HISTOIRE DES JUIFS

 

CHAPITRE SEIZIÈME.

 

Tobie (An du monde 3286. - Avant Jésus-Christ 718)

TOBIE était un Juif de la tribu de Nephtali. Sage dès son enfance, il ne tomba point comme ses compatriotes dans l’idolâtrie, et éleva son fils dans la crainte du Seigneur. Ses vertus ne le mirent pas à l’abri des maux qui fondirent sur Israël. Il fut emmené captif, avec sa femme et son fils par Salmanazar ; mais le roi par égard pour son mérite lui donna dix talents en argent, avec la liberté de s’établir dans ses états, partout où il le voudrait. Tobie, plus occupé du malheur de ses compatriotes que de sa fortune, prêta l’argent qu’il possédait à Juif nommé Gabélus. Salmanazar mourut ; Sennachérib, son successeur, haïssait les Juifs ; Tobie les protégeait. Sa charité lui attira le courroux du roi ; il fut obligé de se cacher pour éviter la mort. Dépouillé par la persécution, accablé par le poids de la vieillesse, privé de la vue ; il tomba dans l’excès du malheur et de la pauvreté, sans perdre son courage fondé sur une pieuse résignation. Se croyant près de mourir, il découvrit à son fils le prêt qu’il avait fait autrefois à Gabélus, et lui ordonna d’aller dans la ville de Ragès pour recouvrer cette somme. Le jeune Tobie rencontra dans sa route un ange sous la forme d’un voyageur, qui lui proposa de lui servir de guide, en lui disant qu’il connaissait Gabélus. Arrivés tous deux au bord du Tigre, un poisson énorme s’offrit à eux. L’ange le tua et dit à Tobie de le faire rôtir pour leur servir de nourriture, mais d’en mettre à part le foie, le cœur et le fiel. Tobie suivit l’instruction de son guide. Il arriva quelque temps après chez l’un de ses parents, nommé Raguel, qui l’accueilli avec amitié ; mais Tobie, par le conseil de son conducteur, ne voulut point profiter de  l’hospitalité qu’il lui offrait, avant d’avoir obtenu de lui sa fille Sara en mariage. Raguel le refusa d’abord craignant qu’il n’éprouvât le sort des sept maris que Sara avait eus successivement, et qui avaient tous été tués par le démon. Tobie rassuré par son guide à qui il devait déjà la vie insista ; Sara lui fut accordée. Il brûla le soir dans sa chambre le foie du poisson qu’il avait gardé. Ce conseil de l’ange eut un plein effet ; le démon s’enfuit et Raguel, qui croyait apprendre à tout moment la mort de son nouveau gendre, fut surpris de le trouver plein de joie et de santé.

Tandis que le jeune Tobie célébrait ses noces ; son conducteur se chargea d’aller redemander à Gabélus l’argent prêté, et il revint bientôt rapportant les dix talents. Le jeune Tobie, toujours sous la conduite de l’ange, quitta son beau-père, et, partit avec sa femme pour retourner son père chez lui.

Le saint homme Tobie, son père, pleurait son absence avec sa mère ; accablés tous deux de tristesse et d’infirmités, ils n’espéraient plus le retour de leur enfant et la fin de leurs maux, lorsque le jeune Tobie parut tout à coup, et leur rapporta la richesse, le bonheur et la santé. D’après l’avis de son guide, il frotta les yeux de son père avec le fiel du poisson, et le vieillard aussitôt recouvra la vue. Il voulut donner une partie de son argent au sage conducteur de son fils ; mais Raphaël se découvrit alors. Ils reconnurent l’envoyé du Seigneur, et rendirent hommage à Dieu qui avait ainsi récompensé leur piété, et fait cesser leur infortune.

Tobie termina sa carrière à l’âge de cent deux ans. Avant de mourir il composa un cantique en action de grâces, dans lequel il prédit, la ruine prochaine de Ninive et la gloire future de Jérusalem.