HISTOIRE DES JUIFS

 

CHAPITRE CINQUIÈME

 

 

MOÏSE (An du monde 3433. — Avant Jésus-Christ 1571)

Les Hébreux s’étant excessivement multipliés en peu d’années, les Égyptiens en devinrent jaloux, et craignirent à la fois et leur force et leur fuite. Un nouveau monarque était monté sur le trône d’Égypte ; il n’avait point pour les Israélites les mêmes sentiments que son prédécesseur. Prévoyant qu’une nouvelle nation, formée dans ses états, pourrait y dominer, ne voulant pas non plus, en la bannissant, se priver de cet accroissement de population et d’industrie, il conçut le barbare et chimérique projet de les empêcher de se multiplier davantage. Il les traita en esclaves, les condamna aux plus rudes travaux, les força à bâtir deux villes, et les employa à la construction de ces prodigieux monuments qui attestent la puissance des rois d’Égypte et la servitude de leurs sujets.

Le roi, trompé dans ses espérances, vit la population des Hébreux s’accroître encore malgré le poids de la fatigue et du malheur ; il se décida à prendre les moyens les plus cruels pour parvenir à son but.

Pharaon (c’était le nom qu’on donnait à tous les rois d’Égypte) ordonna aux sages-femmes Israélites de faire périr les enfants mâles qui naîtraient d’elles ; cet ordre ne fut pas exécuté. Les sages-femmes aimèrent mieux obéir à la nature et à Dieu qu’à la tyrannie. Le roi, irrité, ordonna que tous les enfants hébreux mâles seraient jetés dans le Nil. Cette volonté cruelle eut un plein effet. Toute cette génération naissante périt.

Une seule femme, de la race de Lévi, hésita longtemps à sacrifier son fils ; elle le cacha et le conserva trois mois. Enfin dénoncée, menacée, effrayée, elle se décida à exposez cet enfant sur le bord du Nil, dans un panier de jonc ; et, par son ordre, sa sœur se tint sur la rive du fleuve pour voir quel serait le sort de cette malheureuse victime.

Dieu, qui préparait une grande destinée à cet enfant, voulut qu’au même moment la fille de Pharaon arriva dans ce lieu pour se baigner. Voyant une corbeille flotter sur les eaux, elle se la fit apporter. Touchée de la beauté de cette innocente créature, la princesse résolut de la sauver ; elle ordonna à ses femmes de lui chercher une nourrice israélite. La mère avertie accourut promptement, et reçut ainsi l’ordre de nourrir son propre enfant que la princesse nomma Moïse, c’est-à-dire sauvé des eaux.

Lorsqu’il fut sevré, la fille de Pharaon le prit dans son palais, et le fit élever par des prêtres égyptiens.

Moïse, devenu grand, s’indignait du malheur de ses compatriotes. Un jour qu’il vit un Hébreu maltraité par un Égyptien, il ne put contenir sa fureur ; il combattit et tua cet Égyptien. Mais, apprenant que ce meurtre était découvert, il sortit du palais de Pharaon, quitta l’Égypte, et chercha un asile, dans le pays de Madian. Là il secourut et vengea les filles de Jéthro, que les Arabes insultaient. Il fut récompensé de cette action généreuse et, devint l’époux de Séphora, l’une d’elles.

Toujours occupé du malheur des Hébreux, il apprit bientôt par Dieu même qu’il était destiné à terminer leur captivité. Le Seigneur lui apparut au milieu d’un buisson ardent[1], et lui ordonna de retourner en Égypte, d’annoncer à ses frères leur délivrance et de leur dire qu’il les conduirait dans la terre de Chanaan, dont la possession avait été promise à Abraham, Isaac et Jacob. Lui et les enfants d’Israël devaient, selon l’ordre de Dieu, déclarer à Pharaon que le Seigneur ordonnait au peuple hébreu de se rendre à trois journées de chemin, dans le désert, pour lui faire un sacrifice sur la montagne d’Horeb.

Moïse, effrayé de la vue de Dieu, et se croyant peu propre à remplir une si grande mission, se défendit quelque temps de l’accepter, alléguant son incapacité et l’impossibilité de prouver à Pharaon qu’il parlait au nom du Seigneur. Dieu le rassura, en lui rappelant que c’était de lui que venait toute lumière, toute parole et toute sagesse. Il lui dit que, si Pharaon était incrédule, il le frapperait par des prodiges, et épouvanterait l’Égypte par les plaies qu’il répandrait sur elle. Pour prouver à Moïse qu’il lui accordait effectivement le don des miracles, il lui fit changer en serpent la verge qu’il tenait dans sa main ; et cette même main fut couverte de lèpre et guérie à l’instant. Enfin, pour le délivrer de toute inquiétude, Dieu lui adjoignit son frère Aaron. Moïse exécuta promptement les ordres de Dieu et retourna en Égypte, accompagné de sa famille.

Étant parti de Madian avec les siens, et Aaron, son frère, venu au-devant de lui ainsi que Dieu le lui avait prédit, il fut au moment, pendant son voyage, de perdre son fils aîné. Le Seigneur voulait le lui enlever, pour avoir négligé de lie faire circoncire, suivant l’usage prescrit aux Israélites ; mais Séphora circoncit son enfant et le sauva par cet acte d’obéissance.

