HISTOIRE DE L’ASIE

 

par M. Le comte de Ségur

 

 

CAPPADOCE

Cette contrée, actuellement couverte de ruines, contenait autrefois beaucoup de villes et une population assez nombreuse. Césarée, sa capitale, subsiste encore, et le commerce y répand quelque activité. Ce pays est situé entre le Pont, l’Arménie, la Galatie et l’Euphrate. La religion des Cappadociens était celle des Grecs. On y trouvait un temple magnifique, dédié à Bellone : le grand-prêtre de ce temple, choisi dans la famille royale, prêtait serment dans le temple de Diane. Le culte des Perses se mêla dans ce pays avec celui des Grecs, et ce mélange finit par amener une indifférence telle pour les différents dogmes, qu’au temps de la conquête des Romains les Cappadociens passaient pour des hommes sans religion et sans mœurs. Les chevaux de cette contrée ont toujours été dans l’Orient l’objet d’un commerce considérable. On y trouvait autrefois beaucoup d’alun, d’argent, de cuivre, de fer, d’albâtre, de cristal et de jaspe.

Le premier roi de Cappadoce se nommait Pharnace[1]. Il avait sauvé la vie à Cyrus qu’un lion voulait dévorer. Ce monarque lui donna la Cappadoce pour récompense. L’empire des Perses était si puissant que les rois de Cappadoce ne furent longtemps que des gouverneurs décorés d’une couronne.

Après la mort d’Alexandre un roi de Cappadoce, Ariarathe II, voulut se rendre indépendant. Perdiccas le vainquit dans une bataille, et le fit mettre en croix avec tous les princes de son sang. Un enfant seul, échappé à ce massacre, monta sur le trône. Ce roi qu’on nommait Ariarme II, devint puissant, non par les armes, mais par ses vertus qui le rendirent l’idole de ses sujets et l’arbitre de ses voisins. Les rois ses successeurs se mirent sous la protection des Romains : c’était seulement changer de joug et prendre des maîtres plus éloignés.

Ariarathe VI reçut du sénat une chaîne d’ivoire. L’orgueil romain était parvenu à faire de ce signe de servitude une marque d’honneur que les rois se glorifiaient de porter. Ariarathe fut tué en combattant pour les Romains[2]. Il laissa six enfants sous la tutelle de Laodice leur mère. Cette femme cruelle, pour conserver l’autorité, faisait successivement périr ses fils lorsqu’ils approchaient de la majorité. On découvrit enfin ses crimes et elle fut assassinée. Ariarathe VII, échappé à son poignard, périt bientôt après par la perfidie de Mithridate, son beau-frère, qui le fit empoisonner.

Ariarathe VIII[3], qui voulait éviter le sort funeste de son frère, leva une grande armée pour combattre son assassin ; mais, au moment où il allait livrer bataille, Mithridate, l’ayant engagé à conférer avec lui, le poignarda. Depuis ce moment la Cappadoce, théâtre continuel de révolutions sanglantes, fut attaquée, tantôt par Mithridate, tantôt par Tigrane, et vit successivement sur son trône un fils de Mithridate, un frère du dernier roi, et Nicomède, roi de Bithynie, qui s’était rendu le maître du pays. Ce prince gouvernait sous le nom d’un faux Ariarathe qu’il avait opposé au fils de Mithridate. Ce roi perfide espérait faire passer aussi son propre fils pour un enfant du malheureux Ariarathe qu’il avait tué. Tous ces prétendants imploraient la protection de Rome pour légitimer leurs droits.

