Le développement de la vie hellénique présente, on l’a vu, une grande variété d’aspects, dus aux différences des conditions naturelles et des événements historiques ; de même les institutions religieuses, bien qu’identiques au fond, offrent dans les détails de nombreuses dissemblances. En général, les dieux des croyances populaires étaient reconnus partout comme tels, et ceux du moins qui tenaient le premier rang dans la hiérarchie avaient en chaque pays et en chaque État leurs sanctuaires et leurs cultes ; mais le sens qu’on attachait à leur nom, l’importance qu’on leur accordait et par suite les hommages qui leur étaient rendus étaient loin d’être partout les mêmes. Un dieu qui dans telle contrée était l’objet de l’adoration publique n’avait ailleurs qu’une situation subordonnée. Des divinités de même nom étaient représentées ici d’une manière, là d’une autre. Avec leurs surnoms et leurs attributions variaient aussi, suivant les lieus, les cultes institués en leur honneur ; on peut même citer des exemples de dieux occupant, chez certaines populations, une place éminente, dont on ne savait dire s’ils étaient identiques à d’autres généralement admis dans les croyances populaires, ou s’ils avaient une existence distincte. Il serait assurément fort désirable qu’il pût être tracé un tableau de toutes ces divergences provinciales ou nationales, de façon à mettre en lumière les caractères particuliers à côté des caractères généraux, mais une tradition incomplète et interrompue ne nous permet pas de rassembler les éléments d’un pareil travail, et le critique qui ne possède pas assez de confiance en lui-même pour se flatter de faire jaillir la lumière de textes tronqués, le plus souvent inintelligibles, doit se borner à faire ce qu’ont fait jusqu’à ce jour des devanciers fort clignes d’estime, c’est-à-dire indiquer les dieux qui avaient des autels dans tel ou tel pays, et les fêtes qu’on y célébrait. Là se borne en effet, à peu d’exceptions près, ce que les sources nous apprennent touchant les cultes des différents États et des différentes contrées[1]. Athènes est la seule cité sur laquelle nous soyons mieux renseignés. Sans pouvoir reconstituer complètement l’ensemble de ses institutions religieuses, nous avons du moins plus de données sur son compte que pour aucun autre État ; nous sommes à même de décrire les formes essentielles du culte et d’en expliquer le sens d’une manière plus ou moins plausible ; aussi aurons-nous surtout en vue Athènes, et nous bornerons-nous à donner place, dans l’occasion, aux renseignements que nous pourrons trouver sur d’autres populations. Le culte d’État, mis en regard des cultes privés et domestiques, comprend les hommages rendus directement aux dieux par la Cité et tous les actes religieux qu’accomplissent en son nom, soit des prêtres, soit des fonctionnaires spécialement chargés de ce soin. Dans le culte officiel rentrent par conséquent les prières et les sacrifices auxquels il était procédé dans les assemblées populaires, les tribunaux et les corps délibérants, ou qui accompagnaient les traités de paix, les cou ventions internationales et toutes les négociations publiques. Mais outre ces cérémonies qui avaient un caractère fortuit et plaçaient les affaires publiques, à mesure qu’elles se présentaient, sous la surveillance et la sauvegarde des dieux, il y en avait d’autres qui n’avaient pas trait à des circonstances particulières, et qui rentrant dans les hommages généraux, destinés à s’assurer leur assistance ou a détourner leur ressentiment, devaient être renouvelés régulièrement à des époques fixes. Rien sans doute, chez les Athéniens ni dans toute l’antiquité grecque, ne rappelle les offices du sabbat ou du dimanche ; il n’est pas douteux néanmoins qu’à chacun des dieux auxquels l’État avait consacré un sanctuaire et un clergé il ne fût offert, à des jours marqués, un sacrifice, si modeste qu’il fût pour plusieurs d’entre eux. Ces jours revenaient plus ou moins fréquemment, suivant l’importance des différents cultes : Pour les uns, les sacrifices étaient annuels ; pour d’autres, ils se reproduisaient tous les mois, quelquefois même plusieurs fois par mois ; c’est là ce qu’il faut entendre, lorsque nous voyons que certains quantièmes étaient spécialement voués à tel ou tel dieu[2]. Ces observances au reste n’étaient pas les mêmes dans toute la Grèce. En certains pays, le premier jour du mois restait indivis entre tous les dieux ; chez d’autres, il appartenait en particulier au dieu de la lumière, Apollon[3] ; ailleurs enfin il était aussi consacré à Hermès dont, à cette occasion, on couronnait la statue, et à la déesse lunaire Hécate[4]. Le second jour était dévolu aux héros[5] ; le troisième à Athéna, pour laquelle ce privilège renaissait le troisième jour de chaque décade, c’est-à-dire le 13 et le 28 du mois (τρίτη φθίνοντος) ; la dernière fête était la plus solennelle[6]. Le quatrième jour était partagé entre Aphrodite, Hermès et Héraklès[7]. D’après le poème didactique d’Hésiode, le cinquième jour était néfaste, comme étant celui où les Erinyes erraient de par le monde et punissaient les parjures[8] ; on doit donc supposer que c’était aussi celui, que l’on choisissait pour leur offrir des sacrifices. Le sixième jour venait le tour d’Artémis, née, disait-on, le 6 d’un mois, et le septième, celui d’Apollon, pour le même motif[9]. Le jour suivant appartenait à Poseidon, et aussi, chez les Athéniens à Thésée[10] ; le neuvième à Hélios et à Rhéa[11]. Le quinzième jour ramenait la fête d’Athéna, et le vingtième celle d’Apollon[12]. Enfin le dernier jour du mois était placé sous l’invocation d’Hécate, à qui l’on offrait le soir, dans les carrefours où elle avait des images ou des autels, des repas composés d’œufs, de poissons et autres mets semblables (Έκάτης δεΐπνα)[13]. Tout ce que nous sommes en mesure d’ajouter à ces renseignements, c’est d’une part, que les trois avant-derniers jours étaient réservés aux morts et aux divinités souterraines, d’où venait que chez les Athéniens, la justice criminelle vaquait durant ce temps[14] ; d’autre part, que le dix-huitième et le dix-neuvième jour étaient considérés comme les plus favorables aux purifications et aux pratiques ayant pour but de conjurer les calamités[15]. On peut d’ailleurs admettre sûrement que, à des époques fixes, qui revenaient chaque année pour les uns, chaque mois pour les autres[16], les dieux n’avaient pas seulement droit aux hommages isolés de quelques fidèles, et que des prêtres ou les délégués de la commune devaient lui offrir des sacrifices plus ou moins coûteux[17]. On rapporte que, chez les Athéniens, les sacrifices, et il s’agit évidemment des sacrifices réglés par les lois, étaient en permanence tous les jours, un seul excepté[18]. Bien que cette indication ne repose que sur un témoignage anonyme, elle n’est nullement invraisemblable. Naturellement les jours de sacrifices pouvaient n’être pas des jours de fêtes[19] ; le travail n’était pas suspendu, et les affaires suivaient leur cours. Il n’y avait qu’un petit nombre de dieux en l’honneur de qui fussent établies, à certains jours, des solennités durant lesquelles chômaient non seulement les affaires publiques, sauf les cas d’urgence, mais aussi les affaires privées[20]. Ces solennités étaient les fêtes proprement dites, έορταί. Plusieurs d’entre elles, par leurs processions, leurs banquets populaires, leurs jeux et autres spectacles, attiraient une nombreuse affluence de curieux, d’où leur venait aussi le nom de πανηγύρεις. Toutes n’étaient pas également somptueuses. Les Athéniens étaient ceux qui, au temps de leur splendeur, y déployaient le plus de faste et chez qui elles revenaient le plus souvent. D’après un ancien témoignage, elles auraient été deux fois plus nombreuses que dans aucun autre État[21]. Nous ne saurions indiquer un chiffre précis, mais ou peut, sans crainte de se tromper, en évaluer le nombre à cinquante ou soixante[22] ; c’est à peu près celui de nos dimanches et de nos jours fériés. Il y avait cependant, quoi qu’on ait dit, des populations qui rivalisaient avec les Athéniens pour le nombre des fêtes, et même les surpassaient. Tarente nous en offre un exemple, s’il est vrai, ainsi que le rapporte Strabon, que le nombre des jours fériés y dépassait celui des jours ouvrables[23]. La plupart des fêtes et les plus anciennes sans exception étaient offertes aux dieux, comme aux souverains maîtres de la nature, aux puissances qui gouvernaient les saisons et les phénomènes atmosphériques, réglaient les résultats heureux ou malheureux de l’agriculture et de la sylviculture, en un mot, tenaient entre leurs mains tous les événements naturels, favorables ou funestes aux hommes. En d’autres occasions, on honorait dans les dieux les auteurs et les protecteurs d’institutions sociales et morales, attributs qui, d’ailleurs, se confondaient souvent avec ceux qui précèdent, les forces de la nature étant aussi considérées comme des êtres moraux, qui se réservaient de distribuer à l’humanité, les récompenses et les châtiments. D’autres solennités étaient encore célébrées en commémoration des faits historiques dans lesquels s’était manifestée le plus clairement l’intervention des dieux. Enfin, on pensait que les morts avaient droit, dans les régions souterraines, non seulement au souvenir des parents qu’ils avaient laissés sur la terre, mais aussi à des offrandes et à des sacrifices. Indépendamment des hommages privés que chaque famille, chaque gens rendait aux siens, on ordonnait publiquement en leur honneur des fêtes funèbres, afin d’être sûr que les devoirs de piété auxquels il pouvait être manqué en particulier seraient accomplis par l’unanimité de la population. Naturellement les dieux qui régnaient sur les ombres ne pouvaient être oubliés dans les fêtes des morts[24]. Les solennités qui avaient trait aux changements des saisons et aux phénomènes réguliers de la nature étaient nécessairement célébrées aux époques de l’année qui répondaient le mieux à leur destination, et par le même motif, on devait, pour celles qui étaient attachées à des mois et des jours déterminés, faire en sorte que ces jours et ces mois fussent choisis dans des saisons correspondant au but de la fête. L’année des Grecs était réglée sur le cours de la lune et composée de douze mois synodiques, qui formaient un total de trois cent cinquante-quatre jours[25] ; elle était donc en retard sur l’année solaire de onze jours et une fraction. Il en serait résulté que ; dans l’espace d’un peu plus de trente ans, chaque mois aurait parcouru toutes les saisons, que par exemple, en partant du printemps, cette saison serait tombée, au bout de quelques années, dans l’hiver, puis dans l’automne, enfin dans l’été, si l’on n’eût trouvé un moyen de réparer ce désordre et d’accorder tant bien que mal l’année lunaire et l’année solaire. Ce moyen consistait à intercaler, de temps en temps, quelques jours, avant que l’écart frit devenu trop sensible. La rectification s’opérait régulièrement, lorsque le temps écoulé comprenait une somme de jours égale à un certain nombre d’années solaires et susceptible d’être partagée exactement entre un même nombre d’années lunaires. Cette période était ce qu’on appelait une grande année (μέγας ένιαυτός). De Ires bonne heure on avait adopté, sous ce nom, un espace de huit années solaires, dépassant le même nombre d’années lunaires d’environ quatre-vingt-dix jours, divisés en trois mois intercalaires, de manière que sur les huit années il y en avait trois composées de treize mois au lieu de douze[26]. Dans ce cycle de huit années, qui eût pu s’appeler octaétéris, mais qu’en fait on désignait sous le nom d’ennaétéris[27], les Pythiques étaient célébrées une fois ; il en fut ainsi du moins jusqu’en l’an 586 ; les Olympiques, dans le même laps de temps, revenaient deux fois, au commencement et à la fin de la période. Nous ne pouvons nous prononcer sur la question de savoir si cette manière de supputer le temps avait trouvé place dans le calendrier de tous les États grecs. Ce qui est certain, c’est que l’ennaétéris pythique et l’ennaétéris olympique ne concordaient pas exactement ; il y avait, du moins pour les points de départ, un écart de deux ans, la première année de la période pythique répondant à la troisième année de la période olympique. L’ennaétéris pythique fut vraisemblablement introduite à Athènes par Solon. Il paraît que, pour la régulariser, on ajoutait à la troisième, à la sixième et à la huitième année un mois intercalaire de trente jours (Ποσειδεών ϋστερος), ce qui donnait à chacune d’elles trois cent quatre-vingt-quatre jours au lieu de trois cent cinquante-quatre. Les autres mois alternaient entre trente et vingt-neuf jours. Ils étaient partagés en trois décades, dont la dernière n’était, une fois sur deux, que de neuf jours. Cette division venait vraisemblablement de ce que, dans le principe, on ne distinguait que trois phases de la lune[28]. La première commençait aussitôt que la lune devenait visible, et finissait lorsque le croissant avait atteint la forme d’un demi-cercle, ce qui arrive à peu près, en effet, le dixième jour ; la deuxième s’étendait jusqu’au moment où le cercle devenu complet, se réduit insensiblement de moitié ; la troisième jusqu’à celui où le croissant, diminuant de plus en plus, finit par disparaître tout à fait[29]. Les jours de la dernière décade, correspondant au décroît progressif de la lune, étaient associés, pour ainsi dire, à cet amoindrissement : ainsi le 21 du mois était appelé la dixième journée de la lune décroissante (δεκάτη φθίνοντος, souvent aussi δεκάτη ύστέρα). Le 22 se trouvait être le 9, à partir de la fin ; le 23 le 8, et ainsi de suite. Dans les mois vides, c’est le nom qu’on donnait aux mois de vingt-neuf jours par opposition aux mois pleins ; le 28 s’appelait, comme dans les mois pleins τρίτη φθίνοντος, mais il était immédiatement suivi de ένη καί νέα[30], nom sous lequel était désigné la dernière journée de tous les mois indistinctement., parce qu’elle voyait la lune disparaître et reparaître. Le mot τρικκάς, bien qu’il ne s’appliquât exactement qu’au dernier jour des mois pleins, désignait aussi, dans l’usage habituel, le vingt-neuvième jour des mois incomplets. Plus tard, à la place du cycle de huit années, les astronomes eu proposèrent de plus exacts ; nous nous bornerons à citer celui de dix-neuf ans (έννεακαιδεκαετηρίς) dû à Méton, contemporain de Périclès, parce qu’il fut longtemps après, il est vrai, utilisé pour la rectification du calendrier, en particulier chez les Athéniens. Des détails plus circonstanciés, sur un sujet dont beaucoup de points restent encore obscurs, dépasseraient les limites de notre travail[31] ; nous ne devons pas cependant passer sous silence que, tant que dura la liberté de la Grèce, il n’y eut pas d’accord général entre les calendriers des divers États. Le particularisme, qui fut un des traits du caractère national, se révèle aussi dans cet ordre d’idées. La supputation des années, L’ordonnance et les noms des mois variaient suivant les pays ; on s’accordait sur ce seul point que les mois étaient presque sans exception dénommés d’après les fêtes solennelles dont ils ramenaient la célébration, preuve évidente du lien qui rattachait le calcul du temps au culte, pour lequel c’était une nécessité que, du moins, les fêtes de la nature tombassent toujours dans la saison dont elles saluaient le retour. Autant que l’on peut en juger, les Athéniens, comme en général tous les peuples de race ionienne, firent, dès le principe, commencer l’année à la nouvelle lune qui suivait le solstice d’été. Le premier mois s’appelait Hécatombæon ; le second Métagéitnion, ou, chez d’autres populations ioniennes, Bouphonion ; le troisième portait le nom de Boédromion, affecté ailleurs au quatrième, qui, chez les Athéniens et en général chez les Ioniens, était le mois de Pyanepsion ; le cinquième était appelé, à Athènes, Maimaktérion, dénomination qui, chez quelques populations de même souche, était remplacée par celle d’Apaturion, et au dehors, par celle de Kyanepsion, autre forme de Pyanepsion. Le sixième mois était le mois de Poseidon, et ailleurs, par exemple à Cyzique, celui d’Apaturion ; au septième rang venaient Gamélion à Athènes, Lénaion dans d’autres pays, tels qu’Éphèse, Smyrne, Érétrie, Poseidon à Cyzique. Le huitième mois était en général désigné sous le nom d’Anthestérion, que quelques-uns remplaçaient par celui de Lénaion. Anthestérion était suivi d’Elaphébolion, ou, dans d’autres contrées, d’Artémision ; ailleurs encore, Anthestérion était le neuvième mois. Pour le dixième, les noms variaient entre Munychion, Artémision ou Anthestérion. Le onzième s’appelait Thargélion, et ailleurs, par exemple à Cyzique, Kalamaion. Enfin, l’année finissait, à Athènes, par le mois de Skirophorion, à Cyzique, par celui de Panémos, à Erétrie, par celui d’Hippios. — Les Doriens paraissent avoir choisi pour point de départ de l’année le solstice d’automne. Les noms de leurs mois ne sont pas tous connus, mais ce que l’on en sait témoigne que, comme chez les Ioniens, ces noms étaient en rapport avec les fêtes des dieux, et que l’on retrouvait la même variété dans les différents États. Ainsi, le premier mois s’appelait, chez quelques-uns d’entre eux, Héraios ou Hérasios, du nom de la déesse Héra ; chez d’autres, Dalios, du nom de l’Apollon Délien ; dans d’autres pays, au contraire, cette qualification de Dalios servait à désigner le second mois, nommé aussi quelquefois Apellaios ou Apollonios. C’est seulement pour le septième mois, Artémisios ou Artamitios, qui répondait en partie au mois d’avril, et pour le onzième, Karneios, coïncidant à peu près avec le mois d’août, qu’il y avait accord entre les diverses populations doriennes, autant que nous permettent d’en juger des indications fort incomplètes. — Enfin les Éoliens faisaient, à ce qu’il paraît, commencer l’année avec le solstice d’hiver. Le nom du premier mois était, chez les Béotiens, Boukatios, synonyme de Bouphonios ; il était emprunté aux grands sacrifices de taureaux que l’on avait coutume d’accomplir au début de l’année ; mais à Lamia, dans le Phthiotide, on désignait ainsi le dernier mois, qui, chez les Béotiens, avait emprunté le nom d’ Athéna Alalcomène. Le mois d’Alalcoménios ne se retrouve chez aucun autre peuple éolien. La race éolienne, composée d’éléments très divers, témoignait de très peu d’accord sous ce rapport comme sous beaucoup d’autres[32]. Les jours qui, dans chaque mois, étaient marqués par des fêtes, s’appelaient les temps consacrés, ίερομηνίαι. Le nombre en variait, suivant les différents mois, ainsi que la durée de chaque hiéroménie, qui tantôt se composait de plusieurs jours, tantôt se réduisait à un seul[33]. Durant ce temps, toute affaire étrangère à la solennité était suspendue, aucun tribunal ne tenait séance, aucun jugement ne recevait d’exécution ; rien ne devait troubler la paix générale ni les joies de la fête[34]. Dans les occasions où affluaient les visiteurs venus quelquefois de contrées lointaines, aux Éleusinies par exemple, la trêve divine ou Ékécheirie était annoncée par des hérauts envoyés dans la Grèce entière ; tous ceux qui se rendaient en Attique sollicitaient des sauf-conduits, et il était très rare que cette requête fût rejetée[35]. D’après un document épigraphique encore existant[36], l’Ékécheirie s’étendait, pour les grandes Éleusinies, du 15 Métageitnion au 10 Pyanepsion, et pour les petites, du 15 Gamélion au 10 Elaphébolion ; elle durait par conséquent, dans les deux cas, un mois et demi et dix jours[37]. Pour les premières, l’hiéroménie tombait dans le mois de Boédromion, pour les secondes dans le mois d’Anthestérion. Les étrangers avaient ainsi tout le temps nécessaire pour aller et venir sans encombre. Isocrate dit des Athéniens[38] que, dans le bon vieux temps, leurs ancêtres témoignaient leur piété non par la magnificence des fêtes, mais par l’observance consciencieuse des rites traditionnels ; que plus tard, au contraire, les dépenses se sont accrues, que de nouvelles fêtes ont été instituées, que des banquets populaires ont été servis aux frais du public, tandis que l’on négligeait ou que l’on abandonnait tout à fait les anciennes et naïves pratiques ; ce tableau peut s’appliquer à toute la Grèce. Plus nombreuses, les solennités devinrent aussi plus brillantes avec le temps, et le luxe extérieur qui accompagnait le service divin ne témoigna pas d’un progrès dans la dévotion. Rien n’était moins propre, en effet, à éveiller ni à’entretenir le sentiment religieux. Les accessoires des fêtes étaient devenus pour la foule l’objet essentiel ; on se mêlait à ces grandes assemblées, moins pour faire honneur à la divinité que pour jouir de la pompe qu’on y déployait, pour applaudir aux jeux et aux spectacles, et prendre sa part des banquets[39]. Lorsque les prêtres célébraient simplement les fêtes des dieux avec le concours de quelques fidèles, la foule ne s’en inquiétait guère. Nous ne voulons pas pour cela méconnaître le sens qui souvent s’attachait à cet appareil extérieur. Sans doute, l’idée de se présenter aux dieux sous les plus brillants dehors, de sacrifier ce que l’on possédait de plus beau et de faire de son mieux, fut aussi une idée pieuse, inspirée par la reconnaissance et le respect ; mais il est fort douteux que dans la pratique la foule ait été guidée par un sentiment aussi pur. Il n’est, pas nécessaire de répéter ici que dans les fêtes, non plus que dans les autres actes du service divin, il n’y avait pas de place pour un véritable enseignement religieux. On prononçait des prières, on faisait entendre des hymnes, des péans et d’autres chants sacrés ; quelquefois des rhapsodes se disputaient le prix en récitant les poèmes d’Homère ou d’autres aèdes ; dans certaines solennités, on représentait des tragédies, des drames satyriques et des comédies, mais quelque admiration que l’on doive ressentir pour ces couvres,. si disposé que l’on soit à reconnaître l’influence morale qu’une tragédie de Sophocle ou d’Æschyle par exemple, pouvaient inspirer et inspiraient en effet à des esprits aussi sensibles à la beauté que l’étaient les Grecs, on ne peut nier que l’effet de ces chefs-d’œuvre ne fût beaucoup plus esthétique que religieux. Platon, au sujet de ces solennités, telles qu’il les concevait, s’exprime en ces termes : Les dieux, prenant en pitié la condition des mortels, ont institué les fêtes, pour les reposer de leurs travaux, et ont associé à ces récréations les Muses, le coryphée des Muses, Apollon, et Dionysos, en vue d’ennoblir l’existence humaine et d’exercer sur les âmes l’influence bienfaisante du rythme et de l’harmonie... Il faut donc avoir soin de n’introduire dans les fêtes que des chants, des danses et des spectacles qui répondent à ce but et soient dignes des dieux[40]. On sait assez que, dans la réalité, les choses ne répondaient pas exactement à la pensée de Platon. Un tableau des fêtes ne saurait prétendre à être complet. La plupart des documents parvenus jusqu’à nous ne contiennent, en effet, que des indications de noms. La méthode la plus simple nous paraît être de passer successivement en revue les dieux auxquels les fêtes étaient consacrées, en commençant par les solennités athéniennes, sur lesquelles nous sommes lé mieux renseignés, et par les premières en date, pour redescendre jusqu’au bout le cours de l’année. Nous espérons ainsi marquer plus facilement la place que chacun d’eux occupait dans le culte, création vivante de l’imagination populaire, et l’idée qu’il représentait ; c’est là surtout ce qu’il importe de connaître. Apollon ouvre le chœur. C’est en son honneur qu’étaient accomplies, dès l’ouverture de l’année, les hécatombes d’où le premier mois a reçu son nom. Le jour où avaient lieu ces sacrifices n’est pas fixé ; nous pouvons donc choisir entre le premier qui, ainsi qu’on se rappelle, était consacré chaque mois à Apollon d’après Philocorus, et le sept, qui lui était également dévolu. Apollon n’était pas, chez les Athéniens, au nombre des divinités indigènes ; son culte ne remonte pas chez eux au delà du temps où des hordes helléniques, parties de la Thessalie méridionale, vinrent s’établir en Attique et se mêlèrent aux Ioniens pélasgiques[41]. Plus tard, l’idée attachée à ce dieu se développa surtout dans le sens moral ; cependant, sous beaucoup de rapports, il resta le dieu de la Nature et nous pouvons nous fier aux témoignages d’après lesquels les sacrifices du mois d’Hécatombæon lui auraient été offerts comme au dieu de l’astre qui, en effet, manifeste surtout sa puissance, bienfaisante ou funeste, au moment où A arrive à son point culminant[42]. — Les Métagéitnies, qui ont donné leur nom au second mois[43], étaient aussi célébrées en l’honneur d’Apollon, considéré non plus comme dieu de la Nature, mais, ainsi que ce mot l’indique, comme principe de la liberté d’aller et de venir, dont l’usage en Attique ne fut assuré à tous les citoyens qu’à partir de l’adoption du culte d’Apollon πατρώος. Ce fut à la même idée qu’Apollon dut d’être honoré ailleurs, à Cos, par exemple, sous le surnom de πεταγείτνιος, identique à μεταγείτνιος[44]. Comme les adorateurs d’Apollon, qui avaient émigré en Attique, voyaient aussi en lui le protecteur qui les avait assistés dans leurs combats, ils exprimèrent leur reconnaissance à Apollon Boédromios en instituant les Boédromies qui, lorsque le culte de ce dieu se fut généralisé en Attique, donnèrent leur nom au troisième mois. Peut-être l’inauguration de ces fêtes fut-elle déterminée par un événement historique ; les anciens, du moins, le pensaient[45]. La quatrième fête en l’honneur d’Apollon était les Pyanepsies ; elles étaient célébrées le sept du mois qui leur avait emprunté son nom ; on y voyait reparaître le dieu de la Nature, qui fait mûrir les fruits des jardins et des vergers. On lui offrait, comme prémices, des récoltes, des fèves bouillies (πύανα), en y joignant d’autres produits sous la forme d’Eirésionés, c’est-à-dire, des branches d’olivier chargées de différents fruits, de gâteaux et de vases contenant de l’huile, du miel et du vin. Les Eirésionés étaient portées par un jeune garçon, qui avait encore son père et sa mère. La procession se rendait au temple, où l’offrande était déposée[46]. En dehors des réjouissances publiques, des particuliers célébraient la fête de leur côté, en observant les mêmes usages et suspendaient l’Eiresioné à la porte de leur maison[47]. Plutarque nous a conservé le texte d’une chanson qu’il était d’usage de faire entendre dans cette circonstance : L’Eirésioné porte des figues, des pains délicats et du miel, de l’huile pour frotter les membres et du vin, de quoi envoyer dormir ceux qui le boivent[48]. Avec Apollon on invoquait aussi les Heures, déesses des saisons favorables, et on leur offrait des sacrifices[49]. Les Athéniens les appelaient Thallo et Auxo, parce qu’elles font éclore les fleurs et qu’elles hâtent la maturité des fruits[50]. La fête du printemps, les Thargélies, que l’on célébrait le 6 de Munichion, c’est-à-dire vers la fin de mars, avait un autre caractère. Elle était destinée à honorer l’Apollon Delphinien, qui sans doute, à Athènes aussi bien qu’ailleurs, était considéré comme une divinité maritime, comme la puissance qui réprime l’élément redoutable, surtout dans l’hiver, et apaise les tempêtes, plus violemment déchaînées à l’équinoxe du printemps. l’ont ce que nous savons des Delphinies, c’est qu’un grand nombre de jeunes filles, portant à la main des rameaux d’olivier, se rendaient au temple du Dieu, pour le supplier d’exercer la vertu bienfaisante que son ressentiment avait pu suspendre trop longtemps[51]. La légende rattache l’institution des Delphinies à la traversée de Thésée en Crète, lorsque ce prince entreprit d’abolir le tribut de sept jeunes filles et de sept garçons, imposé aux Athéniens par Minos ; mais il est beaucoup plus vraisemblable de dériver ce nom de Delphes et du dragon femelle Δελφύνη ou Δελφίνη, qui dompte le dieu du printemps[52]. Plus tard, la pensée se porta de préférence sur le dauphin, ami d’Apollon et symbole de la mer navigable ; on vit dans l’Apollon Delphinien le protecteur de la navigation, et cette conception, qui fut aussi le fondement de son culte dans d’autres États maritimes[53], a fourni matière à la légende développée dans l’hymne homérique, d’après laquelle le Dieu, sous la forme d’un dauphin, conduit à Crisa un vaisseau crétois. De là aussi le caractère des cérémonies accomplies le jour de sa fête, en particulier chez les populations du littoral. Cette fête date vraisemblablement, à Athènes, du temps où la ville était soumise à l’influence d’un État étranger puissant sur mer et personnifié dans le Crétois Minos, qui imposa aux Athéniens le tribut dont les affranchit Thésée[54]. Ce qu’étaient les Delphinies pour le dieu du printemps, les Thargélies l’étaient, le mois suivant, pour le dieu de l’été qui, dans les idées des Grecs, commençait le 11 mai, avec le lever des Pléiades[55]. Le nom des Thargélies et du mois Thargélion est certainement en rapport avec le mot θέρος, qui signifie chaleur, été[56]. Les chaleurs font mûrir les fruits, mais lorsqu’elles dépassent la mesure, elles deviennent funestes à la terre, qu’elles dessèchent, et aux hommes, dont elles compromettent la santé. Aussi se croyait-on forcé, en remerciant le dieu de ses bienfaits, d’implorer sa pitié, afin qu’il ne fit pas avorter, par l’excès de ses ardeurs brûlantes, les espérances de la récolte et détournât les fléaux qui menaçaient les hommes. On allait en grande pompe lui porter, ainsi qu’aux Heures[57], les prémices de tous les fruits qui avaient atteint leur maturité[58], afin de lui montrer que ses adorateurs ne demandaient qu’à lui sacrifier une part de leurs biens ; mais en même temps pour détourner sa colère, au cas où il serait sur le point d’exercer sa puissance vengeresse, on lui offrait des sacrifices expiatoires. Un homme et une femme, portant des colliers de figues, étaient promenés autour de la ville[59]. Le cortège chantait des vers de circonstance, avec accompagnement de flûtes[60]. On frappait avec des scilles marines et des figuiers sauvages, les deux victimes désignées sous le nom de φαρμακοί, après quoi elles étaient immolées sur un endroit déterminé du rivage ; leurs corps étaient brûlés et leurs cendres jetées à la mer. C’était ainsi, du moins, que les choses se passaient dans l’ancien temps ; plus tard, on adopta une coutume moins barbare. On se contentait de prononcer des imprécations sur ces boucs émissaires et de les précipiter du haut d’un rocher dans les flots, où on les recueillait pour les expédier à l’étranger. En dehors de ces sacrifices, les Thargélies donnaient lieu à des pompes et à des jeux, dans lesquels se formaient des chœurs d’hommes et de jeunes garçons, et où se retrouvaient les Eirésionés[61]. Les réjouissances étaient placées sous la direction du premier Archonte, à qui l’on adjoignait quelques Épimélètes[62]. Avec les Thargélies coïncidait, à Délos, la fête par excellence d’Apollon[63]. C’est à cette occasion que les Athéniens envoyaient dans l’île une théorie montée sur un navire qui, incessamment réparé, était toujours le même dont s’était servi Thésée pour sa traversée en Crète[64]. Nous savons, par le récit de la mort de Socrate, que, depuis le départ de cette théorie jusqu’à son retour, aucune condamnation capitale ne pouvait recevoir d’exécution, de peur que la souillure attachée au supplice ne rejaillît sur la ville. — Mentionnons encore brièvement les Pæonies, dans lesquelles Apollon était honoré comme dieu de la médecine[65]. Les informations nous manquent sur le moment où cette solennité était célébrée, aussi bien que sur les cérémonies dont elle se composait. Les fêtes accomplies dans d’autres États en l’honneur d’Apollon[66] permettent aussi de distinguer son double caractère, comme puissance naturelle et comme puissance morale, mous parlerons d’abord des Hyacinthies et des Carnéennes, qui ont donné leurs noms les premières au mois d’Hyakinthios, correspondant à l’Hécatombæon attique[67], les secondes au mois Carneios, le même que le Métageitnion. Ces solennités étaient, autant que nous en pouvons juger, communes à tous les Doriens ; mais les Doriens les avaient reçues des populations qu’ils avaient trouvées établies dans le Péloponnèse. Peut-être s’adressaient-elles encore à quelque divinité adorée sous un nom différent, et furent-elles par eux transportées à leur Apollon. Les Hyacinthies étaient célébrées, dans la Laconie, en L’honneur du dieu d’Amyclée et de Hyakinthos, qu’il tua d’un coup de disque. Hyakinthos personnifie évidemment la végétation éveillée au printemps et entretenue par une pluie fertilisante[68], épuisée en été par des chaleurs torrides. Apollon est le dieu qui envoie les ardeurs brûlantes ; le disque est le soleil. Les Hyacinthies étaient donc une fête de la nature. Ce que nous savons de ces solennités, qui se prolongeaient trois jours durant, nous permet de reconnaître qu’au deuil de la végétation expirante se joignaient la joie produite par la récolte déjà engrangée et une confiance joyeuse dans le réveil de la nature. Le premier jour était consacré à la tristesse : les couronnes et les pæans étaient bannis du sacrifice ; dans le repas qui suivait, on ne servait pas des pains de froment, comme c’était l’usage ailleurs, mais des pains grossiers, et le reste était à l’avenant[69]. Hyakinthos, dont on montrait, au-dessous de l’autel du Dieu, le tombeau fermé par une porte de bronze, recevait un sacrifice funèbre[70]. Le second jour, au contraire, des garçons vêtus de tuniques relevées faisaient entendre, sur un ton aigu et dans un rythme animé, des chants joyeux avec accompagnement de flûtes et de cithares. Une cavalcade brillante défilait sur l’emplacement de la fête, des chœurs de jeunes gens chantaient et dansaient ; des jeunes filles les suivaient, les unes dans des voitures d’osier, les autres sur des chars. Ailleurs avaient lieu des courses, ou on se livrait à différents jeux. Un grand nombre de victimes étaient sacrifiées ; les assistants couronnés de lierre[71] s’hébergeaient réciproquement, sans exclure même les esclaves ; Sparte toute entière tenait dans Amycla[72]. Nous ignorons ce qui se passait le troisième jour ; nous savons seulement par Pausanias[73] que les femmes spartiates tissaient chaque