La Judée.
— Jérusalem. — Son nom. — Vue générale. — Les murs d'enceinte. — Le chiffre
de la population. — Les portes. — Les quatre collines. — Les places. — Les
rues. — Les synagogues. — Les monuments. — Les tours. — Le palais d'Hérode. —
La tour Antonia. — Les réservoirs. — Le mont des Oliviers. — Les bazars de Hanan.
— Gethsémané. — Béthanie. — Jéricho. — Le Jourdain. — La mer Morte. —
Bethléem. — Jaffa.
LA
JUDÉE. — JÉRUSALEM.
L'aspect général de la Judée est celui d'un pays de montagnes. Le sol
est rocailleux, la terre aride et desséchée, et si le contraste de la Judée et de la Galilée est
encore frappant aujourd'hui, il devait certainement l'être plus encore au
premier siècle. En Galilée la nature était tour à tour riante ou grandiose,
partout riche et luxuriante, la terre d'une admirable fertilité, l'eau abondante,
les champs bien cultivés, le pays tout entier très boisé. En Judée les
montagnes dominaient, abruptes, arides, incultes et l'impression générale
était celle de la sécheresse et de la désolation.
La capitale était Jérusalem, la plus grande cité de la Palestine, le siège
des autorités religieuses, le centre du culte et de la vie publique, la ville
qui attirait immédiatement les regards. Elle est située à douze heures de la
mer et à huit heures du Jourdain. Dans la Genèse elle est appelée Salem[1], et voici comment
la tradition juive expliquait le changement de son nom[2] : Abraham a appelé cet endroit Jireh et Sem l'a appelé
Salem. Et Dieu dit : Si je l'appelle Jireh, cela déplaira au juste Sem, et si
je l'appelle Salem, cela déplaira au juste Abraham. Je lui donnerai donc à la
fois les noms que chacun lui a donnés.
Nous commencerons par chercher une vue d'ensemble de la
ville au premier siècle et, pour cela, nous monterons sur la colline des
Oliviers, nous prendrons le chemin qui mène à Béthanie et nous regarderons
Jérusalem telle qu'elle nous apparaît è l'endroit précis où Jésus la vit le
jour des Rameaux et pleura sur elle. La première impression est celle d'une ville
forte presque imprenable. Une épaisse et haute muraille se dresse au-delà du
torrent de Cédron, elle est garnie de tours et s'éloigne à droite et à gauche
en remontant vers l'Est et l'Ouest pour entourer toute la ville. Quelques
unes des tours dépassent les autres en hauteur. Il y en a surtout trois
énormes que Ton aperçoit de l'autre côté de la ville dans l'éloignement. Dans
l'enceinte apparaît la masse des maisons groupées, serrées les unes contre
les autres ; elles n ont point de toits mais des terrasses et forment autant
de petits cubes de pierres blanches qui se détachent sur le ciel bleu. Elles
apparaissent à inégales hauteurs, suivant qu'elles sont ou non sur des
collines. Enfin deux édifices gigantesques dominent la cité : le Temple et le
palais d'Hérode. Le Temple apparaît comme une forteresse ou plutôt comme une
ville fortifiée dans la ville. On distingue à peine au-delà des formidables
murailles qui l'entourent plusieurs enceintes successives entourées de
portiques et à l'extrémité Nord, à droite du spectateur, le sanctuaire
lui-même, dont le toit très élevé est tout entier garni d'aiguilles dorées.
Enfin, derrière le sanctuaire, séparé du Temple mais, à cette distance,
paraissant faire corps avec lui, se dresse un cube monstrueux dont la
plate-forme supérieure domine toutes les cours intérieures de l'édifice sacré.
C'est la tour Antonia. Celui qui n'a pas vu
Jérusalem, disent les Talmudistes, n'a jamais
vu une belle ville[3].
Descendons maintenant le mont des Oliviers,
approchons-nous de la ville, et avant d'y entrer, examinons-en l'enceinte. Un
mur énorme percé de portes en fait tout le tour ; il environne la colline sur
laquelle le Temple est bâti, ferme Jérusalem au Midi, entoure aussi la colline
de Sion qui est au Sud-Ouest, remonte vers le Nord, et faisant un angle droit
au sommet duquel est bâtie la tour Hippicus, il semble entrer en ville et va
en ligne droite rejoindre le mur occidental du Temple. C'est une ancienne
enceinte, dont la dernière partie est maintenant inutile, caria cité, s'est étendue
au Nord dans un quartier appelé Acra ou la ville basse. Ce quartier est
lui-même environné d'un mur qui l'enferme et, avec lui, le palais du
procurateur et la tour Antonia ; enfin, au-delà, toujours au Nord, la ville
s'étend encore ; des maisons éparses et déjà nombreuses couvrent une colline
appelée Bézétha, et, dans quelques années, Hérode Agrippa Ier bâtira une
troisième muraille qui, continuant la première enceinte à partir de la tour Hippicus,
enfermera un grand espace de terrain, entre autres celui où se trouve le
Calvaire, et rejoindra la première enceinte non loin de la piscine de Bethesda
et tout près du Temple.
