BÉOTIE
AVANT de terminer l’histoire de ce second âge, il est
nécessaire de faire connaître en peu de mots la situation où se trouvaient
quelques cités et quelques peuples remarquables par leur puissance, sans être
aussi fameux que les Athéniens et les Lacédémoniens par leur législation et
par leurs lumières.
Soixante ans après la guerre de Troie les Béotiens,
descendant des montagnes de Thessalie, marchèrent contre la ville de Thèbes
et se joignirent aux habitants de la campagne, qui avaient une origine
commune avec eux : ils détrônèrent la famille de Cadmus, et conquirent toute
la province, à laquelle ils donnèrent leur nom.
La grossièreté de ces montagnards les rendit pendant
longtemps l’objet de la raillerie des Athéniens et des Spartiates, qui les
trouvaient lourds et peu spirituels ; mais à la guerre on admirait leur
courage. Ils étaient plus habiles dans l’art militaire que dans celui de la
législation ; aussi ils détruisirent facilement chez eux la tyrannie, et, ne
surent pas bien y établir la liberté.
Leur constitution était trop militaire et leur
gouvernement trop concentré pour former une bonne république. Tout citoyen
était soldat et soumis à la discipline dans la ville comme dans les camps.
Quatre magistrats les gouvernaient ; quelquefois ils
furent portés au nombre de sept : on les élisait pour un an ; leur
autorité était semblable à celle des rois. Ces magistrats s’appelaient
Béotarques. Les conseils et les tribunaux conduisaient et jugeaient les affaires
sous leur surveillance. Dans les occasions extraordinaires les petites villes
de Béotie envoyaient des députés à Thèbes. Les Béotarques présidaient leur
assemblée.
Cette république fut troublée, comme presque toutes les
autres, par deux factions, dont l’une soutenait la démocratie et l’autre
l’oligarchie.
Avant de chasser ses rois, Thèbes fut souvent en guerre
contre Athènes. Lorsque le dernier prince de la famille de Thésée commandait
l’armée athénienne, le roi des Thébains lui proposa de vider leur querelle par
un combat singulier. Thymèthes, se trouvant trop vieux, refusa cette proposition
; mais comme elle était agréable aux deux peuples, dont elle épargnait le
sang, Mélanthus, prince messénien, chassé de son pays par les Héraclides,
s’offrit pour champion aux Athéniens. Il fut accepté, combattit, tua le roi
de Thèbes, et obtint le sceptre d’Athènes après l’abdication de Thymèthes,
Mélanthus laissa le trône à son fils Codrus.
ARCADIE
CETTE nation, divisée en peuples peu nombreux, conserva
longtemps les petits rois qui les gouvernaient ; mais enfin la nécessité de
se défendre contre des états plus puissants les força de se réunir et de se
former en république. Leurs villes les plus célèbres furent Tégée et
Mantinée. Leurs mœurs étaient douces, et leur vie pastorale : courageux comme
les autres Grecs, mais moins ambitieux, ils défendaient plutôt leur bonheur
que leur gloire.
A l’honneur de passer pour les plus anciens habitants de la Grèce, ils
joignaient celui d’être regardés comme les plus invincibles.
L’oracle avait déclaré aux Lacédémoniens qu’avec le
secours des dieux mêmes ils ne pourraient soumettre un peuple aussi frugal.
Le tableau riant que présentaient les plaines fertiles,
les fraîches vallées, les sources limpides et les riches troupeaux de l’Arcadie
fut souvent tracé par les peintres les plus habiles et par les poètes les
plus célèbres. On admirait les autres peuples ; on aimait les Arcadiens.
En décrivant les danses de leurs bergers leurs fêtes champêtres,
en répétant leurs chansons pastorales, on éprouvait, on inspirait le désir
d’habiter ce beau pays qu’on pouvait nommer le temple de la nature et des
vrais plaisirs. Le voyageur qui s’en éloignait en conservait un doux
souvenir, et répétait ces mots, inscrits par un peintre ancien sur le tombeau
d’une jeune bergère. Et moi aussi j’ai vécu en
Arcadie !
Ce peuple hospitalier et vertueux était sévère contre le
crime. Le dernier roi d’Arcadie, nommé Aristocrate, trahit, les Messéniens,
ses alliés, et les livra aux Spartiates. Les Athéniens le firent mourir,
jetèrent son corps hors de leurs limites, et placèrent sur une colonne cette
inscription : Le lâche, en trahissant les Messéniens,
a mérité son sort ; la perfidie n’échappe point au châtiment.
ÉLIDE
LA religion rendait le territoire de l’Élide sacré pour tous
les peuples de la Grèce
: les jeux olympiques s’y célébraient. De toutes parts on voyait accourir à
Olympie les rois, les sages, les poètes et les guerriers. Tout homme doué d’un
rare talent, d’une grande force, ou d’une extrême légèreté, tout écuyer
habile dans l’art de conduire des chars et de dompter des coursiers, venait
en Élide disputer une couronne qui donnait l’immortalité et qu’on croyait
recevoir de la main des dieux ; car l’imagination vive des Grecs les
portait à penser que toutes les divinités de l’olympe, partageant leurs
passions, quittaient leurs célestes demeures pour présider aux jeux qu’on célébrait
sur les rives de l’Alphée.
