Origine de la
Synagogue. — Le but des Synagogues. — Leur nombre. Comment
elles se fondaient. — Les chefs de la Synagogue. — Le Hazzan. — Description de
l'édifice. — La célébration du culte. — L'ordre du service. — Jésus dans la Synagogue de Nazareth.
— Les lectures du Lundi et du Jeudi. — La Synagogue moderne. —
Les premières assemblées chrétiennes.
Chaque ville, chaque village possédait une ou plusieurs
maisons de réunions publiques consacrées à la lecture de la Loi et à la prière. Leur nom
hébreu était : Beth-hakeneseth[1] (maison de réunion) ; en araméen : Beth Kentchetah. On les appelait aussi Beth-ha-tephilah (maison
de prières). La traduction grecque συναγωγή
se trouve partout dans le Nouveau Testament. Josèphe n'emploie ce mot que
trois fois[2].
Dans un édit d'Auguste, dont il nous donne le texte[3], se trouve le
terme σαββατεΐον.
Philon disait συναγώγιον[4], προσευκτήριον[5] et προσευχή[6] mais ce dernier
mot désigne moins la synagogue proprement dite que les réunions à ciel ouvert
tenues par les Juifs disséminés hors des villes et à proximité d'un cours
d'eau. Ils y accomplissaient les ablutions et purifications ordonnées par la
Loi[7].
La tradition attribuait à Esdras l'institution de ces assemblées et cette origine est certainement
authentique. Ce grand homme comprit la nécessité absolue de réunions
périodiques où le peuple entendit lire et expliquer la Loi. Il s'agissait de
faire son éducation religieuse et nationale, de lui enseigner ses croyances
et ses devoirs envers Dieu. Mais certains Docteurs ne manquèrent pas de
trouver cette date trop récente et affirmèrent que la première synagogue
avait été bâtie pendant l'exil ; les captifs qui avaient accompagné le roi
Joïachim auraient construit une maison de prières sur la terre étrangère avec
des pierres apportées de Palestine[8]. Josèphe va plus
loin et fait remonter à Moïse l'origine des synagogues ; les Targoums parlent
même des synagogues des patriarches[9]. On sait que les
Juifs avaient une tendance à tout attribuer à Moïse et aux patriarches. Mais
Esdras fut le seul fondateur des maisons de prières et le Psaume LXXIV,
verset 8, nomme les synagogues, parce qu'il a été composé au temps des
Macchabées.
Esdras, en les établissant, fît œuvre de génie. Nulle
institution n'a plus contribué à donner à la religion de Moïse la vitalité
qu'elle possède encore aujourd'hui. Elle lui permettait de vivre
indépendamment du Temple et de ses cérémonies. Avec son manuscrit de la Loi, tout Juif, où qu'il se
trouve, peut fonder une synagogue. Il emporte jusqu'au bout du monde sa
religion avec lui. Le judaïsme n'a plus besoin de Jérusalem et des sacrifices
pour subsister. Il est partout où quelques fidèles s'assemblent et lisent la Thorah.
Il ne faut pas confondre la synagogue avec une église.
Elle est un établissement laïque où le prêtre n'a pas une place
prépondérante. Le premier à la synagogue c'est le docteur, c'est quiconque
est capable d'enseigner.
Les Pharisiens, ces vrais continuateurs d'Esdras,
favorisèrent beaucoup l'établissement des maisons de
prière par opposition au sacerdoce et aux Saducéens. Ceux-ci ne
pouvaient vivre sans le Temple. Ils disparaîtront avec lui dans la
catastrophe de l'an soixante-dix ; mais le pharisaïsme ne périra pas, parce
qu'il établira, partout où il ira, ses assemblées, ses lectures, ses prières
publiques, ses synagogues.
Le nombre de ces établissements était considérable au
premier siècle. La seule ville de Jérusalem en avait de 460 à 480[10]. Elles se touchaient,
pour ainsi dire ; chaque rue en renfermait plusieurs[11]. Il semble, en
vérité, que chaque famille ait eu la sienne. C'est ainsi qu'aujourd'hui on
rencontre en Orient un nombre de mosquées tout à fait hors de proportion avec
le chiffre de la population et qui sont précisément des mosquées de famille.
