HISTOIRE DES JUIFS

 

CHAPITRE VINGT-SIXIÈME.

 

Jésus-Christ (An du monde 4004)

CE FUT la dernière année de la vie d’Hérode que naquit Jésus-Christ. Ainsi le règne de ce monarque peut être considéré comme la troisième et la plus grande époque de l’histoire du monde. La première était la création ; la seconde le déluge ; la dernière fut l’apparition de Dieu sur la terre, la destruction de l’idolâtrie, et le salut de tous les peuples, régénérés par le sang du Christ, et appelés, par sa mort et par sa résurrection à la connaissance du vrai Dieu.

Jusque-là un seul peuple avait professé le culte spirituel ; mais ce peuple devait méconnaître la vérité qui sortit de son sein, pour répandre dans l’univers, et il était prédit que destruction, suite de sa dépravation et de son incrédulité, précéderait le salut des autres nations.

Nous ne parlons point ici en simple historien ; et puisque nous sommes arrivés au moment d’où date l’ère chrétienne, à cette époque où il ne nous est pas permis de retracer ces grands événements sous le simple rapport de la morale et de la politique, et de séparer l’histoire des Juifs de l’histoire de notre religion, nous ne prendrons, en traitant un pareil sujet, d’autre langage que celui des auteurs sacrés.

Comme le premier devoir de tous nos lecteurs a été d’étudier l’Évangile, nous ne donnerons ici qu’un extrait court et rapide de ce livre saint, qu’on ne doit toucher qu’avec respect, et seulement dans l’intention de lier les événements entre eux, et de placer, comme elles doivent l’être, la naissance, la vie, la mort de Jésus-Christ, et le commencement de la fondation du christianisme dans l’histoire des Juifs, que nous voulons conduire jusqu’à leur destruction.

Nous dirons donc qu’à la fin du règne d’Hérode, signalé par tant de gloire et tant de crimes, tant de puissance et tant de dépravations, les oracles des prophètes se trouvant accomplis, les dix semaines de Daniel terminées, et le temps que Dieu avait marqué pour donner un Sauveur au monde étant arrivé, le Seigneur envoya l’ange Gabriel d’abord à Zacharie, dans le temple où il sacrifiait, pour lui annoncer qu’il aurait un fils qui s’appellerait Jean, dont la naissance serait la joie et la bénédiction de tout Israël. Six mois après, Dieu envoya le même ange dans le pays de Nazareth, vers une vierge nommée Marie. Elle était mariée à Joseph, descendait de David. Ces deux époux avaient fait vœu de n’être jamais unis que par l’esprit, et Dieu honora ce mariage angélique du fruit le plus divin qui ait jamais paru sur la terre.

Gabriel apprit à Marie qu’elle aurait un fils, qu’elle devait appeler Jésus, et qui régnerait, dans la maison de Jacob ; qu’il serait assis sur le trône de David son père, et que son règne n’aurait point de fin. Pour satisfaire sa curiosité, il ajouta que le Saint-Esprit formerait dans son sein l’enfant dont elle serait la mère. Elle apprit en même temps, par Gabriel, qu’Élisabeth, qui avait toujours passé pour stérile, était déjà grosse de six mois, par un effet de la vertu toute puissante de Dieu, à qui rien n’était impossible.

Marie, pénétrée d’admiration et de reconnaissance, alla trouver sa cousine Élisabeth, et ces deux saintes femmes se félicitèrent mutuellement des grâces que Dieu leur avait accordées. La prédiction de Gabriel s’accomplit : Marie devint grosse. Joseph, son époux, forma des soupçons contre sa vertu et voulût se séparer d’elle ; mais un ange lui apparut, dissipa sa méfiance ; lui découvrit le secret de cet enfant divin, et lui ordonna de l’appeler Jésus.

Dans ce temps, on exécuta un édit de l’empereur Auguste qui avait ordonné un dénombrement de toutes les  familles de son empire. Marie, alors sortit de Nazareth, et se rendit avec son mari à Bethléem, pour s’y réunir aux autres personnes de la famille de David. Ainsi se réalisa la prophétie qui avait annoncé que le Sauveur naîtrait à Bethléem. Les maisons et les hôtelleries de cette ville étant pleines, Marie fut obligée de rester dans une étable, où elle accoucha de son divin fils. La nuit même de sa naissance, un ange apprit à des bergers, qui gardaient leurs troupeaux près de là, que le Messie, attendu depuis tant de temps, venait de naître. Les bergers écoutant sa parole, et le chœur d’une troupe innombrable d’autres anges qui chantaient la gloire de Dieu, coururent vers l’étable où l’enfant était couché dans la crèche, et ils l’adorèrent. Huit jours après  sa naissance, Jésus-Christ fut circoncis ; car ses parents suivaient religieusement la loi de Moïse. Mais, pour annoncer qu’il arrivait, non seulement pour les Juifs, mais pour tous les peuples, Dieu donna l’ordre à des rois d’Orient de venir rendre leurs hommages et offrir leurs présents au nouveau roi des Juifs, et il fit luire une étoile qui les conduisit jusqu’a Bethléem pour obéir à cet ordre divin. Quarante jours après la naissance de son fils, Marie, pour accomplir une autre loi, vint au temple pour se purifier, et offrit à Dieu son premier né. Un saint vieillard, nommé Siméon, conduit et éclairé par l’esprit du Seigneur, arrivait au même moment dans le temple. Aussitôt que sa foi lui eut découvert ce Dieu, caché sous la faiblesse d’un enfant, il le prit entre ses bras, rendit grâces au Très-Haut, et s’écria qu’il mourrait en paix, puisque ses yeux avaient vu le Sauveur du monde, et cette lumière qui devait se répandre sur toutes les nations de la terre.

