HISTOIRE DE LA GRÈCE

 

 

 

DESCRIPTION DE LA GRÈCE

 

LA Grèce, pays classique, aussi célèbre dans la fable que dans l’histoire, était la patrie des héros et le temple des dieux de l’ancien monde. Aucune contrée n’a produit de plus braves guerriers, de plus grands philosophes, de plus habiles législateurs et des esprits plus ingénieux. Le nom seul de la Grèce parle à l’imagination, et rappelle à la mémoire l’amour de la gloire, de la sagesse, de la liberté. Cette nation poétique animait, divinisait tout. Elle plaçait ses passions comme ses vertus dans le ciel. Sa religion était l’histoire embellie par des figures, et la nature représentée par des images célestes. Ses jeux, ses fêtes, ses lois, ses combats, ses arts, sont toujours gravés dans notre souvenir. Nos guerriers, nos orateurs, nos poètes, nos philosophes, prennent encore aujourd’hui les Grecs pour maîtres et pour modèles ; notre enfance est formée par leurs leçons. La Grèce, détruite, barbare et dépeuplée, revit dans notre pensée ; elle conserve sur les esprits l’influence et la domination qu’elle a perdues sur la terre.

Ce pays, destiné à une si longue renommée, fut longtemps obscur et habité par des sauvages, tandis que l’Égypte et la Phénicie jouissaient de tous les avantages de la civilisation. Il était difficile de prévoir alors qu’une contrée dont le territoire inculte, couvert de forêts, peuplé de bêtes féroces et de barbares, et qui n’avait pas le quart de l’étendue de la France, dût répandre, peu d’années après, tant de lumières en Europe et en Asie, et remplir le monde de sa gloire et de sa puissance. Quelques colonies, parties de Saïs, de Memphis et de Tyr, changèrent la face de la Grèce : les Égyptiens lui donnèrent des lois et un culte. Elle reçut des Phéniciens la science du commerce et de la navigation. Les Chaldéens lui apprirent l’astronomie et l’astrologie. Bientôt elle surpassa ses maîtres, et l’on vit les petits états qui la partageaient, remplis de héros, peuplés de talents, résistent aux plus grands empires, les combattre et les subjuguer.

L’union des différents peuples grecs les fit triompher du grand roi Xerxès : mais, enivrés de gloire, ils se divisèrent ; et la discorde, détruisant leurs forces, les soumit au pouvoir d’Alexandre et de ses successeurs, les assujettit à la puissance romaine, et les fit enfin tomber dans l’esclavage et dans les chaînes des Mahométans.

La Grèce fait aujourd’hui partie de la Turquie d’Europe. Elle était bornée à l’Orient par la mer Égée (l’Archipel), au midi, par la mer de Crète ou Candie ; au couchant, par la mer d’Ionie ; au nord, par l’Illyrie et la Thrace. Elle était divisée en plusieurs contrées ; l’Épire, le Péloponnèse (aujourd’hui la Morée), la Grèce proprement dite, la Thessalie, la Macédoine et plusieurs îles.

Les peuples de l’Épire étaient les Molosses, les Chaoniens, les Thespotiens, les Acarnaniens ; on y remarquait, les villes de Dodone, célèbre par une forêt qui rendait des oracles ; Dorique, Buthrotie, Ambratie, Nicopolis, Actium qui devint fameuse par la bataille que s’y livrèrent Auguste et Antoine. Les rivières de l’Épire étaient le Cocyte et l’Achéron que la fable place dans les enfers.

Le Péloponnèse est une presqu’île qui ne tient à la Grèce que par l’isthme de Corinthe. Ses divisions étaient l’Achaïe, où l’on trouvait Sicyone, la plus ancienne ville du pays ; Corinthe, célèbre par sa magnificence ; Patras, Olympie, Pise ; c’était là aussi qu’on se rendait de toutes parts pour disputer le prix aux jeux publics de la Grèce.

La Messénie, qui contenait la ville de Mycène et celle de Pyle, patrie de Nestor.

L’Arcadie, célébrée par tous les poètes qui ont chanté la vie pastorale de ses habitants ; ses villes étaient Cyllène, Tégée, Stymphale, Gallopolis, Mantinée qu’illustra une victoire des Thébains.

La Laconie, immortalisée par Sparte, par Lacédémone sa capitale, par Lycurgue son législateur, par ses rois Agis, Agésilas, et par une foule de héros.

L’Argolide fut la première contrée de la Grèce civilisée par Inaclius. Elle était la patrie d’Hercule et d’Agamemnon. On y admirait les villes d’Argos, de Némée, de Mycènes de Nauplie, d’Épidaure, patrie d’Esculape. L’Eurotas arrosait cette contrée que dominait le mont Taygète.

