HISTOIRE DE L’ÉGYPTE

 

DE L’ÉGYPTE ET DE SES ROIS

 

 

Des quatre parties du Monde, l’Afrique est la seule qui, jusqu’à nos jours, ait été presque totalement privée des lumières qui adoucissent les mœurs des hommes en les éclairant ; et, à l’exception des Égyptiens et des Carthaginois, tous les peuples qui habitent ce vaste continent sont restés dans l’ignorance et dans l’enfance de la civilisation.

L’Égypte est un pays resserré par deux chaînes de montagnes qui ne laissent entre elles et le Nil qu’une plaine dont la plus grande étendue est de cinquante lieues ; la longueur de cette vallée célèbre est de deux cents lieues ; elle est bornée au levant par la mer Rouge et par l’isthme de Suez, au midi par l’Éthiopie, au couchant par la Libye et au nord par la mer Méditerranée.

Hérodote prétendait que, sous le règne d’Amassis, on trouvait dans ce pays vingt mille villes habitées ; mais ce qui est prouvé par tous les monuments de l’histoire, c’est qu’autrefois ce royaume était très riche et très peuplé.

On divisait l’ancienne Égypte en trois parties : la plus méridionale se nommait Thébaïde ; celle du milieu, Heptanome ; on nommait Basse Égypte, ou Delta, les contrées septentrionales. Strabon rapporte que lorsque Sésostris réunit tout le royaume sous sa domination, il le partagea en trente-six gouvernements.

Les ruines qui attestent encore à nos yeux l’antique magnificence de l’Égypte, se trouvent principalement dans la Thébaïde et dans l’Heptanome. On voit encore, aux lieux où fut Thèbes, cette ville dont Homère a chanté la puissance, la terre couverte d’une quantité innombrable de colonnes, de statues, et des allées à perte de vue, bordées de sphinx ; on y admire les restes d’un magnifique palais, où Mantique peinture étale encore ses couleurs. Homère dit que Thèbes avait cent portes et que sa population permettait de faire sortir par chacune d’elles deux cents chariots et dix mille hommes. On voyait aussi dans la Thébaïde la fameuse statue de Memnon, qui rendait un son articulé lorsqu’elle était frappée par les premiers rayons du soleil. L’Heptanome possédait une grande quantité de temples, entre autres celui d’Apis, un des dieux les plus révérés par les Égyptiens. Memphis était la capitale de cette contrée ; on l’appelle aujourd’hui le Caire ; on y montre encore aux voyageurs le puits de Joseph, taillé dans le roc et d’une profondeur prodigieuse, qui servait dans les temps de sécheresse à élever les eaux du Nil sur une colline, pour les distribuer par différents canaux. Cette contrée est encore illustrée parles pyramides, monuments prodigieux que le temps n’a pu détruire, et que l’on comptait autrefois parmi les sept merveilles du monde tristes et vastes témoins de l’orgueil insensé de ces monarques qui ont fait périr tant de milliers d’hommes pour se bâtir des tombeaux.

Tous ces édifices étaient couverts de dessins et de figures qu’on appelle hiéroglyphes. Ils étaient destinés à conserver le souvenir des événements les plus remarquables ; mais jusqu’à présent, les savants n’ont pu parvenir à retrouver la clef complète de cette écriture symbolique, qui aurait répandu parmi nous de grandes lumières sur ces temps reculés.

Non loin de Memphis, il existait une merveille plus surprenante encore que les pyramides ; c’était un immense édifice composé de la réunion de douze palais qui contenaient quinze cents chambres au-dessus du sol et quinze cents au-dessous. La difficulté de se retrouver dans le nombre infini de terrasses et de galeries qui servaient de communication à tous ces appartements, avait fait donner à cet édifice le nom de Labyrinthe. Il servait à la fois de sépulture aux rois et d’habitation aux crocodiles sacrés.

Un monument plus utile était le lac Mœris, creusé en partie par la main des hommes, et qui, si les anciens récits étaient parvenus jusqu’à nous sans erreur, aurait eu cent quatre-vingts lieues de tour et trois cents pieds de profondeur. Au reste le but de cet ouvrage, incontestablement grand et admirable, était de corriger, autant qu’on le pouvait, les irrégularités du Nil qui seul rendait l’Égypte féconde ou stérile, par l’abondance ou la rareté de ses eaux. Le lac en déchargeait la terre lorsqu’elle était trop inondée, ou s’ouvrait pour les verser quand le fleuve en refusait.

