HISTOIRE DES JUIFS

 

CHAPITRE SEPTIÈME.

 

SAMUEL, DERNIER JUGE ; SAÜL, PREMIER ROI

Un homme de la ville de Romatha, nommé Elcana, s’était établi dans la tribu d’Éphraïm. Il avait deux femmes, Anne et Phénenna. La dernière eût des enfants ; Anne fut stérile. Dans ce temps la stérilité était un malheur humiliant. C’est peut-être à ce sentiment, à cette opinion, qu’on peut attribuer en partie le prompt accroissement et l’excessive population des anciennes nations.

Les larmes et les prières d’Anne touchèrent le Seigneur. Elle fit vœu, si elle avait un enfant, de le consacrer à Dieu, et promit que jamais rasoir ne passerait sur sa tête. Sa stérilité cessa ; elle mit au monde un fils qu’on appela Samuel[1]. Lorsqu’on l’eut sevré, elle prit avec elle des offrandes, et amena son fils à Silo, où était l’arche du Seigneur. Samuel fut consacre au culte de Dieu, et le servit avec les deux enfants du grand prêtre Héli. Les fils du pontife, loin d’être vertueux comme leur père, méprisaient la loi divine, exigeaient des présents du peuple, dérobaient une partie des offrandes, et séduisaient les femmes des Israélites.

L’enfant Samuel remplissait, avec zèle tous les devoirs de la religion ; il mérita ainsi la protection du ciel et l’amitié du grand prêtre qui bénit ses parents.

L’âge avait affaibli le caractère du grand prêtre Héli ; il blâmait la conduite de ses enfants, sans avoir la force de les punir. Un prophète vint lui reprocher sa faiblesse ; lui prédit que ses fils Ophni et Phinées mourraient tous deux en un même jour ; que sa race serait ruinée, réduite à la mendicité, et que le Seigneur, se choisissant un pontife fidèle, ferait passer le sacerdoce dans une autre famille. Accablé de douleurs et d’années, Héli devint aveugle. Une nuit, il était couché dans le temple près de l’arche de Dieu ; le jeune Samuel dormait près de lui. Le Seigneur appela Samuel[2]. Comme les visions et les prophéties étaient devenues rares dans ce temps Samuel crut qu’Héli l’appelait. La même voix s’étant fait entendre deux fois encore Héli reconnut la parole divine, et dit à Samuel : Si vous entendez encore le commandement, répondez ainsi : Parlez Seigneur, votre serviteur vous écoute ! Samuel s’était endormi, Dieu l’appela de nouveau. Samuel répondit comme le grand prêtre le lui avait ordonné. Le Seigneur alors lui dit : Je vais frapper d’étonnement tout Israël. J’exécuterai mes arrêts contre les enfants et d’Héli ; aucune victime n’expiera leurs iniquités. Samuel n’osait apprendre cette funeste prédiction à Héli ; mais celui-ci lui arracha son secret, et se résigna humblement à son malheur.

Samuel devint de jour en jour plus agréable à Dieu, dont l’esprit était avec lui. Tout Israël le reconnut pour le prophète du Seigneur.

Les éternels ennemis des Hébreux, les Philistins, ayant rassemblé toutes leurs forces, marchèrent contre Israël. Le peuple effrayé implora l’assistance divine, et on demanda qu’on fit de Silo l’arche d’alliance, pour la placer à la tête de l’armée. Ophni et Phinées la conduisirent dans le camp des Hébreux. La bataille eut lieu ; les Philistins remportèrent une victoire complète ; les Israélites y perdirent trente mille hommes. Les ennemis prirent l’arche de Dieu ; Ophni et Phinées furent tués : le grand prêtre Héli apprenant la prise de l’arche et la mort de ses enfants tomba de son siége à la renverse, de brisa la tête et mourût[3]. Il était presque centenaire, et avait jugé Israël pendant quarante ans.

