L’idée religieuse sur laquelle reposent les expiations est facile à comprendre, et nous avons eu déjà l’occasion d’en indiquer le sens. Tout ce qui est impur et souillé inspire de l’éloignement aux dieux ; peuvent seuls s’approcher d’eux les hommes purs et sans tache. Pour leur adresser des prières, pour leur témoigner sa vénération, pour implorer leur appui, la pureté est une condition indispensable. D’abord il ne s’agit que de la pureté corporelle : pour tolites les cérémonies religieuses, on se lavait et on revêtait des habits dont rien n’altérait la netteté. Niais la pensée que la pureté du corps ne suffit pas à elle seule, qu’elle ne peut par elle-même être agréable aux dieux, si sous une enveloppe pure se cache une âme souillée, devait nécessairement faire des progrès, à mesure que se développait la conscience morale, et que l’on se créait une image plus noble de la divinité. Ainsi la pureté extérieure tendit bientôt à devenir le symbole de la pureté intérieure, et fut acceptée à ce titre par les esprits intelligents. Les autres croyaient s’acquitter envers les dieux par des dons et des sacrifices, et considéraient les purifications comme une œuvre méritoire en elle-même, capable de remplacer la pureté intérieure, à la condition d’y apporter un soin scrupuleux. Un pareil principe s’accommode trop bien avec l’immoralité pour ne pas trouver toujours de nombreux adhérents. En même temps que les meilleures consciences, dont les anciennes légendes ne pouvaient plus satisfaire les aspirations religieuses, se réfugiaient avidement dans les enseignements mystiques qui avaient cours sous le nom d’Orphée, on voit la multitude s’attacher de plus en plus à des pratiques de purification extérieure, comme à un moyen assuré d’être agréable aux dieux et d’obtenir ou de regagner leur appui. La Grèce homérique connaît peu ces compromis ou les ignore tout à fait. Les passages d’Homère où il est parlé de purification s’expliquent par ce sentiment naturel que la malpropreté est une inconvenance vis-à-vis de la divinité dont on veut s’approcher par les prières et les sacrifices. Dans le premier livre de l’Iliade, la purification de l’armée n’a pas un sens symbolique et ne tend nullement à laver les souillures morales, pas plus que n’y pensent Ulysse, en brûlant du soufre dans son palais après la mort des poursuivants de Pénélope, ou Achille, lorsqu’il nettoie soigneusement et purifie aussi avec du soufre la coupe dont il doit se servir pour faire une libation à Zeus. Nous avons vu déjà qu’il n’y a pas trace dans Homère de la purification à laquelle les meurtriers furent plus tard inévitablement soumis. Autant que l’on peut affirmer pareille chose, il en est question pour la première fois dans l’Æthiopis d’Arctinus, où Achille est relevé par Ulysse, à Délos, des suites du meurtre de Thersite[1]. On aurait tort cependant de tirer de là cette conclusion que l’idée de purification, à la suite d’un meurtre, soit postérieure à Homère. Homère connaît au moins Ilion, que la mythologie représentait habituellement comme le premier homicide purifié de son crime par la grâce de Zeus ; et en effet, le nom d’Ixion semble bien être celui d’un suppliant (ίκέτης)[2]. Un dogme étroitement associé à cette légende ne pouvait donc être étranger à Homère ; il faut supposer ou que le poète n’y croyait pas, ou qu’il ne jugea pas devoir attribuer à ses héros de semblables pratiques. C’est, selon toute probabilité, l’influence de l’oracle delphique qui contribua à les répandre, si même il n’en fut pas la cause première. Apollon avait par son propre exemple appris aux hommes à laver le sang et à purifier le meurtrier. Lorsqu’il eut mis à mort Python, il dut, sur l’ordre de Zeus, accomplir des purifications à Tempé. Suivant une variante, il se rendit dans l’Ægialée, puis en Crète, faute d’avoir pu obtenir ce qu’il cherchait[3]. Ce récit indique que dès les plus anciens temps, les purifications étaient en usage en Crète, aussi bien que dans l’Ægialée, et que de là elles passèrent à Delphes, conjecture d’autant plus vraisemblable que l’on peut reconnaître en beaucoup d’autres circonstances l’influence de la Crète sur Delphes et sur son oracle. Du passage où Platon prescrit que dans sa Cité modèle les purifications soient ordonnées suivant les statuts de Delphes, on peut inférer que chez les Athéniens et sans doute dans la plupart des autres États, elles étaient pratiquées conformément aux rites en usage dans ce grand centre religieux[4]. D’après Hérodote on s’y prenait, en Lydie, exactement comme en Grèce[5]. Il est donc permis de considérer ces cérémonies comme originaires de l’Asie, d’où elles se sont répandues en Crète d’abord, puis à Delphes[6]. Nulle part on ne trouve de plus amples détails sur les purifications des meurtriers que dans les Argonautiques d’Apollonius[7]. Le poète décrit la manière dont Jason et Médée sont purifiés par Circé du meurtre d’Absyrtus, en ayant soin d’ajouter que l’on a observé les formes traditionnelles. La magicienne commence par égorger un cochon de lait et en fait couler le sang sur les mains des coupables. Puis elle procède à une ablution dont le détail est omis, mais que, d’après d’autres exemples, on peut supposer opérée avec une eau bénite dont on augmentait la vertu, en y plongeant un tison enflammé pris sur l’autel du sacrifice, et en ajoutant du sel, peut-être encore d’autres ingrédients. Cela fait, Circé invoque Zeus, comme le refuge des suppliants et le dieu qui préside aux purifications. L’eau qui a servi à laver le sang est emportée par des suivantes, et jetée, on peut du moins le supposer, dans un lieu écarté, hors de la portée des hommes. Enfin Circé fait brûler des gâteaux et d’autres offrandes (μείλικτρα), et accomplit des libations sans vin (νηφάλια), en demandant à Zeus d’apaiser la colère des Vénérables déesses, et de se montrer