HISTOIRE DE LA GRÈCE

 

TROISIÈME ÂGE DE LA GRÈCE

 

 

GUERRE CONTRE PHILIPPE, ROI DE MACÉDOINE

(An du monde 3646. — Avant Jésus-Christ 358)

APRÈS la mort d’Épaminondas, Thèbes jouit peu de temps de l’influence que ses succès lui avaient donnée sur les affaires de la Grèce et elle retomba promptement dans l’obscurité, dont le génie de deux grands hommes l’avait fait sortir. Sparte fatiguée d’une guerre qui lui coûtait ses plus braves soldats et une partie de sa renommée, songeait plus à réparer ses pertes qu’à les venger. Athènes, heureuse d’avoir recouvré son indépendance et de voir Sparte abaissée, n’était plus aussi jalouse de Thèbes, depuis que celle-ci avait perdu les deux guerriers qui faisaient sa gloire : elle ne pouvait, rien craindre des armes du roi de Perse. Les monarques de l’Orient, renonçant à toute idée d’invasion dans la Grèce, connaissaient le vrai moyen de vaincre les Grecs sans les combattre : parvenus à les diviser, à les corrompre, à les amollir, ils s’étaient plus servis contre eux de l’or que du fer, et l’intrigue leur avait été plus utile que la force.

Argos, Corinthe, Mycènes, l’Élide, l’Arcadie conservaient l’indépendance que leur assurait la paix d’Antalcide. Les arts, les talents, la philosophie profitaient de cette époque pacifique, et donnaient, une autre direction aux esprits. Le bruit des armes avait presque partout cessé de se faire entendre ; il était remplacé par celui des applaudissements des théâtres, des disputes des rhéteurs, et des courses de chars d’Olympie.

Les héros n’existaient plus ; la gloire semblait presque oubliée : la volupté remplaçait l’ambition ; les poètes, les peintres, les musiciens, les courtisanes changeaient rapidement les mœurs, inspiraient l’amour du luxe et du repos, et absorbaient la plus grande partie de la richesse particulière et publique. Les Athéniens surtout s’étaient tellement livrés à cet amour immodéré des arts et du plaisir, qui dut sa naissance à Périclès, qu’on les vit, après la guerre de Thèbes, consacrer aux jeux publics et aux théâtres l’argent qu’une loi expresse réservait pour l’armement annuel des vaisseaux et pour la défense de la patrie.

Mais tandis que la Grèce, amollie, perdait ainsi peu à peu ses plus illustres guerriers, sa discipline et son énergie, un peuple, jusque là barbare, s’éclairait, s’agrandissait, et se préparait à dominer l’Europe et l’Asie.

Tant que la Grèce avait été peuplée d’hommes d’état et de héros, la Macédoine, sauvage et méprisée, s’était vue tour à tour tributaire d’Athènes, de Sparte et de Thèbes. On avait refusé à l’un de ses rois, Alexandre, l’entrée des jeux Olympiques, et il ne put y être admis qu’après avoir prouvé qu’il était Grec, originaire d’Argos, et descendant d’Hercule.

Amyntas, fils d’Alexandre, eut de sa femme Eurydice trois enfants, nommés Alexandre, Perdictas, Philippe, et un fils naturel appelé Ptolémée. Après la mort d’Amyntas, Alexandre monta sur le trône, combattit les Illyriens, fit la paix avec eux, et leur donna pour otage Philippe son second fils, qu’ils lui renvoyèrent lorsque les conditions du traité furent remplies.

Le règne d’Alexandre ne dura qu’un an ; il mourut. Perdiccas devait lui succéder ; mais un des princes du sang, Pausanias, se mit à la tête d’une faction, et s’empara de plusieurs places. Iphicrate se trouvait alors sur la frontière avec une armée athénienne. La reine mère, Eurydice, le pria de venir dans son palais ; elle plaça entre ses bras son fils aîné Perdiccas, et mit sur ses genoux Philippe, le plus jeune de ses enfants. Souvenez-vous, seigneur, lui dit-elle, qu’Amyntas, ami des Athéniens, s’est fait honneur, autrefois, de vous adopter, et de vous traiter comme son fils : aujourd’hui le ciel vous envoie pour nous sauver. Un rebelle veut détruire la famille de votre ami  accordez à mes enfants le secours de vos armes et la protection d’Athènes.

Iphicrate était généreux : touché des larmes d’Eurydice, il fit avancer ses troupes, chassa l’usurpateur, et rétablit Perdiccas sur le trône.

Ce jeune roi eut bientôt une nouvelle guerre à soutenir : Ptolémée, son frère naturel, l’attaqua malgré l’illégitimité de sa naissance, un grand parti se déclara pour lui. Leurs forces étant à peu près égales, et leurs succès balancés, ils prirent pour arbitre Pélopidas, qui prononça en faveur de Perdiccas.

Le général des Béotiens emmena en otage à Thèbes le jeune Philippe. A sa prière, Épaminondas le logea dans sa maison, et le fit élever par un célèbre pythagoricien. Ce fut là que ce jeune prince, réservé à de si hautes destinées, doué d’un grand courage et d’un esprit aussi pénétrant qu’audacieux, étudia les lois des nations civilisées pour réformer la sienne, l’art des grands capitaines pour les égaler, et les mœurs des peuples libres pour les soumettre.

Dix ans après, Perdiccas périt dans un combat livré aux Illyriens : il ne laissait pour lui succéder qu’un enfant en bas âge, nommé Amyntas.

Dès que Philippe apprit cette nouvelle il se sauva de Thèbes, arriva en Macédoine ; et s’empara de la régence.

Pausanias renouvelait ses prétentions au trône : les Thraces l’appuyaient. Un antre prince, appelé Argée, disputait aussi la couronne : les Athéniens le soutenaient. Les Illyriens infestaient la Macédoine : le trésor était vide, le peuple divisé, l’armée sans chef et sans ordre ; la cour pleine d’intrigues. Cz chaos annonçait la ruine de l’état : Philippe se montra au-dessus de toutes ces difficultés.

A peine eut-il pris les rênes du gouvernement, tout changea de face : son éloquence ranima le peuple ; son audace subjugua les courtisans ; sa fermeté rétablit la discipline ; quelques actes de rigueur réprimèrent les séditions ; son habileté trouva des ressources ignorées. Respecté des officiers qu’il éclairait, adoré des soldats qu’il appelait ses camarades, et qu’il précédait dans les dangers, il donna bientôt à son armée l’apparence et la force de cette armée thébaine, dans les rangs, de laquelle il avait été nourri.

Le bataillon sacré de Thèbes fut le modèle sur lequel il forma cette fameuse phalange macédonienne qui subjugua la Grèce, conquit l’Asie et fit chanceler le colosse romain.

Elle avait mille hommes de front sur seize de profondeur, ses soldats portaient des piques nommées sarisses, longues de vingt et un pieds. Ce corps d’élite parfaitement exercé, impénétrable à toute attaque, protégeait les retraites, décidait les victoires, et renversait tout ce qui se trouvait sur son passage. Le seul inconvénient de cette masse était de ne pouvoir manœuvrer que d’ans des plaines vastes et unies, et d’être inutile dans les pays coupés.