Ainsi l’Élide ne devait ressembler à aucun pays du monde : la guerre ne pouvait la troubler
; chacun déposait les armes en entrant sur ce territoire sacré. La politique
de son gouvernement n’avait ni invasions à craindre, ni alliances à rechercher.
Tous les autres peuples augmentaient les richesses de ce
pays par les tributs qu’y versait l’ambition des prétendants à la gloire
olympique.
Cette nation paisible conserva longtemps des rois de la
race d’Iphitus ; mais l’exemple des autres contrées, et l’esprit général de la Grèce y établirent enfin
la démocratie. L’état connut alors les dissensions intestines ; chaque ville
soutint ses prétentions à la supériorité : celle d’Élis obtint, la suprématie
; mais les habitants de Pise, située au nord de l’Alphée, prétendaient à la
garde d’Olympie et à la surintendance des fêtes. Les habitants d’Élis la lui
disputaient : cette querelle amena la guerre. Phédon, tyran d’Argos,
profitant de ces troubles, s’arrogea, comme descendant d’Hercule, la garde du
temple qui lui était dédié. Après sa mort les habitants de Pise s’en
emparèrent ; mais au bout de quelques olympiades, les troupes d’Élis
assiégèrent Pise, et la détruisirent de fond en comble.
Depuis ce temps la république fut paisible, et les peuples
de l’Élide ne se mêlèrent qu’aux guerres de religion qui troublèrent rarement
la Grèce.
Pélops était le fondateur des jeux olympiques. Leur
célébration n’eut point abord d’époque déterminée. Iphitus, roi d’Élis, ordonnât
qu’ils auraient lieu tous les cinq ans. Cette loi fut donnée l’an du monde
3288. On réduisit depuis cet espace à quatre ans. Le nombre des olympiades
était la grande chaîne de la chronologie grecque. Cette ère ne commença que
la première année de la vingt-huitième olympiade.
Les jeux olympiques étaient consacrés à Jupiter : les
vainqueurs, couverts de gloire, se voyaient presque divinisés ; on datait
l’année par leurs noms ; les poètes les chantaient, et chacun admirait avec
un respect mêlé d’envie la couronne de laurier qui couvrait leurs fronts. Le
premier pris était celui de la course qui se faisait dans un lieu appelé
stade. Il y avait plusieurs genres de courses ; la course à pied, la course à
cheval, la course des chars : cette dernière était la plus renommée. Gélon,
Hiéron, rois de Sicile, Philippe, roi de Macédoine, s’enorgueillirent d’y remporter
le prix. Les chars étaient attelés de deux ou de quatre chevaux de front.
Lorsque Alcibiade fut proclamé vainqueur, il donna un festin où tout le peuple
de la ville et tous les étrangers furent invités. Après ces courses les
athlètes combattaient : leurs différents jeux s’appelaient le pugilat, la lutte,
le disque et le saut. Plusieurs beaux génies de la Grèce lisaient leurs
ouvrages au milieu de l’assemblée olympique : Hérodote y fit entendre son
histoire : chacun des livres qui la composaient reçut le nom d’une muse.
Lysias y lut une harangue sur la chute de Denys le tyran.
Un des plus habiles athlètes de la Grèce fut Milon de Crotone.
On le vit remporter six victoires aux jeux olympiques : il porta sur ses
épaules, dans toute la longueur d’une stade, un bœuf de quatre ans, l’assomma
d’un coup de poing, et le mangea tout entier. La force qui avait fait sa
gloire causa sa mort : ayant voulu ouvrir entièrement un tronc de chêne qui
était fendu, ses mains se trouvèrent tellement prises et serrées, qu’il devint
la proie des animaux féroces qui le surprirent dans cet état, et le
dévorèrent.
TABLEAU DES MŒURS, DU CULTE ET DES LUMIÈRES DE LA GRÈCE.
LA capitale du royaume d’Agamemnon, qui avait si longtemps
dominé la Grèce,
perdit sa gloire avec ses rois. La république d’Argos, déchirée par des
factions, tomba sous le joug du fameux tyran Phédon, de la race d’Hercule ;
son pouvoir finit avec lui.
Les Argiens, mal gouvernés, furent malheureux au-dedans et
sans influence au-dehors. Mycène, Asinée, Nauplie, se rendirent indépendantes
; Hermione, Épidaure, formèrent des républiques séparées. Thyrrée, et
quelques autres conquêtes, restèrent aux Lacédémoniens.
