La Palestine.
— Ses frontières, son étendue. — La Galilée. — Le chiffre de sa population. —
Nazareth. — Naïm. — Tibériade. — Capharnaüm. — Le Lac. — La Pérée. — Machéronte. — La Décapole. — Césarée de
Philippe. — Bethsaïde Julias. — La Samarie. — Sichem. — Le puits de Jacob.
LA
PALESTINE.
Le plus ancien nom de la Palestine (en hébreu Pelescheth)[1] est Canaan.
Les premiers habitants prétendaient, en effet, descendre
de Canaan, fils de Cham. Dépossédés par la conquête des Hébreux, ils disparurent
et les vainqueurs firent appeler leur nouveau pays, terre des Hébreux, ou terre
d'Israël. Après l'exil, elle reçut le nom de terre de Judée, de même que les
habitants voyaient changer leur nom d'Israélites en celui de Juifs. Les
débris de la tribu de Juda avaient, en effet, presque exclusivement servi à
former la nationalité nouvelle. Aussi les Romains disaient-ils toujours la Judée, la province de
Judée, entendant par là désigner toute la Palestine, tandis
qu'en réalité ils n'en désignaient qu'une partie, la province du Sud.
Zacharie, le prophète, nomme une fois la Palestine : Terre sainte, et l'auteur de l'épître
aux Hébreux l'appelle la Terre
promise[2]. Dans les Talmuds
elle est appelée Terre d'Israël ou Terre par excellence[3].
Les limites de la Palestine ont souvent varié dans le cours de l'histoire.
L'antique pays de Canaan n'occupait qu'un espace assez restreint. Le Jourdain
le bornait à l'Est, la mer à l'Ouest ; sa frontière du Sud partait de Sodome et
Gomorrhe et aboutissait à Gaza, sa frontière Nord partait de l'Hermon et
aboutissait à Sidon. David et Salomon gouvernèrent un royaume beaucoup plus
étendu, dont nous n'avons pas à parler ici.
Il est impossible à l'aide des Talmuds de fixer les
frontières de la Palestine
au temps de Jésus-Christ. Les indications que nous trouvons éparses çà et là
dans ces vastes recueils sont vagues, confuses et souvent contradictoires.
Voici quelles étaient approximativement ces limites : la province d'Idumée la
bornait au Midi et la frontière se trouvait être une ligne imaginaire,
partant du Sud de la Mer
Morte et allant jusqu'à la mer : celle-ci servait de
frontière à l'Ouest, sauf une bande de terrain vers le Nord, qui formait la Phénicie avec Tyr et
Sidon et qui ne dépendait point de Jérusalem. Au Nord, la frontière était
marquée par le mont Liban et par la province d'Abilène (la
Syrie) ; à l'Est enfin, la province de Pérée, qui
était au-delà du Jourdain, se perdait peu à peu dans le désert. Nous ne
pouvons préciser davantage ; ces sortes de frontières qui sont toutes
religieuses restent naturellement vagues et indéfinies, Jérusalem, centre religieux
de la Palestine,
était presque exclusivement habitée par des sectateurs du Judaïsme. Si l'on
s'éloignait de la ville, la population se mélangeait de païens et la
proportion de ceux-ci était d'autant plus forte qu'on était plus distant de
la ville sainte. Là, où on ne rencontrait plus de Juifs ; là où la population
était entièrement païenne, on n'était plus en Palestine.
Quant aux frontières politiques du pays, elles étaient
naturellement plus nettes et se trouvaient aussi plus étendues que les frontières
religieuses. L'Idumée, par exemple, au Sud, ou l'Abilène au Nord, pouvaient
faire partie de tétrarchies, être au pouvoir de tel ou tel des Hérodes, et
par suite appartenir à la
Palestine, sans cependant avoir un seul Juif dans leur
population.
Les Talmuds donnent à la Palestine une étendue très
exagérée. Elle aurait eu 2.250.000 milles romains carrés, chiffre imaginaire
créé par les rabbins dans un but apologétique[4].
