même beaucoup d’esprits délicats auxquels la vérité nue semble une inconvenance qui les offusque toujours et souvent les scandalise. Un maître dans l’art d’écrire l’histoire le savait bien : Io mi sono ingegnato, in queste mie discrizioni, non maculando la verità, di sodisfare a ciascuno, e forse non arò sodisfatto a persona. Nè quando questo fusse, me ne maraviglierei : perchè io giudico che sia impossible, senza offendere molti, discrivere le cose de’ tempi suoi, dit Machiavel. Paris, 24 février 1850. |