Philippe, avec une incroyable activité, chassa les Illyriens, força les Thraces à lui livrer Pausanias et défit le corps athénien qui protégeait Argée.

Aussi adroit que vaillant, il renvoya généreusement à Athènes les prisonniers qu’il avait faits, et négocia avec la république, en témoignant le plus vif désir d’obtenir son amitié.

Les Macédoniens, fiers des succès de Philippe, déposèrent le jeune Amyntas, son neveu, et lui donnèrent la couronne.

Aussi actif en administration qu’à la guerre, Philippe établit le plus grand ordre dans l’état : il grossit ses troupes, augmenta ses revenus, embellit sa capitale par des monuments, fit régner la paix par la justice, introduisit dans le royaume les sciences, les lettres, les arts, attira par sa générosité dans sa cour des philosophes célèbres, d’illustres étrangers, envoya partout des ambassadeurs, en reçût de toutes les contrées, et se mit bientôt en état d’étendre au loin la puissance d’un pays qu’il avait sauvé d’une ruine presque inévitable, et qui, par le pouvoir de son génie, sortait de la plus profonde nuit pour jeter tout à coup l’éclat le plus vif et le plus inattendu.

Dans le même temps, pour rehausser sa gloire, le sort lui préparait un rival digne de lui : ce rival n’était point un roi puissant, un guerrier fameux ; c’était le célèbre orateur Démosthène. Il prouva, par tous les obstacles qu’il parvint à opposer au génie de Philippe, que la parole vaut souvent une armée, et que l’éloquence a ses foudres comme la guerre.

Il avait deux ans de moins que le roide Macédoine : son père possédait des forges dont le revenu assura l’indépendance de son fils. Le jeune Démosthène avait étudié aux écoles de Platon et d’Isocrate : le succès éclatant d’un discours de Callimaque excita son enthousiasme, et fit naître sa passion pour un art où il devait surpasser ses rivaux et ses maîtres. Mais la nature favorisa plus son esprit que son organe : il bégayait ; et ne pouvait prononcer certaines lettres qu’avec la plus grande difficulté, que ne peut une volonté ferme ! elle renverse toutes les barrières qui cherchent à l’arrêter.

Démosthène fut accueilli par des huées la première fois qu’il parut à la tribune. Indigné de cet affront, mais non découragé, il jura de vaincre la nature et il y parvint : s’exerçant à parler à haute voix, avec des cailloux dans la bouche, sur le bord de la mer, au bruit des vagues irritées, il s’accoutumait ainsi à braver les murmures et l’agitation des flots du peuple.

L’irritabilité de ses nerfs lui donnait dans les épaules un mouvement convulsif, désagréable et contraire à la dignité qui doit accompagner l’orateur : pour triompher de cette habitude, il parlait dans une tribune étroite, au-dessus de laquelle était suspendue une pique, dont la pointe arrêtait le mouvement involontaire qu’il voulait réprimer.

Loin d’imiter l’imprudence et la négligence de ses rivaux, qui se fiaient à leur talent pour improviser, et croyant qu’on ne peut soigner avec trop de respect ce qu’on doit dire devant une assemblée imposante, et sur les affaires qui intéressent l’état, il s’enfermait souvent dans une retraite souterraine pour y préparer, composer et corriger ses harangues ; il se rasait même à moitié la tête, afin d’être dans l’impossibilité de sortir.

Aussi l’orateur Démade prétendait que les discours de Démosthène sentaient l’huile (pour faire allusion à la lampe qui éclairait son travail).

L’éloquence de cet homme célèbre, qui lui donna un si grand empire sur ses concitoyens, était grave,  impétueuse, sévère, véhémente : ce fut toujours par des reproches et non par des flatteries qu’il domina le peuple. Il lui rappelait sa gloire passée, sa corruption présente ; donnait des éloges piquants aux talents, à l’activité de l’ennemi et savait réveiller à propos les Athéniens de leur mollesse par des apostrophes foudroyantes.

Tantôt il invoquait les dieux pour secourir sa malheureuse patrie contre les dangers d’une destruction prochaine ; tantôt, pour enflammer les courages, il évoquait les mânes des héros de Salamine, de Marathon et de Platée. Mais ce qui donna surtout la plus grande force à ses paroles, ce fut un amour brûlant pour sa patrie, que rien ne pouvait endormir, effrayer ni corrompre.

Au moment où Démosthène voyait avec inquiétude les progrès rapides de la puissance de Philippe, Athènes fut alarmée par la nouvelle des préparatifs immenses que faisait le roi de Perse pour quelque entreprise dont on ignorait l’objet. Les Athéniens croyaient qu’il projetait une invasion en Grèce, et voulaient la prévenir en l’attaquant. Démosthène, qui voyait un danger plus certain du côté de la Macédoine, persuada à ses concitoyens de se contenter d’armer une flotte, et d’éviter avec soin toute démarché imprudente qui pourrait irriter la Perse.

Sparte commençait alors à se relever de ses défaites et à menacer les Thébains privés de leurs illustres généraux. Démosthène persuada aux Athéniens que, malgré leur alliance avec Lacédémone, ils ne devaient pas souffrir qu’elle s’emparât de Mégalopolis. Athènes suivit ses conseils, et envoya trois mille hommes au secours de cette ville, afin de tenir la balance égale entre les Spartiates et les Thébains.

La puissance de Philippe augmentait alors comme son audace. Après avoir défait en bataille rangée les Illyriens, il prit Amphipolis, colonie athénienne : comme il ne voulait pas encore inspirer trop d’ombrage aux Athéniens, il déclara cette ville indépendante ; mais il eut soin d’y laisser des hommes adroits et dévoués, qui engagèrent peu de temps après les habitants à se donner à lui.

Encouragé par ce succès, il poussa plus hardiment ses entreprises, réduisit sous son joug les Péoniens, et s’empara même de Potidée, d’où il renvoya une garnison athénienne.

Démosthène, qui le suivait d’un œil inquiet, s’efforçait alors vainement de rendre ses compatriotes sensibles à cette injure ; l’habile Philippe trouvait moyen d’endormir leur défiance en flattant leur amour-propre. Il leur faisait de magnifiques promesses, et recherchait leur alliance en même temps qu’il attaquait leurs alliés.

Ses artifices réussirent si parfaitement auprès des différents peuples de la Grèce que, loin de s’opposer à ses progrès, ils le rendaient l’arbitre de leurs querelles. Une de ses plus importantes opérations fut la prise de Cnide : la conquête de ce pays lui donna des mines d’or, dont il tirait annuellement trois millions, somme qui dépassait les revenus d’Athènes.

Cette nouvelle source de richesses augmenta ses troupes, lui valut partout des espions et des amis, et lui ouvrit l’entrée de beaucoup de villes : aussi disait-il qu’il ne regardait aucune forteresse comme imprenable, dès qu’il y pouvait faire monter un mulet chargé d’argent.

Au lieu de traverser ses desseins, Athènes et Thèbes s’occupaient de leurs propres différends, et alimentaient, par leurs secours, la discorde excitée alors dans l’île d’Eubée par deux factions opposées.

Cette guerre de peu d’importance fut terminée par l’arrivée d’une flotte athénienne : elle débarqua des troupes dans cette île, et en chassa les Thébains.

