Ce volume se compose d'une série d'études sur la vie sociale et religieuse des Juifs du premier siècle et continue l'ouvrage que j'ai fait paraître en 1876[1] ; mon but, en le publiant, est de faciliter l'intelligence des Évangiles. Je ne connais pas de livre français racontant ce que les
Allemands appellent die
neutestamentliche Zeitgeschichte (l'histoire
contemporaine du Nouveau Testament) ; j'essaie de combler cette lacune
de notre littérature théologique. Ai-je besoin d'insister sur le puissant
intérêt d'une étude de la société au sein de laquelle Jésus a grandi et vécu?
Le premier siècle de notre ère a vu s'accomplir le plus grand fait de
l'histoire du monde; le christianisme, religion universelle et définitive, y
est né et a commencé à se substituer aux cultes nationaux et transitoires
dont les hommes s'étaient jusque-là contentés. Il a succédé avant tout au
Judaïsme, religion essentiellement nationale. Celui-ci l'a enfanté, et on
peut dire que ce laborieux travail lui a coûté la vie. L'enfant a tué sa mère
en venant au monde. Saint Paul, en particulier, a porté à la religion de ses
pères des coups mortels dont elle ne pouvait pas se relever. Elle a succombé
au premier siècle, mais les Pharisiens et les Docteurs de la loi sont
parvenus à embaumer son cadavre. Grâce à leurs gigantesques efforts, le
Judaïsme a traversé les âges ; il subsiste encore à l'état de momie. Les
Talmudistes ont pratiqué l'embaumement et, après dix-huit cents ans écoulés,
nous avons sous les yeux le spectacle étrange de cette momie. Elle est bien
morte, comme toutes les momies ; mais elle est merveilleusement conservée.
Or, c'est précisément à l'époque de Jésus-Christ que la vie religieuse du
Judaïsme expirant a commencé de prendre ces formes arrêtées et définitives
qui semblent devoir ne passer jamais. La nation juive a disparu, mais sa
nationalité même se perpétue au milieu des plus étonnantes péripéties, des
plus effroyables bouleversements ; le culte mosaïque a disparu, mais |
[1] Les Idées religieuses en Palestine à l'époque de Jésus-Christ, Paris, chez Fischbacher ; 1 vol. in-12°, 2e édit., 1877.