La maison du pauvre. — La maison du riche. — La terrasse. — La chambre haute — Le mobilier. — L'intérieur d'une maison de village. — Le chandelier. — Le boisseau. — Le moulin. — La nourriture. — Les pains. — Les gâteaux. — La cuisine. — Le repas principal. — Les ablutions. — Les actions de grâces. — Un repas du temps du roi David. — La nourriture des pauvres au premier siècle. — Les sauterelles. — Les boissons. — Le vin. — Les coupes. — Le repas de midi à Jérusalem à l'époque de Jésus-Christ.On se représente ordinairement la maison antique comme occupant un grand espace ; on y place un atrium, une cour entourée de portiques avec une fontaine au milieu, un jardin, de vastes salles de réception. Elle serait assez exactement reproduite par la maison mauresque de nos jours. Il est certain que des habitations semblables se voyaient à Rome et dans toutes les grandes villes de l'empire ; à Jérusalem il y en avait certainement ; mais ces maisons étaient celles des riches, elles étaient ce que nous appellerions aujourd'hui des hôtels particuliers. Les auteurs anciens nous les ont décrites précisément à cause de leur luxe et de leur confort. Les privilégiés qui habitaient ces demeures étaient peu nombreux. La foule, l'immense majorité composée de gens de condition moyenne ou inférieure habitait, à Rome par exemple, de grandes maisons à étages dont celles de nos grandes villes peuvent donner une idée. Chaque famille y occupait un appartement séparé ; les artisans étaient sous les toits[1]. Il n'est pas probable qu'à Jérusalem même il y eut de ces grandes maisons si élevées. En Orient, les constructions ont toujours été basses et, sauf les monuments, les villes devaient avoir le même aspect qu'aujourd'hui. En tout cas, dans les villages, et c'est des villages que nous allons parler d'abord, les maisons étaient des plus simples, des plus primitives. Transportons-nous à Nazareth et représentons-nous la maison habitée par Joseph et Marie lorsque Jésus était enfant. Qu'on se figure un gros cube de forme régulière et blanchi à la chaux. A l'intérieur une seule pièce ; point de fenêtre, le jour entre par la porte et la femme qui cherche une drachme perdue, doit allumer sa lampe[2]. Aujourd'hui le logement de toute une famille arabe se compose, en Palestine, d'une grande chambre voûtée sans fenêtre. Il en était ainsi au premier siècle. L'établi, la cuisine, la chambre à coucher, tout devait être réuni dans cette unique pièce de la maison du charpentier de Nazareth. La maçonnerie était fort grossière ; on peut en juger par les ruines nombreuses dont le pays est aujourd'hui couvert. Il était rare que la pierre y fût employée ; les plus luxueuses maisons étaient en briques du pays. On fabriquait ces briques en foulant la terre grasse ou l'argile avec les pieds[3] ; on y mêlait de la paille[4], puis on les cuisait au four[5]. Ces maisons de briques étaient très communes dans les villes[6], mais n'étaient habitées dans les campagnes que par les personnes dans l'aisance[7]. Quant aux maisons de terre, elles donnaient asile aux agriculteurs et aux gens des basses classes[8]. Leurs murs n'étaient qu'un grossier clayonnage revêtu d'argile pétrie et séchée au soleil. Sur cette terre poussait çà et là une chétive végétation, et à l'intérieur le salpêtre, appelé par les habitants la lèpre[9], faisait souvent invasion. Il est probable que la maison de Joseph était une de ces pauvres demeures bâties en terre et blanchies. Les maisons des riches personnages étaient fort
