Parmi les choses pour lesquelles l’homme sent le besoin d’invoquer l’aide de la divinité, doit être placée la révélation des secrets qu’il croit avoir intérêt à connaître et qu’il se sent incapable de pénétrer par lui-même. Ce désir ne vient pas seulement de la curiosité indiscrète qui nous porte à lever les voiles de l’avenir ; il repose, nous devons le reconnaître, sur un besoin véritable. Combien de fois l’homme ne souffre-t-il pas d’être privé de direction, dans des conjonctures difficiles ! Il est mis en demeure de prendre une résolution importante, d’où son sort dépend ; plusieurs voies s’ouvrent à lui ; il ne sait laquelle choisir, ni comment il parviendra plus sûrement à s’assurer l’appui de la divinité. C’est alors qu’il demande aux dieux, comme un bienfait, une décision supérieure qui mette fin à ses doutes. On lit dans Plutarque[1] : Apollon, à qui l’on s’adresse surtout pour obtenir la connaissance de l’avenir, a la charge de dissiper et d’éclairer les incertitudes de la vie, en signifiant à ceux qui l’interrogent la volonté des dieux. Tel est bien le sens du mot θεμιστεύει qu’emploie Plutarque, car on appelait θέμιστες les décrets divins auxquels l’homme devait sa prospérité, s’il s’y conformait ; sa perte, s’il osait les enfreindre : Zeus, dit un poète[2], a envoyé Apollon à Delphes, afin d’apprendre aux Grecs les règles de la justice et les préceptes divins. Aussi les devins sont ils appelés θεμίστων μάντιες[3]. On comprend d’après cela que des hommes éclairés, comme Socrate et ses pareils, ayant conscience de la faiblesse- humaine, aient demandé aux dieux, dans les occasions importantes, de leur prescrire ce qu’ils devaient faire ou éviter, pour pouvoir se flatter d’une issue favorable[4]. Une seconde raison explique le désir chez l’homme de révélations surnaturelles, c’est la croyance que les événements malheureux, la famine, les épidémies et tous les fléaux sont les effets de la colère céleste. Quand on ne savait pas au juste quel dieu on avait irrité, quel était le motif de son ressentiment, ni comment on pouvait l’apaiser, la première idée qui se présentait à l’esprit, c’était de s’adresser aux dieux mêmes et de se faire renseigner par eux. On peut citer, comme exemple la peste que, au début de l’Iliade, Apollon courroucé a fait éclater dans l’armée des Grecs, et qui suggère à Achille la pensée d’interroger quelque devin, prêtre ou interprète des songes, par la Mouche duquel les dieux puissent faire connaître les motifs de leur colère. De même, dans les maladies ordinaires, lorsque les secours humains étaient devenus inefficaces, on se remettait aux mains des dieux, et plus généralement, soit qu’il s’agît d’obtenir une grâce ou de détourner un malheur, on se tournait en fin de compte vers la divinité, pour savoir comment s’y prendre, ou pour lui demander au moins s’il y avait plus lieu de craindre ou d’espérer. Enfin, la conduite à tenir dépend souvent de circonstances inconnues, pour lesquelles les dieux peuvent nous fournir des éclaircissements que l’on attendrait vainement des hommes. C’est ainsi que, dans la légende d’Œdipe, ce prince va s’enquérir auprès d’Apollon du secret de sa naissance. Les incertitudes qui nous laissent à la merci du hasard, et ne nous permettent pas, tant qu’elles ne sont pas résolues, de nous décider en connaissance de cause, sont les seules considérations qui expliquent raisonnablement le besoin chez l’homme d’informations divines, propres à le remettre dans le droit chemin. De ce désir naît aussi la confiance que les dieux bienfaisants et amis des hommes, comme on se les représente avec raison, doivent être disposés à exaucer leurs prières et même à les aider de leurs révélations sans en être priés. C’est dans ce sens que Platon a pu appeler la Mantique l’ouvrière de l’amitié entre les dieux et les hommes[5], et que les stoïciens ont tenté de légitimer cette science[6]. S’il y a des dieux, disent-ils, et s’ils n’entretiennent pas de communication de ce genre avec les hommes, il faut choisir entre les conclusions suivantes : les dieux ne veulent pas de bien aux hommes ; eux-mêmes sont incapables de connaître l’avenir ; ils ne croient pas cette connaissance avantageuse aux mortels ; ils jugent au-dessous de leur dignité d’entrer en correspondance avec eux, ou bien enfin ils n’ont aucun moyen de nous révéler les secrets qu’il nous importerait de connaître. De ces hypothèses aucune n’est soutenable : les dieux veulent du bien aux hommes, et connaissent les choses qui nous sont cachées ; il importe aux hommes de pénétrer ces mystères ; il n’en coûte rien à la dignité des dieux de témoigner leur bienveillance pour les hommes en les éclairant ; les moyens de le faire ne leur manquent pas. Ainsi argumentaient les stoïciens, et il n’est pas douteux que les croyances populaires ne fussent d’accord avec ces raisonnements. Il n’y a pas lieu cependant d’être surpris que, une fois la croyance à la divination enracinée, des motifs moins avouables se soient- fait jour, que l’on se soit hasardé à demander aux dieux des révélations qui n’étaient nullement un secours pour la faiblesse humaine et ne servaient qu’à satisfaire une curiosité indiscrète[7]. De là naquirent un grand nombre de pratiques frivoles, ridicules ou coupables, ayant pour but d’arracher à la divinité des confidences inutiles. Les anciens distinguaient deux sortes de divination, la divination naturelle et la divination artificielle[8]. La première est celle par laquelle les dieux se manifestent directement dans les rêves ; ou même dans l’état de veille, lorsque l’âme surexcitée arrive par l’extase à démêler plus ou moins clairement ce qui reste un mystère pour d’autres et à percevoir les révélations célestes. La divination artificielle, au contraire, consiste à interroger et à interpréter certains signes convenus, qui servent aux dieux à éclairer les hommes sur ce qui leur importe de savoir. De ces deux espèces de divination, quelle est la plus ancienne ? nous ne saurions le dire. Dans les temps historiques ; nous les voyons toutes deux en honneur chez les Grecs, comme chez les barbares. Le nom grec qui est en possession de désigner le devin ou le voyant, μάντις, vient de μαίνεσθαι[9] et exprime cette exaltation de l’âme qui permet à l’homme de recevoir les inspirations de la divinité. Le mantis toutefois ne se borne pas à prédire l’avenir sous le coup d’une impression momentanée et d’une suggestion directe ; il s’entend aussi mieux que d’autres à expliquer les signes par lesquels les dieux manifestent leurs volontés, de sorte qu’il n’est pas toujours facile de discerner si cette connaissance résulte d’une inspiration passagère et d’une observation pénétrante qui peuvent être considérées comme un don céleste et une illumination d’en haut, ou bien si elle repose sur des règles transmises par la tradition, si, par conséquent elle relève de la mantique artificielle. Ce que la poésie nous apprend touchant les devins célèbres de l’antiquité mythologique nous les fait envisager, tantôt comme des êtres possédés de l’inspiration céleste (ένθεοί, ένθουσιώντες) qui dans cet état d’extase répètent ce que leur dicte la divinité, et dont Cassandre, Bakis et les Sibylles nous fournissent des exemples, tantôt comme des interprètes des signes, tels que Tirésias, dont le nom, dérivé de τέρας ou τεΐρας, indique par lui-même cette vocation. Comme d’ailleurs le dieu fatidique par excellence, Apollon, est, suivant les expressions de Pindare, l’interprète des signes envoyés par Zeus[10], nous sommes autorisé à commencer l’exposition des différentes espèces de Mantique par celle qui a pour objet les signes. Les signes qui donnent matière à interprétation, et dont le nom général est τέρας, peuvent être répartis en deux classes : ou bien les dieux, pour les accorder aux hommes, attendent d’en être priés, ou bien ils les font paraître de leur propre mouvement. Nous demandâmes un présage au dieu, dit Nestor, racontant les incertitudes des Grecs sur le chemin à suivre en partant de Troie, et il ajoute que le dieu leur en accorda un, sans indiquer le procédé dont il fut fait usage[11]. Il est présumable que parfois aussi on désignait l’objet qui devait servir à manifester la volonté céleste, et la marque à laquelle on la reconnaîtrait ; mais on supposait que les oiseaux avaient, sous ce rapport, les préférences des dieux, et cela nous amène à traiter d’abord de l’Oionistique ou Oionoscopie. Les oiseaux se meuvent dans les airs et s’élèvent dans les espaces où les dieux sont supposés avoir établi leur domicile[12]. Ce seul rapprochement les désigne comme les messagers naturels des dieux[13], soit que les hommes implorent un signe de la volonté céleste, soit que les dieux l’envoient d’eux-mêmes, sans en être priés. Avant de demander