année une tunique pour le dieu ; l’omission de ce détail, dans la description d’Athénée, nous autorise à réserver pour la troisième journée la présentation au temple de ce présent. Le mois suivant, venait la fête d’Apollon Carneios, c’est-à-dire, d’après l’interprétation la plus sûre[74], du protecteur des troupeaux. Les troupeaux de moutons surtout étaient placés sous sa garde ; de lui, dépendaient leur prospérité et leur accroissement. Les campagnards du Péloponnèse avaient eu un culte analogue longtemps avant la conquête dorienne[75] ; les Doriens crurent y reconnaître leur Apollon, qui fut appelé de là Carneios. Ils célébraient donc les Carnéennes, mais à leur manière, et de telle sorte que l’idée naturaliste attachée au dieu protecteur des troupeaux fut rejetée au second plan chez ce peuple belliqueux, qu’ils finirent par ne plus comprendre son surnom, appartenant d’ailleurs à un dialecte étranger, et que le dieu pasteur devint en réalité un dieu guerrier. Les fêtes célébrées à Sparte avaient en effet ce caractère ; on ne peut s’y tromper, en lisant le récit d’un écrivain du second siècle avant l’ère chrétienne[76], qui les décrit telles qu’elles existaient encore de son temps. Elles duraient neuf jours, du 7 au 15[77], et offraient l’aspect de la vie des camps. Sur neuf emplacements, très rapprochés sans doute les uns des autres, on avait élevé des berceaux de feuillages où neuf personnes pouvaient se réunir et prendre leur repas. Ces tentes de verdure s’appelaient σκιάδες, aussi bien que les terrains où elles étaient dressées. Sur chaque emplacement elles étaient en nombre suffisant pour contenir trois phratries, nom par lequel on doit sans doute entendre les ώβαί ; fait par conséquent un total de vingt-sept ώβαί[78]. Tout se faisait par commandement, à la voix des hérauts. De quoi se composait d’ailleurs la fête ? L’historien ou le compilateur qui nous a conservé ce passage nous le laisse ignorer. Nous apprenons par une autre source qu’un prêtre chargé d’officier dans les Carnéennes était appelé άγητής ou conducteur, que les soins de régler les détails de la cérémonie étaient confiés à des Carnéates choisis au nombre de cinq dans chaque tribu, parmi les célibataires, et investis de cette autorité pour quatre ans[79] ; enfin qu’une course était instituée, dans laquelle un coureur prenait les devants, en souhaitant bonne chance à la ville, et était poursuivi par ses rivaux, nommés Staphylodromes ; s’ils l’attrapaient, c’était bon signe, le cas contraire était un présage funeste[80]. Celui après qui l’on courait représentait en effet les biens de la terre ; lorsqu’on le gagnait de vitesse, on en concluait que la récolté ne tromperait pas l’espoir du laboureur. Tout confirme, on le voit, l’antique interprétation donnée aux fêtes carnéennes et leur origine agraire. Les Spartiates avaient, vers la XXVIe olympiade, ajouté au programme un concours auquel avaient coutume de prendre part tous les artistes les plus célèbres de la Grèce[81]. On attachait une telle importance à ce que les fêtes s’achevassent sans trouble que jusqu’à la clôture qui, avait lieu le 15, à la pleine lune, il fallait de très graves motifs pour qu’une armée entrât en campagne. — Nous croyons devoir mentionner aussi une fête exclusivement spartiate, les Gymnopédies, bien que la religion n’y eût qu’une part accessoire, et que les offices divins ne s’adressassent pas seulement à Apollon, mais à plusieurs dieux, en particulier à Dionysos[82]. Les Gymnopédies étaient surtout un concours, dans lequel les enfants, les jeunes gens et les hommes faits se livraient à tous les exercices de la gymnastique et de la danse. C’était bien en l’honneur d’Apollon que des chœurs d’éphèbes dansaient et chantaient sur la place publique, devant la statue de ce dieu, honoré sons le nom de Pythæus, et celle d’Artémis[83]. Les chants associaient aux louanges des divinités celles des citoyens qui s’étaient distingués par leur valeur. On se plaisait surtout à rappeler les souvenirs de la victoire remportée à Thyréa et plus tard du combat des Thermopyles[84]. On a vu déjà que les célibataires n’avaient pas le droit de prendre part, même comme simples spectateurs, aux Gymnopédies[85]. Ces fêtes tombaient au cœur de l’été, sans doute dans le mois d’Hécatombeus et duraient plusieurs jours ; c’est tout ce que nous en savons[86]. A Delphes, siège principal du culte d’Apollon, on retrouve encore clairement le caractère naturaliste de ce dieu, dans les Théophanies[87], qui avaient pour but de célébrer sa réapparition, à la suite de son absence hivernale[88]. Les Septéries[89], qui se renouvelaient tous les neuf ans et la théorie que l’on envoyait à cette occasion dans la vallée de Tempé, en souvenir du combat livré au serpent Python ou au dragon femelle Delphiné, doivent être considérées aussi comme une fête de la nature, au moins si l’on se reporte à leur signification originaire, puisqu’il paraît certain que ce combat symbolise la lutte soutenue victorieusement par le dieu du printemps contre l’hiver qui couvrait le pays d’inondations et de vapeurs pernicieuses. On figurait dans les Septéries la lutte de ces deux puissances rivales. Le personnage d’Apollon était représenté par un jeune garçon, choisi entre tous ceux qui avaient encore leur père et leur mère[90]. La procession à Tempé était un souvenir du voyage que le Dieu, suivant la légende, avait fait pour se purifier, à la suite du meurtre du serpent Python. L’itinéraire était fixé d’avance ; c’était le même qu’Apollon avait suivi. Arrivé au terne, le jeune garçon était soumis à des cérémonies expiatoires, après quoi, il coupait une branche du laurier sacré et revenait à Delphes, en suivant le même chemin, escorté par un chœur de jeunes filles. De ce pèlerinage on peut inférer que le dieu dont on fêtait la victoire avait, eu jadis son siège à Tempé, et que de là il était venu s’établir dans le sanctuaire de Delphes. Le meurtrier ne pouvant être purifié dans le pays de sa victime, Apollon avait dû quitter le théâtre de son triomphe, et s’était naturellement retiré dans son ancien séjour, pour en revenir quitte de toute souillure. — Les Théoxénies, ou fêtes de l’hospitalité divine, étaient encore une solennité consacrée à Apollon, mais dans laquelle tous les autres dieux avaient leur part, à titre d’hôtes. Le mois qui les ramenait s’appelait de leur nom Théoxénios et répondait vraisemblablement au mois d’août[91]. Nous ne savons en quoi consistaient ces fêtes ; il est permis cependant de conjecturer que, comme dans les Lectisternies des Romains[92], les images des dieux étaient placées sur des lits et que devant eux étaient dressées des tables chargées de mets. Les sacrifices étaient naturellement suivis de banquets abondants. Nous voyons que le clergé de Delphes faisait à (les personnages considérables l’honneur de les y inviter, et que Pindare en particulier fut l’objet de cette distinction, dont jouirent aussi après lui ceux de ses descendants dont on pouvait retrouver la trace ; ce privilège subsistait encore au temps de Plutarque[93]. Figurait aussi parmi les convives, le citoyen qui avait offert le plus beau poireau à Léto, parce que, disait la légende, cette déesse, lorsqu’elle était enceinte du Dieu, avait eu pour ce légume une envie de femme grosse[94]. Des Théoxénies, dans lesquelles Apollon faisait aux divinités les honneurs de la fête, étaient en usage à Pellène, en Achaïe, aussi bien qu’à Delphes. On y donnait le spectacle de luttes gymniques, où les vainqueurs recevaient de l’argent et des tissus pour lesquels Pellène était renommée[95]. Ailleurs, d’autres dieux exerçaient aussi l’hospitalité : à Paros, par exemple, et en Sicile, à Agrigente, ce rôle était dévolu aux Dioscures[96] ; en général, dans les contrées où l’on célébrait des Théoxénies, il était attribué aux divinités locales[97]. Il est aussi fait mention de Théodæsies ; l’hôte, dans ces fêtes, paraît avoir été Dionysos qui, parmi ses surnoms, portait celui de Théodæsios[98]. Nous ne savons pas bien d’ailleurs si le nom de Théodæsies doit être pris dans le même sens que celui de Théoxénies, ou si on doit y attacher simplement, comme au mot δημοθοινία, l’idée d’un banquet populaire. Il existait dans l’île de Ténos une association de Théoxéniastes (κοινόν τών θεοξενιαστών)[99], preuve manifeste que des Théoxénies y étaient en usage ; mais cette fête était-elle organisée officiellement par l’État, ou était-ce une fête privée, à l’usage de quelque confrérie religieuse ? Ce n’est pas ici le lieu de traiter cette question. Les Daphnéphories, dans lesquelles on allait en procession, des branches de laurier à la main, étaient célébrées tous les neuf ans en .Béotie, et particulièrement à Thèbes, de la même manière qu’à Delphes. Le Dieu, honoré à Thèbes sous le surnom d’Isménios, d’après le fleuve qui coulait auprès du temple, était représenté par un jeune garçon, le Daphnéphoros, choisi parmi les familles distinguées et investi pour un an du sacerdoce ; le Daphnéphoros devait avoir son père et sa mère[100]. La pompe était conduite par un proche parent du jeune prêtre, qui portait un billon d’olivier ; entouré de fleurs et de feuilles de laurier et terminé à l’extrémité supérieure par titi globe de bronze, auquel étaient suspendues plusieurs boules plus petites. Au milieu du bâton, d’où pendaient des bandelettes de pourpre, était attaché un autre globe, moindre aussi que le premier. Une étoffe couleur de safran enveloppait l’extrémité inférieure du bâton qui, ainsi décoré, était désigné sous le nom de κωπώ. Les globes de diverses grandeurs figuraient le soleil, les étoiles et la lune ; les bandelettes de pourpre représentaient les jours ; il y en avait 354 dans le principe, et 365, lorsque les Grecs eurent adopté l’année solaire[101] Immédiatement derrière celui qui portait le κωπώ, venait le jeune prêtre, dont la main reposait sur cet emblème. Il avait une couronne d’or, une chevelure flottante, des vêtements magnifiques et des chaussures d’une forme particulière, appelées Iphicratides. Il était escorté d’un chœur de jeunes filles, tenant à la main les rameaux des suppliants et chantant des hymnes en l’honneur du Dieu. La fête s’adressait manifestement au dieu de la lumière, qui réglait les mouvements des astres et le cours des saisons. On ne dit pas à quel moment de l’année elle avait lieu ; mais les fleurs dont le κωπώ était orné indiquent assez le printemps. Des autres fêtes d’Apollon, bien qu’il y en eût beaucoup encore et de très renommées, nous ne savons guère que des noms dont l’énumération serait sans intérêt. Nous nous bornerons à rappeler les plus célèbres, déjà mentionnées plus haut, et d’abord la panégyrie que les Ioniens envoyaient à Délos au commencement de l’été, et dont l’hymne homérique à Apollon rend dès lors témoignage. Dans les premières années de la guerre du Péloponnèse, lorsque les Athéniens purifièrent l’île des tombeaux qui souillaient les alentours du temple (avant J.-C. 426), ils instituèrent, en dehors de l’antique fête annuelle, qui avait pu, avec le temps, perdre quelque chose de son importance[102], une nouvelle fête quinquennale, célébrée avec un grand éclat. Peut-être se proposaient-ils par là de resserrer les liens religieux qui les unissaient aux populations de même origine répandues dans les îles et sur les côtes de l’Asie Mineure, espérance qui d’ailleurs ne fut pas réalisée par l’événement. En second lieu, nous mentionnerons les Sminthies, par lesquelles on implorait, à Rhodes, l’appui d’Apollon Smiatheus ou Sminthios, c’est-à-dire du dieu des rats[103], contre les ravages que ces rongeurs faisaient dans les campagnes, et enfin les Acties qui avaient pour théâtre le promontoire de Leucade, et où, entre autres victimes, on sacrifiait des bœufs, pour être débarrassé des mouches[104]. Les Acties revenaient tous les trois ans. On s’y livrait à des jeux qui, outre des exercices gymniques et poétiques, comprenaient des courses navales. Cette fête devint quinquennale sous Auguste[105]. En retournant à Athènes, nous rencontrons, immédiatement après les hécatombes immolées à Apollon, la fête de Kronos, appelée Kronia. Elle se célébrait le 12 du mois d’Hécatombæon[106] qui avait, dans le principe, porté le nom de Kronion[107]. Les témoignages des anciens nous apprennent que la fête était très joyeuse, que l’on y banquetait copieusement et que l’on régalait même les esclaves, ce qui l’a fait comparer aux saturnales romaines[108]. D’après la saison où elle tombait, elle doit être considérée encore comme une fête de la moisson ; on se réjouissait des promesses qu’avait tenues la terre. Cette conjecture d’ailleurs est d’accord avec l’idée attachée au nom de Kronos, de faire durer les choses et de les achever[109]. De leur côté, les Éléens fêtaient à Olympie, dès l’équinoxe du printemps, le dieu qui jadis avait partagé avec Hélios la souveraineté de leur contrée. Un sacrifice lui était offert sur le Kronion, colline voisine d’Olympie, par des prêtres qui portaient le titre de βασίλαι[110], et vers le même temps, le 15 d’Élaphébolion, qui répond au commencement d’avril, il recevait en Attique des gâteaux de sacrifice, au moins de la part des laboureurs. Ces gâteaux, de forme arrondie, présentaient deux parties saillantes figurant sans doute les mois[111]. Ce qui prouve à quel point, la gaîté se faisait jour aussi dans les fêtes d’Olympie, c’est que plus tard, lorsque la croyance à l’âge d’or dont on avait joui sous le gouvernement de Kronos, fut, devenue générale, elles furent considérées comme un souvenir de ces temps fabuleux[112]. A Rhodes, on célébrait une fête de Kronos, le 7 du mois de Métageitnion, date qui correspond au commencement d’août, par conséquent dans la canicule. On sacrifiait des créatures humaines, en ayant soin toutefois de choisir des condamnés à mort[113] ; c’était sans doute l’application à une divinité grecque d’une coutume empruntée à la religion phénicienne de Moloch. Les Crétois sacrifiaient aussi des victimes humaines à Kronos[114]. Les autres fêtes de ce dieu ne donnent matière à aucune remarque qui mérite d’être rapportée ici. Bien que répandu en différentes contrées, son culte ne paraît pas avoir acquis jamais une grande importance. A la suite des Kronia venait, à Athènes, la fête de la déesse dont la ville s’était reconnue particulièrement tributaire, en adoptant son nom, Athéna. L’idée attachée à cette déesse est si compréhensive, sa puissance s’exerçait sur tant d’objets divers, qu’elle peut être envisagée sous les points de vue les plus opposés. Si l’on excepte Apollon et Zeus, elle est la divinité dont le culte, naturaliste au début, s’est développé le plus largement dans le sens moral. Athéna est d’abord la fille sortie de Zeus, la déesse de l’éther lumineux et transparent. A ce titre, elle ne règne pas seulement sur les hauteurs suprêmes ; son influence s’étend à travers la région intermédiaire de l’atmosphère, jusqu’au sol, où elle dispense la lumière et la chaleur ; elle attire l’humidité dont l’éther aussi a besoin pour sa nourriture[115], et dans les nuits étoilées, la reverse en rosée sur la terre, pour féconder les campagnes. Mais, comme l’éther des anciens n’a pas seulement une existence matérielle, qu’il est réputé un être intelligent, la divinité qui le gouverne est plus qu’aucune autre désignée pour présider à la vie intellectuelle de l’humanité. Tout ce que peuvent produire la raison et la sagesse est placé sous sa protection et sous sa dépendance, tout ce qui est science et art, dans la paix comme dans la guerre, émane d’Athéna et est confié à sa garde. Le peuple du monde le plus richement doué, de qui l’on s’est demandé s’il avait plus excellé dans les œuvres de la guerre ou dans celles de la paix, était donc plus qu’aucun autre autorisé à regarder comme sienne la déesse de la sagesse et à faire remonter jusqu’à elle les victoires de toute nature qu’il avait remportées sur ses ennemis et sur ses rivaux. De là l’éclat donné par les Athéniens, durant la période florissante de leur histoire, à la fête par excellence des Panathénées. Cette fête, dont la création remonte aux temps préhistoriques, s’appelait d’abord simplement les Athénées ; elle reçut le nom de Panathénées après que Thésée eut réuni l’Attique en un seul État, union dont l’anniversaire était célébré, le 16 d’Hécatombæon, par les Συνσίκια ou Συνοικέσια, prélude de la grande solennité. Nous manquons de détails sur la manière dont se passaient les Synoikésies. On a bien dit qu’un sacrifice sans victimes était offert à la déesse de la Paix, mais cette cérémonie ne fut introduite que plus tard, sans que l’on puisse savoir à quel moment précis[116]. Quelques jours après les Synoikésies, commençaient les Panathénées. Elles étaient annuelles ; toutefois, à partir de Pisistrate, on les célébra avec un éclat particulier de cinq ans en cinq ans, dans la troisième année de chaque olympiade ; elles étaient appelées alors les grandes Panathénées. Leur durée était de quatre jours au moins et vraisemblablement de six, du 23 au 28 Hécatombæon[117]. Des premiers jours, nous n’avons rien à dire, si ce n’est qu’on s’y livrait à des exercices de tout genre. A des courses de chars, dont l’introduction est attribuée au roi mythologique Érichthonios, s’étaient ajoutées plus tard des courses de chevaux et des luttes gymniques, variant suivant tous les procédés traditionnels, et, plus lard encore, des courses aux flambeaux (λαμπαδοδρομία), qui commençaient, après le coucher du soleil, par des nuits sans lune, car les Panathénées précédaient de peu la nouvelle lune. Des éphèbes, choisis à cet effet, allumaient leurs flambeaux à l’autel d’Éros, élevé dans l’Académie, et partaient de là, divisés en différents groupes, en en laissant d’autres à quelque distance en arrière et sans torches. Si l’un des premiers était atteint par quelqu’un de ceux qui couraient après lui, il devait lui repasser son flambeau, et la course continuait[118] ; était proclamé vainqueur celui qui arrivait au but avec sa torche allumée. Aux exercices gymniques se joignirent aussi des concours auxquels les Muses présidaient. Pisistrate, ou son fils Hipparque, avaient déjà prescrit que des rapsodes réciteraient aux grandes Panathénées des poèmes homériques dans un ordre fixé d’avance. Périclès introduisit des concours de musique, auxquels prirent part (les joueurs de flûte et des joueurs de cithare qui s’accompagnaient de cet instrument (κιθαρωδοί) ou se bornaient au rôle d’instrumentistes (κιθαρισταί). Des chœurs exécutant la Pyrrhique ou des danses cycliques ajoutaient à l’éclat de la fête. Enfin, des trières se disputaient, au cap Sunion, la victoire dans des courses navales[119], d’un intérêt majeur pour les Athéniens, jaloux surtout de leur prééminence maritime. La surveillance et la direction de tous ces jeux étaient confiées à dix Athlothètes, élus par le peuple pour quatre années, c’est-à-dire d’une grande fête à l’autre. On distribuait des couronnes d’or, de l’huile provenant des oliviers d’Athéna, que l’on enfermait dans des vases de forme élégante, ornés de peintures, et des trépieds d’airain. Les trépieds étaient destinés aux chorèges et aux gymnasiarques des tribus qui l’avaient emporté dans les luttes et dans les concours placés sous l’invocation des Muses. L’huile était la récompense de ceux qui avaient triomphé individuellement, et comme ils étaient en grand nombre, cette dépense ne laissait pas d’être assez considérable[120]. Les vainqueurs dans les concours poétiques recevaient des couronnes d’or, sans préjudice de l’huile[121]. Le prix pour les tribus dont les navires avaient remporté la victoire, consistait en une somme d’argent, dont une partie devait faire les frais d’un sacrifice à Poseidon. Le 28 du mois, dernier jour de la fête, était aussi le plus brillant : une procession solennelle allait offrir à la Déesse le péplos, long et magnifique voile qui servait à orner son temple ou sa statue. Le péplos était tissé par des citoyennes d’Athènes désignées sous le nom d’έργαστΐναι. On commençait le travail neuf mois environ à l’avance, dans l’ένη καί νέα du mois de Pyanepsion, jour consacré à Athéna Ergané ; il était mis en train par deux des quatre Arrhéophores ou Erséphores, que nous retrouverons plus loin dans la procession. C’étaient de jeunes filles de sept à douze ans, vouées pour un an au culte de la Déesse. Sur un fond couleur de soufre ou de safran, était tracée une riche broderie, dont le sujet principal était le combat des Géants, dans lequel Athéna avait triomphé de ces êtres malfaisants et ennemis des dieux. On y joignait des scènes glorieuses, où les enfants d’Athènes s’étaient montrés dignes de leurs ancêtres. Le péplos, attaché sur un support en forme de navire, où il se déployait comme une voile, était conduit du Céramique extérieur à la citadelle, à travers les principales rues de la ville, et de là, au sanctuaire de la Déesse, qui couronnait l’Acropole[122]. Nous ne pouvons retracer en détail la marche de la procession, mais il ressort clairement des anciennes descriptions que le peuple athénien avait à cœur de paraître devant sa protectrice entouré de tout ce qu’il possédait de plus beau, de plus respectable et de plus brillant. Outre les prêtres et les serviteurs du temple, qui conduisaient d’innombrables victimes richement parées, outre les femmes et les filles qui, sous le nom de Canéphores et d’Erséphores, portaient des objets consacrés dans leurs corbeilles et dans leurs vases, la pompe comprenait des vieillards, chez lesquels l’âge n’avait altéré ni la noblesse ni la beauté et qui, revêtus d’habits de fête, tenaient à la main des branches d’olivier, d’où leur était venu le nom de Thallophores. Toutes les tribus rivalisaient à qui présenterait les plus beaux[123] ; celle qui avait remporté le prix recevait, sur la caisse de l’État, cent drachmes qui devaient être employés en un sacrifice. Les frais nécessaires polir mettre les Thallophores en mesure de disputer la victoire étaient le produit d’une liturgie imposée aux plus riches de la tribu. Une autre partie de la procession était formée d’hommes vêtus du costume militaire et armés du glaive et du bouclier. Ou distinguait encore, ici les éphèbes, là les cavaliers brillamment équipés, qui s’avançaient sous la conduite de deux Hipparques, enfin, tous ceux qui, dans les concours, avaient remporté des prix. Les regards étaient surtout attirés par la file brillante des conducteurs de chars. Ce n’étaient pas seulement les citoyens qui prenaient part à la fête ; les étrangers qui vivaient dans la ville de la Déesse, sous la protection de ses lois, autrement dit les métèques, avaient aussi une place dans le cortège, mais une place en rapport avec l’infériorité de leur condition. Des hommes appartenant à cette classe marchaient derrière les citoyens, avec des vases remplis de gâteaux pour les sacrifices ; les femmes portaient des cruches d’eau, les filles des sièges et des ombrelles qui protégeaient les citoyennes d’Athènes contre les rayons du soleil. Aux affranchis revenait le soin de décorer, avec des branches de chêne, la place et lés rues que devait traverser la procession. Enfin les États étrangers, surtout les colonies athéniennes, se faisaient représenter par des ambassadeurs chargés d’offrir à la Déesse des présents et des sacrifices, et qui avaient en récompense leur rang marqué dans le cortège. Cette panégyrie, on. le voit, frappait les regards par l’éclat et la magnificence du spectacle, non moins que par le nombre de ceux qui la composaient ; elle avait en outre un sens profond. Les premiers jours, les citoyens s’étaient distingués excellemment dans les arts agréables à la Déesse et dont elle-même était l’inspiratrice, par exemple dans l’art de dresser les chevaux ; les courses nocturnes aux flambeaux avaient trait aux attributions naturalistes d’Athéna ; mais surtout la procession qui terminait la fête, et le péplos qui lui était offert rendaient visiblement témoignage de la puissance victorieuse qu’elle avait déployée dans sa lutte contre les géants, de la force et de la vertu dont les grands citoyens s’étaient sentis animés par elle, de la richesse et de la prééminence auxquelles le peuple athénien s’était élevé, grâce à son appui. — Quelle différence existait-il entre les fêtes annuelles et les fêtes quinquennales ? Nous ne saurions le dire exactement. Il paraît acquis que les petites Panathénées tombaient aussi dans les derniers jours du mois d’Hecatombæon, et non, comme l’ont prétendu quelques critiques, dans le mois de Thargélion[124]. On ne peut douter qu’on n’y célébrât des jeux, bien qu’en moins grand nombre et avec moins de variété. La cérémonie se terminait certainement aussi par une procession allant offrir à la Déesse les présents qu’on supposait lui plaire, mais on ne peut affirmer, bien que la chose ne soit pas invraisemblable, que l’on portât au temple un péplos, moins grand dans tous les cas et moins orné. Il est possible que ce péplos de moindre dimension servit à parer l’ancienne statue de bois de la Déesse et que l’on fit du grand un rideau ou une tenture, pour recouvrir les parois du temple[125]. Plus tard, les Panathénées furent reportées au printemps et, parait-il, à la fin du mois d’Anthestérion. Peut-être cet ajournement fut-il dû à l’influence romaine. La fêle ainsi se trouvait correspondre au Quinquatrus de Minerve, qui remplissait, à Rome, l’intervalle du 19 au 23 mars[126]. Une seconde fête était célébrée le dernier jour du mois de Pyanépsion, en l’honneur d’Athéna considérée comme la patronne des arts et métiers qu’elle-même avait enseignés aux Athéniens, d’où lui était venu son surnom d’Έργάνη. Conjointement avec Athéna, on fêtait Héphaistos, dieu des forgerons et de tous ceux dont l’industrie s’exerce à l’aide du feu. Cette solennité s’appelait Xa),reia, mais on lui donnait aussi le nom d’Άθηναΐα[127]. On se rappelle que, ce même jour, on commençait à travailler au péplos. Nous manquons de détails sur les χαλκεΐα. Nous savons seulement que, dans une haute antiquité, c’était une fêle populaire, à laquelle tout le monde prenait part ; ce fut postérieurement qu’elle devint spéciale aux artisans et surtout aux forgerons[128]. Les derniers mois de l’année, Targélion et Skirophorion, ramenaient deux fêtes empreintes toutes deux d’un caractère profondément religieux, mais dont la signification était très différente. L’une, qui se prolongeait du 19 au 29 de Thargélion, était consacrée à purifier le temple, à le mettre à neuf, ainsi que les objets affectés au culte, et à parer de nouveaux ornements l’image même de la Déesse. La première partie de la fête s’appelait πλυντήρια, la seconde καλλυντήρια[129]. Pendant la purification, des cordes étaient tendues autour du temple, pour en interdire l’entrée à tout ce qui n’était pas attaché au culte. On dépouillait la statue de la Déesse de ses vêtements, et on les lavait ; la statue elle-même était nettoyée et recevait toutes les réparations nécessaires. Ces offices étaient remplis par les Praxiergides, appartenant probablement à une famille ou à une association d’artistes. Outre les Praxiergides, on trouve mentionnées des blanchisseuses, λουτρίδες ou πλυντρίδες. Le 25 de Thargélion, où sans doute la statue d’Athéna était purifiée, était un jour néfaste, dans lequel nulle affaire publique ne pouvait être entreprise, parce que la déesse protectrice de la ville était censée absente[130]. La purification accomplie, on passait aux καλλυντηρία : l’image de la déesse, richement parée, était rétablie sur sa base ; le temple était rouvert ; tout brillait d’un éclat nouveau. Il paraît aussi qu’une procession se rendait au temple et y portait, entre autres objets, un plat de figues sèches et pressées de manière à former une masse allongée (παλάθη ίσχάδων)[131]. Cet usage venait d’après des témoignages anciens, de ce que les figues avaient remplacé les glands dans l’alimentation de l’homme, et précédé l’invention de l’agriculture. Le figuier était considéré, dans les mythes de l’Attique, combe un don de Déméter à Phytalus, mais cela n’empêchait que d’autres légendes ne l’attribuassent à Athéna. On pourrait croire que la fête était occasionnée par la nécessité de nettoyer de temps en temps, les reliques et la statue de la déesse ; cette explication toutefois est contredite par la tradition d’après laquelle les Plyntéries auraient été célébrées en l’honneur d’Aglauros[132]. On a fait d’Aglauros, que l’on appelle aussi moins correctement Agraulos, une servante d’Athéna, et l’on dit la même chose de ses deux sœurs Ersé et Pandrosos ; en réalité, ces trois noms ne désignent que des attributions d’Athéna, surnommée souvent Pandrosos et Aglauros[133]. La signification de ces mots est assez claire pour qu’on ne conteste pas aux Plyntéries le caractère d’une fête de la nature. Elle saluait la sérénité du ciel longtemps obscurcie et troublée parles nuages. Les conditions météorologiques particulières au pays expliquent le choix de la saison où elle était célébrée, s’il est vrai que, vers la fin de mai, quelques jours pluvieux précédaient toujours le retour du beau temps, et qu’à partir de ce moment le ciel brillait d’un pur éclat durant tout l’été. C’est pour cela que les lavages et les nettoyages nécessaires avaient été remis à cette époque de l’année et étaient devenus ainsi le symbole de la sérénité et de la clarté, rendues au ciel par la disparition des nuages. Le culte de la nature se révélait avec plus d’évidence encore dans les Skirophories, qui revenaient le 12 du mois suivant ou Skirophorion. Leur nom se prête à deux interprétations également justifiées par les circonstances : Il peut venir du mot σκίρον[134], et signifier le grand parasol que des hommes de la race des Etéobutades tenaient au-dessus de la prêtresse d’Athéna, du prêtre de Poseidon-Erechtheus et de celui d’Hélios ou d’Apollon[135], tandis que la procession se rendait de la citadelle au sanctuaire situé sur la voie sacrée d’Athènes à Éleusis[136] ; ou bien il peut s’expliquer par le mot σκΐρος, désignant, la pierre calcaire qui avait donné son nom au temple et à la Déesse le surnom de Skiras. La fête tombait au commencement des grandes chaleurs, lorsque le sol, durci et desséché, semblait réclamer une pluie bienfaisante. De là l’usage du parasol, abri nécessaire contre les rayons du soleil, et le choix du lieu vers lequel se dirigeait la procession, qui était celui où la terre souffrait le plus de la sécheresse. La statue de la Déesse était frottée avec cette terre calcaire, afin de lui en rendre la dureté plus sensible[137]. L’idée de purification était certainement associée à la fête, car il est question d’un Dioskodion[138] ; on sait d’ailleurs qu’à moins de s’être purifié de ses fautes on ne pouvait espérer de voir ses prières exaucées. La cérémonie de l’Erséphorie ou Arréphorie[139], que l’on accomplissait dans le même mois était en relation étroite avec les Skirophories. Les Arrhéphores étaient, comme on l’a vu plus haut, quatre petites filles, de sept à onze ans, choisies dans les familles considérables, qui pendant plusieurs mois, tout au moins à partir du dernier jour de Pyanepsion, devaient séjourner dans le sanctuaire de la déesse et se vouer à son service. On se rappelle que le dernier jour de Pyanepsion était consacré aux χαλκεΐα, et que ce même jour les quatre Arrhéphores ou seulement deux d’entre elles[140] avaient la charge de commencer le péplos d’Athéna. Il est question de pains préparés pour elles d’une façon toute particulière et d’un emplacement où elles pouvaient se distraire en jouant à la balle. Dans une nuit fixée à l’avance, qui sans doute précédait ou suivait immédiatement les Skirophories, les Arrhéphores recevaient de la prêtresse des coffrets contenant des objets mystérieux, si mystérieux que la prêtresse elle-même n’en avait pas connaissance. Les Arrhéphores portant ces coffrets sur leur tête se rendaient à une enceinte voisine du temple où l’on adorait Aphrodite dans les jardins, et où se trouvait une grotte naturelle ; elles y descendaient, déposaient leur fardeau et en recevaient un autre, caché avec le même soif, qu’elles reportaient à la citadelle dans le sanctuaire de la Déesse[141]. Ce secret naturellement en est aussi un pour nous ; mais le nom d’Arrhéphores nous permet de supposer que la cérémonie avait trait à la rosée de la nuit[142]. Elle devait donc s’accomplir dans la saison la plus chaude de l’année et avoir pour but d’implorer pour les campagnes la rosée rafraîchissante. L’Arréphorie était aussi une liturgie[143] : Les parents des jeunes filles devaient fournir les habits de fête dont elles étaient revêtues et peut-être prendre à leur compte d’autres frais. Les bijoux en or dont les Arrhéphores étaient parées restaient acquis au temple, lorsqu’elles étaient relevées de leur charge, et allaient accroître le trésor[144]. Dans ces deux fêtes, Athéna nous apparaît comme la déesse céleste à qui est dû le progrès de la végétation, et se rencontre par conséquent avec les divinités agraires Déméter et Cora. Nous ne devons donc pas nous étonner si, comme cela résulte d’ailleurs de quelques témoignages, le culte de ces deux déesses se trouve lié, dans les Skirophories, à celui d’Athéna, si peut-être même, à la fin, il y devint prépondérant[145]. Nous aurons plus tard l’occasion de signaler d’autres points de contact entre Athéna et les divinités agraires ; mais nous devons auparavant jeter un regard sur les fêtes célébrées en dehors de l’Attique. A Corinthe, Athéna était honorée sous le surnom de Hellotis ou Heltotia, et comme, dans d’autres pays, notamment en Crète, Europa, considérée, à n’en pas douter, comme déesse lunaire[146], portait les mêmes surnoms, l’Hellotis de Corinthe éveille naturellement l’idée de l’astre nocturne[147]. Cela ne veut pas dire qu’elle doive être assimilée à Séléné, mais plutôt qu’elle représente, dans le culte de la Lune, le ciel et la lumière. Entre autres spectacles, les Ilelloties de Corinthe avaient leurs courses aux flambeaux, de même que les Panathénées d’Athènes ; c’est tout ce que nous en pouvons dire. — Comme dispensatrice de la chaleur vivifiante, Athéna portait le surnom d’Aléa, et c’est en son honneur qu’avaient lieu à Tégée les jeux Aléens[148]. Une autre fête, dans laquelle on disputait également des prix, était célébrée dans le même lieu sous le nom d’Halotia, qui n’est peut-être qu’une forme arcadienne pour