Le sénat, indigné de tant de fourberies, ordonna que la Cappadoce fût libre et républicaine ; mais les Cappadociens, préférant le gouvernement monarchique, choisirent pour roi Ariobarzane[4] qui fut bientôt chassé du trône par le fils de Mithridate et rétabli par Sylla. Tigrane le renversa de nouveau et le força de se réfugier à Rome. Enfin le grand Pompée lui rendit son royaume qu’il augmenta de plusieurs provinces. Il acheva paisiblement son règne. Son fils Ariobarzane II eut un sort moins heureux ; une conspiration de ses sujets termina promptement sa vie[5]. Ariobarzane III occupait le trône de son père, lorsque Cicéron vint en Cilicie. Le consul avait ordre de protéger ce roi comme un ami fidèle du peuple romain : il remplit avec succès sa mission, et sauva ce prince d’une conjuration tramée par le grand-prêtre de Bellone pour donner le trône à Ariarathe, frère d’Ariobarzane. Ce pontife avait un parti très puissant dans Comane, ville principale de la Cappadoce. La crainte du courroux des Romains décida les conjurés à renoncer à leurs projets. Lorsque Pompée marcha pour combattre à Pharsale, Ariobarzane lui amena des secours. César, vainqueur, se vengea en levant de fortes contributions sur la Cappadoce qui fut en même temps pillée par Pharnace[6]. César, ayant vaincu Pharnace, se réconcilia avec Ariobarzane et lui donna une partie de la Cilicie et de l’Arménie. Le roi, reconnaissant, refusa, après la mort de. César, de prendre parti pour ses meurtriers. Cassius, irrité, l’attaqua, le prit et le fit mourir.

Ariarathe X, son frère, lui succéda. Archélaüs était alors grand-prêtre de Bellone à Comane ; il descendait du fameux Archélaüs qui avait commandé les armées de Mithridate contre Sylla, et avait ensuite trahi son roi pour embrasser le parti des Romains. Depuis, son père ayant épousé Bérénice, reine d’Égypte[7], il tint le pontificat de la main de Pompée. Le grand-prêtre épousa Glaphyra, remarquable par sa beauté. Il en eut deux fils, Sisinna et Archélaüs ; Sisinna disputa le trône à Ariarathe. Marc-Antoine, choisi pour juge de ce différend et séduit par la beauté de Glaphyra, prononça en faveur de Sisinna.

Cependant Ariarathe triompha de son rival et remonta sur le trône[8]. Mais cinq ans après, Antoine l’en chassa, pour mettre en sa place Archélaüs, second fils de Glaphyra. Archélaüs, affermi sur le trône, étendit ses états par la protection d’Antoine[9], et lui prouva sa reconnaissance en lui amenant une armée au combat d’Actium. Assez adroit pour se concilier la faveur d’Auguste après la défaite d’Antoine, il gagna si bien l’amitié de Tibère, que ce prince plaida lui-même sa cause à Rome contre les Cappadociens qui l’avaient accusé devant le sénat[10]. Le règne d’Archélaüs fut longtemps heureux ; mais si la reconnaissance avait fait sa fortune, l’ingratitude la détruisit. Tibère, jaloux du crédit qu’Auguste accordait à ses neveux, fils d’Agrippa, s’était retiré à Rhodes[11]. On le croyait généralement en disgrâce. Archélaüs, oubliant les bienfaits de Tibère, crut son amitié dangereuse et ne lui rendit aucun honneur[12] ; il accueillit même avec empressement son rival Caïus, envoyé par Auguste en Arménie.

Tibère conserva dans son cœur un profond ressentiment de cette conduite. Dès qu’il fut parvenu à l’empire, il accusa Archélaüs d’avoir excité des troubles dans les provinces voisines de ses états. Trompé par Livie, ce prince vint à Rome pour se justifier ; on le mit en prison[13]. Le sénat ne prononça point d’arrêt contre lui ; mais abreuvé de mépris, il n’y put résister et mourut de chagrin.

Son règne avait duré cinquante ans. Après sa mort la Cappadoce fut réduite en province romaine.

 

BITHYNIE

La Bithynie était une contrée d’Asie, célèbre par la fertilité de son sol et l’opulence de ses villes. Elle s’étendait le long de la côte du Bosphore, opposée à celle où l’on bâtit Byzance. On y voyait autrefois briller la ville d’Héraclée, fameuse par l’étendue de son commerce et la force de ses flottes.

Les rois et les républiques de la Grèce recherchaient son alliance. Le gouvernement d’Héraclée fut d’abord républicain et aristocratique. Le peuple, mécontent de l’orgueil des nobles, les chassa, et se donna pour chef un transfuge de cet ordre, nommé Cléarque, qui gouverna en tyran. Il força les femmes et les filles des exilés à épouser des esclaves. Les proscrits appelèrent à leur secours les étrangers. La guerre fut longue et cruelle, les deux partis étant également déterminés, l’un à recouvrer ses droits, l’autre à défendre son usurpation.