les signes par l’Oionoscopie, l’observateur a dû se placer dans un endroit favorable, pour observer quels oiseaux lui apparaîtront et de quel côté[14]. Le côté droit est d’un heureux augure, le gauche, au contraire, annonce un issue funeste. En outre, celui qui consulte le sort doit régulièrement tourner le visage vers le nord, de manière à avoir le levant à droite et le couchant à gauche[15], mais cette loi n’est pas absolue : on pouvait n’avoir pas d’égard aux points cardinaux, et dans ce cas les signes qui se présentaient à droite étaient toujours favorables, qu’ils vinssent de l’orient ou de l’occident, du nord ou du midi. Il était permis aussi de calculer la droite et la gauche, non d’après la position de l’observateur, mais en prenant le soleil pour point de comparaison[16]. On sait assez que la religion grecque manquait, dans son ensemble, d’unité systématique, et laissait le champ libre aux vues les plus opposées ; il n’y a donc pas lieu de s’étonner que l’Oionoscopie ait été aussi appliquée diversement, suivant les lieux. Une fois les oiseaux adoptés comme les messagers et les interprètes des dieux, il était tout simple qu’on ‘ne leur attribuât pas ce rôle seulement lorsqu’on réclamait leur entremise et qu’un pronostic fût attaché, en certaines circonstances, à leur apparition, alors même qu’ils n’avaient pas été appelés. Il était naturel aussi que l’on distinguât, les espèces des oiseaux[17], que l’on tint compte de la façon dont ils s’offraient aux regards, que l’on cherchât des indices dans leur voix et dans toute leur apparence extérieure, aussi bien que dans leur vol[18]. Les oiseaux de proie qui s’élevaient le plus haut, et qui volaient isolément, ce qui les avait fait appeler οίωνοί, de οΐος seul, étaient ceux auxquels on attachait le plus d’importance[19], si bien que cette appellation, de même que όρνις, désigne tous les oiseaux dont on faisait cas, au point de vue de la divination, et s’applique même à des présages d’une tout autre nature[20]. L’aigle, roi des oiseaux, est aussi le messager du roi des dieux. Lorsque Priam se met en route pour aller réclamer à Achille les restes d’Hector, il invoque Zeus en ces termes : Envoie-moi un messager rapide, celui d’entre tous les oiseaux que tu aimes le mieux, et dont la force est la plus grande, et qu’il m’apparaisse à droite, afin que ce présage m’affermisse dans la résolution de me rendre aux vaisseaux des Grecs. Zeus exauce sa prière et lui envoie un aigle qui, en effet, apparaît à droite[21]. Athéna ordonne à un héron de voler, comme un augure favorable, à la droite d’Ulysse et de Diomède, lorsqu’ils se préparent à faire une incursion nocturne dans le camp des Troyens[22]. L’autour, le faucon et le vautour sont les oiseaux dont les noms reviennent ailleurs le plus souvent. Le dernier est même désigné spécialement par les grammairiens sous le nom d’οίωνός[23]. Tous fournissaient des pronostics dignes d’attention, tant par le fait de leur apparition à droite ou à gauche, que par la scène qu’ils offraient aux regards. Ainsi l’aigle qui plane au-dessus des Grecs et laisse tomber sur l’autel le faon qu’il porte dans ses serres est un heureux présage[24] ; il en est tout autrement de celui qui se montre à Hector, luttant dans les airs contre un serpent qui lui déchire le cou et la poitrine, et forcé de lâcher sa proie[25]. D’autres oiseaux, corbeaux, corneilles ou roitelets, révèlent l’avenir surtout parle son de leur voix[26], d’où est née la légende dés anciens devins Mopsus et Mélampus, qui, dit-on, comprenaient le langage des oiseaux[27]. A propos de Tirésias, Æschyle emploie l’expression de οίωνών βοτήρ[28], c’est-à-dire nourricier des oiseaux fatidiques, qui pourrait faire soupçonner, ce qui n’est, à vrai dire, confirmé par autan témoignage, que l’on entretenait des oiseaux en vue des pratiques divinatoires, afin de les avoir sous la main, comme à Rome les poulets sacrés des Pullarii[29]. Après les oiseaux, les indices célestes les plus accrédités étaient les phénomènes météorologiques (διοσημίαι). Cette croyance n’est pas non plus difficile à expliquer. Un coup de tonnerre, un éclair à droite ou à gauche inspiraient, art début d’une entreprise, ou la confiance dans le succès ou la crainte d’un échec. Les Pythaïstes Athéniens qui se préparaient à aller consulter l’oracle d’Apollon se plaçaient près de l’autel de Zeus Astrapaios et de là portaient leurs regards dans la direction d’Harma, sur le mont Parnès, attendant qu’un éclair les autorisât à se mettre en route[30]. A certains moments, les éphores de Sparte observaient le ciel durant une nuit sereine, mais sans lune, et `s’ils apercevaient une étoile filante, c’était la preuve que les rois avaient encouru la colère céleste, auquel cas ils les suspendaient, jusqu’à ce que l’oracle de Delphes eût définitivement prononcé. Les éclipses de soleil ou de lune, les comètes et d’autres phénomènes de même nature sont rangés parmi les prodiges qui frappaient les esprits d’effroi ; nous y reviendrons plus tard. Mais les prédictions tirées de la position des astres, l’horoscope calculé d’après le thème de la nativité ; les jours heureux ou malheureux suivant la position respective des corps célestes, tout ce qui a trait à la divination astrologique était pour les Grecs, durant la période florissante de l’hellénisme, une chose presque complètement inconnue. Hérodote[31] signale comme une doctrine étrangère cette croyance des Égyptiens, que chaque jour du mois subit l’influence du dieu auquel il est consacré, et que du moment où chaque être est venu au monde dépendent sa nature, son sort et la façon dont il doit finir. Hérodote ajoute que des poètes grecs ont fait usage de cette science ; il ne nous en est parvenu cependant que de très rares et très faibles vestiges[32]. Hésiode donne, il est vrai, une liste de jouis favorables ou funestes, mais sans indiquer leur relation avec les astres, et les poèmes attribués à Orphée, où sont formulés, en effet, des préceptes astrologiques, appartiennent à des temps postérieurs. Si, dans le nombre ; quelques-uns ont précédé le règne d’Alexandre, ce qu’il n’est pas plus facile de prouver que de contredire, il faut reconnaître que la doctrine fit peu de progrès. Ce que l’on enseignait, touchant l’influence des astres sur les phénomènes atmosphériques, et par suite sur lei travaux de la terre et sur la navigation, notamment ce qu’en dit Aratus, dans ses Διοσημεΐα, diffère complètement de l’astrologie, qui paraît avoir été exercée pour la première fois, en Grèce, par un prêtre de Babylone, contemporain d’Alexandre, Bérose. Ce personnage obtint un tel crédit par ses prédictions que les Athéniens lui élevèrent, dans un de leurs gymnases, une statue dont la langue était dorée[33]. Depuis, ces pratiques superstitieuses, si elles trouvèrent des adeptes même parmi les philosophes, eurent aussi des détracteurs[34], et jamais elles ne s’établirent à l’état de croyance populaire. La Hiéroscopie, ou divination par les entrailles des victimes, était vraisemblablement aussi d’origine étrangère. Quelque développement qu’elle ait pris dans les siècles historiques, les poésies d’Homère ne nous en montrent aucune trace. On y trouve sans cloute des indications autorisant à croire que l’on tenait compte, dans les sacrifices, des signes qui paraissaient dignes d’attention ; ainsi les prêtres, les sacrificateurs et autres devins sont désignés comme gens à qui l’on peut en confiance demander un conseil[35] ; mais ces signes étaient d’une autre nature que ceux auxquels s’attachaient les Hiéroscopes, et rentraient surtout dans le domaine de l’Empyromantie, dont nous aurons l’occasion de reparler plus loin. Il n’est pas possible de déterminer sûrement à quel âge remonte, chez les Grecs, la Hiéroscopie et de quelle contrée elle leur est venue. Dans Æschyle, Prométhée se vante de l’avoir enseignée aux hommes[36] ; c’est au moins la preuve que le poète considérait cette science comme ayant été mise en pratique de toute antiquité. D’autres en rapportaient l’invention à Delphos, fils de Poseidon et éponyme de Delphes[37], attribution d’après laquelle on serait en droit de croire qu’avant de se répandre en Grèce, elle avait cette ville pour centre, et que l’autorité de l’oracle n’avait pas été sans influence sur ses progrès. Il est probable qu’elle avait été apportée à Delphes par les Ioniens ; Poseidon, père de Delphos, fait en effet songer à cette race. Des rapports essentiels, il est vrai, qui unissaient la Hiéroscopie étrusque et celle des Grecs quelques critiques ont conclu que les Grecs avaient appris cette science des Étrusques[38], mais leur conjecture ne paraît pas justifiée. Il est très probable que les deux peuples avaient puisé à la même source. La divination par les entrailles des