Ce fut l’an 3648, trois cent cinquante-six ans avant Jésus Christ, que la reine Olympias, femme de Philippe, devint mère d’Alexandre le Grand.

Il naquit le même jour où l’insensé Érostrate mit le feu au temple d’Éphèse pour immortaliser son nom. On méprisa la folie d’Érostrate, qui ne brûla qu’un temple ; on admire celle d’Alexandre qui incendia le monde.

Au moment où Philippe, reçut la nouvelle de la naissance de son fils, ses dépêches lui apprirent qu’il avait gagné le prix aux jeux Olympiques, et que Parménion, l’un de ses généraux, venait de remporter une grande victoire, sur les Illyriens. Il écrivit en ces termes au fameux philosophe de Stagyre, Aristote : Je vous apprends que j’ai un fils : je remercie les dieux moins de me l’avoir donné, que de l’avoir fait naître de votre vivant. J’espère, que par vos soins, j’aurai un successeur digne de moi.

En 3649, la Grèce vit éclater, une guerre religieuse, d’abord partielle, et depuis nationale : en l’appela la guerre sacrée ; elle dura dix ans.

Les Phocéens avaient labouré, un champ appartenant au temple d’Apollon ; on les accusa de sacrilège : les amphictyons les condamnèrent à une forte amende. Philomèle, chef des Phocéens, s’opposa à l’exécution de l’arrêt : s’appuyant sur la foi d’un vers d’Homère, il soutint que le temple de Delphes dépendait de la Phocide, et devait être sous la surveillance de son gouvernement.

Courant aux armes avec ses concitoyens, il battit d’abord les habitants de Locres, entra ensuite dans le temple, déchira le décret des amphictyons, et par ses menaces, obtint de la prêtresse d’Apollon un oracle favorable. Les amphictyons ordonnèrent aux Grecs de faire la guerre aux Phocéens. Ceux-ci furent soutenus secrètement par Athènes et Sparte. Les Thébains, les Locriens, les Thessaliens prirent le parti des amphictyons. Philomèle, qui n’avait point de trésors pour payer ses troupes, pilla le temple de Delphes, dont il soutenait que la protection et la surveillante devaient lui être confiées.

La guerre devint cruelle, parce qu’elle était religieuse. Dans d’autres querelles, on combat ses ennemis sans les haïr ; mais dans celles où l’on croit le ciel offensé, les passions s’enflamment ; chacun pense venger les dieux, et déteste son adversaire comme coupable et sacrilège.

Les Thébains massacraient leurs prisonniers ; ils défirent dans un combat les Phocéens ; et Philomèle, entouré par l’ennemi, se tua pour échapper au supplice.

Onomarque, son frère, lui succéda, ranima ses troupes, et combattit avec succès.

A peu près dans ce temps, en 3650, Artémise, reine de Carie, se rendit célèbre par sa tendresse conjugale. Mausole, son époux, avait touché son cœur, par son amour : il était aimé dans sa famille, mais détesté par ses sujets qu’il traitait avec dureté. Il avait conquis Rhodes et Cos qui perdirent sous son règne leur repos et leur liberté : la mort termina promptement le cours de ses exploits. Artémise fut inconsolable : la magnificence du tombeau qu’elle lui fit bâtir, fit donner par la postérité à ces monuments funèbres le nom de mausolées. Elle n’y renferma point dépendant ses débris ; elle voulut ensevelir dans son sein ce qui lui restait d’un objet si cher, et mêla journellement dans sa boisson des cendres sacrées pour elle. Ses larmes, qui ne tarirent points l’immortalisèrent. Elle décerna un prix à l’orateur qui ferait l’éloge le plus éloquent de Mausole. Théopompe disputa cette couronne avec. Isocrate, et fut déclaré vainqueur.

Artémise remplit ses devoirs de reine comme ceux d’épouse. Les Rhodiens, la croyant abattue par son affliction, se révoltèrent et voulurent la détrôner : ils furent appuyés par Démosthène qui se déclara contre cette héroïne. Elle soutint leur attaque avec fermeté et les défit complètement ; mais, ne pouvant vaincre de même le chagrin qui la consumait, elle mourut deux ans après Mausole.

La guerre sacrée continuait toujours avec fureur : Philippe en profitait sans y prendre part ; et, tandis que les Grecs s’affaiblissaient par leurs combats, il étendait ses conquêtes dans l’Illyrie et dans la Thrace.

Lorsqu’il assiégeait Méthone, un archer d’Amphipolis, nommé Aster, vint lui offrir ses services, et l’assura que sa flèche ne manquait jamais un oiseau. Philippe lui dit, en le raillant, qu’il se servirait de lui quand il aurait la guerre avec les hirondelles.

Aster, blessé de ce mépris, se jeta dans Méthone ; et, lorsqu’il vit le roi s’approcher des remparts, il lui lança une flèche sur laquelle étaient écrits ces mots : A l’œil droit de Philippe. Le trait rapide et fidèle perça l’œil du monarque. Le roi fit rejeter cette flèche avec cette inscription : Philippe fera pendre Aster. Il prit la ville, et tint parole.

A cette époque, Lycophron, beau-frère et successeur d’Alexandre de Phères, souleva contre lui, par sa dureté, une partie de la Thessalie. Le roi de Macédoine protégea les rebelles, et commença ainsi à se mêler de la guerre sacrée.

Onomarque, vainqueur dans différents combats, venait de prendre plusieurs villes aux Thébains : tournant ensuite ses armes contre Philippe, il remporta d’abord un avantage assez marquant sur lui ; mais enfin, ayant livré à ce monarque une bataille générale, il fut vaincu et tué.

Six mille Phocéens périrent ; on en prit trois mille. La cavalerie thessalienne contribua beaucoup à cette victoire. Elle soumit à l’influence du roi de Macédoine tous les peuples de la Grèce, qui combattaient pour soutenir les privilèges du temple d’Apollon. Ainsi la religion concourût à l’asservissement de la Grèce, et à l’accroissement de la puissance macédonienne.     

Cependant les Phocéens continuèrent quelque temps à combattre avec le courage du désespoir, Phaille, frère d’Onomarque, et Phalécus, son fils, signalèrent leur vaillance par quelques succès ; mais ils succombèrent enfin sous le fer des Macédoniens.

Les Thébains étaient épuisés, la Phocide ravagée et détruite. Le temple de Delphes perdait plus de dix mille talents par cette guerre entreprise pour sa conservation. La lassitude amena la paix : le peu de Phocéens qui restaient montrèrent des remords tardifs ; ils obtinrent du roi de Macédoine la liberté de chercher asile dans le Péloponnèse, et Philippe partagea leurs terres avec les Thébains.

La fortune, constante dans sa faveur pour le roi de Macédoine, empêchait alors le roi de Perse de profiter des discordes des Grecs et de tourner ses armes contre eux. La Phénicie, révoltée, avait embrassé le parti de Nectanébus, roi d’Égypte. Memnon de Rhodes, qui se fit connaître par de grands talents pour la guerre, chassa les Perses de Tyr et de Sidon, et les princes de Chypre entrèrent dans cette ligue.