Pendant la vie du Christ, cette enceinte n'est pas faite
et remplacement du Calvaire est encore hors des portes. Nous empruntons à
Josèphe cette distinction très nette des trois murailles. La troisième
n'existait pas au temps de Jésus, la première seule servait et la seconde là
où la première était devenue inutile.
Les enceintes sont admirablement construites. Les murs sont
pleins de saillies et d'enfoncements[4]. Le premier est
garni de créneaux et fortifié par soixante tours qui sont séparées, les unes
des autres par un espace de deux cents coudées (90 mètres). Le
deuxième mur a quatorze de ces tours et plus tard le mur d'Agrippa en aura
quatre-vingt-dix. La ville, dit Josèphe, a trente-trois stades de
circonférence, ce qui fait sept kilomètres environ, mais il ne faut pas
oublier qu'il comprend dans cette mesure la muraille d'Agrippa, qui ne fut
élevée qu'au milieu du premier siècle.
Quel pouvait être le nombre des habitants de la ville
pendant la vie de Jésus ? Il est très difficile de le dire. Les recensements
de population sont presque impossibles en Orient, même aujourd'hui. Pour la
population actuelle du Caire, par exemple, on hésite entre un minimum de deux
cent mille et un maximum de six à sept cent mille. Les témoignages antiques
font, pour Jérusalem, presque entièrement défaut. Cicéron, dans une de ses
lettres, appelle Jérusalem c une bicoque[5]. Par contre, Hécathée
d'Abdère cité par Josèphe[6] évaluait le nombre
des habitants sous Alexandre le Grand à cent vingt mille. Nous sommes disposé
à croire ce chiffre très peu exagéré. Il nous donne un maximum ; quant au
minimum on peut le trouver ainsi : La ville actuelle a à peine quinze mille
habitants ; si l'on tient compte de ce chiffre et de la place qu'occupaient
les anciennes enceintes, on peut donner à la ville antique un minimum de
quatre fois quinze mille habitants, c'est-à-dire de soixante mille environ.
Jérusalem avait donc au moins soixante mille habitants et au plus cent vingt
mille. M. Renan parle de cinquante mille seulement ; ce chiffre est bien
faible. Cet auteur ne tient pas compte de l'extrême facilité des orientaux à
s'entasser sur un étroit espace. M. Chauvet[7] suppose quatre
vingt à cent mille âmes, ce qui nous semble beaucoup plus près de la vérité.
Au moment des grandes fêtes le chiffre de la population
augmentait dans une proportion énorme. M. Hausrath[8] va jusqu'à parler
de trois millions pour la fête de Pâques. Il est certain que la foule
affluait, à ce moment, de tous les points du territoire. On dressait des
tentes dans les rues, dans la campagne ; les environs immédiats étaient
encombrés. Ce détail nous explique pourquoi Jésus, dans les derniers temps de
sa vie, sortait de la ville tous les soirs et allait passer la nuit à
Béthanie ou dans une ferme du mont des Oliviers. Il ne trouvait pas à se
loger à Jérusalem. Nous comprenons aussi qu'autour de la croix, dressée aux
portes même, il y eut une véritable foule. Pendant le siège, la population de
l'intérieur de Jérusalem fut au moins d'un million.
Nous n'avons encore parlé que de l'enceinte ; avant
d'entrer dans la ville, examinons-en les portes. Chacune d'elles forme dans
l'épaisseur de la muraille une allée voûtée d'une certaine profondeur et
fermée par des battants à ses deux extrémités. C'est ainsi qu'étaient faites
aussi toutes les portes du Temple. Au-dessus de la voûte était une chambre
spacieuse où pouvaient se tenir ceux qui défendaient l'entrée. Nous ne savons
rien de positif sur le nombre dés portes et sur l'ordre dans lequel elles
étaient placées. Reland, dans son fameux ouvrage sur la Palestine[9] en nomme
plusieurs, mais se borne à une simple nomenclature : 1° la porte Ancienne au
N.-E. ; 2° la porte d'Éphraïm ou de Benjamin au Nord ; 3° la porte de l'Angle
au N.-O. ; 4° la porte de la
Vallée ; 5° la porte du Fumier ; 6° la porte de la Source au S.-E. Nous ne
reconnaissons qu'une seule de ces portes, celle du Fumier ou des Égouts ;
elle est indiquée par Néhémie[10] et était près de
l'emplacement actuel de la porte Maugrabine. Elle fut appelée aussi porte des
Esséniens. Mais il y en avait d'autres que Reland ne nomme pas ; par exemple,
la porte des Jardins (Djennath) à
l'Est, près de laquelle était le Calvaire[11]. Le deuxième mur
destiné à entourer l'Acra ou là ville basse commençait à cette porte. Elle
tirait son nom de plantations d'arbres fruitiers nombreuses de ce coté de
Jérusalem. Au premier siècle ces jardins tendaient à disparaître et étaient
remplacés par des maisons. Quelques années plus tard Agrippa fera entrer ces
maisons dans la ville en bâtissant le troisième mur. Ces jardins se
trouvaient placés sur des terrains très accidentés ; les grottes et les
rochers y étaient nombreux ; quelques-uns appartenaient à de riches
personnages. Joseph d'Arimathée, membre du Sanhédrin, et possédait un et y
avait fait creuser dans le roc un tombeau pour lui et les siens ; le Calvaire
était précisément là, dans l'angle formé par le premier et le second mur
d'enceinte, au carrefour des routes de la vieille et de la nouvelle ville et
à quelques pas de cette porte des Jardins qui fut certainement celle par
laquelle Jésus sortit accompagné de Simon de Cyrène portant la croix.