Cependant le roi Hérode, ayant appris le bruit de la naissance d’un nouveau roi des Juifs se répandait dans le peuple, et que des rois d’Orient venaient lui rendre hommage, avait engagé ces rois à lui donner quelques détails sur la naissance et la famille de cet enfant, et sur le lieu où il se trouvait. Mais Dieu avait ordonné à ces princes de retourner dans leur pays, sans satisfaire les désirs du roi. Hérode, irrité de leur départ, redoubla de colère, lorsqu’on lui raconta les merveilles qui s’étaient passées dans le temple quand on y avait présenté Jésus. Déterminé à tuer cet enfant, il donna l’ordre barbare de faire massacrer tous les enfants au-dessous de deux ans, à Bethléem et dans les lieux voisins, afin d’envelopper dans ce carnage celui dont il croyait que la vie menaçait son trône ; mais Joseph et Marie furent avertis la nuit même de ce projet inhumain. Ils partirent promptement avec leur enfant, et se réfugièrent en Égypte, d’où ils ne revinrent qu’après la mort d’Hérode.

L’Évangile garde le silence sur la vie de Jésus-Christ jusqu’à son baptême, et ne raconte qu’une seule action qu’il fit à l’âge de douze ans. A cette époque, Joseph et Marie, étant venus avec Jésus à Jérusalem, selon leur coutume, pour y célébrer la fête de Pâque, partirent pour retourner à Nazareth, après l’octave de la fête. Ils croyaient que leur fils les précédait, mais, au bout d’une journée de chemin, ne le voyant pas parmi leurs parents et les personnes qui les accompagnaient, ils revinrent à Jérusalem pour l’y chercher. L’inutilité de leurs informations les accablait de douleur ; enfin, le troisième jour, étant allés au temple, ils le trouvèrent au milieu des docteurs de la loi, les interrogeant, leur répondant, les instruisant plus, qu’il n’apprenait d’eux, et les remplissant d’admiration par sa science et par sa modestie. Marie lui reprocha le chagrin qu’il lui avait causé en la quittant. Jésus lui répondit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je me trouve partout où les intérêts de mon père m’appellent.

Lorsque Jésus-Christ eut trente-deux ans, Dieu tira du désert saint Jean-Baptiste qu’il avait destiné à être son précurseur. Il sortit donc de sa solitude, et parut sur les bords du Jourdain, où il prêcha la pénitence et baptisa tous ceux qui venaient à lui. L’éclat de sa vertu lui attira beaucoup de disciples ; et comme, tous les habitants de Jérusalem accouraient pour écouter ce saint homme et se faire baptiser, Jésus y vint lui-même, et se cacha humblement dans la foule. Lorsqu’il s’approcha de saint Jean, celui-ci, frappé d’un profond respect, osait à peine verser de l’eau sur le Sauveur. Ce prophète, qui parlait avec tant de fierté aux premiers docteurs de la loi, tremblait devant Jésus-Christ, lui dit : C’est vous-même qui devez me baptiser, et vous me couvrez de confusion en daignant recevoir le baptême de moi. Jésus lui répondit : Qu’il fallait qu’il s’humiliât jusque là ; qu’en l’état où il était, il devait accomplir tous ses devoirs. Aussitôt qu’il fut baptisé, le ciel s’ouvrit, Dieu fit descendre le Saint-Esprit sous la forme d’une colombe qui se reposa sur la tête du Sauveur ; en même temps on entendit du ciel une voix qui dit : C’est là mon fils bien aimé en qui je trouve toutes mes délices. Jésus-Christ se retira aussitôt et Jean-Baptiste continua de déclarer à tous ceux qui l’écoutaient que Jésus-Christ était le Messie tant promis et tant désiré. Dès que Jésus-Christ fut baptisé, il se retira dans le désert, où il jeûna quarante jours et quarante nuits. Le démon vint l’y tenter, et lui proposa de faire plusieurs miracles. Jésus lui répondit par des passages de l’Écriture, et lui rappela qu’il ne devait point tenter le Seigneur son Dieu. Satan, irrité, voulût qu’il l’adorât lui-même et lui promit tous les royaumes du monde, dont il lui fit voir l’éclat et la gloire. Jésus lui répondit : Retire-toi, Satan ; car il est écrit : Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous le servirez lui seul.» Cette réponse mit le démon en fuite.

Jésus-Christ sortit du désert, et revint trouver saint Jean qui s’écria que c’était lui qui était l’agneau de Dieu, et qui rachetait le péché du monde. Deux de ses disciples, André et Simon vinrent trouver Jésus, et" s’attachèrent à lui comme au Messie. Jésus prédit à Simon qu’il serait appelé Pierre, et que sur lui il fonderait son église.

Peu à peu le nombre de ceux qui l’écoutaient s’augmenta, et sa renommée commença à croître, avant qu’il eût fait un miracle.

Quelque temps après, se trouvant à Cana en Galilée, à des noces où était la sainte Vierge, Marie représenta à son fils que le vin manquait à cette fête. Jésus, après avoir répondu à sa mère d’une manière assez dure en apparence, dit la Bible, céda à ses désirs, et changea en vin toute l’eau qui se trouvait dans la maison. Ce premier miracle du Seigneur, suivi de beaucoup d’autres, répandit le bruit de son nom, dans le peuple et chez les grands. Un des principaux docteurs, Nicodème, vint le trouver de nuit pour conférer avec lui. Jésus développa devant ce prince de la loi, les principes de la foi, de la simplicité et de l’humanité chrétienne ; il lui expliqua comment les hommes devaient être régénérés pour entrer dans son royaume, et lui parla avec tant de force, et de clarté de la puissance merveilleuse du Saint-Esprit, de la folie de notre raison qui ne peut rien croire que ce qu’elle voit, de l’amour de Dieu pour les hommes, qui sacrifiait son fils, dans le dessein de les rendre heureux ; enfin il lui fit si bien voir que ces mêmes hommes fuient la vérité parce qu’elle les condamne, et qu’ils ne peuvent guérir de leur aveuglement qu’en recevant la lumière divine, que ce prince des Juifs demeura convaincu de la mission de Jésus-Christ, ;qu’il soutint par la suite son innocence dans le conseil, et qu’il déclara, après sa mort, n’avoir pris aucune part à cet horrible crime.