différentes. La maison élevée sur les colonnes du portique pouvait avoir plusieurs étages. Le palais de Salomon en avait trois ; mais on ne devait guère dépasser ce nombre. En tout cas, elle renfermait plusieurs pièces. Elles étaient parfois très vastes[16], certaines salles étaient exclusivement consacrées aux festins[17] ; d'autres étaient des chambres de repos[18]. Le splendide palais qu'Hérode le Grand se fit bâtir à Jérusalem[19], était plus luxueux encore ; mais de si somptueuses demeures étaient l'exception. La plupart des maisons, même dans les villes, avaient une chétive apparence. Les fenêtres, absentes, nous l'avons dit, de la maison du pauvre, étaient, dans les maisons les plus riches, petites et peu nombreuses. Celles qui donnaient sur la rue étaient garnies d'épais grillages[20] que l'on ouvrait à volonté[21]. Les pièces, sauf celle de l'entrée, étaient très petites. Les habitants ne s'y retiraient que pour la nuit, et, sous ces climats brûlants, l'homme vivait le plus souvent hors de chez lui, dans les rues, sur la place publique. Le visiteur de Pompeï est frappé de l'exiguïté des chambres des maisons. Aucune n'offrait de pièce où l'on put se retirer pour se recueillir. Il fallait pour cela montera l'étage supérieur et jusque sur le toit. Celui-ci presque plat, n'avait que juste l'inclinaison suffisante à l'écoulement de l'eau de pluie[22]. Il était entouré d'une balustrade prescrite déjà par la Loi[23]. Il formait donc une terrasse qui servait de refuge[24]. Le sol était en briques[25] ou en chaux mêlée de sable et de petits cailloux battus avec de la cendre. Le toit de la maison du pauvre était fait de terre, et sur cette couche de terre solide et durcie, l'herbe poussait quelquefois[26]. L'escalier qui menait à la terrasse était extérieur, et lorsqu'on était sur le toit, on pouvait sortir de la maison sans rentrer d'abord dans l'intérieur[27]. Sur ces terrasses, on exposait à l'air certains objets de travail[28], on prenait le frais, on dormait parfois dans la belle saison[29], sans doute pour éviter les insectes ; ce qui se fait encore aujourd'hui. L'habitude de loger en été sous des tentes est toujours très répandue. Les voyageurs y sont même obligés dans la saison chaude à cause des moustiques, et cet usage était certainement le même autrefois. Pendant quatre mois de l'année, des tentes étaient dressées sur les terrasses des maisons. On traitait aussi sur ces terrasses les affaires secrètes ; on s'y retirait dans les moments de tristesse[30] ; et être assis dans un coin du toit signifiait mener une vie triste[31]. Dans les émeutes on montait sur le toit pour voir ce qui se passait[32], pour se sauver ou pour se défendre[33] ; à la fête des tabernacles, on dressait encore des tentes sur les toits[34]. Jésus-Christ parle de prêcher sur les toits et nous verrons que le hazzan annonçait du haut d'un toit, chaque vendredi soir, que le sabbat commençait. Quand la maison n'avait qu'un seul étage, la terrasse, entourée d'une balustrade, se trouvait former une chaire du haut de laquelle il était facile de haranguer la foule réunie devant la maison. On se représente aussi ce qu'était la solitude sur cette terrasse quand, le soir, sous le ciel splendide de l'Orient, Jésus, fatigué des bruits du jour, s'y retirait pour prier. Là, plus de scribes, plus de pharisiens, plus de disputes ni de haine, mais la présence du Dieu vivant et la communion avec lui aussi certaine, aussi sensible que sur la colline et sur les hauts lieux. Souvent la terrasse était couverte ; elle formait alors une grande salle spacieuse, commode les jours de pluie, et que l'on appelait la chambre haute[35] ou chambre d'en haut. Quand Jésus n'enseignait pas en plein air, le seul endroit où il put se tenir était la chambre haute, et c'est là qu'il se trouvait certainement le jour où on lui amena un paralytique, et que la foule qui se pressait autour de lui, empêchait les porteurs du brancard de passer[36]. On comprend fort bien ce qui arriva ; le malade fut monté par l'escalier extérieur de la maison jusque sur le toit de la chambre haute, d'une construction légère et facile à percer. Un des Talmuds nous rapporte un fait presque semblable[37] : Quand Rabbi Honna mourut, la civière ne put passer par la porte qui était trop étroite, et on dut découvrir le toit et le sortir par là. On se réunissait souvent dans la chambre haute pour
