La date de sa mort. — Celle de sa naissance. — La durée de son ministère.
— La Pâque
de l'an 28. — Le sabbat second-premier. — Chronologie générale. — L'an 781. —
Les Purim en 782. — Le ministère de Galilée. — Le sermon sur la montagne. —
La crise de la foi des disciples. — Le ministère errant. — La fête des
Tabernacles de l'an 29. — La fête de la Dédicace de l'an 29. — La dernière semaine.
Les vraies dates de l'histoire évangélique sont plus
faciles à établir qu'on ne le pense généralement[1]. Cherchons
d'abord celle de la mort de Jésus ; c'est la plus aisée à déterminer, et, une
fois connue, elle nous aidera à découvrir les autres. Jésus a été crucifié,
d'après les trois premiers évangiles, le jour même de la Pâque juive ;
d'après le quatrième, la veille de ce jour. Or la Pâque était
célébrée tous les ans le 15 du mois de Nisan. Il est donc mort soit le 14,
soit le 15 Nisan. Si les documents bibliques nous laissent le choix entre ces
deux dates, ils s'accordent à affirmer que Jésus fut crucifié un vendredi.
Ils placent en effet, la résurrection au troisième jour qui était le premier
de la semaine, c'est-à-dire le dimanche. Or, le 14 (ou le 15) Nisan n'est tombé sur un vendredi, dans la période
d'années où nous pouvons raisonnablement chercher, qu'en l'an 30 ou en l'an
33[2].
Pour trouver un vendredi avant l'année 30 il faudrait
remonter trop haut : Jésus serait mort à vingt ans à peine. Après l'année 33,
il faudrait descendre trop bas, Jésus aurait été âgé de plus de quarante ans
lors de sa crucifixion. Nous devons donc choisir l'une ou l'autre de ces deux
années, 30 ou 33. Jésus a été certainement crucifié soit le vendredi 14 (ou 15) Nisan 30, soit le vendredi 14 (ou 15) Nisan 33 ; dans la première
alternative le vendredi 7 avril, dans la seconde le vendredi 3 avril[3]. Cherchons si
d'autres données nous permettent de choisir entre ces deux dates et de
préciser encore.
Les Juifs dirent un jour à Jésus-Christ, d'après
l'Evangile de saint Jean[4] : On a mis quarante six ans à bâtir ce Temple. Or le
Temple ne fut achevé que longtemps après la mort de Jésus Christ ; on y travaillait
encore lorsque ces paroles furent prononcées, elles signifient donc qu'on y
travaillait depuis quarante-six ans. Josèphe nous apprend que la construction
du Temple fut commencée la dix-huitième année d'Hérode le Grand, en automne.
Ce prince, étant monté sur le trône au printemps de l'an 717 de Rome (37 avant Jésus-Christ), la dix-huitième
année de son règne commença en 734 et finit en 735 (l'an 19 avant J.-C). Quarante-six ans plus tard nous sommes
au printemps de 781 ou en 28 après Jésus-Christ. Celui-ci était alors au
début de son ministère. La
Pâque dont il nous est parlé au chapitre II de l'Evangile
selon saint Jean étant celle de l'an 28, le chapitre VI verset 4[5] mentionne celle
de l'an 29, et la Pâque
de sa mort se trouve être celle de l'an 30 : précisément une des deux années
entre lesquelles nous devons choisir. Cet accord fixe notre choix et nous
concluons rigoureusement qu'il faut s'en tenir à l'an 30, et que Jésus fut
crucifié le vendredi 7 avril de l'an 30. M. Renan adopte, il est vrai, l'année 33[6], mais il ne dit
pas pourquoi et ne s'explique nulle part sur la chronologie qu'il a suivie.
M. de Saulcy en parle aussi[7] ; mais les
preuves qu'il donne n'ont aucune valeur ; il va jusqu'à admettre l'exactitude
de l'ère Dyonisienne[8], Keim a cru
pouvoir fixer la date de la mort de Jésus-Christ à l'an 35. — D'après
Josèphe, dit il, lorsque Hérode Antipas fut vaincu en 36 par Arétas, les
Juifs virent dans cette défaite une punition méritée du meurtre de
Jean-Baptiste. Il y avait donc peu de temps, deux ans au plus, que Jean était
mort, et s'il fut décapité en 34 Jésus fût crucifié au plus tôt en 35. — Ce
raisonnement repose sur une base bien fragile. Les Juifs ne pouvaient-ils pas
voir dans la défaite d'Antipas une punition du meurtre de Jean-Baptiste six
ou sept ans plus tard ? Du reste, le 15 Nisan ne tomba pas sur un vendredi en
l'an 35 ; et enfin, la date que nous avons trouvée est confirmée par cette
affirmation de Luc[9]
: Jésus avait environ trente ans la quinzième
année de Tibère César, c'est-à-dire en 781 (28
après J.-C.) ; car cette indication concorde exactement avec celle
donnée par Jean[10]
: On a mis quarante six ans à bâtir ce Temple.