D’un autre côté, huit mille volontaires grecs, sous le commandement de deux Athéniens, Phocion et Évagore, fils de Nicoclès, offrirent, leurs services au roi de Perse. Nectanébus mécontenta par son ingratitude le général Memnon : celui-ci s’en vengea promptement, embrassa le parti d’Ochus et lui livra la ville de Sidon. Les Sidoniens, au désespoir d’être abandonnés à la fureur de leur implacable ennemi, brûlèrent leur ville, et périrent dans les flammes qui la consumaient.

Toute la Phénicie fut soumise : son malheur entraîna celui de l’île de Chypre qui ne put résister au vainqueur.

Ochus, profitant rapidement de ses succès, entra en Égypte, battit un corps de Grecs près de Pélus, marcha sur Memphis, mit en fuite Nectanébus qui se retira en Éthiopie, et conquit complètement tout son royaume qu’il inonda de sang et couvrit de ruines.

Après avoir dispersé les archives, renversé les temples, détruit les lois, outragé la religion et pillé les villes, Ochus, de retour à Suze, se livra aux plus honteuses débauches, et abandonna le gouvernement de l’empire à l’eunuque Bagoas son favori.

Cet homme, né en Égypte, était ambitieux ingrat, cruel et superstitieux : il empoisonna son maître pour venger le bœuf Apis, immolé par les ordres de ce prince.

Ce traître fit périr la famille royale ; et mit sur le trône Arsès, le plus jeune des princes de cette maison, dont il croyait gouverner la faiblesse mais bientôt, mécontent de son indocilité, il trancha ses jours, et donna le sceptre à un parent éloigné du roi, Darius Codoman, qui découvrit enfin ses crimes, ses nouvelles conspirations, et le punit de ses forfaits par un juste supplice.

Ces révolutions en Orient, la faiblesse de Sparte, l’épuisement de Thèbes, le sommeil des Athéniens, que Philippe endormait par ses trompeuses promesses, firent croire à ce prince qu’il pouvait enfin accomplir les projets de son ambition, et conquérir la Grèce ; il dirigea toutes ses troupes du côté des Thermopyles, voulant s’emparer de ce passage important.

La vigilance de Démosthène pénétra ses desseins. Sentinelle infatigable de la liberté, l’orateur monte à la tribune, reproche avec véhémence aux Athéniens leur mollesse, leur annonce leur ruine inévitable s’ils continuent à se laisser tromper par les artifices du Macédonien, et s’ils ne s’arrachent aux plaisirs pour courir aux armes.

Dans ces discours impétueux, sa rapide éloquence dévoile l’ambition de Philippe, et peint à grands traits cet habile monarque.

Tantôt, pour effrayer ses concitoyens, il vante la force, la prodigalité, la vaillance, l’activité de Philippe : il le représente comme un guerrier indomptable, couvert de blessures et de gloire ; c’est un héros qui se multiplie. Il ne connaît ni repos, ni différence de saison ; il s’élance au milieu des dangers ; il brave le sort, renverse les obstacles, achète ceux qu’il ne peut vaincre, et se sert de l’or comme du fer : c’est un prince aussi heureux qu’habile ; et la Fortune oublie pour lui son inconstance.

Tantôt pour exciter la colère d’Athènes et pour réveiller ses espérances, il montre à ses yeux Philippe comme un imprudent qui mesure ses projets, non sur ses forces réelles, mais sur les chimères de son ambition. C’est un téméraire qui creuse lui-même le tombeau de sa puissance ; il ne s’agit que de le pousser dans le précipice qu’il ouvre sous ses pas : c’est un fourbe dont la grandeur colossale n’a que la mauvaise foi pour base ; un perfide usurpateur dont rien ne peut légitimer le  pouvoir. Ce tyran cruel a soulevé contre lui le ciel par ses parjures, les hommes par ses vices ; ses violences ont lassé la patience de ses sujets ; c’est un impie abhorré que les dieux sont prêts à frapper par les mains de celui qui osera les servir.

L’orateur ajoute à ces tableaux les reproches les plus piquants sur la dépravation, l’engourdissement, la mollesse et l’incurie de ses compatriotes.

Jusques à quand, dit-il, vous endormant toujours au milieu d’un si grand péril, vous promènerez-vous sur la place, demandant non chalamment ce qui se passe de nouveau ? Eh ! quoi de plus nouveau qu’un barbare, un Macédonien, devenu le vainqueur d’Athènes et l’arbitre de la Grèce !

Les Athéniens, électrisés par les foudres de cette éloquence, se réveillèrent enfin : faisant trêve aux voluptés, ils armèrent leurs flottes, et envoyèrent des forces suffisantes en Thessalie et sur les frontières de la Macédoine. Philippe, vaincu cette fois par Démosthène, qu’il regardait comme plus dangereux pour lui que les armées de ses ennemis, trouva les Thermopyles gardées, se retira et suspendit l’exécution de ses grands desseins.

Quelque temps après ; il s’approcha avec son armée de la ville d’Olinthe, et trompa la jalousie d’Athènes par ses lettres artificieuses. Eschine, Démade et d’autres orateurs, gagnés par ses largesses, faisaient l’éloge de ses intentions pacifiques, et s’opposaient aux conseils vigoureux que donnait constamment Démosthène.

Les Olinthiens, voulaient résister aux armes de Philippe : sa force aurait peut-être échoué devant leur courage ; mais la trahison les lui livra. Deux des principaux citoyens d’Olinthe, Euthycrate et Lasthène, introduisirent ses troupes dans la ville.  Le roi la laissa piller par son armée, et vendit comme esclaves la plus grande partie de ses habitants.

Il payait et méprisait la trahison : les deux lâches qui lui avaient sacrifié leur patrie vinrent se plaindre à lui des soldats macédoniens. Ces insolents, dirent-ils, nous injurient et nous appellent traîtres.         

Ne prenez pas garde, répondit Philippe, aux propos de mes soldats ; ce sont des gens grossiers, qui ont l’habitude d’appeler chaque chose par son nom. Des hommes si détestés et si mal protégés ne pouvaient échapper à la vengeance de leurs ennemis ;’ils les massacrèrent.

Tout concourait alors à seconder l’ambition de Philippe : les Thébains, que la guerre soutenue par eux contre les Phocéens avait épuisés, craignaient les armes de Sparte, et se placèrent sous la protection de Philippe ; ils implorèrent ses secours, et formèrent ainsi le premier anneau de là chaîne qui assujettit la Grèce.

Isocrate, âgé alors de quatre-vingts ans, avait plus de vertus que de connaissance des hommes : croyant que son éloquence pouvait arrêter un conquérant, et que l’ambition écouterait la justice, il adressa une longue harangue à Philippe pour l’exhorter à donner la paix aux Grecs. Il lui représentait tous les avantages de la modération, qui lui donnerait une gloire plus pure que celle des conquêtes ; il l’engageait à tourner ses armes contre l’ennemi commun, le roi de Perse. Les Athéniens, lui disait-il, sont alarmés de vos projets, blâment mon admiration pour vous, et craignent vos artifices ; mais jamais je ne pourrai croire qu’un descendant d’Hercule veuille ravir à la Grèce sa liberté.