Le royaume de Crète, après
la mort d’Idoménée, fut entraîné par l’esprit général de la Grèce : on abolit la
royauté. Les Crétois, sous le gouvernement républicain, conservèrent une
grande réputation militaire : leurs
archers passaient pour les meilleurs du monde. Mais la législation de Minos,
qui avait servi de modèle à celles de Solon et de Lycurgue, fut abolie ; et
le peuple crétois, malheureux chez lui et méprisé par les étrangers, se
déconsidéra par sa mauvaise foi, tellement que son nom devint une injure.
La Thessalie
aussi favorisée par la nature que l’Arcadie, ne jouit pas comme elle des
douceurs de la paix. La délicieuse vallée de Tempé ne garantissait pas ses
bergers des fureurs de la guerre ; elle en fut souvent le théâtre et la
proie. La patrie d’Achille devait être guerrière, et cependant la cavalerie
thessalienne, qui faisait la force principale des armées grecques, contribua
moins à la gloire du pays qu’à celle des autres peuples qu’elle servait tour
à tour.
Les Phocéens, voisins de la Thessalie, furent
continuellement en guerre avec elle. Dans leurs plaines les Thessaliens
avaient l’avantage ; mais les montagnes de la Phocide leur opposaient
des obstacles qu’ils ne pouvaient vaincre. Ces indociles montagnards
résistèrent même à toute la
Grèce, qui voulait les punir d’avoir labouré un terrain
consacré à Apollon. Possédant au milieu de leur pays le temple de Delphes,
ils ne surent point tirer parti de cet avantage, qui pouvait rendre leur
territoire inviolable et sacré. La religion aurait fait leur sûreté ; une avidité impie leur
attira le courroux des autres peuples de la Grèce. Leur opiniâtreté
devint célèbre sous le nom de désespoir phocéen,
parce qu’ils prouvèrent dans plusieurs occasions qu’ils aimaient mieux périr avec
leurs familles et leurs biens que de céder aux lois d’un vainqueur.
Telle était, à la fin du second âge de la Grèce, la situation de ces
différents peuples, tous gouvernés en république, tous passionnés pour la gloire
et la liberté. Ces deux nobles sentiments, agitant tous les esprits,
électrisèrent toutes les âmes, peuplèrent en peu de temps cette petite
contrée de tant d’hommes de talent et de génie qu’elle occupe plus de place
dans l’histoire que les grands empires, et remplit encore le monde, après
trois mille ans des plus grands et des plus brillants souvenirs.
Dans le premier age, à cette époque où les Pelages
reçurent d’Égypte les premiers principes de la civilisation, la lumière
pénétra lentement dans ces esprits sauvages, et les mœurs conservèrent longtemps
une antique grossièreté.
La force tenait lieu de tout mérite et de tout droit ; ils
ignoraient jusqu’au mot de vertu : celui dont ils se servaient pour
l’exprimer était arété (bravoure). On traitait les vaincus avec
férocité : l’esclavage fût regardé comme un adoucissement de cette politique
barbare, puisqu’il préservait les prisonniers de la mort.
Les Grecs furent longtemps guerriers avant de connaître
les éléments de la guerre : la force de corps faisait tout ; une bataille
n’était que l’ensemble de plusieurs duels. Les Thessaliens, qui domptèrent
les premiers des chevaux, furent presque divinisés ; on les nomma Centaures.
Le cheval de Troie fut la première
machine de guerre. Le principal objet de la guerre était le pillage. Les
vaisseaux grecs n’étaient que des canots sauvages. Ignorants en astronomie, ils
avaient des années de trois, de quatre et de six mois. La sûreté individuelle
n’avait aucune garantie contre l’homme enrichi par le pillage.
Le ravisseur, l’adultère et le meurtrier n’étaient punis
que par une amende. Les mœurs des princes n’étaient guère moins cruelles que
celles de leurs sujets : ils injuriaient leurs adversaires avant de les
combattre, et outrageaient leurs corps après les avoir vaincus. Les
princesses lavaient elles mêmes leurs vêtements. On voyait Agamemnon, le roi
des rois, assommer un taureau, le rôtir, le découper, et en servir le dos à
son convive Ajax.
Les Grecs établis dans l’Asie-Mineure s’éclairèrent les
premiers ; ceux d’Europe ne marchèrent que lentement sur leurs pas. Ce ne fut
qu’environ trois cents ans après la guerre de Troie que l’illustre Homère fut
connu des Spartiates et des Athéniens. Mais le beau ciel de la Grèce ne devait pas
éclairer toujours une grossière population ; ce pays, où la diversité des aspects et des saisons
présente sans cesse un tableau mouvant et varié, n’attendait qu’un rayon de
lumière pour réveiller l’imagination de ses habitants, et pour la rendre plus
riante, plus active et plus riche que celle de tous les autres peuples du
monde.
Les Grecs, sortant de leurs sombres forêts, se réunirent
dans les plaines, se répandirent sur les fleuves, et se rassemblèrent dans
les villes. La douce chaleur de leur climat électrisa leur esprit, colora
leurs idées, orna leur langage d’expressions figurées.
