§ 9. — ÉTENDUE ET PLAN DU PRÉSENT TRAVAIL. La longueur du texte, quelque réelle qu'elle soit, n'est pas non plus de nature à nous décourager ; et, depuis qu'on a vu publier en moins d'une génération plusieurs collections volumineuses et les encyclopédies les plus compactes, il n'est plus permis de se laisser détourner par le souci de la grandeur ou de l'étendue d'une œuvre. Nous en sommes d'autant plus convaincu, que nous avons vu mener avec succès et sur une grande échelle la publication d'une collection religieuse intitulée : Cours complet de patrologie, ou Bibliothèque universelle des pères de l'Église. Cette masse de textes grecs et latins a été publiée par M. l'abbé Migne seul, et forme deux parties : l'une latine, de 222 volumes publics en onze ans, soit plus de 20 volumes par an ; l'autre grecque, de 162 volumes, parus en neuf ans, soit 18 volumes par an. Total : 384 volumes (in-4°). La présente tâche est bien moindre, réduite à la traduction du Talmud de Jérusalem, qui forme la série la plus intéressante, la première par ordre de date. Le Talmud de Babylone est plus connu, mieux écrit et mieux étudié, parce qu'il renferme plus de casuistique et de scolastique (pilpoul), et il eût été beaucoup plus aisé pour notre travail de lui donner la priorité. Nous n'avons pas hésité à sacrifier ces considérations de facilité, d'allégement de peine, par égard pour l'intérêt qu'offre la matière du Talmud de Jérusalem, précisément parce qu'il est moins connu et moins étudié. Son dialecte est bien plus corrompu[1] et bien plus écourté que celui du Babylonien ; mais il offre un aspect plus primitif, un plus grand nombre de documents originaux qui méritent l'attention et inspirent plus qu'une vaine curiosité[2]. Le Ierouschalmi, né sur le sol de
Chose singulière, le Talmud babli porte lui-même des sentences en sa défaveur comparativement au Jérusalémite[3]. En outre, nous nous sommes laissé guider par l'étendue relative des textes : cette série a onze volumes, tandis que la série babylonienne, pour être traduite textuellement, en exigerait environ cinq fois autant. La série palestinienne, il est vrai, se trouve actuellement
mutilée de plusieurs parties, selon la constatation déjà faite[4]. Les tristes
conditions d'existence des Juifs, lors de la rédaction finale de ce grand
travail, out certainement pu en être la cause[5]. Mais elles ne
suffiraient pas à expliquer les lacunes au milieu des parties, telles que, à Le Rev. S. M. Schiller-Szinessy, dans ses Occasional
Notices, suppose qu'autrefois le Talmud palestinien était complet sur les
VI parties, en prenant pour base les raisons suivantes : 1° En Palestine plus
qu'en Babylonie, l'espoir de voir se reconstituer la nationalité d'Israël
avait de fervents adeptes ; les écoles palestiniennes ont donc étudie et légiféré
les détails cérémoniels spéciaux au sol sacré, composant toute la première
partie, négligée en Babylonie, comme cette dernière a laissé aussi de côté le
tr. Schqalim, des sicles, spécial à Au fur et à mesure que notre tâche avançait, les auxiliaires, loin d'augmenter, ont diminué. L'utile et précieux commentaire hébreu par feu Z. Frænkel a cessé de paraître peu après la mort de l'auteur. Nul autre concours n'est venu à l'aide, et l'espoir do tirer parti des versions partielles publiées dans le Thesaurus d'Ugolino n'a été bientôt qu'une désillusion. Voici le bilan de ces traductions : Au tome XVII, on trouve le tr. Pesahim. Au t. XVIII, les
tr. Yôma, Soucca, Rosch ha-schana, Taanith, Meghilla, Haghiga, Moed Qaton
; au t. XX, les tr. Maasser, Maasser schéni, Halla, Orla, Biccourim ;
au tr. XXV, le tr. Sanhédrin ; enfin au t. XXX, les traités Qiddouschin,
Sôta et Kéthoubôk. En outre, Rabe, le traducteur allemand de La version d'Ugolino est beaucoup moins intelligible que le texte. Faite sans critique, ni annotations, ni lecture des commentaires, elle se compose d'une suite de mots pris dans les lexiques, sans souci de leur ordre logique, ni même de la coupe fidèle des phrases ou périodes. C'est le cas ou jamais de redire : traduttore, traditore. A partir de notre t. III, ce n'était pas un soulagement insignifiant de retrouver des passages déjà traduits auparavant, qu'il était inutile de recopier mot à mot. En ce cas, un simple renvoi a suffi, sous cette forme spéciale : Le traducteur ne s'est pas départi du plan primitif ; sans
s'abandonner au système aussi commode que rapide de donner seulement des
fragments ou extraits plus ou moins étendus, les traités ont paru in extenso.
Il a fallu certes, beaucoup de persévérance et l'intention bien arrêtée
d'offrir au public une version textuelle de chaque traité pour ne pas se
laisser détourner d'un tel projet, et ne pas se borner à de simples extraits,
aux passages d'un intérêt permanent ; c'était de relever et d'extraire tous
les passages historiques ou légendaires, à l'exclusion de tout le reste. Un tel
plan a souri à plus d'une personne. Cependant, il ne s'agit pas ici d'offrir
telle ou telle branche du Talmud compare à l'état actuel des connaissances humaines,
mais de le présenter sous sa forme intégrale, quelque incohérente qu'elle
paraisse souvent. D'ailleurs, notre but n'eût pas été complément atteint, et
l'on pourrait nous accuser d'avoir éliminé par un choix partial ce qui offre
un désavantage aux partisans du Talmud. La présente version au contraire
n'aspire à d'autre titre qu'à celui d'être complète et d'offrir aux
orientalistes, comme aux théologiens, des facilités pour leurs recherches. Si
dans un auteur on trouve mentionné un chapitre, un §, ou un n° de ce texte,
on le trouvera aisément ici. 1° Une table des matières par ordre alphabétique ; 2° Un index des noms propres et lieux géographiques ; 3° Une concordance des versets bibliques, selon Tordre de Voilà les éléments nécessaires à une enquête de détails disposés de telle façon, que pour la première fois ils deviennent accessibles à chacun. Et désormais dirons-nous avec l'abbé Chiarini (précisément pour rejeter ses calomnies), on pourra comparer les citations faites du Talmud avec le texte primitif, afin de s'assurer si elles sont fidèles el fidèlement appliquées. |
[1]
Renan, Histoire des langues sémitiques, t. III, ch. I, p. 333 (4e
édition). Dans l'un de ses cours au collège de France (reproduit pas
[2] V. le Judaïsme, etc. par feu Michel Weil, t. I, p. 19.
[3]
Voir J., tr. Berakhoth, II, 7 ; B., tr. Baba mecia', f.
[4] Voir aussi H. L. Strack, Einleitung in den Thalmud (Leipzig, 1887, 8°) p. 46.
[5] V. Sal. Buber, Die angebliche Existenz eines Jérusal. Talmuds zur Ordnung Qodaschim, dans Magazin für d. Wissenschaft d. Judenthums, V, 1878, pp. 100-105.
[6]
Le Dr Wotten a traduit en anglais les tr. Sabbat et Eroubin de
[7] Pour la série Babli on a indiqué le côté, invariable dans chaque édition, et pour la série de Jérusalem, le chapitre et le paragraphe en joignant entre () le folio.