Pendant que Jésus-Christ voyait augmenter en Judée le nombre de ses disciples, saint Jean-Baptiste, appelé à la cour d’Hérode le tétrarque, qui le révérait, parlait avec une noble liberté à ce prince pour lui faire abjurer son amour coupable et incestueux. Son courage lui attira la haine d’Hérodiade. Cette femme vindicative et cruelle, abusa de la faiblesse d’Hérode, au point d’exiger la mort de Jean. Ce prince satisfit sa passion et lui envoya la tête du saint prophète.

Les pharisiens, qui commençaient à devenir jaloux de Jésus-Christ, avaient conseillé à Hérode de le faire arrêter. Pour se soustraire à leur vengeance, il se retira en Galilée. Dans son chemin il rencontra une femme samaritaine, à laquelle il demanda de l’eau pour soulager la soif qui l’accablait. Cette femme lui montra sa surprise de voir un Juif surmonter la répugnance qu’on avait en Judée pour les Samaritains. Jésus l’éclaira par sa réponse ; il lui apprît qu’il pouvait lui donner une eau vive qui durerait jusqu’à la vie éternelle et qu’il était le Messie. Elle le crut, se convertit, et en répandit la nouvelle dans Samarie, d’où les habitants sortirent pour inviter Jésus à venir dans leur ville. Après y avoir séjourné deux jours, il arriva en Galilée, où il prêcha publiquement, exhortant les hommes à la pénitence parce que le royaume de Dieu était proche. Il joignit les actions aux paroles, et ses miracles rendirent chaque jour de nouveaux témoignages à la vérité qu’il annonçait.

Il guérit la belle-mère de saint Pierre ; s’embarquant ensuite, il apaisa une tempête qui jetait la frayeur parmi ses disciples ; on le vit chasser du corps d’un possédé un démon qui lui dit s’appeler Légion ; il plaça au nombre de ses disciples un publicain, nommé Mathieu, qui devint ensuite un des apôtres. Les pharisiens, orgueilleux, se scandalisèrent de voir Jésus se lier avec des hommes dont ils méprisaient la profession fiscale, et dont l’avarice était connus, mais le Seigneur les confondit en répondant qu’il était le médecin des hommes, et que c’était les pécheurs et les malades qu’il devait guérir. Dans la ville de Capharnaüm, il rendit le mouvement à un paralytique qui crut en lui.

Jésus, voulant choisir douze personnes pour être après lui les premiers fondements de son église, prit ceux dont la foi était la plus vive et la plus propre à répandre la lumière. Il les sépara des autres disciples : ce sont eux qu’on nomma depuis les apôtres. Après ce choix, il vécut inséparablement avec eux ; ils logeaient ensemble, célébraient ensemble la Pâques ; ils étaient témoins, non seulement de ses actions publiques, mais de sa vie privée, et il leur expliquait en particulier ce qu’il apprenait aux autres qu’en paraboles.

Après avoir ainsi choisi ses ministres, le Sauveur les mena sur une montagne, où il fut suivi d’une grande foule de peuple. Là, il fit ce célèbre sermon qui contient tout l’Évangile et toutes les règles de conduite nécessaires aux fidèles comme aux pasteurs qui les dirigent. Il y compare les défauts de l’ancienne loi aux perfections de la nouvelle, et démontre la nécessité  de mépriser les biens de la terre pour en amasser dans le ciel. Ce discours contenant toute la morale chrétienne, nous n’en extrairons rien, puisque tout doit en être retenu, et que rien ne doit en être omis. Il est au devoir de tout chrétien de le lire et de l’apprendre.

Jésus-Christ, descendu de la montagne continua ses actions miraculeuses ; il fit disparaître la lèpre dont un homme était couvert. Un centenier de Capharnaüm affligé de voir son serviteur malade, n’osait faire entrer Jésus dans sa maison, se croyant indigne de le recevoir. Jésus-Christ récompensa sa foi en guérissant son serviteur, et consacra son humilité comme le modèle des vertus chrétiennes. Il ressuscita une jeune fille âgée de douze ans, dont le père, Jaïrus, était un des princes de la synagogue. Il rencontra, près de la ville de Naïm, un mort qu’on portait en  terre. Jésus, attendri par la douleur de sa mère qui suivait son fils au tombeau, toucha le cercueil, et le jeune homme qui y était enfermé ressuscita.

Une célèbre pécheresse, nommée Madelaine, vint trouver Jésus chez Simon le pharisien, pleura ses péchés à ses pieds qu’elle arrosa de parfums. Simon s’étonna que Jésus, s’il était prophète, ne connût pas le dérèglement de cette femme, ou qu’il la souffrît prés de lui s’il la connaissait ; mais le Sauveur confondit l’orgueil du docteur de la loi en lui prouvant que le repentir d’un pécheur était préférable aux yeux de Dieu à la tiédeur de ceux dont la vie avait été plus régulière.

La plupart des miracles de Jésus-Christ s’étant opérés publiquement, une foule immense le suivait partout, et l’accompagna même, dans une retraite qu’il fit assez loin des villes. Après trois jours de marche, cette foule fatiguée se plaignit de manquer de vivres. Le lieu était désert, et les disciples n’avaient avec eux que cinq pains d’orge et quelques petits poissons : Jésus leva les yeux au ciel, bénit les pains qui se multiplièrent entre ses mains, et les disciples les distribuèrent à cinq mille hommes qui les mangèrent et furent rassasiés. Pour montrer sa toute puissance à ses disciples, il marcha sur la mer devant eux, et s’y fit suivre par saint Pierre, dont la foi ne fut troublée par aucune frayeur.

Une femme païenne de Canaan, dont la fille était tourmentée par le démon, supplia le Sauveur de la guérir. Après avoir éprouvé sa foi par des refus, il fit le miracle qu’elle souhaitait, pour prouver que sa bonté s’étendait sur tous les peuples.