lui-même bienveillant envers les homicides. Tout cela se passe sans que Circé sache quel meurtre ont commis Jason et Médée ; de même que, dans Hérodote, Crésus ne demande à Adraste son nom et celui de sa victime qu’après l’avoir purifié. Il suffisait donc que le suppliant se présentât comme impur pour obtenir la grâce qu’il sollicitait. Nous constatons aussi, d’après le récit d’Apollonius, que la purification se divisait en deux actes : le premier comprenant la purification elle-même et consistant à répandre sur les mains de la victime le sang de l’animal égorgé et à en laver la trace, pour marquer par là que le crime a disparu ; le second, donnant satisfaction aux dieux par des prières et des offrandes. Zeus, comme dispensateur des purifications, est honoré sous le nom de καθάρσιος ; en tant qu’il se laisse désarmer par le coupable, il est appelé μειλίχιος. Mais ces deux attributions se tiennent de si près qu’il n’y a pas lieu d’être surpris si, dans quelques passages des anciens, le surnom de Meilichios a prévalu et est uniquement employé[8]. Par cela seul qu’il agit comme Catharsios. Zeus a droit aussi à l’épithète de Meilichios. La purification est le préliminaire du pardon, qui ne saurait être accordé qu’à des mains pures[9]. Dans les exemples de purification à la suite de sang versé, que nous fournit la mythologie, il n’est pas tenu compte des différents genres d’homicides[10]. La purification est accordée au meurtrier de dessein prémédité, comme à celui qui a commis un crime involontaire, au lâche qui a fait tomber sa victime dans un piège, comme à celui qui a triomphé de son adversaire dans un combat loyal, pourvu qu’il se réfugie à l’étranger, et que là il invoque la protection puissante des dieux. Le meurtrier ne peut obtenir d’être régénéré dans le pays même où le meurtre a été commis[11], mais une fois qu’il en est dehors, les égards dus aux suppliants ne permettent pas de lui refuser cette grâce ; on doit même la lui accorder, ainsi qu’on l’a vu plus haut, sans s’informer qui il est, ni de quoi il s’accuse. Dans les temps historiques, on procède différemment, selon que le meurtre est prémédité ou involontaire, juste ou injuste, excusable ou condamnable. Athènes est, à vrai dire, la seule cité qui nous fournisse des détails précis sur ce sujet, mais il n’y a pas de raisons de douter que les principes adoptés chez elle aient été aussi en vigueur dans d’autres contrées[12]. Il était permis au mari ou à l’amant de tuer le séducteur qu’il surprenait auprès de sa femme ou de sa concubine, pourvu que cette dernière fût de condition libre. Le même droit était reconnu au père qui défendait l’honneur de sa fille, au fils si l’on s’en prenait à sa mère, au frère qui frappait le suborneur de sa sœur. L’impunité était également assurée à celui chez qui un voleur s’était introduit nuitamment et avait fait résistance. Enfin on pouvait tuer, sans redouter les suites, quiconque avait été déclaré hors la loi, et dans cette classe étaient compris tous les hommes convaincus ou que l’on pouvait convaincre d’avoir trahi leur pays, d’avoir conspiré contre la constitution ou tenté d’établir la tyrannie[13]. Non seulement le meurtrier, dans ce cas, n’encourait aucun châtiment, il n’avait pas même besoin de purification religieuse, bien que des personnes scrupuleuses aient pu s’imposer cette mortification[14]. — Le meurtre prémédité, quand il n’était pas excusable, était puni de mort ; mais alors même les lois athéniennes atténuaient la pénalité, en permettant à l’accusé de s’expatrier avant la sentence, ce qui équivalait à l’aveu du crime ; aussi l’exil était-il perpétuel et entraînait-il la confiscation des biens. Le prévenu renvoyé des fins de la plainte, ou bien était déclaré innocent, et alors il ne lui restait plus qu’à offrir un sacrifice en action de grâces aux Euménides[15], ou bien l’acte qui lui était reproché était reconnu n’être qu’un homicide involontaire, et il en était quitte pour disparaître durant un certain temps, au bout duquel il était libre de revenir, sous la condition de composer avec la famille du mort et de se soumettre à une purification religieuse. S’il arrivait, dans des manœuvres militaires ou dans une bataille, de donner, par accident, la mort à un camarade, la purification suffisait, sans qu’il fût nécessaire dé quitter le pays. Il en était de même, lorsqu’on avait tué un adversaire dans des jeux publics, sans préméditation. Le bannissement temporaire s’appelle άπενιαυτισμός. L’exilé devait partir par le chemin qui lui était prescrit[16]. Nous ne saurions dire quelle était la durée de l’absence ; il est vraisemblable qu’elle variait suivant les cas, comme le propose Platon dans ses Lois[17]. D’après ce philosophe, l’Apéniautismos devait être précédé d’une purification, et sans doute-la législation en vigueur en avait décidé ainsi, bien que le fait ne soit attesté par aucun témoignage formel. La purification préliminaire ne valait que pour la contrée assignée comme séjour au condamné ; une seconde cérémonie était nécessaire pour le rendre capable de rentrer dans sa patrie et devait être précédée d’un accord avec les parents de la victime’. Il est probable que l’exilé revenait par le même chemin qu’il avait pris au départ. A un endroit fixé, il se rencontrait avec les parents du mort[18] ; l’accommodement était conclu, et enfin s’accomplissait la purification, qui rendait décidément au meurtrier involontaire l’accès de la patrie. Suivant Platon, les prescriptions qui précèdent reposaient sur cette idée que l’âme du mort est courroucée et ne peut souffrir que le meurtrier se meuve librement dans les lieux que lui-même fréquentait durant sa vie. Elle le poursuit sans trêve et exige qu’il disparaisse au moins pendant une année[19]. On peut ajouter que les dieux protecteurs de la contrée partagent ces sentiments, et que leur