Saint Jérôme[5] comptait 160
milles romains du Nord au Sud de la Palestine. Le raille romain valait 1,481 m. 75 c., 160
milles donnent 237 kil. ou environ 59 lieues, c'est à peu près la distance de
Paris au Havre. La largeur du pays était beaucoup moindre, et si nous ne
comptons pas la Pérée,
nous ne trouvons du Jourdain à la mer qu'une vingtaine de lieues environ. Du
reste Saint Jérôme ne nous donne ici aucun chiffre. Après avoir indiqué la
longueur du pays du Sud au Nord, il refuse en ces termes d'en donner la
largeur : Pudet dicere latitudinem terrœ
repromissionis ne ethnieis occasianem blasphemandi dedisse videamur.
Résumons-nous d'un mot : La
Palestine avait en surface à peu près l'étendue de la Suisse.
Pendant la vie publique de Jésus-Christ, nous remarquons
trois grandes divisions politiques : 1° La Judée et la Samarie avec quelques villes frontières sont
administrées par un procurateur romain ; 2° La Galilée et la Pérée appartiennent au
tétrarque Hérode Antipas ; 3° La
Batanée, la
Trachonite, la
Gaulonite, l'Iturée, l'Auranitide, dépendent de son frère
le tétrarque Philippe. De ces dernières petites principautés, tout à fait
insignifiantes, nous ne dirons rien ici. Elles étaient situées au Nord-Est du
lac de Tibériade, dans une contrée où Jésus-Christ ne pénétra jamais. Par
contre, nous donnerons quelques détails sur les autres provinces dont il est
fréquemment parlé dans le Nouveau Testament. Leur position géographique est
aisée à comprendre. Les trois provinces de la Judée, de la Samarie et de la Galilée étaient Tune au
dessus de l'autre, entre le Jourdain et la mer, la Judée au Sud, la Samarie au centre, la Galilée au Nord. Quant à
la Pérée,
elle comprenait tout le pays compris au-delà du Jourdain, au Sud de la
tétrarchie de Philippe.
LA
GALILÉE.
Ce nom lui venait des mots Gelil haggoyim (cercle des Gentils), par lesquels on la
désignait souvent parce que sa population était très mêlée et que les païens
y étaient nombreux. Cette petite contrée était certainement, au premier
siècle, le plus ravissant coin de la terre. La description que nous en a
laissé l'historien Josèphe, donne l'idée d'une véritable merveille. Tout y
était réuni, la douceur du climat, la beauté de la nature, la richesse
inépuisable du sol. Ici de gras pâturages couverts d'arbres magnifiques, là
des collines Irisées descendant jusqu'au lac[6]. Celui-ci,
incessamment animé par les barques des pêcheurs, offrait sur ses bords la
végétation la plus abondante et y réunissait, au moins sur la rive
occidentale, ce qui ne se voit nulle part ailleurs, des arbres de toutes les
essences, le noyer, par exemple, à côté du palmier ; sans parler des arbres
fruitiers proprement dits : l'olivier, le figuier, la vigne, tous d'une
fertilité surprenante[7].
Le pays de Nephthalie est partout
couvert de champs féconds et de vignes ; les fruits de cette contrée sont
reconnus pour être extrêmement doux[8].
Quant à la population, voici comment s'exprime Josèphe[9] : Aucune partie du pays n'est déserte, au contraire, tout
est parsemé de villes et la population des villages est, à cause de
l'abondance et de la facilité des approvisionnements, si nombreuse que le
moindre village (κώμη) a plus de quinze mille habitants. Josèphe exagère
volontiers et en général, les chiffres qu'il donne ne doivent être accueillis
qu'avec une grande défiance. Il nous est impossible d'accepter celui qu'il
vient de nous indiquer. Même en entendant par κώμη
non pas le village, mais le district entier, la commune, nous ne pouvons
admettre que la population du moindre district se soit élevée à quinze mille
habitants. A ce compte, la
Galilée entière aurait eu en tout trois millions
d'habitants, et comme elle n'avait que vingt lieues environ du Nord au Sud,
et neuf à onze de l'Est à l'Ouest, c'est-à-dire quatre-vingt-dix à cent
milles carrés, il y aurait eu trente mille habitants par mille carré, ce qui
est tout à fait inadmissible. Contentons-nous donc d'admettre que le pays était
très peuplé, sans nous laisser aller à articuler un chiffre.