Tacite, aussi, en plaçant le ministère de Jésus-Christ sous Ponce-Pilate (c'est-à-dire entre 26 et 36), vient à son
tour fortifier notre résultat.
L'année de la naissance de Jésus-Christ est impossible à
fixer avec certitude. M. Sabatier croit qu'il faut se résigner à la placer
approximativement entre 744 au plus tôt et 753 au plus tard. Nous pensons
qu'on peut préciser davantage. Il avait environ 30
ans en l'an 28, il serait donc né environ
deux ans avant l'ère vulgaire, c'est-à-dire vers l'an 751 de Rome, c'est une
première indication. Remarquons ensuite que Matthieu, Luc et les Talmuds
s'accordent à placer cette naissance à la fin du règne d'Hérode le Grand.
Malheureusement Josèphe nous donne deux dates différentes de la mort de ce
prince et indique tantôt 750, tantôt 752, ou même 753[11]. Mais on
s'accorde généralement à accepter le premier de ces chiffres et à placer la
mort d'Hérode le Grand en 750.
Il reste le recensement de Quirinius, dont parle Luc[12], mais il est
difficile à expliquer. Nous connaissons par les Actes des Apôtres[13] et par Josèphe[14] un recensement
de Quirinius fait en 760. L'évangéliste
Luc donne le sien comme le premier. Or il est
possible que Quirinius ait été deux fois Légat de Syrie[15] et la première
fois vers 750 ou 752. Sans discuter ici l'authenticité de ce premier recensement, nous croyons pouvoir placer en
749 ou 750 la date probable de la naissance de Jésus. II est né trois ou
quatre ans avant l'ère chrétienne et avait environ trente-trois ans lorsqu'il
fut crucifié.
Telles sont les dates principales, celles qu'il faut fixer
avant tout. C'est donc à la fin du règne d'Hérode le Grand, au moment où la
folie de ce tyran atteignait son paroxysme, que naquit dans un petit village
cet enfant qui reçut le nom de Jeschoua, traduit Jésus par les Latins. Il
naissait sous un régime de terreur, à cette époque profondément agitée, que
nous avons essayé de décrire au chapitre troisième du premier livre de cet
ouvrage. Son enfance et sa jeunesse s'écoulèrent au milieu des troubles dont la Palestine était alors
le théâtre. Mais il fut élevé à Nazareth en Galilée, dans la tétrarchie
d'Antipas, dont le gouvernement était relativement paisible.
Essayons maintenant de faire une chronique rapide du
ministère de Jésus-Christ. Il durera de la fin de l'an 27 au mois d'avril de
l'an 30, c'est-à-dire deux ans et demi. On a prétendu que les Synoptiques le
plaçaient tout entier dans l'espace d'une seule année. Cette assertion est
injustifiable ; une foule de passages[16] supposent de
fréquents séjours de Jésus en Judée et surtout à Jérusalem. Il s'y rendait
pour les fêtes et en particulier pour la Pâque, et le quatrième Evangile nous fournit
ici les plus précieuses indications. Il parle de trois fêtes de Pâque[17]. Nous en avons
déjà indiqué les années (28, 29 et 30).
Nous ne pouvons, en effet, considérer comme une Pâque la fête mentionnée par
Jean au chapitre V, verset 1[18].
L'article (Ή έορτή,) qui
serait absolument nécessaire, ne se trouve que dans le Codex Sinaïticus et il
est plus naturel de supposer son addition dans ce manuscrit que sa
suppression dans tous les autres. Pourquoi Jean ne nommerait-il pas la Pâque ? Il faudrait
aussi admettre avec cette hypothèse qu'une année s'est écoulée entre les
événements du chapitre V et ceux du chapitre VI, année que Jean passerait
entièrement sous silence. Le passage chapitre IV, verset 35, nous place
clairement en décembre ; et le passage chapitre VI, verset 4, en avril ; la
fête dont il est parlé chapitre V, verset 1, se trouve être tout simplement
celle des Purim qui se célébrait en mars.