victimes était en usage dans l’orient, et rien, n’empêche d’admettre que de ces contrées elle se soit répandue en Grèce, aussi bien qu’en Italie. La confiance dans les présages tirés des entrailles des victimes s’explique naturellement par l’habitude de ne considérer comme agréables aux dieux que les animaux exempts de tout défaut. Cette perfection ne devait pas se borner à l’extérieur, et consister uniquement dans la bonne constitution de tous les membres. Les organes internes fournissaient en partie les morceaux qui devaient être consumés sur l’autel ; on était d’autant plus disposé à leur donner de l’importance. S’y trouvait-il quelque chose d’anormal, d’incomplet ou de défectueux, on se demandait si un tel sacrifice pouvait être agréable à la divinité, si par cela même que le choix était tombé sur un animal sans prix, ou que les entrailles avaient été soudainement atteintes durant la cérémonie, car cela non plus ne semblait pas impossible, le Dieu ne témoignait pas assez qu’il repoussait la victime et refusait de s’associer aux desseins de celui qui l’offrait[39]. Une fois la confiance aux indications de la Hiéroscopie établie sur cette base, on ne tarda pas à entrer dans des détails plus précis et plus minutieux. Les adeptes distinguèrent les différentes parties des intestins, et les anomalies que pouvait présenter chacune d’elles. On réunit dans des recueils les observations et les conséquences probables à en tirer, si bien que l’on finit par construire une école consacrée à la Hiéroscopie, dont les subtilités n’étaient. connues que des adeptes, quoique certains principes rendus vulgaires permissent à tout le monde de distinguer si les victimes répondaient ou non aux conditions voulues. Le foie était le plus important des viscères, non pas seulement parce que l’on pouvait d’un coup d’œil en constater l’état pathologique, mais surtout parce qu’il était considéré comme l’organe essentiel, et que le sang, conducteur de la vie, était censé s’y former, pour se répandre de là dans le reste du corps[40]. Les mentions les plus fréquentes portent sur les lobes du foie ; leur absence ou quelque particularité dans leur conformation était prise soit en bonne soit en mauvaise part[41]. On observait aussi curieusement les portes, c’est-à-dire les vaisseaux placés à l’entrée du foie[42]. Enfin, on examinait sa couleur, sa surface plus ou moins lisse, et tous les accidents qu’il pouvait présenter. Après le foie, venaient la liqueur qu’il secrète, le cœur, la rate, les poumons. Tous les indices que fournissaient ces divers organes avaient des noms particuliers, souvent incompréhensibles pour nous, et qu’il ne vaut pas la peine de citer ici, de même qu’il est inutile de relever tant d’autres singularités de cette science compliquée, et de rechercher ce qui, en dehors des entrailles, était encore un sujet d’observation. Bornons-nous à remarquer que l’on ne faisait pas indifféremment servir à. cet usage toutes les espèces d’animaux. Le gros et le menu bétail, bœufs, vaches et veaux, béliers, brebis et agneaux, sont ceux dont il est le plus souvent question. De l’île de Chypre vint la coutume d’interroger aussi les entrailles des pourceaux. Il ne paraît pas, qu’on l’ait fait jamais pour les chiens[43]. Cet examen n’était pas jugé nécessaire à tous les sacrifices : lorsqu’il s’agissait simplement d’une substitution symbolique, pour les sacrifices expiatoires par exemple, et pour ceux qui accompagnaient les serments, on pouvait s’en dispenser. Il en était de même toutes les fois que l’on ne se proposait pas directement d’éprouver les dispositions bonnes ou mauvaises des dieux ; on n’allait pas cependant, dans ces circonstances, jusqu’à négliger les signes qui se révélaient spontanément. Il semble même que les gens superstitieux ne laissaient passer aucune occasion d’interroger le sort, mais ce n’était que dans les entreprises importantes, en particulier dans les opérations militaires, que l’on s’adonnait spécialement aux pratiques de la Hiéroscopie, soit que l’on franchît les frontières, que l’on traversât un fleuve[44], que l’on embarquât l’armée, ou que l’on se préparât à livrer bataille. Les rois spartiates, lorsqu’ils entraient en campagne, avaient soin d’emmener un certain nombre d’animaux, afin d’avoir toujours sous la main les sujets nécessaires[45], et toutes les armées grecques étaient accompagnées d’un ou de plusieurs devins, que l’État adjoignait au général, ou qu’il laissait à son choix. Rarement le général se décidait à l’attaque, tant que les signes n’étaient pas favorables. A la bataille de Platée, les flèches des alliés des. Perses avaient déjà causé des pertes sensibles dans les rangs des Grecs, lorsque les sacrifices donnèrent des signes de bon augure qui permirent enfin à Pausanias de s’opposer à leurs progrès[46]. Si les indices étaient défavorables, on renouvelait l’épreuve autant de fois que cela était nécessaire, ou l’on suspendait l’expédition en vue de laquelle avait été accompli le sacrifice[47]. Les devins en crédit devaient, d’après cela, exercer une influence considérable sur les dévots. On ne se dissimulait pourtant pas que leurs pratiques pouvaient couvrir des supercheries. Xénophon[48] fait initier Cyrus aux mystères de la Hiéroscopie, pour ne pas le laisser à la merci des devins, suspects d’interpréter les signes dans un sens tout autre que le véritable[49]. En fin de compte, le chef d’armée était toujours maître de consulter les devins quand et comme il lui plaisait de le faire, et de mesurer l’importance qu’il lui convenait de leur donner ; il avait la haute main et, le cas échéant, il ne lui en était pas bien difficile d’établir l’entente avec eux[50]. En dehors des signes offerts par les entrailles des victimes, les sacrifices pouvaient encore en fournir plusieurs autres. On a vu plus haut que la résistance de l’animal, et la nécessité de le traîner à l’autel étaient un pronostic défavorable ; c’était, pis encore, s’il rompait ses liens et s’échappait, ou s’il venait à mourir avant d’avoir été frappé[51]. L’augure était au contraire favorable, s’il marchait de bon gré, et semblait aller an devant de son sort, ce à quoi on avait toujours un moyen de l’aider. On tirait aussi des présages de la manière dont les débris de l’animal étaient consumés sur l’autel, de la flamme plus ou moins vive que jetait le foyer, de la direction que prenait la fumée, et d’autres accidents du même genre[52]. D’après l’assertion d’un grammairien, la queue, qui restait attachée au dos de l’animal, avait aussi sa signification. Si. elle se recourbait en brûlant, on pouvait compter, que les choses n’iraient pas toutes seules ; si elle se tenait horizontale ou pendante, tout était à craindre ; le succès et la victoire étaient au contraire assurés, lorsqu’elle se dressait en l’air[53]. Puisqu’on tenait compte de la façon dont le feu flambait sur l’autel, on devait choisir le bois avec soin. Tout le monde ne s’entendait pas à le disposer habilement, de manière à obtenir une flamme vive, qui donnât un augure favorable[54]. L’interprétation de ces signes rentrait dans le domaine de l’Empyromancie. Il est fait mention aussi de la Libanomancie qui s’appliquait à recueillir des pronostics d’après la façon dont brûlait l’encens et la fumée qu’il exhalait. Pythagore, dit-on, inventa ce mode de divination, ou du moins l’exerça de préférence à tout autre[55]. A la Libanomancie se rattache aussi ce que l’on raconte d’un procédé de divination usité chez les habitants d’Apollonie, en Épire : Le sacrificateur jetait quelques grains d’encens dans le feu souterrain qui brûlait près de la rivière Anas ; si le feu les consumait, le présage était favorable ; lorsque, au contraire, ils restaient intacts, celui qui interrogeait le sort ne devait pas compter sur l’accomplissement de ses désirs. Il était permis en toute occasion de consulter ce feu prophétique, excepté à propos de mort et de mariage[56]. Généralement, les signes qui fournissaient des sujets d’observation à la Hiéroscopie, à l’Empiromancie, à la Libanomancie, étaient des signes obtenus sur demande. On immolait des animaux, et on brûlait de l’encens, afin d’amener les dieux à révéler l’avenir, par tel ou tel indice convenu. Il pouvait cependant arriver que, dans des sacrifices dont le but était autre, il se produisit des signes qu’on ne pouvait laisser passer inaperçus. Ces signes appartenaient à la classe de ceux par lesquels les dieux, à l’occasion d’un sacrifice, manifestaient leurs dispositions, sans en être priés. La même catégorie comprenait les indices qui pouvaient servir d’avertissements dans les circonstances graves, en dehors du cours naturel des choses, indices non moins variés que les objets qui nous entourent. Dans une religion qui d’un côté suppose les