Lorsque Moïse fut arrivé en Égypte, il rassembla les anciens d’Israël, et leur dit : Dieu m’a fait connaître sa volonté en ces termes : Je suis celui qui est le Seigneur, le dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. J’ai résolu de délier mon peuple et de  le conduire dans la terre de Chanaan, que je lui ai promise. Il possédera cette terre, où ses pères n’ont habité qu’en voyageurs. Le peuple d’Israël demandera aux Égyptiens des vases, des joyaux, des habits, de l’or et de l’argent. Les Égyptiens le laisseront aller, et il emportera ainsi les dépouilles de l’Égypte. Vous irez avec Aaron trouver le roi Pharaon : vous lui direz que je veux que mon peuple vienne à trois journées dams le désert pour me faire un sacrifice. Pharaon ne le permettra pas : son cœur s’endurcira : mais je frapperait le roi et les Égyptiens par des prodiges et par des plaies ; et Pharaon sera forcé de laisser partir mon peuple d’Égypte.

Ce que le prophète annonçait ne tarda pas à s’accomplir. Loin de consentir à la demande du peuple d’Israël, Pharaon l’accabla de nouvelles rigueurs. Il exigea de lui les mêmes travaux et la même célérité, et défendit en même temps qu’on lui fournît les matériaux nécessaires. Le désespoir s’empara du peuple d’Israël. Moïse, lui-même, se sentit découragé, Dieu lui apparut de nouveau ; et, d’après ses ordres, Moïse et Aaron se rendirent près du roi, et lui renouvelèrent leurs demandes au nom du Dieu d’Israël. Le monarque incrédule ne voulut ni reconnaître l’existence du Seigneur ni croire aux menaces de Moïse. Aaron ayant changé en sa présence sa verge en serpent, les magiciens de Pharaon imitèrent ce prodige. Moïse ayant ensuite transformé en sang toutes les eaux des fleuves et des ruisseaux d’Égypte, le même miracle fut encore opéré par les magiciens du roi, qui persista dans ses refus et son incrédulité.

Alors, Moïse frappa successivement l’Égypte de différentes plaies. Cette contrée fut d’abord couverte de grenouilles, ensuite de moucherons et de mouches, qui répandaient l’infection partout[2]. Peu après, il fit périr tous les troupeaux des Égyptiens. Leurs arbres et leurs moissons furent détruits par une grêle épouvantable. Tous les habitants et les animaux se virent remplis d’ulcères. Les champs furent ravagés par des nuées de sauterelles, et d’épaisses ténèbres couvrirent toute la contrée. Les lieux habités par les Israélites étaient seuls à l’abri de ces différents fléaux.

Chacune de ces plaies frappait de terreur le monarque qui demandait grâce à Moïse, et le priant de la faire cesser, en lui promettant la liberté d’Israël. Mais il retombait, bientôt dans son endurcissement, rétractait ses promesses, et ne voulait consentir à laisser sortir d’Égypte qu’une partie des Hébreux.

Enfin le Seigneur manifesta son courroux et sa puissance en frappant l’Égypte d’une dernière plaie, la plus terrible de toutes. Interprète de la volonté divine, Moïse dit aux Israélites : Le Seigneur va frapper de mort les premiers nés de tous les Égyptiens. Cette époque sera celle de votre délivrance et ce mois-ci deviendra dorénavant le premier de l’année pour vous. Demandez aux Égyptiens des habits, des bijoux, ils vous les donneront. Chacun de vous doit tuer, le dixième de ce mois, un agneau sans tache d’un an, ou un chevreau du même âge, pour sa famille et pour sa maison, il doit arroser du sang de cet animal le haut des portes et des poteaux de son logis. Vous préparerez tous aussi du pain sans levain. Le soir du quatorzième jour, vous mangerez en entier ces pains et ces agneaux, étant débout, les reins ceints, et un bâton à la main. Dans l’avenir, à la même époque, cette solennité aura lieu tous les ans pour consacrer le souvenir des bienfaits du Seigneur, de votre délivrance et de votre sortie d’Égypte. Cette même nuit le Seigneur passera dans le pays ; il épargnera toutes les maisons arrosées du sang de l’agneau ; et frappée toutes celles qui ne porteront pas ce signe de sa protection.

Les Israélites se conformèrent aux ordres de Moïse ; et, la nuit du quatorzième jour, tous les premiers nés des Égyptiens, depuis le fils du roi jusqu’à celui du plus pauvre pâtre, furent frappés de mort.

Toute l’Égypte jeta un cri de douleur : Pharaon, consterné, appela Moïse et Aaron ides conjura de prier le Seigneur pour lui, et permit au peuple d’Israël d’aller dans le désert[3].