Dans une autre occasion, il se manifesta encore à ses apôtres avec plus d’évidence. Leur ayant demandé ce qu’on disait de lui, ils lui répondirent que les uns croyaient qu’il était Jean-Baptiste, d’autres Élie, d’autres Jérémie : Et vous, leur demanda Jésus-Christ, que pensez-vous ? Saint Pierre, sans hésiter, lui répondit : Vous êtes le Christ, fils de Dieu. Jésus lui dit : Vous êtes heureux de ce que mon père vous a révélé cette vérité ; vous êtes Pierre, et sur cette Pierre je bâtirai mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre elle.

Huit jours après, il mena avec lui sur la montagne de Thabor, saint Pierre, saint Jacques et saint Jean, les plus favorisés de ses disciples. Là, pendant sa prière, il fut tout d’un coup transfiguré ; son visage devint éclatant comme le soleil ; son habit plus blanc que la neige : en même temps Moïse et Élie apparurent ; et s’entretinrent avec lui de ce qui devait lui arriver bientôt à Jérusalem. Les disciples voulaient dresser trois tentes en ce lieu. Tout à coup une nuée éclatante les enveloppa ; il en sortit une voix qui dit : C’est mon fils bien aimé écoutez-le. Les disciples tombèrent aussitôt par terre, saisis de respect et de crainte, Jésus les rassura, et lorsqu’ils se levèrent, ils ne virent plus que lui qui descendit la montagne avec eux.

Les pharisiens, docteurs de la loi, qui sans cesse tendaient des piéges au Sauveur, vinrent le trouver, et lui demandèrent si l’on faisait bien de payer le tribut à César. Jésus, s’étant fait apporter une pièce de monnaie, dit, en leur montrant l’effigie de l’empereur : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Précepte divin qui apprend aux ministres de l’église et aux chrétiens le respect et l’obéissance qu’ils doivent aux puissances que Dieu a établies sur la terre.

Il demeura quelques jours en Galilée pendant la fête des Tabernacles. Retournant ensuite en Judée, il rencontra, à Samarie, dix lépreux, auxquels il ordonna d’aller se présenter à leurs prêtres. En y arrivant ils se trouvèrent tous guéris. Un seul vint rendre grâces à Jésus qui lui promit l’entrée du royaume des cieux.

Le Sauveur n’arriva à Jérusalem qu’après l’octave des Tabernacles. On y fut scandalisé de son absence pendant ces jours sacrés, et les pharisiens, profitant de cette faute apparente, envoyèrent des archers pour l’arrêter. Ils ne trouvèrent dans le temple, enseignant le peuple avec une sagesse divine. Les hommes chargés de l’arrêter n’exécutèrent point leur ordre et augmentèrent le nombre de ses admirateurs et de ses partisans.

Les pharisiens lui tendirent alors un nouveau piége, en lui présentant une femme qui avait été surprise en adultère, espérant que, s’il la condamnait à mort, il serait décrié par le peuple comme un homme dur et haïssable, et que, s’il ne la condamnait pas, on pourrait l’accuser d’avoir violer la loi de Dieu. Comme on lui demandait son avis, il se leva, connaissant leur malice, et leur dit : Que celui d’entre vous qui est sans péché jette la première pierre à cette femme. Confondus par cette réponse, ils se retirèrent avec le peuple ; et Jésus, resté seul près de la femme coupable, lui pardonna, en lui défendant de retourner dan le même crime.

Le Sauveur continua de prêcher dans le temple et d’enseigner au peuple les vérités les plus importantes. Les paraboles de la Semence, du Samaritain, de la Folie des richesses, de la Robe nuptiale, des Talents, des Vierges, de l’Enfant prodigue, du Mauvais riche, du Pharisien, du Publicain, contiennent sous les images les plus vives, les préceptes d’une morale à la fois sublime et douce, qui prescrit la justice, qui commande l’indulgence, ordonne de rendre le bien pour le mal, et conduit à la vertu par l’amour. Cette morale sainte rabaisse l’orgueil, relève l’humilité, fait mépriser les biens terrestres et désirer les trésors divins. Aimer Dieu et le prochain voilà toute la loi du Sauveur. La charité est le doux lien avec lequel elle unit tous les hommes. Les rois et les bergers, les maîtres et les serviteurs trouvent dans la loi du Très-Haut tous leurs devoirs tracés ; si elle impose des sacrifices au corps, c’est pour assurer un bonheur éternel à l’âme ; et si les hommes plus dociles, et plus éclairés, pratiquaient les vertus que Jésus-Christ voulait leur inspirer, la paix dont ils jouissaient sur la terre, serait une faible et douce image de la félicité qu’il leur a promise dans le ciel.

Le Messie, après avoir appris à ses apôtres qu’ils devaient répandre la foi dans le mondé, et que tout ce qu’ils délieraient sur la terre, serait délié dans le ciel, ayant recommandé à ses disciples et à tous les fidèles d’observer la justice, de pratiquer la charité, de garder indissolublement la foi du mariage, et de se confesser les uns aux autres leurs fautes, leur annonça la résurrection future du genre humain, et leur déclara qu’en ce jour terrible il viendrait dans toute sa majesté, accompagné de ses anges pour juger les hommes, séparer, les bons des méchants, conduire les uns dans le ciel, et précipiter les autres dans le séjour des tourments éternels.

La fin de la mission divine de Jésus approchait, et il continua de la signaler par de grands miracles. Un aveugle crut en lui, et vit la lumière. Marthe et Marie lui avaient prouvé leur zèle, l’une par ses soins, l’autre par son empressement à écouter sa parole, il ressuscita leur frère Lazare, dont la mort les avait privées. Il fit parler les muets, et marcher les estropiés.

Enfin, voyant que le moment était venu où il devait accomplir les prophéties, consommer son sacrifice, mourir pour le salut des hommes, fermer l’enfer et rouvrir le ciel, le Sauveur du monde se rendit à Jérusalem, accompagné de ses disciples, ainsi que de tous ceux qui croyaient à sa parole. Il était monté sur une ânesse pour marquer l’humilité de sa vie temporelle. Une foule de personnes qui venaient à Jérusalem pour la Pâque, apprenant qu’il entrait dans cette ville, prirent des branches de palmiers, précédèrent sa marche ; plusieurs jetaient sur son chemin des tapis et des fleurs, en criant : Salut et gloire au fils de David ! Béni, soit celui qui vient au nom du Seigneur !