Cléarque faisait périr dans des supplices affreux tous les nobles qu’on pouvait prendre. Mais la crainte, compagne éternelle de la cruauté, empêcha ce tyran d’épargner ses propres partisans ; il contraignait lui-même ceux dont il se défiait à boire la ciguë. Sa tyrannie dura douze ans. Enfin deux hommes désespérés le tuèrent sur son tribunal.

Satyrés, son frère et son successeur ne se ses montra pas moins cruel que lui. Il fut remplacé par ses neveux, Timothée et Denis, qui réparèrent par une administration juste et paisible tous les maux de l’état.

Héraclée jouit trente ans de ce repos ; mais les deux fils de Denis annoncèrent par leurs vices et par leurs violences une nouvelle époque de malheur.

En montant sur le trône ils avaient tué leur mère. Lysimaque, leur beau-père, se mit à la tête d’une conspiration contre eux, et les fit mourir. Il voulut ensuite s’emparer de l’autorité ; le peuple le mit en prison et recouvra son indépendance.

Mithridate prit cette république sous sa protection : par reconnaissance les habitants d’Héraclée embrassèrent avec ardeur son parti et massacrèrent d’après ses ordres tous les Romains qui se trouvaient sur leur territoire. Cotta vengea Rome de cette perfidie et détruisit la ville d’Héraclée.

Quelques auteurs prétendent que la Bithynie avait été longtemps gouvernée par des rois tributaires des Mèdes et des Perses. Ils rapportent qu’un de ces princes nommé Bal, défit Calentus, un des généraux d’Alexandre ; qu’il régna cinquante ans et laissa le trône à son fils Zypothès. Pausanias et quelques autres disent que Zypothès ou Zyphetès, dont on ignorait l’origine, fonda le royaume de Bithynie pendant les troubles qu’excitaient dans l’Orient les conquêtes d’Alexandre.

On connaît avec plus de certitude les noms de ses successeurs.

Nicomède Ier monta sur le trône après la mort de son père. Zypothès, son frère, lui disputa la couronne. Il appela à son secours les Gaulois qui, après avoir ravagé la Germanie et la Grèce, voulaient porter leurs armes dans l’Orient. Nicomède leur ouvrit les portes de l’Asie. Appuyé par eux, il affermit son autorité ; mais il fut obligé pour payer leurs services de leur céder une partie de ses états où ils s’établirent, et qu’on nomma Galatie ou Gallo-Grèce.

Zéla, successeur de Nicomède, décidé à se délivrer des Galates, invita leurs chefs à un festin pendant lequel il voulait les faire massacrer : informés de cette trahison, ils le prévinrent et le tuèrent. Son fils Prusias le vengea ; ayant rassemblé des troupes, il battit les Galates et ravagea tout leur pays[14].

Prusias II, son fils, fut honteusement célèbre par sa bassesse et par sa lâcheté. Annibal s’était réfugié dans ses états, et l’avait aidé à vaincre le roi de Pergame. Au mépris des lois de l’humanité et des devoirs de la reconnaissance et de l’hospitalité, il consentit à livrer aux Romains ce grand homme qui se donna la mort pour échapper à la honte.

Après la défaite de Persée plusieurs monarques, craignant la puissance romaine, envoyèrent des ambassadeurs à Rome pour féliciter la république sur cette victoire. Prusias les surpassa en faiblesse et en servilité. Il se rendit lui-même à Rome, et, se montrant sur la place publique, la tête rasée et couverte du bonnet d’affranchi, il dit au préteur qu’il ne se considérait que comme un esclave à qui Rome avait rendu la liberté. En entrant dans le sénat il se prosterna et appela les sénateurs ses dieux sauveurs. Les Romains eux-mêmes semblaient avoir honte de cet excès d’avilissement.

Nicomède II, son fils, le tua pour monter sur le trône, mais il fut puni de ce crime par un de ses enfants, nommé Socrate, qui l’assassina.

Nicomède III, attaqué par Mithridate et secouru par les Romains, en reconnaissance de ce service, leur légua le royaume de Bithynie qui devint province romaine.