Les Philistins, ayant pris l’arche, l’emmenèrent de la Pierre du Secours, où la bataille s’était donnée à Azoth, et la placèrent dans un temple auprès de la statue de Dagon leur dieu. Mais le jour suivant, ils trouvèrent l’idole de Dagon couchée à terre devant l’arche ; sa tête et ses deux mains coupées placées sur le seuil de la porte[4].

Au même moment,, tout le peuple philistin fut frappé d’une horrible plaie et d’ulcères qui le dévoraient. Désolés par cette calamité, ils envoyèrent l’arche dans d’autres villes ; mais voyant au bout de sept mois que le fléau ne cessait point et qu’une multitude innombrable de rats ravageaient leurs champs, ils consultèrent leurs prêtres ; ceux-ci leur conseillèrent de placer sur un chariot et cinq rats d’or et cinq autres offrandes en or qui rappelaient la vengeance du Seigneur. Ils mirent aussi sur ce chariot l’arche sainte[5], y attelèrent des bœufs, et la laissèrent partir sans guides, pour que la route qu’elle suivrait fît connaître clairement la volonté de Dieu.

L’arche, ainsi livrée aux animaux qui la conduisaient, sortit du pays des Philistins, entra sans se détourner dans celui d’Israël et s’arrêta à Bethsabée, dans le champ d’un homme appelé Josué. Les Philistins, retournèrent alors à Ascalon.

Les Bethsamites sacrifièrent en holocauste les animaux qui l’avaient conduite ; mais, s’étant approchés avec trop peu de respect de cette arche, et ayant osé la regarder, le Seigneur, pour les punir, fit périr soixante-dix des principaux de la ville, et cinquante mille hommes du petit peuple. On conduisit l’arche ensuite à Gabaa, dans la maison d’Abinadab, au pays de Cariathiarim ; Éléazar son fils,  fut consacré, et commis à sa garde. L’arche était depuis vingt ans dans cet endroit, lors que Samuel persuada à tout le peuple d’Israël d’expier ses fautes par un repentir sincère, et de quitter le culte des dieux étrangers pour revenir à celui du Seigneur.

Les enfants d’Israël renversèrent les idoles de Baal et d’Astaroth ; ils se rassemblèrent ensuite à Masphath, où ils jeûnèrent et présentèrent leurs offrandes à Dieu. Les Philistins troublèrent cette assemblée par une attaque imprévue. Les Hébreux demandèrent à Samuel de sacrifier un agneau, et d’adresser des prières  au Seigneur, pendant qu’ils combattraient. Le combat commença ; les vœux du prophète furent exaucés. Le Seigneur lança son tonnerre, avec un bruit épouvantable, sur les Philistins : les Israélites les taillèrent en pièces, et les poursuivirent jusqu’à Béthébar. Ils se virent obligés de faire la paix, et de rendre à Israël toutes les villes et les terres qu’ils avaient prises depuis Accaron jusqu’à Geth. Samuel s’établit ensuite à Ramatha ; il y établit un autel, jugea le peuple et le gouverna.

Samuel, devenu vieux, chargea ses fils Joël et Abia d’exercer les fonctions de juges dans Bethsabée[6] ; mais ils ne marchèrent pas dans ses voies. Ils se laissèrent corrompre par l’avarice, et tombèrent dans l’iniquité.

Cette instabilité, dans le gouvernement des juges, les malheurs d’une longue anarchie, l’affaiblissement du respect qu’on devait aux lois de Moïse portèrent les anciens d’Israël à renoncer à cette forme de gouvernement à la foi théocratique et républicain qui les avait régis jusqu’alors.

Ils s’assemblèrent et demandèrent à Samuel : Vous voilà devenu vieux ; vos enfants ne suivent ni vos leçons ni vos exemples ; établissez donc sur nous un roi comme en ont toutes les nations, afin qu’il nous juge, et qu’il nous gouverne.

Samuel surprit et irrité de cette proposition, consulta Dieu, qui leur répondit : Écoutez la voix de ce peuple, car ce n’est point vous, mais c’est moi qu’il rejette. Depuis que je l’ai tiré de l’Égypte il a toujours été indocile. Il m’a abandonné pour des dieux étrangers, il vous traite de même. Protestez en mon nom contre son vœu, mais accomplissez-le, et déclarez-lui quels sont les droits du roi qui doit régner sur lui.