Parfois c'était une corporation qui fondait une synagogue. Nous savons que
les chaudronniers de Jérusalem en avaient établi une.
On s'y réunissait, non seulement le samedi, jour du
sabbat, mais encore le lundi et le jeudi. En outre, elle était ouverte trois fois
par jour pour les prières[12]. Celle du matin
s'appelait Scha-herith, celle de
l'après-midi[13]
Minah et celle du soir Arbith[14].
La prière du matin était très suivie ; dès les premières
heures du jour, avant la chaleur, à la ville comme au village, on pouvait
voir les femmes, les Pharisiens dévots, les docteurs de la Loi se rendant à la
synagogue et portant leurs Tefillims attachés sur le bras. Ils allaient y
réciter leurs prières du matin, laissant les prêtres saducéens offrir seuls
au Temple le sacrifice quotidien de l'agneau.
Le Temple n'instruisait pas, on n'y apprenait rien ;
aucune prédication n'y était prononcée et on savait d'avance par cœur les
formules de bénédiction que les prêtres y réciteraient ; ne valait-il pas
mieux aller apprendre à la synagogue ? la vraie édification ne se
trouvait-elle pas plus facilement dans l'étude de la Loi, où l'on découvrait
toujours des nouveautés, que dans la contemplation stérile d'un sacrifice ?
Et en effet, le premier but de la synagogue était d'instruire[15].
Les docteurs fixèrent à dix le nombre de personnes nécessaires
pour fonder une synagogue[16]. Elles formaient
ce qu'on appelait minian (le nombre), une sorte de corps moral
représentant Israël. Un seul homme pouvait faire l'édifice ou choisir une
maison quelconque en l'appelant synagogue.
Si quelqu'un bâtit une maison,
disent les Talmuds, et ensuite la consacre en
synagogue, elle est de la nature de la synagogue[17]. Bâtir une maison, y lit-on encore, dans laquelle on se réunit pour les oraisons, à l'heure de
la prière, c'est la synagogue[18].
La communauté Israélite (Kehilah) prenait une grande importance
aussitôt que le minian s'y était formé. Tous les actes du culte pouvaient
être célébrés : la circoncision, les mariages, les services funèbres. Un des
dix fondateurs de la synagogue s'en chargeait ; ce qui était d'autant plus
facile que ces cérémonies étaient beaucoup plus civiles que religieuses[19]. Les Pharisiens,
prévoyant la ruine possible de la nation et du Temple, avaient préparé
l'existence future du Judaïsme dispersé sur toute la terre. Saint Paul devait
partout rencontrer ces communautés. Elles servirent puissamment à la
diffusion du christianisme. C'est à elles que l'apôtre, s'adressait d'abord,
et c'est sur le modèle de la
Kehilah qu'il
fondait partout ses Églises, ses έκκλησίας.
L'organisation en était la même ; le service s'y célébrait de la même façon.
Les presbytres des premières communautés chrétiennes étaient en tout
semblables aux hommes pieux fondateurs de la synagogue. Tous étaient prêtres,
tous étaient égaux et élus par le peuple. Il n'y avait point encore de
pouvoir central, et saint Paul, imbu des idées pharisiennes depuis son
enfance, devait jeter sur le monde ce puissant réseau de sociétés religieuses
qui peu à peu détruiront l'Empire.
Parmi les dix membres fondateurs de la synagogue, trois
remplissaient les fonctions prépondérantes et étaient appelés les chefs, άρχισυναγώγοι[20]. Ils jugeaient
les différends qui surgissaient entre les membres, administraient les
finances, décidaient de l'admission des prosélytes[21], etc. Ils
avaient toute la responsabilité de l'œuvre et, en particulier, des services
religieux. L'un des trois présidait les deux autres et était le chef par excellence Rosch
hakeneseth[22]. Jaïrus était le
chef de l'importante synagogue de Capharnahum ; mais ce président, ne
l'oublions pas, n'avait aucun pouvoir spécial, il n'était que primus inter pares, et le collège des anciens
de la primitive Église s'est calqué sur ce modèle.