Charmés de la beauté du tableau que présentait à leurs
yeux une si délicieuse contrée, ils adorèrent la cause qui produisait tant de
merveilles. L’admiration et la reconnaissance donnèrent la première idée d’un
dieu ou plutôt, en rappelèrent le souvenir effacé, car nos auteurs modernes
se trompent en croyant que notre religion seule et celle des Juifs ont fait
connaître au genre humain l’Être Suprême. Aristote dit formellement qu’une
tradition, reçue par les plus anciens des hommes nous apprend que Dieu est le créateur et le conservateur de toutes choses
; qu’il n’y a rien dans la nature qui puisse maintenir sa propre existence
sans la protection constante de ce Dieu : de là, disait-il, en a conclu que l’univers était plein de dieux qui
voyaient, entendaient et surveillaient tout. Cette opinion est conforme à la
puissance et non à la nature de la divinité. Dieu étant un, a reçu plusieurs
noms relatifs à la variété des effets dont il est la cause.
Orphée avait enseigné cette idéologie sublime. Les fables
des autres poètes firent oublier depuis cette doctrine simple et vraie ; on
n’en a gardé que ce passage cité par Proclus : Tout ce qui est tout, ce qui a été, tout ce qui sera,
était contenu dans le sein fécond de Jupiter. Jupiter est le premier et le
dernier, le commencement et la fin ; de lui dérivent tous les êtres.
L’imagination grecque, voulant donner une âme à chaque
objet, écoutant plus les poètes que les sages, et le sentiment que la raison,
peupla la terre de dieux et le ciel de
passions. Alors, comme le dit
l’abbé Barthélemy, se forma cette philosophie, ou
plutôt cette religion païenne, mélange confus de vérités et de mensonges, de
traditions respectables et de fictions riantes : système qui flatte les
sens et révolte l’esprit, qui respire le plaisir en préconisant la vertu.
Ainsi on divinisa la nature ; et les fables d’Hésiode et
d’Homère devinrent la religion des Grecs. Selon cette croyance, une puissance
infinie, une lumière pure, un amour divin qui établissait partout l’harmonié,
tira l’univers du chaos et créa les dieux et les hommes. Ils se disputèrent
l’empire. La Terre
fit la guerre au Ciel. Les Titans attaquèrent les dieux ; ceux-ci furent
vainqueurs, et nous soumirent pour toujours.
La race immortelle se multiplia ; Saturne, né du Ciel et
de la Terre,
eut trois fils qui se partagèrent l’univers.
Jupiter gouverna le ciel ; Neptune régna, sur les mers ;
et Pluton dans les enfers.
Tous les autres dieux exécutaient leurs ordres : Vulcain
présidait au feu ; Cérès aux moissons ; Mars à la guerre : Vénus inspirait
les tendres passions ; Minerve donnait la sagesse ; Mercure conduisait les
orateurs à la tribune et les ombres dans le Tartare ; Thémis tenait les balances
de la justice ; Jupiter lançait la foudre pour effrayer le crime, sa cour,
centre de lumière éternelle, était le séjour du bonheur. Chaque fleuve avait
sa divinité chaque fontaine sa naïade. Bacchus animait la gaîté des
vendangeurs ; les Grâces répandaient leurs charmes sur les traits de la
beauté, sur les écrits des poètes ; Apollon et les muses électrisaient tous
les talents ; Vulcain forgeait des armes ; la gaîté même était protégée par
Momus et par la Folie
; les rayons de Diane éclairaient doucement l’obscurité des nuits, et les
pavots rafraîchissants de Morphée faisaient oublier aux mortels leurs
travaux, leurs fatigues, et toutes leurs douleurs, excepté celle du remords.
Les hommes recevaient des dieux tous les biens et les
accusaient d’être les auteurs de leurs maux. La divinité punissait les fautes
par le malheur.
Les Grecs, croyant les dieux semblables aux hommes, leur
créaient un bonheur pareil à celui qui était l’objet de leurs désirs.
Le ciel avait ses fêtes et ses banquets ; la jeunesse,
sous les traits d’Hébé, distribuait l’ambroisie, et versait le nectar. La
lyre d’Apollon faisait retentir les voûtes de l’Olympe de son harmonie. Dès
le matin l’Aurore ouvrait les portes du ciel, et répandait sur la terre la
fraîcheur de l’air et le double parfum de Flore, déesse des fleurs, de
Pomone, déesse des fruits. Phébus, montant sur le char du soleil, inondait le
monde de torrents de lumière ; et lorsque Éole, dieu des vents, rassemblant
les orages en furie, avait épouvanté les Dryades et les Silvains, divinités
des bois, la brillante messagère de Junon, la légère Iris, annonçait à la terre
par la trace vivement colorée de ses pas, le retour du calme, et de la paix
des cieux.
Les dieux toujours présents, inspirent les vertus et les
vices, dirigent tous les penchants des hommes, sont témoins de toutes leurs
actions, et lisent dans leurs pensées.