Athènes, de plus en plus alarmée des entreprises du roi de Macédoine, lui envoya des ambassadeurs pour le faire expliquer sur ses projets : ce prince les trompa et les gagna tous, excepté Démosthène ; mais il eut l’avantage de le déconcerter tellement par, l’adresse et par la force de ses discours, que cet éloquent orateur ne put-lui répondre.

Les promesses et les traités n’étaient que des jeux pour Philippe : il avait coutume de dire qu’on trompe les enfants avec des hochets, et les hommes avec des serments. Dans cette occasion, il promit aux Athéniens de leur abandonner l’entière possession de l’Eubée, en indemnité d’Amphipolis, de rompre avec les Thébains, et de rebâtir Thespies et Platée.

Eschine crut, à la bonne foi de Philippe ; Démosthène annonça qu’il ne tiendrait pas sa parole : en effet le roi de Macédoine poussa ses avantages, s’empara des Thermopyles, ravagea la Phocide, rassembla les amphictyons, et obtint la présidence de cette auguste assemblée, qui, par cette déférente, légalisa en quelque sorte son pouvoir sur la Grèce.

A cette nouvelle, les Athéniens ouvrirent les yeux, prirent les armes, fortifièrent le Pirée, et répandirent l’alarme dans le Péloponnèse. Philippe, aussi prudent lorsqu’il le fallait, que téméraire lorsqu’il le jugeât utile, s’arrêta tout à coup : il craignait d’exaspérer des esprits qu’une longue habitude de liberté rendait difficiles à soumettre. Paraissant se contenter de l’honneur d’avoir terminé la guerre sacrée, il retourna dans ses états, et demanda à tous les peuples de la Grèce la confirmation du décret des amphictyons.

Athènes, irritée de voir un Macédonien à la tête de la confédération grecque, ne voulait pas sanctionner ce décret : mais Démosthène fit sentir à ses concitoyens le danger d’un refus qui attirerait sur eux seuls le poids des armes de la Macédoine ; il leur prouva la nécessité d’augmenter leurs forces pour repousser celles de Philippe, mais sans donner aucun prétexte légitime à son ambition.

Le roi de Macédoine n’était pas homme à se contenter de la présidence honorifique des amphictyons ; son repos n’était que simulé ; ses démonstrations pacifiques n’avaient pour objet que d’endormir ses ennemis ; et, quand il cessait de les attaquer de front, il les tournait avec habileté.

Tandis que ses lettres aux Spartiates et aux Athéniens ne parlaient que de justice, de paix, d’amitié et d’alliance, ses armes s’étendaient dans la Thrace ; il s’assurait de la Thessalie, et finit par attaquer la Chersonèse. Cette presqu’île, après avoir reconnu tour à tour les lois d’Athènes, de Sparte et des princes ses voisins, était devenue indépendante, à l’exception de la ville de Cardie, dont Cotys, fils, du roi de Thrace, s’était emparé récemment. Philippe défit ce prince : mais Diopithe, qui se trouvait près de là avec un corps de troupes athéniennes, s’avança en Thrace, battit quelques détachements macédoniens, et s’empara de plusieurs villes.

Philippe, qui ne respectait les droits de personne, reprochait toujours aux autres de blesser les siens : il se plaignit au peuple d’Athènes, et accusa Diopithe d’avoir enfreint les traités. Les orateurs vendus appuyèrent cette accusation. Démosthène prit la défense de Diopithe, démasqua, avec sa véhémence ordinaire, la politique astucieuse de Philippe, et fit absoudre l’accusé.

Dans ce même temps, Sparte, qui avait perdu ses grands hommes, sa renommée et l’austérité de ses mœurs sans renoncer à son ambition, attaqua les Argiens et les Messéniens. Ceux-ci, d’accord avec les Thébains, implorèrent la protection de Philippe : il fit rendre par les amphictyons un décret qui ordonnait à Lacédémone de respecter la liberté d’Argos et de Messène ; et, pour appuyer ce décret, il marcha lui-même avec le dessein d’entrer en Laconie. Sparte, effrayée, demanda des secours à la république d’Athènes. Sa négociation fût appuyée par Démosthène. Philippe écrivit aux Athéniens pour s’opposer à cette alliance, et suspendit sa marche : mais il continuait toujours à pratiquer des intelligences dans l’île d’Eubée. Ses troupes prirent la ville d’Orée. Phocion fut alors envoyé contre lui avec une armée athénienne : disciple de Xénocrate, austère comme son maître, marchant nu-pieds dans toutes les saisons, son éloquence était remarquable, non par ses ornements, mais par la force de sa logique et par sa concision. Avec peu de mots il réfutait de longs discours. Démosthène l’appelait la cognée de ses paroles.

Ce général, qui rappelait à la fois les talents et les vertus d’Épaminondas et d’Aristide, défit en bataille rangée Plutarque d’Érétrie, chef des partisans de Philippe ; et, après cette victoire éclatante, se rendit maître de l’île d’Eubée, qu’il conserva ainsi à sa patrie.

Le roi de Macédoine se plaignit vivement aux Athéniens, regardant cette défense légitime de leurs droits comme une infraction à la paix que sa politique invoquait et violait toujours.

Il porta de nouveau ses armes dans la Thrace pour priver Athènes des vivres qu’elle en tirait : à la tête de trente mille hommes, il assiégea Périnthe ; et, comme les Byzantins voulaient secourir cette ville, il envoya la moitié de son armée sur le territoire de Byzance.

Cette audacieuse entreprise répandit l’alarme dans la Perse, et réveilla les Athéniens. Ce fut alors qu’Alexandre, âgé de quinze ans, signala pour la première fois son courage dans l’armée macédonienne.

Tandis que les armes de Philippe menaçaient tant de contrées, ses lettres artificieuses reprochaient aux Athéniens les précautions qu’ils prenaient contre- lui ; et, à l’instant même où il attaquait leurs colonies, il osait les blâmer de chercher des alliés.

Au temps de nos ruptures les plus déclarées, leur écrivait-il, vous vous contentiez d’armer contre moi des navires, d’arrêter et de vendre les négociants qui voulaient commercer avec la Macédoine ; vous vous borniez à favoriser mes ennemis et à faire des courses sur mon territoire : aujourd’hui que nous sommes en paix, vous poussez la haine jusqu’au point d’appeler les armes du roi de Perse contre moi. Lorsque ce monarque était troublé lui-même dans ses états, lorsqu’il n’avait, encore subjugué ni la Phénicie ni l’Égypte, vous m’invitiez à me réunir à vous et à tous les Grecs contre cet ennemi commun à présent votre animosité vous entraîne à faire une alliance avec lui. Souvenez-vous de vos ancêtres ; ils proscrivirent le fils de Pisistrate pour avoir appelé les Perses dans la Grèce : cette trahison fut regardée par eux comme un crime impardonnable et vous ne rougissez pas de vous permettre une action qui a rendu odieuse à jamais la mémoire de vos tyrans !

Les orateurs vendus au roi répétaient, commentaient ces paroles, vantaient la bonne foi de Philippe, et conjuraient le peuple de ne point courir à sa perte en recommençant sans nécessité une guerre si dangereuse.