Samuel exécuta les ordres du Seigneur, et prévint le peuple que, s’il avait un roi, celui-ci prendrait à son gré les enfants d’Israël pour labourer ses champs, construire et conduire ses chariots, et pour le servir : qu’il les emploierait selon ses volontés à la guerre ; qu’il prendrait la meilleure partie de leurs récoltes, et la dîme de leurs revenus pour payer sa dépense et celle de sa maison ; qu’enfin ils dépendraient absolument de lui, et que, s’ils adressaient leurs plaintes au Seigneur, ces plaintes ne seraient point écoutées, puisqu’ils avaient voulu quitter le gouvernement de Dieu pour celui d’un homme.

Les anciens persistaient dans leurs volontés, en disant : Nous voulons être comme les autres peuples, et avoir un roi qui nous juge et combattre à notre tête dans toutes nos guerres. Le Seigneur, informé de cette réponse dit à Samuel : Faites ce qu’ils demandent, et donnez-leur un roi.

Il existait alors dans la tribu de Benjamin un homme puissant nommé Cis. Son fils qu’on appelait Saül était le plus grand, et le plus beau des enfants d’Israël. Les ânesses de Cis s’étant perdues, Saül courut tout le pays de Salim et de Jemini sans pouvoir les rencontrer. Il voulait retourner chez lui mais son serviteur lui dit : Nous sommes près de la demeure d’un voyant (c’est ainsi qu’on nommait les prophètes), portons lui ce quart de sicle d’argent que j’ai sur moi, et il vous donnera des nouvelles de ce que vous avez perdu. En approchant de la maison de Samuel, Saül le rencontra, et lui ayant demandé où est le voyant, Samuel répondit : C’est moi qui le suit. Venez sur les hauts lieux, je vous dirai tout ce que vous pensez. Ne soyez point inquiet de votre troupeau, il est retrouvé. A qui appartiendrait ce qu’il y a de mieux dans Israël, si ce n’est à vous et à votre père ? Saül surpris lui demanda pourquoi il adressait de telles paroles à l’homme le plus obscur de la plus petite tribu des Hébreux. Le prophète ne répondit rien : il l’emmena sur les hauts lieux où il avait ordonné un grand festin. Saül y fut assis à la place d’honneur, et les mets les plus distingués lui furent servis[7]. Le même jour il coucha dans la maison de Samuel ; et le lendemain ils sortirent ensemble de la ville.

Le prophète ordonna à Saül d’éloigner son serviteur. Demeurés seuls, Samuel répandit sur sa tête une petite fiole d’huile, l’embrassa, et lui dit : Le Seigneur, par cette onction, vous sacre comme prince de son héritage, et vous délivrerez son peuple des ennemis qui l’environnent. Voici les preuves de la vérité de ce que je vous annonce. Vous allez me quitter ; vous  trouverez près du sépulcre de Rachel deux hommes qui vous apprendront que votre troupeau est retrouvé. Vous en verrez trois autres au chêne de Thabor qui vous offriront des présents ; vous rencontrerez ensuite à la colline de Dieu, qui est occupée par des Philistins, une troupe de prophètes avec lesquels vous prophétiserez, l’esprit du Seigneur se saisira de vous et vous serez changé en un autre homme. Vous m’attendrez ensuite sept jours à Galgala ; je vous y rejoindrai, et nous offrirons ensemble des victimes pacifiques au Seigneur. Tout ce qu’avait prédit Samuel s’accomplit et toute la contrée fut saisie d’étonnement en voyant Saül animé de l’esprit des prophètes.