La Grèce proprement dite comprenait l’Étolie et les villes de Chalcis et de Calydon ; la Doride ou le pays des Locres-Éoliens, dont la capitale était Naupacte, aujourd’hui Lépante ; la Phocide, où l’on venait de toutes parts consulter l’oracle d’Apollon dans la ville de Delphes ; Anticyre était aussi une de ses villes ; la Béotie, dont la cité principale était la fameuse Thèbes qu’illustrèrent Œdipe dans les temps fabuleux, et le sage et vaillant Épaminondas à la fin des beaux jours de la Grèce. De grandes victoires immortalisèrent aussi les villes de Chéronée, de Platée et de Leuctres. On y trouvait encore Orchomène et Thespis.

L’Aulide : l’embarquement des Grecs et le sacrifice d’Iphigénie ont signalé son nom.

L’Attique : les arts, la gloire, la liberté consacrèrent le nom d’Athènes. Les autres villes de l’Attique étaient Mégare, Marathon, qui vit fuir les Perses ; Éleusis, dont les mystères furent toujours impénétrables. Les poètes célébraient encore Décélie. Athènes avait trois ports fameux, le Pirée, Munychie et Phalène.

Les montagnes de la Grèce étaient le Parnasse, l’Hélicon et le Cythéron.

La Thessalie, connue par ses vallons, par sa magie, contenait les villes de Magnésie, Méthone, Gompfie, Thèbes de Thessalie, Larisse, patrie d’Achille Démétriade, Pharsale, qui vit fuir Pompée. Ses montagnes sont l’Olympe, résidence des dieux ; Pélion et Ossa que les Titans, selon la fable, voulurent entasser l’une sur l’autre pour s’élever jusqu’au ciel. Le fleuve Pénée rafraîchissait par ses eaux limpides le charmant vallon de Tempé. Ses montagnes formaient le fameux défilé des Thermopyles, où trois cents Spartiates bravèrent le plus grand monarque de l’Orient, et éternisèrent la gloire de leur nom et de leur pays par une mort héroïque.

La Macédoine était un royaume séparé de la Grèce, et qui la subjugua. Les villes qui décoraient cette contrée étaient : Dyrrachium, aujourd’hui Durazzo, Apollonie, Égée, Édesse, Pallène, Olynthe, Thessalonique, Philippes (Brutus et la liberté romaine y périrent), Stagyre, Scotus, Pella, qui donna naissance au plus illustre des conquérants : Alexandre le Grand. Le mont Athos s’élevait au-dessus de toutes les autres montagnes de la Macédoine. Sa rivière principale était le Strymon.

Les îles grecques étaient : dans la mer Ionienne, Corcyre (aujourd’hui Corfou), Céphallène, Ithaque, patrie d’Ulysse ; Cythère, consacrée à Vénus : dans le golfe de Salone, Égine ; entre le Péloponnèse et l’Attique, Salamine ; entre la mer de Crète et la mer Égée, les Cyclades, parmi lesquelles on remarquait Andros, Délos et Paros, et au-dessous des Cyclades, les Sporades.

En remontant dans la mer Égée, du côté de la Béotie, est l’Eubée, séparée de la terre par un bras de mer appelé l’Euripe, sur les rives duquel on voyait la ville de Chalcis ; et, toujours en remontant vers le nord, Scyros ; Lemnos, fameuse par les forges de Vulcain, et Samothrace.

En descendant, et du côté de l’Asie-Mineure, Lesbos, dont la capitale était Mitylène ; ensuite Chio, Samos.

Au septentrion de l’Archipel, Crète ou Candie, célèbre par ses lois, par son roi Minos, que la fable établit comme juge dans les enfers. Ses principales villes étaient Gortyne et Sydon ; ses montagnes, Dictée et Ida, où l’on plaçait le berceau de Jupiter.

Les Grecs avaient fondé de grandes, colonies dans l’Asie-Mineure, qui fait aujourd’hui partie de la Turquie d’Asie. C’était l’Éolien où l’on voyait Cumes, Phocée, Élée ; l’Ionie, dont les villes les plus remarquables étaient Smyrne, puissante encore aujourd’hui par son commerce ; Clazomène, Théos, Colophon, Éphèse, célèbre par le temple de Diane ; enfin la Doride qui comptait parmi ses villes celles d’Halicarnasse, où naquit Hérodote, et Gnide consacrée à Vénus. Les Grecs avaient encore des colonies en Sicile et en Calabre ; en leur donna le nom de Grande Grèce. Notre riche cité de Marseille était une colonie de Phocéens.

On divise ordinairement l’histoire des Grecs en quatre âges qui renferment deux mille cent cinquante-quatre années. Le premier date de la fondation des petits royaumes qui commencent par celui de Sicyone jusqu’au siège de Troie. Cet âge comprend mille ans depuis l’an du monde 1820 jusqu’en 2820.

Le second âge s’étend depuis la prise de Troie jusqu’au règne de Darius, fils d’Hystaspe, époque à laquelle l’histoire des Grecs se mêle à celle des Perses. Cet âge renferme six cent soixante-trois années, depuis l’an du monde 2820 jusqu’en 3483.