Cette entrée triomphale, ces acclamations du peuple, redoublèrent l’animosité de ses ennemis, et les affermirent dans le dessein de le faire mourir.

Le Rédempteur étant entré dans le temple en chassa tous ceux qui vendaient et qui achetaient ; il renversa les tables des changeurs, et les siéges de ceux qui vendaient des colombes, et leur dit : Il est écrit : Ma maison sera appelée maison de la prière, et vous autres vous en avez fait une caverne de voleurs. Alors les aveugles et les boiteux vinrent dans le temple, et les guérit.       

Après avoir prêché plusieurs jours à Jérusalem, Jésus-Christ dit à Judas de préparer ce qui était nécessaire pour qu’il fit la cène avec ses disciples ; et quoique le perfide Judas fût déjà décidé à trahir son maître et le livrer aux prêtres pour de l’argent, il exécuta les ordres du Seigneur.

Lorsque Jésus eut mangé l’agneau pascal avec ses apôtres, conformément à la loi, il s’abaissa devant eux, et leur lava humblement les pieds, en leur recommandant de suivre, à l’égard les uns des autres, cet exemple de charité. Il leur dit ensuite qu’un d’eux le trahirait : comme ils étaient tous indignés de cette lâcheté, Judas eut l’impudence de demander à Jésus, comme les autres, si ce serait lui qui commettrait ce crime. Enfin, sans être désarmé par la bonté du Christ, il le quitta pour aller conclure son vil marché et consommer son infâme trahison. Ce fut pendant ce repas religieux que Jésus-Christ, ayant rompu son pain, et l’ayant distribué à ses apôtres, leur dit ces paroles mémorables : Ceci est mon corps, par lequel il institua le sacrement le plus miraculeux et le plus mystérieux de tous ceux que révère l’Église chrétienne.

Jésus, après avoir appris à ses apôtres que cette nourriture serait désormais celle de leurs âmes, avertît saint Pierre qu’il le renoncerait trois fois ayant que le coq chantât. Celui-ci, trop sûr de sa foi, ne voulut pas le croire ; mais cette prédiction ne tarda pas à s’accomplir.

Lorsque Jésus-Christ eut développé à ses disciples les vérités contenues dans son dernier sermon, il leur recommanda de prendre leurs épées, et passa avec eux le torrent de Cédron, pour se rendre selon sa coutume, sur la montagne dés Oliviers. Arrivé à un lieu nommé Gethsémani, il les y laissa, et se retira dans un jardin pour prier, n’ayant avec lui que Pierre, Jacques et Jean. Il dit à ses disciples favorisés qu’il était dans une tristesse mortelle, et il les exhortait à veiller avec lui pendant qu’il prierait ; il vint aussi trouver trois fois ses autres disciples, en leur disant : Veillez et priez ; car l’esprit est prompt et la chair est faible.

Enfin Judas parut dans le jardin avec une troupe de gens armés ; il les avait avertis que celui qu’il embrasserait était Jésus, et qu’ils devaient se saisir promptement de lui, de peur qu’il ne leur échappa.

Le traître, s’étant donc approché de Jésus, le baisa, et le Sauveur lui dit : Mon ami, qu’êtes-vous venu faire ? Trahissez-vous le fils de l’homme par un baiser ? Aussitôt les gardes accoururent pour le prendre. Jésus leur demanda qui ils cherchaient, mais d’une voix si forte qu’elle les renversa tous par terre. Après leur avoir ainsi montré, qu’il ne se livrait point par faiblesse, mais par sa seule volonté, il s’abandonna à ces méchants, et respecta en eux l’autorité que son père leur avait donnée.

Saint Pierre fit quelques efforts pour le défendre ; il tira l’épée et coupa l’oreille à Malchus, l’un des serviteurs du grand-prêtre, mais Jésus-Christ, loin de vouloir offenser ses ennemis, guérit en un moment cette blessure, et reprit saint Pierre de son emportement en lui disant que, s’il n’avait pas été décidé à boire le calice que son Père lui présentait, les anges auraient bien su le défendre de l’injustice des hommes. Il se ‘laissa donc lier, et représenta seulement aux archers qu’ils étaient venus sans raison le prendre comme un voleur et comme un scélérat, quoiqu’il fût tous les jours avec eux dans le temple où ils pouvaient le faire arrêter.

On le conduisit d’abord devant le beau-père de Caïphe, qui s’appelait Anne. Celui-ci l’interrogea sur sa doctrine, et Jésus ayant répondu qu’elle était connue de tout le monde puisqu’il l’avait prêché publiquement, un officier, choqué de sa hardiesse, lui donna un soufflet. Anne l’envoya au grand-prêtre Caïphe, chez lequel les princes des prêtres s’étaient rassemblés pour entendre les dépositions des témoins qu’ils avaient appelés. L’un d’eux l’ayant accusé d’avoir dit qu’il pouvait détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours, le grand-prêtre lui demanda ce qu’il avait à répondre : Jésus garda le même silence qu’il avait opposé aux autres accusations ; enfin, Caïphe lui ayant commandé au nom de Dieu de déclarer s’il était le Christ, Jésus répondit : Oui je le suis ; mais vous ne me croirez pas, et vous ne me laisserez pas aller ; vous verrez cependant bientôt le fils de l’homme paraître dans les nuées assis à la droite de Dieu.

Le grand-prêtre, entendant ces paroles, déchira ses vêtements et s’écria : Il a blasphémé ! Nous n’avons plus besoin de témoins. Vous avez vous-mêmes entendu ses blasphèmes ; que vous en semble-t-il ? Tous répondirent qu’il méritait la mort. Alors les soldats commencèrent à l’outrager, les uns lui crachèrent au visage, d’autres le voilèrent par dérision, et en le frappant, voulaient qu’il prophétisât et devinât ceux qui l’avaient frappé.