Deux pyramides, portant chacune une statue colossale, s’élevaient au milieu du lac ; elles étaient creuses, hautes de trois cents pieds, et servaient ainsi d’ornement et de supplément à cet immense réservoir.

Le temps a fait un acte de justice ; il a laissé tomber dans l’oubli les noms des princes qui n’ont travaillé qu’à leur tombeau, et il nous a conservé celui du roi Mœris, dont les étonnants travaux n’avaient pour but que la prospérité de son empire et le bonheur de ses peuples.

La plus grande merveille de l’Égypte n’est pas l’ouvrage des hommes ; la nature seule la créée : c’est le Nil. Il ne pleut presque jamais dans ce pays ; mais son fleuve lui apporte annuellement, par des débordements réglés, le tribut des pluies qui tombent dans les contrées voisines. L’Égypte était coupée de canaux qui distribuaient partout ses eaux bienfaisantes. Ainsi ce fleuve, répandant la fécondité, unissant les villes entre elles, et la mer Méditerranée avec la mer Rouge, servait d’engrais à l’agriculture, de lien au commerce, de barrière au royaume, et était tout ensemble, comme le dit Rollin, le nourricier et le défenseur de l’Égypte. Le Nil a ses sources en Abyssinie ; il coule paisiblement dans les vastes solitudes de l’Éthiopie ; mais en entrant en Égypte, il se trouve resserré dans un lit étroit rempli de rochers énormes qu’on appelle cataractes, et qui le rendent furieux. Il précipite rapidement son cours du haut de ces rochers dans la plaine, avec un tel bruit qu’on l’entend de trois lieues. Ce qui cause ces débordements si nécessaires à la fertilité de l’Égypte, ce sont les pluies qui tombent régulièrement en Éthiopie, depuis le mois d’avril jusqu’à la fin d’août. L’inondation du Nil commence en Égypte à la fin de juin, et dure trois mois. Les plaines de ce beau royaume offrent ainsi deux aspects bien différents dans deux saisons de l’année. Tantôt c’est une vaste mer sur laquelle s’élèvent une grande quantité de villes et de villages ; tantôt c’est une belle et féconde prairie peuplée de troupeaux, couverte de palmiers et d’orangers, dont la verdure émaillée de fleurs charme les yeux.

La Basse Égypte, qui a la figure d’un triangle, est formée par les deux branches du fleuve, qu’on appelait Pélusienne et Canopique. Les deux villes de Péluse et de Canope, dont elles avaient pris le nom, s’appellent à présent Damiette et Rosette ; Saïs, Tanis, Alexandrie, Héliopole, étaient les principales villes du Delta : Saïs contenait un temple dédié à Isis, avec cette inscription qui convient également à la vérité et à la nature : Je suis ce qui a été, ce qui est et ce qui sera ; et personne n’a encore percé le voile qui me couvre.

Hérodote aimait les fables : en parlant du temple du soleil qu’on voyait Héliopole dans le Delta, il raconte que le phénix, oiseau merveilleux et unique dans son espèce, naît dans l’Arabie, et vit cinq ou six cents ans ; sa grandeur est celle d’un aigle, ses ailes s’ont mêlées de blanc, de pourpre et d’or : lorsqu’il voit sa fin approcher, il forme un nid de bois aromatique, il y meurt ; de ses os et de sa moelle il sort un ver qui se transforme et devient un nouveau phénix ; celui-ci compose un œuf de myrrhe et d’encens ; il le vide, il y dépose le corps de son père, emporte ce précieux fardeau, et vient le brûler sur l’autel du soleil dans la ville d’Héliopole.

Alexandrie, la principale des cités qui subsistent encore dans le Delta, fut bâtie par Alexandre le Grand, et égala en magnificence les anciennes villes de l’Égypte. Elle est à quatre journées du Caire. C’est là que se faisait le commerce de l’Orient, avant la découverte du cap de Bonne-Espérance par les Portugais.