Nous savons aussi l'existence d'une certaine porte des
Poissons[12],
mais sans pouvoir en indiquer l'emplacement[13] ; à côté d'elle
se trouvait le marché aux poissons tenu par des Tyriens et alimenté par les
pêcheurs du lac de Tibériade[14].
A l'Est, derrière le Temple, une porte appelée aujourd'hui
porte Saint-Étienne était nommée autrefois porte des Brebis ; le réservoir de
Béthesda était tout auprès, et c'est par elle que passaient les brebis
destinées aux sacrifices. On aime à se représenter que la scène du chapitre X
de l'Evangile de saint Jean s'est passée près de cette porte. Jésus voyait entrer
et sortir les brebis et, suivant sa méthode constante, faisait simplement
allusion à ce qui se passait sous ses yeux en disant : Je suis, moi, la porte des brebis. Elle était la principale
sortie de la ville à l'Est, elle touchait le Temple. Jésus dut sans cesse entrer
dans la ville et en sortir par cette porte. C'est par elle qu'il passa le
jeudi soir 6 avril 30[15] quand il sortit
de Jérusalem pour aller au jardin des Oliviers où il fut arrêté. Plus loin
que l'emplacement de la porte des Brebis et du même côté on voit aujourd'hui
un reste du temple d'Hérode[16], une entrée
aujourd'hui murée appelée porte d'Or. Par elle on pénétrait dans les cours
intérieures du Temple, et comme elle s'ouvrait sur la vallée de Cédron et le
mont des Oliviers, c'est probablement par elle que Jésus passa le dimanche
des Rameaux. Nous ne pouvons parler avec précision d'aucune des autres portes
de Jérusalem dont Néhémie ou d'autres écrivains de l'Ancien Testament nous
donnent les noms. Au Midi, du reste, il n'y en avait pas ; le mont Sion était
par là inaccessible.
Entrons maintenant dans la ville. Nous avons nommé déjà
les quatre collines sur lesquelles elle était bâtie : Sion, Morijah, Bézétha
et Acra. Nous savons déjà que Bézétha couvert de maisons au temps du Christ
était cependant encore en dehors des enceintes.
Il reste Sion ou la ville haute, Morijah ou la colline du
Temple, et Acra ou la ville basse. Josèphe place Sion au S.-O. séparant
entièrement cette montagne de celle du Temple (Morijah),
à l'Est. Cette affirmation ne s'accorde pas avec les données bibliques qui
parlent toujours de Sion comme de la montagne sainte[17], celle sur
laquelle s'élevait le sanctuaire et les archéologues modernes s'accordent à
rectifier sur ce point les données de l'historien juif. Sion n'est pas la
colline S.-O., mais la colline orientale y compris l'éminence sur laquelle
était le Temple. Sion est la vieille ville, celle de David qui, au temps de
Jésus, occupait toute la partie Sud de Jérusalem. Le nom primitif d'une
colline s'était étendu à plusieurs quartiers, les plus élevés de la cité.
Puis Jérusalem avait grandi au Nord et grandissait encore au premier siècle.
Une vallée profonde séparait la ville haute de la colline du Temple d'une
part et de la ville basse de l'autre. Cette vallée appelée vallée des fromagers
ou de Tyropœon, a disparu presque entièrement aujourd'hui. Elle est comblée
par les décombres et les détritus amassés depuis dix-huit siècles. Le nom de
vallée des fromagers lui était donné au premier siècle et il datait sans
doute des origines de la ville.
La place principale de Jérusalem était au fond de cette
vallée, elle s'appelait Xystus et, au dire de Josèphe, aurait été le forum de
la ville, le lieu des assemblées populaires, le Pnyx de la cité. Sur cette
place était le βουλή,
palais du conseil. Enfin au-dessus passait un pont reliant la colline du
Temple à la ville haute. Si nous nous plaçons sur cette colline du Temple,
nous voyons à nos pieds Jérusalem toute entière. Elle nous apparaît comme
formée de deux villes distinctes, la
Haute et la
Basse. La ville haute est à notre gauche, la ville basse à
notre droite et, devant nous, séparant ces deux moitiés de la cité, le vieux
mur de la première enceinte avec le Tyropœon et la grande place du Xystus.
Le second mur (qui plus
tard sera dans l'intérieur) entoure au Mord toute la ville basse.