Le Jour étant venu, on le conduisît au tribunal de Pontius Pilate, gouverneur de la ville, pour qu’il ordonnât son supplice. Saint Pierre l’avait suivi ; mais, effrayé par tous ces outrages, sa fermeté l’abandonna, et trois fois il répondit à ceux qui lui demandaient s’il était un des disciples de Jésus, qu’il ne connaissait pas cet homme. Le coq chanta : saint Pierre se ressouvint de la prédiction de Jésus, et se repentit amèrement d’avoir renié son divin maître.

Pilate, ayant demandé les motifs de l’arrestation de Jésus, et n’entendant que des accusations vagues il voulut le mettre entre les mains des Juifs pour qu’ils le jugeassent eux-mêmes selon leurs lois. Mais ses accusateurs ne parlèrent plus de religion, et lui dirent que cet homme était un séditieux, qu’il soulevait le peuple, qu’il défendait de payer le tribut à César, et qu’enfin il se disait roi. Pilate interrogea Jésus-Christ qui lui déclara que son royaume n’était point de ce monde, et qu’il n’était venu sur la terre que pour rendre témoignage à la vérité. Pilate ne partageait pas la haine des Juifs : il leur déclara donc qu’il ne trouvait pas Jésus coupable. Mais alors des cris s’élevant de tous côtés, le gouverneur romain l’interrogea de nouveau, et ne put lui faire rompre le silence. Pilate ayant appris que Jésus était de Galilée, le renvoya à Hérode, tétrarque de cette province, et qui était alors à Jérusalem. Hérode l’interrogea, ne reçut aucune réponse, le méprisa, le fit revêtir d’une robe blanche, et le renvoya à Pilate. Le gouverneur déclara encore aux Juifs qu’il ne croyait pas Jésus coupable, et qu’Hérode, même, n’avait trouvé aucun crime en lui. Le tumulte redoublant alors avec violence, Pilate ordonna de flageller Jésus, espérant apaiser par là le ressentiment de ses ennemis. Les soldats l’accablèrent de coups de fouet ; et, pour se moquer de sa royauté, le revêtirent d’un habit de pourpre, lui mirent une couronne d’épines sur la tête, un à la main, et lui donnèrent des soufflets, en s’écriant : Salut au roi des Juifs. Ces tourments ne calmèrent pas la rage du peuple : lorsque le gouverneur lui présenta Jésus-Christ en disant : Voilà l’homme, de toutes parts, on demanda sa mort à grands cris. On avait coutume, dans Jérusalem, de donner tous les ans, la liberté à un prisonnier pour la fête de Pâque. Pilate voulut en profiter pour délivrer Jésus : sa femme lui conseilla de ne point tremper dans l’affaire de ce juste, et elle lui raconta à ce sujet un songe qui l’avait effrayée. Cependant les Juifs trouvèrent bientôt le moyen de surprendre la faiblesse du gouverneur, en lui faisant craindre le courroux de l’empereur, s’il protégeait un homme qui avait pris le titre de roi. Pilate sacrifia la justice à la fortune : il demanda au peuple lequel il devait délivrer, Jésus ou d’un voleur nommé Barabbas. Le peuple demanda la liberté de Barabbas. Alors Pilate, après s’être lavé les mains devant le peuple, en disant qu’il n’était pas coupable du sang de cet homme, prononça l’arrêt de mort contre Jésus-Christ, et le livra aux mains des Juifs. Ceux-ci ne différèrent pas à exécuter l’arrêt qu’ils avaient eu tant de peine à obtenir. Ils chargèrent Jésus de porter la croix, à laquelle il devait être attaché. Ils le firent sortir ainsi de la ville de Jérusalem pour aller au mont Calvaire, lieu destiné aux supplices ; et comme ils virent que Jésus-Christ, abattu par tant de travaux, succombait sous le fardeau de la croix, ils engagèrent un homme, nommé Simon, à la porter. Le Seigneur continua sa marche, au milieu des insultes de tout le peuple qui le suivait. Arrivé  au Calvaire, on redoubla d’outrages : le peuple lui criait de se sauver lui-même, s’il était fils de Dieu. Lorsqu’il fut sur la croix, les soldats lui présentèrent du vinaigre à boire. Deux larrons étaient crucifiés à côté de lui : l’un d’eux l’insultait, mais l’autre, converti tout à coup, reconnut le Seigneur et le supplia de se ressouvenir de lui dans son royaume. Jésus lui promit de l’y faire entrer dès le jour même. Avant aperçu la sainte Vierge au pied de sa croix avec saint Jean, il lui dit : Femme, voilà vôtre fils. Puis il jeta un grand cri, en disant : Mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné ! Enfin, ayant accompli tout ce qui avait été dit de lui par les prophètes, il demanda un peu de vinaigre, recommanda son âme à son Père, baissa la tête et expira. Au moment de sa mort les ténèbres couvrirent, tout à coup, la terre ; cette obscurité dura trois heures. Le voile du temple se déchira ; La terre trembla ; les pierres se fendirent ; les sépulcres s’ouvrirent ; les morts ressuscitèrent, sortirent de leurs tombeaux, vinrent à Jérusalem, et apparurent à plusieurs personnes. A la vue de tant de signes extraordinaires, le centenier qui commandait les soldats reconnut que cet homme crucifié était vraiment le fils de Dieu ; les  gardes effrayés tinrent le même langage, et la foule du peuple qui avait assistée au supplice, épouvantée par ce terrible spectacle, changea ses insultes en soupirs, et se dispersa en se frappant la poitrine et en versant des larmes. Cependant les Juifs, toujours scrupuleux, même au milieu de leurs plus grands crimes, ne voulurent pas permettre que les corps des condamnés demeurassent attachés à la croix pendant le jour de Pâque. Pilate, d’après leurs prières, fit rompre les cuisses des deux voleurs crucifiés ; ils furent détachés de la croix : un des soldats, trouvant Jésus-Christ déjà mort, lui perça de sa lance le côté, d’où il sortit du sang mêlé d’eau. Un disciple secret de Jésus, nommé Joseph d’Arimathie, vint le soir trouver, Pilate pour lui demander le corps du divin Rédempteur, le gouverneur le lui ayant accordé, Joseph et Nicodème embaumèrent ce corps, l’enveloppèrent d’un linceul blanc, et l’enfermèrent dans un sépulcre nouvellement fait, et où l’on n’avait encore mis personne.