dieux disposés à aider les hommes de leurs conseils, et de l’autre considère que tout dans la nature est gouverné par l’action d’une force divine, il. était tout simple que les phénomènes inaccoutumés fussent pris pour des avertissements surnaturels (τέρατα). Ces accidents n’étaient guère que des signes destinés à fixer l’attention, à éveiller l’inquiétude ou l’espérance et, en général, n’étaient pas assez intelligibles pour se passer de commentaires. La pénétration humaine s’exerce à deviner ces énigmes, et le meilleur dans le conseil est aussi le plus sûr interprète de la volonté divine, suivant une pensée d’Euripide qui peut s’appliquer à diverses espèces de Mantique, mais surtout à celle que l’on appelle proprement Tératoscopie[57]. Le devin est sans contredit de bonne foi et rencontre les mêmes dispositions dans le peuple. Il faut bien que l’effet réponde parfois à ses paroles ; mais si souvent aussi le contraire arrive, le besoin de croire est tel que ces démentis passent inaperçus, ou que l’on trouve des expédients pour les expliquer, de manière que le devin ne perde rien de son crédit. Ce don de l’intelligence, qui permet de donner aux phénomènes une interprétation acceptée par la foule, est considéré d’ailleurs comme une faveur céleste. Le devin reconnaît lui-même qu’il n’agit pas par sa propre force, et qu’il est inspiré des dieux, de même que le poète fait honneur à la muse de l’art avec lequel il sait mettre en œuvre les antiques légendes et en composer des poèmes, de même encore que toute supériorité intellectuelle ou physique était pour les anciens une marque de la protection divine. Mais de ce qui, dans le principe, était l’effet d’un heureux génie, se forma peu à peu une doctrine traditionnelle. Certains signes prirent un sens qui se transmit de génération en génération, et ainsi fut constituée une méthode tératologique qui cependant, attendu que les signes ne pouvaient toujours se reproduire identiques dans les mêmes circonstances, laissait encore un champ libre à la perspicacité personnelle[58]. Parmi les accidents merveilleux qui se prêtaient aux, combinaisons des devins, nous en choisirons quelques-uns, afin de faire mieux ressortir ce qui précède. Les phénomènes météorologiques, dont les rares apparitions frappaient vivement ceux qui en étaient témoins, semblaient surtout propres à révéler l’avenir. La victoire des Thébains fut annoncée aux Spartiates par une comète ayant la forme d’une poutre enflammée[59]. Une pierre météorique, qui était tombée du ciel près d’Ægospotamoi, peu de temps avant la défaite des Athéniens, fut considérée comme l’annonce de cet événement[60]. Les éclipses de soleil préparaient les esprits à la guerre, aux luttes intestines, aux mauvaises récoltes ou autres calamités publiques[61]. Une éclipse de lune détermina Nicias à différer son retour de Syracuse, qui eut pu alors le sauver[62]. Un tremblement de terre qui, peu avant la guerre du Péloponnèse, ébranla l’île de Délos, où rien de semblable n’était encore arrivé, fut pris pour un pronostic des événements postérieurs[63]. Lorsque, dans la maison de campagne de Périclès, une corne unique poussa au milieu du front d’un bélier, le devin Lampon interpréta ce signe en disant que Périclès serait un jour seul à la tête de l’État[64]. — A Pédasos, près d’Halicarnasse, il vint de la barbe à une prêtresse d’Athéna ; on en conclut que la ville était menacée d’une calamité, et, à cette occasion, Hérodote assure que le même prodige se renouvela plusieurs fois, et qu’il ne fut jamais trompeur[65]. Dès poissons salés, que faisait griller l’un des gardiens chargés de veiller sur le général perse Artayktès, remuaient sur le feu comme s’ils avaient été vivants ; Artayktès en inféra que le héros Protésilas, dont il avait jadis dépouillé le sanctuaire, revenait à la vie pour se venger[66]. La transpiration de la sueur ou du sang, que l’on a cru observer depuis sur les statues des Saints et de la Vierge, était, dans l’antiquité, connue des devins, et n’annonçait rien de bon[67]. Ce fut aussi un présage funeste, lorsque, à Delphes, une statue dorée de Pallas fut becquetée par des oiseaux qui tirent tomber les fruits du palmier sur lequel était posée la statue[68]. Le superstitieux Théophraste voyait également un pronostic fâcheux dans ce fait que les rats avaient fait une trouée dans son sac de farine[69]. Lorsqu’un chien noir était entré dans une maison étrangère, ou qu’un serpent était tombé du toit dans la cour[70], on était averti qu’il fallait bien se garder ce jour-là d’entreprendre aucune affaire importante. Il en était de même, si les poutres craquaient dans la maison, si on répandait de l’huile, du vin ou de l’eau. Ces accidents intérieurs formaient dans l’art de la Mantique un chapitre à part, désigné sous le nom d’οίωνιστική[71]. Un autre chapitre traitait des pronostics qui se présentent sur les chemins et que l’on rencontre en sortant de chez soi, ou dans le cours d’un voyage (σύμβολοι ένόδιοι)[72]. Timoléon s’était croisé avec des mulets qui portaient de l’ache ; ses soldats prirent peur, parce que cette plante servait à l’ornement des tombeaux ; Timoléon détourna habilement l’augure, en rappelant que l’on couronnait d’ache les vainqueurs aux jeux isthmiques[73]. L’homme enclin à la superstition ne manquait pas, avant de se mettre en route, d’interroger quelque devin qui lui répondait : Si vous rencontrez un voyageur avec telle ou telle apparence, portant tel ou tel objet, tirez-en telle ou telle conséquence[74]. Les instructions de ce genre abondent ; il ne faut donc pas s’étonner si même l’éternuement, le tintement des oreilles, le clignotement des yeux n’étaient pas choses indifférentes ; mais ces bagatelles et autres semblables rentrent dans le domaine de la superstition, beaucoup plus que dans celui de la religion. Elles ne pouvaient trouver crédit qu’auprès des esprits sans culture, et étaient pour les autres un objet de risée, qui ne mérite pas d’être relevé ici. En revanche, nous ne devons pas passer sous silence les voix du sort, appelées φήμαι ou κληδόνες, dont on était, en certaines occasions, disposé à tenir compte, bien que ne les ayant pas sollicitées, et au-devant desquelles on allait aussi parfois[75]. Lorsque Ulysse, de retour à Ithaque, demande à Zeus de lui envoyer, pour L’affermir dans ses projets de vengeance, un mot, φήμη, et un prodige extérieur, τέρας, le dieu exauce sa prière : un coup de tonnerre éclate, et Ulysse entend une vieille femme qui souhaite la mort des prétendants[76]. De même, dans l’assemblée populaire convoquée par Télémaque, le vieil Ægyptios souhaite toutes sortes de prospérités à celui qui la réunie, sans savoir à qui les félicitations s’adressent, et Télémaque en tire un heureux présage[77]. C’est ainsi encore que le spartiate Léotychidès, pressé par les Samiens d’attaquer les Perses à Mycale, ayant demandé à celui qui parlait en leur nom, comment il s’appelait, et celui-ci ayant répondu Hégésistrate, nom qui signifie général d’armée, s’écria : J’en accepte l’augure, δέχομαι τόν οίωνόν[78]. On crut entendre également une voix du sort dans ces mots par lesquels la prêtresse d’Athéna arrêta sur le seuil du temple le roi Cléomène : Il n’est pas permis aux Doriens d’entrer ici[79], et dans ces paroles de la Pythie à Alexandre, lorsque ce prince voulut la contraindre à monter sur le trépied en dehors des moments oit elle rendait ses oracles : Tu es irrésistible[80]. — Il existait dans quelques contrées des sanctuaires où, en accomplissant certaines cérémonies, on demandait aux dieux la faveur d’une parole prophétique, comme par exemple à Phase, en Achaïe. Sur la place de cette ville, devant une statue d’Hermès, était placée une table de pierre servant aux sacrifices, à laquelle étaient attachées trois lampes. Celui qui voulait consulter le Dieu venait le soir ; il brûlait de l’encens sur la table, remplissait les lampes d’huile, les allumait, plaçait devant la statue une pièce de monnaie et lui glissait sa question dans l’oreille. Il traversait ensuite la place en se fermant les oreilles avec les mains, et ne les ouvrait, qu’après en être sorti. Le premier mot qu’il entendait était la réponse qu’il était venu chercher[81]. On procédait de même à Thèbes, sur l’autel d’Apollon Spodios. Enfin on voyait tout proche de Smyrne un sanctuaire consacré aux κληδόνες[82], sur lequel nous ne possédons aucun autre renseignement. Déméter est désignée comme la divinité qui se prêtait à ce mode de communications[83]. Plus fréquente encore était l’application du sort à la Mantique (κληρομαντεία)[84]. Sous quelque forme que le hasard se produisît, la Cléromancie reposait toujours sur cette croyance que les dieux, si on les en prie bien, arrangeront les choses en apparence fortuites, de manière