Ainsi des milliers de divinités combattent dans le cœur
des mortels. Si les unes les égarent, si d’autres s’efforcent de les mener
à la vertu, la Mort et les Parques
terminent ce débat : son inexorable faux et leurs ciseaux cruels tranchent
les destinées humaines. Alors Mercure ne protège plus le larcin ; Vénus ne
sourit plus à la volupté ; le terrible Mars n’excite plus au carnage ; les
lois de Jupiter s’exécutent. L’homme a passé le Styx dans la barque du vieux
Caron ; entre dans le sombre empire de Plutus. Minos, Éaque et
Rhadamante le jugent à l’inflexible tribunal des enfers. S’il a fait du bien
pendant sa vie, il est conduit dans les bosquets charmants de l’Élysée où il
jouit d’une paix constante, d’un printemps éternel, au milieu des héros
vertueux, des beautés fidèles, des rois bienfaisants, des sages respectés, des
orateurs et des poètes célèbres, et là il retrouve, sans nuages et sans
mélange, les douceurs d’un chaste hymen, les épanchements d’une tendre amitié,
les affections innocentes, les jeux, les occupations, les exercices et tous les
plaisirs qui faisaient le charme de sa vie. Mais, s’il a commis des crimes,
l’implacable Némésis, divinité vengeresse, s’empare de son cœur ; les noires
Furies le frappent de leurs fouets, le déchirent par leurs serpents, le
traînent dans les gouffres de l’Averne, et là le livrent aux plus affreux
supplices.
On voit que les Grecs, élevés par les Égyptiens, croyaient
à l’immortalité de l’âme.
Dans leur opinion, l’âme spirituelle ou l’entendement
était, pendant la vie, enveloppé d’une âme sensitive, matière subtile et
lumineuse, image parfaite et, pour ainsi dire, ombre de notre corps. Après la
mort, l’âme intellectuelle rejoignait dans le ciel la lumière céleste dont
elle était émanée ; et l’âme sensitive, conduite par Mercure, descendait dans les enfers
pour y recevoir le prix de ses vertus ou le châtiment de ses forfaits.
Plusieurs pensaient qu’au bout d’un certains nombre de
siècles, les ombres buvaient l’onde du fleuve d’Oubli ou Léthé, et qu’alors
elles revenaient sur la terre reprendre une nouvelle vie.
Tout était sensuel dans cette religion, les peinés comme
les récompenses.. Les dieux mêmes éprouvaient les passions des hommes : la Discorde les divisait,
l’Amour les blessait de ses flèches, et les portait souvent à revêtir une
forme humaine pour s’unir à de simples mortelles.
Jupiter séduisait Danaé, poursuivait Io, enlevait Europe,
faisait naître Hercule du sein de la belle Alcmène. La jalousie portait Junon
à la vengeance ; Vulcain était trahi par Vénus qui se livrait au dieu de la
guerre ; et la chaste Diane elle-même se laissait toucher par les charmes du
bel Endymion.
Les guerres de la terre se répétaient dans les cieux.
Minerve, Apollon, Mars et Junon combattaient, les uns pour détruire, les
autres pour sauver Troie, jusqu’au moment où Jupiter, monarque de l’univers,
dont un signe faisait trembler la terre et les cieux, rassemblait son immense
et céleste conseil, prononçait l’arrêt dicté par le Destin, et forçait toutes
les autres divinités à s’y soumettre.
Ainsi la religion des Grecs, inconséquente dans son
système, mêlait une foule d’erreurs funestes à un petit nombre de vérités
utiles. Elle animait mais elle altérait tout ; et si, d’un côté, elle
enseignait l’existence des dieux et l’immortalité de l’âme, si elle promettait
des récompenses à la vertu et des punitions aux crimes, de l’autre elle
favorisait les passions coupables et divinisait le vice.
Ce culte imparfait ne pouvait donner qu’une morale relâchée,
mais il présentait à la politique de grands moyens pour profiter de la
crédulité des peuples. On les occupait par des fêtes, on leur en imposait par
des mystères ; on les effrayait ; on les assurait par des oracles, par des
augurés. L’imagination, que ne réglait aucun principe certain, ne connaissait
aucunes bornes. Rien n’était raisonnable ; tout était merveilleux : et ces
nations héroïques ressemblaient à des enfants brillants et crédules, amusés
par des contes, élevés par des fables, et gouvernés par une religion poétique.
L’histoire n’était pour eux qu’un drame, dont l’intrigue
merveilleuse et remplie de miracles était tracée par la destinée et dénouée
par l’intervention de quelques divinités de l’Olympe.
Ce tableau, ou plutôt cette esquisse de la religion des
Grecs, fait comprendre l’influence qu’elle dut avoir sur leur caractère et
sur leurs actions.