Hellotia. — En Béotie, à Coronée, la fête d’Athéna itonienne était une solennité fédérale à l’usage de tous les Béotiens qui, d’après le surnom de la Déesse emprunté à la ville thessalienne d’Iton, avaient dû apporter son culte en quittant leur ancien séjour[149]. Il ne nous est pas possible de donner une étymologie certaine du mot Iton. Quelques anciens en faisaient le synonyme de Σίτων ; Iton aurait donc été le pays des céréales[150]. Hadès avait une place à côté d’Athéna, dans le temple de Coronée[151]. Ce rapprochement s’expliquait, disait-on, par des raisons mystiques ; le mystère n’était pas difficile à deviner, puisque le concours des puissances célestes et des puissances chthoniennes est nécessaire pour la maturité des fruits. Le même sanctuaire enfermait aussi un autel consacré à Iodamie. Iodamie était une prêtresse qui, entrant une nuit dans le temple, s’était trouvée face à face avec la déesse et avait été réduite en pierre, à la vue de la Gorgone. La pétrification est l’expression symbolique de la rigidité causée par le froid, et la Gorgone d’Athéna signifie que la déesse du ciel qui, dans l’été, répand la chaleur, est la même qui, dans l’hiver, envoie le froid et la gelée. A ce compte, Iodamie représente l’arrêt de la végétation qui pour renaître n’a besoin que de chaleur[152]. C’est pourquoi la prêtresse allumait chaque jour du feu sur l’autel, en s’écriant : Iodamie vit et demande du feu. — Enfin, les fêtes panathénaïques n’étaient pas reproduites seulement dans les colonies athéniennes[153] ; on les retrouve à Rhodes[154]. Dans cette île, notamment à Lindos, Athéna était adorée comme la divinité par excellence, et tous les jour des sacrifices sans feu lui étaient offerts[155], ce qui n’empêchait pas les autres. Si, revenant à Athènes, nous suivons l’ordre des fêtes, nous rencontrons d’abord la fête générale des morts, qui tombait le cinq du mois de Boédromion, le troisième de l’année. La date de cette solennité est certaine ; il n’en est pas de même du nom que lui donne un grammairien, Γενέσια[156]. L’erreur pourrait venir de ce que, dans les cultes privés, on appelait ainsi les fêtes commémoratives des naissances ou des décès[157]. Les véritables noms de la grande solennité funèbre étaient Νεκύσια et Νεμέσεια, dont le dernier s’expliquait par cette raison que l’on s’y proposait d’apaiser la rancune ou la Némésis des morts irrités des négligences dont ils avaient eu à souffrir[158]. Il est très probable que l’on observait les mêmes formes dans le service public et dans le culte privé. Ce qui est hors de doute, c’est que la fête des morts était célébrée dans tous les États grecs, aussi bien que dans l’Attique. Nous savons pertinemment que dans la presqu’île Chalcidique, chez les Apolloniates, elle revenait d’abord dans le mois d’Elaphébolion, plus tard dans celui d’Anthestérion[159], et qu’il existait en Crète un mois appelé Nékysios, répondant en partie au mois d’août[160]. — Le lendemain des Nékysies, le 6 de Boédromion, les Athéniens donnaient, en souvenir de la bataille de Marathon, une fête qui, le 12 du même mois, était suivie d’une autre, destinée à rappeler la chute des trente tyrans, à la fin de la guerre du Péloponnèse, et le rétablissement de la liberté[161]. De la dernière nous n’avons rien de plus à dire, mais nous savons que, dans celle qui précédait, on sacrifiait cinq cents brebis à Artémis Agrotéra. On raconte que le Polémarque, avant que le combat fût engagé, avait promis à la Déesse autant de bœufs ou de brebis qu’il resterait d’ennemis sur le champ de bataille, mais que le nombre en fut si grand que, dans l’impossibilité d’exécuter son vœu à la lettre, les Athéniens résolurent d’y suppléer par un sacrifice annuel de cinq cents brebis[162]. L’hécatombe avait lieu à Agræ, près d’Athènes, où Artémis Agrotéra avait un temple, dans lequel on se rendait en procession[163]. La chasse est aussi une lutte armée ; la déesse qui, sous le surnom d’Agrotéra, présidait à la guerre contre les fauves, était donc, aux yeux des Grecs, toute portée pour les protéger dans les combats. Aussi lui adressait-on de préférence les sacrifices que l’on accomplissait avant d’en venir aux mains, pour en tirer des pronostics sur l’issue de la bataille. Nous savons par des témoignages formels que telle était la coutume des Spartiates[164], et il est permis de supposer qu’elle était générale en Grèce. — Artémis se manifeste comme déesse de la chasse dans les Elaphébolies. A eu juger par le mois d’Elaphébolion, qui occupait le neuvième rang sur le calendrier attique et répondait à peu près au mois de mars, les Elaphébolies étaient aussi une fête athénienne, bien que nous n’ayons pas sur ce point d’indications précises[165]. On les avait ajournées à cette saison, sans doute parce que c’était le moment de se livrer à la chasse pour défendre les récoltes déjà sorties de terre contre les ravages du gibier. Les Elaphia étaient aussi, à Elis, une fête du printemps[166] ; à défaut de cerfs, on y offrait à Artémis des gâteaux qui en affectaient la forme. — Il existait encore cri Attique une troisième fête, consacrée a Artémis, en tant que déesse de la lune ; mais il faut bien se garder de prendre cette qualification trop la lettre. La déesse de la lune, à proprement parler, s’appelle, comme la lune elle-même, Séléné, et aucune fête n’était célébrée en son honneur[167]. Artémis est avec la lune dans les mêmes rapports qu’Apollon avec le soleil ; elle plane au milieu du principe humide et nutritif qui agit dans la terre, dans les eaux, dans l’air, et dont la lune surtout parait être le foyer et le conducteur céleste, de même que le soleil est le principe lumineux et vivifiant auquel préside Apollon. Il est clair qu’il n’y avait là qu’un pas à faire pour proclamer Artémis déesse de la lune et Apollon dieu du soleil ; on sait comment s’opèrent ces confusions. Artémis Μουνυχία[168] est incontestablement la souveraine de la lune, bien que l’on ne puisse admettre la synonymie de cette épithète avec μονονυχία. C’est à la lune aussi qu’avait emprunté son nom le dixième mois, μουνυχιών, qui répondait approximativement au mois d’avril. Le 16 de ce mois, de grands gâteaux de forme arrondie et entourés de cierges (άμφιφώντες)[169] étaient portés en procession au temple clé la Déesse, comme emblèmes de l’astre qui lui était soumis. Ce temple était situé dans la presqu’île de Munychie, qui borde au sud le port du Pirée. — C’était surtout aussi l’action exercée par la Déesse au moyen de la lune que l’on avait en vue dans la fête d’Artémis Brauronia. Nous ne sommes pas en mesure de fixer la date de cette solennité ; elle n’était pas annuelle, mais revenait au moins tous les cinq ans. A l’origine, elle se célébrait dans une localité appelée Brauron ; plus tard, elle fut admise comme fête officielle, et Artémis Brauronia obtint même un temple sur l’Acropole[170]. Des brebis lui étaient offertes en sacrifice par le collège des dix Ieropoioi[171]. Dans les Brauronies figuraient des rapsodes qui récitaient des chants d’Homère[172] ; toutefois, ce qui distinguait surtout ces fêtes, c’était la part qu’y prenaient les filles des citoyens âgées de cinq ans au moins et de dix au plus. Elles étaient consacrées à la Déesse et recommandées à ses bonnes grâces dans une cérémonie dont le détail nous échappe. Cette situation se prolongeait cinq ans, durant lesquels les jeunes filles ne pouvaient se marier. Vêtues d’habillements couleur de safran, que relevaient des broderies multicolores, elles se rendaient au temple en procession, conduites par leurs mères. La présentation dans le sanctuaire et la consécration déterminaient le caractère religieux de la fête, qui était surtout fréquentée par les femmes. Il n’en fallait pas davantage aux anciens pour établir une relation entre Artémis, déesse virginale de la lune, et le sexe féminin dans sa fleur. Les filles attachées à son culte étaient désignées sous le nom d’άρκτοι, et comme ce mot rappelle l’idée d’ours, on ne s’est pas fait faute d’inventer l’histoire d’une ourse appartenant à Artémis, dont le meurtre était expié par la consécration de ces enfants[173]. A ce sujet même, des critiques se sont livrés récemment à des recherches, sinon très instructives, du moins très savantes et très ingénieuses sur le rôle symbolique des ours dans les religions de l’antiquité[174]. Je n’ai nulle envie de suivre leurs traces, et me borne à faire remarquer que, d’après quelques étymologistes, le mot άρκτοι, appliqué aux enfants dont il est question plus haut, n’aurait aucun rapport avec les ours, qu’il est dérivé de άρχεσθαι, et devrait s’écrire άερκτοι, ou bien qu’il faut y voir une contraction de άερκτοι. Dans le premier cas, il exprimerait l’idée de consécration ; dans le second, il indiquerait simplement que ces enfants n’étaient pas exclus du sanctuaire et avaient accès auprès de la statue de la Déesse[175]. Une fête était célébrée aussi dans l’Attique en l’honneur d’Artémis Amarvsia. Elle avait lieu dans le dême Athmonon, où s’élevait le temple de la Déesse ; ce n’était pas cependant une fête purement locale, elle avait un caractère général et officiel[176]. Le surnom d’Amarysia, qui vient d’άμαρύσσω, désigne encore Artémis comme une divinité lumineuse, c’est-à-dire ici comme une divinité lunaire. Elle était adorée, sous cette invocation, surtout en Eubée, où la ville d’Amarynthos, voisine d’Erétrie, paraît avoir emprunté plutôt que donné son nom à la Déesse. La fête eubéenne des Amarysies était aussi une fête générale, pour laquelle s’unissait l’île toute entière. La solennité donnait lieu à une procession où l’on voyait défiler, durant la période florissante, trois mille hoplites, six cents cavaliers et soixante chars. Il y avait place aussi pour des jeux dont les étrangers étaient admis à disputer les prix ; c’est là tout ce que nous en pouvons dire[177]. Nous avons moins de renseignements encore au sujet d’autres fêtes consacrées à Artémis. Il serait facile à en relever un assez grand nombre en diverses localités, notamment dans le Péloponnèse et surtout en Arcadie, hommages rendus sous des invocations différentes aux attributions multiples de la Déesse[178] ; nous nous bornerons à citer les suivantes : d’abord la fête lacédémonienne d’Artémis Karyatis, ainsi appelée de la ville de Karyæ, sur la frontière de l’Arcadie, où l’image de la Déesse était exposée à l’air libre, sans temple qui la protégeât. Les populations voisines s’y réunissaient tous les ans, et des chœurs de jeunes filles exécutaient les danses du pays[179], affectant des poses dont les artistes se sont emparés, pour doter l’architecture des figures connues sous le nom de Caryatides ; puis, la fête d’Artémis Korythalia, à Sparte, où les petits enfants étaient portés par leurs nourrices au temple situé tout près de la ville ; aussi cette solennité s’appelait-elle la fête des nourrices, τιθηνίδια. On offrait à la Déesse des cochons de lait et des gâteaux ; on se livrait à des danses de toute espèce ; des marionnettes et des masques ajoutaient à la gaieté[180]. L’épithète du Korythalie, synonyme de κουροτρόφος, désigne Artémis comme la protectrice de l’enfance. — Nous avons déjà signalé une autre fête propre à Sparte, dans laquelle, pour faire honneur à Artémis Orthia et remplacer les sacrifices humains, on soumettait devant son autel les jeunes garçons à l’épreuve sanglante du fouet, διαμαστίγωσις. Il a été fait mention aussi, dans le premier volume de cet ouvrage, d’une fête d’Artémis, célébrée en commun à Éphèse par toutes les populations ioniennes de l’Asie-Mineure. — Enfin nous ne devons pas oublier Hécate, proche parente d’Artémis, quelquefois même complètement identifiée avec elle, ni la fête mystique qui tous les ans se reproduisait à son intention chez les Æginètes. L’initiation à ces mystères passait pour être un remède aux maladies mentales[181]. L’enchaînement des idées nous amène naturellement aux fêtes de Déméter et de sa fille Kora ou Perséphoné. La principale était, en Attique, les Éleusinies dont nous avons déjà tracé le tableau. A Déméter était consacrée aussi une fête qui avait un caractère particulier de sainteté, les Thesmophories. Elles se célébraient dans le mois de Pyanepsion, qui suivait les Eleusinies et occupait le quatrième rang sur le calendrier attique. A cette époque de l’année, c’est-à-dire au commencement de novembre, on était quitte des semailles d’hiver ; il ne restait plus qu’à recueillir le fruit du travail ; c’était le moment de remercier la Déesse qui, en enseignant aux hommes l’agriculture, avait adouci leurs mœurs, les avait habitués à des demeures fixes et leur avait fait connaître les bienfaits de l’ordre légal ; c’est là le sens du mot Θεσμοφόρος. Les Thesmophories étaient surtout la fête des femmes ; aux femmes revenait exclusivement le soin d’en accomplir les principales cérémonies ; de là le caractère mystérieux de cette solennité. Elle se distinguait cependant des mystères proprement dits, en ce qu’elle n’exigeait pas d’initiation spéciale et que toute femme y pouvait prendre part, pourvu qu’elle satisfît aux conditions exigées. Ces conditions étaient une naissance sans reproche et un mariage régulier ; les célibataires étaient exclues[182], ni plus ni moins que les femmes de mauvaise vie. Le privilège accordé aux mères de famille tenait au caractère maternel de la Déesse et pouvait s’expliquer en outre par cette considération que sur le ménage gouverné parla mère de famille repose. en fin de compte l’avenir de la société. Dans chaque dême, on choisissait, parmi les plus considérées et les plus riches, deux présidentes chargées d’accomplir les rites sacrés au nom de leurs concitoyennes, et de pourvoir à un banquet solennel[183]. La prêtresse, à qui incombait la direction de la fête, était certainement mariée ; elle devait néanmoins s’abstenir de tout commerce sexuel pendant la durée des Thesmophories et quelque temps auparavant, interdiction qui s’étendait d’ailleurs à toutes les femmes en général. Des moyens de toute espèce étaient mis en œuvre pour leur rendre la continence plus facile[184]. Les Thesmophories se prolongeaient pendant cinq jours, du 9 au 13. Le premier jour, les femmes se rassemblaient, probablement à des endroits toujours les mêmes, pour de là se rendre an dême Halimus, prés du promontoire Kolias, à trente-cinq stades environ de la ville (6.600 mètres). On peut supposer que la fête n’intéressait à l’origine que les habitants du dême, et que plus tard elle fut adoptée par l’Etat ou se confondît avec une fête athénienne. La journée dans laquelle on faisait le pèlerinage d’Halimus portait en particulier le nom de Sténia[185], peut-être à cause des stations que l’on faisait en route. Dans cette procession, comme dans la pompe éleusinienne, la bonne humeur s’exhalait en plaisanteries provocantes. Le Thesmophorion, nom sous lequel on désignait le temple de Déméter et de Cora construit à Halimus, était le théâtre de fêtes qui probablement duraient deux nuits. Le 11, les femmes retournaient à Athènes, où l’on passait encore trois jours en fêtes. On ne sait au juste comment était remplie la journée du 11. Peut-être les images des Déesses et les objets sacrés que l’on avait apportés d’Athènes y étaient-ils reconduits et rétablis à leur place, ce qui ne pouvait manquer de donner lieu à. diverses cérémonies religieuses. Il n’y avait pas de sacrifices le lendemain[186] ; on y suppléait par le jeûne et le deuil. Le dernier jour était appelé Καλλιγένεια, parce qu’on y invoquait, sous ce nom, Déméter ou, suivant d’autres, une divinité associée à Déméter[187]. C’était à ce moment sans doute que venait le banquet offert par les présidentes élues dans chaque dôme ; on en prenait occasion pour se livrer à des danses et à des jeux qui ne devaient pas avoir un caractère bien sévère, à en juger par le κνισμός, dont le nom a le sens d’agacerie voluptueuse. Dans l’όκλασμα, les femmes se couchaient à terre[188] ; il paraît que la poursuite appelée χαλπιδικόν δίωγμα se rattachait à un sacrifice[189]. Il n’est pas douteux que ces danses et ces jeux ne fussent autant d’allusions aux légendes de Déméter et de Cora, aux services qu’elles avaient rendus à l’humanité, notamment à l’introduction de l’agriculture. Il n’y avait pas place, comme dans les Éleusinies, pour les représentations dramatiques. La solennité se terminait par la ζημία, c’est-à-dire par un sacrifice offert aux deux Déesses, en réparation des torts que l’on avait pu se donner envers elles[190]. Nous savons que des Thesmophories étaient pratiquées, en dehors de l’Attique, dans plusieurs localités, mais sans pouvoir entrer sur ce sujet dans des détails précis. Môme pour la fête athénienne, nous avons été réduit à la reconstruire tant bien que mal, d’après des témoignages insuffisants. L’origine de toutes les Thesmophories, en quelque contrée qu’elles fussent établies, si différentes que fussent les races qui les avaient adoptées, remonte assurément à la période pélasgique qui précéda l’avènement des Hellènes. Hérodote est d’avis qu’elles avaient été apportées d’Égypte par Danaüs ou par ses filles et que le Péloponnèse entier les adopta, jusqu’au moment où elles tombèrent dans l’oubli à la suite de l’invasion dorienne, excepté en Arcadie ; nous ne discuterons pas cette provenance égyptienne. On se rend très facilement compte du discrédit dont durent être frappées les divinités agraires à l’arrivée d’une race belliqueuse, telle que les Doriens. Leur fête ne fut pas toutefois abolie complètement même en dehors de l’Arcadie : Nous retrouvons des Thesmophories dans le voisinage d’Argos, au moins parmi les habitants des campagnes et chez les Périèques de Laconie. Déméter Thesmophoros avait des temples à Trézène, à Mégare, à Ægine, à Paros ; et, en plusieurs autres lieux, il est fait mention expresse, soit de la fête elle-même, soit du surnom de la Déesse qui en est l’indice certain[191]. Enfin nous voyons que çà et là Déméter était l’objet de cultes secrets auxquels les femmes surtout prenaient part et qui, s’ils ne portaient pas le nom de Thesmophories, avaient du moins une signification analogue. Ainsi une fête qui ne durait pas moins de sept jours était célébrée à Pellène, en l’honneur de Déméter adorée sous le surnom de Mysia. Pendant deux jours, les hommes et les femmes étaient mêlés ; mais après, les femmes seules se livraient la nuit à des ébats orgiaques, d’où le sexe mâle était si sévèrement exclu que la prohibition portait même sur les chiens. Plus tard cependant les hommes furent admis, et la fête dégénéra en plaisanteries et en provocations que l’on se renvoyait mutuellement[192]. Près de Sicyone, dans un bois appelé Pyrée, la fête de Déméter et de Cora était célébrée séparément, dans deux édifices distincts, par les hommes et par les femmes[193] ; Déméter y était invoquée sous le surnom de Prostasia. — Dans l’Attique et certainement ailleurs[194], la même déesse était qualifiée de Προηροσία, et au commencement de l’automne, lorsque la terre était préparée pour recevoir de nouvelles semences, on lui offrait un sacrifice solennel, appelé aussi τά προηρόσια ou ή προηροσία. Des apologistes d’Athènes faisaient valoir que, dans l’ancien temps, à la suite d’une famine qui avait sévi en -Grèce, l’oracle consulté avait ordonné aux Athéniens d’offrir à la Déesse les Proérosies pour le salut de la nation toute entière, ce qui fut fait, et que depuis Athènes continua d’accomplir cet acte de dévouement[195]. Il n’est pas impossible qu’une légende se soit formée pour expliquer l’institution d’un sacrifice à la suite d’une mauvaise année, et ait reçu depuis des embellissements ; mais il est certain que cette explication ne s’appuie sur aucun témoignage probant. Ce que dit de son côté Isocrate touchant les prémices des moissons qui auraient été envoyés aux Athéniens de presque toutes les contrées de la Grèce est évidemment une exagération de rhéteur[196]. Tout ce qu’on peut admettre, c’est que les colonies athéniennes adressaient des présents à la métropole, et que ces envois servaient aux Proérosies[197]. — Dans les Έπικλείδια, Déméter était honorée comme la gardienne des moissons engrangées, de même que les Romains invoquaient après la récolte leur déesse Tutélina[198]. Nous laisserons indécise, et pour cause, la question de savoir si les Épiclidies étaient une fête publique ou privée. — Les Αλώα, la fête des aires ou des granges, étaient célébrées surtout par les laboureurs dans leurs dèmes et revenaient avec le mois de Poseidon[199] ; on en retrouve cependant des traces certaines dans la ville, ce qui s’explique par le grand nombre de laboureurs qui habitaient Athènes. Des sacrifices étaient accomplis aussi au nom de l’État. C’est à Éleusis que l’on déployait le plus de pompe ; Dionysos y était associé à Déméter et une procession solennelle avait lieu en l’honneur de Poseidon, considéré non comme dieu de la mer, mais comme nourricier des plantes (φυτάλμιος)[200]. — Enfin nous ne pouvons omettre les fêtes des charrues (ίεροί άροτοι), dont une au moins était un hommage rendu à Déméter ; on y labourait, en effet, en observant certains rites, le champ sacré appelé 'Ράριον, voisin d’Éleusis, où les premiers grains avaient été semés suivant les instructions de la Déesse. La seconde fête des charrues était appelée βουζύγιον ; on la faisait servir à retourner un terrain consacré à Athéna et situé au pied de l’Acropole, du côté du nord, qui fournissait les grains nécessaires au service du temple. Bouzygès, éponyme de la fête, était un héros mythologique, qui avait commencé par conduire des bœufs et était devenu la souche d’une gens sacerdotale. Enfin une troisième fête, marquée du même caractère, avait pour théâtre le champ voisin de Skiros, sur la voie sacrée, dont il a déjà été question, et rentrait, comme le précédent, dans le culte d’Athéna[201]. Nous passons aux solennités dionysiaques, dont la première, les Oschophories, revenait vraisemblablement dans le mois de Pyanepsion, au moment où les raisins se trouvaient mûrs. Son nom s’explique par une des coutumes que l’on y observait. La fête commençait par une course dont le point de départ était le temple de Dionysos, et le but le temple d’Athéna Skiras, dans le dême de Phalère[202]. Chaque tribu choisissait des jouteurs parmi les Éphèbes appartenant à des familles honorables et dont les père et mère vivaient encore. Ils couraient, en portant à la main des pampres chargés de raisins (ώσχοι)[203]. On offrait au premier arrivé une coupe contenant un mélange devin, de miel, de fromage, de lait et d’huile ; il avait droit en outre à une place d’honneur dans la procession qui allait suivre[204]. Il paraît certain que cette procession s’organisait auprès du temple d’Athéna Skiras, sur une place nommée Oschoporion, d’où l’on se rendait au sanctuaire de Dionysos. Elle se composait d’un chœur conduit par des jeunes gens en habits de femmes, ou du moins dont la toilette avait une apparence féminine, en rapport avec les goûts que l’on prêtait au Dieu ; les exécutants faisaient entendre des chants en l’honneur de Dionysos (ώσχοφορικά) ; suivait le cortège qui voulait. Au terme du voyage, on offrait un sacrifice, dont la direction était confiée aux Phytalides[205]. Dans ce sacrifice, ainsi que dans le repas qui venait à la suite, une place était réservée aux mères des jeunes filles qui remplissaient auprès d’Athéna l’office d’Erséphores[206]. La fête, en effet, était commune aux deux divinités, Dionysos et Athéna. Les dons dont on était redevable au dieu du vin étaient portés d’abord au temple de cette déesse, d’où la foule se rendait au sanctuaire même de Dionysos, pour lui témoigner sa reconnaissance. Tel paraît avoir été le but principal de ces cérémonies, bien que plusieurs détails restent obscurs et difficiles à expliquer. Les témoignages anciens sont loin d’être complets et concordants, de sorte que l’on peut, sur ce fonds, édifier des combinaisons très diverses. Il devait, en particulier, s’accomplir dans le sanctuaire d’Athéna Skiras des actes religieux dont le souvenir ne nous a pas été transmis[207], et qui, cependant, avaient assez d’importance pour que les Oschophories fussent désignés aussi sous le nom de Skira[208]. La fête de Dionysos qui suivait de plus près les Oscophories tombait dans le sixième mois ou mois de Poseidon, qui répond à une partie de notre mois de décembre. C’était une fête villageoise, où tout se passait à l’intérieur des dêmes ; aussi l’appelait-on les Dionysies champêtres, (Διονύσια τά κατ' άγρούς), par opposition aux Dionysies urbaines (Διονύσια τά κατ' άστυ), qui revenaient deux mois plus tard. On établissait encore nue autre distinction : Les premières étaient les petites Dionysies, les secondes les grandes Dionysies. De la saison où elles étaient célébrées, il résulte avec évidence que les petites Dionysies étaient proprement la fête des vignerons. Après la récolte et le pressurage du raisin, les vendangeurs témoignaient toute leur gratitude pour ce bienfait par les réjouissances en usage dans les campagnes. On mentionne en particulier l’Askoliasmos[209], dans lequel il fallait sauter à cloche-pied sur une outre gonflée d’air et enduite d’une couche d’huile. On s’efforçait, en se balançant, de garder l’équilibre, mais il y avait naturellement beaucoup de glissades et de culbutes, toujours saluées par des risées. Les sacrifices s’appelaient θεοίνια[210] ; les gennêtes ou membres d’un même γένος, hommes et femmes, maîtres et esclaves, s’associaient pour les offrir en commun. A la tête de la procession, s’avançaient les Canéphores avec des corbeilles contenant les gâteaux et les objets nécessaires au sacrifice ; d’autres jeunes filles portaient des cruches devin pour les libations ; d’autres conduisaient le bouc qui devait être immolé ; d’autres encore tenaient à la main des pampres et des guirlandes de figues. En dernier rang on voyait apparaître le porteur ou les porteurs de phallus, symbole de la nature créatrice dont la fécondité se manifeste avec tant d’énergie dans le vin. Leur marche était accompagnée de chants en l’honneur de Dionysos et de Phalès, c’est-à-dire en l’honneur du Phallus, personnifié et devenu le compagnon du Dieu[211]. Du lieu de réunion, qui était la maison habitée par l’ordonnateur de la fête, on se rendait à l’autel de Dionysos ou à son temple, s’il avait un temple dans le dème. Là on immolait la victime, on buvait et on prenait ses ébats. Sans doute on ne se faisait pas faute d’échanger de grosses plaisanteries et des provocations de toute espèce. Les déguisements, les mascarades et les représentations mimiques étaient aussi de la fête ; les histoires du Diego et de ses compagnons y fournissaient une abondante matière, à laquelle les événements du jour et les commérages ajoutaient encore leur contingent. Ce fut dans le dème d’Icaria, sur le plateau septentrional qui portait le nom de Diacria, que ces représentations acquirent d’abord une certaine régularité. La culture de la vigne et le culte de Dionysos qui la personnifiait y avaient toujours été florissants. On se racontait en Icarie une légende d’après laquelle Dionysos était venu jadis de Thèbes demander l’hospitalité à Icarios, éponyme de ce dème, et lui avait, en remerciement, appris à planter la vigne. Lorsque Icarios avait fait goûter à ses voisins le vin de sa récolte, ils en avaient bu plus que de raison, et, se croyant empoisonnés ou ensorcelés, s’étaient jetés sur lui et l’avaient assommé, jusqu’à ce que mort s’ensuivît. De douleur, sa fille Érigone s’était pendue. Le dieu les vengea en frappant de démence les Icariens, dont plusieurs se pendirent à leur tour. L’oracle ordonna eu outre qu’une fête fût célébrée en souvenir du père et de la fille ; elle fut appelée Αίώρα ou fête des Balançoires, parce qu’on attachait des cordes aux arbres et que l’on s’y suspendait ou que l’on suspendait des mannequins, en même temps que l’on chantait un cantique désigné sous le nom d’άλήτις, par allusion aux voyages qu’avait entrepris Érigone à la recherche d’Icarios. C’est ainsi, du moins, que les Icariens se rendaient compte à eux-mêmes de la fête qu’ils avaient coutume d’observer. Érigone rentre dans le cycle des personnages associés au culte de Dionysos[212]. Son nom signifie fille du printemps et doit s’entendre des bourgeons de la vigne qui éclosent en cette saison ; de là aussi le nom de Staphylos, raisin, donné au fils qu’elle avait eu de Dionysos. Nous ne savons à quel moment revenait l’Αίώρα, peut-être bien durant l’été, lorsque la grappe se forme et que l’on taille la vigne[213]. Il est bon de noter toutefois que dans d’autres contrées, où les fêtes de Dionysos donnaient lieu à des cérémonies analogues, on racontait sur Érigone d’autres légendes. — La forme plus régulière qui fut adoptée dans les représentations mimiques d’Icarie, consistait en ceci qu’un nombre déterminé de personnages se réunissaient pour composer un chœur et arrêtaient entre eux un plan général, dont l’exécution laissait d’ailleurs à l’improvisation un libre cours. Il se formait ainsi plusieurs chœurs, qui cherchaient à se surpasser mutuellement et à remporter les prix décernés par des juges choisis à cet effet, prix rustiques et de mince valeur : C’était un panier de figues, une amphore remplie de bon vin ou autres objets semblables[214]. Ce progrès fut introduit vers la Le olympiade (av. J.