En écrivant l’histoire des autres peuples, nous ferons connaître leurs lois et leurs coutumes dans l’ordre des règnes et des époques qui les ont vus naître ou changer ; mais nous n’aurions pu suivre cette méthode relativement aux Égyptiens. L’origine de leurs usages, de leurs cérémonies, de leur législation, se perd dans la nuit des temps : il serait impossible d’en découvrir la naissance et d’en suivre avec exactitude les progrès. L’explication des hiéroglyphes pourrait seule nous faire retrouver les noms des fondateurs de cette école politique, sage et religieuse, si renommée parmi les anciens, que les plus grands hommes de la Grèce, Homère, Solon, Lycurgue, Pythagore et Platon allèrent exprès en Égypte pour y puiser les lumières qu’ils répandirent ensuite dans leur patrie. Moïse même est loué dans l’Écriture pour s’être instruit dans toute la sagesse des Égyptiens. Ces considérations nous portent à faire précéder le récit des événements par le tableau général des lois et des coutumes de l’Égypte.

La forme du gouvernement égyptien était monarchique ; mais l’autorité du roi, loin d’être absolue, se trouvait limitée par une aristocratie d’autant plus puissante qu’elle semblait tirer ses droits du ciel ; et le corps des prêtres était à la fois le dépositaire des lois et des sciences, l’interprète des dieux, le surveillant et le juge des monarques.

La vie publique et privée des rois était entourée de gênes dont ils ne pouvaient s’affranchir, et de règles qu’on ne leur permettait pas d’enfreindre, pour les préserver de toute pensée basse et servile, on éloignait d’eux tout esclave ; et pour ne point compromettre les intérêts de la patrie, on leur défendait d’admettre aucun étranger à leur service. Dans la crainte des vices et des désordres qui suivent l’intempérance, on avait réglé soigneusement la nourriture et la boisson des rois ; l’ordre de leurs occupations et l’emploi de leurs journées étaient de même décidés par la loi.

En se levant, ils lisaient leurs lettres ; de là ils allaient au temple où le pontife, après la prière prononçait un discours sur les vertus nécessaires aux monarques, sur les fautes qu’ils pouvaient commettre, et sur les dangers de la flatterie et des mauvais conseils.

On lisait ensuite devant eux les livres sacrés qui contenaient les maximes et les actions des grands hommes, pour les engager à respecter leurs lois et à suivre leurs exemples.

Le monarque travaillait après avec ses ministres ; il présidait le tribunal des trente juges, tirés des principales villes de l’empire, pour rendre la justice au peuple.

Le reste de la journée était consacré aux exercices militaires et à des conversations utiles. La piété, la frugalité, la simplicité entouraient le trône, et tout prouvait que les lois avaient été faites par des hommes qui étaient, à la fois, prêtres législateurs et médecins.

La législation des anciens peuples était sans doute moins parfaite que celle des nations modernes, et cependant elle avait plus de force et de durée : on en trouvera la cause dans son origine. Les anciens législateurs d’Égypte et de Rome passaient pour avoir été inspirés par la divinité ; on dispute contre les hommes et non contre les dieux. Les lois d’Osiris, d’Hermès, de Moïse, de Numa, ne devaient éprouver aucune contradiction ; on les respectait comme des oracles ; elles devenaient des sentiments comme des habitudes, et se gravaient dans les aines comme dans les esprits. La législation de ces peuples s’unissait d’une manière indissoluble à leur religion, et il leur était aussi difficile de changer de loi que de culte ; c’est ce qui explique leur constance à suivre leurs règlements et leurs coutumes : elle était telle que Platon disait qu’on pouvait regarder une coutume nouvelle comme un prodige en Égypte, et que jamais aucun peuple n’a conservé plus longtemps ses usages et ses lois.

Pour rendre les juges indépendants, et exclusivement occupés de leurs fonctions, on leur avait assigné des revenus, et ils rendaient gratuitement la justice au peuple.

On jugeait les affaires par écrit et sans avocats parce qu’on craignait l’art de la fausse éloquence qui réveille les passions et trompe les esprits.

Le président du tribunal portait à son cou une chaîne d’où pendait l’effigie de la Vérité, et il prononçait ses arrêts en présentant cette image à la partie qui gagnait sa cause.

On punissait de mort, le meurtrier, le parjure et le calomniateur.

Le lâche qui ne défendait pas un homme attaqué, lorsqu’il avait la possibilité de le sauver, perdait aussi la vie.

On ne permettait à personne d’être inutile à l’État, chacun s’inscrivait dans un registre et déclarait sa profession ; une fausse déclaration se punissait de mort.