Démosthène, enflammé de colère, monte à la tribune, adresse aux Athéniens les plus violents reproches, sur leur engourdissement et sur leur crédulité : il cherche leur démontrer que Philippe leur fait réellement la guerre, tandis qu’ils s’obstinent à rester en paix avec lui : pour les mettre en garde contre ses artifices, il leur rappelle qu’il a déjà trompé plusieurs peuples.

Attendrez-vous, dit-il, qu’il avoue clairement son agression ? C’est le comble de la folie. Il ne l’avouerait pas même au moment où il marcherait contre l’Attique et contre le Pirée. Mais vous voulez être flattés ; vous n’écoutez que ce qui vous entretient dans le repos ; vous laissez aux étrangers et même aux esclaves, la liberté de dire partout ce qu’ils pensent ; et cette liberté de la pensée, dont vous êtes si fiers et que vous poussez jusqu’à la licence ; vous l’avez exclue de la tribune : enfin vous vous endormez, tandis que le cours des événements vous entraîne dans les derniers périls.

Examinez la conduite de Philippe avec les autres peuples : ce fut à quarante stades d’Olinthe seulement qu’il déclara nettement sa volonté aux habitants de cette ville. Il faut, leur dit-il alors, que vous quittiez Olinthe, ou moi la Macédoine. Jusque là si on l’accusait de méditer leur perte, il regardait ce soupçon comme une offense, et leur écrivait pour se justifier. Avant de détruire la Phocide, il y entra comme allié et comme ami, accompagné de députés phocéens qui soutenaient que cette expédition ne serait funeste qu’aux Thébains. Dernièrement encore il se présentait comme protecteur de la Thessalie, et s’emparait de la ville de Phères. Les habitants d’Orée, qu’il a réduits, sous son joug, ont cru qu’il leur envoyait des troupes pour apaiser leurs dissensions.

L’orateur accumulé ensuite les plus forts arguments pour persuader au peuple qu’au lieu de perdre son temps à délibérer sur la Chersonèse et sur Byzance, il doit voler à leur secours.

On n’a déjà que trop fait de concessions à Philippe : on lui a accordé un droit dont l’apparence seule suffisait autrefois pour soulever toute la Grèce, celui d’envahit les états et de les asservir.

Vous, Athéniens, vous fûtes les arbitres de la Grèce pendant soixante-treize ans ; les Lacédémoniens jouirent de cette suprématie pendant vingt-neuf ; et les Thébains, après la bataille de Leuctres, obtinrent quelque supériorité : cependant où n’accorda jamais ni à vous, ni aux Thébains, ni aux Lacédémoniens, une pareille domination ; loin de la souffrir, tous les Grecs, ceux même qui n’avaient pas de sujet légitime de plainte contre Athènes, se liguèrent contre vos ancêtres, quoiqu’ils n’eussent à vous reprocher que votre prééminence. Les Lacédémoniens éprouvèrent le même sort, lorsqu’ils tentèrent d’opérer par leur influence quelques changements dans les républiques ; et cependant leurs erreurs et nos fautes n’étaient rien en comparaison des entreprises que depuis treize ans Philippe forme contre la Grèce.

Sans parler d’Olinthe, de Méthone d’Apollonide, de trente-deux villes de Thrace qu’il a tellement détruites qu’à peine retrouve-t-on quelques vestiges de leur existence ; sans rappeler la ruine des Phocéens, voyez l’état de la Thessalie ! N’a-t-il pas démantelé ses villes et changé son gouvernement ? L’Eubée, cette île voisine de Thèbes et d’Athènes, ne l’a-t-il pas livrée à des tyrans ? Quel orgueil dans ses lettres ! Je ne suis en paix, écrit-il, qu’avec ceux qui veulent m’obéir ; et ce qu’il dit, il le fait ; et nous, nous le laissons s’agrandir, croyant que le temps qu’il emploie à la destruction des autres, est un temps gagné pour nous ! Personne cependant ne peut ignorer que Philippe semblable à une fièvre contagieuse, fond sur celui-là même qui paraît le plus éloigné du péril.

Si un enfant de la Grèce la ruinait ainsi, on lui reprocherait de piller de la sorte son patrimoine : que dirons-nous donc des invasions, des dévastations de Philippe qui n’est point Grec, qui n’a rien de commun avec les Grecs, qui n’est pas même un barbare illustre, qui n’est en un mot qu’un misérable Macédonien, sorti d’une contrée d’où, jusqu’à présent, il ne venait pas même un bon esclave ? Eh ! voyez cependant jusqu’où va son insolence ! Peu content des villes qu’il a prises, des honneurs qu’on lui accorde aux jeux Pythiques qu’il fait présider par ses esclaves, maître des Thermopyles, protecteur du temple de Delphes, il préside les amphictyons à notre préjudice, gouverne la Thessalie, établit des tyrans à Érétrie, dans Orée, enlève Ambracie et Leucade aux Corinthiens, Neupacte aux Achéens, et menace aujourd’hui Byzance.

Quel est donc, Athéniens, la source de ce désordre ? comment tous les Grecs, autrefois si jaloux de leur liberté, se montrent-ils à présent si disposés à la servitude ? C’est qu’il existait alors dans le cœur de tous les peuples un sentiment qui maintenait la liberté et garantissait la victoire. Ce sentiment, c’était le mépris de l’or, c’était la haine contre ceux qui se laissaient corrompre. On n’achetait alors ni les orateurs ni les généraux ; on ne vendait ni la concorde qui doit régner entre les Grecs, ni la défiance qui doit exister contre les tyrans : de nos jours tout cela se vend comme au marché. Nous sommes maintenant plus puissants que jamais en troupes, en vaisseaux, en finances, mais la corruption paralyse toutes nos forces, et rend toutes nos ressources inutiles.

Faut-il vous prouver comment se conduisaient nos ancêtres ? Je le ferai, non par des paroles, mais en vous rappelant l’ancienne inscription gravée sur une colonne de bronze ; la voici : Soit diffamé Arthmius, fils de Pythonax, de Zélie, et regardé comme ennemi des Athéniens, lui et sa race, pour avoir apporté de l’or des Perses dans le Péloponnèse et que celui-là meure qui est noté d’infamie !

Punissez donc les traîtres ; courez aux armes ; secourez la Chersonèse donnez l’exemple ; avertissez, pressez, réveillez la Grèce : voilà ce qui est nécessaire pour votre salut, et ce qui convient à votre dignité.

Les Athéniens suivirent ses conseils et s’armèrent : l’intrigue prévalut encore pour le choix du général ; Charès fut chargé de conduire la flotte ; mais, comme sa cupidité était connue, toutes les villes lui fermèrent leurs ports.

Phocion le remplaça, et répondit à l’estime publique par de grands succès : il battit les Macédoniens, et força Philippe à lever le siège de Byzance.

Le roi de Macédoine, qui savait reculer, comme avancer à propos, trompa de nouveau les Athéniens par des promesses et des démonstrations pacifiques qui les empêchèrent de former contre lui une ligue active et puissante.

Ses négociations durèrent deux ans. Pendant ce temps il marcha en Scythie, et y enleva beaucoup de chevaux, de grains et de troupeaux.

A son retour, les Triballes lui livrèrent une bataille sanglante. Le roi, entouré et blessé, était au moment d’être pris. Alexandre son fils, âgé de dix-sept ans, fit des prodiges de valeur, pour arriver jusqu’à lui et le délivra.