à ce qu’elles répondent aux questions des intéressés. A Bura, en Achaïe, Héraclès avait une grotte pour sanctuaire ; ceux qui venaient le consulter, après avoir fait une prière, prenaient des dés marqués de caractères différents, dont il y avait toujours un grand nombre devant la statue du Dieu, en jetaient quatre sur la table et allaient chercher sur un tableau le s9ns des signes dont ils étaient empreints[85]. Ailleurs on faisait servir, en guise de dés, des cailloux de formes et de couleurs diverses. Ce procédé de divination était également en usage dans le temple de Delphes, où la Pythie, comme on sait, ne rendait ses oracles qu’à certains moments. On le faisait remonter aux temps les plus reculés, et on en attribuait l’invention, soit à Athéna, soit à trois nymphes nommées Θριαί et désignées comme les nourrices d’Apollon[86]. Dans un des hymnes homériques, il est dit qu’Apollon se désista de ses droits à ce genre de divination en faveur d’Hermès[87]. Le nom de Θριαί rappelle sans cloute le nombre des cailloux dont on se servait. — A Dodone, la Cléromancie avait aussi sa place marquée entre beaucoup d’autres pratiques divinatoires que nous aurons l’occasion d’examiner plus loin[88] ; on peut même dire qu’elle y était le mode le plus, ancien et le plus répandu[89]. La confiance qu’elle inspirait n’était pas d’ailleurs plus absurde que celle avec laquelle beaucoup de gens, qui n’appartiennent pas toujours à la classe illettrée, s’adressent à des tireuses de cartes. — Il y avait encore beaucoup d’autres moyens, plus ou moins bizarres, de démêler les secrets de l’avenir ; nous devons nous borner à les signaler rapidement, tous les détails dans lesquels nous entrerions à ce sujet ne pouvant aider à faire mieux connaître l’état religieux de la Grèce, pas plus que de nos jours, les superstitions idiotes qui ont cours parmi les classes inférieures de la société n’intéressent l’histoire religieuse et ecclésiastique. A cette catégorie appartient la Kaskinomantie ou l’art de prédire l’avenir avec un sas ; c’était un moyen de découvrir les voleurs, de se renseigner sûr les chances que l’on pouvait avoir de plaire, et de guérir les vaches malades[90]. Puis viennent l’Aleucomancie, l’Alphitomancie et la Krithomancie qui consistaient à examiner certains signes sur de la farine ou des grains d’orge que l’on jetait au feu[91]. Dans l’Ooscopie, on observait, en tenant un œuf au-dessus de la flamme, la façon dont il éclatait et la transpiration qui se produisait à lune ou l’autre extrémité, mode de divination sur lequel il existait un poème orphique[92]. Dans l’Alektrinomancie, après avoir disposé sur le sol des grains de blé, figurant des lettres ou des mots, on amenait des poulets et l’on observait la place occupée par les grains qu’ils choisissaient[93]. La divination par l’anneau était aussi un procédé ingénieux : on plaçait sur une table consacrée par diverses cérémonies et formée de branches de laurier entrelacées un plat composé de divers métaux, au bord duquel, et le dépassant un peu, étaient rangées à intervalles égaux les vingt-quatre lettres de l’alphabet. Au-dessus du plat, on avait suspendu un anneau que l’on faisait osciller et l’on examinait les lettres auxquelles il s’arrêtait[94]. Enfin les anciens mettaient encore en pratique d’autres combinaisons, dont les noms seuls nous sont connus. De ce nombre étaient la Spondylomancie, peut-être la divination par les osselets, et l’Hydromancie[95]. On ne se faisait pas faute non plus de chercher la révélation de l’avenir dans la main (Chiromancie) ou dans les traits du visage (Métoposcopie, Morphoscopie)[96]. Nous ne trouvons guère mention de ces divers procédés que dans les écrivains de la décadence ; s’il arrive aux auteurs classiques de les citer, ce n’est jamais qu’avec dédain. Artémidore, qui faisait profession d’interpréter les songes, au IIe siècle de l’ère chrétienne, ne veut pas lui-même en entendre parler[97]. Et cependant ces extravagances avaient trouvé dès lors et trouvèrent surtout bientôt après de nombreux adhérents, jusque chez les esprits cultivés et les soi-disant philosophes, qui trouvaient moyen de les faire entrer dans leur Démonologie et leur Théosophie[98]. Nous abordons maintenant la divination naturelle, ainsi dénommée parce qu’elle s’applique aux révélations divines que l’âme reçoit, sans les provoquer, dans le rêve ou dans l’extase. L’homme considère qu’il est, durant le rêve, soumis à une puissance surhumaine il entrevoit des pensées et des images flottantes, qui, il en a la conscience, ne lui sont pas venues par les voies ordinaires, à l’occasion d’objets réellement perçus, ou n’ont pas été créées par sa propre activité ; c’est là une croyance si générale et si naturelle que, même durant les siècles les plus éclairés, depuis que l’on a pu se rendre compte de l’origine véritable des songes, on a continué à voir dans un grand nombre de ces visions des suggestions étrangères ou du moins les effets d’une surexcitation de l’âme qui, maîtrisée dans la veille, mais affranchie durant le sommeil, permet de contempler ce que ne pouvaient voir les yeux ouverts. Chez l’homme éveillé, lisons-nous dans un écrit attribué à Hippocrate[99], l’âme est enchaînée par le corps ; répandue dans tous les membres, elle n’est, en réalité, présente nulle part. Pendant le sommeil, au contraire, elle se concentre et peut agir par elle-même avec toute l’intensité de ses forces[100]. Platon est aussi d’avis que dans le sommeil la partie intellectuelle de l’homme a, sous certaines conditions, la faculté de reconnaître le vrai, tout en avouant que si ces conditions ne sont pas remplies, et si les parties déraisonnables de l’âme dominent, l’homme est lé jouet des rêves sans vérité et sans raison. Aristote[101] n’admet pas que les rêves nous soient envoyés par les dieux ; il croit cependant qu’il y en a de véridiques, et que certaines âmes y sont plus prédisposées que d’autres. Un médecin contemporain, Hérophile, professait, au contraire, qu’il y a des rêves de provenance divine, et les distinguait de ceux qui s’expliquaient par des causes naturelles[102]. Les préjugés populaires établissaient aussi une différence entre les songes vains et les songes prophétiques. Homère déjà nous apprend que deux portes donnent passage aux songes, l’une d’ivoire pour les songes qui égarent les hommes, l’autre de corne pour ceux qui méritent leur confiance[103]. Une classe spéciale de, démons étaient en possession de créer les visions nocturnes. La Théogonie d’Hésiode les appelle les enfants de la Nuit, et l’Odyssée leur assigne pour séjour la région située à l’extrême occident, près de l’entrée du monde souterrain[104] ; Euripide leur donne pour mère la Terre, Χθών[105]. Des poètes postérieurs en font les fils du Sommeil, Ύπνος, et désignent quelques-uns d’entre eux par des noms distincts. On cite en particulier Morpheus, qui se présente toujours sous la figure humaine, sauf à changer souvent d’aspect ; Ikélos, susceptible de revêtir toutes les formes d’animaux et appelé aussi Phobétor, Phantasus qui reste toujours à l’état d’objet inanimé[106]. Les dieux d’en haut ont autorité sur ces démons, et expédient tantôt l’un, tantôt l’autre vers les hommes. Au second livre de l’Iliade, Zeus envoie à Agamemnon le songe trompeur, cause de tant de désastres[107]. Souvent il arrive que les dieux, à qui rien n’est impossible, créent exprès une image εϊδωλον, et la font apparaître durant le sommeil[108], ou qu’ils ne dédaignent pas de pénétrer eux-mêmes, sous une forme empruntée, dans la demeure d’un homme endormi[109]. Les âmes des morts peuvent aussi se rendre visibles en rêves, tant qu’ils ne sont pas parvenus dans le royaume d’Hadès, c’est-à-dire tant que leur dépouille mortelle n’a pas reçu les honneurs funèbres[110]. Toutes ces imaginations en cours aux temps homériques se conservent plus tard dans les croyances populaires, et les révélations par les rêves continuent à se reproduire de plus d’une manière : tantôt un fantôme s’adresse à l’homme plongé dans le sommeil et lui dit ce qu’il veut lui faire savoir, tantôt les événements se déroulent dans le rêve, tels qu’ils doivent s’accomplir plus tard ou s’annoncent par des allusions symboliques. Pénélope songe qu’un aigle a mis à mort toutes les oies qui peuplent sa basse-cour, et bien que l’aigle ait pris soin de déclarer qu’il n’est autre qu’Ulysse et que les oies figurent les Prétendants, cette princesse, dès qu’elle est éveillée, ne juge pas inutile de demander à un homme sage ce qu’il en pense[111]. Les songes qui s’expliquaient d’eux-mêmes tant bien que mal étaient nécessairement rares ; il fallait donc bien recourir à des interprètes. C’est ainsi que Cimon ayant rêvé qu’une lice aboyait après lui et lui disait d’une voix humaine : Tu