Les Synoptiques nous indiquent encore une dernière date[19] : le Sabbat second-premier ; mais cette expression reste
énigmatique. Wieseler a cru en découvrir le sens. Ce Sabbat serait, d'après
lui, le premier de la seconde année ecclésiastique à partir de la dernière
année sabbatique. Cette explication reste une hypothèse et elle est assez
généralement abandonnée aujourd'hui[20]. Fût-elle
exacte, elle confirmerait encore nos calculs, car elle ferait tomber la scène
qui nous est racontée dans ce passage au mois d'avril de l'an 29.
En tout cas, le fait dont il s'agit ne peut s'être passé
qu'au printemps et aux environs de la Pâque, car les apôtres arrachent des épis et
les mangent. Il y eut donc plusieurs fêtes de Pâque pendant le ministère de
Jésus, et celle dont il est ici parlé a précédé sa mort juste d une année.
Le tableau général de la chronologie des Evangiles s'établit
tout naturellement à l'aide des dates que nous avons fixées. Jésus de
Nazareth, ou plus exactement Jeschoua de Nazareth (car Jésus, nous l'avons dit, est un nom hébreu latinisé) naît
en 749 ou 750 de Rome. Il est appelé dans les Evangiles Ίησοΰς ό
Ναζωραΐος, et le nom que
lui donneront plus tard ses compatriotes et ses disciples sera : Rabbi
Jeschoua Natsarieh. Hérode meurt à Jéricho peu de temps après sa naissance,
quelques mois au moins, trois ans au plus[21]. L'enfant est
élevé à Nazareth. Il a neuf ans environ, quand Archélaüs est déposé et que le
légat de Syrie nomme un procurateur chargé d'administrer la Judée. C'est
sous le premier d'entre eux, appelé Coponius, que Jésus vient pour la
première fois au Temple de Jérusalem, âgé de 12 ans.
En l'an 28 (781 de Rome),
il a déjà commencé son ministère. Il a alors environ
trente ans. Il faut placer avant la Pâque, c'est-à-dire dans les premiers mois de
l'année et peut-être à la fin de 27, son baptême, la tentation, les noces de Cana.
Après un court séjour à Capharnahum, il monte à Jérusalem pour la fête de
Pâque 781. Nous fixons à cette date la purification du Temple et l'entretien
avec Nicodème. Il retourne en Galilée quelque temps après et passe à Nazareth
les mois d'été. En septembre, il revient en Judée pour les Tabernacles et
renoue ses relations avec Jean-Baptiste. Vers la fin de décembre, il reprend
le chemin de la
Galilée et passe par la Samarie (Ev.
de Jean, ch. IV, entretien avec la Samaritaine). Il
y a encore, dit-il, quatre mois jusqu'à la
moisson (verset 35). Et comme
celle-ci se faisait à la fin d'avril, on était à la fin de décembre.
De retour à Nazareth, il rentre dans le silence ; il
travaille sans doute à l'entretien de sa famille. Au mois de mars, il monte à
la ville sainte pour la fête des Purim (14 et
15 d'Adar), cette année là les jeudi 17 et vendredi 18 mars (ou les vendredi 18 et samedi 19[22]). La fête des Purim n'impliquait pas la
cessation obligatoire du travail. La guérison du malade de Béthesda, qui eut
lieu un jour de Sabbat, tombe par conséquent sur le samedi 19 mars.
Rentré peu après en Galilée, il commence son ministère
actif. Il se décide à quitter Nazareth, village perdu dans les montagnes, et
va s'établir à Capharnahum, gros bourg situé sur la route d'Égypte en Syrie. Capharnahum
est sur les bords du lac de Tibériade ; Jésus n'a en ligne droite que huit ou
neuf heures de marche à faire pour y arriver, mais il se rend d'abord à
Magdala, situé aussi sur les bords du lac. Il y passe la nuit et puis,
longeant la mer (Ev. de Marc, I, 16),
il rencontre ses premiers disciples entre Bethsaïda et Capharnahum. Il arrive
dans le voisinage de ce bourg deux jours après son départ de Nazareth (Ev. de Marc, I, 21). Le lendemain
était un Sabbat ; il avait donc quitté Nazareth un mercredi, et c'est d'un
vendredi qu'il faut dater la vocation de Pierre et des autres disciples.