colère ne porte pas seulement sur l’homicide qui a versé le sang d’un concitoyen ; qu’ils comprennent dans leur réprobation le pays qui ne l’a pas rejeté de son sein. La souillure qui s’attache au coupable et qui, par une sorte de contagion, se communique à tous ceux qui l’approchent, est appelée μύσος ou μίασμα. Elle ne peut être effacée dans le pays oit le sang crie vengeance, avant que le coupable ait expié sa faute par l’exil. De là, l’Apéniautismos ; mais dans le pays même où la peine doit s’accomplir, une purification est nécessaire, afin qu’il puisse communiquer avec les habitants sans danger pour eux. Elle lui est accordée avant son départ, car, à titre de meurtrier involontaire, il a droit à la pitié et ne saurait être privé de tout commerce avec les hommes ; il suffit qu’il ne puisse frayer avec les concitoyens de sa victime. La purification à laquelle il est admis n’a d’effet que pour les lieux qu’il doit habiter ; la preuve en est que si, une fois en exil, il était poursuivi dans sa patrie pour un autre meurtre, il n’avait pas le droit d’y rentrer pour se défendre, et devait comparaître devant le tribunal institué au Pirée pour les cas de ce genre, sans sortir du bâtiment qui l’avait amené[20]. Lorsque, au contraire, il avait accompli le temps légal, cette expiation avait désarmé les dieux et apaisé l’âme de la victime. Sa patrie lui était rouverte, à la condition que préalablement il se fût mis en règle avec les parents du mort, ayant qualité pour prendre en main la réparation du meurtre ; après quoi, purifié de nouveau, il était reconnu cligne de rentrer parmi ses concitoyens, auxquels il ne risquait plus de communiquer sa souillure. L’accord avec la famille allait de droit, à la suite de l’Apéniautismos ; il pouvait même arriver que le meurtrier involontaire échappât à l’exil, si la victime lui avait pardonné avant de mourir[21], ou si la famille se déclarait satisfaite. Elle agissait en effet aux lieu et place du mort, et lorsqu’elle ne réclamait pas l’application de la peine, lui-même était censé se désister, ou l’on supposait que s’il gardait son ressentiment, il devait s’en prendre à ses parents plus qu’au meurtrier lui-même. Aussi était-il nécessaire, dans le cas où celui-ci réclamait l’accommodement, sans la satisfaction préalable de l’Apéniautismos, que tous les parents, ayant qualité pour cela, y consentissent à l’unanimité ; l’opposition d’un seul rendait l’exemption impossible[22]. S’il n’existait pas de parents appelés à décider la question, les membres de la phratrie à laquelle le mort avait appartenu désignaient dix d’entre eux, choisis parmi les plus considérables, pour traiter, au nom de tous, avec le meurtrier et arrêter les conditions de l’accord. Il est vraisemblable que les mêmes délégués assistaient à la purification qui devait suivre, et y étaient parties intervenantes, bien que les détails manquent sur ce point[23]. La purification était accomplie par des καθαρταί de la race des Phytalides[24]. Le dieu invoqué-en cette circonstance était Zeus Katharsios ou Meilichios, honoré aussi sous le vocable de φύξιος, parce que, grâce à lui, le coupable échappait au châtiment[25]. Bien que les purifications eussent été instituées d’après l’exemple d’Apollon et les instructions données par son oracle, on n’offrait pas, autant que l’on en peut juger, de sacrifices à ce dieu, mais on pouvait implorer son entremise[26]. Du rôle que les Phytalides jouaient dans les purifications, il est permis d’inférer qu’une part était faite aux divinités chthoniennes, en particulier à Déméter, car de toute antiquité, les Phytalides étaient, de père en fils, voués au culte de Déméter, et l’autel de Zeus Meilichios était placé sur les bords du Céphise, près du sanctuaire de Déméter et de Cora, auquel les Phytalides paraissent avoir été préposés[27]. Les fautes et les souillures personnelles n’étaient pas les seules pour lesquelles la religion imposât des purifications et des expiations, à l’aide de sacrifices sanglants. Il y avait des cérémonies expiatoires, ayant un caractère public et pour ainsi dire officiel. De ces cérémonies, les unes revenaient à des époques fixes, les autres étaient annoncées suivant les occasions. Les premières tiraient leur origine de la conviction que la vie de l’homme est remplie de fautes qui excitent le courroux des dieux, d’autant que plusieurs d’entre eux sont plus disposés à la sévérité qu’à l’indulgence. De là, la nécessité de les désarmer par des réparations et des expiations. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet, dans le chapitre des Fêtes. L’exemple le plus connu de purification extraordinaire, nous est fourni par l’histoire d’Athènes. On crut la contrée tout entière souillée par le massacre des partisans de Cylon, et l’on reconnut la main des dieux dans plusieurs signes effrayants. Les purifications traditionnelles étant jugées insuffisantes, on fit venir le Crétois Epiménide[28], qui passait pour être plus versé que personne dans la connaissance des moyens propres à fléchir la colère céleste. Epiménide ordonna de lâcher dans toutes les directions, du haut de l’Acropole, où était situé le sanctuaire des Erinyes, des brebis blanches et des brebis noires, et après les avoir laissées vaguer en liberté, de les offrir en sacrifice sur les points où elles se seraient couchées. Les autels dressés pour cet usage ne devaient pas être consacrés à tel ou tel dieu, mais à qui il conviendrait, τώ προσήκοντι, d’où vient que longtemps après on rencontrait encore en plusieurs lieus de l’Attique des autels qui ne portaient aucune dédicace et que l’on avait pris l’habitude d’appeler les autels sans nom ou les autels des dieux inconnus. Epiménide déclara en outre qu’un sacrifice humain était nécessaire, et l’on raconte qu’un jeune Athénien s’offrit spontanément comme victime[29]. — Les Argiens