-C. 577), par un certain Susarion, de Mégare, suivant les uns, d’Icarie selon d’autres[215]. Thespis, certainement Icarien celui-là, fit un nouveau pas en avant et substitua aux farces improvisées une action combinée d’avance, dans laquelle un personnage unique, jouant un rôle quelconque, engageait avec les choreutes ou le choryphée des dialogues qui alternaient avec les chœurs. Les sujets de ces draines, rattachés plus ou moins ail cycle mythologique de Dionysos, étaient de nature très variée, tantôt enjoués et plaisants, tantôt plus sérieux, quelquefois aussi mêlant les deux genres. Le prix n’était plus seulement alors des figues ou du vin, mais un bouc choisi, que le vainqueur offrait ensuite en sacrifice au Dieu, sacrifice suivi d’un banquet[216]. De là vient le nom de tragodia, de même que celui de komodia vient de κώμοι, c’est-à-dire des chœurs de joyeux compagnons qui parcouraient la contrée en s’arrêtant çà et là pour exhiber leurs drôleries. Les pièces de Thespis pouvaient indifféremment être désignées par l’un ou l’autre nom ; ce ne fut que plus tard que la distinction s’établit, que le nom de tragédie s’appliqua au genre sérieux, celui de comédie au genre plaisant. La réforme de Thespis fut fort applaudie et rencontra des imitateurs dans d’autres dômes. Elle trouva faveur jusque dans la capitale et fut adoptée pour les grandes Dionysiaques, dont nous parlerons plus loin. Des poètes, doués de facultés brillantes, s’engagèrent dans la voie frayée par Thespis, les uns s’adonnant à la tragédie, les autres à la comédie, auxquelles ou joignait d’ordinaire, pour clore la représentation, un drame satyrique qui laissait les spectateurs dans une disposition d’esprit plus calme. Suivre le développement de l’art dramatique serait empiéter sur l’histoire littéraire ; mais quiconque, partant des modestes débuts de Thespis arrive à contempler les hauteurs auxquelles se sont élevés Æschyle et Sophocle, reconnaîtra dans leurs œuvres la plus noble manifestation du génie grec et particulièrement du génie attique. Leur théâtre est, eu effet, la plus excellente production qu’ait enfantée la poésie d’aucun peuple ; on ne peut le lire sans se sentir pénétré d’admiration non seulement pour les esprits qui l’ont créé, mais pour le peuple qui en faisait ses délices et qui ennoblissait par un semblable spectacle ses fèces religieuses. Les Dionysies rustiques ne se célébraient jamais dans la capitale, mais seulement dans les dèmes, qui ne pouvaient tous faire les frais de représentations dramatiques ; ces dépenses n’étaient à la portée que des plus grands et des plus riches. Quelques dèmes, comme le Pirée, qui était devenu une ville populeuse, se bâtirent des théâtres en pierre ; d’autres durent se contenter de constructions provisoires en bois. Tel était le théâtre du Kollytos, bien qu’il ait été avec le temps rattaché à la capitale[217]. Lorsque le nombre des œuvres dramatiques se fut accru, on ne représenta guère sur les scènes de province que les pièces qui avaient été déjà jouées dans la ville, un peu parce qu’elles pouvaient être ainsi montées à moins de frais, un peu aussi parce que lés auteurs étaient plus flattés de se produire d’abord devant un public plus nombreux et plus éclairé. — Les Dionysies champêtres étaient suivies des Lénéennes, dont le nom signifie, d’après l’interprétation la plus ordinaire et la plus probable, la fête des pressoirs. Elle tombait dans le mois appelé, chez les Athéniens, Gamélion[218], mais qui ailleurs, notamment dans plusieurs colonies fondées par Athènes sur les côtes d’Ionie, portait aussi le nom de Lénæon[219]. Ce mois commençait vers le solstice d’hiver. Le retard apporté à la fête urbaine des pressoirs tenait à ce que cette solennité devait être commune à la contrée toute entière et qu’il fallait attendre que tous les dômes eussent achevé leurs Dionysies champêtres. L’emplacement consacré aux grandes Dionysies était le sanctuaire de Dionysos, nommé Lénæon, situé au sud de l’Acropole, et dont l’étendue considérable renfermait deux temples du Dieu. Dans l’un de ces temples, Dionysos était honoré sous le surnom d’Éleuthérien[220], parce que son culte, depuis longtemps déjà en vigueur dans le dême d’Ikarie et autres lieux, était arrivé de Béotie chez les Athéniens, en traversant Éleuthères, ville autrefois béotienne, qui de bonne heure avait été rattachée à l’Attique. Les Athéniens citaient encore le nom du personnage qui était venu d’Éleuthères leur apporter le Dieu ; il s’appelait Pégasos[221]. Il. est probable que le temple de Dionysos ne fut pas tout d’abord érigé à l’intérieur de la ville, mais en dehors, près de l’Académie[222]. En sa qualité de divinité rustique, Dionysos inspirait une médiocre considération aux Eupatrides d’Athènes, jusqu’au moment où, suivant la légende, il déchaîna sur la population une horrible maladie, et, où l’oracle ordonna aux Athéniens de le recevoir parmi eux[223]. La fête du mois de Gamélion se passait à peu près comme la précédente, sauf que l’on y déployait un plus grand luxe et que l’on se piquait de plus de délicatesse. Si les Phallophories et les chants phalliques y occupaient toujours une place importante, les dithyrambes plus sérieux et plus solennels tendaient à prendre le dessus dans la fête urbaine[224]. Ils étaient chantés par des chœurs cycliques, composés de cinquante musiciens qui exécutaient en même temps autour de l’autel une marche dansante. Depuis que l’on avait commencé à combiner les mélodies des chœurs avec le drame, il était naturel qu’une action gaie fût accompagnée par les chants phalliques, une action sérieuse par les dithyrambes, et ainsi s’explique que la comédie ait tiré son origine des premiers, la tragédie des seconds. Rien n’autorise à croire que des comédies aient été seules représentées dans les Lénéennes, comme quelques critiques le supposent. Nous avons peu de choses à dire des autres usages. Nous serions autorisés à supposer que les Lénéennes avaient aussi leur procession solennelle, alors même que le fait ne serait pas expressément attesté[225]. Il est vraisemblable que l’on allait chercher l’image de Dionysos Éleuthérien dans le temple du Lénæon où elle était conservée[226], que de là on l’apportait dans celui qui était voisin de l’Académie, et que naturellement on la reconduisait à son séjour habituel. Ainsi se trouvait consacré le souvenir de l’accueil qui avait jadis été fait au Dieu, et celui du développement que son culte avait reçu depuis. Mais l’attrait principal était toujours les représentations dramatiques. Le concours d’artistes et les sommes d’argent qu’elles exigeaient montrent le prix que les Athéniens attachaient à ces jouissances. La formation et la préparation de chœurs comiques, tragiques et satiriques, était une liturgie imposée aux citoyens opulents. Les prix décernés aux vainqueurs étaient acquittés par l’État qui dut aussi, à partir de l’administration de Périclès, fournir aux pauvres le théorikon, c’est-à-dire le prix d’une place au théâtre, afin que le spectacle fût mis à la portée de tout le monde. Les auteurs qui voulaient faire jouer leurs pièces étaient tenus de s’adresser au magistrat chargé de veiller à l’ordonnance de la fête ; pour les Lénéennes, ce magistrat était l’Archonte-roi qui, si les pièces étaient reçues, devait fournir aux poètes des choreutes, sous la condition par eux de les exercer, ainsi que les acteurs nécessaires. Avant Sophocle, il n’était besoin que d’un seul, attendu que les dispositions étaient prises pour qu’il n’y eût jamais que deux personnages en scène et que l’un d’eux était le poète lui-même. Mais, à partir de Sophocle, les exigences du drame réclamant trois acteurs, et l’auteur ne s’astreignant pas toujours à interpréter ses couvres, l’État dut pourvoir à tout. Pour prononcer sur le concours, des citoyens offrant les garanties requises étaient présentés par chaque tribu au Conseil des Cinq-Cents qui, au scrutin secret, en présence des chorèges, en désignait un certain nombre, parmi lesquels les juges étaient définitivement tirés au sort, le jour de la représentation. Combien y avait-il de juges ? On ne le sait pas d’une manière certaine : Les uns disent cinq, d’autres sept[227] ; cela devait dépendre du nombre de chœurs qui se disputaient la victoire. Il y avait lieu aussi de tenir compte de ce qu’ils ne pouvaient être pris que dans les tribus qui, cette fois, n’avaient pas formé de chœur. Il y avait généralement cinq chœurs comiques, composés de vingt-quatre choreutes ; cinq juges aussi décidaient de leur mérite relatif. Les chœurs tragiques, composés de cinquante membres, étaient au nombre dé trois ; leur décision portait sur l’ensemble de trois poèmes tragiques, formant trilogie, et du drame satirique qui en était le complément. Le magistrat procédait lui-même au tirage sur le théâtre. Ceux que le sort désignait faisaient serment de n’écouter que la voix de leur conscience ; ils étaient responsables, s’ils étaient convaincus de prévarication[228]. Il est certain que les représentations n’étaient pas terminées en un jour ; mais on ne peut en fixer avec certitude la durée. Les deux mois qui suivaient immédiatement ramenaient aussi des fêtes en l’honneur de Dionysos. La première était les Anthestéries, qui avaient donné leur nom au mois d’Anthestérion[229], correspondant à une partie de février. C’était le moment où, après l’engourdissement hivernal, la végétation s’éveillait et faisait éclore les premières fleurs, où le jus du raisin, pressuré au commencement de l’automne, achevait sa fermentation dans les jarres, où le mout se trouvait transformé en un vin clair et généreux. Les Anthestéries fêtaient ce double phénomène, le réveil de la nature et la complète fermentation du vin. Elles duraient trois jours, du 11 au 13. Le premier, où l’on ouvrait les grandes jarres et où l’on goûtait le vin avant de le renfermer dans les cruches, était appelé Pithigie[230]. Chacun offrait au Dieu, sous forme de libation, la liqueur fortifiante dont on lui attribuait le bienfait. La maison toute entière, y compris les serviteurs[231], avait part. à ses dons et se mêlait à ces réjouissances. Des fleurs printanières ornaient les appartements et remplissaient .les vases. Des enfants, depuis l’âge de trois ans, représentant les espérances de l’humanité et semblables eux-mêmes à des boutons à peine éclos, s’avançaient, couronnés de fleurs[232]. Le second jour était la fête des pintes (Χόες) ; la même gaieté y régnait. De hardis compagnons, en habits de fête, parmi lesquels plusieurs représentaient sous des déguisements les personnages qui composaient le cortège habituel de Dionysos, tels que des bacchantes, des satyres, des nymphes, etc.[233], se promenaient de côté et d’autre et allaient surprendre les gens de leur connaissance. Des sociétés bachiques se réunissaient et s’excitaient à boire[234]. Un prix était la récompense de celui qui avait absorbé la plus large mesure dans le moins de temps[235]. Cependant une certaine modération était observée. On ne puisait pas à un cratère commun du vin sans cesse renouvelé ; chacun avait devant soi son pot ou peut-être plusieurs pots, ce dont les commentateurs qui expliquent tout ont cherché la raison dans les légendes mythologiques[236]. Un poète a dit : Il faut bien que les morts vivent. Les Athéniens étaient de cet avis ; ils n’oubliaient pas leurs morts dans les joies de la fête ; ils visitaient les tombeaux et y faisaient des libations de vin[237]. Il paraît même que les Lénéennes avaient surtout, dans le principe, un caractère funèbre, que l’on se proposait d’apaiser les divinités souterraines dont la puissance expirait à la fin de l’hiver, et qui ne se laissaient pas déposséder sans résistance ; aussi les Πιθοιγίαι et les Χόες étaient-elles marquées sur le calendrier comme des jours néfastes (άποφράδες ou μιαραί ήμέραι)[238]. Les temples des divinités olympiennes étaient fermés[239], ce qui signifiait que les âmes des morts sortaient des enfers et erraient de côté et d’autre. Il fallait, pour se mettre hors de leur atteinte, mâcher la plante épineuse appelée Maintins, et enduire sa porte de goudron. Mais si tel avait été en effet le but de la fête à l’origine, si en conséquence les divertissements publics et officiels en étaient exclus, les témoignages anciens concourent à prouver que dans les cercles privés la gaieté l’emportait et que les prêtres eux-mêmes ne dédaignaient pas de hurler avec les loups[240]. Cependant l’État maintint, le 12 d’Anthestérion, dans le plus ancien des deux temples que renfermait le Lénæon, une cérémonie mystérieuse et d’un caractère profondément religieux. Le temple, fermé toute l’année, ne s’ouvrait que pour cette seule fête[241]. Le rôle principal y était dévolu à la Basilissa ou Basilinna, c’est-à-dire à la femme de l’Archonte-roi, que ce magistrat avait dû épouser vierge et prendre parmi les filles d’origine purement attique. Elle avait sous ses ordres quatorze femmes nommées γεραραί, choisies par le Roi entre les matrones athéniennes. La Basilissa, assistée par un héraut sacré, recevait leur serment ; elles juraient qu’elles possédaient les qualités requises pour le service divin, surtout la chasteté et la continence, et s’engageaient à ne rien révéler des choses que, en dehors d’elles, aucun œil humain ne devait voir[242]. Les quatorze γεραραί accomplissaient certains rites sur un égal nombre d’autels[243]. La Basilissa était mariée à Dionysos avec des cérémonies sur lesquelles nous ne pouvons donner aucun détail, et pénétrait dans la partie la plus reculée du temple où personne ne devait la suivre. Ce mariage peut fournir matière à des conjectures diverses ; la plus vraisemblable, ou du moins la plus simple, est que la Basilissa représentait la campagne et était unie au dieu de la végétation renaissante, pour assurer sa protection aux cultivateurs[244]. Le troisième jour des Anthestéries s’appelait Χύτροι, ou fête des marmites, parce qu’on offrait à Hermès Chthonien des vases contenant des productions naturelles de toute sorte, que l’on avait fait bouillir et qu’il n’était permis à personne de goûter, prohibition observée d’ailleurs dans tous les sacrifices des divinités souterraines[245]. Les cérémonies religieuses faisaient place à des exercices divers : il est question de jeux agonistiques[246] et d’une loi de l’orateur Lycurgue, d’après laquelle des orateurs comiques exécutaient sur le théâtre non pas des représentations, à proprement parler, mais des répétitions qui permettaient de désigner d’avance ceux qui seraient admis à concourir aux prochaines Dionysies urbaines[247]. De tout ce qui précède, il résulte que les trois journées des Anthestéries étaient consacrées à un grand nombre d’actes religieux, qui n’avaient pas trait uniquement au culte de Dionysos, et dont l’Hermès Chthonien revendiquait sa part. Les Dionysies urbaines ou grandes Dionysies étaient célébrées dans le mois suivant ou mois d’Élaphébolion, qui correspond à une partie du mois de mars. Si les Anthestéries étaient déjà un hommage au dieu qui ranimait la nature, les Dionysies urbaines fêtaient sa victoire définitive sur les puissances hivernales. Elles précédaient de très peu l’équinoxe ; toute trace de l’hiver était donc effacée ; les prairies avaient revêtu leur parure, et la vigne entrait en fleur. On ne saurait préciser le jour où les fêtes commençaient ; mais il est vraisemblable que la clôture avait lieu le 15, et on peut admettre que dans la période florissante d’Athènes, elles se prolongeaient pendant six jours[248], bien que sans doute leur durée ait été moindre à l’origine. Des jeux, des chœurs d’enfants, des chœurs dithyrambiques et des représentations théâtrales en faisaient l’ornement, comme nous l’avons vu pour les Lénéennes ; mais la fête était beaucoup plus brillante, en raison de l’affluence des étrangers attirés par la belle saison. C’était, en effet, le moment où la navigation suspendue reprenait son cours et où les confédérés apportaient leurs tributs. Le théâtre pouvait contenir trente mille spectateurs. On en avait commencé la construction après la LXXe Olympiade, et il ne fut achevé que par l’orateur Lycurgue, contemporain de Démosthène, mais depuis longtemps déjà il servait à des représentations dramatiques. Auparavant, on se contentait d’une construction en bois, que l’on élevait à la hâte sur la place ou dans le Lenæon, suivant les solennités qui se préparaient[249]. Nous devons mentionner encore une fête consacrée à Dionysos Brauronien, qu’il faut ranger peut-être parmi les Dionysies champêtres réunies dans le mois de Poseidéon, mais qui toutefois s’en distinguait par une pompe plus grande et par cette circonstance que tous les cinq ans elle était célébrée avec plus d’éclat encore. Athènes y envoyait une théorie[250] ; on s’y disputait aussi des prix ; il est en particulier question de concours entre les rhapsodes[251]. Il reste peu de chose à dire sur les fêtes dont Dionysos était l’objet en dehors de l’Attique. On sait que chaque partie de la Grèce avait les siennes, mais là se bornent nos renseignements. Il y a trace entre autres d’une fête célébrée par les habitants d’Aléa, en Arcadie, et désignée sous le nom de Skiéria, où les femmes étaient fouettées, comme les jeunes garçons de Sparte à l’autel d’Artémis Orthia. Cette solennité se renouvelait tous les deux ans. L’épreuve du fouet avait été adoptée sur l’ordre de l’oracle[252] ; elle remplaçait, comme à Sparte, des sacrifices humains. On ne sait quel sens s’attachait au mot Skiéria. Chez les Argiens, Dionysos était honoré sous le surnom de βουγενής, né d’un taureau ; à sa fête, un agneau était jeté dans une eau profonde, en l’honneur du dieu des enfers, auquel on donnait, pour cette circonstance, le nom de πυλάοχος[253], et Dionysos était évoqué au son des trompettes[254]. C’était évidemment là une fête du printemps : on saluait la délivrance du Dieu qui, durant l’hiver, était resté derrière les portes du sombre séjour, au pouvoir du maître de ces lieux. C’était aussi dans une solennité printanière que les femmes d’Élis disaient à Dionysos : Viens, dieu du printemps, Dionysos, dans le temple sacré des Éléens, accours accompagné des Grâces sur ton pied de bœuf, cligne taureau, digne taureau[255]. — Les Agrionies, qui revenaient tous les trois ans à Orchomène, en Béotie, étaient au contraire une fête d’hiver. Les femmes faisaient semblant de chercher Dionysos, comme s’il s’était enfui, puis elles cessaient leurs poursuites en disant qu’il s’était réfugié près des Muses et se cachait au milieu d’elles, qu’il reviendrait quand il en serait temps (nous pouvons sans scrupule ajouter ces derniers mots au texte de Plutarque) ; après quoi elles se réunissaient autour d’un banquet et se proposaient réciproquement des énigmes[256]. Dans la même solennité, il était d’usage que le prêtre de Dionysos poursuivit les descendantes du roi Minyas le glaive à la main ; s’il en attrapait une, il avait le droit de la tuer[257] ; c’était, dit la légende, la punition du mépris que les filles de Minyas avaient témoigné jadis à Dionysos, en refusant de prendre part à son culte. Elles furent frappées d’égarement et de fureur, et la peine de leur impiété retomba jusque sur leurs descendants[258]. Il arriva, en effet, du temps de Plutarque, que le prêtre tua une femme qu’il avait attrapée ; mais lui-même périt bientôt après, et le dieu ayant témoigné sa désapprobation par les calamités qu’eurent à souffrir les Orchoméniens, le sacerdoce, qui était jusque-là un privilège héréditaire, fut enlevé à la famille qui en jouissait et conféré depuis par l’élection. Évidemment, la coutume que signale Plutarque rappelait d’anciens sacrifices humains, repoussés par le Dieu et dont il n’acceptait plus que le souvenir[259]. — Il n’est pas douteux, malgré l’absence de détails sur les fêtes qui se rattachaient au culte de Dionysos, qu’il ne fût une des divinités les plus en honneur dans les îles de la mer Égée, riches en vignobles. Naxos se vantait de lui avoir donné le jouir et d’avoir été témoin de son mariage avec Ariadne. Aussi, la fille de Minos était-elle l’objet de fêtes, les unes tristes, les autres gaies, contraste qui étonnait si fort quelques anciens qu’ils ont cru devoir distinguer deux Ariadnes[260]. Άριάδνη, ou, sous une autre forme, Άριάγνη, la déesse très vénérable, apparaît comme une divinité terrestre qui, l’hiver, se plaint de son veuvage et se réjouit, au printemps, du retour de son époux. Dans l’île d’Andros, on signalait cette merveille que, durant la fête appelée Thyia, un ruisseau de vin coulait du sanctuaire[261]. Cette solennité revenait tous les trois ans, comme les Agrionies ; mais, attendu que l’on comptait la première et la troisième année, cela doit s’entendre en ce sens que sur trois une seule se passait sans fête. Les Thyia tombaient dans la partie de l’hiver répondant au mois de janvier et durait sept jours[262]. En général, les fêtes de Dionysos avaient lieu de deux années l’une[263], et les femmes y prenaient seules part, ou du moins y jouaient le premier rôle. Elles se réunissaient sur un emplacement fixé d’avance, ordinairement dans une vallée enfermée entre des hauteurs et offrant un abri favorable ; là s’accomplissaient des cérémonies orgiaques, dont le caractère extatique témoignait la puissance du Dieu sur les esprits et l’émotion qu’éprouvaient les fidèles au récit de ses exploits et de ses traverses. Dionysos n’était pas seulement, dans ce culte, le dieu du vin ; le vin n’était que le plus noble de ses dons. Le dieu qui en faisait présent aux mortels régnait sur tout le domaine de la végétation arborescente, et méritait par là d’être adoré à côté de Déméter, à laquelle on rapportait les productions des champs. Nous avons vu déjà comment, sous le nom de Jakchos, il avait, dans les mystères d’Éleusis, sa place marquée auprès de Déméter et de Cora. Dans les fêtes dont nous venons de parler, le dépérissement de la végétation représentait la mort du Dieu : il était vaincu par les puissances ennemies, ou, d’après les traditions orphiques dans lesquelles il était désigné sous le nom de Zagreus, déchiré par les titans. Il n’était pas cependant anéanti ; il reprenait une vie nouvelle et une nouvelle activité productrice. C’est ainsi que, dans ses fêtes, aux lamentations sur sa mort succédait la joie de sa résurrection. L’un et l’autre sentiments étaient exprimés de la manière la plus passionnée ; c’était un enthousiasme voisin du délire. Les fêtes n’avaient pas cependant partout le même caractère de licence et d’emportement ; cette sauvagerie éclatait surtout dans les contrées où avaient pénétré les traditions et les coutumes barbares, empruntées soit à la Thrace, soit à la Phrygie, contrées dans lesquelles paraissent avoir pris naissance les légendes répandues sur Zagreus, qui furent adoptées plus tard et développées par les Orphiques. Les femmes et les jeunes filles vouées au culte de Dionysos étaient appelées Βάκχαι, de βάζειν, appeler à haute voix, d’où sont venus au Dieu lui-même les surnoms de Balkchos, Balcheus ou Bakchios. On les nommait aussi Ménades et Thyades, en raison de leurs attitudes extatiques. Dans la Macédoine à demi grecque[264], elles portaient les noms de Klodones et de Mimallones ; enfin, elles devaient celui de Bassarides aux peaux de renards dont elles étaient couvertes[265]. Le Thyrse à la main, couronnées de lierre, portant toutes sortes de symboles mystiques, elles se livraient à des courses nocturnes, éclairées par la lueur des torches. Le son des tambourins et des flûtes accompagnait leurs chants et leurs cris[266]. On immolait des bœufs, des boucs ou des animaux de la forêt, des paons, des daims et autres victimes semblables, mais au lieu de les dépecer, les Bacchantes les déchiraient et avalaient la chair crue, en souvenir du supplice que les Titans avaient fait souffrir à Zagreus[267]. Nous trouvons des traces de ces orgies triétériques en plusieurs lieux : à Thèbes, où les Ménades erraient sur le Cythéron ; à Tanagra, à Delphes, à Argos, à Brysæ et sur le Taygète, en Laconie, dans les îles de Naxos et de Crète[268]. Par suite, cependant, de leur origine barbare, qui ne peut guère être contestée, ces cérémonies ne trouvaient pas accès partout, et là même où elles étaient admises, elles n’avaient pas toujours un caractère aussi licencieux[269]. En Attique, bien que plus d’une solennité brillante y fut consacrée à Dionysos, il n’est pas question des orgies des Ménades ; nous voyons seulement que les habitants de cette contrée envoyaient des chœurs de femmes à la fête triennale de Delphes[270]. Dans cette dernière ville, on montrait, au fond du sanctuaire le plus reculé du temple d’Apollon, un tombeau de Dionysos, sur lequel les όσιοι accomplissaient des sacrifices, tandis que près de là, dans les vallées du Parnasse, les Thyades réveillaient le Licnite[271], c’est-à-dire évoquaient le dieu nouveau-né sur un van figurant un berceau. Une fête appelée Ήροίς était célébrée aussi à Delphes, tous les neuf ans, pour rappeler le retour de Sémélé sur la terre[272]. Nous passons aux fêtes de Zeus. La première à signaler est celle qui rouvrait chez les Athéniens le mois de Maimaktérion, le cinquième de l’année, correspondant au commencement de l’hiver et à cet état de l’atmosphère qui rend fréquentes les tempêtes et les pluies[273]. Nous serions tenté d’appeler cette solennité Maimaktéria, mais aucun témoignage ne nous y autorise. Tout ce que nous savons, c’est que, vers la fin du mois, on se purifiait par des cérémonies dans lesquelles on faisait circuler un Dioskodion[274]. Le sacrifice expiatoire était offert à Zeus. Si le ciel, en effet, était inclément, cela tenait au courroux du Dieu du ciel, provoqué par les fautes des hommes ; il était naturel de le désarmer par des expiations et des purifications. En tant que dieu courroucé, Zeus est appelé Maimaktès, mais dans l’espoir de l’adoucir, on l’invoque aussi sous le surnom de Meilichios[275]. Il était de tradition que, le 20 du même mois, les laboureurs offrissent un gâteau de sacrifice à Zeus Georgos, comme au protecteur de l’agriculture[276]. — La seconde fête consacrée à Zeus était les Diasies : elle venait le 23 d’Anthestérion. Elle s’adressait aussi à Zeus Meilichios, et avait également sa raison d’être dans les phénomènes atmosphériques particuliers à cette saison. Les Diasies étaient réputées la grande fête de Zeus ; toute la population y prenait part. Elle était célébrée à l’intérieur de chaque dôme par de nombreux sacrifices qui se bornaient toutefois à des gâteaux, à des fumigations et à des libations, car le sang n’y était pas répandu[277], bien qu’en d’autres occasions on immolât des victimes à Zeus Meilichios, notamment des porcs[278]. — Peut-être est-il à propos de citer aussi, parmi les fêtes de Zeus, les Pandies, fixées au 16 d’Elaphébolion[279]. Le nom de Pandies semble indiquer, par analogie avec celui de Panathénées, que toute la population s’unissait pour honorer Zeus, mais il existe sur cette solennité si peu de renseignements que nous ne sommes pas même bien sûr que Zeus en fût l’objet. Suivant quelques critiques, les Pandies s’adressaient à la déesse de la Lune, adorée sous le surnom de Pandia[280], et il est certain que cette divinité y avait aussi sa part. La fête tombait dans la pleine lune, très proche de l’équinoxe du printemps. Un beau clair de lune, brillant sur un ciel sans nuages, promettait une série de jours sereins ; il était donc naturel que l’honneur fût partagé entre la déesse de la terre et le dieu du ciel. — Si les trois fêtes dont il vient d’être question visaient dans Zeus les attributions physiques, la quatrième, les Diipolies, avaient plutôt une signification morale. Zeus y était honoré comme le gardien de la ville (πολιεύς). Son sanctuaire, qui se composait non pas d’un temple, mais simplement d’un autel, était situé sur l’Acropole, voisin par conséquent du temple d’Athéna Polias et du Parthénon[281]. Les Diipolies s’appelaient aussi Bouphonies, du taureau que l’on immolait à Zeus. Elles remontaient à nue antique origine, et l’on avait fidèlement conservé le sacrifice symbolique que nous avons signalé plus haut, comme un moyen d’expier le meurtre d’un animal qui n’eût pas dû ensanglanter l’autel. Des membres de la famille des Centriades, armés de l’aiguillon (κέντρον), conduisaient le taureau à l’autel. Sur sa route étaient semés des grains d’orge et de froment ; dès que l’animal commençait à en manger, paraissait le victimaire (βουτύπος), pris dans la famille des Thaulonides, qui le frappait au dos et s’enfuyait, en jetant sa hache loin de lui. Après quoi, un Daitros, choisi également dans une famille spécialement chargée de cette fonction, dépeçait les chairs et le sacrifice s’achevait suivant les rites accoutumés, avec cette différence que le taureau était empaillé et attelé à une charrue. Comme couronnement de la fête, tous ceux qui avaient pris part au sacrifice étaient cités devant le tribunal du Prytanée, mais on leur substituait la hache, instrument de mort, qui était condamnée à être jetée dans la mer[282]. — Nous ne connaissons guère que de nom une cinquième fête consacrée à Zeus, comme au maître du monde et des dieux ; elle s’appelait Olympia, et était aussi l’occasion de jeux agonistiques[283]. Le temple de Zeus Olympien, l’un des plus anciens de la ville, était, de même que tous les temples primitifs, situé au sud de l’Acropole[284]. Pisistrate en commença un nouveau, qui ne fut achevé que par l’empereur Hadrien[285]. Enfin rappelons que, le dernier jour de l’année, Zeus Soter avait droit à un sacrifice public, pour lequel l’État faisait brillamment décorer l’autel, probablement par ce que l’on appelle un entrepreneur[286]. Pour ce qui concerne les solennités célébrées hors de l’Attique en l’honneur du même dieu, si on laisse à part les Olympiques et les Néméennes, dont nous avons eu l’occasion plus haut de tracer le tableau, les fêtes de l’Arcadie et de la Crète sont surtout dignes de mention. Dans ces deux contrées, Zeus tenait le premier rang, non seulement au point de vue théologique et mythologique, mais aussi dans la pratique du culte, pour laquelle il était primé ailleurs par d’autres divinités. L’Arcadie et la Crète se vantaient toutes deux de lui avoir donné naissance ; c’était, il est vrai, un honneur que se disputaient plusieurs autres pays, sans trouver toutefois la même créance auprès des autres populations de la Grèce. Les fables de la Crète étaient les plus généralement répandues, si bien que les Arcadiens se virent forcés d’en emprunter un grand nombre et même de transporter chez eux les noms de plusieurs localités[287]. Le principal sanctuaire de Zeus, en Arcadie, était situé sur le mont Lycæon, près de Lycosoura, où l’on célébrait en son honneur une solennité appelée Lycæa. Le nom de Lycæon, bien qu’il fît allusion, dans l’origine, à la présence des loups qui infestaient la contrée, pouvait aussi désigner la hauteur lumineuse que l’on se représentait comme le séjour du dieu du ciel. Dans l’enceinte sacrée qui dominait la montagne, et où ceux qui y pénétraient perdaient leur ombre, s’élevait un tertre servant d’autel. Sur le devant étaient deux colonnes qui recevaient les premiers rayons du soleil et que surmontaient deux aigles dorés. Seuls les prêtres pouvaient franchir le seuil de l’enceinte ; ils accomplissaient sur cet autel des sacrifices mystérieux, et à certaines époques, immolaient des victimes humaines, coutume qui existait encore au temps de Pausanias[288]. Aux Lycæa, se rattachaient aussi des concours, dans lesquels les vainqueurs recevaient, à la place de couronnes ou d’argent, des objets précieux de toute espèce[289]. On ne sait à quel moment avait lieu la fête ; il est probable qu’elle ne revenait que tous les neuf ans. — D’une autre fête en honneur chez les Tégéates, nous ne savons que le nom, Klaria ; elle était consacrée à Zeus Klarios et avait lieu tous les ans sur une hauteur voisine de la ville. On ne sait au juste d’où vient le nom de Klarios[290] ; on l’expliquait par le tirage au sort, entre tes fils du roi Arcas, des différentes contrées de l’Arcadie. Les fêtes crétoises, autant que l’on en peut juger, étaient surtout des allusions aux mythes concernant la naissance et l’enfance de Zeus, son mariage avec la Terre féconde et sa mort. Ces mythes expriment assez clairement les attributions naturalistes du dieu, dont la force génératrice se manifeste par les alternatives des saisons, correspondant aux phases de son existence. Les événements de sa vie ‘étaient représentés, dans des scènes dramatiques, comme cela se passait ailleurs pour des mythes analogues, mais ces drames n’avaient pas le caractère de mystères abordables seulement aux initiés, et étaient exposés à tous les regards[291]. Nous ne sommes pas cependant en mesure de les décrire ; tout ce que l’on sait c’est que les Curètes y jouaient le principal rôle, comme gardiens du dieu nouveau-né, et dansaient bruyamment autour de son berceau, au son des cymbales et des tambourins. Ils paraissent avoir été, dans le principe, les personnifications des orages printaniers qui accompagnent le réveil de la nature et que l’on attribuait à des démons chargés, non pas de combattre et d’anéantir les principes de la vie, mais au contraire de les voiler, pour les mieux défendre contre les forces ennemies des puissances hivernales[292]. Aussi ces démons étaient-ils rangés en Crète au nombre des divinités que l’on prenait à témoins des serments solennels[293]. Les Curètes étaient représentés sous la forme d’hommes jeunes et robustes, ce que semble d’ailleurs indiquer leur nom. Leurs rôles étaient joués dans la fête par des prêtres ; de là est venu qu’eux-mêmes ont été considérés faussement comme les plus anciens prêtres de Zeus. Bien que les représentations ayant trait à la naissance de Zeus et les danses des Curètes fussent des cérémonies publiques dont tout le monde pouvait être témoin, il n’est pas impossible cependant qu’il s’y soit mêlé des actes secrets, auxquels on n’était admis que moyennant des purifications et des consécrations préliminaires. Dans une biographie de Pythagore, composée il est vrai un peu à la légère[294], il est dit que ce philosophe fut purifié par l’un des Dactyles du mont Ida, opération à laquelle servit surtout une pierre frappée par la foudre (λίθος κεραυνίας). Il était resté étendu, le jour, sur le bord de lamer, le visage tourné contre le sol (πρήνης), et la nuit, à la marée haute, dans l’eau, avec une toison d’agneau noir pour vêtement. De là, sans quitter le mont Ida, il avait été conduit, portant de la laine gloire à la main, dans une grotte où Zeus, disait-on, était venu au monde. II y était resté neuf jours, avait sacrifié au Dieu, et alors seulement avait été admis à contempler le trône sacro-saint ; mais je répète que ce récit mérite une médiocre confiance. — Une fête consacrant le souvenir de l’union de Zeus et de Héra, c’est-à-dire du Ciel et de la. Terre, était célébrée tons les ans à Knossos, suivant les anciens rites du mariage[295] ; il est permis de supposer, en l’absence de témoignages formels, que des cérémonies funèbres y rappelaient aussi la mort de Zeus. — A la suite des solennités propres à l’Arcadie et à la Crète, nous devons mentionner les Ithomées, instituées en l’honneur de Zeus Ithomatès, sur le mont Ithome, en Messénie ; Pausanias en constate encore l’existence de son temps, et remarque qu’antérieurement on y décernait des prix de musique. Les Messéniens affirmaient que le Dieu, s’il n’était pas né sur le mont Ithome, y avait été du moins élevé par des nymphes[296]. — Chez les Spartiates, où l’un des deux rois était prêtre de Zeus Lakédaimôn, et l’autre de Zeus Ouranios, on distribuait aussi des prix aux vainqueurs dans des concours gymniques et artistiques, mais l’existence de la fête nommée Ourania n’est attestée que par des inscriptions contemporaines de l’empire romain[297]. — A Dodone, où Zeus avait eu de tout temps son sanctuaire et sou oracle les plus renommés, nous ne trouvons à citer qu’une seule solennité instituée en son honneur, les Naïa. Zeus, en effet, était honoré à Dodone sous le surnom de Naïos, sans doute en sa qualité de dieu des eaux et en raison des sources nombreuses qui arrosaient la contrée[298] et appartenaient à la descendance du dieu, suivant des vues théogoniques dont la trace se retrouve déjà chez Homère[299]. La seule particularité qui nous soit connue, touchant les Naïa, c’est qu’on s’y livrait à des combats gymniques[300]. — Sur le Pélion avait lieu, au temps de la canicule, une fête durant laquelle l’élite de la jeunesse, couverte de peaux de béliers, se rendait en procession de la ville de Démétrias au sanctuaire, pour demander au dieu de la pluie et de la fraîcheur ; aux peaux de béliers était attachée l’idée d’expiation et de purification[301]. — Les habitants de Céos invoquaient aussi, pendant la canicule, Zeus Ikmaios, c’est-à-dire le dieu de la pluie, afin d’en obtenir des ondées réparatrices[302]. — A Rhodes, les Dipanamies qui, ainsi que leur nom l’indique, tombaient dans le mois Panémos, correspondant au mois attique Pyanepsion[303], avaient sans doute de l’analogie avec les Pyanepsies, bien que dédiées à une autre divinité. — Il a été question déjà de Zeus Homagyrios, protecteur de la confédération achéenne ; une fête fédérale ne pouvait manquer d’être célébrée en son honneur. Il en est de même pour Zeus Homarios, à qui les colonies achéennes de la basse Italie avaient bâti un temple à frais communs[304]. — En Béotie, Zeus était honoré sous le surnom de Homoloios ; on lui faisait, à Thèbes et à Orchomène, les honneurs d’une fête nommée Homoloia, où des prix étaient décernés, et à laquelle avaient part Déméter, Athéna et la déesse belliqueuse Enyo[305]. — Après la bataille de Platée, les Grecs confédérés avaient élevé un sanctuaire à Zeus libérateur (έλευθέριος) et institué les Eleuthéries. Des sacrifices annuels étaient offerts au Dieu, et tous les cinq ans, on se disputait encore, au temps de Pausanias, des prix, dont le principal était celui de la course[306]. Les Platéens avaient la charge de la fête ; d’autres États y envoyaient des députations. Rien ne garantit que des fêtes en l’honneur de Poseidon aient eu lieu dans le sixième mois de l’année attique, malgré l’identité des noms. Il est possible cependant que les jeux institués au Pirée, avec accompagnement de chœurs cycliques, aient été célébrées dans ce mois. En vertu d’un décret de l’orateur Lycurgue, trois chœurs ou un plus grand nombre devaient y prendre part ; le premier prix était au moins de dix mines, le second de huit, le troisième de six[307]. On ne sait au juste si la fête fut établie ou seulement rétablie par Lycurgue ; la seconde hypothèse est la plus vraisemblable. En général, les Athéniens accordèrent au culte de Poseidon moins d’importance qu’on ne devait l’attendre d’une puissance maritime[308]. La légende parle d’une lutte entre Poseidon et Athéna, lutte dans laquelle la victoire fut adjugée à la Déesse, soit par les habitants, soit par d’autres dieux, constitués juges de la querelle[309]. Évidemment, c’était là un souvenir du triomphe remporté sur l’un des deux cultes par l’autre. Plus tard, Ægée et Thésée sont encore les représentants d’une race vouée surtout au culte de Poseidon, et de Poseidon considéré comme Dieu de la mer, ainsi que l’indique le nom même Ægée ; mais la tradition qui assigne pour séjour à ce prince le Delphinion nous autorise à supposer que la