Après cette expédition, il profita habilement d’une entreprise des Locriens sur les terres de Delphes, pour se faire appeler en Grèce par les Thébains et par les Thessaliens. On avait maltraité à Locres les commissaires des amphictyons ; ceux-ci donnèrent à Philippe le titre de généralissime des Grecs, et l’invitèrent à venger la religion.

Il entra rapidement en Phocide, et s’empara d’Élatée. Cette nouvelle répandit l’alarme dans Athènes. Démosthène proposa d’envoyer à tous les peuples des ambassadeurs, et de les appeler au secours de la liberté. Il fut lui-même chargé d’aller à Thèbes.

Philippe nomma pour le combattre un orateur distingué, appelé Python, qui parla avec beaucoup d’adresse aux Thébains, et employa fort habilement tous les moyens de force et de séduction propres à persuader à ce peuple, depuis longtemps jaloux des Athéniens, qu’il devait seconder le roi pour conquérir l’Attique, ou rester au moins neutre dans cette guerre.

Cette lutte mit le comble à la gloire de Démosthène qui se surpassa dans cette circonstance. Inspiré par la liberté, il démasqua la tyrannie, et démontra que la prise d’Élatée était le présage de la ruine de Thèbes : son éloquence l’emporta. Les Thébains, oubliant leur antique haine, entrèrent dans les vues des Athéniens, et acceptèrent leur alliance. Démosthène regardait le succès de cette négociation comme son plus beau triomphe.

Philippe, avant de combattre ouvertement cette ligue, voulut encore essayer la ruse : il proposa la paix aux Athéniens, et fit parler en sa faveur l’oracle de Delphes. Démosthène se moqua de ce stratagème, et dit que la pythie philippisait.

Les Athéniens refusèrent la paix. Le roi entra en Béotie avec vingt-deux mille hommes. L’armée grecque égalait la sienne en nombre et en courage ; mais les intrigues de Charès lui firent obtenir le commandement : il eut pour collègue Lyziclès, aussi médiocre que lui. Phocion fut exclu. Ainsi, la jalousie contre les grands hommes amène la ruine des états.

La bataille eut lieu l’an 3666, dans la plaine de Chéronée. Philippe commandait l’aile droite, et Alexandre l’aile gauche des Macédoniens. Alexandre enfonça d’abord le bataillon sacré des Thébains ; mais pendant ce temps Lyziclès mit en déroute le centre de l’armée royale. Fier de cet avantage, il le poussa trop loin, et poursuivit les fuyards en criant qu’il ne s’arrêterait qu’aux frontières de la Macédoine. Philippe vit cette faute, et en profita. Les Athéniens, dit-il, ne savent pas vaincre. Alors, sans perdre de temps, il marcha à la tête de sa phalange, prit en queue les Athéniens, les mit en déroute complète, et rejoignit l’aile victorieuse de son fils.

Démosthène, qui avait jusque là vaillamment combattu, partagea, dit-on, la terreur générale ; il jeta ses armes ; s’enfuit rapidement ; et, se sentant arrêté par un buisson, qu’il prenait pour un ennemi, il lui demanda la vie.

Athènes perdit dans cette bataille trois mille hommes, et Thèbes davantage. La renommée de ces deux républiques avait, jusqu’alors conservé tant d’éclat que Philippe, après les avoir vaincues se livra aux transports de la joie la plus indécente : on le vit sur le champ de bataille insulter les morts, danser et chanter en parodiant le décret que Démosthène avait fait rendre contre lui.

Un prisonnier athénien, Démade, indigné de ces excès, le rappela sévèrement à sa dignité en lui disant qu’il croyait voir Agamemnon jouer le rôle de Thersite. Le roi, loin de s’en offenser, lui donna la liberté, et renvoya les prisonniers athéniens sans rançon. Il conclut ensuite la paix avec Athènes ; mais il ne voulut point pardonner aux Thébains, qui avaient abandonné son alliance.

Démosthène, appelé en justice pour avoir conseillé une guerre si malheureuse, fut absous et comblé d’honneurs ; ce qui fait qu’on peut révoquer en doute l’anecdote de sa fuite.

Les Athéniens continuèrent à suivre ses avis. On le chargea de prononcer l’éloge funèbre des guerriers morts à Chéronée : il leur fit ériger un tombeau avec une inscription honorable. Au milieu d’une fête publique, un héraut conduisit sur la place les enfants de ces braves guerriers, et cria : La guerre a rendu ces enfants orphelins ; mais ils retrouvent dans le peuple d’Athènes un père qui prendra toujours soin d’eux, et qui les convie à mériter les premiers emplois de la république.

Démosthène fournit de ses propres biens une somme destinée à réparer les murs de la ville. Le peuple lui décerna une couronne d’or. L’orateur Eschine s’opposa à ce décret. L’éloquence de son discours, qui nous a été conservé, justifia sa célébrité ; mais Démosthène le terrassa. Sa harangue, terminée par une belle apostrophe aux Athéniens, est un chef d’œuvre d’éloquence. Eschine, vaincu, fut exilé à Rhodes. Au moment de son départ, Démosthène le contraignît à accepter une somme d’argent. Il la reçut, et s’écria : Comment ne regretterais-je pas une patrie où je laisse un ennemi si généreux, que je n’espère pas trouver ailleurs des amis qui lui ressemblent !

Il tint une école d’éloquence à Rhodes, et lut devant les Rhodiens sa harangue et celle de Démosthène. On applaudit la sienne, et encore plus celle de son adversaire. Alors il dit : Le discours de Démosthène vous enthousiasme : que feriez-vous donc si vous l’aviez entendu le prononcer lui-même ? Cependant l’éloquence d’Eschine avait tant de charme que les Athéniens donnèrent les noms des Grâces à ses trois principales harangues.

Lyziclès fut condamné à mort. Lycurgue, son accusateur, lui adressa ces paroles : Vous commandiez, et mille citoyens ont péri ! Vous commandiez, et la Grèce est asservie !

Charès aussi coupable, mais plus riche, fut absous.

Dans cette grande circonstance les Lacédémoniens, dégénérés, ne firent aucun effort contre Philippe. On convoqua l’assemblée générale des Grecs ; on y décida la guerre contre les Perses. Philippe obtint le commandement de toutes les troupes de la Grèce. Une immense gloire s’offrait à lui, et il s’occupait des dispositions à prendre pour se faire précéder en Asie par Attale et Parménion : mais sa fortune était à son terme, la discorde divisa sa famille, et une vengeance privée termina ses jours.

Il avait répudié la reine Olympias, dont il ne pouvait supporter l’humeur jalouse et vindicative. Il épousa Cléopâtre, nièce d’Attale : une violente querelle troubla la noce ; Attale, dans l’ivresse, demandait aux dieux que la nouvelle reine donnât bientôt un successeur légitime au roi. Alexandre furieux de cette insolence, lui jeta sa coupe à la tête, en s’écriant : Eh quoi ! misérable ; me prends-tu pour un bâtard ? Philippe courut sur son fils, l’épée à la main, pour le percer ; mais, comme il était boiteux, il tomba. Alexandre, le raillant sur sa chute dit : Voilà un roi bien capable de marcher en Asie, lui qui ne peut aller d’une table à l’autre ! Après avoir prononcé ces paroles coupables, il se sauva en Épire avec sa mère.