Les peuples, gouvernés par des principes si
contradictoires, livrés à leur imagination qu’égaraient tant de fables,
vivaient dans un monde de prestiges, et devaient nécessairement nous offrir
ce mélange de lumières et d’ignorance, de sagesse et de folie, d’héroïsme et
de superstition, de vertus et de passions, qui plait encore à notre esprit,
même en choquant notre raison, et qui, dans la maturité des siècles, malgré
la sévérité d’une religion vraie et d’une morale éclairée, exalte encore
notre pensée, se reproduit sous le pinceau de nos peintres, dans les chants de
nos poètes, et charme toujours nos souvenirs ; comme dans la vieillesse nous aimons
à nous rappeler les fables qui entouraient notre berceau et les jeux qui amusaient
notre enfance.
Quelques sages, abandonnant au peuple les fables les
prodiges, étudiaient la nature, et cherchaient la vérité. Personne, dans les
temps modernes, ne les a encore surpassés dans cette partie de la morale qui
enseigne à maintenir l’âme dans un état calme et à placer le bonheur loin des
excès. Leurs écrits sont une source féconde où puisent avec fruit tous les
moralistes qui veulent peindre et combattre les passions. Mais leur
métaphysique, leurs explications de la création, de la destinée, et des
phénomènes de notre nature intellectuelle ne reposent sur aucun principe
certain, sont souvent dénuées de raison, quoique brillantes d’esprit ; et
leurs rêves philosophiques sont tout aussi peu sages que cette théogonie poétique
et cette mythologie populaire, objet de leur culte public et de leur secret
mépris.
Trois siècles après la ruine de Troie, il ne restait plus
dans la Grèce
aucune trace de barbarie ; la civilisation, les lettres, les arts avaient fait
les progrès les plus rapides : partout on voyait des villes bâties des
temples élevés, des codes de lois établis ; les autels fumaient de sacrifices
; de pompeuses cérémonies, des jeux célèbres attiraient de toutes parts les étrangers.
Le liberté fortifiait les âmes ; les arts adoucissaient les mœurs ; la
tribune retentissait, de discours éloquents ; les écrits ingénieux de
plusieurs philosophes célèbres se lisaient dans toutes les écoles et donnaient
à la jeunesse le goût de l’éloquence et des lettres.
Les édifices publics étaient ornés des images des dieux et
des héros qui animaient le marbre et la toile ; et la Grèce, en peu de siècles, devint, sous l’empire
d’un deux climat et d’une imagination riante, un pays enchanté, un tableau
magique ou se réunissait tout ce qui peut échauffer l’âme, exalter l’esprit
et charmer les sens.
A la fin des deux premiers âges de son existence, la Grèce comptait déjà plus d’hommes éclairés et
célèbres que les vieux empires qui l’avaient tirée de la barbarie.
Nous avons fait connaître les héros des temps fabuleux et
ceux de la première époque historique ; mais la Grèce, avant de combattre
les Perses comptait aussi des poètes fameux et des philosophes célèbres. Le temps
ne nous a laissé connaître que les noms de Linus et de Musée ; peu de vers d’Orphée
ont échappé à ses ravages. Hésiode chanta les campagnes et les travaux de
l’agriculture. Nous n’avons de connaissance certaine des dieux de l’Olympe
que par la théogonie de ce poète : sa description du bouclier d’Hercule fut
aussi célèbre que les travaux de ce demi dieu.
Homère, antérieur
à l’ère des
olympiades, fut le premier des grands poètes, et leur sert encore de
modèle. L’Odyssée raconte les voyages d’Ulysse après la prise de
Troie. Le sujet de l’Iliade est la
colère d’Achille, si funeste aux Grecs. Alexandre le Grand regardait ces deux
poèmes comme les chefs-d’œuvre de l’esprit humain.
Cicéron place Homère au nombre des plus grands peintres ;
Horace le préfère aux plus profonds philosophes ; Quintilien le met au-dessus
des plus illustres orateurs.
La ceinture de Vénus, les touchants adieux d’Hector et
d’Andromaque, la douleur de Priam dont les larmes fléchissent le courroux
d’Achille, les prières personnifiées dont les pleurs adoucissent la vengeance
du maître des dieux, et tant d’autres fictions admirables, ornées d’une
éloquence divine dont nous ne pouvons plus apprécier qu’imparfaitement les
charmes, méritèrent à cet homme étonnant le beau titre de prince des poètes
qu’aucun génie antique ni moderne n’a pu, jusqu’à présent, lui disputer.
Homère devint aveugle et vécut pauvre. Tous les siècles
ont répété ses vers et nous ont laissé ignorer le lieu de sa naissance.
Plusieurs villes d’Europe et d’Asie se disputèrent l’honneur de lui avoir
donné le jour.
Paros se vantait d’avoir vu naître Archiloque, inventeur
des vers ïambes. Ce poète était plein de force et de licence.
Alcée honora Mitylène, sa patrie, par ses talents lyriques
: passionné pour la liberté, il attaqua par de vives satires le tyran de
Lesbos. Quintilien trouvait quelque ressemblance entre son style et celui
d’Homère.
Sapho brillait dans le même lieu et dans le même temps ;
l’amour fit son génie, et causa ses malheurs. Nul poète ne sut mieux peindre
la passion ; l’excès des siennes ternit sa gloire.