Les Juifs, craignant qu’on ne publiât qu’il était ressuscité, comme on l’avait prédit, obtinrent de Pilate qu’on scellât le sépulcre avec une pierre, et qu’on y plaçât des gardes. Cette vaine précaution ne rendit que plus éclatant le miracle annoncé. Il se fit tout à coup un grand tremblement de terre ; un ange descendit du ciel, ôta la pierre qui fermait le tombeau, et s’assit dessus : ses yeux brillaient comme un éclair et ses vêtements éclataient comme la neige. Les gardes du sépulcre furent frappés de terreur et renversés ; ils allèrent ensuite à Jérusalem rendre compte aux prêtres de ce qui était arrivé. Ceux-ci ne trouvèrent d’autre remède à ce malheur que de corrompre les gardes pour leur faire déclarer que, tandis qu’ils dormaient, les disciples étaient venus enlever le corps dé Jésus.

Marie-Madelaine et d’autres saintes femmes, étant arrivées de grand matin au sépulcre, le trouvèrent, avec surprise, ouvert et vide ; elles coururent aussitôt en avertir les apôtres. Marie-Madelaine demeura seule et entra dans le tombeau. Deux anges, vêtus de blanc, lui apparurent et lui demandèrent pourquoi elle pleurait ? Elle répondit qu’on avait enlevé son maître. Se retournant alors elle vit Jésus-Christ, sous la forme d’un jardiner, qui lui fit la même question. Après sa réponse, Jésus ne lui dit que ce mot : Marie ; alors elle reconnut le Sauveur ; et voulut se jeter à ses pieds ; mais il l’en empêcha, et lui dit d’aller rapporter aux disciples ce qu’elle avait vu. Telle fut, selon l’Évangile, la première apparition du Seigneur après sa résurrection.

Lorsque Jésus se fut fait voir à Madelaine, il apparut encore aux autres saintes femmes, et leur recommanda d’apprendre sa résurrection aux apôtres ; mais ceux-ci prirent leur récit pour un rêve.

Peu de temps après, deux disciples d’Emmaüs marchant et s’entretenant ensemble de la vie et de la mort du Sauveur, Jésus s’approcha d’eux sous la forme d’un voyageur ; et leur demanda ce qui les occupait ; ils lui racontèrent sa propre histoire, et la terminèrent en lui disant qu’il n’était pas ressuscité le troisième jour, comme il l’avait promis, quoique plusieurs femmes en eussent répandu le bruit,  et qu’eux-mêmes n’eussent plus trouvé personne dans le tombeau qu’ils étaient venus visiter. Le Sauveur, étonné de leur incrédulité après tant de faits qui pouvaient leur ouvrir les yeux, leur reprocha leur peu de foi, et leur expliqua comment tout ce qui avait été prédit par les prophètes depuis Moïse devait s’exécuter et avait été accompli. Il entra ensuite avec eux dans une hôtellerie, et lorsqu’il fut à table, il prit du pain, le bénit et le leur donna. Leurs yeux s’ouvrirent dans ce moment ; ils reconnurent le Sauveur qui disparut. Aussitôt les deux disciples, saisis d’étonnement, coururent faire-part aux douze apôtres de ce qui leur était arrivé.

Les apôtres étant réunis et dînant ensemble, Jésus parut tout à coup au milieu d’eux et leur dit : La paix soit avec vous c’est moi, n’ayez point de peur. Mais les apôtres, troublés par leur frayeur s’imaginaient voir un fantôme ; il les rassura en leur faisant voir et toucher ses mains et ses pieds ; et comme l’excès de leur joie les faisait douter encore de ce qu’ils voyaient, il leur demanda à manger, goûta du poisson et du miel, et leur partagea ce qui restait en leur rappelant que tout ce qui leur avait été prédit était ponctuellement arrivé. En même temps il leur ouvrit l’esprit pour qu’ils entendissent l’Écriture ; il leur recommanda de prêcher l’Évangile à tous les peuples, leur accorda le don des langues et des miracles, et le pouvoir de chasser les démons en son nom, et déclara que celui qui croirait et recevrait le baptême serait sauvé ; et que celui qui ne croirait pas serait condamné. Thomas Dydime, l’un des apôtres, n’étant pas avec eux lorsque Jésus les visita, il douta de la vérité de leur récit, et les assura qu’il n’y croirait pas s’il ne voyait lui-même les blessures que les clous lui avaient faites. Mais huit jours après comme ils se trouvaient tous dans le même lieu Jésus leur apparut de nouveau, et dit à Thomas : Portez votre doigt dans les trous que les clous de la croix ont faits à mes pieds et à mes mains, touchez aussi la blessure de mon côté, et, ne soyez point incrédule, mais fidèle. Thomas reconnut son Seigneur et son Dieu, et Jésus lui dit : Vous avez cru, Thomas, parce que vous avez vu : heureux ceux qui ont cru sans avoir vu !

Le fils de Dieu apparut encore différentes fois à ses disciples, et fit devant eux plusieurs miracles ; il déclara par trois fois à Pierre qu’il le chargerait du soin de paître ses agneaux et ses brebis ; enfin ayant conduit ses apôtres et ses disciples sur une montagne près de Béthanie, il leur renouvela ses ordres, ses dons et ses promesses, leva les mains au ciel, les bénit tous, et, en les bénissant, il se sépara d’eux et fut enlevé à leurs yeux vers le trône de son Père. Les disciples l’adorèrent et retournèrent comblé de joie à Jérusalem, où on les voyait sans cesse dans le temple, louant et bénissant Dieu.