Ce fut ainsi que les Israélites, au nombre de six cent mille hommes de pied, sans les enfants,sortirent d’Égypte, sous la conduite des deux prophètes, avec leurs serviteurs, leurs biens, leurs troupeaux, et emportant, comme il leur avait été prédit, tous les riches présents obtenus des Égyptiens. Moïse était alors âgé de quatre-vingts ans. Les voyages du peuple hébreu dans le pays de Chanaan et sa captivité avaient duré l’espace de quatre cent trente années.

Moïse, selon les ordres de Dieu, ne conduisit point son peuple directement dans le pays des Philistins, parce qu’il craignait qu’au sortir d’un si long esclavage, les guerres sanglantes qu’il aurait à soutenir ne lui fissent perdre le courage, méconnaître le Seigneur, et regretter l’humiliante tranquillité de sa servitude. Il résolut de leur faire traverser le désert et de les y tenir assez longtemps pour les former à l’indépendance, pour les affermir dans le vrai culte, et pour les accoutumer à la législation qu’il leur voulait donner. Il marcha, en conséquence, de Ramsez à Socoth et de là sur les bords de la mer Rouge, portant avec lui les os de Joseph, selon la promesse qui en avait été faite à ce patriarche. L’armée était précédée le jour par une colonie de nuées, et la nuit par une colonne de feu, Dieu voulant ainsi guider les Hébreux, pour dissiper leur frayeur et les rendre dociles aux ordres de son prophète.

Moïse leur ordonna de manger, pendant sept jours, les pains sans levain qu’ils avaient préparés et les agneaux qu’ils avaient tués, sans en rien laisser. Il leur défendit d’admettre à ce repas, nommé depuis la Pâque, aucun étranger, à moins qu’il ne se fit circoncire ; et il leur ordonna de consacrer à Dieu tous les premiers nés, des hommes et des animaux, pour conserver à jamais la mémoire des miracles faits pour terminer leur captivité. Depuis ce temps cette consécration a toujours eu lieu, et les Hébreux ont toujours été obligés de racheter leurs premiers nés et ceux des animaux qu’ils voulaient garder.

Après le départ des Israélites, Pharaon se repentit de leur avoir rendu la liberté. Furieux de perdre un si grand nombre d’ouvriers et d’esclaves, il rassembla tous ses soldats et ses chariots de guerre et poursuivit lui-même les hébreux à la tête de son armée.

Dès que les Israélites aperçurent ces troupes, ils éclatèrent en plaintes contre Moïse lui demandant s’il n’y avait pas assez de sépulcres pour eux en Égypte ; et pourquoi il les avait emmenés si loin pour les faire tous périr le même jour. Moïse les rassura en leur promettant de nouveaux miracles. La colonne de nuées qui les précédait se plaça derrière eux, entre Israël et Pharaon : elle était obscure du côté des Égyptiens, et lumineuse du côté des Hébreux. Moïse, ayant pris les ordres du Seigneur, étendit sa verge sur la mer Rouge, qui s’ouvrit : les eaux se séparèrent et tout le peuple d’Israël traversa la mer à pied sec, entre ses eaux, comme entre deux murailles[4].

Lorsque l’armée israélite fut sur l’autre rive, elle vit l’armée égyptienne qui la suivait par ce même chemin ouvert pour elle au milieu des eaux. Mais Moïse ayant étendu une seconde fois sa verge sur la mer, les vagues se précipitèrent avec furie les unes sur les autres et l’armée entière des Égyptiens s’engloutit dans les flots avec son monarque.

Moïse célébra cette victoire par un cantique que Marie, sa sœur, et les femmes israélites chantaient en dansant au son des instruments. Quelques phrases suffiront ici pour donner une juste idée de l’esprit de ce temps, et de la poésie de Moïse : Chantons des hymnes au Seigneur, parce qu’il a fait éclater sa grandeur et sa gloire, et qu’il a précipité dans la mer le cheval et le cavalier. Le Seigneur est ma force et le sujet de mes louanges, parce qu’il est devenu mon sauveur : c’est lui qui est mon Dieu et je publierai sa gloire. Il est le Dieu de mon père, et je révélerai sa grandeur. Le Seigneur apparu comme un guerrier son nom est le Tout-Puissant. Il a fait tomber dans la mer les chariots de Pharaon et son armée. Les plus grands d’entre ces princes ont été submergés dans la mer Rouge ; ils ont été ensevelis dans les abîmes ; ils sont tombés comme une pierre au fond des eaux. Votre droite, Seigneur, s’est signalée et a fait éclater sa force ; votre droite, Seigneur, a frappé l’ennemi de votre peuple ; et vous avez renversé votre adversaire par la grandeur de votre puissance et de votre gloire ; vous avez envoyé le feu de votre colère qui les a dévorés comme la paille.

Les Israélites entrèrent dans le désert de Sur. Au bout de quelques jours de marche, ils éprouvèrent une grande disette d’eau, et n’en trouvèrent que dans un lieu nommé Mara ; mais cette eau, trop amère, n’était point potable. Moïse fit un nouveau prodige, et l’adoucit, en y jetant des morceaux d’un bois que l’Écriture ne nomme pas.