Si nous parcourons l'intérieur de Jérusalem, nous y
trouvons quelques places publiques outre celle que nous venons de nommer : la
place des Bouchers[18], la place des
Ouvriers en laine[19], le marché des
Engraisseurs, celui des Lainiers (habité par
des foulons païens) appelé aussi marché supérieur[20]. Il y avait
encore une place dont le nom nous est inconnu[21] et par laquelle
on passait pour aller du Temple au mont des Oliviers ; Jésus dut bien souvent
la traverser.
Ces places sont balayées tous les jours[22], détail qui contraste
avec la malpropreté des villes de l'Orient moderne. Il n'y a point de jardins,
car on craint l'odeur de l'engrais[23], sauf cependant
un jardin de roses qui date du temps des prophètes[24]. Les fourneaux
sont interdits à cause de la fumée[25]. Les rues sont étroites,
mais les plus importantes ont été dernièrement pavées par Hérode le Grand. Çà
et là apparaît une voie plus large que les autres et dans celle-ci des
boutiques, des bazars, mais c'est toujours près des portes qu'il y a le plus
de mouvement et que sont ménagés les plus larges espaces. Nous ne connaissons
les noms que de deux rues, celle des Boulangers[26] et celle du
Temple, qui longeait le mur occidental de la montagne sainte. La ville est
tout entière en montées et en descentes ; nous savons que là montée qui
donnait accès au Temple n'était pas très rapide. Les bœufs et les brebis la
gravissaient aisément. L'enfant était dispensé de se présenter au Sanctuaire
pour les trois grandes fêtes, jusqu'au jour où, d'après l'école de Hillel, il pouvait monter seul la montagne du Temple en donnant la
main à son père[27].
Le mouvement des rues dans nos grandes villes modernes ne
saurait nous donner aucune idée de la vie journalière dans les grandes cités
du monde antique. A Paris, à Londres, ce qui frappe avant tout, c'est le
grand nombre des voitures. Or, à Rome, les chars ne circulaient que la nuit.
Le jour, les trottoirs étaient envahis par les étalages des marchands qui
n'avaient point de boutiques fermées comme de nos jours, et sur la chaussée
circulaient les piétons et les litières. Quant aux chevaux, aux chars, aux
voitures, ils ne passaient qu'après la chute du jour et lorsque les boutiques
étaient fermées. II en était de même à Jérusalem. On ne voyait aucune voiture
dans les rues ; quant aux litières, elles étaient rares et d'ordinaire
remplacées par des chameaux ou des ânes. Du reste, la plupart des rues
étaient si étroites, que jamais voiture au monde n'aurait pu y pénétrer.
C'est à peine si deux ânes chargés pouvaient y marcher de front.
Le lecteur aura remarqué que les noms de rues et de places
qui nous ont été conservés, indiquent toujours quelque métier : les bouchers,
les chaudronniers, les boulangers ; ces noms nous portent à croire que les
divers métiers étaient groupés par quartier dans l'intérieur de Jérusalem,
occupant qui une rue, qui une place, qui un carrefour. Cette opinion se confirme
quand nous savons le nombre incroyable de synagogues que possédait Jérusalem.
Il y en avait 480[28] On comprend ce
chiffre exorbitant, lorsqu'on sait qu'aujourd'hui, dans les villes
musulmanes, le nombre des mosquées n'est pas moins considérable. Chaque famille
a pour ainsi dire la sienne. Les synagogues de Jérusalem étaient certainement
la propriété exclusive des grandes familles et surtout des corporations. Il y
en avait une, par exemple, appelée synagogue des chaudronniers. De plus, les
étrangers de passage dans la ville, avaient à leur usage la synagogue
spéciale delà contrée d'où ils venaient ; il y avait les synagogues des
Cyrénéens, des Ciliciens, des Asiatiques, des Alexandrins[29]. Dans celle-ci
on employait la langue grecque, et on lisait la traduction des Septante[30]. Toutes ces
synagogues étaient très fréquentées et chaque matin, au lever du jour, les
rues se remplissaient de femmes, de scribes, de Pharisiens, leurs Tefillin attachés sur le bras, se rendant à
leur synagogue préférée.
Parlons maintenant des monuments que nous avons aperçus du
haut du Mont des Oliviers : les tours d'enceinte, le palais d'Hérode et la
tour Antonia.
Nous décrirons le Temple dans des chapitres spéciaux de notre
second livre auxquels nous renvoyons le lecteur. Les tours d'enceinte étaient
nombreuses, nous en distinguons trois, les tours Hippicus, Phasaël et de
Mariamne. Elles sont toutes neuves ayant été construites ou plutôt surélevées
par Hérode le Grand. La tour Hippicus (nom
d'un ami d'Hérode) était quadrangulaire[31]. Elle avait
vingt-cinq coudées (11m. 25c), de côté,
trente coudées (13m. 50) de hauteur, à
partir de l'endroit où elle cessait d'être intérieurement massive, (nullement creuse, ούδαμοϋ
διάκενος) ; à
l'intérieur on avait creusé une citerne de vingt coudées (9 m)
de profondeur. Elle avait deux étages, plusieurs chambres et au sommet était
garnie de créneaux de trois coudées. Le parapet avait deux coudées. Sa
hauteur totale était de quatre-vingts coudées (36 m.).