enseigner : Rabbi Jochanan et ses disciples
montèrent dans la chambre haute, et ils lurent et ils commentèrent[38]. Cet usage de
couvrir au moins une partie de la terrasse et de s'en faire une chambre était
très général. Quand elle était entièrement découverte, on ne pouvait s'y
tenir que le soir à cause du soleil, et c'est le désir de s'y réunir en tout
temps qui y faisait construire cette sorte de pavillon ajouté à la maison,
élevé sur le toit et où on se retirait pour se reposer, pour prier ou pour
être seul. On y logeait aussi les étrangers auxquels on donnait l'hospitalité[39]. La chambre
haute donne encore aujourd'hui son caractère distinctif à la maison syrienne[40]. C'est la
chambre à donner, la chambre d'ami ; la vie privée étant murée, l'hôte se
trouve ainsi logé en dehors de la partie de la maison habitée par le maître
et par les siens. Le pauvre se contentait d'ordinaire de laisser sa terrasse
découverte, mais le premier luxe que l'on se donnait était celui d'une
chambre haute. La riche Sunamite en fit une pour Elisée[41]. C'était la
pièce la plus commode de la maison, parce qu'elle était grande, comparée aux
chambres de l'intérieur', et parce qu'elle était entièrement indépendante du
reste de la construction, aussi le nombre des usages auxquels elle servait
était-il varié à l'infini. On y déposait les corps avant l'ensevelissement[42]. C'est dans une
chambre haute que Jésus se réunit avec ses apôtres pour leur faire ses
adieux, manger Le mobilier de la maison était d'une extrême simplicité. Le confort moderne était absolument inconnu des orientaux. En général, celui-ci est d'autant plus grand que le climat est plus rigoureux ; la nécessité de se garantir du froid et delà pluie oblige l'homme à construire des maisons solides ; et comme il doit les habiter souvent, il cherche à s'y rendre la vie agréable. Les peuples du nord sont beaucoup plus confortablement logés que ceux du midi. En Palestine, on vit en plein air et la maison de l'homme du peuple était, au premier siècle, aussi vide, aussi nue, que celle du plus misérable Arabe de nos jours. Elle se composait, avons-nous dit, d'une seule pièce où tout était réuni : la cuisine, les tapis, sur lesquels on s'étendait pour dormir, ou le lit, simple couchette portative[44], les instruments de travail du père, sans parler des bestiaux, qui, parfois, partageaient la chambre commune. Des nattes et des coussins sur lesquels on s'asseyait à la mode orientale, quelques vases d'argile pour les besoins du ménage et un coffre ou grande armoire complétaient le mobilier. Dans cette armoire on mettait, durant la saison chaude, les couvertures et les tapis qui étaient toujours en laine et qu'il fallait garantir des insectes. Les vers et la teigne gâtaient tout pendant l'été[45]. En hiver, c'était la rouille[46] qui se développait facilement dans ces maisons sans cave et rongeait les outils du père de famille. Enfin il fallait se garder des voleurs qui pouvaient facilement venir la nuit, à l'heure où on ne les attendait pas et qui perçaient sans difficulté les minces murailles d'argile séchée[47]. La maison n'avait point de cheminée, et, quand il faisait froid, on se bornait à allumer au milieu de la chambre un grand brasier[48]. Outre ces objets, chaque maison avait une lampe, un boisseau, des outres pour le vin, un balai et un moulin. Il est à remarquer que ces ustensiles divers sont toujours nommés dans l'Evangile avec l'article : le chandelier, dit le Christ, le boisseau[49]. Il n'y en avait qu'un seul par