 

ROYAUME DE PERGAME

Ce royaume n’était qu’une petite province de la Mysie, sur la côte de la mer Égée, en face de Lesbos.

Le premier roi de Pergame fut un eunuque nommé Philétère[15]. Lysimaque lui avait confié cette province et les trésors renfermés dans la citadelle de Pergame. Cédant ensuite à la haine d’Arsinoé, sa femme, il voulait faire périr son ancien favori : celui-ci se servit de ses richesses pour défendre sa vie ; il gagna des partisans, se révolta, survécut à Lysimaque et conserva son autorité pendant vingt ans. Eumène Ier hérita de sa principauté[16] et l’augmenta de quelques villes qu’il prit sur les rois de Syrie. Son règne dura vingt-deux ans.

Un de ses parents, Attale Ier, lui succéda et prit le titre de roi. Ce prince régna quarante-trois ans. Il battit les Galates, fit alliance avec les Romains et les secourut dans une guerre qu’ils avaient entreprise contre Philippe[17]. Il laissa le sceptre à son fils Eumène II. Ce monarque fonda la fameuse bibliothèque de Pergame. Allié fidèle des Romains, il leur découvrit les projets d’Antiochus le Grand. Ses troupes contribuèrent à la victoire qu’ils remportèrent à Magnésie sur le roi de Syrie. Le sénat récompensa son zèle par le don dé plusieurs provinces enlevées à Antiochus. Tous les ennemis de Rome étaient les siens. Prusias, roi de Bithynie, lui déclara la guerre, et, par les conseils d’Annibal, parvint à détruire sa flotte. Eumène s’étant rendu à Rome pour informer le sénat d’une entreprise que Persée projetait contre la république, le roi de Macédoine le fit attaquer à son retour par des pirates qui le laissèrent percé de coups et privé de sentiment. Sur le bruit de sa mort, Attale, son frère, s’empara de son trône et épousa Stratonice sa femme.

Eumène, guéri de ses blessures, revint dans ses états, reprit sa couronne et ne punit ni la reine ni son frère. A la fin de son règne, ayant reçu quelque insulte du consul Marcius, il rappela les troupes qu’il avait envoyées au secours des Romains. Persée profita de cette brouillerie il aigrit le courroux du roi de Pergame, en lui représentant que Rome était l’ennemie irréconciliable des rois, qu’elle les trompait tous pour les détruire successivement. Eumène n’osa pas secourir le roi de Macédoine, il ne lui promit que d’être neutre ; les Romains, après leur victoire, ne lui pardonnèrent pas son inaction. Toutes ses démarches pour se justifier furent inutiles ; on le traita avec dureté, et il mourut sans avoir pu se réconcilier avec Rome[18].

Attale II, son frère, lui succéda et épousa pour la seconde fois la reine Stratonice. Son règne dura vingt et un ans. Il fit longtemps la guerre contre le roi de Bithynie, qui s’empara d’abord de Pergame, et finit par en être chassé[19].

Attale III, nommé Philométor, détesté pour ses cruautés et pour ses extravagances, croyait voir partout des conspirations. Il vivait solitaire dans son palais, laissant croître ses cheveux et sa barbe, et labourant lui-même son jardin dans lequel il cultivait des plantes vénéneuses, dont il mêlait les sucs à des baumes qu’il distribuait aux grands de sa cour pour s’en défaire. Il mourut au bout de cinq ans et légua par testament aux Romains ses trésors et son royaume[20].

Aristonic, bâtard d’Eumène, voulut défendre ses droits au trône. La fortune seconda d’abord ses armes ; il battit les Romains, mais la victoire le rendit trop confiant ; et, comme il s’endormait dans une fausse sécurité, Perpenna le surprit et tailla ses troupes en pièces. Aristonic se sauva une ville dont les habitants le livrèrent aux Romains. Il avait pour ministre un philosophe nommé Blosius, autrefois habitant de Rome, et célèbre par son amitié pour Gracchus. Livré par des traîtres avec Aristonic aux fers de Perpenna, il exhorta son prince a s’affranchir de la servitude par une mort courageuse, et lui en donna l’exemple. Aristonic, trop faible pour l’imiter, fut traîné en triomphe à Rome, jeté en prison et étranglé par l’ordre du sénat.