Les trois chefs avaient sous leurs ordres immédiats un
personnage fort important appelé le Hazzan (ύπηρέτης
dans le Nouveau Testament[23]). C'était une sorte de domestique à la fois
et de sacristain, auquel était confiée toute la partie matérielle du service.
Lorsqu'on fonda des écoles d'enfants en Palestine le Hazzan fut chargé de
diriger celles qui avaient moins de vingt-cinq élèves[24]. Il remplissait
encore les fonctions d'exécuteur quand le sanhédrin local condamnait
quelqu'un à la bastonnade.
La disposition de la synagogue était fort simple. Le
bâtiment consistait en une salle rectangulaire plus ou moins grande. Celles
des grandes villes avaient à l'intérieur des rangées de colonnes,
ordinairement au nombre de quatre. Au dehors un portique de l'ordre grec[25] indiquait qu'on
n'avait pas affaire à une maison ordinaire. A l'intérieur, sur un parquet
surélevé où se tenaient les Scribes était le meuble principal, l'armoire
sainte (Tébah[26]) dont la façade était tournée du côté de
Jérusalem et dans laquelle on tenait renfermés les manuscrits. Ceux de la loi
(Thorah) et ceux des autres
livres saints (Sepharim[27]). C'étaient, sans nul doute, les manuscrits
des Prophéties, celui des Psaumes, celui de Daniel, les cinq rouleaux (Megilloth — c'est-à-dire le Cantique des
cantiques, Ruth, les Lamentations, l'Ecclésiaste et Esther), et
d'autres encore. Ils étaient conservés dans une toile de lin[28] et dans un étui[29]. Devant
l'armoire un rideau imitait le voile du Temple. La salle était garnie de
bancs et, à l'extrémité, sur l'estrade, on apercevait une espèce de chaire[30]. Sur le sol on
répandait de la menthe pour parfumer et purifier l'air[31]. Les premières
places étaient payées et fort enviées[32]. Les Docteurs de
la Loi, les
Pharisiens, les personnages importants de la communauté avaient soin de les
occuper de bonne heure. Ils étaient d'autant plus en vue qu'ils avaient le
visage tourné vers le peuple et le surveillaient ; la foule des simples
fidèles venait ensuite et les prosélytes restaient debout à la porte. La
synagogue étant destinée à tenir lieu du Temple, on avait une tendance à y
distinguer des parties plus sacrées que d'autres. La place des pauvres et des
païens était près de l'entrée et figurait le parvis des gentils. Au fond de
l'édifice, au contraire, le parquet plus élevé représentait la cour des
prêtres et le sanctuaire. Il est probable aussi que les hommes étaient séparés
des femmes comme dans le Temple. Le christianisme, dès son origine, eut soin
d'éviter ces distinctions et de proclamer l'égalité des croyants dans
l'intérieur des Eglises[33].
Le service du Sabbat était fait par sept personnes
désignées par le président et appelées à haute voix par le Hazzan. Ce nombre
sept n'était pas de rigueur pour les offices de semaine.
S'il se trouvait, par hasard, un prêtre dans l'assemblée,
il était appelé le premier à prendre la parole. Les lévites venaient ensuite,
puis les simples laïques. Ces sept personnages, presque toujours les mêmes
dans les petites localités, sont sans cesse appelés dans les Talmuds : les sept hommes de bien de la cité.
L'ordre du service était certainement fixe et invariable
au temps de Jésus-Christ. Le moment principal de l'office était celui de la
lecture de la Loi,
car on était réuni avant tout pour l'entendre et pour l'étudier[34]. La prière
précédait celte étude et la lecture d'un passage choisi des Prophètes, suivie
de la bénédiction, terminait les exercices religieux.
Il faut distinguer plusieurs parties dans la prière du
début. Elle commençait par la récitation du Schéma[35]. Puis venait le Schemoné Esré (les
dix-huit actions de grâces)[36]. Le peuple,
pendant cette récitation solennelle, se tenait debout[37], le visage
tourné vers Jérusalem et le Lieu très Saint[38]. Celui qui
priait prenait le nom de Chelcach tsibour.
Il se plaçait devant l'armoire aux manuscrits[39].