religion de Poseidon s’était dès lors confondue avec celle d’Apollon Delphinien, c’est-à-dire de l’Apollon de Delphes[310]. Il ne faut pas oublier cependant que le dieu de la mer, bien que la mythologie poétique l’envisage presque uniquement sous cet aspect, était aussi d’une manière plus générale, le dieu de l’eau, et comme ce principe concourt nécessairement au progrès de la végétation, Poseidon rentre par là dans le cycle des divinités agraires, ainsi que le donne à entendre l’épithète de φυτάλμιος. Ce côté de sa nature le disposait à s’unir intimement avec Érechthée ; favori de la déesse céleste Athéna, et lui-même divinité agraire. C’est pourquoi le dieu de l’eau était adoré sous l’invocation de Poseidon-Erechtheus. Il avait, en cette double qualité, un temple desservi par la famille des Boutades ou Étéoboutades, dont le nom trahit aussi la signification agraire. D’ailleurs, bien que le culte de Poseidon eût perdu de son importance dans la capitale, il était resté considérable dans plusieurs dêmes, en particulier à Colone et à Sunion. Ce cap était, tous les cinq ans, le théâtre d’une fête à laquelle Athènes députait une Théorie, et que rehaussait un concours de trières[311]. — On a vu plus haut que, dans les Άλώα une procession était organisée à Éleusis, en l’honneur de Poseidon. En dehors de l’Attique, la plus célèbre des fêtes consacrées à Poseidon était la fête de l’Isthme, dont nous avons déjà parlé. Nous ne pouvons non plus rien ajouter à ce que nous avons dit des solennités fédérales qui s’accomplissaient dans l’île de Calaurie, ni dans la ville éléenne de Samicon. En Laconie, le promontoire de Ténare était le théâtre de fêtes appelées Ταινάρια, sur lesquelles nous ne possédons aucun renseignement. A Mantinée, Poseidon avait un temple très antique, dont on attribuait la construction à des architectes fabuleux, Trophonios et Agamédès[312]. La ville toute entière était vouée à Poseidon et placée sous sa protection spéciale ; aussi plus tard prit-elle pour armes un trident[313]. Les détails nous font défaut sur les cérémonies brillantes dont Mantinée, dans de telles conditions, ne pouvait se dispenser de faire les frais. Les habitants de Trézène, en Argolide, marquaient leurs monnaies de l’empreinte du trident et honoraient Poseidon comme le gardien de leur ville ; il paraît même que Trézène s’appelait, dans le principe, Poseidonia[314]. Cette ville n’était pas la seule qui eut emprunté le nom du Dieu ; il était aussi l’éponyme de Poseidonie dans l’Italie inférieure, de Potidania en Étolie, de Potidée dans la presqu’île chalcidique, et il est vraisemblable qu’un culte exceptionnel lui était rendu dans toutes ces localités. Les noms d’Ægæ, d’Ægion, d’Ægine, d’Ægire, rappelaient aussi le dieu de la mer et la vénération dont il était l’objet[315]. — Homère signale à Onchestos, en Béotie, un bois consacré à Poseidon, et nous savons, d’autre part, que jadis on célébrait dans cette ville des fêtes où régnait une coutume bizarre : les cochers qui disputaient les prix descendaient de leurs chars à l’entrée de l’enceinte et abandonnaient les chevaux à eux-mêmes. Si le char est brisé dans le bois, les chevaux deviennent la propriété du Dieu, et le char lui-même y est conservé, à titre d’anathéma[316]. En général, le culte de Poseidon était tenu eu grande estime chez des Béotiens. Les légendes faisaient remonter jusqu’à lui de nombreuses généalogies, et des érudits tels qu’Aristarque étaient d’avis que le surnom d’Héliconien devait être dérivé du mont Hélicon, en Béotie, plutôt que de la ville achéenne d’Hélicé[317]. — Une fête marquée aussi d’un caractère très particulier était célébrée dans l’île d’Ægine en l’honneur de Poseidon. Des familles alliées entre elles se constituaient en confréries, θίασοι, et offraient au Dieu les sacrifices accoutumés, auxquels succédaient des banquets où le silence était de rigueur. Les valets en étaient bannis et les convives devaient se servir eux-mêmes ; ce régime durait seize jours ; pour la clôture ou offrait un sacrifice à Aphrodite. On expliquait ces singularités, en disant qu’un grand nombre d’Æginètes avaient péri dans la guerre de Troie, et que leurs compatriotes, n’osant troubler le deuil des rares survivants qui avaient revu leur patrie, avaient, pour les traiter sans bruit, institué ces repas silencieux[318]. Il est vraisemblable que le but de la fête était de conserver la mémoire de ceux à qui Poseidon inclément avait donné la mer pour tombeau ; elle se terminait par une invocation à la déesse née de la mer et protectrice de la navigation, Aphrodite, dont l’humeur douce et bienveillante pouvait adoucir la rudesse de Poseidon[319]. — Parmi les fêtes dédiées à Poseidon dans les colonies grecques répandues sur les côtes de l’Asie-Mineure, la plus en honneur était les Panionies, à l’occasion desquelles se réunissaient, sur le promontoire Mycale, les représentants de toutes les races ioniennes ; il en a été fait mention plus haut. Venaient ensuite, à Éphèse, les Tauria, dont une seule particularité nous est connue, à savoir que du vin y était distribué par de jeunes garçons désignés sous le nom de Tauroi[320]. Poseidon est très souvent représenté par un taureau ; peut-être les échansons des Tauries portaient-ils des marques distinctives qui faisaient songer à cet animal. L’office qu’ils remplissaient permet de supposer qu’une des réjouissances de la fête était un banquet populaire (δημοθοινία). Enfin, Poseidon avait, dans l’île de Ténos, au milieu d’un bois, un temple très grand et très curieux, près duquel un nombre considérable d’hôtelleries (έστιατόρια) étaient installées pour recevoir la foule des visiteurs attirés par la solennité[321]. Le nom du septième mois de l’année athénienne, Gamélion, venait certainement de ce que la plupart des mariages avaient lieu à cette époque[322], et que des sacrifices étaient offerts aux divinités de l’hymen Parmi ces divinités, Héra, l’épouse par excellence, occupe la première place ; elle était adorée sous les surnoms de ζυγία, τελεία, γαμηλία, et l’on est, jusqu’à un certain point, autorisé à dire que le mois de Gamélion lui était consacré[323]. Nous n’y trouvons cependant pas trace d’une fête publique fondée en son honneur, car les Gamélies, dont il est assez souvent question, rentrent dans le culte privé. Il n’est pas question davantage, durant les autres mois, de fêtes consacrées à Héra, bien que, au rapport de certains grammairiens, son mariage avec Zeus (ίερός γάμος) ait été célébré solennellement à Athènes, aussi bien que dans plusieurs autres cités[324] ; à quelle date, nous l’ignorons, mais en tout cas ce mariage, qui figurait l’union du Ciel, principe de vie et de fécondité avec la Terre réparée par le printemps, pouvait difficilement tomber dans le mois de Gamélion[325]. — Le culte de Héra avait plus d’importance chez les Argiens, où elle occupait la même place qu’Athéna dans Athènes, et où les années étaient désignées par les noms de ses prêtresses. Sa fête principale, les Heræa, était appelée aussi Hécatombæa, en raison du grand nombre de bœufs que l’on immolait à l’entrée de la ville, près du temple situé à la limite de l’ancien territoire de Mycènes[326]. La prêtresse, qui avait son domicile à l’intérieur de la ville, devait se rendre au temple sur un char traîné par des bœufs blancs[327]. Toute la population suivait processionnellement la même route ; les hommes aptes au service militaire défilaient en armes[328]. Les sacrifices accomplis, on distribuait les viandes et il s’ensuivait un banquet général. La fête, qui sans doute devait durer plusieurs jours, était marquée par différents jeux : l’un d’eux consistait en ceci que les jouteurs devaient, tout en courant, lancer des javelots contre un bouclier ; celui qui parvenait à renverser le but était proclamé vainqueur et recevait, outre une couronne, un bouclier avec lequel il figurait dans la procession qui couronnait la fête[329]. — Une solennité du même genre était célébrée dans l’île d’Ægine, et vraisemblablement aussi à Épidaure[330]. — Les Corinthiens, chez qui Héra était adorée comme gardienne de la citadelle (άκραία), donnaient en son honneur une fête annuelle. Sept jeunes gens et autant de jeunes filles, appartenant aux familles les plus considérables, étaient consacrés à la Déesse et s’engageaient à servir un an dans son temple. La victime expiatoire était une brebis[331]. Suivant les exégètes, cette cérémonie avait été instituée en souvenir des enfants de Médée mis à mort par les Corinthiens. En réalité, nous devons y voir un tempérament pour remplacer les jeunes victimes que l’on sacrifiait jadis à Héra. Médée est une ancienne divinité corinthienne, dont le culte se confondit plus tard avec celui de Héra, et qui, transformée par la légende en une simple héroïne, est représentée quelquefois comme ayant été la première prêtresse de cette déesse[332]. — A Élis, Héra recevait tous les cinq ans un péplos tissé par seize femmes choisies à cet effet, qui avaient aussi mission de présider aux jeux nommés Heræa. Ces jeux consistaient en courses de jeunes filles, divisées en trois groupes, suivant leur âge, qui, les cheveux flottants, vêtues d’une courte tunique, l’épaule droite découverte jusqu’au sein, fournissaient la carrière olympique, diminuée toutefois de la sixième partie. Celles qui remportaient les prix recevaient des couronnes d’olivier et une part des bœufs immolés ; il leur était permis aussi de consacrer leur portrait dans le sanctuaire de la déesse[333]. L’union de Zeus et de Héra était représentée sous une forme très originale, dans la fête béotienne des Dédalies ou des Statues de bois, qui se célébrait aux environs de Platée. On racontait à ce sujet la légende suivante[334] : Siéra boudait un jour contre Zeus et s’était refusée à ses embrassements ; il imagina une ruse pour la ramener. Le bruit se répandit qu’il avait le dessein d’épouser une autre femme. Une statue taillée dans un tronc de chêne et habillée en mariée fut placée sur un char et conduite sous une nombreuse escorte, avec accompagnement de chants d’hyménée, jusqu’au Cythéron, où Héra était allée cacher sa mauvaise humeur. Ne pouvant contenir sa jalousie, la Déesse s’élança sur sa rivale prétendue, déchira ses vêtements et trouva une statue de bois ; la colère tourna en rire. Héra, réconciliée avec Zeus, monta dans la voiture de noces, et institua en souvenir la fête où cette histoire devait être représentée. A la légende qui explique l’origine des cérémonies, nous pouvons ajouter les détails suivants : dans les temps historiques, la fête n’était plus annuelle ; elle n’avait lieu que de sept en sept ans et n’était célébrée que par les Platéens ; c’étaient alors tes petites Dédalies ; mais quand revenait la soixantième année, elle reparaissait sous le nom de grandes Dédalies, et toute la confédération béotienne y prenait part. Il est probable que cette combinaison reposait sur l’addition d’une période intercalaire dont le calcul nous échappe, ce qui est d’autant moins surprenant que l’historien auquel nous devons les renseignements concernant les grandes Dédalies, avoue lui-même ne pas s’en rendre compte[335]. Dans les petites Dédalies, on partait de Platée, pour se rendre à une forêt de chênes, située près d’Alalcomène, où l’on déposait des morceaux. de viande cuite sur lesquels s’abattaient des nuées de corbeaux. On observait sur quel arbre allait se poser le premier corbeau qui s’était saisi de sa proie. Du bois de cet arbre, on façonnait le Dédale, c’est-à-dire la statue qui devait servir pour la circonstance. Dans les grandes Dédalies, quatorze statues, exécutées suivant le même procédé à l’occasion des fêtes qui avaient rempli l’intervalle, étaient amenées sur les lieux et distribuées au sort entre les villes fédérées. Les autres cérémonies étaient, dans leurs parties essentielles, communes aux grandes et aux petites Dédalies. Les statues étaient baignées dans l’Asopos, habillées, placées sur un char et conduites avec la pompe habituelle des noces sur le Cithéron. Au faîte de cette montagne existait un autel, formé de pièces de bois carrées, recouvertes de broussailles ; on y sacrifiait une vache à Héra, un taureau à Zeus, et on brûlait les débris des victimes ainsi que les statues. Dans l’île de Samos, qui se vantait non seulement d’avoir donné naissance à Héra, mais d’avoir été témoin de son union avec Zeus, cet hymen était célébré à la fête de la Déesse, conformément à tous lés usages des mariages humains, qui ne semblaient d’ailleurs avoir été adoptés qu’à l’imitation de ces noces célestes[336]. La fête connue sous le nom de Toneia se rattachait-elle aux Heræa, ou avait-elle une existence indépendante : c’est ce qu’on ne voit pas clairement ; la seconde hypothèse est toutefois la plus vraisemblable[337]. Une légende peut encore ici nous aider à nous faire une idée approximative des cérémonies dont cette solennité se composait[338]. On racontait qu’elle avait été instituée en souvenir des efforts tentés par des pirates de Tyrrhénie pour enlever là statue de la Déesse. Ils l’emportèrent, en effet, jusqu’au vaisseau qui les avait amenés ; mais lorsqu’ils levèrent l’ancre, le bâtiment resta immobile. Frappés de terreur, les pirates déposèrent la statue à terre, lui offrirent des gâteaux de sacrifice et mirent à la voile. Dans l’intervalle, les habitants, sur la nouvelle que la statue avait déserté son temple, s’étaient mis à sa recherche ; ils la trouvèrent sur le rivage, et persuadés qu’elle s’y était rendue elle-même, ils l’attachèrent fortement à un tronc de saule, d’où serait venu à la fête le nom de Toneia. Mais plus tard la prêtresse détacha les liens, et, après l’avoir purifiée, rétablit la statue sur sa base. Rien n’empêche en effet d’admettre que l’origine des Toneia ait été le désir de s’assurer à nouveau la présence et la protection de la Déesse. Le calendrier athénien a pu nous aider jusqu’ici à établir de l’ordre dans les différentes fêtes ; il ne peut plus nous être d’aucun secours pour celles qu’il nous reste à passer en revue, car si nous en connaissons l’existence, nous en ignorons la date. A défaut d’un autre fil conducteur, nous ne pouvons que nous diriger d’après les analogies des dieux ou des déesses à qui elles étaient consacrées. En conséquence, nous passons de Héra à son fils Héphaïstos que, d’après les uns elle avait enfanté à elle seule, dont, suivant d’autres, Zeus était le père. La tradition athénienne établissait une étroite relation entre Héphaïstos et la déesse nationale Athéna, en le faisant naître d’Erichthonius ou Erecthée qui, s’il n’était pas le fils d’Athéna, avait du moins été élevé maternellement par elle. Héphaïstos, d’après cette tradition, est visiblement une divinité de l’ordre physique, dont la puissance ignée s’exerce sur la terre en dégageant du sol brûlant les vapeurs qui, recueillies par la déesse céleste, retombent à la surface en rosée rafraîchissante[339]. Nous avons, à l’occasion des honneurs dont était l’objet Athéna, mentionné déjà les Χαλκεΐα, pour lesquelles s’unissaient, le dernier jour de Pyanepsion, les forgerons et tous les artisans dont le métier réclame l’aide du feu. Cette fête, à partir au moins du moment où elle devint une fête ouvrière, s’adressait à Héphaïstos, comme à la divinité du feu auquel sont dues les merveilles de l’art, et à l’auteur des chefs-d’œuvre de l’industrie, quelle que soit d’ailleurs l’idée que chacun peut se faire du sens attaché originairement à son culte. Nous ne savons rien des Ήφαιστεΐα, si ce n’est qu’elles étaient marquées par des Lampadophories, comme les Panathénées[340]. Cet usage, en effet, qui semblait particulièrement approprié à la religion d’Héphaïstos, se retrouve dans les fêtes de ce dieu, sur différents points de la Grèce[341]. Le culte d’Héphaïstos était particulièrement en honneur dans l’île de Lemnos, où le volcan Mosychlos, qui cessa d’être en activité au temps d’Alexandre, passait pour lui servir de résidence et d’atelier. Sans doute ce dieu avait droit à plus d’une fête ; nous sommes renseignés sur une seule. Chaque année, à une époque déterminée, tous les feux étaient éteints dans l’île pendant neuf jours, et un vaisseau était envoyé à Délos pour aller chercher un feu nouveau. Dans l’intervalle, on accomplissait des expiations et des purifications, en invoquant les divinités chthoniennes. Le navire, s’il était revenu avant neuf jours, devait rester en pleine mer jusqu’à l’expiration de ce délai. Le feu qu’il rapportait était partagé entre tous les foyers et tous les ateliers, pour marquer le point de départ d’une vie nouvelle[342]. Suivant les explications des Exégètes, cette coutume avait été établie pour réparer les meurtres commis par les femmes de Lesbos sur leurs maris, en représailles des dédains qu’ils leur avaient témoignés, à l’instigation d’Aphrodite, blessée elle-même de n’avoir pas reçu les sacrifices qui devaient lui revenir[343]. Un fait pouvait donner quelque vraisemblance à cette explication, à savoir que, pendant neuf jours, il y avait séparation complète entre les maris et les femmes, mais la fête avait une portée plus générale. Les fautes des hommes rendent de temps en temps nécessaires des expiations et des purifications ; la souillure dont semblait atteint le feu même qui purifie tout, la nécessité de l’éteindre et de le remplacer par d’autre étaient l’éclatante sanction de ce principe[344]. Dans une fable connue, Héphaïstos est présenté comme l’époux d’Aphrodite ; il est vraisemblable, bien que les preuves manquent, que ce rapprochement n’était pas seulement une invention poétique, et reposait sur des croyances populaires répandues dans quelques localités[345]. D’après l’opinion générale d’accord avec les faits, le culte d’Aphrodite avait été apporté en Grèce de l’Orient. Aphrodite est la grande déesse de la nature en vénération chez les races sémitiques. Le ciel était son séjour, mais son action s’étendait partout où les sexes s’unissent dans l’amour et par leur union engendrent la vie. Des divinités marquées du même caractère ne manquaient naturellement pas à la religion indigène des Grecs : la Dioné d’Epire offrait de grandes analogies avec l’Aphrodite asiatique, qui est souvent représentée comme sa fille, en particulier chez Homère ; mais nulle part l’amour sexuel n’a tenu plus de place que dans le culte emprunté par la Grèce à l’Asie. On racontait que, dès la plus haute antiquité, un roi nommé Porphyrion avait transporté la religion d’Aphrodite en Attique, dans le dême Athmonon, et lui avait élevé un temple[346]. Le nom de Porphyrion indique assez l’origine phénicienne de ce culte[347]. Plus tard, le roi d’Égée accueillit la Déesse dans la capitale et, à partir du moment où son fils Thésée eut soumis la contrée à l’unité politique, Aphrodite fut universellement honorée sous le surnom de Πάνδημος[348] ; elle avait, à ce titre, un temple sur l’ancienne Agora, où se réunissaient les assemblées générales du peuple[349]. Solon, lorsqu’il jugea convenable an but qu’il se proposait d’établir des maisons publiques, pour satisfaire et régler à la fois les désirs grossiers, rattacha indirectement cette institution au culte d’Aphrodite, en lui attribuant le revenu de la prostitution, ou même en faisant servir cet argent à la construction d’un temple placé sous l’invocation d’Aphrodite Pandémos[350]. De là l’usage d’opposer la déesse populaire de l’amour sensuel à l’Aphrodite Urania, qui se plaisait à entretenir dans les âmes des sentiments plus nobles et plus purs. Ce contraste, dont le germe n’existait pas assurément dans l’idée que l’on se faisait, à l’origine, d’Aphrodite Urania, devint-il, en effet, une croyance générale, dont le culte dut sentir l’influence, nous ne pouvons le dire ; tout ce que nous savons, c’est que la Déesse portait le premier de ces surnoms dans certains temples, le second dans d’autres, et que les hétaïres sacrifiaient aussi à Urania[351]. Nous n’avons aucun détail précis sur les fêtes qui lui étaient consacrées[352]. Il est certain cependant qu’elle avait, même dans les dêmes, des temples en grand nombre[353]. Le promontoire Kolias paraît avoir été un des sièges principaux de son culte ; elle y recevait, conjointement avec les Génétyllides, des hommages qui rappelaient les grossièretés de l’amour sexuel, et excitaient la réprobation des âmes délicates[354]. En général, et par des raisons faciles à comprendre, on peut dire que le culte d’Aphrodite, singulièrement dans les ports de mer et dans les villes commerçantes où les étrangers affluaient, s’adressait surtout à la déesse des amours faciles. Dans Abydos, un temple était dédié à l’Άφροδίτη Πόρνη[355]. A Kalydon, en Étolie, on célébrait une fête où les filles de joie se réunissaient en grand nombre dans le temple, et où les entremetteurs et les galants faisaient également leurs affaires[356]. A Corinthe, où la Déesse avait un temple magnifique, servi par une troupe d’Hiérodules, parmi lesquelles des courtisanes dont l’industrie était une source de revenus considérables, deux fêtes étaient instituées, l’une pour les hétaïres, l’autre pour les honnêtes femmes[357]. Dans le temple, était un tableau rappelant un épisode de la seconde guerre médique et représentant les hétaïres qui avaient, en cette circonstance, uni leurs prières aux prières publiques pour le salut de la Grèce. Le poète Simonide avait même composé une inscription en leur honneur, et toutes les fois que la ville, dans des conjonctures graves, invoquait la Déesse, les hétaïres prenaient part à ces supplications[358]. — Nous ne connaissons que de nom une fête argienne, appelée Ύστήρια, parce qu’on immolait à la Déesse des porcs, et que c’était, ou à peu près, l’unique cérémonie où on lui sacrifiait ces animaux. Argos célébrait encore une autre fête, les Ύβριστικά, qui, si elles ne s’adressaient pas uniquement à Aphrodite, comprenaient au moins dans leur programme des sacrifices à cette déesse. Les Hybristika avaient été instituées en souvenir d’une victoire remportée sur le roi de Sparte, Cléomène, grâce surtout au courage d’une femme poète, Télésilla, qui, voyant l’armée argienne presque anéantie et la ville menacée d’un siège, avait pris le commandement des femmes et de tout ce qui pouvait encore porter les armes, et forcé l’ennemi à la retraite. Telle paraît du moins avoir été l’origine des Hybristika, où les hommes figuraient en habits de femmes, et les femmes en habits d’hommes[359]. Si l’on conteste l’authenticité de ce récit[360], il est certain, en tout cas, que l’on sacrifiait à Aphrodite, dans les Hybristika. — A Thèbes, Aphrodite était rangée parmi les divinités protectrices de la ville[361], en sa qualité de mère d’Harmonia, qui, par son mariage avec Kadmos, était devenue la souche maternelle de la maison royale. Les Thébains d’un âge postérieur, bien que n’étant plus, il est vrai, rattachés à l’antique race de Kadmos, avaient gardé néanmoins le culte de leurs devanciers. Aphrodite était adorée, à Thèbes, sous trois surnoms : Urania, Pandémos, Apostrophia ; on l’invoquait, en cette dernière qualité, pour qu’elle détournât les hommes des amours illicites et des désirs contre nature[362]. Il est fait mention en divers passages d’une l’ôte d’Aphrodite Apostrophia[363] ; mais tout ce qu’on en sait, c’est qu’elle avait lieu à la fin de l’année béotienne, c’est-à-dire au mois de décembre. Les Thessaliens célébraient en l’honneur d’Aphrodite une fête à laquelle les femmes seules prenaient part. Ce fut dans une de ces solennités que la courtisane Laïs fut mise à mort, meurtre qui fut expié par la fondation d’un sanctuaire en l’honneur d’Aphrodite Anosia[364]. Dans l’île de Zacynthos, le même hommage était rendu chaque année à la Déesse, avec accompagnement rte courses[365]. En Sicile, elle possédait, sur le mont Eryx, un sanctuaire très renommé, auquel étaient attachés de nombreux serviteurs ou Hiérodules. Tous les ans on y fêtait surtout son départ pour la Libye et son retour neuf jours après[366] ; mais ce culte avait un caractère plutôt phénicien qu’hellénique. Il en était de même pour celui de Cypre, et notamment pour la coutume qui obligeait les femmes à témoigner leur vénération à la Déesse un se livrant, avant leur mariage, aux embrassements d’un étranger[367]. Aphrodite avait aussi à Cypre ses mystères, suc lesquels nous ne pouvons donner aucun détail[368]. Aux fêtes d’Aphrodite nous rattacherons les Moines où l’on pleurait la mort de son cher Adonis, où l’on applaudissait à sa résurrection. Comme Aphrodite, Adonis appartenait à la religion des races sémitiques. Son nom signifie Seigneur ; il est le dieu de la Nature renouvelant la création par la force virile, dont ne peut se passer la force femelle de la Nature, et dont cependant la coopération lui manque dans les alternatives des saisons, jusqu’à ce qu’elle ait regagné son concours. Cette action intermittente est représentée symboliquement sous la ligure d’un jeune homme, amant (l’Aphrodite, blessé à mort par un sanglier, emblème des puissances hivernales. Aphrodite est inconsolable de sa perte, mais les dieux promettent que l’empire des morts lâchera sa proie. L’ancienne mythologie grecque, bien qu’Aphrodite lui soit connue, ne fait pas mention d’Adonis ; son nom apparaît pour la première fois dans un poème attribué à Hésiode et dans des vers de Sappho[369]. Il est possible cependant que l’amant d’Aphrodite ait trouvé place dans des cultes locaux, mais sous un autre nom. En Laconie, où la religion de cette déesse fut introduite de bonne heure, grâce au voisinage de l’île de Cythère, son amant aurait eu nom Kiris. Il est vrai que le passage sur lequel s’appuie cette conjecture est très vraisemblablement corrompu[370] ; le nom de Kiris semble plutôt avoir une origine cypriote. — Dans l’Attique, il n’y a point trace d’une fête d’Adonis avant la guerre du Péloponnèse ; encore est-il facile de voir que cette fête n’avait point un caractère public ; elle était célébrée par des âmes pieuses, en particulier par des femmes, agissant de leur propre mouvement ; l’État se bornait à la tolérer[371]. Il ne paraît pas en avoir été autrement à Argos, à Samos, ni à Rhodes[372]. La solennité commençait par des gémissements sur la mort d’Adonis. On portait en procession des statues représentant le Dieu et des caisses ou des pots, dans lesquels on avait semé des laitues, du fenouil avec d’autres plantes, et que l’on appelait les jardins d’Adonis ; ces jardins étaient ensuite jetés dans des fontaines. A la tristesse succédaient des témoignages de joie ; on fêtait la résurrection et le retour d’Adonis[373]. Ces quelques traits suffisent à marquer le caractère des Adonies[374]. Dans les villes grecques de l’Asie, où ce culte était indigène, et à Alexandrie, où il fut adopté sous les Ptolémées, les fêtes étaient naturellement plus brillantes et les cérémonies plus variées. Notre plan ne nous permet pas de nous étendre davantage sur cette question. Dans la mythologie poétique, la maîtresse d’Adonis était aussi la mère d’Éros, bien qu’Éros soit souvent représenté comme plus ancien et même comme le plus ancien des dieux, puisqu’on lui devrait le développement cosmogonique des éléments, leur forme et leur liaison. Il était adoré en Attique et avait des autels dans plusieurs gymnases, en particulier dans l’Académie, où allumaient leurs torches les Éphèbes qui, dans les Panathénées, prenaient part aux lampadophories. Aucune fête toutefois, autant que nous pouvons le savoir, n’était célébrée en son honneur ni dans l’Attique ni en aucune autre partie de la Grèce[375], si ce n’est dans la ville béotienne de Thespies, où il était, depuis la plus haute antiquité, le Dieu par excellence. L’image ou plutôt le symbole qui le représentait était une pierre brute. Sa fête, appelée Erotia ou Erotidia, revenait tous les cinq ans ; on y déployait une grande pompe, et les prix que l’on s’y disputait l’ont fait comparer aux jeux Olympiques, aux Panathénées et autres grandes solennités de la Grèce. Comme il est constaté qu’Éros était la divinité principale chez les Parianiens établis sur les bords de l’Hellespont, aussi bien qu’à Thespies, on peut en conclure que là aussi on célébrait des Erotidies. Dans ces deux contrées, Eros était incontestablement adoré comme le dieu qui préside à l’union des sexes et au phénomène de la génération[376] ; chez les Athéniens au contraire, et dans quelques autres États, son culte avait surtout un caractère éthique ; on adorait en lui la puissance qui rapprochait les âmes des hommes faits et des adolescents dans l’amitié et dans l’amour. Aussi les Spartiates et les Crétois lui offraient-ils des sacrifices, au moment de livrer bataille. Les Samiens lui avaient consacré un gymnase et avaient institué des Eleuthéria, dans lesquelles ils sacrifiaient à Eros comme au dieu qui enflammait le courage des hommes et des jeunes gens ; et leur inspirait la force de demeurer inébranlables dans le combat pour l’honneur et pour la liberté[377]. Les Charites, que la mythologie poétique associe volontiers à Aphrodite, étaient assurément l’objet d’un culte à Athènes ; mais nous ne savons rien des fêtes qui leur étaient consacrées. Pausanias parle, sans indiquer leurs noms, de trois Charites, dont les statues étaient placées à l’entrée de l’Acropole, et auxquelles était rendu un culte mystique[378]. Les inscriptions signalent un prêtre des Charites et d’Artémis Epipyrgidia, et un autre du Démos et des Charites. Pausanias mentionne un sanctuaire du Démos et des Charites[379]. On donnait aussi le nom de Charites aux deux déesses Auxo et Hégémone qui se trouvaient comprises, avec Thallo, l’une des Heures, dans le serment prononcé par les Éphèbes, lorsqu’ils atteignaient l’âge de porter les armes. Cette association semble indiquer des divinités d’oie procède, dans la nature, l’ordre et l’accroissement, et en effet les Charites sont invoquées ailleurs, bien que sous d’autres noms[380], comme des divinités de la nature chargées de dispenser les joies ales bienfaits. C’est seulement dans l’Orchomène de Béotie que l’on peut attester sûrement l’existence d’une fête en l’honneur des Charites ; leur culte, suivant la légende, avait été institué dès la plus haute antiquité par le fabuleux Etéocle. Trois aérolithes étaient vénérés dans le sanctuaire comme les emblèmes des Déesses[381] ; tout ce que nous savons de leur fête, désignée sous le nom de Charitésia, c’est qu’elle était l’occasion de divers concours artistiques[382]. Athènes n’était pas non plus étrangère au culte des Muses[383] ; il paraît cependant qu’il n’y était célébré que dans les écoles, où des sacrifices leur étaient offerts par les élèves, leurs maîtres et leurs amis[384]. — Une fête populaire, les Mouseia, revenait tous les cinq ans à Thespies, et des pris y étaient aussi distribués[385]. — Les Hermaia, consacrées à Hermès, paraissent n’avoir eu d’autre théâtre, surtout à Athènes, que les gymnases et les palestres[386]. Hermès dont la nature complexe prêtait à des conceptions très variées, était considéré surtout dans ces occasions comme le dieu de la force et de la souplesse appliquées à la gymnastique, et il n’est pas douteur qu’il n’ait été honoré à ce titre, non seulement chez les Athéniens, mais ailleurs, dans les établissements consacrées à ces exercices[387]. Les choses se passaient autrement à Tanagra en Béotie : durant la fête populaire que l’on offrait à Hermès, le plus beau des éphèbes faisait le tour de la ville, portant un agneau sur ses épaules, pour rappeler, disaient les interprètes, que jadis Hermès lui-même avait détourné de la ville une maladie contagieuse, en parcourant le même circuit[388]. Cette cérémonie avait évidemment un caractère lustral ; il serait toutefois trop long de rechercher quels étaient les attributs d’Hermès auxquels on se référait en cette occasion[389]. Les Tanagréens l’honoraient sous le surnom de Promachos et paraissent l’avoir considéré comme leur appui le plus sûr[390] ; mais c’était surtout en Arcadie qu’il était adoré ; il passait même pour avoir pris naissance dans cette contrée. Le siège principal de son culte était Phénéos, où une fête publique et des jeux étaient institués en son honneur[391]. Enfin, en Crète, on célébrait une fête rustique, dans laquelle les propriétaires doriens régalaient les paysans établis sur leurs terres, et à Cydonia en particulier, les rôles étaient à tel point intervertis que les maîtres cédaient l’autorité aux Klarotes et se laissaient au besoin battre par eux[392]. Sans doute, ces fêtes s’adressaient à Hermès, comme au dieu de l’ancienne population champêtre, des paysans et des pasteurs ; naturellement son culte dut prendre plus d’importance en Arcadie qu’en toute autre contrée. Les Arcadiens donnaient pour fils à Kermès, l’an, le Dieu des troupeaux. Pan, de son côté, recevait l’hommage de divertissements rustiques, au milieu desquels il pouvait bien arriver que lui-même, s’il ne se montrait pas de bonne composition, fût frappé à coups de scilles marines[393]. Le culte de Pan n’était pas, d’ailleurs, borné à l’Arcadie. Il était honoré en Attique, notamment à Marathon, où l’on montrait une grotte qui lui était consacrée et ce que l’on appelait le troupeau de Pan, c’est-à-dire un amas de pierres qui pouvaient à la rigueur figurer un troupeau[394]. Après la bataille qui fut livrée non loin de là, et gagnée, suivant la croyance commune, avec l’appui du Dieu, on érigea dans la ville même en sanctuaire une grotte située sur le versant septentrional de L’Acropole, et une fête annuelle fut instituée avec des courses aux flambeaux, peut-être à l’instar des fêtes arcadiennes. Nous devons ajouter que, à l’origine, Pan n’était pas seulement en Arcadie le dieu des troupeaux ; il avait des attributions plus hautes et était adoré comme le dieu de la lumière céleste. Son nom en effet paraît venir non de πάω, qui exprime l’idée de pâture, mais de φάω ou φαίνω, par le changement d’une aspirée en une forte, comme on dit πανός pour φάνος[395]. De même que le culte de Pan, celui de la grande Mère des Dieux ne fut introduit à Athènes que dans la période historique. Sa fête s’appelait Galaxia, parce qu’on lui offrait en sacrifice une bouillie faite avec de la farine et du lait[396]. Cette cérémonie était accomplie au nom de l’Etat et par le prêtre du temple, mais elle n’avait certainement pas le caractère général d’une solennité publique[397]. En Asie, au contraire, où la Déesse avait commencé d’être