NUMÉRIEN ET CARIN (An de Rome 1035. — De Jésus-Christ 282)NUMÉRIEN décoré du titre d’Auguste par son père, lui
succéda et partagea le trône avec son frère Carin. Absorbé par sa douleur
filiale, il abandonna tout projet de conquête, accorda la paix aux Perses, et
se mit en marche avec son armée pour retourner à Rome. Ce jeune prince, trop
sensible, se livra tellement à son chagrin, que, suivant le rapport de tous
les historiens, l’abondance de ses larmes produisit une si vive inflammation
sur ses yeux, qu’elle le mit hors d’état de pouvoir supporter la lumière. L’armée,
continuant sa route, traversa Arrius Aper, préfet du prétoire, et son beau-père, commandait les troupes. Ce traître, dévoré de la soif de régner, ne pouvait parvenir au trône sans commettre un second crime : il poignarda la nuit Numérien, et tint sa mort cachée. On continuait de porter sa litière, entourée par la garde impériale. Un mystère profond couvrait le forfait, l’odeur du cadavre dévoila l’affreuse vérité. Dès que le meurtre fut connu, on ne tarda pas à nommer le meurtrier. Aper, signalé par tous les soupçons, fut arrêté et enchaîné près des drapeaux, et l’armée, qui méprisait et haïssait Carin, se rassembla pour élire un empereur. Tous les suffrages se réunirent en faveur de Dioclétien, soldat heureux, né dans l’obscurité. Son mérite seul l’avait élevé au premier grade de l’armée, et au commandement d’un des premiers corps de la garde. Dioclétien, salué empereur par une acclamation unanime, monte sur le tribunal qui lui était préparé, tire son glaive, atteste, les dieux qu’il est innocent de la mort de Numérien, et tournant ensuite ses regardas sur Aper : Voilà, dit-il, l’auteur du crime. A ces mots il descend, court, se jette sur le traître, et lui enfonce son épée dans le sein, en répétant les paroles que Virgile place dans la bouche du héros troyen, lorsqu’il frappe un monstrueux sanglier : Félicite-toi bien, Aper, tu tombes sous la main du grand Énée. Dioclétien qui se montra toujours maître de lui-même, ne
commit alors cette violence que par politique, et pour donnez à sa puissance
l’appui de la superstition. On savait qu’autrefois une druidesse lui avait
prédit dans Dioclétien s’établit d’abord à Nicomédie. Carin s’était rendu maître de Rome, où il renouvelait toutes les infamies des règnes de Caligula, de Néron et d’Héliogabale. Il proscrivait les sénateurs les plus distingués, immolait les magistrats, nommait aux plus hauts emplois les vils complices de ses débauches. Son palais était rempli d’histrions et de courtisanes. En peu de semaines il se maria neuf fois. Le courage fut la seule qualité qui le distingua des lâches tyrans dont il suivait les traces, et il ne paraissait digne du trône que dans les camps. Sabinus Julianus, à la tête de quelques légions, s’était
fait proclamer empereur. Carin le combattit près de Vérone, et le tua de sa
propre main. Il soutint, avec vigueur ses droits contre Dioclétien qui
traversait l’Illyrie pour lui enlever l’empire. Les deux armées se livrèrent
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