purifièrent leur ville à la suite d’un soulèvement, dans lequel le peuple avait surpris et massacré un bataillon permanent de mille hommes d’élite ; en dehors des autres moyens expiatoires, une statue, œuvre de Polyclète, fut élevée à Zeus Meilichios[30]. — En Arcadie, les Cynéthéens, armés les uns contre les autres, avaient versé des flots de sang ; non seulement quelques-uns des coupables qui passaient par Mantinée en furent chassés par les habitants, mais des victimes expiatoires furent promenées autour de la ville et dans la campagne[31]. — L’émotion ne fut pas moins grande chez les Athéniens, lorsqu’ils apprirent le massacre en masse qui avait coûté la vie à plus de douze cents Argiens, entre les plus considérables. Ils estimèrent que l’assemblée du peuple, alors réunie, était souillée par le seul fait d’avoir entendu cette nouvelle, et crurent devoir renouveler les purifications qui avaient inauguré la séance, car, ainsi qu’on l’a vu déjà, la coutume était d’immoler de jeunes porcs avant le commencement des débats et d’arroser le sol de leur sang[32]. Il est probable qu’une cérémonie semblable avait lieu au théâtre avant les représentations et dans toutes les assemblées réunies pour la célébration des fêtes[33]. Les fêtes ayant pour but d’honorer la divinité, il était naturel d’effacer, au moins symboliquement, les souillures qui lui déplaisent, de même que chaque individu devait être purifié, avant de s’approcher des dieux ; toutefois, pour ces cérémonies particulières, il n’était pas nécessaire de répandre le sang. Il y avait cependant des fonctions sacerdotales dont on ne pouvait être investi sans s’y être préparé par un sacrifice sanglant. C’était le cas par exemple pour les Hellanodices et pour les seize femmes d’Élis, chargées, entre autres soins relatifs au culte de Héra, de tisser son péplos. Ces femmes devaient, avant d’entrer en fonctions, se laver dans la source Piéra et se purifier par le sacrifice d’un jeune porc[34]. Ces animaux étaient par excellence, sinon d’une manière exclusive, les victimes désignées pour les sacrifices qui tendaient plutôt à effacer les impuretés désagréables aux dieux qu’à détourner leur colère et à obtenir la remise de ses fautes. Les sacrifices expiatoires proprement dits, qui doivent, comme tels, être distingués de ceux dont les purifications étaient l’objet, bien que ces deux idées se mêlent souvent, consistaient surtout en béliers. Les victimes étaient spécialement immolées à Zeus ; mais on avait soin, l’expiation accomplie, de réserver une toison, qui prenait le nom de Διός κώδιον, pour servir plus tard à des purifications. On étendait la peau à terre ; le coupable[35] qui devait être régénéré entrait le pied gauche en avant, et la cérémonie commençait. Il est très vraisemblable que les καθάρματα, c’est-à-dire les impuretés, effacées par les divers agents de purification, comme le sang et l’eau, étaient recueillies sur cette peau et mises de côté. C’est là sans doute l’origine de l’expression άποδιοπομπεΐσθαι[36], prise aussi, il est vrai, dans un sens plus général par ceux qui, en invoquant Zeus, chassent, en son nom, les éléments mauvais ou tentent de les conjurer. Dans les solennités publiques qui avaient le double caractère d’expiation et de purification, on promenait aussi un Dioscodion sur l’emplacement de la fête, comme pour ramasser et emporter les souillures, dont on se débarrassait ensuite. Les incidents de la vie privée donnaient lieu également à des purifications plus ou moins minutieuses. Le superstitieux de Théophraste[37] purifie sa maison, toutes les fois qu’à certains indices il croit s’apercevoir que les dieux ou les démons lui sont contraires. A-t-il fait un mauvais rêve, il court chez les devins et les interprètes, pour savoir quel dieu ou quels dieux il doit invoquer. L’usage était de faire précéder les prières par des purifications, mais alors même qu’on négligeait d’implorer la divinité, on ne manquait pas de se purifier après un songe inquiétant. On se lavait dans L’eau pure d’uns source, pour effacer le rêve, comme on le voit dans Aristophane, et on sacrifiait aux dieux qui détournaient les calamités, θεοΐς άποτροπαίοις, en particulier à Apollon, dont le nom est plus souvent accompagné de cette épithète[38]. Les maladies étaient considérées aussi comme envoyées par les dieux, en expiation des fautes commises, ou comme l’effet de maléfices ; c’est pourquoi les malades étaient soumis à des purifications[39]. Dans les épidémies, on ordonnait des cérémonies publiques et des prières. On voyait encore à Athènes, du temps de Pausanias, une statue due au ciseau du sculpteur Calamis, et représentant Apollon secourable, Άπόλλων άλεξίκακος, dont les habitants avaient invoqué la protection, lors de la peste qui marqua le commencement de la guerre du Péloponnèse[40]. — Le contact des cadavres était une autre cause d’impureté chez les Grecs, comme chez les Juifs et chez beaucoup d’autres peuples. Il suffisait même d’en approcher pour être atteint de la souillure. Les dieux partagent avec les hommes cette horreur instinctive ; ils évitent le spectacle de la mort et de tout ce qui s’y rattache ; c’est pourquoi quiconque a touché un cadavre doit se purifier, avant de se présenter devant eux. Du même sentiment vient la précaution de tenir les tombeaux à distance des lieux consacrés. Il suffisait même que l’on fût menacé d’une fin prochaine, pour être exclu des sanctuaires ; on cite en particulier celui d’Asklépios à Épidaure[41] et l’île entière de Délos, qui fut regardée comme profanée, et soumise à des purifications, parce que cette défense n’avait pas été observée. A cette occasion, on transporta ailleurs tous les tombeaux qui s’y trouvaient. Le même fait se reproduisit deux fois, sous le règne de Pisistrate et au commencement de la guerre du Péloponnèse[42]. Lorsque quelqu’un venait