adorée sous les noms de Kybèle, de Kybébé, de Dindymène, elle était l’objet de grandes manifestations, comme nous le savons en particulier pour Cyzique, où une fête de nuit était célébrée au son des cymbales et des tambourins, avec tous les désordres orgiaques qui, en Grèce, notamment chez les Athéniens, avaient décrié les Métragyrtes auprès de tous les hommes éclairés[398]. Nous avons déjà parlé, en traitant des mystères, d’une autre divinité étrangère, Isis, dont le culte fut introduit en Attique beaucoup plus tard encore que celui de la Mère des Dieux. Ses fêtes publiques jetèrent un vif éclat, au moins dans les temps postérieurs. Apulée en a décrit une en détail, telle qu’elle se passait à Corinthe[399]. Elle avait lieu dans le printemps ; une nombreuse procession, partant du temple de la Déesse, descendait vers le rivage ; la marche était ouverte par (les masques bizarrement accoutrés, quelques-uns avec des têtes d’animaux. Apulée signale une ourse habillée en dame de qualité et montée sur un char, un âne ailé portant un silène, et d’autres figures également grotesques. Cependant à la suite venaient des femmes vêtues de blanc et la tête couronnée, qui jetaient des fleurs sur leur passage, taudis que d’autres portaient derrière leur dos des miroirs où se reflétait l’image de la Déesse. Quelques-unes avaient à la main des peignes d’ivoire ; d’autres arrosaient la route de parfums. Puis défilait une foule nombreuse de l’un et l’autre sexe, tenant des lanternes, des torches et des bougies. Elle était suivie des initiés, que suivaient eux-mêmes les prêtres dans leurs costumes sacerdotaux et portant les objets sacrés, quelques-uns aussi les images et les emblèmes des dieux. Dès que le cortège fut parvenu au bord de la mer, le pontife suprême consacra solennellement à la Déesse un navire artistement construit et peint de diverses couleurs, suivant la mode égyptienne. Sur une voile étaient inscrits des vœux pour une heureuse navigation. Après que les assistants l’eurent rempli à l’envi d’épices et d’aromates, le navire fut mis à flot et la troupe s’en retourna au temple, dès qu’il eut pris le large. Les prêtres et les initiés étant entrés dans le sanctuaire ; l’un d’eux, qualifié de γραμματεύς, lut des prières, exprima des souhaits pour l’empereur, le sénat, les chevaliers, pour tout le peuple romain, en particulier pour les navigateurs, et congédia l’assemblée par ces mots : λαοΐς άφεσις, ite missa est. La fête que les Athéniens célébraient en l’honneur des Euménides ou, comme on les appelait dans le langage liturgique, des Vénérables Déesses, σεμναί, était au contraire une fête purement nationale. Sans jeter un grand éclat, elle était en haute considération. Le sacerdoce était héréditaire dans la race des Hésychides, dont le nom donne à l’avance l’idée de recueillement qui convient à une religion sévère. Dans son sein était prise la prêtresse appelée λήτειρα[400]. Pour les soins à donner aux sacrifices, qui se renouvelaient vraisemblablement plusieurs fois par an, l’Aréopage désignait dis ou seulement trois Hiéropoioi[401]. La fête proprement dite était marquée par une procession à laquelle prenaient part les hommes et les femmes appartenant à la classe libre ; le culte des Euménides était interdit aux esclaves, et on poussait si loin le scrupule à cet égard que les gâteaux des sacrifices devaient être exclusivement préparés par des jeunes gens libres et choisis à cet effet[402]. Le cortège se rendait, sous la conduite des Hésychides, à la chapelle d’Hésychos, auteur mythologique de la race. Cette chapelle était située au nord-ouest de l’Acropole, entre cette colline et celle de l’Aréopage. De là, après avoir sacrifié un bélier, on gagnait le sanctuaire de la Déesse, situé à peu de distance, et dont l’adyton était formé par une cavité souterraine. Un faisait des libations sans vin et l’on immolait des victimes, probablement des agneaux noirs, dont le sang s’écoulait sous terre, tandis que les chairs dépecées étaient consumées sur l’autel[403] Quel sens attachait-on au culte des Euménides ? quelles prières leur adressait-on ? C’est ce que nous apprend Æschyle, dans la tragédie qui représente Athéna instituant le culte de ces déesses et énonçant les bienfaits que l’on peut attendre de leur bon vouloir. Interrogée par le chœur sur les vaux qu’il doit former, elle répond[404] : Des vœux de victoire ! que pour les réaliser conspirent la terre et les flots, le ciel et le souffle des vents ; que le soleil lance sur cette terre de propices rayons ; que la contrée soit féconde en fruits, en troupeaux, que la prospérité des citoyens défie les atteintes du temps, que l’enfance soit protégée, que la haine pour les impies grandisse. J’aime les hommes comme le jardinier ses plantes. Un autre lieu saint était consacré aux Euménides, près de la ville, dans le dême de Colone, bien connu par la tragédie de Sophocle. — En dehors de l’Attique, elles étaient surtout vénérées sous ce nom à Sicyone. Tous les ans on leur offrait, à un jour déterminé, des brebis pleines, des libations faites sans vin avec un mélange d’eau et de miel, et des couronnes de fleurs[405]. Elles étaient aussi l’objet d’un culte à Cérynée, en Achaïe ; on assurait que tous les grands coupables qui pénétraient dans le sanctuaire y étaient frappés de délire[406]. Enfin sous le nom de Μανίαι, elles avaient un sanctuaire à Mégalopolis, en Arcadie, où, comme cette qualification l’indique, elles manifestaient aussi leur puissance en privant les malfaiteurs de la raison[407]. Le Titan Prométhée n’avait peut-être de culte que dans l’Attique[408] ; on lui avait élevé un autel dans l’Académie, et tous les ans une fête était célébrée, avec une course aux flambeaux. L’autel était dressé dans le. Téménos d’Athéna. A l’entrée, on voyait, un socle où étaient figurés, à côté l’un de l’autre, Prométhée et Héphaïstos, le premier sous les traits d’un vieillard portant un sceptre à la main, le second sous ceux d’un jeune homme. Sur le même monument était représenté un autel commun aux deux divinités[409]. Ce rapprochement et le choix même du lieu témoignent clairement que le culte s’adressait à l’inventeur du feu et de la céramique ; la course aux flambeaux rappelait aussi le dieu qui avait donné le feu aux hommes. Il est regrettable que nous ne puissions déterminer à quelle époque remonte le culte de Prométhée dans l’Attique ; ce qui est certain, c’est que la poétique légende de la révolte du Titan contre le maître des Dieux et de la délivrance que Zeus finit par lui accorder n’entrait pour rien dans la religion populaire dont il était l’objet[410]. Parmi les autres divinités rangées au nombre des Titans par les systèmes théogoniques, on mentionne encore, outre Kronos et Rhéa[411], Mnémosyne la mère des Muses, honorée dans Athènes et dans Eleuthères[412], et Thémis qui l’était à Athènes, à Delphes, à Didymæon près de Milet, à Thèbes, à Tanagra, à Olympie et à Trézène, où le nom de Thémis est employé au pluriel[413]. Mnémosyne et Thémis sont les personnifications d’idées morales ; elles remontent moins haut, par conséquent, que les divinités naturalistes, bien que les théogonies leur assignent une place parmi les dieux des premiers âges ; mais le culte et les théogonies sont des choses étrangères l’une à l’autre. Les Athéniens révéraient aussi, sous le nom d’άνακτες, deux divinités qui non seulement possédaient un sanctuaire, nais à qui était dédiée une fête avec accompagnement de jeux et de courses, désignée sous le nom d’Άνάκεια[414]. On reconnaissait en eux les personnages ordinairement honorés sous le nom de Dioscures. On offrait aux Dioscures, dans le Prytanéïon, nous ne savons en quelle saison, un repas matinal composé de fromage, de pain d’orge, d’olives et de poireaux[415] On leur rendait aussi un culte dans le dême de Céphalé, et ils y étaient invoqués comme de grands Dieux[416]. Il est fait mention dans l’histoire des guerres de Messénie d’une fête consacrée en Laconie aux Dioscures[417]. A Sparte, ils partageaient avec Zeus et Athéna le surnom d’Αμβούλιοι[418], et ils avaient un temple dans le Pheebæon de Thérapné[419]. Des sanctuaires leur étaient aussi dédiés dans la ville d’Asina, en Argolide[420] et, en Locride, à Amphissa, où ils étaient appelés άνακτες παΐδες ; on ne savait pas d’ailleurs bien au juste si ce nom désignait en réalité les Dioscures, et s’il ne s’appliquait pas plutôt aux Kurètes ou aux Kabires[421]. De tout ce que nous savons des Dioscures il résulte clairement que l’on ne se rendait plus compte de leur signification originaire. Leur culte était certainement antérieur à l’avènement des Hellènes ; peut-être représentaient-ils alors l’étoile du soir et celle du matin[422]. Les populations qui suivirent conservèrent le culte qu’elles avaient trouvé établi et adorèrent en général les Dioscures comme des divinités secourables. Les Spartiates voyaient en eux des auxiliaires dans les combats, d’autres réclamaient leur appui contre les dangers de la navigation, sans que personne se fît une idée exacte de leurs attributions premières. Il en était de même de leur sœur Hélène qui, d’abord divinité lunaire, fut transformée par la mythologie poétique en héroïne. Les Athéniens lui offraient, dans les Anakeia, trois victimes (Τριττύα), en partage avec les Dioscures[423]. En Laconie, elle avait ses sanctuaires particuliers et une fête était appelée de son nom Hélénia[424]. Linos était aussi un dieu naturaliste de la religion populaire, transformé par la légende en héros ; on lui faisait à Argos les honneurs d’une fête funèbre. Sa mort signifie, comme celle de Hyacinthos en Laconie, le dépérissement de la végétation brûlée par les ardeurs de l’été. La fête, sans doute à cause des agneaux que l’on y sacrifiait, était : appelée Arnis, d’où est venu le mois d’Arneios[425] ; on la nommait aussi Kynophontis, parce que l’on y faisait périr les chiens qui erraient sans maîtres[426]. On ne peut douter, d’après cela, qu’elle ne tombât dans la canicule. Dans l’île de Céos, les prêtres, au moment où se levait l’étoile du Chien, sacrifiaient simultanément à Sirius et à Zeus Ikmaios, afin d’obtenir l’adoucissement de la température et le bienfait de la pluie[427]. Parmi les dieux adoptés comme des héros dans les fictions poétiques, qui étaient en Attique l’objet d’un culte et de fèces solennelles, Héraclès tient le premier rang. Outre le sanctuaire placé tout près de la ville, devant la porte Diomée, et connu sous le nom de Kynosarge[428], il en avait d’autres dans plusieurs dèmes[429], notamment à Marathon, où lui furent rendus pour la première fois les honneurs divins. Des fêtes étaient célébrées avec des jeux et des concours dont le pris était une coupe d’argent[430]. Le culte d’Héraclès n’était pas moins répandu dans les autres contrées de la Grèce. Nous savons que, à Sicyone, sa fête durait deux jours et se divisait en deux parties, les Onomata et les Héracleia. Dans les sacrifices qui lui étaient offerts, on procédait en partie comme pour les sacrifices des héros, en partie comme pour les sacrifices des dieux[431]. Les victimes étaient des agneaux. A Thèbes, Héraclès était honoré conjointement avec son compagnon Iolaos, par lequel les Thébains avaient coutume de jurer[432]. Il est question dans l’île de Syros d’une fête appelée Héracleia, avec accompagnement d’une procession, πομπή[433]. En un mot, le culte d’Héraclès a laissé des traces nombreuses, et ce n’est pas trop de dire qu’il n’y avait pas de district, qu’il n’y avait pas de grande ville en Grèce où il n’eût un sanctuaire et un culte. Le grand nombre de cités qui portaient son nom témoigne aussi à quel point cette religion était répandue. S’il n’y avait en réalité que deux Héraclées dans la Grèce proprement dite, l’une située en Acarnanie, l’autre près du mont Œta, on en rencontrait partout dans les colonies[434]. Enfin les surnoms divers sous lesquels Héraclès était honoré et plus encore les mythes que l’on racontait sur son compte prouvent combien étaient complexes ses attributions. Il est clair et tout le monde sait que beaucoup de ces légendes venaient de l’Orient, et avaient été transportées du Melkarth phénicien à l’Héraclès grec, mais ce n’est pas une raison de contester d’une manière absolue le caractère grec de l’idée primitive attachée à la personnalité d’Héraclès, et de le considérer comme une conception purement orientale. Il exista, dans l’origine, il l’état de divinité solaire. Héraclès personnifie la puissance du soleil, et ses effets tantôt victorieux et bienfaisants, tantôt suspendus et entravés. Aussi est-il fils du dieu du ciel, Zeus, uni avec la déesse de la lumière éthérée Athéna, ayant de nombreux points de contact avec Apollon, Hermès, Dionysos, et pour cela même, destitué, par la mythologie qui s’applique à refaire et à confondre les légendes locales, du rang qui le faisait l’égal de toutes les divinités, et rejeté dans la classe des demi-dieux. Cet amoindrissement ne put manquer d’exercer de l’influence sur le culte dont il était l’objet, bien qu’il soit prouvé par plusieurs témoignages que son caractère divin ne tomba jamais dans l’oubli. Hérodote remarque expressément que les Grecs, en même temps qu’ils lui offraient les sacrifices funèbres réservés aux héros, ainsi qu’on vient de le voir pour Sicyone, le vénéraient à l’égal des dieux de l’Olympe[435]. Ce fut surtout à Thèbes et chez les Locriens Opuntiens qu’Héraclès commença d’être honoré comme un héros, en Attique qu’il fut adoré comme un dieu[436]. Le nom de Kynosarge, sous lequel était désigné son sanctuaire et que les exégètes expliquaient par une légende assez singulière, a trait certainement à l’étoile du Chien, dont le lever marque le moment où l’on sent surtout le besoin d’atténuer les effets du soleil. On disait que beaucoup des sanctuaires consacrés en Attique à Héraclès avaient appartenu jadis à Thésée, et qu’Héraclès les avait détournés à son profit, de manière à n’en plus laisser que quatre à son concurrent[437]. Il faut bien admettre que cette légende repose sur quelque fondement historique, bien que nous ne soyons pas en mesure d’en déterminer l’origine. Une seule conjecture peut trouver place ici, c’est que la retraite de Thésée devant Héraclès, comparable à celle de Poseidon devant Apollon, s’explique par les mêmes motifs, c’est-à-dire que la partie de la population attique, vouée au culte d’Apollon et d’Héraclès, avait pris le dessus sur celle qui était vouée de cœur à Poseidon et à Thésée. Plus tard, Apollon et Héraclès nous apparaissent encore comme les divinités suprêmes de Marathon, et la Tétrapole dont Marathon faisait partie est dans l’opinion universelle le district qu’occupèrent les premiers hellènes étrangers à l’Ionie qui furent amenés par Xouthos[438]. C’est en partant de ce point et par l’entremise des Hoplètes établis dans cette contrée que le culte des deux divinités gagna en étendue et en importance. Thésée toutefois redevint en faveur après la guerre médique, et le dut au progrès de la démocratie dont il était réputé partisan[439]. Ce fut dans ces conjonctures que l’oracle ordonna d’aller chercher ses ossements dans l’île de Scyros où il était mort, exilé de l’Attique et avait été enseveli, pour les rapporter à Athènes[440]. On lui éleva un temple qui servit d’asile, surtout aux esclaves, et sa fête, si elle ne fut pas instituée à cette occasion, fut réorganisée, avec accompagnement de jeux et de festins[441]. Elle tombait le 8 du mois de Pyanepsion ; on sait d’ailleurs que le 8 de chaque mois était consacré d’une manière générale à Thésée et à son père céleste Poseidon. Nous ignorons pour quel motif cette solennité avait été placée dans le mois de Pyanepsion, où elle se rencontrait avec les Pyanepsios d’Apollon[442]. Le jour qui précédait la fête de Thésée, un sacrifice funèbre était offert à Konnidas, qui avait été l’instituteur de sa jeunesse[443]. Dans le voisinage du temple élevé à Thésée se trouvait l’emplacement appelé Horkomosion, où avait été conclue la paix avec les Amazones, à la suite de leur descente dans l’Attique. On y sacrifiait aux Amazones avant la célébration des Théseïa[444]. Nous retrouvons là vraisemblablement les traces obscures d’un culte d’Artémis, dans lequel figuraient des chœurs de jeunes filles, culte dont la fondation remonte à la période marquée du nom de Thésée et doit être attribuée à des envahisseurs vaincus plus tard et confondus avec ceux dont ils avaient troublé la possession[445]. A la légende de Thésée se rattachent aussi les jeux funèbres auxquels on se livrait dans le Céramique, en l’honneur d’un fils du roi Minos, Androgée ou Eurygyès, mis à mort par les Athéniens[446]. Dans Minos, il faut voir le dieu d’une peuplade qui, après s’être établie en Attique, en fut chassée et poursuivie jusqu’à extermination. Son fils Androgée est un dieu ou un héros de l’agriculture, dont le culte a laissé des traces en Crète[447]. A propos des autres fêtes héroïques, nous devons nous borner à dire d’une manière générale qu’elles étaient aussi fréquentes dans les diverses contrées de la Grèce qu’en Attique. Beaucoup étaient sans importance et n’avaient qu’un public restreint, d’autres étaient des fêtes populaires, ordonnées par l’État et auxquelles tout le monde prenait part. Celles-là ne le cédaient pas en magnificence aux fêtes des dieux supérieurs. Nous avons eu déjà l’occasion de parler des héros qui, dans chaque localité, étaient considérés comme les protecteurs du pays (ήρωες έγχώριοι) leurs fêtes étaient celles où l’on déployait le plus d’éclat. Les Άιάκεια d’Égine étaient marquées par des luttes gymniques, qui attiraient de loin les concurrents étrangers, et dont les prix sont vantés par Pindare à côté de ceux que l’on distribuait à Olympie et à Némée[448]. Des jeux relevaient aussi, à Salamine, la fête d’Ajax, fils de Télamon ; à Opunte, celle d’Ajax, fils d’Oilée[449] ; à Thèbes les Ίολάϊα ou les Ήράκλεια, ainsi nommées indifféremment, parce qu’elles étaient communes à I3éraclès et à son compagnon ; à Oropos, les Άμφιαράια[450] ; chez les Mégariens, les Άλκάθοια et les Διόκλεια ; en Thessalie, les Πρωτεσιλάεια ; à Rhodes, les Τληπολέμεια[451] et beaucoup d’autres encore, qu’il n’est ni utile ni possible de citer tout au long. On a déjà vu plus haut que dans les temps historiques, certains personnages étaient pour diverses raisons élevés à l’état de héros, et que les honneurs héroïques leur étaient décernés. Plusieurs d’entre eux étaient aussi les objets de fêtes officielles, rendues plus brillantes par des concours. De ce nombre étaient Léonidas à Sparte, Brasidas à Amphipolis, Aratus à Sicyone. La flatterie fut poussée si loin à l’égard des rois et des hommes de guerre que des fêtes leur furent consacrées de leur vivant. Semblable honneur fut rendu en particulier à Lysandre, dans les villes de l’Asie-Mineure, notamment par les Sauriens, qui osèrent transformer une fête de Lysandre en une fête de Aéra, à Antigone et à Démétrius par les Athéniens et les Sicyoniens, à Antigone Doson par les mêmes Sicyoniens, à Ptolémée Soter par les Rhodiens, pour ne pas parler des proconsuls romains et plus tard des empereurs en l’honneur de qui furent fondés des temples et des solennités en admettant même que parfois des fêtes décernées à des vivants s’adressassent en réalité aux dieux, et fussent un moyen détourné de les invoquer en faveur de ceux dont elles portaient le nom ou de leur rendre grâces pour les bienfaits dont ces personnages avaient été les intermédiaires, il n’est pas moins vrai que les objets de ces apothéoses prenaient les choses à la lettre et se considéraient comme des dieux égarés sur la terre[452]. Bien qu’une pareille obséquiosité ne répugnât pas à l’idée que le paganisme concevait de la nature divine, il est difficile de croire à la sincérité des populations qui faisaient si bon marché d’elles-mêmes. Nous avons fait remarquer, avec plus ou moins de certitude, en énumérant les fêtes qui précèdent, que plusieurs d’entre elles étaient célébrées seulement par nue partie de la population, corporations ou classes privilégiées, que par conséquent elles n’étaient pas, à vrai dire, des fêtes nationales, ce nom devant être réservé pour les solennités adoptées par l’État, durant lesquelles toutes les affaires publiques étaient suspendues. En ce sens, les Dionysies rustiques elles-mêmes étaient une fête non pas nationale, mais régionale, puisqu’on les célébrait séparément dans les dûmes, qui n’étaient pas tous astreints à cette observance et, même en s’y soumettant, pouvaient ne pas choisir le même jour. Sans doute des visiteurs étrangers se rendaient quelquefois à ces fêtes locales. Il en était ainsi en particulier pour les Dionysies du Pirée, pour les Héraklées de Marathon, mais cette affluence tenait à l’attrait des jeux. Il arrivait aussi que l’État envoyait des Théories et des offrandes, par exemple dans le dème de Brauron, lors de la fête quinquennale d’Artémis, dans celui d’Athmonon pour les Amarysies, à Sunion pour la fête de Poseidon. Il n’en faut pas inférer que la capitale prît part aux réjouissances et qu’il y eût vacances générales. Lorsqu’on voit que les Chalkeia, avant de devenir la fête des ouvriers, avaient été une fête officielle, cela peut vouloir dire une seule chose, que l’État s’y intéressait par l’accomplissement d’un sacrifice en l’honneur d’Artémis et d’Héphaïstos. Les Mouseia et les Hermeia, qui se passaient à l’intérieur des écoles, n’étaient certainement les fêtes que des maîtres et des élèves. De même les Thalysies, les Épikleidies et les Haloa, bien que fêtées aussi dans la ville, ne l’étaient que par les propriétaires de biens ruraux, et les scènes marquantes avaient toujours pour théâtre la campagne[453]. On ne saurait douter qu’il n’y eût dans tous les pays grecs de ces fêtes restreintes, quoique nous ne possédions de renseignements précis que sur celles de l’Attique. Pour cette contrée, au moins, nous pouvons dire en toute assurance que chaque dème, sans exception, avait ses fêtes patronales, qui, malgré le luxe relatif qu’on y déployait et le nombre des visiteurs qui s’y donnaient rendez-vous, n’en étaient pas moins réduites à ces localités[454]. Outre les fêtes de ce genre mentionnées plus haut, nous voyons signalées encore, comme ayant le même caractère, des Aphrodisies, des Anakéia, des Apollonies et des Pandies, qui paraissent avoir appartenu au dème Plothéia[455]. Nous savons toutefois que ce dème avait formé une association religieuse avec le dême Sémachidæ et un autre dont le nom est resté inconnu ; il est plus que probable, par conséquent, que quelqu’une de ces solennités était célébrée en commun. Les quatre dèmes de Phalères, du Pirée, de Thymætadæ et de Xypété, possédaient un sanctuaire indivis d’Héraclès, ce qui suppose sûrement que tous quatre concouraient à la fête du Dieu[456]. A Phalères, on célébrait, sous le nom de Kybernisia, une fête dédiée aux héros Nausithoos et Phæax, qui passaient pour avoir été les pilotes de Thésée[457]. Le dème Hékalé, uni à quelques dèmes voisins, fêtait l’ancienne héroïne dont il avait emprunté le nom et qui, suivant la légende, avait donné l’hospitalité à Thésée, lorsqu’il combattit le Minotaure[458]. Il est de toute vraisemblance que les mêmes hommages étaient rendus aux héros éponymes de chaque dème, et cette conjecture doit s’étendre aux éponymes des dix tribus qui, ayant certainement leurs prêtres, leurs sanctuaires et leur téménoi, ne pouvaient manquer d’avoir aussi leurs jours de fêtes[459]. Les quatre anciennes tribus ioniennes, bien qu’elles eussent, depuis Clisthène, perdu de leur importance politique, continuèrent d’exercer en commun leurs anciens cultes, ainsi qu’en témoigne la mention de Zeus Géléon, c’est-à-dire du Zeus en honneur dans la tribu des Géléontes[460]. Nous parlerons plus loin des fêtes en usage dans les phratries et dans les gentes ; mais nous devons auparavant signaler une autre classe d’associations religieuses qui ne rentraient pas dans l’organisation traditionnelle de l’État, et qui formées en toute liberté d’éléments plus jeunes, ne devaient leur existence qu’à l’initiative privée. |
[1] De beaucoup de fêtes nous ne savons que les noms ; encore ces mentions ne sont-elles souvent dues qu’au hasard. Il ne faut donc pas conclure de ce qu’une fête est citée comme étant célébrée ici ou là qu’elle eût plus d’importance que d’autres passées sous silence. Il peut au contraire arriver que les principales solennités soient omises et que l’on ait conservé le souvenir de fêtes insignifiantes. Sans doute il pourrait être intéressant, à un autre point de vue, de grouper tous les renseignements que l’on possède sur les fêtes de la Grèce, mais ce tableau d’ensemble ne saurait servir de base à un jugement assuré sur les conditions religieuses des États, et, il n’y a pas de raison de nous livrer ici à ce travail.
[2] Scholiaste d’Aristophane, Plutus, v. 1126, éd. Didot.
[3] Voy. un fragment de Philochorus, rapporté par le scholiaste d’Homère (Odyssée, XX, v. 156). C’est avec raison que, dans ce fragment, le mot έορτή, dont on ne peut citer qu’un autre exemple chez Homère (Od., XXI, v. 258) est appliqué à la fête de la nouvelle lune ; cf. les Fragm. histor., recueillis par Müller, t. I, p. 414, éd. Didot.
[4] Porphyre, de Abstin. Animal., II, c. 16 ; Schol. d’Aristophane, Plutus, v. 594.
[5] Plutarque, Quæst. rom., n° 25.
[6] Tzetzès, dans ses Notes sur Lycophron, v. 519 ; voy, aussi Proclus, Comment. sur Hésiode, Œuvres et Jours, v. 778, où, au lieu des mots πάσας τάς τρεΐς, il faut lire πάσας τάς τρίτας. Au sujet du 28e jour, que quelques-uns croyaient être l’anniversaire de la naissance d’Athéna, voy. le scholiaste d’Homère (Iliade, VIII, v. 38) ; ce jour est aussi celui auquel s’appliquent les expressions φθινάς άμέρα, dans Euripide, Héraclides, v. 779.
[7] Proclus, dans son Commentaire sur Hésiode, v. 798 ; Hymne à Hermès, v. 19 ; Aristophane, Plutus, v. 1127, avec les scholies ; voy. aussi Zenobius, Proverb., cent. VI, n° 7 et les notes de Schneidewin.
[8] Hésiode, Œuvres et Jours, v. 802.
[9] Proclus, ibid., v. 783 ; Diogène Laërte, II, 114, et Spanheim, dans ses notes sur Callimaque (Hymne à Délos, v. 251). Nous savons aussi par Hérodote (VI, c. 57) que, à Sparte, le 1er et le 7 du mois, des animaux étaient remis aux rois pour être sacrifiés à Apollon.
[10] Plutarque, Thésée, c. 36 ; Proclus, ibid., v. 788.
[11] A Hélios, d’après Denis d’Halicarnasse (Rhétor., c. 31), à Rhéa, d’après Nicander (Alexiph., v. 218) ; il est cependant difficile de décider si, dans ce dernier passage, il faut lire είνάδι ou είκάδι.
[12] Denys d’Halicarnasse, ibid. ; Etymol. Magn., p. 297.
[13] Athénée (VII, c. 126, p. 325) ; suivant le Schol. d’Aristophane (Plutus, v. 594.), ces offrandes avaient lieu à la nouvelle lune. Les deux témoignages peuvent être exacts : la lune en effet faisait sa réapparition, tantôt dans le dernier jour du mois, tantôt le premier du mois suivant.
[14] Voy. Muller, dans ses Notes sur les Euménides d’Æschyle, v. 188. Ces jours étaient des jours néfastes, et l’on devait, tant qu’ils duraient, s’abstenir de toute entreprise et de toute affaire importante. Il y avait encore plusieurs jours réputés άποφράδες. Tantôt ils étaient joints aux fêtes, comme par exemple aux Plyntéries et aux Choées, sur lesquelles nous reviendrons plus loin, tantôt ils devaient cette mauvaise note à d’autres raisons, qui nous sont mal connues ; voy. Schœmann, de Comit. Athen., p. 50.
[15] Proclus, dans son Commentaire sur Hésiode, Œuvres et jours, v. 808.
[16] Sur les fêtes de la nouvelle lune, voy. surtout Aristophane, les Guêpes, v. 96, et Acharn., v. 1012 ; Démosthène, c. Aristogiton, I, § 99, p. 799 ; cf. Meursius, Græcia feriata, s. v. Noumenia, et Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 554.
[17] Ces sacrifices offerts au nom de l’État et dans lesquels on récitait des prières pour l’État, pour le Sénat, pour le peuple, pour les femmes et pour les enfants, étaient ensuite l’objet d’un rapport présenté à la plus prochaine assemblée du peuple par des magistrats chargés de ce soin. Voy. par exemple les descriptions publiées dans le Philistor, t. IV, 1, p. 91 ; et par Rangabé, Antiq. hellen., t. II, n° 444 cf. Théophraste, Caract., c. 21 ; Démosthène, Proœmia, n° 50.
[18] Scholiaste de Thucydide, II, c. 38.
[19] Ces fêtes sont distinguées expressément des έορταί ; voy. le Scholiaste d’Aristophane, Plutus, v. 1126 ; toutefois les habitudes de langage ont varié. Platon, dans ses Lois (VIII, p. 828), désigne sous le nom d’έορταί tous les jours dans lesquels il doit être sacrifié aux dieux, et il n’en cite pas moins de 365, ayant adopté l’année solaire pour sa république. Les fêtes domestiques, célébrées pour les mariages et les naissances ou en d’autres occasions, s’appellent aussi έορταί. Voy. par exemple Hesychius, s. v. έβδύμη ; Etymol,. magn., s. v. άμφίδρόμια et άπαύλια.
[20] Voy. Schœmann, de Comitiis Athen., p. 119. D’après le Scholiaste de Démosthène (c. Androtion, p. 103, 23 et 119, 9, édit. de Zurich), les prisonniers auraient dû être mis en liberté sous caution aux Dionysies et aux Panathénées, afin de pouvoir prendre part aux fêtes. Nous laissons cette assertion pour ce qu’elle vaut ; ce qui est plus certain, c’est que les incarcérations et les saisies ne pouvaient avoir lieu les jours de fête ; voy. Démosthène, c. Midias, p. 518 et 579. A plus forte raison, les condamnations capitales ne pouvaient-elles recevoir leur exécution ; voy. Xénophon, Hellenica, IV, c. 11, § 2. On lit dans Athénée (III, c. 53, p. 98) qu’aucun tribunal ne siégeait durant les Panathénées, et nous devons admettre qu’il en était de même pour les autres solennités dans lesquelles intervenait l’État. Athénée (IV, c. 71, p. 171) nous a conservé aussi un décret, en vertu duquel le Sénat s’octroie, à l’occasion des Apaturies, cinq jours de vacances qui évidemment n’étaient pas réglés par la loi, ce qui s’explique tout naturellement quand on sait que les Apaturies, bien que fêtées par tous les citoyens, n’avaient pas cependant le caractère d’une fête officielle. Dans Démosthène (c. Timocrate, p. 708), il est question d’une séance du Sénat ajournée à cause de la fête des Kronies. Dans Xénophon, au contraire (Hellen., V, c. 2, § 29), nous voyons que le Sénat de Thèbes siégea pendant les Thesmophories. Il n’y. a pas lieu de s’étonner de cette anomalie apparente, puisque les Thesmophories étaient célébrées par les femmes et non par les hommes.
[21] Xénophon, de Athen. republ., c. 3, § 9 ; Platon, Alcibiade, II, p. 149.
[22] Schol. d’Aristophane, les Guêpes, v. 661 ou 683 ; voy, aussi Schœmann et Meier, der Attisch. Process, p. 152.
[23] On lit dans Strabon (VI, p. 280) : πανδήμους έορτάς πλείους ή άλλας ήμέρας ; voy. les notes de Coray et celles de Groskurd.
[24] Il peut être à propos de remarquer ici qu’en différents lieux l’établissement de telle ou telle fête fut dû à des particuliers, qui par testament léguaient une somme d’argent ou un immeuble, pour le revenu en être affecté à des fondations pieuses, doublement destinées à honorer les dieux et à conserver la mémoire du donateur. Voy. l’inscription de Théra, publiée par Rangabé (Antiq. hellen., n° 893) et celle de Delphes, que A. Michaélis et Conze ont fait connaître, dans les Annali dell’ Instit. archeol., 1861, et dans le Philologus, t. XIX, p, 178.
[25] Au sujet des conjectures émises par quelques savants sur une année de 360 jours, composée de douze mois de trente jours, voy. surtout Bœckh, Mondcyklen, c. I, p. 2 et 63.
[26] Macrobe, Saturnales, I, c. 13, p. 273, éd. Zeunius ; Solinus, c. I, p. 3, éd. Gœtz ; Censorinus, de Die natali, c. 18, p. 52, éd. Jahn. On lit dans ce dernier passage : Hanc όκταετηρίδα vulgo creditum est ab Eudoxo Cnidio institutam ; sed alii Cleostratum Tenedium primum ferunt composuisse. Mais ces mots ne nous autorisent pas à révoquer en doute l’existence d’une intercalation octaétérique antérieure, comme l’a fait Lewis dans son livre intitulé Survey of the astron. of the ancient ; ils prouvent seulement qu’Eudoxe ou Cléostrate ont donné à ce cycle la régularité qui lui manquait. Les conjectures des anciens au sujet d’une période triétérique plus vieille ont été contestées par Bœckh (Mondcyklen, I, p. 10, 36 et suiv.), avec plus ou moins de raison ; voy. Mommsen, die rœm. Chronologie, p. 211. Il n’est pas impossible que quelques-unes des fêtes triétériques que nous aurons à mentionner plus loin, notamment les Dionysiaques, n’aient reposé sur une période intercalaire de même durée.
[27] La raison en était que le cycle recommençait chaque neuvième année.
[28] Voy. Bœckh, ibid., p. 14 ; Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 555.
[29] Hévélius a figuré dans sa Selenographia (Dantzig, 1647) les modifications apportées chaque jour dans le croit et le détroit de la lune.
[30] Voy. Schœmann, de Comitiis Athen., p. 36, et, pour des vues différentes, Hermann, Gœttesdienstl. Alterth., § 45, 11. Les expressions ένη καί νέα προτέρα sont aussi employées à désigner l’avant-dernier jour du mois, mais seulement à une époque postérieure et pour les mois qui, d’après le cycle intercalaire alors en usage, étaient allongés d’un jour. Dans celle combinaison, le trentième jour est appelé ένη καί νέα έμβόλιμος, le vingt-neuvième ένη καί νέα προτέρα. Voy. Bœckh, Mondcyklen, p. 12, et epigr. chronol. Studien, p. 67.
[31] Voy. Bœckh, Mondcyklen, p. 29 et 43, et E. Muller, dans la Zeitschr. f. die Alterthumswissenschaft, 1857, p. 555 et 562.
[32] Sur les preuves à l’appui de ces détails particuliers, voy. C. F. Hermann, ueb. griech. Monatskunde, Gœttingue, 1844 ; Th. Bergk, Beit. zur griech. Monatsk., Giessen, 1845, et Ahrens, zur griech. Monatsk., dans le N. Rhein. Museum, t. XVII, p. 329 et suiv.
[33] Scholiaste de Pindare (Néméennes, III, v. 2) ; Harpocration et Hesychius, s. v. ; Etymol. magn., p. 469, dont Hermann conteste avec raison les explications. Les expressions de Thucydide (V, c. 54) : Καρνεΐος δ' ήν μήν, ίερομηνία Δωριεΰσι ne doivent pas être prises à la lettre et ne veulent pas dire que le mois se passât en fêtes, du commencement jusqu’à la fin, et fût exactement désigné par le mot de ίερομηνία, bien que parfois le mois dans lequel était célébrée la fête principale d’un dieu fût considéré comme consacré à ce dieu : ainsi le mois d’Anthestérion à Dionysos, celui de Thargélion à Apollon ; voy. Harpocration s. v. Anthest. et Tharg. ; Hesychius s. v. Θαργήλια.