 

COLCHIDE

La Colchide, qu’on appelle aujourd’hui Mingrélie, se trouvait sur la côte orientale de la mer Noire entre l’Ibérie, le Pont et l’Arménie. La rivière du Phase l’arrose et a donné son nom à une espèce d’oiseau, nommé faisan, qui depuis a été transporté en Europe. Ses eaux charriaient une grande quantité de paillettes d’or qu’on arrêtait dans la laine des toisons que les habitants étendaient au fond du fleuve. Attirés par l’appât de ces trésors, objet d’un grand commerce, les Argonautes firent une expédition célèbre pour s’en emparer. Jason, leur chef, que favorisait la fille du roi, la séduisit et l’enleva. Ce fameux voyage, chanté par les poètes, rendit la Colchide célèbre. Elle nous est plus connue par la fable que par l’histoire. Il paraît que ce royaume fut peuplé du temps de Sésostris par une colonie égyptienne qui s’y mêla à quelques Arméniens. L’opulence de la ville de Dioscoris attirait des marchands de tous les pays du monde. Pline dit qu’on y parlait tant de langues différentes, que les négociants romains étaient obligés de s’y servir de cent trente interprêtes. Un des fils de Mithridate fut roi de Colchide. Pompée traîna un de ces princes, dont le nom n’est pas connu, à la suite de son char de triomphe. On parle encore, dans l’histoire de Trajan, d’un autre roi de la Colchide. Cette contrée fut depuis réduite en province romaine.

 

IBÉRIE

Le pays qu’on appelait autrefois royaume d’Ibérie se nomme aujourd’hui Gurgistan ; c’est une partie de la Géorgie qui est sous la domination des Perses. L’Ibérie était entre la Colchide, le Pont, le Caucase, l’Albanie et la Médie. Quelques auteurs ont prétendu que l’Espagne avait tiré de cette contrée son ancien nom d’Ibérie ; mais il est impossible, de concevoir comment un petit peuple montagnard, sans commerce maritime, aurait pu porter si loin une colonie.

Les Ibères, renommés parleur courage, avaient soutenu longtemps leur indépendance contre les Scythes, les Mèdes, les Assyriens et les Perses : ils passèrent pour invincibles. Lorsque Pompée entreprit de les dompter, il ne parvint à les vaincre qu’après de longs efforts qui lui coûtèrent de grandes pertes[21]. Battus et mis en déroute, ils ne voulurent pas se rendre : ils se retirèrent dans une épaisse forêt ; et, du haut des arbres, ils perçaient les Romains de leurs flèches. On fut obligé de mettre le feu à la forêt, et presque toute l’armée des Ibères périt dans l’embrasement. Le roi qui commandait alors ce peuple belliqueux s’appelait Artacès. Les empereurs romains regardèrent l’Ibérie comme un rempart contre l’invasion des barbares ; ils la protégèrent et lui laissèrent ses rois dont l’histoire cite quelques noms, sans faire connaître leurs actions.

 

ALBANIE

L’Albanie, voisine de l’Ibérie, et que les Persans modernes nomment Schirvan, était habitée autrefois par un peuple simple, laborieux, plus renommé par sa vertu que par sa puissance. Il n’attaquait pas l’indépendance des autres nations, mais il défendait courageusement la sienne. Pompée porta ses armes en Albanie. Cosis, frère du roi Orœsès, commandait les Albaniens. Les deux armées se livrèrent bataille. Au milieu de la mêlée, Cosis se précipita sur Pompée pour le percer ; mais le Romain lui enfonça son fer dans la poitrine, et remporta une victoire complète. Il paraît que les empereurs romains traitèrent l’Albanie comme l’Ibérie, et la laissèrent gouvernée par ses rois jusqu’au règne de Justinien.