Le samedi, il enseigne dans la synagogue de Capharnahum,
et il faut placer ici les événements racontés dans les Synoptiques (Ev. de Marc, I, 29-34 ; de Luc IV, 38-41 et
de Matthieu VIII, 14-17). Le dimanche, de grand matin, il se retire en
un lieu solitaire pour prier (Ev. de
Marc 1,35-38 ; de Luc IV, 42, 43). Il parcourt cette semaine-là toute la Galilée. Le
bruit de sa renommée pénètre jusqu'en Syrie (Ev.
de Matthieu IV, 23, 24 ; IX, 35 ; XI, 11 ; XII, 15 et suiv.). Peu à
peu se groupent autour de lui quelques disciples qui forment son cercle le
plus intime. Les autorités de Jérusalem commencent à s'émouvoir. Des Scribes
vont l'épier et s'entendre avec les Pharisiens qui séjournent en Galilée.
Ceux-ci le connaissent. Ils s'étaient rencontrés deux fois avec lui à
Jérusalem (Ev. de Jean, II et V).
Jésus leur semble déjà en opposition ouverte avec le Judaïsme. C'est de cette
semaine qu'il faut dater la vocation de Matthieu et les paroles du Christ sur
le jeûne. Six disciples se donnent à lui avant tous les autres : Pierre,
André, Jacques, Jean, Philippe et Barthélemi.
Le samedi suivant est celui que les Evangiles appellent
second-premier. Si l'explication de Wieseler est bonne (nous avons montré qu'elle n'est qu'une simple
hypothèse), ce samedi serait le 9 avril. Le samedi précédent aurait
donc été le 2 et le calendrier de cette partie de l'histoire évangélique
devient facile à établir.
La semaine suivante fut une des plus importantes de la vie
de Jésus. Le premier jour, il se retire sur la montagne pour prier. Il
choisit les douze apôtres (Ev. de Marc,
III, 13 et suiv.). Il prononce ensuite les enseignements dont quelques
fragments nous ont été conservés sous le nom de sermon sur la montagne. Jésus
s'établit dans la montagne, dit Matthieu (V. 1)[23], et il les enseignait. C'était sans doute au N. O. de
Capharnahum, où se trouve une chaîne de collines. Le mot s'établit, et l'imparfaite enseignait
montrent bien qu'il s'agit ici d'une série de discours prononcés par le
Christ, pendant un certain temps, au moins pendant quelques jours, et qui ne
sont parvenus jusqu'à nous que par fragments. Jésus pense pour la première
fois à fonder une Eglise. Les -douze apôtres lui serviront à établir une έκκλησία.
Peu de temps après (Ev.
de Luc, VIII, 1-3), nous le voyons parcourant la Galilée
accompagné de ses apôtres et de quelques femmes s'occupant des besoins de
chaque jour. Il envoie ses apôtres en mission ; Judas tient la bourse commune
; ils voyagent sans doute à la mode essénienne ; Jésus a la robe sans
couture, le turban sur la tête, des franges à son manteau[24]. Deux envoyés de
Jean-Baptiste viennent lui poser la question : Es-tu
celui qui doit venir ? Peu après Jésus apprend la mort du Précurseur.
On lui dit en même temps qu'Hérode Antipas le surveille. Il traverse alors le
lac et se retire dans les collines voisines de Bethsaïde Julias, sur le
territoire du tétrarque Philippe. La foule l'y suit et veut le nommer roi. Il
prie les apôtres de remonter dans la barque et de retourner sans lui à
Capharnahum. Le lendemain il parle dans la synagogue de ce village. Ce
n'était pas un jour de sabbat, car le peuple n'aurait pu naviguer sur le lac
un samedi : c'était un lundi ou un jeudi, les seuls jours où la synagogue fut
ouverte en dehors du sabbat. Jésus y prononce son grand discours sur le pain
de vie (Ev. de Jean, ch. VI).
Nous voici arrivés à cette période critique du ministère
du Christ, où le peuple l'abandonne, où il reste seul avec les douze, et où
la nécessité absolue de sa mort violente lui apparaît pour la première fois.
Les trois synoptiques se rencontrent ici avec le quatrième Evangile (Ev. de Matthieu XVI, de Marc VIII, de Luc
IX), Jésus se retire vers le Nord du pays et, se trouvant sur le
chemin de Césarée de Philippe, il pose à Pierre les deux questions : Qui disent les hommes que je suis ? - et vous qui dites-vous que je suis ? Il est décidé
à rompre avec le Judaïsme et avec la théocratie ; le mot Eglise déjà prononcé
paraît définitivement ; une communauté indépendante est fondée. Jusqu'ici il
a surtout parlé du Royaume de Dieu ; désormais il prêchera d'abord sa propre
personne ; il s'ouvrira davantage à ses disciples ; il les initiera à sa vie
intérieure et spirituelle. Son ministère en Galilée est devenu impossible.