demeure. Ce chandelier ou plutôt cette lampe était très élevée et on la posait à terris. Quelquefois on se servait, comme aujourd'hui, d'une pierre faisant saillie dans le mur et sur laquelle on la plaçait. La lampe portait un ou plusieurs becs dans lesquels on brûlait de l'huile. Celle du pauvre était d'argile. Le boisseau était aussi un objet essentiel dans l'humble demeure du villageois. Il servait de mesure comme son nom l'indique, mais aussi de tiroir et de sac. Placé à terre et retourné, il remplaçait la table absente, et on posait la lampe sur le boisseau et non pas dessous[50]. Les habitants, assis autour à l'orientale, voyaient la lumière et toute la chambre était éclairée[51]. Aujourd'hui encore, le boisseau sert de table et même de plat, car on y apporte le lait caillé. Le balai servait à la femme qui balayait toute la maison[52], c'est-à-dire l'unique chambre dont elle se composait, et les outres[53] de peau de chèvre servaient à conserver le vin en lui communiquant ce goût affreux, mais très apprécié des Orientaux, et qu elles lui donnent toujours partout où on les emploie encore aujourd'hui. Chaque maison avait un moulin à bras[54]. La meule inférieure (Pelach) était immobile et très dure[55]. La supérieure (Pelach-Récheb)[56] était mise en mouvement par une manivelle assez semblable à celle des moulins à café de nos jours. Deux vases eu pierre servaient à conserver le grain. Ces usages n'ont point varié ; le moulin à bras et les deux vases pour le grain font encore aujourd'hui partie essentielle du mobilier chez l'Arabe de Palestine. Tourner la meule était fort pénible. Parfois on avait une meule d'âne[57], mais, d'ordinaire, la meule était à la main. Le soin de la tourner était laissé aux femmes esclaves de la dernière condition[58] ou aux prisonniers[59]. Les femmes étaient toujours deux ensemble à la meule, et travaillaient tour à tour[60]. Souvent, dans la journée, le bruit du moulin se faisait entendre ; il égayait la maison, et son interruption prolongée était l'image de la désolation et de la mort[61]. Il nous reste pour terminer ce que nous avons à dire du
mobilier à nommer la mesura que nous
décrirons en détails en parlant de la prière[62] ; c'était une
petite boite allongée suspendue aux portent des maisons et des chambres,
contenant un rouleau de parchemin sur lequel étaient écrits en vingt-deux
lignes deux fragments de Nous n'avons point à parler ici des maisons luxueuses habitées à Jérusalem par les classes aisées. L'intérieur de l'habitation du grand prêtre, par exemple, ressemblait sans doute à la maison d'un patricien romain et de telles demeures ont été souvent décrites dans des ouvrages spéciaux. Là il y avait des meubles magnifiques, de splendides candélabres, des tapis d'Orient plus beaux encore que ceux de nos jours, des lits garnis de couvertures, de matelas, de coussins[63]. Ils étaient en bois de cèdre[64], et parfumés[65]. Les sofas sur lesquels on s'étendait pour les repas étaient déjà employés du temps des prophètes[66]. Au premier siècle, on s'en servait partout à Jérusalem ; nous allons les décrire en traitant des repas chez les Juifs du premier siècle. Ici, l'immobilité de l'Orient nous apparaît aussi
étonnante que partout. La nourriture des Arabes qui peuplent La cuisine s'appelait Kiraim ; ce mot au duel suppose deux réchauds pour deux marmites. La vaisselle en terre cuite, considérée comme impure, n'était pas employée ; on se servait de vaisselle de cuivre[76] et on connaissait l'étamage[77]. Les ustensiles ordinaires étaient le çannaath (cruche de terre), le Gabia (cratère, calice), le Côs (coupe, gobelet), le Séphèl (tasse), le mizrah (grande coupe). Le repas principal, le dîner se prenait à midi[78]. Cette heure est toujours restée celle des pays chauds^ le repos au milieu du jour