Tout membre de l'assemblée pouvait être appelé par le
président à remplir cette importante fonction. Les mineurs seuls étaient
exceptés[40]
et Jésus-Christ peut avoir quelquefois prononcé ces premières actions de
grâces soit à Nazareth, soit à Capharnuhum. Le peuple répondait d'une voix
forte Amen à la fin de chaque prière[41], donnant ainsi
son adhésion aux paroles prononcées.
La lecture de la
Loi venait ensuite ; le Hazzan prenait le rouleau du
manuscrit dans l'armoire sainte, le tirait de son étui, et le remettait au
premier lecteur. Les sept membres désignés se levaient[42] et lisaient tour
à tour, trois versets au moins chacun. Le premier prononçait, avant de
commencer, une courte formule de bénédiction qu'il répétait aussi à la fin[43]. La Thorah était divisée en
153 Sedarim (sections) appelées aussi Pareschcôth.
En trois ans on l'avait lue en entier. Plus tard, on fit les sections trois
fois plus longues, et la Loi
tout entière fut lue dans l'espace d'une année. Cet usage était celui de
Babylone, où l'on avait les 54 Paraschs,
divisions actuelles de nos Bibles hébraïques, mais il n'existait pas encore
en Palestine au premier siècle, et le fragment la chaque sabbat était
d'environ une cinquantaine de versets. Le Hazzan se tenait tout le temps près
du lecteur et veillait à ce qu'il ne commît pas d'erreur et ne lût rien
d'inconvenant pour une lecture publique. Chaque verset, lu dans la langue
sainte, était immédiatement traduit en araméen ; le mineur même pouvait
traduire. On ajoutait toujours à la lecture et à la traduction un commentaire
oral (Midrasch)[44], sorte d'homélie
qui prit une grande importance dans les Eglises chrétiennes et devint peu à
peu le sermon. Ainsi donc le Targoum a donné naissance à la prédication et
celle-ci se trouve être essentiellement une création des Pharisiens. De
l'explication paraphrasée du texte on passa peu à peu aux développements et à
l'exhortation édifiante. Au temps de Jésus-Christ l'usage de ces
développements était général.
On ne les faisait pas seulement à la synagogue, mais aussi
en plein air. Les Rabbis avaient l'habitude de haranguer le peuple. Il y a foule partout où l'on prêche, dit la Mischna[45]. Quand un de ces
prédicateurs se trouvait dans rassemblée, on lui offrait la parole. Il s'appelait
Dareschan. Il y en avait qui, comme
Jésus-Christ, étaient prédicateurs itinérants.
La lecture de la
Loi terminée, la personne qui avait dit la première prière
lisait un fragment tiré des Prophètes[46]. Cette péricope
portait le nom de haphtare (leçon finale), parce qu'elle achevait l'office.
Son lecteur, appelé maphtir, était
désigné par le chef de la synagogue ; il lisait trois versets de suite, puis
on les traduisait. Jésus-Christ lut un jour une de ces leçons finales dans la
synagogue de Nazareth[47]. Il est possible
cependant qu'il ait choisi lui-même le passage. Remarquons qu'il ne lut que
deux versets ; il en avait le droit, parce qu'il se proposait de les
commenter.
La bénédiction finale était prononcée ensuite et
l'assemblée se retirait. Voici donc quel était Tordre habituel du service de
la synagogue : le Schéma ; le Schemoné Esré ; lecture du texte de la Loi (section du jour) ; traduction orale en araméen ; commentaire
appelé Midrasch ; lecture des Prophètes ; traduction orale en araméen ;
Bénédiction.
Il est possible que le chant des Psaumes fît aussi partie
du service, car ce recueil était devenu le livre de cantiques de la
synagogue. Enfin trois diacres étaient chargés du soin des pauvres. Deux
d'entre eux faisaient la collecte. Le troisième les aidait dans les
distributions. On acceptait les dons en nature aussi bien que l'argent[48].
Les synagogues, avons-nous dit, étaient ouvertes trois
fois par jour pour la prière. Le lundi et le jeudi, jours de marché et
d'audience judiciaire (deuxième et cinquième
jour de la semaine), on se réunissait plus spécialement encore à la
synagogue. La foule de la campagne affluait à la ville ou au village et on en
profitait pour lui faire entendre la Loi. Cette lecture était simplement ajoutée à
la prière du matin. Trois membres du conseil se la partageaient[49]. Les Talmuds
font remonter jusqu'à Esdras l'établissement de ces deux services
supplémentaires[50].