deviendras mon ami et celui de mes petits, interrogea son devin et en obtint pour réponse que c’était un présage de mort prochaine, attendu qu’un chien se montre l’ennemi de l’homme contre lequel il aboie, et que ce qu’on peut faire de mieux pour un ennemi, c’est de mourir[112]. Quand Socrate, après sa condamnation, entendit en songe une femme lui adresser ce vers d’Homère : Tu verras dans trois jours les fertiles campagnes de Phthie, il en conclut de lui-même qu’il n’avait plus que trois jours à vivre[113]. La mère de Phalaris rêva qu’une statue d’Hermès laissait tomber du sang de la coupe qu’elle tenait à la main et que la maison avait fini par en être inondée ; on reconnut plus tard que ce pronostic annonçait le règne sanglant de son fils[114]. L’interprétation des songes, aussi bien que celle des prodiges, exigeait un esprit pénétrant ; on croyait cependant que certaines règles fournies par l’expérience pouvaient servir de fil conducteur, et ainsi l’Onéiromantie devint un art comme la Tératologie. Même dans le Livre des Songes attribué à Hippocrate, on trouve çà et là quelques préceptes sur les conséquences à tirer de telle ou telle vision[115]. Mais le premier traité spécial sur la matière, dont nous ayons connaissance, est l’œuvre d’un certain Antiphon, contemporain de Socrate[116]. Vers le même temps, un petit-fils d’Aristide, Lysimaque, composait un tableau, πινάκιον όνειροκριτικόν, à l’aide duquel il expliquait les songes, moyennant salaire[117]. Plus tard, on vit éclore divers ouvrages sur le même sujet, dont un, qui date des règnes d’Adrien et des Antonins, nous a été conservé sous le nom d’Artémidore[118]. De même que l’on croyait voir dans les songes les inspirations d’êtres supérieurs ou les effets d’une surexcitation de l’âme, on fut amené à penser que des hommes privilégiés pouvaient posséder le don de double vue à l’état de veille et démêler le sens des choses cachées, d’une manière plus ou moins claire et précise. De tout temps et partout il a existé des visionnaires qui voyaient ou entendaient avec les yeux ou les oreilles de l’esprit ce qui ne tombe pas sous les sens dans les circonstances ordinaires. Ils paraissaient devoir leur lucidité, tantôt à l’énergie de l’âme délivrée de ses entraves et passée à l’état extatique, tantôt à l’action de puissances surhumaines. Il en fut ainsi en Grèce, et ce mode de divination, qui était, en effet, la Mantique par excellence, y fut toujours prisé plus haut que l’Oionistique et la Hiéroscopie[119]. La source d’où émanaient la plupart de ces inspirations, sinon toutes, était Apollon, le dieu de la lumière, qui éclairait aussi les âmes[120]. Il ne présidait pas seulement aux oracles de Delphes et d’autres sanctuaires, où les prophéties étaient un effet de l’extase ; le Calchas d’Homère, bien que les symptômes de cet état psychologique ne soient pas sensibles chez lui, relève aussi d’Apollon ; c’est à lui qu’il demande de l’inspirer. Cassandre, dans Æschyle, est possédée du Dieu, θεοφόρητος, et animée, en dépit d’elle-même, du souffle fatidique[121]. Les vierges connues sous le nom de Sibylles, qui habitaient des grottes humides et profondes d’où l’on percevait le son de leur voix, et que la légende transporte à travers le temps et l’espace, étaient à coup sûr étroitement unies à d’autres personnages de la fable, mais elles étaient surtout en rapport intime avec Apollon[122], Aux Sibylles répondent les Bacides, personnification mâle de la vertu divinatrice. Les Bacides habitaient les grottes et les eaux, ce qui leur a valu d’être considérés comme les interprètes des Nymphes ; tel est, en effet, le sens de leur nom. De même que les Sibylles, on les fait voyager à travers différentes contrées[123]. On attribuait aux Sibylles et aux Bacides de nombreux oracles dont on se vantait de posséder des recueils manuscrits, et dont on tenait grand compte, chaque fois que l’on pouvait trouver quelque rapport entre les prédictions et les événements. D’autres collections de même nature étaient dues à d’anciens prophètes : à Musée, fils d’une nymphe ou de Séléné[124] ; à Lycos, fils du roi d’Athènes Pandion[125] ; à Laios, roi de Thèbes[126] ; à Eucloos de Cypre, peut-être encore à d’autres[127]. On sait que chez les Romains un recueil d’oracles sibyllins était placé sous la garde de l’État, pour être consulté dans les occasions importantes. Si l’usage de ces collections n’était pas général chez les Grecs, plusieurs exemples prouvent au moins qu’il ne leur était pas étranger. Les Pisistratides en conservaient une dans l’Acropole, qu’ils abandonnèrent en fuyant, et qui, trouvée par le roi de Sparte Cléomène, fut transportée à Sparte[128]. Les Spartiates possédaient en outre un recueil contenant au moins des oracles pythiques, dont les rois avaient confié la garde aux Pythiens ou Poithéens. Dans un fragment d’Euripide, il est question, probablement à Argos, d’un grand nombre de livres remplis de sentences dues à Apollon Loxias[129]. Le faux prophète de Lucien, Alexandre, consignait les réponses de son dieu, dans un livre où il était suspect de remplacer celles que l’événement n’avait pas confirmées par d’autres mieux en rapport avec les faits[130]. Il est permis même de supposer que, ailleurs aussi et longtemps auparavant, il y avait eu des exemples de cette fraude pieuse. En dehors des recueils officiels, confiés à la vigilance de l’État ou des prêtres, il y avait une quantité de collections privées, dont les possesseurs expliquaient tant bien que mal la provenance, et qui leur fournissaient des réponses à l’usage des croyants. A ces diseurs de bonne aventure appartient surtout le nom de χρησμολόγοι, bien que souvent aussi on désigne par là ceux qui n’allaient pas chercher leurs prédictions dans les livres, mais qui se donnaient eux-mêmes pour inspirés (θεμάντεις) et puisaient leurs révélations dans un commerce direct avec la divinité[131]. C’était le cas d’Amphilytus que Platon rapproche de la Sibylle et du Bakis. Lorsque Pisistrate retournait d’Érétrie dans l’Attique, Amphilytus se plaça sur son chemin, et sous le coup d’une inspiration divine, ένθεάζων, comme dit Hérodote, lui adressa une sentence prophétique en vers hexamètres[132]. Lysistratus, cité également par Hérodote, et qui, longtemps avant les guerres médiques, annonça aussi en hexamètres là bataille de Salamine, ne paraît pas non plus avoir emprunté sa prédiction à un livre d’oracles, mais en être lui-même l’auteur[133]. Au contraire Diopeithès qui, au temps d’Agésilas, mit, par quelques vers, les Spartiates en garde contre un règne boiteux, avait en sa possession un grand nombre d’oracles antiques. Il passait d’ailleurs pour être lui-même très versé dans les choses divines[134], et les gons sceptiques le traitaient volontiers de fou et de visionnaire[135]. Il se fit un mélange des deux méthodes : Un grand nombre de chresmologues prophétisèrent, tantôt d’après un livre, tantôt en donnant cours à leur propre inspiration. Ils commentaient aussi les oracles, qui souvent affectaient une forme énigmatique[136], et faisaient entre temps métier d’interpréter les signes, quoique cette industrie n’eût, à proprement parler, rien de commun avec la Chresmologie. Plusieurs passages d’Aristophane[137], qui mettent en scène des hommes adonnés à cette profession, noirs permettent d’apprécier l’idée que s’en faisaient les esprits éclairés, et qui naturellement n’était pas celle de la multitude ; il faut tenir compte toutefois de ce que ces portraits sont des caricatures. L’origine et le développement des prophéties que l’on rattachait aux Sibylles, aux Bacides et autres devins des temps préhistoriques, appartiennent à la période de la civilisation hellénique dans laquelle les principes traditionnels ne peuvent plus suffire au peuple, et où il cherche des satisfactions. nouvelles à clé nouveaux besoins[138]. Les tendances qui, au VIIe siècle avant notre ère, provoquèrent partout des efforts en vue d’obtenir des constitutions civiles moins imparfaites firent souhaiter aussi, en matière religieuse, une intervention plus effective de la Providence dans les choses humaines. Le même besoin de croire, qui permit à un Epiménide de gagner de la considération et de l’influence avec son système sévère de purifications et d’expiations, prépara aux prédictions des Chresmologues un auditoire complaisant, en même temps qu’elle assurait aux sanctuaires des oracles une action plus réelle et plus dominatrice. Parmi les écrivains classiques de la Grèce, il n’en est pas qui pousse la crédulité plus loin qu’Hérodote. Tous ses récits semblent avoir pour objet de prêcher le respect des oracles et des prophéties ; il peut, en fait de tendances superstitieuses, être comparé aux historiens juifs. Xénophon aussi est crédule ; non seulement il