[34] Démosthène, c. Midias, § 10, p. 518, et § 35, p. 525 ; c. Timocrate, 29, p. 709 ; Corpus Inscript. græc., n° 3641 b, v. 24, t. II, p. 1131.
[35] Æschine, de falsa Legat., § 138.
[36] Corpus Inscr. græc., n° 71.
[37] Voy. Sauppe, Comment. de Inscr. Eleus. dans l’Index Schol. de Gœttingue, 1861-1862, où est démontrée la nécessité de remplacer la leçon άπό άρχομηνίας par άπό διχομηνίας.
[38] Voy. l’Aréopagite, c. 11.
[39] Xénophon, de Athen. republ., c. 2, § 9 ; Lucien, Timon, c. 4.
[40] Dans les Lois, II, c. 1, p. 653 ; cf. VII, c. 8, p. 799.
[41] Voy. Schœmann, Opusc. acad., t. I, p. 157 et suiv.
[42] Lexicon Seguer., p. 247. En l’absence de renseignements précis sur une tête d’Apollon célébrée officiellement au nom de l’Etat dans le mois d’Hécatombœon, il est permis de supposer avec Mommsen (Heortol., p. 107), que les Phratries seules offraient les sacrifices et que la fête avait lieu le 7, attendu qu’une inscription publiée dans le Corpus parle d’un ίερόν Άπόλλωνος έβδομαίου, appartenant à la phratrie des Achniades.
[43] Harpocration, v. s.
[44] Voy. Ross, Inscript. græcæ, t. III, p. 52.
[45] D’après Plutarque (Thésée, c. 27), la victoire de ce prince sur les Amazones aurait été l’occasion déterminante ; suivant d’autres, ce serait la défaite d’Eumolpus par Ion ; voy. Etymol. magn., p. 202. Ion personnifie les nouveaux Ioniens formés par le mélange des anciens avec les Hellènes. Au reste, ce n’est pas seulement en Attique qu’Apollon était qualifié de Βοηδρόμιος ou, ce qui revient au même, de Βοαθόος ; voy. Callimaque, Hymne à Apollon, v. 69 ; L. Stephani, Apollon Boedroinios, Leipsick, 1860 ; Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 535.
[46] Plutarque, Thésée, c. 22 ; Eustathe, ad Iliadem, XVII, v. 495.
[47] Schol. d’Aristophane, les Chevaliers, v. 729.
[48] Plutarque, Thésée, c. 22.
[49] Schol. d’Aristophane, Plutus, v. 1055 ; les Chevaliers, v. 725.
[50] Pausanias, X, c 35, § 1.
[51] Plutarque, Thésée, c. 13.
[52] Voy. Schœmann, Opusc., t. I, p. 344 et suiv. ; Preller, Mythol., t. I, p. 156.
[53] Voy. Hœck, Kreta, t. III, p. 155 : Preller, ibid., p. 164.
[54] Voy. Duncker, Gesch. des Alterth., t. I, p. 302.
[55] Voy. Kruse, Hellas, t. I, p. 263. C’était le moment où, en Béotie, commençait déjà la moisson, ainsi que le dit Hésiode, Œuvres et Jours, v. 383. Dans l’Attique, les grains mûrissaient un peu plus tard ; voy. les remarques de Boppo sur Thucydide (II, c. 19) t. III, 2, p. 85.
[56] Θαργηλιών pour Θεργηλιών, de θέργω identique à θέρω ; dans Hesychius, s. v. τέρσει, la forme τέργει est expliquée par ξηραίνει.
[57] Schol. d’Aristophane, les Chevaliers, v. 725, et Plutus, v. 1054 ; Porphyre, de Abstin., II, c. 7. Dans ces trois passages, le nom d’Hélios est substitué à celui d’Apollon, peut-être parce qu’Apollon y est considéré comme dieu du soleil ; on sait que, dans les manuscrits, les deux noms sont souvent figurés par le même signe ; voy. Schœmann, Opusc., t. I, p. 319, n. 5. Cependant il existait, du moins sous la domination romaine, une prêtresse d’Hélios à Athènes ; voy. le Philistor, t. III, p. 460. Il parait d’après Athénée (IX, c. 9, p. 370) que, dans certaines villes ioniennes, on sacrifiait aussi à Pandore, durant les Thargélies. Or Pandore est certainement un des noms de la Hère des Dieux ; voy. Schœmann, Opusc., t. II, p. 295.
[58] Athénée, III, c. 80, p. 114 ; Hesychius, s. v. Θαργήλια.
[59] D’après Harpocration s. v. φαρμακός, et Helladius, cité par Photius (Biblioth., p. 1589, éd. Hœschel), les victimes expiatoires étaient deux hommes, dont l’un payait pour les hommes, l’autre pour les femmes.
[60] Sur le νόμος άραδίας, que l’on a eu tort de vouloir introduire ici, v. Francke, Callinus, p. 129, et Volkmann, dans ses Notes sur le de Musica de Plutarque, p. 85.
[61] Schol. d’Aristophane, les Chevaliers, v. 720.
[62] Pollux, VIII, 89 ; Démosthène, c. Midias, p. 517, § 10 ; Corpus Inscr. græc., n° 213, v. 11.
[63] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. II, p. 82. De là vient que les Thargélies ont été regardées aussi comme une fête consacrée à l’Apollon de Délos. C’est ainsi par exemple que les envisageait Théophraste, au dire d’Athénée (X, c. 24, p. 424 C.).
[64] Plutarque, Thésée, c. 23.
[65] Schol. d’Aristophane, les Acharniens, v. 1213.
[66] D’après Strabon (IV, p. 179) les Delphinies étaient communes à toutes les populations ioniennes ; on les retrouve en outre dans l’île dorienne d’Ægine ; voy. le Scholiaste de Pindare (Pyth., VIII, v, 88). Il est probable que tous les Ioniens fêtaient aussi les Thargélies ; voy. Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 463.
[67] A Sparte, il s’appelait aussi Hecatombeus ; voy. Hermann, Monatskunde, p. 79.
[68] Le rapport de ce nom avec le mot ΰειν saute aux yeux ; voy. Welcker, ibid., p. 474. Des Hyakinthides ont aussi place dans la mythologie attique ; voy. Preller, griech. Mythol., t. I, p. 160, t. II, p. 294. Il existait un tombeau de Hyakinthos à Tarente (Polybe, VIII, c. 30). A Rhodes, à Théra, en Sicile, un mois portait aussi le nom de Hyakinthos (Hermann, Monatskunde, p. 79). Dans l’île de Ténos, on donnait celui de Hyalcintheis à une tribu ou à un dème (Corpus Inscript. græc., n° 2338, v. 26 et 71) ; dans la même inscription (v. 115) est citée une localité du même nom.
[69] Athénée, IV, c. 17, p. 139. Les détails qui suivent sont empruntés à ce passage.
[70] Pausanias, III, c. 19, § 3.
[71] Macrobe, Saturnales, I, p. 18.
[72] Euripide, Hélène, v. 1470, fait allusion à des fèces nocturnes.
[73] Pausanias, III, c. 16, § 3.
[74] Voy. Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 471 ; Sauppe, Mysterieninschr. v. Andania, p. 261. On peut voir d’autres interprétations dans Hermann, Gœttesdiensl. Alterth., § 53, n° 27-31.
[75] Pausanias, III, c. 13, § 3.
[76] Démétrius de Scepsis, cité par Athénée, IV, c. 19, p. 141.
[77] C’est pour cette raison que les Spartiates n’entraient jamais en campagne dans le mois Carneios avant le 15, scrupule que plusieurs critiques ont eu le tort d’étendre à tous les mois. Voy. les notes de Bæhr et de Stein sur Hérodote (VI, c. 106).
[78] On peut d’autant moins déterminer le rapport entre ce nombre et celui des tribus que l’on ne sait au juste combien il y avait alors de tribus. La supposition que le mot σκιάς, dans l’extrait donné par Athénée, s’applique non seulement aux tentes, mais à chacun des emplacements sur lesquels ces tentes étaient élevées, parait nécessaire pour lever la difficulté que présentent les mots έχει δ' έκάστη σκιάς φρατρίας τρεΐς, ainsi que le remarque Preller, dans la Real-Encyclop. de Pauly, t. II, p. 153.
[79] Voy. Hesychius, s. v. Άγητής et s. v. Καρνεάται, où il faut toutefois ajouter έκάστης à la suite de φυλής.
[80] Lexicon Seguer., p. 305, 25. D’après Hesychius, s. v. Σσταφυλοδόμοι, les Staphylodromes étaient pris parmi les Carnéates. Le reste de ce passage est incompréhensible. Des Staphylodromes sont mentionnés aussi dans des inscriptions spartiates ; voy. Corpus Inscr. græc., n° 1387 et 1388 ; dans le n° 1446, Δρομαιεύς est ajouté comme surnom à Καρνεΐος.
[81] Athénée, XIV, c. 37, p, 635.
[82] Voy. Hœck, Kreta, t. III, p. 381.
[83] Pausanias, III, c. 11, § 9.
[84] Athénée, XV, c. 22, p. 678 ; Suidas, s. v. γυμνοπαιδές ; Etymol. magn., p. 243, 3 ; voy. aussi G. F. Unger, dans le Philologus, t. XXIII, p. 28 et suiv.
[85] Cf. Plutarque, Lycurgue, c. 15.
[86] Voy. Manso, Sparta, t. I, 2, p. 213.
[87] Hérodote, I, c. 51.
[88] Des Théophanies étaient célébrées encore ailleurs, en l’honneur de diverses divinités ; voy. Pollux, I, 34, Suidas, s. v. ; Spanheim, de usu et præst. Numism., t. I, p. 425. A cette fête se rapportent les ΰμνοι κλητικοί qui invitaient le dieu à revenir, et les ΰμνοι άποπεμπτικοί que l’on chantait à son départ ; voy. Ménandre, de Encomiis, dans la Collection des Rhéteurs de Walz, t. IX, p. 135 et 139.
[89] Plutarque, Quæst, græcæ, n° 12 et de defectu Oracul., c. 15 ; voy. aussi Muller, Dorier, t. I, p. 203 et 321 (319).
[90] Au temps de Plutarque, pour représenter le combat, on dressait sur une aire circulaire et nivelée (άλως) une hutte (καλιάς) décorée à grands frais et qui ressemblait moins au repaire d’un dragon qu’au palais d’un roi. Le dieu arrivait, sans faire de bruit, par un chemin caché, appelé Dolonia. Il était escorté par des nommes portant des torches, qui, après les avoir lancées sur la tente, s’enfuyaient au plus vite, et dans leur précipitation renversaient une table placée près de là, sans doute une table servant aux sacrifices ; voy. Plutarque, de defectu Oracul., c. 15.
[91] Hermann, Monatskunde, p. 62 et de Anno Delphico, p. 6.
[92] Voy. Casaubon, ad Suetonii Cæsares, c. 76, et Hartung, Relig. der Römer, t. I, p. 165.
[93] Plutarque, de sera Numinis vindicta, c. 13, avec les remarques de Wyttenbach.
[94] Athénée, IX, c. 13, p. 372.
[95] Pausanias, VII, c. 27, § 4. Voy. aussi Bœckh, dans ses Notes sur Pindare (Olymp., IX, v. 97).
[96] Corpus Inscript. græc., n° 2374 e, v. 57, t. II, p. 1075 ; Schol. de Pindare (Olymp., III, hypoth.)
[97] Voy. Preller, ad Polemonis fragm., p. 67.
[98] Hesychius, s. v. — Sur la célébration des Théodæsies en Crète, dans les îles de Cos, d’Andros et de Sicile, voy. Hœck, Kreta, t. III, p. 178 ; Bergk, Beitr. zur griech. Monatskunde, p. 12 ; Welcker, dans ses Notes sur Philostrate, p. 356 ; Hermann, Monatsk., p. 62.
[99] Corpus Inscript. græc., n° 2388.
[100] Pausanias, IX, c. 10, § 4.
[101] Proclus, dans la Biblioth. de Photius, p. 988, éd. Hœschel, et Clément d’Alexandrie (Protrept., t. IV, p : 95, éd. Klotz) disent 365. On ne sait quel était le point de départ de la procession, non plus que le point d’arrivée.
[102] Le véritable dieu national des Ioniens n’était pas Apollon, c’était Poseidon Héliconien, en l’honneur de qui étaient célébrées les Panionies, mais qui, ainsi que nous le verrons, avait été rejeté à Athènes sur le second plan et fut loin par la suite de rivaliser avec Apollon. Cette prééminence d’Apollon peut servir à rectifier le système d’après lequel l’Ionisme aurait été inoculé aux Athéniens par Xanthus et par son fils Ion ; car ce fut l’immigration de Xanthus qui naturalisa chez les Athéniens le culte d’Apollon Pythien, c’est-à-dire d’une divinité qui n’était pas d’origine ionienne.
[103] Suivant Aristarque, la forme Σμινθεύς dériverait plutôt de Σμίνθη, petite ville de la Troade, que de σμένθος ou σμίνθα. Cf. Apollonius, Lexicon Homericum, s. v., et Heyne, dans ses notes sur l’Iliade, I, v. 39. Pour la fête que l’on célébrait à Rhodes, nous renvoyons aux indications réunies par Hermann, Gottesdienstl. Alterth., § 67, 10. — On sait par Strabon (XIII, p, 613) l’existence chez les Éoliens d’un Apollon παρνόπιος, c’est-à-dire d’un dieu des sauterelles, que nous retrouvons à Athènes. (Pausanias, I, c. 24, § 8.).
[104] Étienne de Byzance, s. v. ; Ælien, Hist. Anim., XI, c. 8.
[105] Suétone, Octave, c. 18 ; Dion Cassius, LI, c. 1.
[106] Welcker (Gœtterlehre, t. I, p, 157) met en doute que les Kronia aient été une fête officielle, parce qu’il n’en est pas fait mention dans l’inscription n° 157 du Corpus Inscr. græc. ; mais cette inscription n’est nullement un tableau complet des fêtes et des sacrifices ; elle n’énumère que les sacrifices à la suite desquels l’argent provenant de la vente des peaux (δερματικόν) était versé dans les caisses de l’État, Entre autres preuves constatant que les Kronia étaient bien une fête publique, on peut citer ce fait, énoncé dans le discours de Démosthène contre Timocrate (p. 708) que ce jour-là les séances du conseil des Cinq-Cents étaient suspendues.
[107] Plutarque, Thésée, c. 12.
[108] Macrobe, Saturnales, I, c. 7.
[109] Voyez Schœmann, Opusc., t. II, p. 112 ; Preller, Mytholog., t. I, p. 113.
[110] Pausanias, VI, c. 20, § 1.
[111] Corpus Inscript. græc., n° 523, v. 23.
[112] Pausanias, V, c. 7, §4.
[113] Porphyre, de Abstin., II, c. 54.
[114] Hœck, Kreta, t. I, p. 165.
[115] Cicéron, de nat. Deor., II, c. 15.
[116] Vov. Bœckh, Staatshaush., t. II, p. 131.
[117] Voy. la dissertation de Sauppe, de Inscr. Panathen., insérée dans l’Index Schol. de Gœttingue, 1878, p. 7. Pour les particularités qui suivent, il suffit de renvoyer au travail de 1lxeier sur les Panathénées, dans l’Encyclop. der Wissensch. und Künste. Sur les courses aux flambeaux, voy. le mémoire de Haase, dans le même recueil, t. III, 9, p. 402.
[118]
Sic rerum summa novatur
Semper
et inter se mortales mutua vivunt.
Augescunt
aliæ gentes, aliæ minuuntur,
Inque
brevi spatio mutantur sæcla animantum
Et quasi cursores vitai lampada tradunt.
LUCRÈCE, II, v. 74-78.
[119] Νεών άμιλλα. Voy. l’inscription publiée par Rangabé, Antiq. hellen., II, n° 961, 28.
[120] Voy. Rangabé, ibid., p. 669 ; Sauppe, de Inscr. Panath., p. 4.
[121] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 299.
[122] Lorsque Hérode Atticus fut chargé de pourvoir aux dépenses de la fête, il fit mouvoir le vaisseau, non à l’aide d’animaux de trait, mais par le moyen de machines souterraines ; voy. Philostrate, Vitæ Sophist., II, c. 1, § 7. L’opinion exprimée par Muller (Kleine Schriften, t. II, p. 159) et par Jahn (Leipz. Sitzungsber., 1861, p. 333), que jusque-là on n’avait pas vu figurer de navire dans la procession, manque de vraisemblance ; voy. l’inscription publiée dans les Έφημ. άρχαιολ., 1862, p. 464, qui date de l’intervalle compris entre les années 301 et 287 avant J.-C. Il est clair que le vaisseau ne pouvait être hissé sur le rocher de l’Acropole ; voy. Beulé, l’Acropole, t. I, p. 147.
[123] C’est là ce qu’on entendait par les mots άγών εύανδρίας, que l’on rencontre souvent. On peut voir à ce sujet des détails très précis dans la dissertation de Sauppe citée plus haut. On ne sait au juste s’il existait pour les autres âges des concours de même nature. Il est probable que les rivalités de beauté, καλλιστεΐς, auxquelles on se livrait, entre les femmes, à Lesbos et à Tenédos ; à la fête de Héra ; entre les hommes, à Élis et à Basilis, en Arcadie, étaient relevées par la même intention morale ; voy. les Scholies de l’Iliade, IX, v. 128, et Athénée, XIII, c. 20, p. 565, et c. 90, p. 609.
[124] Voy. Meier, Panathen., p. 280 ; Bœckh, Staatshaush., t. II, p. 8. Malgré l’opinion de quelques critiques, je ne puis admettre, que les petites et les grandes Panathénées aient été célébrées séparément dans une même année. Ce qui distinguait les grandes Panathénées c’est uniquement l’addition des’ concours qui ont pu faire dire à Bœtticher (Philologus, t. XVIII, p. 417) que ces solennités n’avaient point le caractère religieux des fêtes accomplies dans le temple et faisant partie intégrante du culte ; mais il ne faut pas étendre cette conjecture qui ne porte que sur les additions en elles-mêmes, destinées à rehausser l’éclat d’une fête à laquelle ne manquaient nullement les actes religieux.
[125] Voy. Bœtticher, Tektonik, t. II, p. 28, et dans le Philologus, t. XXII, p. 415. Pollux (VII, 50) dit cependant en termes généraux que le péplos d’Athéna était un έπίβλημα.
[126] Voy. Meier, Panathen., p. 281.
[127] Harpocration et Suidas, s. v. χαλκεΐα. Athéna elle-même s’appelait aussi Έφαιστία. Ce surnom que nous ne connaissions que par Hesychius s. v. se retrouve dans une inscription datant de la 2e année de l’Olympiade CIX ; voy. le Philistor, t. I, p. 193-195.
[128] Etymol. magn., p. 805. 43 ; Eustathe, ad Iliadem (II, v. 552), p. 284, 37.
[129] Il me parait certain que, dans le texte le plus important sur ce sujet (Photius, Lexicon, p. 127), les deux noms ont été intervertis ; c’est l’opinion de Em. Muller et de Petersen (Zeitschr. für die Alterthumwissenschaft, 1857, p. 397, et Iahrb. fur Philol., 1856, p. 493). Preuner (Hestia, p. 483) et Mommsen (Heortot., p. 429) sont d’avis contraire. Pour les autres détails, voy. O. Müller, dans l’Encykl. der Wissensch. und Künste., t. III, 10, p. 84 et suiv.
[130] Plutarque, Alcibiade, c. 34 ; Xénophon, Hellenica, I, c. 4, § 12.
[131] Hesychius, s. v. ήγητήρια.
[132] Hesychius, s. v. πλυντήρια.
[133] Harpocration et Suidas, s. v. 'Άγλαυρος. Voy. aussi Osann, dans ses Notes sur Lycurgue, p. 95, et dans les Archives de Seebode, 1829, n° 13, p. 49.
[134] Harpocration, s. v.
[135] Voy. Sauppe, Mysterieninschr. v. Andania., p. 262.
[136] Pausanias, I, c. 36, § 3.
[137] Scholiaste d’Aristophane, les Guêpes, v. 961.
[138] Suidas, s. v. Διοσκώδιον.
[139] Etymol. magn., p. 149.
[140] Harpocration, s. v. Άρρηφόροι.
[141] Pausanias, I, c. 27, § 3.
[142] Άρρηφύροι, pour Άρσηφύροι, parait être une forme ancienne d’Έρσηφόροι, comme on trouve Άργαδεΐς pour Έργαδεΐς, Θαργηλιών pour Θεργηλιών, etc. Les inscriptions donnent souvent aussi la forme Έρρηφόροι. Voy. par ex. Corpus Inscript, gr., n° 1131 ; Rangabé, Antiq. hellen., n° 1022, 1024 et 1140 ; cf. Keil, dans le Philologus, t. XXII, p. 600 ; Mommsen, Heortol., p. 448.
[143] Lysias, Or., XXI, p. 700, § 5.
[144] Harpocration, s. v. Άρρηφόροι.
[145] Scholiaste d’Aristophane, Ecclesiaz., v. 18 ; Preller, Demeter u. Persephone, p. 124.
[146] Preller, Griech. Mythol., t. II, p. 115.
[147] Déjà dans l’antiquité on attribuait au surnom d’Hellotis, donné en Crète à Europa, une origine phénicienne, en raison de la ressemblance de ce mot avec un mot phénicien ; voy. Movers, die Phœnizier, t. II, 21 p. 80. Rien ne prouve cependant que cette explication soit mieux fondée que celle qui le fait dériver du grec et lui donne une racine commune avec έλη. On peut voir dans le Scholiaste de Pindare (Olymp., XIII. v. 56) des histoires très ingénieuses, inventées par les Exégètes pour rendre compte d’une tète dont la raison échappait.
[148] Pausanias, VIII, c. 47, 4. II n’est pas douteux que des Aleaia ne fussent célébrées aussi dans d’autres localités où Athéna était honorée sous l’invocation d’Aléa.
[149] Voy. Muller, Pallas-Athéné, dans l’Allgem. Encyclop. der Wissensch. u. Künste, t. III, 10, p. 99.
[150] Etienne de Byzance, s. v. D’après Dœderlein, Emendat. Homer. (Progr. de 1858, p. 10), 'Ίτων serait pour Ίτεών et aurait le sens de saussaie, salicetum.
[151] Strabon, IX, p. 411.
[152] Pausanias, IX, c. 34, § 2. D’après une autre version, Iodamie était sœur d’Athéna, et toutes deux avaient pour père Iton ; voy. Tzetzès, dans ses notes sur Lycophron, v. 355 et l’Etymol. magn., p. 479.
[153] Voy. Meier, Panathen., p. 294.
[154] Hermann, Gœttesdienstl. Alterth. § 67, 8.
[155] Suidas, s. v. 'Ροδίων χρησμός.
[156] Lexicon Seguer., p. 86 et 231.
[157] Voy. Lobeck, dans ses notes sur Phrynicus, p. 104, et Bæhr, notes sur Hérodote, IV, c. 26.
[158] Voy. Schœmann, notes sur Isée, p. 223.
[159] Athénée, VIII, c. 11, p. 334 E.
[160] Hermann, Monatskunde, p. 70. Nous laissons de côté la question de savoir si les Agrionia ou Agriania étaient aussi des fêtes funéraires ; voyez Bergk, Beitr. zur Monatsk., p. 49 ; Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 1143.
[161] Plutarque, de gloria Atheniensium, c. 7.
[162] Il est certain, malgré l’affirmation de Plutarque (de Malign. Herodoti, c. 26), que la bataille de Marathon ne fut pas livrée le 6 de Boédromion ; on remettait à ce jour la célébration de la Pète, parce qu’il était déjà consacré à Artémis ; voy. surtout Bœckh, Mondcyklen, p. 64 et suiv.
[163] Plutarque, de Malign. Herodoti, c. 26.
[164] Xénophon, Hellen., IV, c. 2. 20. A Sparte, Artémis portait aussi le surnom de ήγεμάχη. Voy. Pausanias, III, c. 14, § 6.
[165] Ni dans Athénée (XIV, c. 55, p. 646), ni dans le Lexicon Seguer. (p. 249), on ne peut voir sûrement s’il est question d’Athènes, bien que cela ne laisse guère de doute pour le passage du Lexicon.
[166] Voy. Hermann, Monatskunde, p. 57, et Gœttesdienstl. Alterth., § 51, 8.
[167] Scholiaste d’Aristophane, la Paix, v. 412. Nous aurons à revenir plus tard sur les Pandies, dont la signification n’est pas nettement déterminée.
[168] La première partie du nom ne peut s’interpréter d’une manière certaine, on n’est pas même bien sûr que la seconde exprime l’idée de nuit. D’après Ahrens (N. Rhein. Museum, t. YVII, p. 362), la déesse avait emprunté ce surnom à la presqu’île Munychie, qui elle-même devait peut-être son nom à un héros éponyme appelé Μουνίχος, qui est un diminutif de μοΰνος, et l’équivalent de μονογενής. Souvent, sur les monuments épigraphiques, le mois de Munychion est écrit par un ι à la place d’un υ : Μουνιχιών pour Μουνυχιών. Voy. par exemple Έφημ. άρχαιολ., 1862, p. 3, et le Philistor, t. I, tab. 1, v. 16. Mommsen se demande (Heort., p. 467) si ce mot ne serait pas d’origine sémitique.
[169] Etymol. magn., p. 94, 7 ; Suidas, s. v.
[170] Pausanias, I, c. 23, § 7.
[171] Pollux, VIII, 107 ; voy. aussi Muller, Orchom., p. 303 (309) n. 5, et Dorier, t. I, p. 384 (380).
[172] Hesychius, s. v. ; Sengebusch, Dissert. Homer., t. II, p. 114.
[173] Scholiaste d’Aristophane, Lysistrata, v. 645 ; Suidas, s. v. άρκτος et άρκτεΰσαι ; Lexicon Seguer., p. 444.
[174] Voy. Bachofen, der Bär in den Relig. des Alterth., Basie, 1863 ; cf. Philologus, t. XXI, p. 365 ; Preller, Mythol., t. I, p. 232 et 237.
[175] Lobeck (Aglaoph., p. 74) se prononce pour άρχεσθαι ; Lehrs (N. Rhein. Museum, t. XXVI, p. 683) pour άερκτοι.
[176] Cela paraît certain, d’après Pausanias, I, c. 31, § 5.
[177] Strabon, X, p. 448 ; Tite-Live, XXXV, c. 38 ; Schol. de Pindare, Olymp., XIII, v. 159.
[178] Voy, Muller, Dorier, t. I, p. 377 (372) et suiv.
[179] Pausanias, III, c. 10, § 7.
[180] Athénée, IV, c. 16, p. 139.
[181] Voy. Schœmann, Opusc., t. II, p. 235 ; et O. Muller, Æginet., p. 173.
[182] Voy. Preller, Demeter u. Persephone, p. 343, n. 30, où est réfutée avec raison l’assertion contraire du Scholiaste de Théocrite. (Id., IV, v. 25.)
[183] Isée, Or. VIII, c. 19, et III, c. 80, avec les remarques de Schœmann.
[184] Pline, Hist. natur., XXIV, c. 9 (38), voy. aussi Preller, Demeter u. Perseph., p. 345.
[185] Vov. Preller, ibid., p. 339. — Ceux qui réduisent les Thesmophories à 4 jours, comme Hesychius, s. v. τρίτη θεσμοφ. et Photius, s. v. Θεσμοφ. ne tiennent pas compte des Sténies et ne font partir les Thesmophories que du 13 ; voyez le scholiaste d’Aristophane (Thesmophor., v. 80), et Preller, dans la Zeitschr. fur die Alterthumsw., 1835, p. 788.
[186] Scholiaste d’Aristophane, Thesmophor., v. 376. Sur l’indication inexacte de Plutarque, qui rejette au 16 de Pyanepsion cette journée de deuil (Démosthène, c. 30), voy. A. Schæfer, Demosth. und seine Zeit., t. III, p. 359.
[187] Voy. Preller, Demeter u. Perseph., p. 346.
[188] Pollux, IV, 100. On ne peut affirmer avec certitude que ces deux sortes de danse aient été réellement en usage dans les Thesmophories, mais il est certain que la décence n’y était pas toujours observée ; voy. Cléomède, κυκλική θεωρία, II, c. 1, p. 112.
[189] Suidas, s. v. χαλκιδ. διώγμα ; Hesychius, s. v. δίωγμα, où cette poursuite est appelée θυσία τις.
[190] Hesychius, s. v.
[191] Voy. les témoignages à l’appui, dans Preller, Demeter u. Perseph., p. 337.
[192] Pausanias, VII, c. 27, § 8, 9 et 10.
[193] Pausanias, II, c. 11, § 3.
[194] Arrien, Dissert. Epict., III, c. 21.
[195] Scholiaste d’Aristophane, Equites, v. 725 (739) ; Suidas, s. v. προηρόσια ; Aristide, Panathen., p. 196, 12 ; Libanius, Declam., XIX.
[196] Isocrate, Panathen., c. 7, § 31.
[197] Voy. Preller, Demet. und Perseph., p. 297.
[198] Hesychius, s. v. ; saint Augustin, de Civit. Dei, IV, c. 8 : frumentis collectis atque reconditis, ut tuto servarentur.
[199] Elles avaient lieu dans le mois de Metagéitnion, d’après Ahrens (N. Rhein. Museum, t. XVII, p. 332) qui promet de le prouver plus tard.
[200] Lexicon Seguer., p. 384, 5 ; voy. aussi Preller, ibid., p. 328, et au sujet de Poseidon Phytalmios, Schœmann, Opusc., t. I, p. 348, n.
[201] Sur les trois ίεροί άροτοι, voy. Preller, ibid., p. 291 et suiv. et Mythol., t. I, p. 163.
[202] Proclus, dans la bibliothèque de Photius, p. 990, éd. Hœschel ; Pausanias, I, c. 36, § 4 ; Hesychius, s. v. ώσχοφόριον ; Athénée, XI, c. 92, p. 495.
[203] Hesychius, ibid. ; Scholiaste de Nicander (Alexipharmaca, v. 109).
[204] Athénée, ibid.
[205] Plutarque, Thésée, c. 23.
[206] Telle est l’opinion de Muller, Pallas Athéna, dans l’Allgem. Encyclop., t. III, 10, p. 81. Les objections de Hermann (Griech. Alterth., t. II, § 56, 11) ne paraissent pas devoir être acceptées sans examen. Les explications fournies par quelques anciens sur les usages de cette fête partent de l’hypothèse qu’elle avait été instituée par Thésée, à son retour de l’île de Crète. On peut en effet citer à l’appui de cette origine ces deux circonstances que les chants récités dans les Oschophories préconisaient aussi Ariadne, femme de Dionysos, à qui Thésée dut son salut, et que les éphèbes qui conduisaient le chœur étaient vêtus d’habillements de femmes comme l’étaient des jeunes gens mêlés aux filles que Thésée avait emmenées, lorsqu’il était allé en Crète acquitter le tribut. De même les Déipnophores représentaient les mères des victimes.
[207] On se demande par exemple ce qu’était la προεδρία έν Σκίροις, mentionnée par Aristophane (Thesmoph., v. 834, éd. Didot).
[208] Voy. Muller, Kleine Schriften, t. III, p. 163 ; Hermann, ibid., §56, 10. Par suite de la ressemblance des noms, les anciens et les modernes ont confondu souvent les Skira et Skirophories ou n’y ont vu du moins que deux actes d’une même fête, confusion à laquelle n’a pas échappé Preller. (Griech. Mythol., I, p. 164.)
[209] Pollux, IX, 124 ; voy. aussi Ruhnkenius, dans ses notes sur Timée, p. 51 ; cf. Jahn dans l’Archæol. Zeitung, 1847, p. 129 et suiv.
[210] Harpocration, s. v.
[211] Plutarque, de Cupid. divit., c. 8 ; Aristophane, Acharniens, v. 243 et 259-280, éd. Didot, avec les remarques du Scholiaste.
[212] Voy. Preller, Griech. Mythol., t. I, p. 418.
[213] Voy. Osann dans les Verhandl. der sechsten philol. Versamml., Cassel, 1843, p. 22.
[214] Marmor Parium, ep. 39.
[215] Voy. Schneider, das attische Theaterwesen, p. 30.
[216] Voy. Schneider, ibid. p. 23.
[217] On peut consulter, sur les représentations du Kollytos, Æschine, c. Timarque, p. 158 ; Démosthène, de Corona, § 180, et sur le théâtre d’Axioné, Revue archéol., t. XI, 1865, p. 155, et Philologus, t. XXII, p. 568. Une inscription publiée par Lenormant (Recherches archéol., p. 272) constate aussi l’existence d’un théâtre à Eleusis. Il subsiste encore des ruines de celui que possédait le dème de Thorikos ; voy. Leake, die Demen, p. 58. Enfin, la célébration des Dionysies à Salamine, avec représentations tragiques, est attestée par une inscription que l’on peut lire dans les Antiq. hellén. de Rangabé, t. II, p. 239.
[218] Le jour ne saurait être fixé avec certitude. Cependant en comparant deux passages d’une inscription publiée dans le Philistor (t. I, n° 1, v. 64 et 66), on peut conclure que les Lénéennes tombaient dans la première décade du mois, en admettant toutefois que le sacrifice dont il est question et la procession des Ephèbes se rapportent effectivement aux Lénéennes.
[219] Voy. Hermann, Monatskunde, p. 68.
[220] Pausanias, I, c. 20, § 3.
[221] Pausanias, I, c. 2, § 5, et c. 38, § 8.
[222] Pausanias, I, c. 29, § 2.
[223] Scholiaste d’Aristophane, Acharn., v. 243.
[224] Au sujet de ce nom, qui est expliqué généralement d’une manière bizarre, on peut hasarder la conjecture qu’il est une corruption du mot διθρίαμβος, Θριαμβος ou τριαμβος répond au latin tripudium, tripedium, en allemand Dreitritt, en français trépied ; voy. Horace, Od., III, 18, v. 16 Ovide, Fasti, VI, v. 330. Διθριαμβος signifie donc un double trépied.
[225] Démosthène, c. Midias, p. 517, § 10.
[226] Pausanias, I, c. 29, 5 3.
[227] On lit dans Lucien, Harmonidès, c. 2 : κρίνουσι δέ έπτά ή πέντε ή όσοι δή. — Voy, aussi Schneider, das Theaterw., p.169. Sur l’élection et le tirage au sort des juges, on peut consulter H. Sauppe, dans les Berichten der K. Sæchs. Gesellsch. der Nissensch., 1855, février ; B. Schütz, de Chori tragici habitu, Berol., 1856, et Helbig, z. Kenntniss des griech. Bühnenwesens, dans la Zeitsch. fur das Gymnasialw., 1862.