La tour Phasaël (nom d'un
frère d'Hérode) avait quarante coudées (18 m.) de côté.
C'était un cube régulier, à partir de l'endroit où elle cessait d'être intérieurement
massive. Elle était assez luxueusement arrangée, avait un portique intérieur
et une salle de bains. Sa hauteur totale à partir du sol était de
quatre-vingt-dix coudées (40 m. 50c.). On dit
qu'elle ressemblait assez au phare d'Alexandrie.
La tour de Mariamne (nom d'une
des femmes d'Hérode) était massive jusqu'à la hauteur de vingt coudées
(9m.). Elle formait aussi un carré de
vingt coudées (9m.) et avait au total
55 coudées (24m. 75c.). L'intérieur
était encore plus luxueux que celui de la tour Phasaël. Ces trois tours déjà
fort hautes, surtout les deux premières, paraissaient plus élevées encore
parce qu'elles étaient bâties sur dès collines. Titus laissa ces tours debout.
Elles étaient au Nord du palais royal et la tour Phasaël subsiste encore en
partie sous le nom de tour de David. La tour Hippicus était exactement où est
aujourd'hui le château de Jérusalem, qui a été bâti par les Sarrazins sur ses
fondements, à l'angle N.-O. du premier mur d'enceinte.
Le palais d'Hérode le Grand était un admirable monument.
Il s'élevait derrière les trois tours que nous venons de décrire et occupait
le N.-E. et l'Est de la ville haute. Il fut encore embelli par Agrippa II, et
Josèphe nous en a laissé une description enthousiaste. Il était magnifique,
dit-il, au-delà de toute description (παντός
λόγου
κρείσσον)[32]. Il dépasse le temple en magnificence, disait- on
encore. Ce palais bâti en marbre blanc était entouré d'un mur de trente
coudées (13 m. 80 c), à l'intérieur on voyait
des salles de festin garnies de cent lits pour les convives ; pierres rares
et variées, toits et plafonds admirables, chambres en grand nombre,
ameublements précieux, rien n'y manquait. Les jardins, les bassins, les
aqueducs étaient plus surprenants encore.
De toutes ces splendeurs, il n'est pas resté le moindre
vestige. Etait-ce au palais de son père que demeurait Antipas lorsque par
hasard il venait à Jérusalem ? Jésus entra-t-il dans cette magnifique demeure
lorsque, le matin de sa mort, Pilate renvoya au tétrarque ? Nous n'en savons
rien.
Hérode le Grand avait encore construit dans la ville haute
deux autres palais : Cesareion et Agrippeion. Il avait, on le sait, le goût
des constructions. Josèphe dit qu'il avait fait élever un théâtre à Jérusalem
et un amphithéâtre ou hippodrome près de Jéricho[33]. Il avait aussi
fait faire à soixante stades des murs, à l'Est de Jérusalem, du côté de l'Arabie
et à l'endroit même où il avait repoussé les partisans d'Antigone quand il
avait dû s'enfuir de Jérusalem, un monument appelé Hérodion. C'était un
énorme tumulus surmonté de tours rondes avec un palais à l'intérieur, et des
aqueducs y amenant l'eau en abondance. L'emplacement de ce tumulus est connu.
La colline près de Beit-Lehm appelée mont des
Français ou mont du petit paradis
n'est autre que l'Hérodion. M. de Vogüé en a étudié les ruines.
La tour Antonia était une gigantesque forteresse située à soixante
mètres de l'angle N.-O. du Temple[34]. Elle avait été
élevée sur un rocher de cinquante coudées (22m,50)
à pic de tous côtés et garni du haut en bas de pierres polies qui en rendaient
l'ascension impossible. Ce rocher ou cube de pierres avait un demi stade (95m de côté). Le sommet formait une
plate-forme carrée de 40 coudées de côté (18m)
et par conséquent de 304 mètres carrés. Cette plateforme était
entourée d'un parapet de trois coudées (1m,35).
Aux quatre angles s'élevaient des tours et sur la partie centrale de la
plateforme était construit un palais entouré d'un mur et composé de plusieurs
pièces avec portiques et salles de bain, sans parler du logement nécessaire
aux troupes. Trois des tours avaient cinquante coudées (22m,50) la quatrième, celle qui était à
l'angle S.-E. et par conséquent la plus rapprochée du Temple avait
soixante-dix coudées (31m,50) ; les
Romains Tenaient à ce qu'elle conservât cette hauteur pour pouvoir surveiller
les prêtres dans les cours intérieures du Temple. Ils consentaient à n'y
point pénétrer par respect pour la religion juive, mais ils voulaient voir
tout ce qui s'y passait. De plus, deux escaliers conduisaient de la tour aux
portiques du parvis des Gentils et les jours de fête les soldats de la
garnison romaine venaient monter la garde dans cette cour[35]. Le rocher sur
lequel Antonia était bâtie a été mesuré de nos jours, il a bien de 22m à 25m
de hauteur ; le sommet de la tour S.-E. se trouvait ainsi être à 63m au
dessus du pavé des cours du Temple ; c'est à peu de chose près, la hauteur
des tours de Notre-Dame de Paris.