Forcé de fuir les grands centres, il va jusqu'à Tyr et Sidon, mais il ne peut
ni ne veut éviter une rencontre décisive avec ses adversaires. Il doit faire
la volonté de son Père et il monte à Jérusalem (Ev.
de Marc, VII, 24, 31, de Luc, IX, 51). Nous l'y trouvons cette année
là à la fête des Tabernacles (Ev. de
Jean, VII, 1). Elle commençait le 15 de Thischri ; en l'an 29, ce jour
se trouvait être le mardi 11 octobre. Le dernier et
le grand jour de la fête (Ev. de
Jean, VII, 87), fut soit le 19, soit le 20 octobre. Le samedi 15
tombait, en tout cas, au milieu et c'est ce jour là que Jésus se montra à l'improviste
dans le Temple (Ev. de Jean, VII, 14).
Il faut, sans doute, placer entre la fête des Tabernacles et celle de la Dédicace un
certain nombre défaits rapportés par Luc, et qui ne trouvent pas leur place
ailleurs, comme l'envoi des soixante-dix disciples. Pendant cette dernière
année de sa vie, Jésus alla beaucoup çà et là, car il avait abandonné
Capharnahum aussitôt après la crise de la foi des disciples et avant la fête
des Tabernacles (Ev. de Luc, IX, 51).
Les chapitres X, XI, XII, XIII, de Luc, doivent être approximativement placés
dans l'automne de l'an 29. Cet Evangéliste a confondu en un seul voyage (IX, 51 — XVIII, 43), les faits qui se sont
passés pendant cette vie errante de toute une année.
La fête de la Dédicace, dont il nous est parlé ensuite (Ev. de Jean, X, 22), durait huit
jours et commençait le 25 Kisleu (du 19 ou 20
Décembre au 27 ou 28 de l'an 29). Jean et Luc sont donc seuls à nous
donner des renseignements sur les six mois qui s'écoulèrent d'Octobre 29 à
Avril 30.
Après la fête, Jésus traverse le Jourdain et s'arrête.
Nous ne savons rien des premiers mois de l'an 30 ; nous le trouvons un moment
à Béthanie (Ev. de Jean, XI, 1-46),
puis il se retire à Ephraïm, ville située entre Silo et Béthel, au Nord de
Jérusalem (II Chroniques, XIII, 19).
Il retourne en Galilée, qu'il voit pour la dernière fois, et revient en Judée
par la Pérée
(Ev. de Matthieu, XIX, 1, de Marc, X,
1). C'était son dernier voyage ; il passe à Jéricho, où il rencontre
Zachée, et enfin arrive à Béthanie (Ev.
de Jean, XII, 1-11). Le repas de Béthanie se date exactement du samedi
1er Avril 30 (9 Nisan, jour de sabbat et six
jours avant la Pâque).
Nous voici à la dernière semaine. Le Dimanche 2 Avril, il
entre solennellement à Jérusalem ; le soir il retourne à Béthanie (Ev. de Marc, XI, 11) ; c'est ce jour
là que l'agneau était choisi et mis à part pour la Pâque (Exode, XII). Les Synoptiques, ne
racontant qu'un seul voyage à Jérusalem, placent ici un certain nombre de
faits qui se sont passés certainement à d'autres époques : la purification du
Temple, par exemple, à laquelle le quatrième Evangéliste assigne seul sa
vraie date. Il en est de même, sans doute, des réponses aux Saducéens sur le
divorce, aux Pharisiens sur l'impôt, à un Scribe sur le sommaire de la Loi.
On ne saurait dire avec certitude, le lundi 3, il fit
telle et telle chose, le mardi 4, telle autre ; un seul fait est hors de
doute : il restait tout le jour au Temple et le soir il sortait de la ville
et allait passer la nuit soit à Béthanie (Ev.
de Marc, XI, 9) soit dans une des fermes du Mont des Oliviers. Il
semble donc avoir pris quelques précautions pour sa sûreté pendant ces derniers
jours (voir Ev. de Jean, XII, 86 ; de
Matthieu, XXIV, 1). Il ne voulait ni éviter la mort puisqu'il ne
retournait pas en Galilée, ni hâter sa venue, en se livrant lui-même à ses
ennemis.