Josèphe compte en Galilée[10] 204 villages et
15 villes fortifiées. Ces chiffres sont peut-être exacts. Les villes
fortifiées pouvaient être fort petites. Quant aux villages ce n'étaient
certainement que des bourgades plus ou moins grosses, parfois des hameaux.
On distinguait la haute et la basse Galilée[11] : celle-là était
au Nord et couverte de montagnes ; celle-ci au Sud et était un pays de
plaines. Bornons-nous, sans poursuivre davantage une description topographique
et détaillée du pays, à passer rapidement en revue les localités nommées dans
le Nouveau Testament et, en particulier, celles habitées par Jésus.
Nommons avant tout le village où il fut élevé, Nazareth (aujourd'hui Nasrah)[12] ; c'est presque
le seul endroit de tout le pays qui ait conservé sa physionomie primitive :
sauf deux ou trois constructions modernes qui le déparent, il est tel qu'il
était lorsque Jésus Ta habité. Ailleurs, à Jérusalem, par exemple, tout est changé
; on ne peut s'y recueillir ; on rencontre à chaque pas les inventions
ridicules d'une superstition maladroite et stupide ; à Nazareth, c'est tout
le contraire. On y voit la fontaine où Marie venait, deux fois au moins par
jour, la cruche sur l'épaule, puiser l'eau nécessaire à la maison ; on y
monte sur la colline qui domine le village et le pays tout entier et du haut
de laquelle les habitants voulurent un jour précipiter Jésus, On y visite des
rues, qui n'ont pas dû changer d'aspect depuis que Jésus y jouait enfant et
ou, jeune homme, il travaillait de son état de charpentier. Il n'est pas un
sentier des environs qu'il n'ait plusieurs fois parcouru, pas un sommet qu'il
n'ait gravi et sur lequel il n'ait prié ! Malgré les dires de Josèphe,
Nazareth n'avait certainement pas plus de trois ou quatre mille âmes au Ier
siècle. Ce village n'est pas même nommé par lui. Les Talmuds le passent aussi
sous silence et nous savons que les bourgeois de Jérusalem, qui estimaient
peu les Galiléens, disaient en particulier de Nazareth : Peut il en sortir rien de bon ?[13] Il n'y avait
certainement pas de garnison romaine à Nazareth. Perdu dans les montagnes, à
2S lieues de Jérusalem, à huit ou neuf heures de marche de Capharnaüm, loin
des grandes routes, ce charmant village restait presque ignoré.
Rappelons en passant Naïm, mentionnée une fois dans
l'Évangile[14]
et qui était dans la plaine d'Esdrelon et Kana[15] (aujourd'hui Kefer Kana), au nord de
Nazareth, et donnons quelques détails sur Tibériade. — Tibériade (aujourd'hui Tabariyya) était bâtie à la mode
romaine. Résidence d'Antipas elle avait été entièrement reconstruite par lui,
peuplée d'étrangers et consacrée à Tibère ; de là son nom[16]. Aussi les
habitants étaient-ils tous païens. Les Juifs, surtout les Rabbis et les hommes
pieux, évitaient d'y venir même en passant[17], et il est
probable que Jésus n'y est jamais allé. Les splendeurs païennes dont Antipas
affectait de s'entourer froissaient le sentiment national et religieux. Cette
ville, située à quatre lieues de Capharnaüm et capitale de la Galilée est nommée trois
fois dans l'Evangile de Jean[18]. C'est à
Tibériade que furent écrites plus tard la Mischna et le Talmud de Jérusalem et plus tard
encore la Masora
ou l'appareil critique du texte biblique[19].
Tibériade est au bord du lac qui porte son nom et près de
l'endroit où le Jourdain en sort pour se diriger vers la Mer Morte ; on pouvait
passer ce fleuve sur un pont construit à cet endroit même. Il n'y en avait
qu'un seul autre, le pont de Jacob entre le lac Samochonite et le lac de
Tibériade. Ce pont de Jacob faisait partie de la route de Jérusalem a Damas.