Thespis, contemporain de Solon, inventa la tragédie. Ses
acteurs ambulants et montés sur des tréteaux, intéressèrent par le récit des
exploits héroïques, qu’interrompaient des chœurs chantants. Ce fut ainsi que,
parcourant la Grèce,
il répandit partout les germes et le goût de ces fictions dramatiques qui devinrent
la passion des Grecs, influèrent sur leurs mœurs et contribuèrent à leur gloire.
Simonide se distingua, presque également par ses vers
élégiaques et par sa philosophie. Hiéron lui demandait une définition qui lui
fit connaître l’essence de Dieu ; Simonide prit un jour pour répondre, ensuite
deux, et puis quatre, enfin un nombre infini pour prouver l’immensité du
sujet proposé à sa méditation. S’étant embarqué avec des marchands, ils
s’étonnaient de le voir partir sans bagages. Le vaisseau périt ; Simonide
leur dit : Vous êtes ruinés, et je n’ai rien
perdu, car je porte tout avec moi.
Anacréon vivait dans la soixante douzième olympiade ; il
était de Téos en Ionie. Sa vie était consacrée au plaisir ; la volupté fut
son but et son étude. Il chanta jusqu’à près de cent ans le vin, l’amour et
les plaisirs. Ce poète aimable fut longtemps l’ornement de la cour de
Polycrate à Samos, et de celle d’Hipparque, tyran d’Athènes.
Tandis que la poésie chantait les merveilles du ciel et de
la terre, la philosophie cherchait à en pénétrer les causes. Les philosophes grecs,
parmi lesquels se distinguèrent sept hommes décorés du beau titre de sages,
s’occupaient à tracer les principes de la politique, les règles de la morale
et les éléments de la physique.
Thalès, chef de la secte ionique, regardait l’eau comme un
principe universel dont un Dieu suprême et intelligent s’était servi pour
tout créer. Thalès était un grand astronome et un bon mathématicien pour son
siècle, puisqu’il fixa le cours de l’année solaire, prédit l’éclipse de
soleil qui arriva sous le règne d’Astiage, et trouva le moyen de mesurer la
hauteur des pyramides par un calcul proportionnel entre leur ombre et celle
de son corps. Il remerciait les dieux de trois choses principalement, de
l’avoir créé de nature humaine et non animale, de l’avoir fait homme et non
femme, Grec et non barbare.
Sa mère voulait qu’il se mariât ; il répondit d’abord
qu’il n’était pas temps, et quelques années après qu’il n’était plus temps.
En examinant les astres, il tomba dans un puits ; une vieille femme, le
raillant de cette chute, lui dit : Comment
voulez-vous connaître ce qui est dans les cieux ; vous qui ne voyez pas ce
qui est à vos pieds ?
Le législateur d’Athènes, Solon, était au nombre des sept
sages. Ses reparties ingénieuses et profondes furent presque aussi célèbres
que ses lois. Crésus, roi de Lydie, voulut en vain l’éblouir par l’éclat de
ses richesses et par le tableau de son bonheur ; Solon lui montra son mépris
pour d’opulence et ses doutes sur la durée de la félicité humaine. On ne peut juger, disait-il, du malheur ou du bonheur d’un homme qu’à la fini de sa vie.
Crésus, vaincu, détrôné et près de mourir, se rappela la
maxime de Solon. Ce souvenir frappa Cyrus, le désarma et sauva les jours du
roi captif.
Chilon de Lacédémone doutait également du bonheur des
mortels. Ésope lui demandant à quoi Jupiter s’occupait, répondit : A abaisser ceux qui s’élèvent et à élever ceux qui
s’abaissent. Sa prétendue sagesse, ne lui avait pas appris à maîtriser
ses passions ; car il mourut de joie à Pise en voyant le triomphe de son fils
qui avait remporté le prix du pugilat aux jeux olympiques.
Pittacus de Mitylène, banni de Lesbos avec Alcée, chassa
le tyran qui opprimait cette île. Quelque temps après la guerre éclata entre
Athènes et Mitylène. Pittacus, pour épargner le sang de ses concitoyens,
défia en duel Phrynon, général des Athéniens, et le tua. La reconnaissance
des habitants de Lesbos lui décerna la couronne.
Alcée, ennemi de toute tyrannie, l’attaqua et fut fait
prisonnier. Pittacus lui rendit la liberté, régna dix ans avec modération, et
abdiqua. Il disait qu’un bon gouvernement était non celui qu’on craignait,
mais celui pour lequel on craignait.
Bias, consulté par les sages et les législateurs de son
temps, eut la gloire de sauver la ville de Priène, sa patrie, dont il fit
lever le siège au roi de Lydie.
Cléobule illustrait l’île de Rhodes. L’histoire ne nous a
point conservé ses ouvrages ; mais il suffit peut-être à sa gloire de
rappeler que ce fut chez lui que Solon chercha un asile, lorsqu’il s’exila
d’Athènes.