étant rendu nécessaire par le climat. Nous savons que les esséniens prenaient vers onze heures un bain suivi d'un repas qui était précisément le diner de midi ; il est appelé dans le Nouveau Testament δεΐπνον[79] ; άριστον[80] était le repas du matin, le déjeuner. Jésus-Christ fut un jour invité par un pharisien à prendre chez lui ce premier repas[81]. Les Juifs, nous lavons dit en pariant de la maison, mangeaient d'habitude en plein air, dans la cour ouverte à tous venants ; nous comprenons ainsi qu'une femme put entrer sans difficulté et briser un vase de parfums aux pieds du Christ[82]. Avant de se mettre à table, on se lavait les mains[83]. Cette ablution avait, comme toujours en Orient, un caractère religieux. Quelques personnes se plongeaient entièrement dans l'eau, c'était le bain essénien ; nous en parlerons en traitant des purifications chez les Juifs du premier siècle. Le pharisien qui avait invité Jésus à manger chez lui s'étonne de ce qu'il ne se soit pas plongé dans l'eau avant le repas[84]. Ce pharisien était donc un de ces esséniens séculiers très nombreux alors en Palestine[85]. L'heure venue, on se mettait à table : on commençait par
s'asseoir et, une fois assis, chacun rendait grâces séparément et à voix basse,
puis on se couchait à demi suivant la mode orientale sur des coussins et des
sofas, et lorsqu'on était ainsi étendu, un seul des convives rendait grâces à
haute voix et pour tous les autres[86] qui disaient
ensuite amen ou même répétaient quelques-unes des paroles prononcées. On
était couché sur le coté gauche ; on mangeait et on buvait dans cette
position ; les pieds touchaient la terre, et chacun avait un lit et parfois
même une petite table séparée des autres[87]. La bénédiction
prononcée au commencement et à la fin du repas était ordonnée par la Loi[88]. C'était une
formule, toujours la même, tirée du Deutéronome et Les convives couchés autour de la table[90] formaient un cercle
; le maître de la maison se tenait au milieu. Les Juifs aimaient beaucoup les
repas de famille et les invitations étaient fréquentes[91]. Quand le repas
avait un caractère religieux, ou simplement quant on voulait honorer
particulièrement un des hôtes, on répandait sur sa tête une huile aromatique[92]. La viande était
apportée coupée en morceaux, et les autres mets dans des plats séparés. Le
chef de famille distribuait les portions[93], chacun mettait
la sienne sur le pain rond qu'il avait devant lui et mangeait avec ses
doigts. Un seul plat de sauce servait pour tous et chacun à son tour y
trempait son pain[94]. Il n'est
question dans Quels étaient les aliments ? Les viandes nommées dans Le lac, avons-nous dit, était très poissonneux. Les pécheurs vendaient le produit de leur pêche à Jérusalem et, près de la porte dite des poissons[102], se tenait un grand marché exclusivement alimenté par le lac de Tibériade. Les Tyriens se livraient volontiers à ce commerce. Il va sans dire qu'il est tombé aujourd'hui et ce n'est que sur les bords même du lac que le poisson fait maintenant partie de la nourriture. Parmi les mets usités alors, il ne faut pas oublier de
nommer les sauterelles. Il est dit dans le Nouveau Testament que Jean
Baptiste s'en nourrissait[103]. Le fait n'a
rien d'extraordinaire. Quatre espèces de sauterelles étaient comestibles[104]. Un des Talmuds
parle même de huit cents espèces de sauterelles pures[105] ; ceux qui ont
avancé ce fait auraient sans doute été assez embarrassés pour nommer ces huit
cents espèces, mais leur dire prouve que cette alimentation n'était nullement