Partout ailleurs on traversait en bateau. Si maintenant nous remontons la
rive occidentale du lac en nous dirigeant vers le Nord nous traversons
d'abord une ligne de rochers escarpés qui aboutit à une large plaine presque
au niveau de l'eau, c'est le pays de Génézareth ; à l'entrée se trouve
aujourd'hui un misérable village (Medjdil)
et on se demande s'il ne serait pas construit sur l'emplacement de Magdala,
le bourg de Marie Magdeleine. La plaine traversée, nous arrivons, toujours en
suivant la rive, à un joli chemin étroit taillé dans le roc, chemin qui a
toujours existé et que certainement Jésus a souvent suivi. C'est un des rares
endroits de la Palestine
dont on peut dire avec assurance, rien n'y a été changé depuis le premier
siècle, Jésus a vu ces rochers, il a marché sur ces pierres, il a suivi cette
route.
Si nous continuons à remonter le lac et à suivre ses bords
nous parvenons à son extrémité septentrionale. C'est là, non loin des rives
du Jourdain, que se trouve Capharnaüm (aujourd'hui
Tell Hum) et nous voici au foyer même de la prédication galiléenne de
Jésus. C'est à Capharnaüm qu'il a demeuré, c'est de là qu'il partait pour
parcourir la contrée et là qu'il revenait après avoir été de lieu en lieu en faisant le bien. Entre Magdala
et Capharnaüm il faut placer Dalmanutha dont il ne reste aucun vestige ;
quant à Betsaïda et à Chorazin leur emplacement est plus impossible encore à
déterminer. On cherche Chorazin tantôt au Nord à l'endroit appelé aujourd'hui
Khorazi, tantôt à une heure et demie de Tibériade, là ou est aujourd'hui
Bir-Kherezoum. Une seule chose est certaine, c'est que ce petit canton de
trois à quatre lieues à peine a été le théâtre principal de l'activité de
Jésus.
Capharnaüm (Képhar signifie
village) (village de Nahum)
était formé de constructions juives toutes grossières ; Josèphe rappelle Κεφαρνωκὸν[20]. Ce bourg était à
égale distance de Césarée de Philippe au N.-E., de Naïm au S.-O., de Tyr et
de Sidon au N.-O., et de Gadara au S.-E. ; à une demi-heure de marche on
trouvait l'embouchure du Jourdain et il tirait une certaine importance de sa
position géographique. Situé sur la grande route d'Egypte en Syrie (section de Jérusalem à Damas), il avait un
important bureau de publicains[21] et une garnison
romaine commandée par un centurion[22]. Saul de Tarse y
passa quand il se rendit de Jérusalem à Damas et on aime à croire qu'il ne
put traverser ce bourg sans songer à Jésus et que les pensées qui se
pressèrent alors dans son âme hâtèrent la crise qui se préparait, qui allait
éclater quelques heures plus tard, et faire de lui le plus grand des apôtres.
A Tell Hum, on visite les restes d'une synagogue, mais les
ruines assez bien conservées de son portique sont évidemment postérieures au
premier siècle. Ge n'est pas la synagogue que Jésus a fréquentée.
Nous avons plusieurs fois nommé le lac. Il a cinq à six lieues
de long et trois à quatre lieues de large ; la barque des apôtres mettait
deux heures pour le traverser à la rame dans sa plus grande largeur. Ses
bords aujourd'hui déserts étaient au premier siècle les plus ravissants du
monde ; mais si les arbres ont disparu, la grève est toujours la même, nette
et propre, couverte de petits galets incessamment battus par le léger
mouvement des flots. Le lac de Tibériade n'est pas un étang, mais une petite
mer. Il a ses colères subites, ses tempêtes aussi vite apaisées que
rapidement déchaînées. Il était autrefois et est encore aujourd'hui très
poissonneux. L'une des espèces de poissons que l'on y pêche appelée par les
arabes El-ialtry n'existe ailleurs que dans le Nil, en Egypte. Ce poisson est
de forme ronde, bon à manger et d'une chair un peu rouge.