à mourir, on plaçait à la porte de l’habitation un vase, άρδάνιον, rempli d’une eau bénite, que l’on était allé chercher au dehors, et avec laquelle tout le monde s’aspergeait en sortant[43]. Tous les habitants de la maison se purifiaient, en outre, après les funérailles, au moins par des ablutions[44]. Cette opération ne semblait pas suffisante aux gens superstitieux : Ils y joignaient des sacrifices et diverses cérémonies, pour lesquelles ils pouvaient se faire aider d’une άγχυτρίστρια, c’est-à-dire d’une magicienne entendue à ces pratiques, qui apportait dans un vase les ingrédients nécessaires et remportait dans le même vase les souillures. — Naturellement, les femmes en couches étaient aussi convaincues d’impureté ; les personnes enclines à la superstition évitaient soigneusement leur voisinage, crainte de malheur[45]. Lorsque approchait le moment de leur délivrance, les malades n’avaient pas accès dans le temple d’Asklépios, à Epidaure, non plus que dans l’île sainte de Délos. Elles restaient, après leurs couches, à l’état impur pendant quarante jours, c’est-à-dire tout le temps qui chez nous précède les relevailles[46], et devaient, durant cet intervalle, se tenir éloignées des sanctuaires. Elles se purifiaient ensuite, sans doute par de simples ablutions, et offraient un sacrifice, soit sur un autel domestique, soit dans un temple, peut-être bien dans celui de la déesse qui présidait aux naissances, Artémis χιτώνη, à qui on avait coutume de consacrer les vêtements de l’accouchée[47]. Le nouveau-né et les personnes dont la présence était nécessaire à l’accouchement avaient aussi besoin de purifications, que l’on accomplissait d’ordinaire le cinquième, le septième ou le dixième jour, avec dés cérémonies sur lesquelles nous reviendrons plus loin. — Le commerce des sexes était aussi une cause d’impureté : il n’était pas permis, au moins le lendemain, de se présenter devant les dieux avant de s’être purifié. Les préceptes hésiodiques interdisent même, dans ce cas, de s’approcher du foyer domestique[48]. Tout le monde cependant ne se piquait pas de la même austérité, ainsi qu’on en peut juger par la réponse de la pythagoricienne Théano. Interrogée sur la question de savoir après combien de jours une femme qui avait pu commerce avec un homme pouvait pénétrer dans le sanctuaire : tout de suite, répondit-elle, si elle a couché avec son mari, jamais, si elle a couché avec un autre[49]. La même diversité d’appréciations se retrouvait sans doute sur beaucoup de points analogues, et les prescriptions minutieuses auxquelles l’homme superstitieux s’astreignait dévotement étaient non avenues pour les esprits éclairés[50]. Les moyens de purification mis en œuvre, et les formes dans lesquelles ces cérémonies s’accomplissaient, ne variaient pas moins que les causes de souillures. Les sacrifices sanglants n’étaient sans doute indispensables que dans les cas graves. Les victimes, ainsi que nous l’avons vu déjà, étaient surtout de jeunes porcs. Toutefois, pour certaines purifications qui devaient être un préservatif contre les maléfices d’Hécate et de son cortège, on sacrifiait des petits chiens, et avant de jeter les débris de leurs cadavres, on en frappait trois fois la personne à purifier, non sans doute sans faire un même nombre d’invocations[51]. En Béotie, les restes des chiens offerts en sacrifice étaient éparpillés sur le sol, et il fallait se frayer un chemin au travers, sans y toucher. La même coutume existait en Macédoine, pour la lustration de l’armée[52]. L’eau suffisait dans les occasions moins importantes. On employait de préférence l’eau de mer[53] ou de l’eau de source fraîche, dont on croyait augmenter la vertu, en y plongeant un tison enflammé, pris sur l’autel, et en y mêlant les cendres du sacrifice, du sel, des lentilles et d’autres substances[54] : même après que l’on avait appliqué tel ou tel moyen de purification, on finissait toujours par se laver avec de l’eau. On avait recours aussi au feu et à la fumée produite, tantôt par le soufre ou par l’encens, tantôt par la combustion, de différents bois, en particulier du laurier et de diverses plantes, parmi lesquelles on cite la fumeterre (περιστερεών) et le capillaire (άδιάντον)[55]. Théocrite, dans le poème où il raconte l’enfance d’Hercule et sa victoire sur les serpents envoyés par Héra, fait une description détaillée de cette cérémonie : à minuit, d’après les instructions de Tirésias, on allume un feu avec les essences appropriées à cet usage ; on y brûle les serpents étouffés par le jeune héros, et le lendemain, au point du jour, les cendres, emportées de l’autre côté du fleuve, sont jetées aux vents par une servante qui ne doit pas regarder derrière elle. L’habitation est en outre assainie par des fumigations de soufre, et arrosée avec une eau consacrée et salée, à l’aide d’une branche de laurier servant de goupillon ; on termine en sacrifiant encore à Zeus un porc mâle[56]. Le soufre est déjà mentionné dans Homère, comme un moyen de purification et un remède, κακών άκος[57]. La confiance dans l’efficacité religieuse du soufre venait de l’odeur qu’il exhale en brûlant et qui rappelle celle de la foudre, ce qui lui vaut de recevoir l’épithète de θεΐον[58]. On ne se contentait pas de brûler les plantes, on en faisait une infusion ou une décoction, que l’on répandait tout autour, ou qui servait à laver les objets impurs[59]. Il pouvait suffire de toucher ces objets avec les plantés, auquel cas on employait surtout la scille marine[60]. D’autres substances, telles que le blé, l’argile et la terre, servaient aussi à ces usages[61], et probablement il en était de même des veufs, que l’on trouve également cités comme moyen de purification[62]. Toutes ces choses, douées de la propriété de guérir l’impureté, en l’absorbant en elles-mêmes, étaient appelées καθάρσια ou καθάρματα. Aussitôt