Quinze jours après, l’armée étant arrivée à Élieu, y trouva douze fontaines et soixante-dix palmiers ; mais le pain était épuisé, les vivres manquaient : les murmures commencèrent, le peuple regrettait hautement les viandes d’Égypte. Dieu, après leur avoir reproché leur ingratitude, opéra un nouveau prodige en leur faveur. Une multitude innombrable de cailles couvrit le camp, et le Seigneur fit tomber du ciel une gelée nourrissante, que les Hébreux nommèrent Manne[5]. Ce présent du ciel leur fut continué pendant quarante ans qu’ils habitèrent le désert. Ils en récoltaient pendant six jours de la semaine ; le septième il n’en tombait pas, parce que ce jour, ainsi que le prescrivit Moïse, devait être consacré au repos et au culte de Dieu ; c’est ce qu’on appelle le jour du sabbat. Ce précepte qui le concerne a été jusqu’à présent religieusement observé par les Juifs.

Les Israélites continuèrent leur marche. Trois mois après leur entrée dans le désert, se trouvant près de Raphiti, ils souffrirent encore d’une nouvelle disette d’eau. Ce peuple, incrédule et indocile, douta de la protection du Seigneur, de sa puissance, et reprocha avec ingratitude à Moïse de l’avoir tiré d’un pays fertile pour le faire mourir de soif dans un désert. Moïse eut recours au Seigneur, qui lui dit d’approcher de la montagne d’Horeb avec les anciens, et de frapper de sa verge le rocher. Il le fit, et vit jaillir de ce rocher une eau abondante qui désaltéra le peuple.

Ce fut dans ce lieu que les Amalécites, en armes, vinrent attaquer les Hébreux. Moïse, assis sur la montagne pendant le combat, éleva les mains vers Dieu pour implorer son secours. Tant que les bras de Moïse étaient levés vers le ciel, Israël avait l’avantage ; et lorsque ses bras se baissaient, la fortune favorisait les Amalécites[6]. Aaron s’en aperçut et soutint les bras de Moïse pour qu’ils restassent levés. Par ce moyen, les Hébreux, commandés par Josué, remportèrent une victoire complète sur Amalec, et taillèrent son armée en pièces.

En même temps Jéthro, beau-père de Moïse, vint le trouver avec sa famille, et le félicita des prodiges qu’il avait opérés par la protection du Seigneur. Avant de le quitter, il lui donna le sage conseil de se vouer exclusivement au sacerdoce et à la législation. Moïse suivit son avis ; il nomma des chefs qui commandèrent le peuple, partagé en troupes de mille, de cent, de cinquante et de dix hommes ; il leur confia le soin de juger leurs différends, se réservant l’appel de ces causes et la décision des affaires les plus importantes.

Lorsque les Hébreux furent arrivés près du mont Sinaï, Dieu ordonna à Moïse et à Aaron de leur dire : Vous avez vu vous-mêmes ce que j’ai fait aux Égyptiens, et de quelle manière je vous ai portés comme l’aigle porte ses aiglons sur ses ailes, et je vous ai pris pour être à moi. Si donc vous écoutez ma voix, et si vous gardez mon alliance, vous serez le seul de tous les peuples que je posséderai comme mon bien propre ; car toute la terre est à moi. Vous serez mon royaume, et un royaume consacré par la prêtrise, vous serez la nation sainte.       

Moïse leur annonça ensuite que le Seigneur se montrerait à eux dans le sein des nuages, sur le sommet du mont Sinaï. Il leur ordonna de planter des poteaux au pied de la montagne ; et les prévint que ceux qui oseraient franchir ces limites seraient frappés de mort.

Au jour prédit, un nuage épais couvrit le mont Sinaï. Au milieu des feux et des éclairs qui brillaient dans le ciel, et dans l’intervalle dès éclats du tonnerre qui grondait, on entendit la voix de Dieu appeler Moïse et Aaron du sommet de la montagne. Le peuple d’Israël qui couvrait toute la plaine, ayant entendu le tonnerre de la voix de Dieu qui parlait à Moïse, fut saisi de frayeur ; et lorsque le prophète, descendit de la montagne vers eux ; il le supplièrent de demander au Seigneur de ne plus faire entendre sa voix formidable, dont ils ne pouvaient soutenir l’éclat.

Moïse et Aaron, étant retournés sur la montagne, rapportèrent, au peuple les commandements de Dieu et les lois qu’il prescrivait à Israël[7]. Ces commandements, que les Hébreux avaient entendu dicter à Moïse par Dieu même, renferment les principes de toute la morale ; et rendraient toutes les antres lois inutiles pour les hommes qui s’y conformeraient avec exactitude, puisqu’ils nous défendent l’idolâtrie, tous les crimes, et nous enseignent tous les devoirs.

Nous ne donnerons qu’une idée sommaire de toutes les autres lois de Moïse, qui forment un code très complet et très détaillé, mais nous rappellerons textuellement les premiers commandements, puisqu’ils sont encore restés et considérés parmi nous comme la base sacrée de la législation de tous les peuples chrétiens. Je suis le Seigneur, votre Dieu, qui vous ai tirés d’Égypte, de la maison de servitude. Vous n’aurez point de dieux étrangers devant moi. Vous ne ferez point d’images taillées ni aucune figure de tout ce qui est en haut dans le ciel et en bas sur la terre, ni de tout ce qui est dans les eaux, sous la terre. Vous ne les adorerez point, et vous ne leur rendrez point le souverain culte ; car je suis le Seigneur votre Dieu, le Dieu fort et jaloux, qui venge l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à là troisième et quatrième génération, dans tous ceux qui me haïssent, et qui fais miséricorde, dans la suite de mille générations, à ceux qui m’aiment et qui gardent mes préceptes.