condamnée par les docteurs de Les boissons en usage au temps de Jésus-Christ étaient très nombreuses. On trouvait à Jérusalem la bière de Médie ou de Babylone[108], mais l'eau mêlée de vin formait une boisson plus recherchée[109]. Le Cantique des cantiques parle de vin mêlé d'aromates[110] et du moût des grenades. Le vin vieux était, comme partout, plus apprécié que le nouveau, mais on ne laissait pas vieillir le vin plus de trois ans[111]. L'eau fraîche était la boisson du pauvre et quand Jésus-Christ parle du verre d'eau fraîche donné en son nom, il prononce une parole bien naturelle dans un pays chaud et sous un soleil de feu. Cependant le peuple buvait volontiers le Schechar, vin factice, préparé avec du froment et des fruits. C'est sans doute la cervoise dont parlent nos traductions françaises du Nouveau Testament et dont il est dit que Jean-Baptiste n'en buvait pas[112]. Les Latins appelaient en effet Cervisia (de Cérès) une boisson faite de blé ou d'orge macéré, séché, rôti et moulu qu'on faisait tremper et cuire avec du houblon. C'était donc aussi une sorte de bière. Enfin dans les grandes chaleurs les travailleurs des champs buvaient du vinaigre môle d'eau et y trempaient leur pain[113]. Le vin était conservé dans des outres de peau de chèvre[114] ou dans des vases de terre[115], faits au tour. Aujourd'hui, personne ne voyage sans qu'une outre pleine
d'eau fasse partie de ses bagages. Elle est petite et on l'accroche à la
selle de son cheval ou même à sa ceinture si l'on est à pied. Josèphe parle
de vases poreux qui rafraîchissaient l'eau ; ces vases étaient déjà usités du
temps de Gédéon[116]. Les vases de
verre n'étaient pas inconnus mais ils étaient rares et précieux. On se servait pour boire de coupes ou de tasses parfois assez grandes[118], mais auparavant on filtrait les boissons, le lait, le vin aromatisé pour ne pas avaler les moucherons qui y étaient tombés[119]. Comment donc se composait le repas de midi dans une maison bourgeoise de Jérusalem au premier siècle ? On y trouvait du poisson du lac, des sauterelles rôties dans la farine ou dans le miel, des oignons, de la viande de boucherie ; comme boisson, de la bière de Médie ou du vin mêlé d'eau, et au dessert les fruits à bon marché étaient le raisin et la ligue. Les gens du peuple devaient se nourrir plus sobrement. Les pêcheurs du lac en particulier ne mangeaient sans doute que rarement de la viande ; c'était le pain, les œufs durs et le produit de leur pèche qui devait avec des sauterelles et de l'eau faire le fond de leur alimentation ordinaire[120]. |
[1] Voir la description de Rome dans le savant ouvrage de Friedlænder : Mœurs romaines d'Auguste aux Antonins.
[2] Ev. de Luc, XV, 8.
[3] Nahum, III, 14.
[4] Exode, V, 7.
[5] Nahum,
III, 14, II Samuel, XII, 31.
[6] Ésaïe, IX, 9.
[7] Sous David et sous Salomon, on revêtait de marbre certains édifices, I Rois, VII, 9, 10, 11, I Chroniques, XXIX, 2.
[8] Job, IV, 19.
[9] Lévitique, XIV, 33 et suiv.
[10] II Samuel, XVII, 18.
[11] II Samuel, XI, 2.
[12] Proverbes, XXVI, 14, I Rois, VII, 50.
[13] Cantiques, V, 5, Juges, III, 24, 25.
[14] Juges, XVI, 3. Amos, I, 5.
[15] Voilà pourquoi Jésus après avoir dit à Pierre : Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux, ajoute ; ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. Ev. de Matthieu, XVI, 19.
[16] Jérémie, XXII, 14.
[17] I Samuel, IX, 22.
[18] II Samuel, IV, 7.
[19] Voir notre chapitre sur Jérusalem.
[20] Juges, V, 28, Cantiques, II, 9.
[21] II Rois, XIII, 17.
[22] Proverbes, XIX, 13, XXVII, 15.
[23] Deutéronome, XXII, 8.
[24] Pierre s'y retire pour prier. Actes des apôtres, X, 9. Les terrasses sont semblables aujourd'hui en Orient.
[25] Ésaïe, LXV, 3.
[26] Psaume, CXXIX, 6.
[27] De là viennent les expressions de Jésus-Christ : Que celui qui est sur le toit ne rentre pas..., etc. Ev. de Matthieu, XXIV, 16, 17, de Marc, XIII, 15, etc., etc.
[28] Josué, II, 6.
[29] I Samuel, IX, 26.
[30] Ésaïe, XV, 3.
[31] Proverbes, XXI, 9 et XXV, 24.
[32] Esaïe, XXII, 1.
[33] Juges, IX, 51.
[34] Néhémie, VIII, 10.