Cette forteresse avait été bâtie par les princes Macchabéens.
Elle fut appelée Bâris[36]. Ce mol prononcé
par les Juifs Birah et qu'ils empruntèrent probablement aux Perses, car il ne
se rencontre que chez les écrivains postérieurs à l'exil, signifie tout
simplement château fort, citadelle ; Hérode le Grand, pour flatter Antoine
son maître, changea ce nom en celui d'Antonia.
C'est dans cette forteresse que fut conduit saint Paul
lors de son arrestation[37] ; mais ce n'est
pas là que se trouvait le prétoire où Jésus fut jugé. Il était tout à côté,
dans l'ancien palais d'Hérode, et touchait la tour Antonia. Le sérail du
pacha de Jérusalem se trouve aujourd'hui sur l'emplacement du prétoire.
Les citernes et les réservoirs paraissent avoir été assez
nombreux à Jérusalem. Il y avait un réservoir devant la tour Antonia et un
autre au nord de la ville[38]. Quant à celui
de Béthesda il était le même que celui de Siloé. Tout le quartier où il se
trouvait s'appelait quartier de Siloé. On ne sait donc pas si la tour dont
parle l'Evangile[39] était à la
piscine même et contiguë à ses portiques ou seulement dans le quartier et à
une certaine distance.
Nous n'avons plus qu'à mentionner les excavations et les
souterrains nombreux creusés sous la ville et sous le Temple. Toutes les
cités bâties sur des carrières, dont on a extrait la pierre destinée aux
constructions, ont ces sortes de catacombes. Les souterrains de Jérusalem
sont en partie bouchés aujourd'hui. Ceux que l'on peut visiter sont assez
étendus et le voyageur voit au fond des blocs énormes, des pierres
gigantesques, toutes taillées et semblables à celles qui forment la muraille
du Temple et ses fondations à l'angle S.-E. de la ville. Ce sont des pierres
taillées du temps de Salomon, dont on n'eut pas besoin pour le sanctuaire, et
qui sont restées en place depuis trois mille ans[40].
Et maintenant si l'on veut se faire aujourd'hui, dans
notre dix-neuvième siècle, quelque idée de la Jérusalem du
premier, ce n'est pas en Palestine, dans la ville de ce nom, qu'il faut la
chercher, c'est plutôt dans les villes musulmanes et arabes de l'Algérie, de
l'Egypte, de l'Asie Mineure. Le voyageur qui visite une de ces grandes cités
orientales, y retrouve les rues étroites encombrées d'ânes et de chameaux,
les maisons blanches en forme de cube, les bazars tumultueux et bruyants que
Jérusalem offrait autrefois aux regards. S'il est dans une ville sainte, il y
rencontre le mépris et la haine que le païen rencontrait certainement à
Jérusalem, il y trouve aussi une dévotion et des rites semblables à ceux des
Juifs, il y croise des scribes portant leur encrier à leur ceinture et y
entend des prédicateurs à la parole ardente comme il s'en trouvait dans la
cité sainte d'autrefois.
ENVIRONS DE JÉRUSALEM.
L'est de la ville était le seul côté qui fut un peu joli.
C'est le seul aussi dont nous parlerons, puisqu'il ne s agit pour nous que de
chercher les traces du passage de Jésus et de jeter quelque lumière sur les
pages principales de l'Evangile[41]. À l'est, en effet,
se dressait la colline appelée Mont des Oliviers.
Les Talmuds l'appellent quelquefois Mont Mischha[42].
Josèphe le place à cinq stades (950 m.)
du mur d'enceinte[43]. En deux minutes
on descendait au fond de la vallée du Cédron, puis, le ruisseau passé, on
montait la colline, car la vallée n'occupait que la largeur même du ruisseau.
Avant d'arriver au torrent on traversait, Bethphagé, ainsi nommée à cause de
ses figuiers. Bethphagé n'était pas un village mais un faubourg de Jérusalem[44], car tout
l'espace contigu au mur oriental de la ville portait ce nom. Toute la colline
de Oliviers, le nom l'indique, était très boisée et on remarquait sur le
versant qui regardait le Temple les tombeaux des prophètes et autres grands
personnages de l'Ancien Testament. Jésus les voyait et sans doute les
désignait du doigt lorsque sous le portique de Salomon il disait aux
Pharisiens : Vous ressemblez à ces sépulcres
blanchis[45].
Quelques-uns de ces monuments funéraires ont traversé les siècles et se voient
encore, entre autres celui d'Absalon, que plusieurs voyageurs croient
authentique.