Les mœurs de ce temps peuvent seuls expliquer la futilité
des questions et des énigmes que les sages et les princes de la Grèce s’amusaient à
proposer et à résoudre.
Bias se trouvait à un festin chez Périandre ; ce tyran de
Corinthe que son habileté fit compter au nombre des sages, malgré son usurpation
et ses injustices. Il arriva un courrier d’Amasis, roi d’Égypte, pour demander
à Bias comment ce prince répondrait au roi d’Éthiopie, qui lui avait dit : Buvez toutes les eaux de la mer, et je vous céderai dix de
mes villes, à condition que vous m’en abandonnerez un égal nombre, si vous ne
pouvez y parvenir. Bias lui conseilla d’accepter la proposition,
pourvu que le roi d’Éthiopie arrêtât la marche de tous les fleuves, parce
qu’il voulait bien boire la mer, mais non les rivières qui s’y jetaient.
Anacharsis, né dans le pays, des Scythes qu’Homère
appelait la nation juste, fut adopté,
malgré son origine, par les sages. Il avait composé un poème sur l’art
militaire, et une histoire des rois de Scythie. Un Athénien lui reprochait
d’avoir vu le jour dans un pays barbare. Si ma
patrie, répliqua le Scythe, me fait
peu d’honneur, vous, vous en faites peu à la vôtre. Il plaisantait
Solon sur ses lois : Elles ressembleront,
disait-il, aux toiles d’araignée, qui arrêtent
les petites mouches et laissent passer les grosses.
Crésus voulait le combler de présents ; il les refusa,
disant qu’il ne voyageait pas pour augmenter sa fortune, mais pour enrichir son
esprit.
Le Phrygien Ésope fut le père de la fable : il était
esclave. La servitude devait inventer l’apologue, ayant besoin de voiler la
vérité pour la faire écouter par la puissance.
Il était si laid qu’on ne pouvait trouver à le vendre.
Xanthus l’acheta : un philosophe seul pouvait faire une pareille acquisition,
et en sentir le prix. Son maître lui dit un jour de prendre au marché tout ;
ce qu’il trouverait de meilleur pour sa table. Tout le dîner fut composé, de langues
apprêtées de différentes manières. Xanthus paraissant surpris, Ésope lui dit.
: La langue, est tout ce que je connais de
meilleur, c’est le lien de la vie civile, la clef des sciences, l’organe de
la vérité ; par, elle on s’instruit, on gouverne les hommes et on loue les
dieux. Le lendemain Xanthus lui commanda d’acheter ce qu’il
trouverait de plus mauvais. Le dîner fut encore le même. La surprise du
maître redoubla. De quoi vous étonnez-vous, dit le Phrygien, la langue est ce qu’il y a de pire au monde, c’est la mère
des disputes, la nourrice des procès, la source des guerres, l’organe du
mensonge,de la calomnie et du blasphème.
Devenu libre, il parut à la cour, de Crésus ; sa figure
lui attira, d’abord des mépris ; mais il fit bientôt comprendre qu’on devait
considérer, non la forme du vase, mais la liqueur qu’il contenait.
Plusieurs princes le chargèrent de leurs affaires. Il vint
à Athènes pendant la tyrannie de Pisistrate. Les Athéniens étaient agités, il
les exhorta à la résignation, en leur racontant la fable des grenouilles qui
demandèrent un roi à Jupiter. Crésus l’avait chargé de porter de l’argent à
Delphes ; mais il le lui renvoya, parce qu’il trouvait ce peuple, turbulent
et corrompu, indigne d’un tel présent. Les habitants furieux le précipitèrent
du haut d’un rocher. Les dieux parurent venger sa mort en répandant sur la
contrée les fléaux de la peste et de la famine.
Ces sages, qui portaient partout la lumière, se réunissaient
quelquefois pour s’éclairer réciproquement. On nous a conservé le souvenir de
ce banquet fameux qui eût lieu chez Périandre, où les sept sages étaient
rassemblés. La question principale qu’ils agitèrent fut celle-ci : Quel est le gouvernement le plus parfait ?
Solon répondit : Celui où l’injure faite à un
particulier intéresse tous les citoyens. Bias : Celui où la loi tient lieu de roi.
Thalès : Celui où les habitants ne sont ni
trop riches ni trop pauvres. Anacharsis : Celui où la vertu est en honneur et le vice flétri.
Pittacus : Celui où les emplois sont donnés aux
gens de bien et jamais aux méchants. Cléobule : Celui où les citoyens craignent plus le blâme que la loi.
Chilon : Celui où la loi est plus écoutée que les
orateurs. Périandre : Celui où
l’autorité est entre les mains d’un petit nombre d’hommes vertueux.
Nous avons suivi l’enfance et l’éducation de la Grèce dans ses deux
premiers âges ; le troisième va nous la montrer dans sa force, développant
tous ses moyens, tout son courage, tous ses talents, et remplissant l’Europe,
l’Asie et l’Afrique du bruit de sa gloire.
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