Après l’ascension de Jésus, les apôtres voulurent choisir un disciple pour remplacer Judas, et le sort fit tomber leur choix sur Mathias. Quand les jours de là Pentecôte furent accomplis, les disciples étaient tous rassemblés dans un même lieu, on entendit tout à coup un grand bruit, comme celui d’un vent impétueux qui venait du ciel, et qui ébranla toute la maison ; en même temps ils virent paraître comme des langues de feu qui se partagèrent et s’arrêtèrent sur chacun d’eux. Aussitôt, ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et commencèrent à parler diverses langues, et à prononcer les paroles que leur dictait l’Esprit-Saint.

Le bruit de ce miracle se répandit bientôt dans la ville. Or, il y avait alors dans Jérusalem des Juifs religieux, craignant Dieu, et qui étaient venus de tous les pays qui sont sous le ciel. Ces Juifs étrangers se rassemblèrent en grand nombre : Parthes, Mèdes, Élamites, Asiatiques, Syriens, Arabes, Égyptiens, Crétois, Romains, tous furent saisis d’étonnement d’entendre ces apôtres galiléens parler leurs langues diverses. Quelques uns attribuaient cette merveille à l’ivresse ; mais Pierre alors, à la tête des apôtres, éleva la voix, et leur rappela que ce miracle, qui les étonnait, avait été prédit par le prophète Joël. Il profita de cette circonstance pour leur  retracer les merveilles de la mission, de la naissance, de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. Enfin il leur rappela tous les miracles dont ils avaient été témoins, et leur apprit que Dieu avait répandu sur eux le Saint-Esprit, et que c’était sa parole qu’ils entendaient ; afin que toute la maison d’Israël sût que ce Jésus, crucifié par les Juifs, était le Christ promis par Dieu et annoncé par les prophètes,.

Après cette première prédication qui convertit environ trois mille personnes, et les réunit par le baptême aux disciples de Jésus-Christ, les apôtres réglèrent la conduite qu’ils devaient tous tenir, ainsi que les disciples. Tous ceux qui croyaient étaient unis ensemble ; tout ce qu’ils possédaient était commun entre eux. Ils vendaient leurs terres et leurs biens pour les partager et les distribuer, selon le besoin de chaque famille ; ils suivaient tous la doctrine des apôtres dans la communion de la fraction du pain et dans les prières ; ils fréquentaient assidûment le temple et se faisaient aimer du peuple par la pureté de leur culte et la simplicité de leurs mœurs.

Les apôtres faisaient chaque jour de nouveaux prodiges, et le Seigneur augmentait sans cesse le nombre de ceux qui devaient être sauvés dans l’unité d’un même corps.

Les princes des prêtres étaient irrités du succès des apôtres. Anne et Caïphe firent arrêter saint Pierre et saint Jean ; mais le conseil n’osa les envoyer au supplice, malgré la hardiesse avec laquelle ils soutinrent devant lui la divinité de Jésus-Christ, sa doctrine et sa résurrection. Il se contenta, en les mettant en liberté, de leur défendre de prêcher à l’avenir.

Les apôtres n’en continuèrent pas moins à répandre la parole de Dieu. Ils furent de nouveau jetés dans une prison, d’où un ange les délivra. Ils commencèrent peu de temps après, pour établir la hiérarchie dans l’église, à choisir parmi les disciples sept diacres qui devaient les aider dans leur mission. Étienne, le premier qu’ils élurent, prêcha avec ferveur dans Jérusalem. La hardiesse de son langage et la vivacité de ses reproches excitèrent la colère des Juifs infidèles qui se jetèrent sur lui et le lapidèrent.

Depuis ce moment il s’éleva une grande persécution contre les fidèles, qui furent, à l’exception des apôtres, dispersés en divers endroits de la Judée et de Samarie. Le plus ardent de leurs persécuteurs était un Juif nommé Saul, citoyen romain[1], qui ne pensait pas alors être destiné à devenir une des principales colonnes de l’église chrétienne. Cette conversion ne tarda pas à arriver. Comme il approchait de Damas, chargé des ordres menaçants du grand-prêtre pour les synagogues de cette ville, il fut tout d’un coup environné et frappé, par une lumière du ciel. Renversé par terre, il entendit une voix qui lui disait : Saul ! Saul ! Pourquoi me persécutez-vous ? Il répondit : Qui êtes-vous Seigneur ? Et le Seigneur lui dit : Je suis Jésus que vous persécutez ; il vous est dur de regimber contre l’aiguillon. Alors, tout tremblant, il demanda à Dieu ce qu’il devait faire ; le Seigneur lui répondit : Levez-vous, entrez dans la ville, et on vous le dira. Saul se leva ; mais il était privé de la vue ; on le conduisit à Damas. Un disciple nommé Ananie vint le trouver, lui rendit la lumière et le baptisa. Saul alors prit le nom de Paul et commença à prêcher Jésus dans toutes les synagogues.

L’histoire des prédications des apôtres et des disciples, en Judée, à Rome, en Grèce, en Asie, leurs épîtres, leurs miracles et leurs martyres ne tiennent plus à l’histoire des juifs, et font partie de celle de l’établissement du christianisme, que nous retrouverons dans chaque nation, en suivant le cours de cette histoire générale : il suffira de dire ici que le premier concile des chrétiens, présidé par les apôtres, se tint peu de temps après à Jérusalem, que saint Paul, accusé par les prêtres, se justifia devant le roi Agrippa, mais qu’il fut renvoyé à Rome, parce qu’il en avait appelé à César.

Nous allons à présent reprendre le cours des événements qui se sont passés en Judée, depuis la mort d’Hérode le Grand, sous lequel Jésus-Christ était né, jusqu’à la prise de Jérusalem et à la destruction du temple, prédite par le Seigneur.

 

 

 



[1] Année 34 de Jésus-Christ.