La mer de Galilée n'a pas la couleur bleu foncé de la Méditerranée ou du
lac de Genève. Elle est d'un bleu-grisâtre qui rappelle le lac de Neuchâtel,
auquel elle ressemble beaucoup. Cette ressemblance est rendue plus frappante
encore par la présence sur l'eau de ces larges taches que tous les voyageurs
remarquent sur les lacs suisses et dont personne n'a pu encore expliquer la
provenance. Le lac de Tibériade est placé à plus de six cents pieds[23] au-dessous du
niveau de la
Méditerranée et les chaleurs en avril et en juillet y sont
affreuses. Les nuits y sont assez douces, tandis qu'elles sont fraîches dans
le reste du pays, mais ou y souffre beaucoup des moustiques et les voyageurs
qui y passent une nuit comprennent aisément que dans ce pays-là le diable ait
été appelé dieu des mouches (Beelzébuth).
Josèphe affirme qu'au premier siècle, le climat des bords du lac était très
agréable[24].
Cela est fort possible, car le pays étant très boisé, il y pleuvait plus
souvent qu'aujourd'hui, et de plus, la végétation entretient toujours une
certaine fraîcheur.
LA PÉRÉE.
La Pérée
n'est pas nommée dans les Evangiles, nous n'avons donc presque rien à en
dire. Elle faisait partie de la tétrarchie d'Antipas. C'était une province
insoumise occupant tout le territoire de la rive orientale du Jourdain,
stérile et fort peu peuplée. Josèphe nous indique ses limites : Elle s'étend en longueur de Machœrous à Pella et en largeur
de Philadelphie au Jourdain[25], mais on ne sait
où placer Pella, qui était une forteresse.
Machœrous ou Macheronte est mieux connu ; c'était un
énorme château-fort situé à soixante stades du Jourdain sur des rochers de
basalte d'une effrayante hauteur. Cette forteresse avait été bâtie par
Alexandre Jannée, puis rasée par Gabinius et relevée par Hérode. Elle avait
des murailles de cent vingt coudées, des créneaux et des tours ; dans l'intérieur,
des appartements royaux qu'Antipas venait quelquefois habiter et, au-dessous,
des souterrains qui servaient de prison. La vue que Ton avait du sommet des
tours était merveilleuse ; au Sud, les contours de la mer Morte, avec Engaddi
et Hébron, puis, en remontant à l'Ouest, les monts de la Judée au milieu desquels
se détachait Jérusalem dont on apercevait le palais d'Hérode, et le temple
dominé par l'énorme tour Antonia ; à droite Jéricho et sa forêt de palmiers
toujours verts, puis le Jourdain dont le ruban d'un bleu grisâtre ,se
déroulait sur la plaine. Lorsque Antipas revint de Rome emmenant Hérodiade,
la femme de Philippe son frère, il répudia, pour l'épouser, la fille
d'Arétas, roi des Arabes. Celui-ci lui déclara la guerre et, pour la
soutenir, Antipas dut venir habiter son palais de Machœrous. C'est alors que
s'y passa le drame horrible de la mort de Jean-Baptiste.
Les murs de Machœrous ont été découverts en 1807 par
Seelzen[26].
Il ne nous reste plus à nommer que la Décapole[27]. C'était une
confédération de dix villes, dont voici les noms d'après Pline[28] : Damas,
Philadelphie, Raphana, Skhytopolis, Gadara, Hippos, Dion, Pella, Gelasa (pour Gerasa) et Camatha. Du reste Pline
lui-même n'est pas certain de les citer exactement. La seule de ces villes qui
soit nommée dans les Évangiles Gadara était, dit Josèphe, la plus forte
métropole de la Pérée[29].