Les synagogues étaient très fréquentées. Tous les Juifs
sans exception s'y rendaient régulièrement et en être expulsé était le
dernier des affronts[51]. Tous vos biens
étaient confisqués. Il y avait vingt-quatre causes d'excommunication et l'une
d'elles, rédigée sans doute longtemps après rétablissement du christianisme,
était ainsi conçue : Celui qui confesse que Jésus
est le Christ.
Les trois chefs jugeaient de toutes les affaires
litigieuses[52]
et l'une des peines qu'ils prononçaient le plus souvent était la bastonnade.
Elle n'avait pas le caractère infamant qu'elle a toujours eu en Occident.
Cette flagellation était exécutée soit dans l'intérieur de la synagogue, soit
en plein air par le Hazzan. Saint Paul nous raconte l'avoir reçue cinq fois[53].
La synagogue moderne peut-elle être comparée à la
synagogue ancienne ? Oui, mais elle ne saurait lui être assimilée. La
tendance à imiter le Temple, qui existait déjà autrefois, s'est développée
depuis la ruine du sanctuaire, et les pompes actuelles des services religieux
dans les synagogues ne peuvent nous donner aucune idée de la simplicité
antique du culte tel qu'on le célébrait au temps de Jésus-Christ. Les
ressemblances sont tout extérieures. La plus frappante, celle qui choque tout
chrétien à son entrée dans une synagogue est l'absence complète de
recueillement. On se croirait sur une place publique.
Le culte des premiers chrétiens, nous l'avons dit, a été
copié sur le service de la synagogue ; et il est probable que d'abord il n'y
eut pas beaucoup plus de recueillement chez eux que chez les Juifs[54]. La différence
fondamentale des deux services fût chez les chrétiens la célébration de la Cène ; et encore l'établissement
de ce rite fut-il certainement facilité par l'usage pharisien des agapes dont
nous avons parlé. Mais le repas eucharistique, célébré solennellement au
culte, renfermait en germe tous les développements à venir. Dès le second
siècle une hiérarchie s'organise, le clergé est mis u part et séparé des
fidèles, le chœur est, dans la maison de prières, distingué de la nef ; le
repas eucharistique deviendra bientôt un sacrifice. Encore quelques pas en
avant et la messe est créée.
Les protestants, en supprimant ces développements du culte
chrétien, ont voulu le ramener à ce qu'ils appellent sa
pureté primitive. Mais à quelle époque du premier siècle faut-il
s'arrêter ? La transition de la synagogue à l'Église a été insensible. Quand
saint Paul parcourt l'empire, les assemblées de la communauté de Corinthe
ressemblent fort a celles de la plus indisciplinée des synagogues. L'élément
juif y a apporté avec ses usages traditionnels ses habitudes de désordre et
ses disputes. Il est certain, au contraire, qu'après la mort des apôtres,
quand un lien se forma entre les diverses églises, le calme s'établit, la Sainte Cène
fut entourée d'un profond respect, le prêtre commença à avoir une grande
influence sur le simple fidèle.
Eh bien, il nous semble que c'est à cette époque que l'on
devrait chercher le type du vrai culte chrétien. Les assemblées du second et
du troisième siècle, telles que nous les décrivent les Pères d'alors[55], répondent bien
à ce que doit être le service de l'Eglise. Ce n'est pas le culte catholique
de l'avenir ; la Cène
est célébrée telle que Jésus l'a instituée ; elle n'est pas encore le
sacrifice renouvelé du Christ ; mais ce n'est pas non plus la sécheresse du
calvinisme et du puritanisme protestant. La liturgie est simple mais
complète, le peuple prend part au service ; la lecture des saintes Écritures
est à la place qui leur convient, le sermon est déjà important sans être trop
étendu et sans jouer le rôle prépondérant. Bref, sauf quelques modifications
de détail, il nous semble que c'est en imitant le service du second et du
troisième siècle que les protestants de nos jours réaliseront le mieux les
réformes urgentes de leurs rites religieux.
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