On pouvait passer le Cédron sur un pont qui reliait le
Temple au Mont des Oliviers. Le sanctuaire se trouvait ainsi réuni à cette
colline, et ce voisinage immédiat donnait à celle-ci un caractère sacré. On
la considérait parfois comme faisant partie de l'aire
du Temple. Aussi les prêtres y avaient-ils établi quatre boutiques
qu'ils tenaient eux-mêmes et dont le revenu appartenait à la puissante
famille du saducéen Hanan. Ce petit bazar était installé sous deux cèdres
magnifiques[46],
qui donnaient asile à des nuées de colombes. Celles-ci étaient à vendre, et
chaque mois on retirait quarante saa
de la vente des colombes pour les cérémonies de purification imposées aux
femmes[47]. Il est
vraisemblable que Marie alla acheter sous ces cèdres les colombes qu'elle
offrit pour sa purification[48] ; car, dit un
des Talmuds, ces oiseaux suffisaient pour les
sacrifices de pigeons de tout Israël. C'est aussi là, dans la maison
d'habitation de Hanan, attenante au bazar, que Jésus fut conduit immédiatement
après son arrestation[49]. L'Évangile de
Jean parle d'un jardin d'oliviers[50] dans lequel Jésus
entra. Il est évident pour nous qu'il s'agit
ici d'un enclos planté d'oliviers et où se trouvait un pressoir (Gethsémané signifie pressoir à huile), et
par conséquent d'une propriété de rapport appartenant à un ami de Jésus qui,
sans doute, demeurait à Jérusalem, car les jardins, nous l'avons dit, étaient
interdits dans l'intérieur de la ville. Tous les jardins étaient donc en
dehors des murailles surtout au pied du Mont des
Oliviers[51].
Jésus, en quittant Jérusalem le jeudi soir 6 avril 30, se
rendit donc dans l'enclos du pressoir à huile.
Il s'y était souvent réuni avec ses disciples ; Judas le savait. Il y conduit
la troupe, on arrête Jésus et on l'emmène aussitôt à la maison de Hanan dont
nous venons de parler, contiguë au bazar et à côté des deux cèdres ; c'était
une propriété de l'ancien grand prêtre.
Il fallait vingt minutes à peine pour aller de la porte de
la ville jusqu'au sommet de la colline des oliviers, puis on descendait et,
après vingt minutes encore de marche, on arrivait à Béthanie (maison des dattes, aujourd'hui El-Azirié)[52]. Ce chemin, que
Jésus parcourut le jour des Rameaux, existe encore avec ce détour de la route
où la ville sainte, cachée jusque là, apparaît tout à coup[53]. Béthanie, au
milieu des fermes et des villages, tout entouré de palmiers et comme dans les
bois, était sur le versant qui regarde le Jourdain et la mer Morte. C'est là
que Jésus trouvait un peu de calme après les discussions du parvis des
Gentils. Le contraste entre la capitale et le village était bien tranché ;
Jérusalem, c'était la ville, la foule, la fatigue physique el morale, les
disputes et la haine des Pharisiens, des Saducéens, de tous ceux qui voulaient
la mort de Jésus. Béthanie, c'était la campagne, la solitude, le repos du
corps et de l'âme, l'hospitalité de Marie, de Marthe, de Lazare, de ceux que
Jésus aimait.
Béthanie était le premier village que l'on rencontrait sur
la route de Jérusalem à Jéricho, et, à partir de cet endroit, le chemin
n'offrait plus aucune sécurité ; aussi Jésus y a-t-il prononcé la parabole du
bon Samaritain[54].
Cette histoire, placée là, était admirable de vérité et d'à-propos. Les
prêtres et les lévites étaient souvent appelés à parcourir ce chemin ; nous savons
en effet parles Talmuds[55] que des
vingt-quatre classes de prêtres et de lévites, plusieurs résidaient à Jéricho
et il y avait une lutte constante de prééminence entre les prêtres de cette
ville et ceux de Jérusalem. Quant au fait lui-même d'une attaque de brigands
dans les massifs de montagnes qui séparent Béthanie du Jourdain, il se
présentait sans cesse. En plein gouvernement romain, la police des grandes
routes était fort mal faite, les Romains se reposaient sans doute sur les Juifs
du soin de garder leurs chemins, et les Juifs, de leur côté, se reposaient
sur les Romains. Les chemins n'étaient alors surveillés par personne, et
Saint Jérôme[56]
raconte que de son temps, la route était infestée de hordes de brigands.
Avant de quitter les environs immédiats de Jérusalem,
rappelons que Salomon avait fait construire trois grands réservoirs taillés
dans le roc et placés l'un au-dessus de l'autre : on les appelait les étangs de Salomon et ils servaient à alimenter
d'eau les jardins du roi qui étaient tout près. Ces jardins avaient disparu
depuis longtemps et les réservoirs ne servaient plus à rien. Lorsque les
Romains réduisirent la
Judée en province, ils voulurent les utiliser, et
Ponce-Pilate fit construire un aqueduc amenant leurs eaux à Jérusalem. Il
prit l'argent nécessaire à cette construction dans le trésor du Temple.