Vous ne prendrez point en vain le nom du Seigneur votre Dieu ; car le Seigneur ne tiendra point innocent celui qui aura pris en vain le nom du Seigneur son Dieu.

Souvenez-vous de sanctifier le jour du sabbat. Vous travaillerez durant six jours et vous ferrez tout ce que vous aurez à faire, mais le septième jour est le jour du repos, consacré au Seigneur votre Dieu. Vous ne ferez en ce jour aucun ouvrage, ni vous, ni votre fils, ni votre fille, ni votre serviteur, ni votre servante, ni vos bêtes de service, ni l’étranger qui sera dans l’enceinte de vos villes ; car le Seigneur a fait en six jours le ciel, la terre et la mer, et tout ce qui y est renfermé, et s’est reposé le septième : c’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat, et l’a sanctifié.

Honorez votre père et votre mère, afin que vous viviez longtemps sur la terre que le Seigneur votre Dieu vous donnera.

Vous ne tuerez point.

Vous ne commettrez point de fornication.

Vous ne déroberez point.

Vous ne porterez point de faux témoignage contre votre prochain.

Vous ne désirerez point la maison de votre prochain ; vous ne désirerez point sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune de toutes les choses qui lui appartiennent.

Moïse, ayant reçu les commandements, les écrivit, les lut au peuple qui jura de s’y conformer. Israël construisit deux autels de pierre au pied du mont Sinaï, et, sacrifia des victimes au Seigneur. Ce fut ainsi que Moïse solennisa cette mémorable alliance de Dieu avec son peuple.

Étant de nouveau appelé par le Seigneur, Moïse laissa à Hur et à Aaron le commandement des Hébreux. Il remonta sur la montagne, pénétra dans l’obscurité qui la couvrait, s’approcha de la flamme qu’on en voyait jaillir, et, après être resté quarante jours en présence du Seigneur, il rapporta, gravées sur des tables de pierre, toutes les lois qui devaient régir désormais le peuple d’Israël.

La longueur de l’absence de Moïse fit croire aux Hébreux qu’ils ne le reverraient plus. Ce peuple, indocile et léger, oubliant les bienfaits du Seigneur, se révolta contre sa puissance. Parjure au serment qu’il venait de prêter, il voulut se créer un autre Dieu. Comme il avait vu les Égyptiens adorer, le bœuf Apis, il força Aaron, à leur faire un veau d’or. Les Israélites donnèrent à cet effet tous leurs bijoux, leurs colliers et leurs bracelets. Lorsque cette idole fut fabriquée, ils l’adorèrent et célébrèrent cette solennité par des danses et des chants[8].

Moïse, descendant avec Josué de la montagne, crut d’abord, au bruit qu’il entendait qu’Israël était attaqué par l’ennemi ; mais lorsqu’en approchant il vit cette fête impie, saisi d’indignation, il jeta et brisa sur la terre les tables de pierre où Dieu lui-même avait écrit ses lois. Séparant ensuite les enfants de Lévi des autres tribus, parce qu’il les trouvait fidèles, il les anima de sa fureur, les arma et, s’étant mis à leur tête, il entra dans le camp, brisa l’idole, et passa au fil de l’épée près de vingt mille de ces Israélites.

Les Hébreux, épouvantés, se prosternèrent, et conjurèrent Moïse de les réconcilier avec le Seigneur, Moïse, touché de leur repentir, fléchit la colère de Dieu qui d’abord voulait détruire tous les Hébreux et se créer un autre peuple. Il confirma donc les premières promesses faites à Jacob, et renouvela son alliance. La tribu de Lévi fut exclusivement consacrée à son culte et au sacerdoce, et Moïse rapporta au peuple de nouvelles tables où ses lois étaient gravées.

La législation de Moïse est le monument le plus remarquable que l’antiquité nous ait conservé. Elle nous offre l’étonnant tableau d’un peuple isolé des autres peuples, enfoncé dans un désert, se soumettant à un gouvernement purement théocratique, conduit, éclairé, régi, non par des rois représentants de Dieu, mais par Dieu lui-même ; ne recevant des lois ni par tradition, ni par fragments, mais en code complet, fait d’un seul jet, et contenant, avec le plus grand détail, toutes les lois religieuses, politiques, civiles, rurales, pénales, et jusqu’aux règlements de police, d’administration et de discipline.

Cet inconcevable ouvrage porta la morale au milieu de la corruption, la lumière dans un siècle d’ignorance, la civilisation au fond des déserts.