Samuel fit ensuite assembler le peuple à Maspha, et, après lui avoir renouvelé ses représentations et ses reproches, il ordonna aux enfants d’Israël de se présenter devant l’autel, chacun dans le rang de sa tribu et de sa famille. On procéda au choix du roi. Le sort, jeté sur toutes les tribus, tomba sur celle de Benjamin ; ensuite, dans cette tribu, sur la famille de Métoy, et enfin sur la personne de Saül, fils de Cis. Il était absent : on l’amena devant le peuple ; il fut proclamé; et après avoir dissous l’assemblée, il retourna chez lui à Gabaa, accompagné seulement de la partie fidèle de l’armée, car les idolâtres, dont Dieu n’avait pas touché le cœur, ne reconnu pas le nouveau roi, et le méprisèrent.

Peu de temps après cet événement, les Ammonites attaquèrent le pays de Galaad. Saül coupa deux bœufs en morceaux, qu’il envoya dans toutes les terres d’Israël, en annonçant que les troupeaux de ceux qui ne prendraient pas les armes seraient ainsi taillés en pièces. Le peuple s’arma ; et Saül se trouva à Berech à la tête de trois cent mille hommes. Il marcha ensuite contre les Ammonites, les défit et les mit en pleine déroute. Le peuple enthousiasmé voulait que Saül fit mourir tous ceux qui n’avaient pas voulu le reconnaître ; mais le roi leur pardonna. Il revint à Galgala. Son élection y fut renouvelée ; on y célébra ses victoires par de grands sacrifices et de grandes réjouissances. Samuel, avant que le peuple se séparât de lui, lui demanda s’il avait quelque chose à lui reprocher pendant qu’il avait gouverné. Personne n’ayant élevé la voix contre lui, il rappela aux Hébreux les bienfaits de Dieu et leur ingratitude ; il leur annonça que, s’ils persévéraient dans le mal, ils périraient tous ainsi que leur roi. Pour leur prouver qu’il parlait au nom du Seigneur, il opéra un prodige, en faisant éclater le tonnerre et tombe une grande pluie.

La guerre se renouvela bientôt entre Israël et les Philistins. Le roi, ayant attendu vainement sept jours le prophète, fit tout seul un sacrifice à Dieu. Samuel arriva, lui reprocha cette faute, et lui annonça, la fin prochaine de son règne.

L’armée des Hébreux s’approcha de celle des Philistins. Jonathas, fils de Saül, rempli d’une ardeur héroïque, et soutenu par sa confiance dans le Seigneur, entra seul, avec  son écuyer, dans le camp des Philistins[8], en tua un grand nombre, et y répandît une telle frayeur, qu’ils s’entretuaient. Saül, informé de ce tumulte dont il ignorait la cause, et qui n’avait pu réunir encore que dix mille hommes, marcha, contre les ennemis, dévouant à la colère céleste et maudissant celui qui mangerait avant le soir, et jusqu’à ce qu’il se fût vengé des Philistins.

La victoire se décida pour Israël ; les ennemis furent poursuivis jusqu’à Ailon, et le butin fut immense. Le peuple se jetant sur les bœufs qu’il avait pris, les mangea. Jonathas seul n’avait goûté qu’un peu de miel. Saül, voulant poursuivre les Philistins, consulta le Seigneur. N’ayant pu obtenir de réponse, il jugea qu’on avait enfreint sa défense, et jura que le coupable mourrait, quand même ce serait Jonathas son fils. Ce jeune prince avoua qu’il avait pris, au bout d’une baguette un peu de miel : Saül ordonna sa mort, mais le peuple s’y opposa et le délivra.

Après cette guerre Saül, affermi sur le trône, combattit contre les rois de Moab, d’Ammon, d’Édon et de Saba ; partout il fut victorieux. Abner commandait ses armées sous lui, et il s’entourait des plus vaillants hommes d’Israël.