accomplit scrupuleusement en campagne les pratiques de la Hiéroscopie, mais il ne perd pas une occasion de raconter ses rêves, pour peu qu’ils offrent d’intérêt. — A l’extrémité opposée se place Thucydide, l’esprit le plus indépendant, l’historien le plus ami de la vérité que l’antiquité ait produit. La même opposition qui existe entre Thucydide et Hérodote se retrouvait dans la foule avec des nuances diverses. Il y avait des croyants superstitieux et des croyants éclairés ; il y avait aussi des contempteurs de toute croyance religieuse par légèreté ou par passion., La plupart des Chresmologues ne pouvaient d’ailleurs prétendre à l’estime clés hommes judicieux. Beaucoup ne croyaient pas eux-mêmes à la prétendue science qu’ils professaient, et abusaient de la crédulité populaire, pour rançonner ceux qui prêtaient l’oreille à leurs discours, car leurs prédictions étaient loin d’être gratuites : La race des devins, dit Sophocle, est toujours amoureuse de l’argent[139]. Æschyle parle de prophètes menteurs qui implorent la pitié de porte en porte, sous prétexte de débiter leur marchandise[140]. Enfin, il est question dans Hérodote de gens qui voyageaient au loin et s’étaient fait de l’art de prédire l’avenir une industrie lucrative[141], se ravalant ainsi au rang des mendiants qui expliquaient les rêves moyennant deux oboles[142], et des personnages de même volée, que nous avons mentionnés ci-dessus. A ces faiseurs de dupes nous devons encore en adjoindre d’autres, doués au moins d’une aptitude qu’il n’est pas donné à tout le monde d’acquérir, je veux parler des Ventriloques (Έγγαστρίμυθοι). Un de ces bateleurs nommé Euryclès, qui exerçait son industrie à Athènes au temps d’Aristophane, persuadait aux badauds qu’un être surnaturel parlait en lui, sans que lui-même eût la peine d’ouvrir la bouche[143], d’où vint que, par la suite, on donna à ses imitateurs le nom d’Εύρυκλεΐς ou d’Ευρυκλεΐδαι ; plus tard, ils s’appelèrent aussi Πύθωνες, par allusion au démon qui s’agitait au dedans d’eux[144]. Quel que fût le discrédit où étaient justement tombés les charlatans, la foi générale en une divination cligne de ce nom n’en fut pas ébranlée. Non seulement les sanctuaires des oracles, et avant tout celui de Delphes, ne perdirent rien dans l’estime publique et continuèrent à être consultés tant par les États que par les particuliers, mais on eut toujours recours, pour les affaires privées et pour les affaires publiques, à la Hiéroscopie et aux autres modes d’interprétation. On a vu plus haut que jamais une armée n’entrait en campagne sans emmener quelques devins de l’ordre des Hiéroscopoi, pour assister les généraux dans les cérémonies religieuses. Tantôt le devin est seul, tantôt il y en a plusieurs ; quelquefois ils accomplissent eux-mêmes le sacrifice, quelquefois aussi ils se bornent à étudier, suivant les règles de l’art, les signes de la volonté divine que présentent les sacrifices offerts par les chefs[145]. A Sparte, des devins faisaient toujours partie de la δαμοσία, c’est-à-dire de la suite des rois entretenue aux frais du public[146]. L’histoire de Péléen Tisaménos, à qui les Spartiates accordèrent, non seulement pour lui mais pour son frère, le droit de cité dont aucun étranger n’avait jamais joui, disait-on, atteste le prix qu’ils attachaient à posséder quelque devin célèbre[147]. Une statue fut élevée à Delphes, dans le sanctuaire du Dieu-prophète, en l’honneur du devin Abas, qui se tenait aux côtés de Lysandre, à la bataille d’Ægospotamoi[148]. Souvent, si ce n’est habituellement, des devins prenaient part aux délibérations de la Gérousia[149]. Chez les Athéniens, nous trouvons le collège des trois Exégètes dont, malgré l’absence de témoignages formels, on peut affirmer qu’ils étaient consultés par l’État, aussi bien que par les particuliers, sur la portée des prodiges et sur le sens souvent obscur des oracles. De ce collège faisait sans doute partie Lampon, qui obtint la faveur d’être nourri dans le prytanée et figure parmi les dix commissaires à qui l’on demanda conseil pour la fondation de Thurii[150]. Il n’existe, d’ailleurs, aucune trace certaine d’interprètes des signes, revêtus chez les Athéniens d’un caractère officiel. La Mantique était exercée librement, à leurs risques et périls, par tous ceux qui en connaissaient les secrets et qui inspiraient confiance au public, comme cela se pratiquait déjà au temps d’Homère[151]. Il est question dans Isocrate d’un personnage à qui un devin de ses amis avait transmis, avec ses livres, les préceptes de son art, et qui avait fait en voyageant de fort bonnes affaires[152]. Cette industrie était si lucrative que l’État, l’assimilant à d’autres commerces, la frappa d’un impôt. Nous savons qu’il en était ainsi à Byzance, et nous pouvons considérer le fait comme vraisemblable pour Athènes et pour d’autres cités[153]. Il y avait, en certains pays, des familles qui s’attribuaient une vocation spéciale pour la Mantique, et chez lesquelles l’art d’interpréter les signes de la volonté céleste, et les facultés que cet art suppose, étaient considérées comme des dons héréditaires, dont l’origine remontait à quelque ancêtre mythologique. Telle était la gens des Iamides ; à Élis, dont faisait partie Tisamène, cité plus haut et, à laquelle se rattachaient les Klytiades et les Telliades[154]. Cette gens avait des ramifications en dehors’ de l’Élide, par exemple à Mantinée, à Crotone, à Sybaris, à Syracuse. C’est à elle qu’appartient, sans aucun doute, le devin Tellias, qui, ne à Élis antérieurement aux guerres médiques, alla vivre en Phocide, et rendit de grands services aux habitants de celte contrée, dans leurs guerres contre lès Thessaliens[155]. Il existait également en Acarnanie une gens vouée à la divination qui, sans doute, tirait son origine d’Acarnan, l’éponyme du pays, lequel descendait lui-même des célèbres devins Melampus et Amphiaraüs. C’était aussi un devin d’Acarnanie, ce Mégistias, qui se trouvait aux Thermopyles, et qui, congédié par Léonidas, s’obstina à rester, pour mourir avec les héroïques compagnons de ce prince[156]. Amphilytus, qui annonça à Pisistrate l’heureuse issue de ses projets, était aussi acarnanien, mais parait avoir vécu dans Athènes, confondu avec les Métèques[157]. Enfin, Hésiode, à qui l’on attribuait plusieurs poèmes ayant trait à la divination, un entre autres sur Mélampus, passe pour avoir appris cet art en Acarnanie[158]. Arrien parle aussi d’une ou plusieurs familles établies à Telmissus ou Telmessus en Lycie, dont tous les membres, y compris les femmes et les enfants, cultivaient avec succès l’art divinatoire[159]. Ils se vantaient de remonter à Telmissus, fils d’Apollon, et à la fille du troyen Anténor, que le Dieu avait gratifiée du don de prophétie[160]. Le plus célèbre entre les devins de Telmissus est Aristander[161], qui servit successivement Philippe et Alexandre, et est cité comme l’auteur d’écrits sur l’Onicromancie et sur les prodiges[162]. Les devins de cette gens paraissent aussi avoir exercé leur industrie en nomades et s’être adonnés surtout à l’interprétation des songes[163]. Pour en finir, il y avait en Sicile, sur le mont Hybla, une famille de devins, les Galéotes, qui prétendaient remonter aussi à un fils d’Apollon[164] ; mais ils sont expressément signalés comme n’étant pas d’origine hellénique[165]. Leur nom même n’est pas grec et n’autorise pas à supposer qu’ils aient fait servir, comme on l’a dit, les lézards (γαλεώται) à leurs pratiques divinatoires[166]. |
[1] Plutarque, de Ei apud Delphos, c. 1.
[2] Alcée, cité par Himérius, Or. XIV, c. 10 ; cf. Matthiæ, dans son édition d’Alcée, p. 23.
[3] Dans un vers de Pindare, cité par le scholiaste (Pythiques, IV, v. 4). Cf. Homère, Odyssée, XVI, v. 403, et Hymne à Apollon, v. 75 et 115.
[4] Xénophon, Memorab., I, c. 1, § 6, et Anabasis, III, c. 1, § 5 ; Cicéron, de Divinatione, I, c. 45,
[5] Platon, Convivium, p. 188, C.
[6] Cicéron, de Divinatione, I, c. 38, et II, c. 49. Voy, aussi Wachsmuth, die Ansichten der Stoiker ueber Mantik und Dæmonen, Berlin, 1860.
[7] Plutarque, de defectu Oraculorum, c. 7 ; Athénée, V, c. 60, p. 219.
[8] Plutarque (ou plutôt Porphyre) de Vita Homeri, c. 212. Cf. Cicéron, de Divinatione, I, c. 18.
[9] Platon, Phèdre, p. 244 C, avec les remarques de Ast, p. 279 ; Euripide, les Bacchantes, v. 299. Voy. aussi Davisius, ad Ciceronem, de Divinatione, I, c. 1 ; Curtius, Griech. Etymolog., t. I, p. 1129 ; Welcker, Gœtterlehre, t. II, p. 10. Sur la différence entre les mots μάντις et προφήτης, on peut consulter Platon, Timée, p. 72 B, avec les remarques de Stallbaum.
[10] Olympiques, VIII, v. 41 (53).
[11] Homère, Odyssée, III, v. 173. On peut voir aussi dans l’Iliade (XXIV, v. 292 et 310) des exemples de présages accordés par les dieux sur demande.