La loi des Juifs attacha la peine de mort à l’homicide ; les animaux mêmes qui ont tué y sont soumis. Elle punit également par la perte de la vie l’idolâtrie, la sorcellerie, le rapt, le sacrilège, les offenses faites à la nature en frappant un père ou une mère, la vente d’un homme libre. La peine du talion est appliquée à tous les autres crimes. Le vol simple est puni de la restitution au double, triple ou quintuple de la chose volée. L’hospitalité envers les étrangers est impérieusement prescrite aux Juifs, en leur rappelant qu’ils furent longtemps eux-mêmes errants et étrangers dans les lieux où ils habitaient. Une loi rigoureuse leur ordonne la destruction des peuples du pays de Chanaan qui doit être leur conquête, et leur défend tout mélange et toute alliance avec eux. La loi défendit l’usure aux Israélites entre eux seulement. Elle veut qu’un esclave soit libre au bout de sept ans ; elle ordonne également que la septième année les propriétés aliénées retournent à leurs maîtres, si elles n’ont pas été rachetées, et que toutes les productions et les fruits de la terre, pendant cette septième année, soient la propriété exclusive des pauvres. Enfin elle soumet à des peines gaves le faux témoignage et la prévarication des juges. Tout ce qui est relatif à la violation des limites et aux dégâts causés dans les champs par les hommes et les animaux, est réglé avec des indemnités bien gradées. Une disposition de ce code, digne de son auteur, veut qu’on secoure et qu’on oblige même son ennemi.

La loi religieuse est d’une beaucoup plus grande étendue, dans un gouvernement théocratique, elle devait être la base principale de la législation. Ce code religieux prescrit non seulement la célébration de la pâque, du sabbat, et de toutes les fêtes et cérémonies qu’on devait observer, ainsi que les devoirs des prêtres, et des règles à suivre pour l’élection des pontifes ; il ordonne encore tout ce qui est relatif aux formes les plus minutieuses de ces cérémonies, tout ce qui concerne l’habillement des prêtres, leur manière de vivre, les heures des prières, le choix des victimes, le genre de purification pour tous les états d’impureté, celui des expiations pour tous les genres de délits : enfin il sépare soigneusement les animaux purs des animaux impurs ; ceux dont on doit s’abstenir, et ceux qui peuvent servir à la nourriture et aux sacrifices. Comme Dieu avait annoncé que les tables de la loi devaient être enfermées dans une arche et dans un tabernacle ; qui seraient placés à la tête du camp ; que lui-même, caché dans un nuage, il couvrirait cette arche et ce tabernacle, et servirait ainsi, de guide à son peuple, une grande partie du rôde fut consacré à régler dans le plus grand détail la forme de cette arche et ses ornements, ainsi que tous les matériaux qui devaient servir à sa construction.

Lorsque ce code fut achevé, Dieu renouvela son alliance avec son peuple, et en ordonna le dénombrement. L’armée des enfants d’Israël, distingués en diverses bandes, selon leur maison et leur famille, se trouva composée de six cent trois mille cinq cent cinquante hommes, sans compter les lévites qui montaient au nombre de vingt-deux mille.

Après le renouvellement de l’alliance et le dénombrement, les tables de la loi furent placées dans l’arche que Moïse confia à la garde des lévites et Dieu lui-même, enveloppé dans un nuage, se plaça au-dessus de l’arche comme il l’avait promis.

Malgré la présence ide l’Éternel, la publication de ses lois et le renouvellement de ses promesses, les murmures des Israélites recommencèrent : une disette les occasionna. Un nouveau miracle leur donna une grande abondance de cailles et de manne ; mais Marie la prophétesse, sœur de Moïse, fut affligée de la lèpre, pour la punir d’avoir mêlé sa voix aux murmures des Hébreux. Moïse ayant envoyé quelques Israélites à la découverte dans le pays de Chanaan, ses émissaires revinrent portant des fruits qui attestaient la fertilité du pays. En même temps, ils eurent un tableau alarmant de la force des Héthéens, des Amorrhéens, des Chananéens, des Phérazéens, des Hévéens et des Jébuséens, nations belliqueuses qui habitaient la terre promise. Tout le peuple d’Israël effrayé des obstacles qu’il aurait à vaincre, regretta la servitude et la paix d’Égypte, se révolta et ne voulut plus continuer sa marche.

Dieu résolut de l’exterminer ; mais Moïse ayant apaisé son courroux, il révoqua l’arrêt de mort, et les condamna seulement à errer pendant quarante ans dans le désert, leur annonçant qu’aucun d’eux, excepté Caleb et Josué, n’entrerait dans la terre promise qu’ils avaient devant les yeux, et qui ne serait accordée qu’à leurs enfants. Le même jour les Amalécites et les Chananéens, étant descendus des montagnes, attaquèrent les Hébreux les taillèrent en pièces, les poursuivirent jusqu’à Horma, vérifiant ainsi ces paroles de Moïse : Vous tomberez sous l’épée de vos ennemis, parce que vous avez désobéi à Dieu, et que le Seigneur, s’étant retiré de l’arche, ne sera pas avec vous.