Le mot Pérée (traduction
grecque de l'hébreu Eber au-delà)
avait souvent une signification plus large encore que celle que nous lui
avons donnée ; on s'en servait pour désigner tout le pays situé à l'Est du
Jourdain et alors il comprenait aussi les provinces de la tétrarchie de
Philippe : la
Trachonitide, la Gaulanitide, l'Auranitide, la Batanée. Nous
avons dit que nous ne décririons pas ces provinces qui n'ont joué aucun fuie
dans l'histoire évangélique. Nous mentionnerons seulement Césarée de Philippe,
appelée d'abord Panæas (en l'honneur du dieu
Pan). Un bois et une grotte, la grotte de Panium, lui étaient
consacrés. Hérode avait bâti auprès un temple, en l'honneur d'Auguste, et
c'est Philippe, son fils, qui en agrandissait la ville, changea son nom en
celui de Césarée. On y ajoutait ordinairement les mots de Philippe[30] pour la
distinguer de la grande ville de Césarée en Judée, résidence da procurateur.
Il en est de même d'une certaine ville de Bethsaïde que Philippe avait
surnommée Julias, en l'honneur de Julie, fille d'Auguste, et qu'il ne faut
pas confondre avec le petit village de Bethsaïde, dont l'emplacement est
inconnu[31].
LA
SAMARIE.
Les Samaritains sont souvent nommes dans l'Evangile. Nous
parierons de leur origine et de leurs coutumes dans un chapitre spécial sur
la population de la
Palestine au premier siècle[32]. Ici nous nous
bornerons à quelques détails géographiques indispensables à l'intelligence
des Livres Saints.
La
Samarie, enclavée entre la Judée et la Galilée, était plus petite qu'elles. Son
territoire ne s'étendait même pas jusqu'à la mer, car toute la côte à partir
du Carmel appartenait à la
Judée. Aussi les Galiléens qui se rendaient à Jérusalem prenaient-ils
volontiers, soit le chemin qui longeait la mer, soit la rive opposée du
Jourdain. Ils évitaient ainsi de traverser un territoire où ils étaient
exposés aux insultes des habitants. La Samarie tirait son nom de sa capitale : Samarie[33]. Cette ville
avait été bâtie par Omri, roi d'Israël, sur une colline[34] qu'il avait
achetée d'un certain Schemer dont elle a conservé le nom ; Salmanasar l'avait
détruite. Elle fut reconstruite ; mais Jean Hyrcan la détruisit encore. Enfin,
Gabinius, légat impérial de Syrie, la fit rebâtir, et, sous Hérode le Grand,
elle était florissante. Ce prince y fit bâtir un temple en l'honneur
d'Auguste et changea son nom en celui de Sébaste (mot
grec ; en latin Augusta)
qu'elle porte encore (Sebustieh).
Sichem (aujourd'hui Nablous)
a pour nous plus d'intérêt que Samarie. C'était une fort ancienne ville
construite dans une vallée. Le mont Ebal est au Nord et le fameux Garizim au
Sud. L'Evangile de Jean l'appelle Sychar[35], c'est un terme
ironique qui signifie ivresse, on ne le trouve que là ; il nous parait être
un de ces sobriquets inventés par les Juifs qui défiguraient les noms
samaritains et, par mépris, les tournaient en ridicule. La ville moderne,
Naplouse (Néapolis, ville nouvelle)
n'est pas bâtie exactement sur l'emplacement de Sichem, mais à côté. Il en
était déjà ainsi du temps de Saint Jérôme. Près de là est le puits de Jacob,
presque entièrement comblé aujourd'hui. Si à Nazareth, à Jéricho, à Bethléem,
les souvenirs du premier siècle sont encore vivants, il n'en est pas de même
au puits de Jacob. Cette fontaine, immortalisée par l'entretien de Jésus avec
la Samaritaine,
n'est plus qu'un trou sans profondeur au milieu d'un champ ; l'emplacement en
parait bien authentique, mais l'authenticité n'est pas tout. Il faut des
ruines, des pierres au moins ; quelque chose qui rappelle le passé, qui
permette à l'imagination de le reconstruire. Au puits de Jacob, il n'y a rien
; et pour y retrouver Jésus et l'y entendre, il faut se rappeler que d'après
les paroles mêmes qu'il y a prononcées, on ne doit pas plus adorer près du
puits qu'ailleurs, il faut se rappeler que le culte qu'il a fondé au bord de
cette fontaine, est un culte en esprit et en vérité.
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