La liberté individuelle était fort respectée dans ce pays : on n’y arrêtait pas même les débiteurs. Mais, pour garantir la fidélité des engagements, nul ne pouvait emprunter sans engager le corps de son père aux créanciers ; dans cette contrée, on embaumait et conservait les morts avec soin. Un pareil gage était sacré : celui qui ne l’aurait pas retiré promptement aurait commis une infamie et une impiété, et s’il mourait sans avoir rempli ce devoir, on le privait des honneurs de la sépulture.

La polygamie était permise aux Égyptiens : les prêtres seuls ne pouvaient avoir qu’une femme.

La vénération des pontifes pour le dieu Osiris et pour la déesse Isis, sa sœur, avait introduit un grand vice dans la législation égyptienne ; le mariage des frères avec les sœurs y était non seulement permis, mais autorisé par la religion, et encouragé par l’exemple des dieux.

La vieillesse jouissait en Égypte de beaucoup d’honneurs et de considération, et les législateurs de la Grèce imitèrent ceux de l’Égypte, en ordonnant aux jeunes gens de respecter les vieillards. Cette louable habitude annonçait et accompagnait une autre vertu, celle de la reconnaissance. L’ingratitude était en horreur, et les Égyptiens ont eu la gloire d’être loués comme les plus reconnaissants des hommes.

Si les rois devaient consacrer leur temps et leur vie au bonheur de la nation, elle les payait de leur peine par sa reconnaissance. Pendant leur vie, les monarques se voyaient honorés comme les images de la divinité ; après leur mort on les pleurait comme les pères du peuple.

Quand un roi gouvernait mal, et consultait plus ses passions que les lois, on gémissait en silence ; les prêtres seuls lui faisaient de respectueuses remontrances, mais, lorsqu’il était mort, sa mémoire était sévèrement condamnée ; car tous les monarques, en quittant le trône et la vie, étaient soumis à un tribunal qui examinait leurs actions, et prononçait, avec une inflexible justice, l’arrêt qui devait honorer ou flétrir leur règne, et décerner ou refuser les honneurs funèbres à leurs mânes.

On comptait dans l’État trois ordres principaux : le roi et les princes, les prêtres et les soldats ; et trois ordres secondaires : les bergers, les laboureurs et les artisans. Les terres qui faisaient le domaine du roi, payaient les dépenses de sa cour et de l’administration.

Les biens des prêtres étaient affectés aux frais du culte et de l’éducation nationale. Les terres données à l’armée payaient la solde militaire.

L’ordre des prêtres était le plus respecté ; ils entraient dans le conseil, et portaient un habit distingué. Le sacerdoce était héréditaire.

Lorsqu’on était dans la nécessité d’élire un roi, sil n’était pas de famille sacerdotale, on l’initiait dans l’ordre avant son inauguration. Les prêtres étaient exempts de tout impôt. Il paraît qu’ils avaient une religion secrète, différente du culte public ; ils connaissaient la divinité dont le peuple n’adorait que les images et les emblèmes.

Il existait aussi en Égypte des langues différentes ; le langage sacré, que les premiers d’entre les pontifes connaissaient seuls ; la langue hiéroglyphique, qui n’était bien entendue que par les savants, et la langue vulgaire, qui est encore celle que parlent les Cophtes, habitants de l’Égypte moderne.

Les législateurs égyptiens enseignaient le dogme de l’immortalité de l’âme, et croyaient à la métempsycose, pensant que les âmes, avant d’animer d’autres corps humains, passaient dans ceux de quelques bêtes immondes, pour expier leurs fautes si elles avaient été vicieuses : et comme, selon leur opinion, cette transmigration et ce châtiment ne pouvaient commencer qu’après la corruption du cadavre, ils cherchaient à la retarder en embaumant avec soin les corps de leurs parents. Ils construisaient avec beaucoup de magnificence leurs sépulcres qu’ils nommaient des demeures éternelles, et ne considéraient leurs maisons que comme des hôtelleries.