Bientôt une nouvelle révolte contre Moïse fut punie par la mort de Coré, Dathan et Abiron, qui en étaient les chefs, et se virent engloutis vivants dans la terre. A la même époque, les princes des tribus, jaloux d’Aaron, lui disputèrent le privilège du sacerdoce. Ayant pris le Seigneur pour juge, ils placèrent tous dans le tabernacle leurs verges avec leurs noms gravés ; celle d’Aaron fleurit seule, et le sacerdoce fut révolu à Aaron et à sa famille pour toujours. Peu après, les Israélites, manquant tout à fait d’eau, éclatèrent en plaintes contre Moïse et Aaron, qui firent entendre alors comme eux leurs doutes incrédules et leurs murmures. Le Seigneur ordonna à Moïse de frapper deux fois le roc avec sa verge, et il en sorti une eau très abondante pour désaltérer le peuple et les animaux. Mais le Seigneur, irrité contre ses prophètes, leur annonça une mort prochaine, Aaron expira peu de jours après sur la montagne de Hor ; Éléazar, son fils, lui succéda.

Une nouvelle défaite des Hébreux par le roi d’Arad les punit de leur révolte récente. Leur repentir fut récompensé ensuite par une victoire complète sur les Chananéens[9]. S’étant révoltés de nouveau, le Seigneur envoya contre eux une foule de serpents qui causèrent de grands ravages. Cependant, touché, de leurs prières, il leur fit construire un serpent d’airain, comme signe de cet événement ; et, en le regardant, ils guérirent tous de leurs blessures.

Les Amorrhéens ayant refusé passage aux Israélites, ceux-ci les taillèrent en pièces, et s’emparèrent de leur royaume. Balac, roi des Moabites, voulant éviter un sort pareil envoya chercher un prophète nommé Balaam, pour l’engager à répandre ses malédictions sur Israël. Le prophète, après plusieurs refus, s’était décidé à monter sur son ânesse et à venir trouver le roi. Mais l’ânesse effrayée par la vue d’un ange, s’arrêta en chemin malgré les coups dont Balaam la pressait ; elle reçut même le don de la parole, et se plaignit de sa cruauté. L’ange apparut ensuite au prophète et lui transmit les ordres de Dieu : Balaam, cachant au roi sa mission, se rendit avec lui sur les hauteurs de Baal ; et là, au lieu de maudire les Israélites, selon les ordres du roi, il les bénit, prédit leurs triomphes sur les peuples de Chanaan, et annonça même la venue du Messie.

Quelque temps après, les peuples d’Israël se laissant séduire par des femmes moabites, adorèrent Baal. Dieu, dans sa colère, fit périr vingt-quatre mille de ces parjures, et promit le sacerdote à Phinée, fils d’Éléazar, en faveur de soi zèle.

Les Madianites s’étant ensuite mis en armes contre Israël, Moïse fit marcher mille hommes de chaque tribu contre eux, les battit, tua cinq de leurs rois, ainsi que le prophète Balaam, et livra au pillage leurs villes, leurs villages et leurs châteaux. Il ordonna aux siens de tuer tous les habitants et leurs femmes, en épargnant toutes les filles qui se trouvèrent au nombre de trente-deux mille. Le butin s’éleva à plus de six cent soixante mille brebis, soixante-douze mille bœufs, soixante et un mille ânes ; on donna la moitié de ce butin au peuple, et l’autre aux lévites.

Après cette victoire, la tribu de Ruben et celle de Gad demandèrent à s’établir, ainsi que la moitié de la tribu de Manassès, dans les pays situés à l’orient du Jourdain. Moïse le leur accorda, à condition qu’elles y laisseraient les femmes et les enfants, et qu’elles~marcheraient avec les autres tribus pour les aider à conquérir le pays de Chanaan, dont les limites étaient au midi le désert de Sin, à l’orient la mer Morte, à l’occident la grande mer, et au nord la même mer jusqu’au Liban.

Ce pays fut partagé d’avarice entre les dix tribus qui devaient habiter au-delà du Jourdain. On décida que les lévites auraient dans chaque lot les villes qui leur seraient exclusivement données : Moïse leur en réserva ainsi quarante-huit, dont six furent destinées à servir de refuge aux meurtriers et aux criminels, pour échapper aux vengeances privées, jusqu’au moment où la loi les aurait condamnés ou absous.

Ces dispositions se prirent lorsque le peuple d’Israël, ayant quitté le mont Horeb, arriva dans une plaine du désert, près du Jourdain et vis-à-vis Jéricho.