Le troisième âge, qui fut la belle époque de la Grèce, commence au règne de Darius fils d’Hystaspe, et se termine à la mort d’Alexandre le Grand. Il comprend cent quatre-vingt-dix-huit ans, de l’an du monde 3483 à l’an 3681.

Le quatrième et dernier âge, celui de la décadence, depuis la mort d’Alexandre le Grand en 3681, offre pour principales époques la destruction de Corinthe par le consul Lucius Mummius en 3858 ; l’extinction des Séleucides détrônés par Pompée en 3939 ; et la fin du règne de la race des Lagides détrônés par Auguste en 3974. Ces événements sont renfermés dans l’espace de deux cent quatre-vingt-treize ans.

Il est impossible de connaître avec quelque certitude les premiers habitants qui peuplèrent la Grèce. Ces hommes sauvages, qui broutaient comme les animaux, ne purent nous laisser ni monuments ni traditions. Ce que l’on peut penser de plus probable, c’est que le nord de la Grèce fut d’abord habité par des hommes venus de différentes contrées de l’Europe, tandis que le midi se peupla par les incursions de quelques pirates sortis des ports de l’Asie et des îles de l’Archipel.

On croit généralement que ses premiers habitants portaient le nom de Pélasges, que leur avait donné Pélagus ou Phaleg, l’un de leurs rois. Les Hébreux, les Chaldéens, les Arabes appelaient les Grecs Ioniens : selon eux, Jon ou Javan, fils de Japhet et petit-fils de Noé, était père des peuples connus sous le nom de Grecs.

Javan eut, dit-on, quatre enfants : Élisa, Tharsis, Cetthius, Dodanim, qui furent chefs de différentes tribus. On prétend que le nom d’Hellènes ou Helléniens venait d’Élisa, qu’on nommait aussi Élos. Cetthius passait, selon cette version, pour être le père des Macédoniens. Le livre des Macchabées appelle Alexandre roi de Cetthius ; il nomme Philippe et Persée rois des Cetthéens. Les mêmes auteurs croient qu’en Thessalie le nom de la ville et du temple de Dodone venait de Dodanim.

Dans les ouvrages d’Homère, les Grecs sont toujours appelés Helléniens, Danaéens, Argiens et Achéens. Virgile n’emploie presque jamais la dénomination de Grœcus. Il est singulier qu’on ne puisse savoir l’origine véritable du nom sous lequel ces peuples sont maintenant le plus universellement connus. Pline rapporte qu’ils le reçurent d’un roi nommé Grœcus, dont l’histoire ne nous a conservé aucun souvenir. Ce qui parait constant, c’est que ces peuples ignoraient à tel point les premiers éléments de la civilisation, qu’ils décernèrent les honneurs divins à leur roi Phaleg ou Pélagus, parce qu’il leur avait appris à se nourrir de glands.

Ces peuplades se réunirent d’abord probablement pour se défendre contre les bêtes féroces. Elles s’exercèrent à les chasser et conservèrent par leur destruction les troupeaux qui servaient à les nourrir et à les vêtir. Ces troupeaux devenant bientôt un objet d’envie, toutes ces bordes errantes combattaient et s’entretuaient continuellement pour les enlever.

Les peuplades qui s’étaient retirées dans les îles pour éviter plus facilement l’attaque des animaux sauvages, ne connaissant point l’art de cultiver la terre, creusaient des arbres, et, s’embarquant sur ces frêles canots, se formaient ainsi à la piraterie en faisant des incursions fréquentes sur les côtes de la Grèce pour les piller.

Cette simple navigation, dont la découverte a été célébrée comme un prodige, devait être facile et paraître peu dangereuse à des hommes habitant un climat chaud, et accoutumés à nager et à jouer sur les arbres que les vents déracinaient et faisaient tomber dans les fleuves.

Il parait que la peuplade qui habitait l’Attique, dont le terrain plus sec tentait moins l’avidité de ses voisins, conserva son territoire, tandis que toutes les autres changeaient continuellement d’habitations.

Quelques auteurs disent que Deucalion, vivant dans le temps d’un déluge qui bouleversa la face de la Grèce, avait un fils nommé Hellénus qui se rendit maître du Péloponnèse, et nomma ses sujets Helléniens. Les Achéens et les Ioniens, habitants de Lacédémone, attribuaient leur origine à Jon et à Achéus petit-fils d’Hellénus. Éolus et Dorus, autres descendants d’Hellénus, furent chefs des Éoliens et des Doriens. Pélops, fils de Tantale, vint ensuite dans le Péloponnèse et lui donna son nom ; enfin les Héraclides, descendants d’Hercule, en chassèrent les Achéens et les Ioniens, qui se retirèrent dans l’Asie Mineure.