[228] Æschine, c. Ctésiphon, 232.
[229] Gerhard expose, dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, 1858, p. 149, diverses considérations sur la nature et la signification des Anthestéries, mais ce travail ne fournit pas de faits nouveaux.
[230] Plutarque, Quæst. conviv., VIII, c. 10, § 3, et III, c. 7, § 1.
[231] Proclus, ad Hesiodum (Opera et Dies, v. 366).
[232] Philostrate, Heroica, c. 13, p. 720 ; Etymol. magn., s. v. Άνθεστήρια.
[233] Philostrate, Vita Apollonii, IV, c. 21.
[234] D’après Eubulide, cité par Athénée (X, c. 49, p. 1137), ce jour était aussi celui où les écoliers payaient aux sophistes leurs honoraires et leur envoyaient en outre des présents, en échange desquels ils étaient invités et hébergés.
[235] Aristophane, Acharniens, v. 1014 ; Ælien, Var. hist., II, c. 41.
[236] Scholiaste d’Aristophane, Acharn., v. 961, éd. Didot ; Plutarque, Quæst. conviv., II, c. 10 ; Athénée, VII, c. 2, p. 276, et X, c. 49, p. 437.
[237] Scholiaste d’Aristophane, Acharn., v. 961.
[238] Eustathe, ad Iliadem, XXIV, v. 526 ; Photius, s. v. μιαρά ήμέρα.
[239] Athénée, ibid.
[240] Aristophane, Acharn., v. 1100.
[241] Disc. c. Neæra, p. 1371, § 76.
[242] Disc. c. Neæra, § 78.
[243] Pollux, Onomast., VIII, 108 ; Etymol. magn., p. 227 ; Harpocration et Hesychius, s. v. Γεραραί ; la forme Γεραιραί parait être une altération.
[244] Vov. Preller, Demeter und Perseph., p. 390, et Griech. Mythol., t. I, p. 528. Ceux qui ne seront pas satisfaits de cette explication peuvent recourir au mythe de Sémélé ramenée des enfers par son fils, ou au retour de Cora sur la terre.
[245] Scholiaste d’Aristophane, Acharn., v. 1076, éd. Didot, et Grenouilles, v. 218 ; Mommsen, Heortol., p. 24.
[246] Philochorus cité par le Scholiaste d’Aristophane (les Grenouilles, v. 218) ; vov. aussi Leutsch, dans le Philologus, t. XI, 1856, p. 733. Il résulte d’une inscription publiée par Ross (die Demen, p. 55, n° 29) que pendant longtemps cette Pète offrit aussi le spectacle d’une course aux flambeaux.
[247] Pseudo-Plutarque, Vitæ decem Orat., p. 387 E ; vov. aussi Meier, de vita Lycurgi, p. XXXVI ; Hermann, Griech. Alterth., t. II, § 58, 6, et Mommsen, Heortol., p. 368.
[248] Vov. Hermann, ibid., § 59, 6 ; Schneider, Theaterwesen, p. 36.
[249] Photius, s. v. ΐκρια et Ληναΐον ; Lexicon Seguer., p. 278 ; Libanius, Hypoth. ad Demosth. Olyhth., I, p. 8 ; Pausanias, I, c. 29, § 16 ; Ps. Plutarque, Vitæ decem Orat., p. 841 G. Wieseler, dans un programme publié à Gœttingue, 1860, est d’avis que cette construction fut toujours dressée sur l’agora ; voy. aussi Bursian, ibid., t. I, p. 297.
[250] Suidas, s. v. Βραυρών.
[251] Hesychius, s. v. Βραυρωνίοις.
[252] Pausanias, VIII, c. 23, § 1.
[253] On peut rapprocher ce surnom de celui de πυλάρτης, donné à Hadès dans Homère.
[254] Plutarque, de Iside et Osiride, c. 35.
[255] Plutarque, Quæst. gr., n° 36, d’après les corrections proposées par Bergk, dans les Poetæ lyrici, p. 1028 ; je proposerai seulement de lire au second vers, au lieu de ήρω, quelque chose comme ήρίν' ώ.
[256] Plutarque, Quæst. conviv., VIII, pr.
[257] Plutarque, Quæst. gr., n° 38.
[258] Voy. Preller, Gr. Mythol., t. I, p. 429.
[259] Dans Plutarque (Antoine, c. 24), l’épithète d’άγριώνιος est jointe à celle d’ώμηστής, ce qui donne l’idée d’un caractère emporté et sauvage. C’est aussi dans ce sens que Welcker interprète le nom de la fête (Gœtterlehre, t. I, p. 445). Bergk (Beitr. z. Monastsk., p. 49) l’explique par des άγρια ξύλα employés dans les sacrifices. D’après Hesychius, s. v., on disait aussi Άγριάνια, à Thèbes et à Argos.
[260] Plutarque, Thésée, c. 20.
[261] Pausanias, VI, c. 26, § 2. Un prodige analogue s’accomplissait à Elis, dans les Dionysies. Trois vases de terre étaient cachetés, et lorsqu’on les rouvrait, on les trouvait remplis de vin ; voy. Athénée, I, c. 61, p. 34.
[262] Pline, Hist. natur., II, c. 103, p. 111, et XXXI, c. 2, p. 345, éd. Gronovius. Il résulte des expressions de Pausanias, ibid., que la fête était triétérique, παρ' έτος.
[263] On peut voir plus haut, en note, une hypothèse sur l’origine des fêtes triétériques. Les anciens en cherchaient la raison dans la durée de l’expédition de Dionysos aux Indes ; voy. Diodore, III, c. 65, et IV, c. 3.
[264] Plutarque, Alexandre, c. 2. Les anciens étymologistes faisaient venir le nom de Μιμαλλόνες, de μιμεΐσθαι.
[265] Scholiaste de Perse, Sat. I, v. 101 ; Schol. de Lycophron, v. 771 ; on explique aussi ce nom d’autres manières.
[266] Catulle, LXIV, v. 257 et suiv. ; Virgile, Enéide, IV, v. 301.
[267] Photius, s. v. νεβρίζων ; voy. aussi Lobeck, Aglaophamus, p. 653, et Preller, gr. Mythol., t. I, p. 431.
[268] Pausanias, II, c. 2, § 7 ; III, c. 20, § 4 et IX, c. 20, § 4 ; Hesychius, s. v. ύαργίδες ; Virgile, Géorgiques, II, v. 486 ; Sophocle, Antigone, v. 1150 ; voy. aussi Lobeck, Aglaophamus, p. 570.
[269] Diodore (IV, c. 3) dit expressément que des Dionysies triennales étaient célébrées par des femmes, non pas dans tous les États grecs, mais dans un grand nombre d’entre eux. Voy. au surplus l’intéressante dissertation de Rapp, die Mænaden im Griech. Cultus (N. Rhein. Museum, t. XXVII, 1).
[270] Pausanias, X, c. 4, § 3.
[271] Plutarque, de Iside et Osiride, c. 35 ; voy. aussi Muller, Prolegom., p. 393.
[272] Plutarque, Quæst. gr., c. 12.
[273] Harpocration et Suidas, s. v. ; Photius, p. 241, 22 ; il est à remarquer que Photius donne une autre explication, ibid., 16.
[274] Eustathe, ad Odyss., XXII, v. 481, p. 1935, 10.
[275] Plutarque, de cohib. Ira, c. 9. Des expressions de Plutarque : καί τών θεών τόν βασιλέα Μειλίχιον όνομάζουσι, et de la ressemblance de ce nom avec le mot sémitique Melek, roi, quelques critiques ont cru pouvoir conclure que Meilichios était un dieu apporté de Phénicie ; cela prouve jusqu’où peut aller la manie de tout faire venir de l’Orient.
[276] Voy. l’Ordo des sacrifices inséré au Corpus Inscr. gr., n° 523.
[277] Thucydide, I, c. 126. Le texte de ce passage est incertain, et ne permet pas de reconnaître sûrement si les sacrifices sanglants étaient interdits à tout le monde, ou si seulement la plupart s’en abstenaient : la première conjecture est la plus probable.
[278] Voy. Preller, Demeter und Perseph., p. 241 ; il est évident que ces sacrifices étaient des holocaustes ; voy. Xénophon, Anabase, VII, c. 8, § 11 et 5.
[279] Pour la date, voy. Hermann, Griech Allerth., t. II, § 59, 10.
[280] Il suffit de consulter sur ce point Hermann, ibid., § 59, 5, et sur Zeus considéré comme dieu de la lumière et par suite de la pleine lune, Stark, Jahrb. fur Philologie, t. LXXIX, p. 628.
[281] Pausanias, I, c. 24, § 4.
[282] Voy., pour les preuves à l’appui, Meier, de Gente attica, p. 46, et Jahn, Giove Poliev, dans les Mémoires dell’ Instituto archeol., t. II.
[283] Scholiaste de Pindare, Pyth. IX, v. 177, et Olymp., VII, v. 151, d’après Köhler (Monatsber. der Akad. der Wissensch., 1866, p. 318), la fête venait le 19 de Munichion.
[284] Thucydide, II, c. 15.
[285] Voy. Leake, Topogr. of Athens, 1841, t. I, p. 201 et 514.
[286] Lysias, c. Evandros, p. 790, § 6 ; Plutarque, Démosthène, c. 27 ; vov. aussi Schæfer, Demosth. und seine Zeit., t. III, 1, p. 337, et Rangabé, Att. hellen., t. II, p. 410 et suiv., où il est question toutefois d’autres sacrifices offerts à Zeus Soter. Le sacrifice qui terminait l’année est mentionné dans le Corpus Inscr. gr., n° 157, et peut-être cette cérémonie est-elle la même qui, dans une autre inscription (Philistor, I, tab. 2, v. 30), est appelée Διισωτήρια.
[287] Voy. Schœmann, de Jovis incunabulis, dans les Opusc., t. II, p. 250.
[288] Pausanias, VIII, c. 38, § 6 et suiv.
[289] Scholiaste de Pindare, Olymp., VII, v. 153. Cf. Xénophon, Anabase, I, c. 2, § 10.
[290] Pausanias, VIII, c. 53, § 9 et 10 ; cependant d’après Æschyle (les Suppliantes, v. 345), Zeus Klarios est le dieu qui règle toutes les chances des mortels, ό πάντα πάσι κληρών καί κραίνων, suivant les expressions du Scholiaste. Sur les jeux célébrés à Tegée en l’honneur de Zeus, et d’ailleurs complètement inconnus, voy. Bœckh, Corpus Inscr. gr., t. I, p, 700.
[291] Diodore, V, c. 77.
[292] Voy. Preller, gr. Mythologie, t. I, p. 86.
[293] Voy, par exemple le Corpus Inscr. gr., n° 2554, v. 185, et n° 2555, v. 14.
[294] Porphyre, Vita Pythagoræ, V, c. 17.
[295] Diodore, V, c. 72.
[296] Pausanias, IV, c. 33, § 1 et 2.
[297] Corpus Inscr. gr., n° 1240, col. III, v. 8 ; 1241, col. II, v. 9 ; 1420, v. 3 et 1719. Voy. aussi. Vischer, epigraph. Beitræge, p. 26.
[298] Scholiaste de l’Iliade (XVI, v. 233) p. 450.
[299] Voy. Schœmann, Opusc., t. II, p. 56 et suiv.
[300] Corpus Inscr. gr., n° 2908 ; la fête y est appelée Νάα.
[301] Voy. Preller, gr. Mythol., t. I, pp. 111 et suiv.
[302] Apollonius de Rhodes, II, v. 522.
[303] Voy. Hermann, Monatskunde, p. 72 ; Bergk, Beitr. Monatsk., p. 68.
[304] Polybe, II, c. 39, § 6.
[305] O. Müller, Orchomenos, p. 229 (233). Sur le mot όμολώιος, qui est aussi le nom d’un mois, voy. Hermann, Monatsk., p. 71, et Welcker, Gœtterlehre, t. II, p. 208.
[306] Pausanias, IX, c. 2, § 4 ; Plutarque, Aristide, c. 19.
[307] Ps. Plutarque, Vitæ decem Orat., p. 842 A.
[308] À l’intérieur même de la ville on ne connaît aucun temple de Poseidon ; il n’y en avait que dans la Tétrapolis attique, dans les deux grands ports et dans quelques dèmes ; voy. Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 637.
[309] Apollodore, III, c. 14, § 1. D’après une indication peu sûre, il est vrai, fournie par Proclus (ad. Platonis Timæum, p. 53), les Athéniens célébraient aussi une fête en souvenir de cette victoire. Plutarque dit le contraire. (Quæst. conviv., IX, c. 6.)
[310] Voy. Schœmann, Opusc., t. I, p. 347.
[311] Voy. Schœmann, ibid., p. 316, où l’auteur a corrigé un passage d’Hérodote relatif à ce sujet. Cf. Lysias, Or. XXI, § 5, p. 700, et Sauppe, Index Schol. Gœtting. æstiv., 1858, p. 11.
[312] Pausanias, VIII, c. 10, § 2.
[313] Scholiaste de Pindare, Olymp., X, v. 83.
[314] Plutarque, Thésée, c. 5 ; Strabon, VIII, p. 373.
[315] Curtius, Histoire grecque, t. I, p. 75 de la trad. franç.
[316] Iliade, II, v. 506. Hymne à Apollon Pythien, v. 53 (231). Voy. à ce sujet les remarques de Matthiæ, p. 157, où l’on trouvera l’explication proposée par Bœttiger d’un passage à la vérité fort obscur.
[317] Etymol, magn., p. 547, 16 ; voy. aussi Preller, Griech. Mythol., t. I, p. 447.
[318] Plutarque, Quæst. græc., no 44.
[319] Voy. Preller, Griech. Mythol., t. I, p. 221.
[320] Athénée, X, c. 25, p. 425.
[321] Strabon, X, p. 487. D’une inscription publiée dans le Corpus (n° 2329, v. 15 et 25) il résulte que le même temple était commun à Poseidon et à Amphitrite.
[322] Suivant Aristote (Politique, VII, c. 14, § 7), c’était une coutume générale de se marier l’hiver. Le mois de Gamélion répond au mois de janvier. On a prétendu, mais sans aucune preuve, qu’il s’était d’abord appelé Lenæon.
[323] Hesychius, s. v.
[324] Photius, s. v. ίερόν γάμον, p. 103, et Etymol. magn., p. 468, 52.
[325] Welcker, dans le livre intitulé Schwenck’s etymol. mythol. Andeut., p. 272, indique le 21 mars, en citant à l’appui les deux grammairiens mentionnés plus haut, chez lesquels il n’y a rien de semblable.
[326] Palæphate, de Incred., c. 51. Sur la situation du temple, voy. Pausanias, II, c. 17, § 1 ; Strabon, VIII, p. 372.
[327] Palæphate, ibid.
[328] Æneas Tacticus, Poliorceta, c. 17.
[329] Schol, de Pindare, ibid. ; Zenobius, Prov., cent. VI, n° 52 ; voy. surtout Welcker, alte Denkmäler, t. III, p. 514.
[330] Schol. de Pindare, Pyth., VIII, v. 113 ; voy. aussi O. Muller, Ægin., p. 149.
[331] Schol. d’Euripide, Médée, v. 273 ; Zenobius, Prov., cent. I, n° 27.
[332] Voy. O. Muller, Orchom., p. 264 (269).
[333] Pausanias, V, c. 16, § 2 et 3.
[334] D’après Plutarque, cité par Eusèbe (Præpar. evang., III, c. 1, § 10, et c. 2, § 1) ; cf. Pausanias, IX, c. 3, § 1 et 2.
[335] Voy. des conjectures à ce sujet dans O. Muller, Orchom., p. 217 (222).
[336] Lactance, Instit. div., I, c. 17, § 8.
[337] C’est aussi l’opinion de Panofka (Res Sumiorum, p. 59) ; Welcker est d’avis contraire (Schwenck’s etymol. mythol. Andeut., p. 275).
[338] Cette légende est rapportée par Athénée (XV, c. 12, p. 672), d’après un écrit du Samien Ménodotos.
[339] Voy. Preller, Griech. Mythol., t. I, p. 134.
[340] Harpocration, Photius, Suidas, s. v. λαμπάς ou λαμπιέδος.
[341] Hérodote, VIII, c. 98.
[342] Philostrate, Heroica, c. 20, § 24, p. 311, éd. Didot.
[343] Scholiaste d’Euripide, Hécube, v. 887 ; Schol. d’Apollonius, I, v. 609.
[344] Welcker (Trilogie, t. I, p. 248) rattache avec raison à cette fête la circonstance mentionnée par Photius que les Cabires furent transportés hors de l’île, à la suite du crime commis par les Lesbiennes. Les Cabires de Lemnos, dont nous n’avons pas à rechercher ici les rapports avec ceux de la Samothrace, étaient certainement des dieux du feu, fils ou compagnons d’Héphaïstos ; il était impossible par conséquent qu’ils séjournassent dans l’île ; après que tous les feux avaient été éteints.
[345] Peut-être cette croyance existait-elle en particulier à Lemnos ; c’est du moins l’opinion de Preller (Griech. Mythol., t. I, p. 117).
[346] Pausanias, I, c. 14, § 7.
[347] Curtius, Hist. grecque, t. I, p. 73 de la trad. franç.
[348] Pausanias, I, c. 22, § 3.
[349] Harpocration, s. v. Πάνδημος.
[350] Nicander, cité par Harpocration, ibid., et par Athénée, XIII, c. 25, p. 569. L’assertion de Nicander rapportée par Athénée, mais non par Harpocration, à savoir que Solon avait élevé le premier temple à l’Aphrodite Pandémos repose sur un malentendu facile à expliquer. Il n’y a aucune raison de révoquer en doute l’existence d’un semblable temple à une époque plus reculée. Si Solon en a réellement bâti un, rien n’empêche d’admettre qu’il y en eût deux ; voy. Ross, das Theseion, p. 39.
[351] Lucien, Dial. Meretr., 7, § 1.
[352] Athénée (XIV, c. 78, p. 659) mentionne une fête d’Aphrodite Pandémos, d’après un passage de Ménandre.
[353] Bœckh, Corpus Inscript. græc., t. I, p. 470.
[354] Aristophane, les Nuées, v. 52, avec les notes des commentateurs ; Lucien, Amores, c. 42.
[355] Athénée, XIII, c. 31, § 572.
[356] Plaute, Pœnulus, a. I, v. 63, II, v. 53 et 126.
[357] Alexis, cité par Athénée, XIII, c. 33, p. 574.
[358] Athénée, XIII, c. 32, p. 573.
[359] Plutarque, de virtut. Mulierum, c. 4 (t. II, p. 303, éd. Didot).
[360] Voy. Muller, Dorier, t. I, p. 174, et Duncker, Gesch. des Alterth., IV, p. 647.
[361] Æschyle, les Sept contre Thèbes, v. 127.
[362] Pausanias, IX, c. 16, § 3.
[363] Xénophon, Hellen., VI, c. 4, § 4, avec les notes de Schneider.
[364] Scholiaste d’Aristophane (Plutus, v. 179).
[365] Denys d’Halicarnasse, Antiq. rom., I, c. 50.
[366] Ælien, de Nat. Animal., IV, c. 2.
[367] Hérodote, I, c. 199.
[368] Clément d’Alexandrie, Protrept., c. 2.
[369] Apollodore, III, c. 14, § 11 ; Pausanias, IX, c. 29, § 8 ; Sappho, fragm. 43, p. 306, dans le Delectus de Schneidewin.
[370] Cela résulte à peu près certainement de la comparaison entre un passage d’Hesychius, s. v. et l’Etymol. magn., p. 515, 12.
[371] Aristophane, Lysistrata, v. 389 ; Plutarque, Nicias, c. 13, et Alcibiade, c. 18.
[372] Pausanias, II, c. 20, 6 ; Athénée, X, c. 74, p. 451.
[373] Voy. Meursius, Græcia feriata, s. v. Άδώνια.
[374] C. F. Hermann établit, dans son édition du Chariklès de Becher (t. I, p. 301), que les fêtes tombaient, chez les Athéniens, au printemps.
[375] Voy. Schœmann, Opusc. acad., t. II, p. 87, n. 53.
[376] Voy. Schœmann, ibid., p. 83.
[377] Athénée, XIII, c. 12, p. 561.
[378] Pausanias, IX, c. 35, § 3.
[379] Voy. Monatsber. der Berlin. Akad. der Wissensch., 1862, p. 281 ; Philistor, t. I, 1, tab. 1 et 2 ; Josèphe, Antiq. Jud., XIV, c. 8.
[380] Voy. Welcker, dans son édition des Etymol. mythol. Andeulungen de Schwenck, p. 289, et Gœtterlehre, t. I, p. 696.
[381] Pausanias, IX, c. 28, § 1.
[382] Bœckh, Corpus Inscript. græc., n° 1583 et 1584.
[383] Pausanias (I, c. 19, § 6) fait mention d’un autel élevé aux Muses sur les bords de l’Ilissus, et l’on sait qu’en général on choisissait volontiers pour les sanctuaires des Muses le bord des eaux et les grottes, voy. Voss, dans ses notes sur les Églogues de Virgile, VII, v. 21, et Preller, Griech. Mythol., t. I, p. 332 et 383. D’après Diogène Laërte (IV, c. 1) les Muses avaient un autel dans l’Académie. Un prêtre des Muses est signalé aussi dans les inscriptions récemment découvertes des places d’honneur au théâtre d’Athènes. Enfin le nom de Mouseion, que portait une colline voisine de l’Acropole, fait supposer l’existence en ce lieu d’un sanctuaire dédié aux Muses, bien que Pausanias n’en parle pas.
[384] Æschine, c. Timarque, p. 35, § 10 ; voy. aussi Théophraste, Caractères, c. 22 (cod. Palat.) avec les remarques de Ast, d’où il résulte que les écoliers devaient contribuer aux frais de la fête.
[385] Corpus Inscrip. græc., n° 1585 et 1586.
[386] Æschine, ibid., p. 38, à 12 ; Platon, Lysis, p. 206 D. Nous apprenons par ce dernier passage que le ίεροποίος était pris parmi les enfants, coutume observée aussi dans les fêtes des Muses.
[387] Voy. Curtius, dans l’Hermès, t. VII, p. 137.
[388] Pausanias, IX, c. 22, § 1.
[389] Voy. Preller, Griech. Mythol., t. I, p. 248 (307).
[390] Pausanias, IX, c. 22, § 1 ; Preller, ibid., p. 322.
[391] Pausanias, VIII, c. 14, § 10.
[392] Athénée, VI, c. 84, p. 263, et XIV, c. 44, p. 639.
[393] Scholiaste de Théocrite, VII, v. 106.
[394] Pausanias, I, c. 32, § 7.
[395] Voy. Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 453 ; Preller, Griech. Mythol., t. I, p. 583, et Ahrens, dans l’Orient und Occident rte Benfey (t. Il, p. 24).
[396] Lexicon Seguer., p. 229.
[397] D’après le Scholiaste de Démosthène (c. Aristocratès, p. 113, § 26, éd. de Zurich), une part était faite, dans les Kionies, à la mère des Dieux, nom sous lequel il faut entendre Rhéa, que l’on avait coutume d’identifier avec la déesse asiatique. Les Galaxies sont mentionnées dans une inscription insérée par Kumanudès au Philistor., t. I, 1, n° 13, où nous voyons que les Ephèbes offraient dans cette fête un sacrifice à la Mère des Dieux, l’inscription date du Ier siècle av. J.-C.
[398] Voy. Marquardt, Cyzikus und sein Gebiet, p. 95 et suiv.
[399] Apulée, Métamorphoses, XI, c. 8 et suiv.
[400] Callimaque, cité par le Scholiaste de Sophocle (Œdipe à Colone), p. 489 Hesychius, s. v. λήτειρα.
[401] Ulpien, dans son Commentaire sur Démosthène (c. Midias, § 115).
[402] Philon, Quod omnia prob., § 20. Le passage de Polémon cité par le scholiaste de Sophocle (Œdipe à Colone, v. 489), d’après lequel les Eupatrides auraient été exclus des sacrifices aux Euménides et qui a conduit Mullern (de Minerva Poliade, p. 10, n° 2) à des conclusions erronées, est évidemment corrompu et incomplet. La correction proposée par Hermann (Opusc., t. VI, 2, p. 118), δ pour οί, a été à juste titre admise par Preller. On peut supposer aussi que les mots Ήσυχίδαι έκαλεΐτο ou d’autres analogues doivent être rétablis.
[403] Voy. Muller, dans ses Notes sur les Euménides d’Æschyle, v. 179 et suiv.
[404] Euménides, v. 863.
[405] Pausanias, II, c. 11, § 4.
[406] Pausanias, VII, c. 25, § 7.
[407] Pausanias, VIII, c. 34, § 1.
[408] Sophocle, Œdipe à Colone, v. 56 ; Euripide, les Phéniciennes, v. 1122, Pausanias (X, c. 4, § 4) mentionne un petit bâtiment, à Panope, en Phocide, dans lequel se trouvait une statue en marbre pentélique représentant, suivant les uns, Prométhée, suivant les autres, Asklépios. Il est clair que Prométhée n’eut jamais de culte dans ces lieux. Il ne peut pas être question davantage d’un culte qui aurait eu pour objet le Prométhée Cabire dont Pausanias entendait parler à Thèbes (IX, c. 25, a 6). Quant à ce que dit un Scholiaste d’Hésiode (Théog., v. 614), d’un culte de Prométhée établi en Arcadie, c’est de la folie. Voy. Schœmann, Notes sur le Prométhée d’Æschyle, v. 91.
[409] Apollodore, cité par le Scholiaste de Sophocle (Œdipe à Colone, v.56).
[410] Je supposerais plus volontiers que le mythe de l’assistance prêtée par Prométhée à Zeus, lors de la naissance d’Athéna, n’était pas étranger au culte attique. Je dois cependant renoncer à fournir les preuves à l’appui de cette conjecture.
[411] Kronos et Rhéa avaient à Athènes un temple indivis, situé dans le péribolos du temple de Zeus Olympien, qui fut achevé par Adrien ; voy. Pausanias, I, c. 18, § 7.
[412] Polémon, cité par le Scholiaste de Sophocle (Œdipe à Colone, v. 100) ; Hésiode, Théog., v. 54.
[413] Pausanias, I, c. 22, § 1 ; II, c. 31, § 5 ; V, c. 14, § 10 ; IX, c. 25, § 4, et c. 22, § 1. Voy. aussi O. Muller, Dorier, t. I, p. 341 (338). Au sujet de Phœbé, que l’on a supposée avoir été l’objet d’un culte à Delphes, voy. Hermann, Opusc., t. VI, 2. p. 19. Le Titan, que Pausanias désigne comme l’éponyme de Titané, près de Sicyone, a été évidemment imaginé pour le besoin de la cause ; nulle part il n’est question du culte qui lui aurait été rendu.
[414] Hesychius et Harpocration, s. v. ; Lexicon Seguer., p. 212, 12. D’après un fragment de Lysias, conservé par Denys d’Halicarnasse (de vi Demosthenis, t. II, p. 206 des Orat. attici, éd. de Zurich), on faisait courir des chevaux aux Anakeia.
[415] Athénée, IV, c. 14, p. 137 ; voy. aussi R. Schœll dans l’Hermès, t. VI, p. 17 et 18.
[416] Pausanias, I, c. 31, § 1.
[417] Pausanias, IV, c. 27, § 2.
[418] Pausanias, III, c. 13, § 6.
[419] Pausanias, III, c. 20, § 2.
[420] Pausanias, II, c. 36, § 6.
[421] Pausanias, X, c. 38, § 7.
[422] Voy. Welcker, Gœtterlchre, t. I, p. 606 ; Preller, Mythol., t. II, p. 66. Si le nom de Πολυδεύχης entraîne en effet l’idée de conduire la foule, il s’appliquerait assez bien à l’étoile du soir, qui conduit l’innombrable armée des étoiles ; voy. A. Schmidt, dans la Zeitschr. fur die Wissensch. der Sprache d’Hœfer, t. II, p. 332, et Beitrage a. Geschichte der Grammatik, p. 311. D’autres linguistes penchent, il est vrai, pour le verbe δεύκω, considéré comme synonyme de βλέπω (Lobeck, Rhemat., p. 60), ou de φροντίζω, ou bien changeant le δ en λ, ils interprètent ce nom dans le sens de glorieux ou de bienvenu dit grand nombre ; voy. Curtius, Griech. Mythol., t. II, p. 229 ; Dœderlein, Glossar., n° 2047 ; Unger, dans le Philologus, t. XXV, p. 212.
[423] Eustathe, ad Odyss. (I, v. 399) ; p. 1425, 62.
[424] Pausanias, III, c. 15, § 3 ; Hesychius, s. v.
[425] Le mot Arneios est synonyme de Karneios ; voy. Sauppe, Mysterieninschr. v. Andiana, p. 261.
[426] Conon, Narrat., n° 19 ; Athénée, III, c. 56, p. 99.
[427] Apollonius de Rhodes, II, v. 522 et suiv. D’après le Scholiaste (ibid., v. 526), une procession solennelle d’hommes armés paraît avoir été l’un des attraits de la fête. Dans ce passage, les fautes matérielles Κώοι pour Κείοις, et Κώ pour Κέω, ne peuvent tromper personne.
[428] Voy. les observations de Muller sur le livre de Leake, traduit par Rienæcker, p. 460.
[429] Harpocration, s. v. Ήράκλεια. Voy. aussi Schæfer, Demosthenes und seine Zeit., t. II, p. 276.
[430] Pausanias, I, c. 15, § 11 ; Scholiaste de Pindare, Olymp., XIII, v. 144.
[431] Pausanias, II, c. 10, § 1.
[432] Aristophane, Acharn., v. 867.
[433] Corpus Inscript. græc., n° 2347 c.
[434] Etienne de Byzance compte 23 villes du nom d’Héraclée ; on pourrait encore augmenter ce nombre.
[435] Hérodote, II, c. 44,
[436] Diodore, IV, c. 39.
[437] Philochorus, cité par Plutarque (Thésée, c. 35). Un passage d’Euripide (Hercules furens, v. 1328) fait aussi allusion à cette légende.
[438] Voy. Schœmann, Opusc., t. I, p. 156 et 158.
[439] Pausanias, I, c. 3, § 3 ; cf. Preller, Griech. Mythol., t. II, p. 199.
[440] Plutarque, Thésée, c. 36 et Cimon, c. 8. La date indiquée est l’Olymp. 76, 1, av. J.-C. 476 ; voy. aussi Krüger, Histor. philol. Studien, p. 39.
[441] Aulu-Gelle, Noct. att., XV, c. 20 ; Aristophane, Plutus, v.628, Une inscription publiée dans le Philistor, t. II, p. 134, mentionne un concours εύανδρίας καί εύοπλίας. Il y avait aussi une course aux flambeaux ; vov. plus haut, p. 215, n., et Sauppe, dans les Gœtting. Nachrichten, 1864, p. 213.
[442] D’après les témoignages anciens, on avait choisi ce jour, parce qu’il était l’anniversaire de celui où Thésée était revenu de son voyage en Crète ; voy. Plutarque, Thésée, c. 36.
[443] Plutarque, Thésée, c. 4.
[444] Plutarque, Thésée, c. 27. Il y avait aussi dans Athènes un endroit nommé Amazoneion où, suivant la tradition, les Amazones avaient établi leur camp et fondé un sanctuaire ; voy. Harpocration, s. v.
[445] Voy. Preller, Mythol., t. II, p. 199 ; Dondorff, die Jonier auf Eubœa, (Program. des Joachimsth. Gymn., Berlin, 1860), p. 24 et 25 ; Deimling, die Leleger, p. 183 et suiv. Les idées sans parti pris émises par Mordtmann (über die Amazonen, Hanovre, 1862, p. 92) ont été justement appréciées, dans les Heidelb. Jahrb., 1862, p. 750.
[446] Hesychius, s. v. έπ' Εύρυγύη άγών ; Plutarque, Thésée, c. 15.
[447] Plutarque, Thésée, c. 16 ; voy. aussi Hœck, Kreta, t. II, p. 78.
[448] Pindare, Olymp., VII, v. 156 ; Néméennes, V, v. 78, avec les Scholies.
[449] Corpus Inscript. græc., n° 1431 et 108, 32. Sur les Aianteïa célébrées à Salamis, voy. aussi l’inscription publiée dans le Philistor., t. I, n° 1, v. 53 ; on y remarque qu’au temps où remonte cette inscription, c’est-à-dire au premier siècle de l’ère chrétienne, les éphèbes d’Athènes prenaient part à la fête, qu’ils avaient notamment une place marquée dans la procession et dans la course aux flambeaux.
[450] A ces fêtes et aux prix que l’on y distribuait se rapporte une inscription publiée par Rangabé (Antiq. hellen., n° 965). De ce fait que dans certains monuments, les dates sont fixées par les noms des prêtres d’Amphiaraüs, on peut conclure que le culte de ce héros tenait la première place à Oropos ; voy. encore Rangabé, ibid., n° 679, 685 et 686.
[451] On trouvera tout ce qu’il est intéressant de connaître de ces fêtes dans la Græcia Feriata de Meursius, Lugd. Batav., 1619.
[452] Voy. Rangabé, Antiq. hellen., t. II, p. 744.
[453] Le caractère champêtre des Thalysies, dans l’île de Cos, est attesté par Théocrite, Id., VII, v, 3, et 31. On lit aussi dans le rhéteur Ménandre (Rhet. græci, éd. Walz, t. IX, p. 251) : τή Δήμητρι καί τώ Διονύσω οί γεωργοί τά θαλύσια.
[454] Aussi ces fêtes étaient-elles qualifiées de δημοτικαί, non de δημοτελεΐς, épithète que Thucydide (II, c. 15) applique aux fêtes nationales. De même on appelait ίερά δημοτικά les sacrifices offerts par un dème, et δημοτελή ceux dont le peuple tout entier ou l’État faisait les frais ; voy. Harpocration et Hesychius, s. v. ; Lexicon Seguer., p. 240 ; Bœckh, Staatshaush. der Athener, t. I, p. 298 ; C.-F. Hermann, Griech. Alterth., t. I, § 8, 14.
[455] Corpus Inscript. græc., n° 82.
[456] Voy. Bœckh, ibid., t. I, p. 122. Démosthène (c. Eubulide, § 46, p.1313) nous apprend l’existence d’un prêtre du dème Halimus. Sur le culte d’Héraclès dans le dème Mélité, voy. Meursius, Græcia Feriata, p. 138.
[457] Plutarque, Thésée, c. 17.
[458] Plutarque, Thésée, c. 14.
[459] Corpus Inscript. græc., n° 128.
[460] Voy. Ross, Demen v. Attika, p. VII, et les remarques de Meïer, p. IX.