que l’on s’en était servi, elles étaient tantôt enfouies sous terre, tantôt jetées dans des carrefours ou au contraire dans des endroits peu fréquentés. On devait, en s’en débarrassant, détourner le visage et continuer son chemin, sans regarder autour de soi[63]. Il est à peine nécessaire de remarquer que la plupart de ces purifications n’étaient pas l’objet de prescriptions religieuses, généralement admises, et ne faisaient, à vrai dire, partie intégrante ni du culte public ni même du culte privé ; ce fut toujours une affaire de conscience individuelle. Les hommes intelligents les considéraient comme inutiles et sans valeur, parce qu’ils comprenaient que les dieux tenaient compte des intentions, non des formalités extérieures. Pour les superstitieux, au contraire, ces formalités étaient autant d’œuvres pies, et ils jugeaient que l’on ne pouvait jamais en faire trop. Cette manière de voir était répandue surtout parmi les femmes et parmi les hommes grossiers. On en trouve déjà la trace dans les préceptes hésiodiques. S’il n’y est pas fait mention expresse de purifications, on y rencontre au moins un grand nombre de recettes puériles dont on ne saurait, est-il dit, se dispenser sans offenser les dieux, d’où l’on peut facilement conclure la nécessité des purifications elles-mêmes. A ces recettes se rattache une liste des jours favorables ou funestes, qui doivent être choisis ou évités en tel ou tel cas[64]. Deux fois seulement Hésiode prend soin d’expliquer ces préférences ou ces répulsions ; il n’y a encore nulle trace d’influences astrologiques. Empédocle donnait sans doute aussi dans son poème didactique des Καθαρμοί, des instructions en vue de purifications religieuses, mais nous n’avons sur ce livre aucun renseignement précis[65]. On attribue à Démocrite un tableau des bons et des mauvais jours, et il paraît, d’après le témoignage de Pline, que Virgile aurait puisé à cette source les règles qu’il pose dans le premier livre de ses Géorgiques[66]. L’Athénien Philochorus, habile à interpréter les signes et versé dans la connaissance de l’antiquité, avait aussi laissé un écrit sur les Jours, où étaient exposés les principes et les calculs ayant cours touchant ces matières chez les Athéniens, probablement avec des explications à l’appui. En Orient, cette superstition était invétérée[67] ; a-t-elle de là passé en Grèce, c’est une question que nous laisserons indécise. Il est difficile de fixer avec précision le temps auquel remontent les instructions sur les jours fastes ou néfastes que nous a conservées le poème hésiodique, composé, comme on sait, de pièces et de morceaux, mais elles ne sauraient guère être reportées au delà du vite siècle. On peut assigner à peu près le même âgé à un autre poème qui porte aussi le nom d’Hésiode, à la Melampodia, où étaient chantés les faits et gestes, non seulement de Mélampus, mais de plusieurs devins, tels que Tirésias, Mopsus, Calchas, Amphiaraüs, d’autres encore. Le héros principal, à qui le poème a emprunté son nom, y était célébré comme initié à la connaissance de purifications et d’expiations particulièrement efficaces, et l’œuvre avait évidemment pour but de recommander ces pratiques aux croyants qui ne voulaient pas se contenter des cérémonies traditionnelles et vulgaires[68]. On attribuait aussi à Mélampus l’introduction en Grèce du culte dionysiaque. Hérodote, se fondant sur les ressemblances que ce culte offre avec celui d’Osiris[69], est d’avis que Mélampus l’avait emprunté à l’Égypte. Il est possible aussi que le nom même de Mélampus signalât ce personnage comme un disciple de la sagesse égyptienne, l’Égypte étant appelée dans de vieilles poésies le pays des Mélampodes, c’est-à-dire peut-être des populations aux chaussures noires[70]. La renommée d’Orphée surpassait encore celle de Mélampus. On ne lui faisait pas seulement honneur d’avoir répandu aussi le culte de Dionysos, on lui attribuait l’invention de pratiques religieuses dont l’effet ne se bornait pas à purifier les souillures, et étaient un préservatif contre les maladies et les calamités déchaînées par les dieux en courroux. Ses disciples formèrent une secte séparée qui professait sur les dieux et les choses divines les doctrines prétendues orphiques, mais qui couvrait du nom du Maître beaucoup d’impostures et de pratiques coupables. |
[1] D’après l’analyse qu’en a donnée Proclus dans sa Chrestomathie ; voy. Bekker, Scholia in Homeri Iliadem, et les critiques modernes qui ont traité des poètes cycliques.
[2] Æschyle, Euménides, v. 1119. Il faut reconnaître pourtant que la signification de ce nom est incertaine, ainsi que l’a remarqué Preller, Griech. Mythologie, t. II, p. 12.
[3] Ælien, Variæ historiæ, III, c. 1 ; Pausanias, II, c. 7, § 7 ; voy. aussi les scholies de Pindare, Pythiques, Hypothesis, p. 485, éd. Heyne,1798. Dans l’Ægialée, c’est à Sicyone, autrement appelée Mekoné, que se rend Apollon. Cette ville parait avoir eu dans l’ancienne histoire religieuse une certaine importance, dont il est difficile aujourd’hui de se faire une idée précise ; voy. Schœmann, Opusc. acad., t. II, p. 272 et suiv.
[4] Platon, Leges, IX, p. 865.
[5] Hérodote, I, c. 35.
[6] Petersen, das heilige Recht der Griechen, p. 40, essaie de confirmer une prétendue relation qui aurait existé entre les pratiques de purification usitées à Delphes, d’un côté, l’institution du culte dionysiaque et les Mystères de l’autre, et vante la pénétration de Bœtticher qui a, le premier, conclu ce rapport d’un passage de Plutarque (de Iside et Osiride, c. 35), et d’un autre de Lycophron (v. 207), auquel il faut joindre les scholies. Je n’ai pas, quant à moi, la pénétration nécessaire pour découvrir tant de choses. Les derniers aperçus de Bœtticher sur les rites de la purification se trouvent dans les Denhmæler und Forschungen de Gerhard, 1860, n° 137, p. 61 et suiv.