C'était l'argent sacré, le Corban, aussi les Juifs ne le lui pardonnèrent-ils
jamais[57]. Ce vol du Corban
fut un des griefs sans nombre soulevés par l'administration de Pilate. Les étangs de Salomon subsistent encore, ainsi que
l'aqueduc de Pilate. On les appelle étangs d'Ourtas et ils fournissent d'eau
le Haram de Jérusalem.
A Jéricho, nous sommes au bord du Jourdain. Cette ville au
N.-E. de Jérusalem, n'en était séparée que par une distance de vingt
kilomètres à peine, dix Parsa d'après
les Talmuds[58].
Elle n'en était guère plus éloignée que Versailles de Paris. Elle était et
elle est restée aujourd'hui un des plus ravissants endroits de la Syrie. Josèphe
dit de cette ville comme de la Galilée : c'est un
pays divin[59]. Nulle part les
palmiers n'y étaient aussi beaux et aussi nombreux. Ils formaient une
véritable forêt entourant la ville de tous côtés, sans parler des jardins et
des cultures dont la richesse et l'abondance ont fait l'admiration de
l'antiquité[60]
La plaine de Jéricho est couverte de blés[61]. Comme elle
formait une tête de route, elle avait une douane importante. Aussi l'épisode
de Zachée[62],
s'y trouve-t-il très naturellement placé.
Le Jourdain y passe, encaissé entre des rochers nus. Toute
sa vallée ainsi que la plaine de Jéricho ont le climat des tropiques, et la
ville, placée très au-dessous du niveau de la Méditerranée,
jouit d'un printemps perpétuel. Le froid des hauteurs qui l'environnent y est
inconnu.
Si, en partant de Jéricho, nous descendons le Jourdain,
nous arrivons à l'oasis d'En-Gaddi qui est à treize lieues de Jérusalem, non
loin de la mer Morte, dans laquelle se jette le fleuve. C'est là que
demeuraient, au premier siècle, les solitaires esséniens, entièrement séparés
du monde, véritables moines dans leurs couvents.
La mer Morte, sur la rive occidentale de laquelle ils
avaient bâti leur monastère, est immense, elle a dix-neuf lieues de long sur
cinq de large, les Talmuds l'appellent mer salée
ou mer de Sodome. Son eau a un goût
détestable et sa pesanteur spécifique est telle que l'on peut fort bien s'y soutenir
sans savoir nager[63]. Jamais un homme ne s'est noyé dans la mer salée[64]. Les poissons ne
peuvent y vivre et on n'y trouve aucune plante aquatique. Le rivage cependant
est parsemé de coquillages. Les Arabes de nos jours rappellent le lac de Loth
(Bakret Louth).
Remontons maintenant du côté de Jérusalem. A deux lieues
de celte ville et à trois cents pieds au-dessus d'elle nous rencontrons le
village de Bethléem. Jésus y est né d'après les Evangélistes Matthieu et Luc,
et ce petit bourg a certainement conservé, comme celui de Nazareth, la
physionomie qu'il avait au premier siècle. Bethléem forme, comme Jérusalem,
une sorte de presqu'île tenant d'un côté aux montagnes qui l'entourent et
inaccessible de tous les autres cotés. La porte regarde Jérusalem, c'est
encore celle par laquelle entrèrent Joseph et Marie la veille de la naissance
de Jésus. Le puits, certainement antique, est à côté, et c'est là que se
passait toute la vie publique. Autour du puits et devant la porte était le
forum, le foyer de la vie sociale. Chaque soir et chaque matin les habitants
s'y rencontrent, les troupeaux y vont boire, conduits par les bergers[65], et les jeunes
filles, la cruche sur l'épaule, viennent puiser l'eau dont on a besoin à la
maison. Les voyageurs s'y arrêtent aussi, ils y dressent leurs tentes et y
préparent leurs repas, Justin Martyr, écrivant dans la première moitié du
second siècle, nous parle de la grotte de la
nativité. L'Evangile, il est vrai, ne dit pas que Jésus soit né dans
une grotte, mais les excavations de Bethléem servaient d'étables autrefois
comme aujourd'hui et, sans croire nécessairement à l'authenticité de celle
que l'on montre maintenant aux voyageurs en lui donnant le nom de grotte de la nativité, il est fort possible que l'étable
dans laquelle est né le Christ fût effectivement une grotte.
La dernière ville de Judée, mentionnée dans le Nouveau
Testament[66],
est Joppé (aujourd’hui Jaffa, Jafo chez les
anciens hébreux). Les Israélites n'avaient point d'autre port ou
plutôt d'autre ville maritime, car de port il n'y en avait point, il ne peut
pas y en avoir. Le rivage est pour ainsi dire inaccessible. Les bâtiments
restent au large, on ne peut aborder qu'en canot. Jaffa rendit de grands
services lors de la construction du Temple de Salomon. Les cèdres abattus sur
le Liban y arrivaient sur des radeaux et de là étaient transportés à
Jérusalem[67].
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