Samuel, d’après les ordres du Seigneur, dit à Saül d’attaquer les Amalécites, et d’exterminer tout ce peuple sans excepter les femmes, les vieillards, les enfants, ni les troupeaux. La victoire suivit les armes de Saül ; les Amalécites furent battus et égorgés[9] ; mais Saül épargna Agag, roi d’Amalec, et se réserva tout ce qu’il y avait de meilleur dans ses troupeaux. Le prophète, irrité, colère et organe de la colère du Seigneur, dit au roi : Vous avez désobéi à Dieu, qui vous a tiré du peuple pour vous élever sur le trône ; votre désobéissance est un crime égal à l’idolâtrie. Le Seigneur vous rejette, et ne veut plus que vous soyez roi. Saül tenta en vain de fléchir Dieu et son prophète. Samuel se fit amener le roi Agag à Galgala, le coupa en morceaux auprès de l’autel et se sépara de Saül, qu’il ne revit plus. Il pleurait cependant son malheur, dit l’Ecriture, mais sans espoir de le réconcilier avec Dieu.

Samuel reçut de nouveaux ordres du Seigneur. Il appela Isaïe au festin du sacrifice ; et Dieu ayant désigné le plus jeune de ses enfants, nommé David, le prophète le sacra avec l’huile sainte, en présence de ses frères. Depuis ce moment, Saül se sentit agité du malin esprit, et la protection du Seigneur fut toujours avec David. Les officiers du roi, pour calmer ses accès de mélancolie et de fureur, lui conseillèrent de faire venir quelqu’un qui jouât de la harpe dans les moments où l’esprit malin l’agitait. On lui indiqua le fils d’Isaïe, qu’on lui représenta comme un jeune homme distingué, d’une figure agréable, sage dans ses paroles, fait pour la guerre, et qu’on disait favorisé du Seigneur. Saül le fit venir, en fut content, le garda près de sa personne, et le nomma son écuyer.

Toutes les fois que le roi tombait dans sa mélancolie, David prenait sa harpe, en jouait ; l’esprit malin se retirait, et  Saül était soulagé[10].

Une nouvelle guerre éclata bientôt entre les Philistins et Israël. Les ennemis s’emparèrent d’une montagne de la tribu de Juda, près d’Arem. Saül campa près d’eux, dans la vallée de Térébinthe.       

Il existait parmi les Philistins un homme de Geth, nommé Goliath. Il avait six coudées et une palme de haut. Le géant, couvert d’un casque d’airain, revêtu d’une cuirasse qui pesait cinq mille sicles d’airain, armé d’une lance dont le fer en pesait six cents, se présenta devant les bataillons d’Israël, et les défia, en criant : Qu’un seul d’entre vous vienne combattre contre moi. S’il m’ôte la vie, nous serons esclaves ; si je le tue, vous nous serez assujettis.

Saül et toute son armée demeuraient saisis de frayeur à l’aspect de Goliath. Il se présenta pendant quarante jours, tous les matins, sur le champ de bataille, sans qu’aucun adversaire osât se montrer devant lui. Sur ces entrefaites, le jeune David, envoyé par son père, arriva dans le camp des Hébreux pour savoir des nouvelles de ses frères. Il entendit les insultes de Goliath, et demanda quelle récompense aurait celui qui tuerait ce formidable ennemi. On lui répondit que le roi lui donnerait sa fille en mariage. David alors offrit à Saül de combattre le géant. Le roi, ayant pitié de sa jeunesse chercha à l’en détourner. David lui dit qu’il avait déjà tué un lion et un ours qui attaquaient les troupeaux de son père, et lui promit de vaincre ce Philistin incirconcis, qui osait maudire l’armée du Dieu vivant.

David voulut se couvrir d’un casque et d’une cuirasse ; mais comme le poids des armes, auquel il n’était pas accoutumé, le gênait, il marcha contre Goliath, armé seulement d’un bâton et d’une fronde. Goliath, méprisant sa faiblesse, l’accabla d’insultes ; mais David, lui annonça qu’il combattait au nom du Seigneur, qu’il lui trancherait là tête, et livrerait les cadavres des Philistins aux oiseaux de proie, pour prouver à toute la terre la force du Dieu d’Israël.