[35] Nous avons deux termes dans le Nouveau Testament pour désigner la chambre haute : ύπερώον (Actes des Apôtres, I, 13) littéralement ce qui est en haut, et άνώγεον (Ev. de Luc, XXII, 12) littéralement ce qui est au dessus de terre.
[36] Ev. de Luc, V, 18, 19 et Ev. de Marc, II, 4.
[37] Talmud de Babylone, Moed Katon, fol. 25, 1.
[38] Schabbath, ch. I, halac, 7, Juchasin, fol. 23, 2, Cf. Ev. de Marc, XIV, 15. Actes des apôtres, I, 13 et XX, 8.
[39] I Rois, XVII, 19.
[40] Bovet, Voyage en Terre Sainte, p. 121.
[41] II Rois, IV, 8 et suiv.
[42] Actes des Apôtres, IX, 37.
[43] Actes des Apôtres, I, 14.
[44] Κράρβατος dans le Nouveau Testament en hébreu Mittah ou Erès. Prends ton lit, dit le Christ, et marche, Ev. de Mathieu, II. 19.
[45] Ev. de Matthieu, VI, 19, Ev. de Luc, XII, 33.
[46] Ev. de Matthieu, VI, 19, Ev. de Luc, XII, 33.
[47] Ev. de Matthieu, VI, 20.
[48] Jérémie, XXXVI, 22.
[49] Ev. de Matthieu, V, 15.
[50] Ev. de Matthieu, V, 15, de Marc, IV, 21, de Luc, XI, 33.
[51] Ev. de Matthieu, V, 15, de Marc, IV, 21, de Luc, XI, 33.
[52] Ev. de Luc, XV, 8.
[53] Ev. de Matthieu, IX, 17, de Marc, II, 22, de Luc, V, 38.
[54] Nombres, XI, 8, Deutéronome, XXIV, 6.
[55] Job, XLI, 15.
[56] Juges, IX, 53, II Samuel, XI, 21.
[57] Les Talmuds distinguent la meule d'âne et la meule à la main, voir aussi Ev. de Luc, XVII, 2.
[58] Exode, XI, 5, Esaïe, XLVII, 2.
[59] Juges, XVI, 21, Lamentations de Jérémie, V, 13.
[60] Ev. de Luc, XVII, 35.
[61] Jérémie, XXV, 10.
[62] Voir livre II, chapitre X, la Prière.
[63] Proverbes, VII, 16 ; Ezéchiel, XIII, 18, 20.
[64] Cantique des cantiques, III, 9, 10.
[65] Proverbes, VII, 17.
[66] Ezéchiel, XXIII, 41 ; Amos, VI, 4.
[67] II Rois, IV, 42.
[68] Exode, XII, 34.
[69] Exode, XII, 39 ; Genèse, XIX, 3.
[70] Esaïe, LVIII, 7 ; Lamentations de Jérémie, IV, 4 ; Ev. de Matthieu, XIV, 19 ; XV, 36 ; XXVI, 26 ; de Luc, XXIV, 10 ; Actes, XX, 11.
[71] Bovet, Voyage en Terre Sainte, p. 41.
[72] Lévitique, XXVI, 26.
[73] Hérodote, liv. II, ch. 92.
[74] Lévitique, II, 4.
[75] Lévitique, II, 7 ; Exode, XVI, 31 ; II Rois, XIII, 6.
[76] Lévitique, VI, 21. XI, 33, XV, 12 : Nombres, XXXI, 22 : Ezéchiel, XXIV, 11.
[77] Pline, H. N., 34, 17.
[78] Genèse, XLIII, 16, 32 : I Rois, XX. 16 : Ruth, II, 14-17 : Actes, X, 9, 10.
[79] Ev. de Matthieu, XXIII, 6 ; de Marc, VI, 21 ; de Luc, XIV, 12, 16, de Jean, XII, 2 ; XIII, 24 ; XXI, 20.
[80] Ev. de Matthieu, XXII, 4 ; de Luc, XI, 38, XIV, 12.