Il n’est pas certain que les grands prêtres de l’Égypte aient communiqué tous les secrets de leurs mystères et de leur culte aux philosophes grecs qui venaient les visiter. Nous dirons, en peu de mots, ce que ceux-ci nous ont appris de la religion des Égyptiens. Ils adoraient plusieurs divinités, dont les premières étaient le soleil et la lune, sous le nom d’Isis et d’Osiris ; la Grèce reçut d’eux le culte de Jupiter, de Junon, de Minerve, de Cérès, de Vulcain, de Neptune, de Vénus et d’Apollon. Les emblèmes sous lesquels ils représentaient leurs divinités, étaient expressifs mais bizarres. Un œil au bout d’un sceptre signifiait la providence d’Osiris ; un faucon, sa vue perçante : la statue d’Isis, toute couverte de mamelles, montrait qu’elle nourrissait tous les êtres ; elle portait une cruche et un sistre, pour rappeler la fécondité du Nil, et les fêtes qu’on célébrait en son honneur. Sérapis, dieu de l’abondance, avait un boisseau sur la tête ; Jupiter Ammon, la tête d’un bélier ; Anubis, celle d’un chien ; enfin, beaucoup d’autres dieux, celles de différents animaux. Le peuple, naturellement superstitieux et grossier, oublia bientôt la divinité pour adorer ses images, et, dans toutes les villes et bourgs de ce vaste pays, on vit les animaux et les plantes, érigés en dieux, devenir l’objet du culte le plus méprisable et le plus fanatique. Le rat ou le serpent, adoré dans une ville, était méprisé dans l’autre ; on immolait dans un village ce qu’on encensait dans le village voisin ; et, cette opposition d’opinions et d’usages faisait naître entre les habitants du même pays des haines funestes que Diodore prétend avoir été provoquées par la politique d’un roi qui crut affermir son autorité en divisant ses sujets.

Une des plus fameuses de leurs idoles fut le bœuf Apis, universellement révéré. Jamais divinité n’eut des temples plus magnifiques, des prêtres plus riches et plus zélés. Les honneurs qu’on lui rendait, les dépenses pour le nourrir, le désespoir après sa mort, l’empressement à lui chercher un successeur, paraissent incroyables. Lorsqu’on l’installait à Memphis, toute l’Égypte était en fête et en réjouissance. Il paraît que cette vénération avait fait une profonde impression sur les Israélites, puisqu’ils se révoltèrent dans le désert contre Moïse, pour dresser un autel au veau d’or.

L’affection des Égyptiens pour l’ichneumon paraîtra moins déraisonnable, puisque ce petit animal combattait le crocodile, monstre redoutable ; et fort commun dans les eaux du Nil.

La superstition générale était portée à un tel point que les personnes les plus distinguées de l’État s’empressaient de servir, dans leurs temples, les chats, les oiseaux et les autres objets du culte populaire ; déplorable preuve de la faiblesse humaine qui nous fait voir la plus sage nation de l’univers livrée aux plus honteuses folies.

Beaucoup de monuments attestent les progrès du peuple égyptien dans l’astronomie, dans la géométrie, et dans plusieurs autres sciences. Regardés comme bons agriculteurs, leurs nombreuses conquêtes ont prouvé leur bravoure ; mais s’ils se vantaient d’avoir découvert beaucoup d’arts et de métiers, on doit convenir qu’ils les avaient peu perfectionnés. Leurs édifices ne présentent qu’une architecture colossale sans goût et sans proportion ; leurs statues sont informes et presque ébauchées, et leurs peintures, avec de vives couleurs, ne rappellent que l’enfance de l’art.

La navigation égyptienne s’étendait par la mer Rouge sur les côtes de l’Afrique et de l’Asie ; l’Égypte rapportait de l’Inde de grandes richesses, et peut-être quelques-unes des lois et des connaissances dont elle s’honore.

En général, le peuple égyptien était grave et peu adonné au plaisir. Dans leurs festins, où régnait la tempérance, on leur présentait une tête de mort pour leur rappeler la brièveté de la vie.

Ils faisaient peu de cas de la musique, regardant cet art comme propre à amollir les mœurs.

Les Égyptiens s’attribuent l’invention de l’écriture ; ils traçaient leurs caractères sur l’écorce d’une plante du pays nommée Papyrus.

Ce que nous allons dire, d’après les Grecs, des temps fabuleux de l’Égypte, fera connaître plus particulièrement l’idée que les Égyptiens s’étaient faite d’Osiris, d’Isis, leurs premiers souverains et leurs premières divinités : car il est impossible de séparer le commencement de l’histoire d’un tel peuple, de ses fables et de sa religion.