Après toutes ces provocations, le combat commença. Une pierre lancée par David s’enfonça dans le front du géant qui tomba à la renverse, David se saisit de son épée, lui coupa la tête ; et les Philistins, frappés de terreur prirent la fuite[11]. Les Israélites les poursuivirent et en firent un grand carnage.

David ayant présenté la tête de Goliath au roi, celui-ci ne voulut plus qu’il le quittât et Jonathas, fils de Saül, s’attacha à David par les liens d’une étroite amitié, l’habillant de ses propres habits et le couvrant de ses armes.

David était aussi modeste que brave ; mais ne put empêcher l’enthousiasme du peuple d’éclater. Les femmes d’Israël répétaient .une chanson dont le refrain disait : Saül a tué mille Philistins, et David dix mille. Ces paroles excitèrent la jalousie du roi, qui, depuis ce jour, ne le regarda plus de bon œil. Dans un de ses accès même il voulut le tuer. David, s’étant sauvé, fut chargé par lui d’une expédition périlleuse dont il se tira avec gloire.

Le roi lui avait promis sa fille Mérob en mariage ; il lui manqua de parole, et la donna à l’un de ses officiers nommé Hadriel. Pour le consoler de cette disgrâce, il jura de lui donner sa seconde fille Michol, à condition qu’il tuerait cent Philistins. David en tua deux cents, en rapporta les dépouilles, et après cette victoire il épousa la fille du roi.

David remporta de nouveaux avantages : Saül en devint jaloux et donna ordre de le tuer ; mais Jonathas parla avec tant de chaleur de son innocence et de son dévouement qu’il le réconcilia avec le roi.

Cette réconciliation dura peu. Un jour que David jouait de la harpe pour calmer la mélancolie de Saül, celui-ci voulut le percer avec sa lance ; il s’échappa ; le roi envoya ses gardes pour lui arracher la vie ; mais Michol sa femme le descendit par une fenêtre et le sauva. On le poursuivit ; une troupe de prophètes s’opposa au projet de ceux qui cherchaient à l’atteindre.

David s’étant caché, Jonathas, qui avait promis de l’informer s’il pouvait reparaître à la cour au festin du premier jour du mois pour y remplir les devoirs de sa charge, lança des flèches au-delà du lieu où il s’était réfugié, et l’avertit par ce moyen que sa mort était résolue, et qu’il devait s’éloigner.

David se retira d’abord près du grand-prêtre Achimélec. Il prit l’épée de Goliath dans le tabernacle, se réfugia chez le roi de Geth qui refusa de le garder, et de là chez le roi Moab. Il en sortit bientôt, et alla se cacher dans la fôret de Hareth. Saül, furieux, fit tuer Achimélec et quatre-vingt-cinq prêtres pour avoir dérobé David à ses coups. Sur ces entrefaites les Philistins ayant attaqué les Juifs, David sortit de sa retraite, rassembla ses troupes, battit les ennemis, et délivra la ville de Ceïla.

Le roi, loin de récompenser ce service, voulut le prendre dans cette ville ; David se sauva dans le désert, où Jonathas son ami le rejoignit. Le roi l’y poursuivit et, pendant sa marche, étant entré par hasard dans une caverne, les gens de David cherchèrent à le tuer. Mais David le défendit contre leur violence, et lui prouva son respect et son dévouement. Saül touché de cette générosité, lui dit : Mon fils David, vous êtes plus juste que moi. Le Seigneur m’avait livré entre vos mains, et vous m’avez conservé la vie ; que Dieu vous en récompense ! Vous régnerez certainement ; vous posséderez le royaume d’Israël : jurez-moi que vous ne détruirez pas ma race ? David, le jura et ils se séparèrent.

Ce fut dans ce temps que Samuel mourut. Tout Israël le pleura, et il fut enterré à Ramatha[12].

David, dans le désert de Maon, demanda à un homme riche, nommé Nabal, quelques vivres pour lui et sa troupe. Nabal le refusa durement. David voulut se venger ; mais Abigaïl femme de Nabal, l’apaisa par ses présents. Nabal mourut quelque temps après, et David épousa sa veuve.