Ce fut sans doute le mardi, qu'assis sur le Mont des
Oliviers en face du Temple, il prononça ses paroles sur la fin du monde et
sur la ruine de Jérusalem (Ev. de Matthieu
XXIV et XXV et parall.) ; puis il passa le mercredi à Béthanie. Le
soir de ce jour le peuple détruisait le levain qui lui restait encore (Pesachim, ch. I).
Le jeudi 13 ou 14 Nisan (6
avril 30) il envoie deux disciples préparer la Pâque. L'après-midi il entre à Jérusalem et
monte chez un ami ; tout est prêt pour un dernier repas avec les apôtres.
Nous disons le 13 ou le 14 Nisan ; nous avons expliqué (Livre I, chapitre XI) cette incertitude qui
tient à l'imperfection du calendrier chez les Juifs. D'après les Synoptiques
ce fut le 14, d'après Jean ce fut le 13. Ils sont inconciliables ; il faut
choisir. Nous serions d'abord porté à croire qu'ici encore le quatrième
Evangéliste a raison et que les Synoptiques se sont trompés d'un jour. La
tradition talmudique est en effet d'accord avec Jean et place la date de mort
du Christ le 14 Nisan[25]. De plus Jésus,
étant mort le 15, aurait été mis en croix le grand jour de la fête, ce qui
est difficile à admettre ; on ne devait pas exécuter une sentence de mort à
un moment aussi solennel. Simon de Cyrène, que l'on obligea de porter la
croix, revenait des champs et on n'allait pas travailler aux champs (Ev. de Marc XV, 21) le 15 Nisan.
Nous sommes donc tenté d'admettre que Jésus fut crucifié
le 14, au moment où l'on immolait la Pâque et la mangeait, à l'heure même de la παρασκευή.
Le lendemain samedi fut le grand jour de la fête ; mais, dans cette
hypothèse, une difficulté subsiste et elle est insurmontable. Jésus, ayant
mangé la Pâque
avec ses disciples le jeudi soir, aurait devancé de vingt-quatre heures la
coutume de son peuple. Les textes des Synoptiques sont formels : il mangea la Pâque juive puis il
institua la Pâque
chrétienne[26].
Sans doute le fait que Jésus aurait devancé la coutume juive n'aurait rien
d'impossible en soi, mais ce qui est absolument inadmissible c'est la
préparation de la Pâque
par deux disciples la veille du jour ordinaire, c'est-à-dire l'immolation de
l'agneau au Temple faite par un prêtre vingt-quatre heures avant le moment
fixé par la Loi
et où tout le peuple sacrifiait. La cérémonie pascale à la date du 13 aurait
été un sacrilège et elle n^est admissible à aucun titre ; il faut donc
revenir à la première hypothèse. Jésus a été crucifié le 15, le grand jour de
la fête ; ce qui est moins impossible qu'un sacrifice pascal le 13 Nisan[27].
Après avoir institué la Gène il prononce les paroles conservées dans le
quatrième Evangile (Ch. XIV, XV, XVI, XVII).
Vers minuit ils partent, traversent les rues silencieuses de Jérusalem,
sortent de la ville par la porte des Brebis[28] et gagnent le
torrent de Cédron et le Mont des Oliviers. Jésus passe par l'agonie de
Gethsémané, il est arrêté et mené chez Hanan qui avait une maison au sommet
de la colline[29].
Le vendredi 7, de grand matin, on le conduit à Jérusalem,
à la demeure de Pilate, tout près de la tour Antonia. Il est jugé par le
procurateur dans la salle pavée du rez-de-chaussée qui lui servait de
prétoire, à côté du corps de garde. Il comparait aussi devant Hérode Antipas,
venu pour la fête et qui habitait probablement le magnifique palais de son
père[30]. Condamné au
supplice de la croix, Jésus est mené à l'Ouest de la ville, hors des murs. Il
est crucifié avec deux autres condamnés dans un terrain vague, sur un tertre
rond et dénudé appelé le Crâne, non loin de la porte des Jardins et en face
de la tour Hippicus.
Mis en croix à neuf heures, il meurt à trois heures
après-midi.
Le soir même, avant six heures, son corps est descendu de
la croix et déposé tout à côté dans un tombeau neuf creusé dans le rocher
pour la famille de Joseph d'Arimathée.
Les autres dates de l'histoire évangélique sont faciles h
calculer ; la résurrection se place le 9 avril, l'ascension le 18 mai et la
première Pentecôte chrétienne le 28 mai de l'an 30.
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