[7] Apollonius, Argonautica, IV, v. 702-717.
[8] Voy. par exemple Pausanias, I, c. 37, § 4, et II, c. 20, § 2. Apollonius (IV, v. 401) donne à Zeus la qualification d’ίκέσιος, parce que, dans ce passage, ceux qui demandent à être purifiés se présentent en suppliants.
[9] Chez Hérodote (VI, c. 91), la purification (άγος έκθύσασθαι) et la réconciliation avec la divinité (ίλεων γένεσθαι τόν θεόν), paraissent n’être qu’une seule et même chose. De même Plutarque (Thésée, c. 12) réunit les mots άγνίσαντες καί μειλίχια θύσαντες.
[10] Des exemples semblables ont été recueillis par Lobeck (Aglaophamus, p. 968), et d’une manière plus complète encore dans le livre de Lomeier, de Lustrat., p. 214 et suiv.
[11] Tzetzès, dans ses Notes sur Lycophron, v. 1034, p. 913.
[12] Cela résulte d’un passage d’Isocrate (Panégyrique, c. 10), où les choses sont présentées de façon à faire croire qu’Athènes aurait servi de modèle aux autres États. Platon, dans ses Lois, établit une foule de distinctions subtiles qui pouvaient difficilement trouver place dans les législations en vigueur, et que, pour cette raison, nous ne rapportons pas ici.
[13] Voy. Meier et Schœmann, der attische Process., p. 308 ; Mætzner, dans son édition de Lycurgue, p. 288.
[14] C’est ce qu’affirme Porphyre, de abstin. Animal., I, c. 9, p. 15.
[15] Pausanias, I, c. 28, § 6.
[16] Démosthène, c. Aristocrate, p. 644.
[17] Platon, Leges, IX, p. 868 et 869. Le scholiaste de l’Iliade (II, v. 665) dit : Σόλων πέντε έτη ώρισεν ; c’était sûrement un maximum.
[18] Cela parait ressortir clairement du passage de Démosthène cité plus haut. Les deux opérations se suivaient toujours dans le même ordre : la purification d’abord, ensuite la réconciliation.
[19] Platon, Leges, IX, p. 865. Nous pouvons aussi mentionner rapidement l’acte barbare désigné par le mot μασχαλίζειν, c’est-à-dire la mutilation commise par le meurtrier, qui coupait à sa victime toutes les extrémités du corps et les lui plaçait sous les aisselles, comme pour se mettre plus sûrement à l’abri de ses atteintes. Cette sauvagerie est attribuée par les tragiques grecs aux meurtriers d’Agamemnon ; voy. Æschyle, Choéphores, v. 1139 et Sophocle, Electre, v. 445. A l’occasion de ce dernier passage, Jahn cite tous les témoignages qu’il a été possible de recueillir.
[20] Voy. Schœmann, Antiq. Juris. publ. Græc., p. 294.
[21] C’est à quoi fait allusion Euripide, Hippolyte, v. 1447.
[22] Voy. la loi citée par Démosthène, c. Macartatos, p. 1069. L’accommodement, αΐδεσις, auquel un membre est supposé s’opposer, ό κωλύων κρατεϊν, ne peut évidemment s’appliquer qu’au cas exposé ci-dessus.
[23] Les expressions οί άλλοι οί σπλαγχνεύοντες, employées par Athénée (IX, c. 78, p. 410), peuvent bien être prises dans ce sens. D’après Cincius, cité par Festus, s. v. Subici, un bélier devait être donné aux parents de la victime pœnœ loco, c’est-à-dire comme équivalent de la rançon en argent, non comme un sacrifice offert en vue de la purification ; voy. Servius, dans ses Notes sur Virgile, Georg., III, v. 387 ; Bucol., IV, v. 43. Le meurtrier était encore redevable aux parents d’argent ou de divers objets ; voy. Harpocration et les autres lexicographes au mot ύποφόνια.
[24] Pausanias, I, c. 37, § 4 ; Plutarque, Thésée, c. 12. Athénée, ibid., cite un détail relatif au cérémonial de la purification et extrait des πάτρια des Phytalides, car la correction de Lobeck (Aglaophamus, p. 185), Φυταλιδών pour Θυγατριδών, est plus vraisemblable que celle de Muller et de Petersen (das heilige Recht, p. 13), qui proposent Εύπατριδών, puisqu’il est acquis que les Phytalides remplissaient les fonctions de καθαρταί.
[25] Pausanias, III, c. 17, § 8.
[26] D’après l’analyse du poème d’Arctinus par Proclus, Achille va à Lesbos, offre un sacrifice à Apollon, à Artémis et à Léto, avant d’être purifié par Ulysse. Un passage d’Æschyle, Agamemnon, v. 143-153 et un autre d’Euripide, Ion, v. 482, établissent que les dieux étaient invoqués comme intermédiaires auprès d’autres dieux.
[27] Voy. Meier, de Gentibus atticis, p. 53.
[28] Plutarque, Solon, c. 12 ; Diogène Laërte, I, § 110 et 112 ; d’après ce dernier passage, ce fut Epiménide qui, le premier, apprit à étendre les purifications religieuses aux habitations et aux champs.
[29] Les indications d’Athénée sur ce point (XIII, c. 78, p. 602) sont plus précises que celles de Diogène ; il est permis cependant de mettre en doute l’ensemble de ces faits. Plutarque, Solon, c. 12, n’en fait pas mention.
[30] Pausanias, II, c. 20, § 1 et 2.
[31] Polybe, IV, c. 21, § 8 et 9.