Les quarante années que les Israélites devaient passer dans le désert expiraient. Moïse monta sur la montagne de Phasya, d’où ses yeux découvrirent au-delà du Jourdain la terre promise, dans laquelle Dieu ne lui avait pas permis d’entrer. Il rappela aux Israélites les lois du Seigneur, ses promesses et ses menaces ; il leur rappela qu’ils devaient exterminer tous les peuples de Chanaan, et ne point contracter d’alliance avec eux ; il leur prescrivit d’effacer de la terre promise tous les vestiges de l’idolâtrie, et de n’offrir de sacrifices à Dieu que dans les lieux désignés par lui. Il leur donna ensuite de nouveaux règlements relatifs à leurs fêtes, à leur nourriture, à leurs habillements, aux mariages, à la répudiation, aux sacrifices, à la dîme destinée aux lévites et aux parts qui devaient leur revenir dans les holocaustes Les Hébreux reçurent aussi de leur législateur des ordonnances militaires qui réglaient le choix des combattants, et les cas où l’on pourrait être exempt de la milice. Ces ordonnances défendent de dévaster les champs, d’abattre les arbres fruitiers ; elles veulent que les Hébreux, impitoyables pour les habitants du pays où ils doivent s’établir, fassent la guerre humainement contre les autres peuples, proposent toujours la paix avant de commencer les hostilités, et de ne permettrent aucun désordre dans les villes qui auraient capitulé.

Après avoir complété ce code de police, d’administration et de législation ; Moïse rassembla le peuple et lui dit : J’ai cent vingt ans, et ne puis plus vous conduire. Dieu m’a défendu de passer le Jourdain. Le Seigneur marchera devant vous. Ce sera lui-même qui guidera Josué. Je le place, par son ordre, à votre tête. Ensuite il adressa ces paroles à Josué : Soyez ferme et courageux, car c’est vous qui ferez entrer ce peuple dans la terre que le Seigneur à juré à ses pères de lui donner ; et c’est vous aussi qui la partagerez au sort entre les tribus. Ne vous laissez point intimider : le Seigneur traitera ces nations comme il a traité les rois des Armorhéens, et il les exterminera.

Les prêtres lurent alors la loi devant les Israélites qui en jugèrent de nouveau l’observation. Moïse enfin chanta devant Israël son dernier cantique, dont la prophétique éloquence, applaudie dans le désert étonne encore les siècles éclairés : Cieux, écoutez que je vais dire ! Que la terre entende les paroles de ma bouche ! Que les vérités que j’enseigne soient comme la pluie qui s’épaissit dans les nues ! Que mes paroles se répandent comme la rosée, comme les gouttes de l’eau du ciel qui tombent sur l’herbe naissante ; car je vais célébrer le nom du Seigneur. Rendez l’honneur qui est dû à la grandeur de notre Dieu. Ses œuvres sont parfaites, ses voies sont pleines d’équité. Dieu est fidèle dans ses promesses : il est ennemi de toute iniquité.

Après voir adressé ses dernières prières au Seigneur, fait entendre au peuple ses dernières prophéties ; et donné à Josué ses dernières instructions, Moïse, dont la vue n’était point affaiblie, dont les dents n’étaient point ébranlées, dont la santé était dans toute sa vigueur, résigné aux ordres de Dieu, se sépara d’Israël, monta sur la montagne, et mourut ; nul homme a connu jusqu’à présent le lieu de sa sépulture. C’est ainsi que l’Écriture rapporte la vie, les actions, les lois, les prédications et la fin de Moïse, le plus ancien et le plus célèbre des législateurs.

Tout semble étonnant, tout parait inconcevable dans l’histoire de cet homme et de ce peuple. La foi seule peut faire croire à tant de prodiges, et faire respecter le mélange inouï d’ignorance et de lumières, de luxe, et de simplicités, de vertus et d’inhumanité, d’obéissance et de révolte, de religion et d’impiété.

Mais ce que tout homme étranger même à notre culte, ne peut s’empêcher d’admirer, c’est l’étendue des connaissances de Moïse, l’audace de son entreprise, la constance de son caractère, la fermeté de son courage, l’habileté avec laquelle il sut,relever des esclaves dégradés, aguerrir un peuple asservi, discipliner des tribus sauvages, proportionner les lois aux temps et aux mœurs, ressusciter le courage par des promesses, apaiser la révolte par des châtiments, former et civiliser une nation dans un désert, partager d’avance un pays,qu’il n’avait pas conquis, et lier tellement les lois aux mœurs, et la terre au ciel, que l’homme, surveillé depuis le berceau jusqu’à la tombe, dans toutes ses actions, dans tous ses usages, dans toutes ses volontés, par des préceptes qui règlent tout, n’avait presque plus de choix à faire, de décision à prendre, de conseils à demander, puisque tout était d’avance réglé pour lui, depuis les devoirs les plus élevés de son âme, jusqu’aux soins les plus minutieux de sa conduite, de sa famille, de ses propriétés, de son commerce, de sa nourriture et de son vêtement.

Aussi les lois de Moïse, devenues pour les Hébreux religion, sentiment, mœurs et habitudes, se sont tellement gravées dans l’âme, dans le cœur, dans l’imagination, et l’on peut presque dire dans la chair de ce peuple, que la prospérité, le malheur, la dispersion, les outrages, les violences, et trente siècles n’ont pu en détruire ni même en affaiblir l’impression.

 

 

 

 



[1] An du monde 2513. — Ayant Jésus-Christ 1491.

[2] Même année 2513.

[3] An du monde 2513. — Avant Jésus-Christ 1491.

[4] Même année 2513.

[5] Même année 2513.

[6] Même année 2513.

[7] Même année 2513.

[8] Même année 2513.

[9] An du monde 2552. — Avant Jésus-Christ 1452.