[81] Ev. de Luc, XI, 38.
[82] Ev. de Matthieu, XXVI, 6 et suiv.
[83] Ev. de Matthieu, XV, 2 ; de Marc, VII, 3 ; de Luc, XI, 38.
[84] Ev. de Luc, XI, 38. Il n'est pas question, en effet, dans ce passage, de se laver simplement les mains, mais de se βαπτίζειν.
[85] Voir sur les Esséniens, livre II, chap. XIV.
[86] Berakhoth, IV, halac. 6 ; Ev. de Matthieu,
XXVI, 20.
[87] Talmud de Babylone, Berakhoth, fol. 46, 2. Autrefois on était simplement assis ; (Genèse, XXXVII, 25). Mais déjà du temps des prophètes, le riche se couchait sur des divans ; Amos s'en plaint (VI, 4).
[88] Deutéronome, VIII, 10.
[89] Traité Berakhoth, chap. VII.
[90] L'usage des petites tables séparées ne semble pas avoir été suivi par les gens de condition ordinaire.
[91] Josèphe, Ant. Jud., XIV, 10, 8, 12.
[92] Cette remarque est importante et nous aide à comprendre le passage Ev. de Matthieu XXVI, 7 et suiv.
[93] I Samuel, I, 4.
[94] Ev. de Matthieu, XXVI, 23.
[95] XXIII, 2.
[96] Genèse, XVIII, 7 ; Juges, VI, 19 ; I Rois, IV, 23.
[97] Genèse, XXV, 34. Ezéchiel, IV, 9.
[98] I Samuel, XXV, 18 ; II Samuel, XVI, 1 ; XVII, 29 ; I Chroniques, XII, 40.
[99] Ésaïe, VII, 15.
[100] Il est parlé du miel sauvage : Psaumes, LXXXI, 17 ; Juges, XIV, 8, 14 ; I Samuel, XIV, 25, 26, 27, 28 — du miel d'abeilles domestiques : Cantique des cantiques, V, 1 ; voir aussi II Chroniques, XXXI, 5 ; II Samuel, XVII, 29 ; Proverbes, XXIV, 13 ; Ev. de Luc, XXIV, 42.
[101] Ev. de Matthieu, VIÏ, 9 ; de Luc. XI, 11.
[102] II Chroniques, XXXIII, 14.
[103] Ev. de Matthieu, III, 4 et parall.
[104] Lévitique, XI, 22.
[105] Talmud de Jérusalem, Taanith, fol. 69, 2.
[106] Talmud de Babylone, Schabbath, fol. 106, 2,
[107]
Pierotti,
[108] Pesachim, 3, 1.
[109]
[110] VIII, 2, voir aussi Ésaïe, V, 22.
[111]
Quel est le meilleur vin ? le vin vieux, celui qui a
trois ans. Schabbath, fol. 129, 1 ; Berahhoth,
fol. 51, 1 ; voir Ev. de Luc, V, 39.
[112] Ev. de Luc, I, 15, trad. d'Ostervald.
[113] Ruth, II, 14.
[114] Genèse, XXI, 14 ; Job, XXXII, 19.
[115] Psaumes, II, 9 ; Jérémie, XVIII, 3.
[116] Juges, VII, 16, 19, 20.
[117] Job, XXVIII, 17.
[118] Genèse, XLIV, 2, 12 ; I Rois, VII, 50 ; Cantique des cantiques, VII, 3.
[119] Ev. de Matthieu, XXIII, 24.
[120] M. Gustave Flaubert, dans son conte Hérodiade, s'est plu à décrire, avec un grand luxe d'érudition, le repas que donna Hérode Antipas aux grands de sa cour, le jour anniversaire de sa naissance, quand Salomé entra dans la salle du festin et charma les convives par sa danse. Nous n'avons pas à parler de cette description ni à la reproduire ici ; nous n'avons voulu décrire que la nourriture ordinaire de la population. Il va sans dire que les rois et les tétrarques pouvaient se faire servir ce qu'on ne mangeait qu'à Rome et à la table de César.