La haine de Saül contre David s’étant rallumée, il lui enleva sa femme Michol et la maria à Phalté. A la tête de trois mille hommes il marcha contre David, et campa près du désert sur la colline d’Achilla. David, ayant reconnu sa position, se fit accompagner d’Abisaï, se glissa dans le camp de Saül, pénétra dans la tente où il était couché ; mais, au lieu de tuer le roi, comme il le pouvait, il se contenta de prendre et d’emporter sa lance et sa coupe qui étaient à son chevet. Sorti du camp, il appela à haute voix le général Abner, lui montra ses trophées, et lui reprocha d’avoir, si mal gardé son roi. Saül avait reconnu la voix de David ; il l’appela. Celui-ci se plaignit de ses injustes persécutions. Le roi, désarmé, par sa douceur, s’éloigna et le laissa en liberté.

David se retira de nouveau chez le roide Geth, qui lui donna une ville d’où il sortit plus d’une fois avec ses troupes pour combattre et vaincre les Amalécites.

Les Philistins ayant déclaré de nouveau la guerre à Saül, le roi, privé des conseils de Samuel, voulut consulté à Endor une pythonisse célèbre. Il se déguisa ; vint chez elle et lui demanda d’évoquer l’ombre de Samuel. Cette ombre parût. Saül la salua avec respect. L’ombre lui dit : Pourquoi avez-vous troublé mon repos ? Le roi répondit : Les Philistins me font la guerre. Dieu s’est retiré de moi. Je voudrais apprendre de vous ce que je dois faire. Samuel alors lui parla en ces termes : Pourquoi vous adressez-vous à moi, puisque le Seigneur vous a abandonné et protège votre rival ? Vous avez désobéi à Dieu : il déchirera votre royaume, l’arrachera de vos mains, et le donnera à David votre gendre. Demain le Seigneur livrera Israël et vous aux Philistins ; demain vous et vos fils serez avec moi. L’ombre disparut, et Saül tomba sur la terre privé de sentiment.

David, attaché au roi de Geth, s’était vu forcé de le suivre dans le camp des Philistins ; mais, comme il devenait suspect au chef de cette nation, il obtint la permission de quitter l’armée. Bientôt il apprit que les Amalécites s’étaient emparés de sa ville, et avaient emmené sa femme captive. Il marcha sur eux, les surprit dans la débauche, les tailla en pièces, et recouvra tout ce qu’il avait perdu. Pendant ce temps la bataille se donna entre Saül et les Philistins[13]. Les Israélites  furent mis en fuite. Jonathas et deux autres fils de Saül périrent. Le roi entouré et blessé dangereusement, se jeta sur son épée et expira.

Un Amalécite, soldat de Saül, courut porter cette nouvelle à David, et lui présenta le diadème et les bracelets du roi, en se vantant de lui avoir ôté la vie. David, loin de lui donner la récompense qu’il espérait, le fit tuer ; pleura son ami Jonathas et même Saül, et composa, pour célébrer la gloire de ces deux princes une complainte éloquente qui s’est conservée jusqu’à nos jours.

 

 

 



[1] An du monde 2848. — Avant Jésus-Christ 1156.

[2] An du monde 2861. — Avant Jésus-Christ 1143.

[3] An du monde 2878. — Avant Jésus-Christ 1126.

[4] An du monde 2878. — Avant Jésus-Christ 1126.

[5] An du monde 2878. — Avant Jésus-Christ 1126.

[6] An du monde 2909. — Avant Jésus-Christ 1095.

[7] An du monde 2909. — Avant Jésus-Christ 1095.

[8] An du monde 2911. — Avant Jésus-Christ 1093.

[9] An du monde 2930. — Avant Jésus-Christ 1074.

[10] An du monde 2934. — Avant Jésus-Christ 1070.

[11] An du monde 2942. — Avant Jésus-Christ 1062.

[12] An du monde 2947. — Avant Jésus-Christ 1057.

[13] An du monde 2949. — Avant Jésus-Christ 1055.