Un sage Corinthien, nommé Démarate, qui exerçait alors beaucoup d’influence sur Philippe, l’engagea bientôt à rappeler son fils, et à lui pardonner. Le roi se préparait toujours à son expédition contre les Perses ; il consulta l’oracle sur le succès de la guerre et en obtint cette réponse équivoque : Le taureau est couronné, et au moment d’être immolé. Philippe interpréta cet oracle obscur en sa faveur. L’événement ne tarda pas à prouver que le roi de Perse n’était pas la victime désignée.

On célébrait en Macédoine les noces d’Alexandre, roi d’Épire, frère d’Olympias, qui épousait Cléopâtre, fille de Philippe. Le roi de Macédoine avait invité à cette fête tous les personnages distingués de la Grèce. On lui envoya de toute parts des hommages, des couronnes, des orateurs et des poètes : ils voulurent faire jouer devant lui une tragédie, dans laquelle on le faisait paraître comme le vainqueur de l’Asie. Philippe sortit de son palais, pour se rendre au théâtre avec le cortège le plus pompeux : on portait devant lui douze statues, dont l’une le représentait sous la figure d’un dieu ; il marchait entouré des grands du royaume, et suivi d’une garde aussi brillante que nombreuse ; les acclamations universelles célébraient sa gloire. Ainsi la fortune se plaît souvent à parer de toutes ses faveurs celui dont elle va consommer la ruine : dans ce moment un jeune Macédonien, nommé Pausanias, récemment insulté par Attale, et qui n’avait pu obtenir justice du monarque, se fait jour à travers la foule, se précipite sur le roi, le poignarde et le laisse expirant sur la place[1]. La garde furieuse égorgea le meurtrier. On crut qu’Olympias n’était pas exempte de complicité dans ce crime ; il faut avouer qu’elle donna beaucoup de force à ces soupçons en faisant inhumer avec honneur l’assassin de son époux et en massacrant le fils de Cléopâtre entre les bras de sa mère.

La mort de Philippe répandît dans toute la Grèce une joie égale à la terreur qu’il inspirait : le peuple d’Athènes se couronna de fleurs, orna les temples de guirlandes ; et Démosthène ternit peut-être sa gloire en remerciant les dieux de la mort d’un homme.

Philippe mourut à l’âge de quarante-sept ans ; son règne en avait duré vingt-quatre.

Ce prince fut un des plus habiles rois dont l’histoire nous ait conservé le souvenir. Il tira la Macédoine de l’obscurité, et lui fit jeter le plus grand éclat. Son pays était pauvre ; il l’enrichit : son peuple ignorant ; il l’éclaira ; l’armée macédonienne, sans discipline et sans renommée, devint sous ses ordres supérieure à toutes les autres. Ses prédécesseurs payaient des tributs aux républiques d’Athènes, de Sparte et de Thèbes ; et en peu d’années il devint le chef de l Grèce.

Si la conquête de l’Asie fut l’ouvrage d’Alexandre, Philippe en conçut le projet et en prépara tous les moyens ; et c’est peut-être avec raison que Cicéron, jugeant ces deux hommes illustres, disait : Le fils est le plus célèbre par osés exploits ; mais le père était un plus grand homme.

Le roi de Macédoine offrait un mélange rare de vertus et de vices : quelquefois généreux, souvent cruel, toujours dissimulé, il était infatigable à la guerre, livré à la débauche dans son palais, constant dans ses amitiés privées, tyran dans sa famille, impénétrable dans ses desseins, fourbe dans sa politique, et aussi audacieux dans ses projets que souple pour arriver à son but.

On ne peut rien ajouter, pour faire connaître son intrépidité, à l’éloge sorti de la bouche de son plus implacable ennemi. Démosthène disait : Je l’ai vu ce même Philippe, à qui nous disputons l’empire de la Grèce, je l’ai vu couvert de blessures, privé d’un œil, ayant la clavicule brisée, une jambe et une main estropiées, toujours déterminé à braver les périls, et à livrer à la fortune telle autre partie de son corps qu’elle voudrait choisir, pourvu qu’avec le reste il atteignît la gloire.

On vit toujours en lui un mélange de grec et de macédonien, qu’il tenait de sa naissance et de son éducation. A la folie, à la dureté, aux passions violentes des barbares de son pays, il joignait les lumières, la finesse, l’éloquence qu’il avait puisées à Thèbes ; et toute sa vie on reconnut, au milieu de ses vices et de ses défauts, quelques traces des vertus qui avaient frappé son enfance dans la maison d’ Épaminondas.

On lui conseillait un jour d’exiler un homme qui avait médit de lui : Voulez-vous donc, répondit-il, qu’il répète ailleurs ce qu’il dit ici ?

On s’étonnait des bienfaits qu’il accordait à un Grec, nommé Nicanor, qui s’était aussi montré très caustique contre lui : depuis ce temps Nicanor fit partout son éloge. Vous voyez bien, dit Philippe, qu’il est au pouvoir des rois de se faire aimer ou haïr.

La vérité hardie lui plaisait. Une pauvre femme, qu’il avait souvent repoussée, en alléguant qu’il, n’avait pas le temps de l’écouter, ni de lire sa requête, lui dit : Cessez donc d’être roi ! Il fit droit à sa demande.

Une autre, contre laquelle il venait de prononcer un jugement au sortir d’un festin, s’écria : J’en appelle !... — A qui donc ? répondit le roi. — A Philippe à jeun. Il examina de nouveau l’affaire, reconnut son injustice, et la répara.

Dans une circonstance critique, on lui reprochait de s’être livré au sommeil. Il est vrai, dit-il, je dormais ; mais Antipater veillait.

C’est avec de telles paroles, plus qu’avec tous ses trésors, qu’un monarque est sûr d’avoir des ministres et des généraux dévoués.

On racontait devant lui que chacune des dix tribus d’Athènes nommait tous les ans un nouveau général. Les Athéniens sont bien heureux, reprit le roi ; ils trouvent dans leur ville, tous les ans, dix bons généraux ; et moi je n’ai pu trouver, dans toute ma vie, que le seul Parménion.

Le souvenir des leçons d’Épaminondas lui faisait craindre de se laisser enivrer par la flatterie, et il avait chargé un de ses serviteurs de lui dire chaque matin : Philippe, souvenez-vous que vous êtes mortel.

Les plus grands, génies ne sont pas toujours à l’abri de la superstition : on prédit à Philippe qu’un char serait cause de sa mort ; il en défendit l’usage dans les lieux qu’il habitait. On prétendit, probablement pour maintenir la crédulité, qu’on avait trouvé un char gravé sur le poignard qui trancha ses jours.

Nous nous sommes beaucoup étendus sur le règne de Philippe, parce que son génie changea la face de la Grèce, prépara les triomphes d’Alexandre, et fut la première cause de cette grande révolution qui détruisit la liberté en Europe, renversa le trône de Cyrus, livra-le monde aux Macédoniens, et contribua sans doute à la grandeur future des Romains par l’anéantissement des forces d’Athènes et de Sparte.

 

 

 



[1] An du monde 3668.