[32] Plutarque, Præcepta Reipubl. ger., c. 17.
[33] Voy. Harpocration, Photius, Suidas, s. v. καθάροιον.
[34] Pausanias, V, c. 16, § 8.
[35] Hesychius, s. v. Διός κώδιον ; voy. aussi Lobeck, Aglaophamus, p. 183, et Preller, dans ses Notes sur Polémon, p. 140.
[36] Voy. Lexicon Seguer., p. 7, 15, et Ruhnkenius, dans son édition de Timée, p. 40.
[37] Théophraste, Caractères, c. 16.
[38] Aristophane, les Grenouilles, v. 1370 (4379) ; Xénophon, Econom., c. 4, § 33 ; voy. aussi Æschyle, les Perses, v. 199 (207), et le Glossaire de Blomfield.
[39] Horace, Satyres, II, 3, v. 290, et Diez, dans son édition du traité d’Hippocrate, de Morbo sacro, p. 149.
[40] Pausanias, I, c. 3, § 4.
[41] Pausanias, II, c. 27, § 6.
[42] Thucydide, III, c. 104 ; Hérodote, I, c. 611.
[43] Pollux, Onomast., VIII, 65 ; Hesychius, s. v. άρδάνιον ; Suidas, s. v. τοΰστρακον ; voy. aussi Monk et Wüstemann, dans leurs Notes sur l’Alceste d’Euripide, v. 100.
[44] Scholiaste d’Aristophane, Les Nuées, v. 811 (836) ; Suidas, s. v. καταλούει.
[45] Platon, Minos, p. 315 D ; voy. aussi le schol. d’Aristophane, Les Guêpes, v. 289.
[46] Censorinus, de Die Natali, c. 11, 7, p. 28, éd. Jahn.
[47] Schol. de Callimaque, Hymne à Zeus, v. 77.
[48] Hésiode, Œuvres et Jours, v. 7311 ; voy. aussi Grævius, Lect. Hesiodeæ, c. 15, p. 588, éd. Lœsner.
[49] Clément d’Alexandrie, Stromata, IV, c. 19, p. 619, éd. Potter ; Diogène Laërte, VIII, § 43 ; Stobée, Florilegium, tit. LXXII, p. 443.
[50] D’après Arrien, par exemple (de Venat., c. 32), on ne doit pas seulement, après la chasse, se purifier soi-même, mais associer aussi ses chiens à cette cérémonie ; la manière dont les choses sont présentées prouve qu’il ne s’agissait pas là uniquement d’un soin de propreté et que le sentiment religieux y était aussi intéressé.
[51] Théophraste, Caractères, c. 16 ; voy. aussi les Notes de Casaubon, p. 54 de l’édition de Ast, et Plutarque, Quæst. rom., n° 68, avec les remarques de Wyttenbach. Sur la vertu des opérations répétées trois fois, voy. Athénée, I, c. 3, p. 2.
[52] Plutarque, Quæst. rom., n° 111 ; Tite-Live, XL, c. 6.
[53] Euripide, Iphigénie à Tauris, v.1193.
[54] Ménandre, cité par Clément d’Alexandrie, Stromata, VII, c. 4, 27.
[55] Eustathe, ad Odysseam, XXII, v. 1181, p. 1935.
[56] Théocrite, Idylle XXIV, v. 86-94.
[57] Odyssée, XXII, v. 1181.
[58] Iliade, VIII, v. 135, et XIV, v. 1115 ; Odyssée, XIV, v. 307 ; cf. Aristote, Problem., c. XXIV, § 19. — On disait aussi θεώσαι pour θειώσαι, et θέωμα pour θείωμα ; voy. Bekker, Anecdota, t. I, p. 99, 32, et Hesychius, s. v.
[59] Plutarque, Quæst. conviv., I, c. 1, § 4.
[60] Voy. Casaubon, dans ses Notes sur Théophraste, Caractères, 16.
[61] Plutarque, de Superstitione, c. 3, avec les notes de Wyttenbach, p. 1006 ; Démosthène, de Corona, § 259, p. 313.
[62] Lucien, Dialogues des morts, I, § 1, et Cataplus, § 7 ; Clément d’Alexandrie, Stromata, VII, c. 4, § 26, où l’on a imprimé ώτα pour ώά, au moins dans l’édition de Klotz. On peut voir des aperçus sur la signification religieuse des œufs, dans Bachofen, Græbersymbolik, p. 132.
[63] Eustathe, ad Odysseam, I. XXII, v. 481 ; Harpocration, s. v. όξυθύμια ; Schol. d’Æschyle, Choéphores, v. 98.
[64] Hésiode, Œuvres et Jours, v. 779 : le septième jour du mois est sacré, parce que c’est celui où est né Apollon ; le cinquième jour est de mauvais augure, parce que les Érinyes errent çà et là.
[65] Voy. Empecdoclis fragm., p. 67, où l’éditeur Karsten rappelle, d’après Strabon (X, p. 479), les Καθαρμοί attribués à Epiménide ; cf. Œnomaüs, cité par Eusèbe, dans la Præpar. evang., V, c. 31, § 3.
[66] Pline, Hist. natur., XVIII, c. 32 (75).
[67] Lévitique, c. 19, v. 26 : vous ne ferez pas attention aux cris des oiseaux, et vous ne choisirez pas les jours.
[68] Pausanias, VIII, c. 18, § 7, et V, c. 5, § 10 ; voy. aussi Eckermann, Melamp., p. 14 et suiv.
[69] Hérodote, II, c. 49.
[70] Apollodore, Biblioth., II, c. 1, § 4 et 5, avec les remarques de Heyne. D’après Reinisch, dans le Compte Rendu des séances de l’Académie des Sciences de Vienne, 1859, p. 381, le nom national de l’Égypte signifie terre noire, et les Grecs ont pu le traduire par Μελάμπεδον.