 

BACTRIANE

La Bactriane, aujourd’hui le Corassan, eut dit-on, la gloire d’avoir donné naissance à Zoroastre. Cette province de l’empire de Perse, voisine de la Scythie, était remarquable par le courage de ses habitants et par la bonté de sa cavalerie. Bessus, satrape des Bactriens, trahit Darius, espérant, par sa mort, gagner la faveur d’Alexandre qui l’accabla de mépris et le fit mourir. Lorsque ce grand monarque périt, et que ses généraux se partagèrent son empire. Théodote, gouverneur de la Bactriane, prit le titre de roi ; mais il fut bientôt détrôné par son frère Euthydème, dont on ne connaît le règne que par ce crime. Ménandre lui succéda. Il accrut ses états par des conquêtes, et n’eut pas le sort des conquérants, car il fut adoré de ses sujets ; après sa mort, toutes les villes de son royaume se disputèrent, se partagèrent ses cendres et lui élevèrent chacune un mausolée pour rappeler ses vertus et la gloire de son règne. Un de ses successeurs ayant été assassiné par son fils, le peuple se révolta contre le parricide. Les Parthes profitèrent de ces troubles, tuèrent le meurtrier, s’emparèrent de la Bactriane et la réunirent à leur empire.

Il existait autrefois dans l’Orient un grand nombre de royaumes et de nations. On ne peut suivre leur histoire. Le temps nous a conservé les noms de ces pays et de quelques-uns de leurs chefs, sans nous transmettre la suite des événements dont ils ont été le théâtre ; c’est seulement en parcourant l’histoire des peuples qui les ont conquis, que nous pouvons nous faire quelque idée des faits qui les concernent.

Les Syriens ne nous sont connus que par le récit des guerres que les Juifs ont soutenues contre eux, et par les conquêtes des rois d’Assyrie qui s’en emparèrent. Mais, après la mort d’Alexandre, il se forma un nouveau royaume de Syrie. Nous en parlerons dans la suite avec détail, puisqu’il devint une des principales puissances de l’Asie sous la domination des successeurs du conquérant macédonien.

Les Moabites, les Ammonites, les Madianites, les Iduméens, les Amalécites, les Chananéens et les Philistins mêmes qui ont donné leur nom à la Palestine, ne nous sont connus que par les Juifs qui conquirent la plus grande partie de ces pays, et furent continuellement en guerre avec ceux de ces peuples qui n’avaient par reconnu leur autorité.

Il serait impossible de traiter séparément l’histoire de ces petits royaumes qui ne nous présentent que des faits épars, des règnes sans suite, des événements sans liaisons, des limites peu certaines. L’histoire des Hébreux, des Égyptiens, des Assyriens et des Perses, nous fait connaître, tout ce qu’il est désirable de savoir sur ces peuples, qui tiraient, dit-on, leur origine de Cham, et dont la plupart descendaient des enfants d’Agar et de ceux d’Ésaü.

 

FIN DE L’HISTOIRE DE L’ASIE

 

 

 

 



[1] An du monde 3644. — Avant Jésus-Christ 360.

[2] An du monde 3875. — Avant Jésus-Christ 129.

[3] An du monde 3913. — Avant Jésus-Christ 91.

[4] An du monde 3915. — Avant Jésus-Christ 89.

[5] An du monde 3953. — Avant Jésus-Christ 51.

[6] An du monde 3962. — Avant Jésus-Christ 42.

[7] Au du monde 3963. — Avant Jésus-Christ 41.

[8] An du monde 3968. — Avant Jésus-Christ 36.

[9] An du monde 3973. — Avant Jésus-Christ 31.

[10] An du monde 3984. — Avant Jésus-Christ 20.

[11] An du monde 3988. — Avant Jésus-Christ 16.

[12] An du monde 4002. — Avant Jésus-Christ 2.

[13] An du monde 4020. — An de Jésus-Christ 16.

[14] An du monde 3820. — Avant Jésus-Christ 184.

[15] An du monde 3721. — Avant Jésus-Christ 283.

[16] An du monde 3741. — Avant Jésus-Christ 263.

[17] An du monde 3807. — Avant Jésus-Christ 197.

[18] An du monde 3845. — Avant Jésus-Christ 159.

[19] An du monde 3866. — Avant Jésus-Christ 138.

[20] An du monde 3871. — Avant Jésus-Christ 133.

[21] An au monde 3939. — Avant Jésus-Christ 65.