[12] C’est pourquoi les vautours par exemple sont appelés, dans Æschyle (Agamemnon, v. 58), les μέτοικοι des dieux, μέτοικοι ou μετανάσται ; voy. sur cette explication, la seule admissible, Schœmann, Opusc., t. IV, p. 157.
[13] Ion, dans la tragédie de ce nom d’Euripide, v. 183, les qualifie par ces mots τούς θεών άγγέλλοντας φήμας θνατοΐς.
[14] Οίωνιστήριον, d’après Denys d’Halicarnasse, ars Rhetor., I, c. 86 ; οίωνοσκοπεΐον, dans Pausanias, IX, c. 16, § 1 ; θώκος όρνιθοσκόπος, dans Sophocle, Antigone, v. 1012.
[15] Voy. Nitzsch, dans ses notes sur l’Odyssée, t. I, p. 92.
[16] Voy. Davisius, ad Ciceronem, de Divinat., II, c. 39 ; Artémidore, Onirocrit., II, c. 36.
[17] Antoninus Liberalis (Métam., p. 207, 219 et 221, éd. Westermann) donne quelques indications sur les oiseaux de bon et de mauvais augure, d’après l’Ornithogonie de Boios.
[18] Æschyle, Prométhée, v. 480.
[19] Telle était du moins l’opinion des anciens. Suivant Curtius, Griech. Etymol., p. 359, le mot οίωνός serait dérivé de όϜι équivalent de avi, avec addition d’un suffixe.
[20] Aristophane, Aves, v. 719. Voy, aussi Iliade, XII, v. 243 ; Hérodote, IX, c. 91 ; Euripide, Oreste, v. 776 ; Xénophon, Anabasis, III, c. 2, § 5 ; on pourrait citer beaucoup d’autres passages.
[21] Iliade, XXIV, v. 310 et suiv.
[22] Iliade, X, v. 274.
[23] Etymolog. magnum, p. 619, 39.
[24] Iliade, VIII, v. 247.
[25] Iliade, XII, v. 200. On peut voir des exemples semblables, Odyssée, II, v. 150, XIV, v. 160 et XV, v. 526 ; Æschyle, les Perses, v. 207, et Agamemnon, v. 110 et suiv. ; Hérodote, III, c. 76.
[26] Plutarque, de Pythiæ oraculis, c. 22, cite le roitelet avec le héron et le corbeau.
[27] Voy. Schœmann, Opusc., t. II, p. 351.
[28] Les Sept contre Thèbes, v. 24.
[29] D’après Bursian (Litter. Centralblatt., 1860, p. 274), le mot βοτήρ ne doit pas être pris à la lettre et veut dire simplement que, dans l’Ornithoskopeion de Tirésias, les oiseaux se rassemblaient autour de lui, comme les troupeaux autour du berger. Mais qu’est-ce qui les attirait ? apparemment la nourriture qu’il leur jetait, comme fait Mélampus dans Apollodore (I, c. 9, § 12, 5). Ce que dit Spanheim, dans ses notes sur Callimaque (Lavacrum Palladis, v. 123, p. 703, éd. Ernesti), que l’on entretenait dans le Prytanée d’Athènes des oiseaux pour les besoins des Oionopoloi, repose sur un passage mal compris du scholiaste d’Aristophane (les Nuées, v. 338).
[30] Strabon, IX, p. 1104 ; Eustache, ad Iliad., II, v. 499. Sur la place qu’occupait l’autel ou έσχάρα de Zeus Atrapaios, voy. Gœttling, Gesamm. Abhandl., p. 113.
[31] Hérodote, II, c. 82.
[32] Voy. Lobeck, Agloaphamus, p. 426 et 127. L’hymne homérique à Arès fait allusion, il est vrai, à la croyance astrologique dans la vertu des planètes, dont chacune est gouvernée par un dieu, mais on ne peut lire ce poème sans y reconnaître le caractère des prétendus hymnes orphiques, ce qui lui assigne une date relativement récente. Eusèbe (Præpar. evang., VI, c. 1) rapporte des oracles astrologiques, empruntés à Porphyre.
[33] Pline, Hist. natur., VII, c. 37 ; Vitruve, IX, c. 4 (2) p. 247, éd. Schneider.
[34] Cicéron, de Divinatione, II, c. 421 et suiv.
[35] Cf., sur les fonctions des θυοσκόοι, Dœderlein, Homer. Glossar., III, p. 345, et Nægelsbach, Homer. Theologic, p. 205.
[36] Prométhée, v. 485.
[37] Pline, Hist. natur., VII, c. 56.
[38] Voy. O. Muller, die Etrusker, t. II, p. 185.
[39] Cicéron, de Divinat., I, c. 52, et II, c. 15.
[40] Cicéron, de Natura Deorum, II, c. 55 ; Pollux, II, c. 213 ; voy. aussi Bœttiger, Kunstmythol., t. I, p. 76 et suiv.
[41] Xénophon, Hellen., III, c. 4, § 45 ; Plutarque, Cimon, c. 18 ; Polyen, IV, c. 20 ; cf. Stallbaum, dans ses Notes sur le Timée de Platon, p. 71 C.
[42] Pollux, II, 250 ; Bœttiger, ibid., p. 78.
[43] Pausanias, VI, c. 2, § 5.
[44] Voy. dans Hérodote (VI, c. 76) le passage où il est question d’un sacrifice offert au dieu du fleuve Erasinos.
[45] Pausanias, IX, c. 13, § 4.
[46] Hérodote, IX, c. 61.
[47] Xénophon, Hellenica, III, c. 1, § 17 ; Plutarque, Aristide, c. 18 ; Arrien, Expéd. Alexandri, IV, c. 4, § 3 ; Thucydide, V, c. 54.
[48] Cyropédie, I, c. 6, § 2. Xénophon lui-même n’était pas étranger à l’art d’interpréter les signes ; voy. Anabase, V, c. 6, § 29.
[49] D’après les Notes sur Démosthène qui portent le nom d’Ulpien (c. Midias, § 115, p. 552), les Hiéropoioi étaient chargés à Athènes de surveiller les devins durant les sacrifices. Mais comme le fait n’est attesté par aucun autre témoignage, il est permis de mettre en doute l’assertion de ce scholiaste en général très négligent.
[50] Platon, Lachès, p. 199 A. Voy. aussi Xénophon, Anabase, I, c. 7, § 18 ; V, c. 6, § 17et 34 : VI, c. 2, § 13 et c. 5, § 2.
[51] Plutarque, Pyrrhus, c. 6.
[52] Eschyle, Prométhée, v, 498 ; Euripide, les Phéniciennes, v. 1261, avec les remarques de Valkenaer ; cf. les Notes de Bœckh sur Pindare (Olymp., VIII, v. 3).
[53] Scholiaste d’Euripide, les Phéniciennes, v. 1262.
[54] Aristophane, la Paix, v. 1026. Les sacrifices dans lesquels ne se présentait sous ces divers rapports aucun symptôme inquiétant étaient appelés ίερά καλά. Dans les passages où à l’expression de ίερά καλά est jointe celle de σφάγια, cette dernière n’a certainement pas trait, comme certains critiques l’ont prétendu, à la façon dont se comportaient les victimes, mais à l’état des entrailles, qui était l’objet principal.
[55] Diogène Laërte, L VIII, c. 20, avec les remarques de Ménage ; Porphyre, Vita Pythag., p. 185, éd. Holstenius.
[56] Dion Cassius, XLI, c. 45.
[57] Μάντις δ'άριστος όστις είκάζει καλώς, passage cité par Plutarque, de defectu Oracul., c. 110.
[58] Cicéron, de Divinatione, I, c. 18 : Novas res conjectura persequuntur, veteres observatione didicerunt.
[59] Diodore de Sicile, XV, c. 50.
[60] Plutarque, Lysandre, c. 12.
[61] Pindare, Fragm. hyporchemata, n° 4.
[62] Thucydide, VII, c. 50 ; Plutarque, Nicias, c. 23.
[63] Thucydide, II, c. 8.
[64] Plutarque, Périclès, c. 6.
[65] Hérodote, I, c. 175. Hippocrate (Epidemica, VI, p. 823, éd. van der Linden) parle aussi de femmes auxquelles avait poussé de la barbe.
[66] Hérodote, IX, c. 120.
[67] Cicéron, de Divinatione, I, c. 34 ; Plutarque, Timoléon, c. 12, et Alexandre, c. 14 ; Diodore de Sicile, XVII, c. 10.
[68] Plutarque, Nicias, c. 13 ; Pausanias, X, c. 15, § 5.
[69] Théophraste, Caractères, c. 16.
[70] Térence, le Phormion, acte IV, sc. 4, v. 25 et suiv.
[71] Suidas, s. v. οίωνιστική.
[72] Æschyle, Prométhée, v. 485 ; Lobeck, Aglaophamus, p. 828.
[73] Plutarque, Timoléon, c. 26 ; Polyen, V, c. 12.
[74] Cramer, Anecdota, t. IV, p. 241.
[75] Voy. la dissertation très complète de Wyttenbach sur le discours I de l’empereur Julien, dans la Biblioth. critica, t. III, p. 56, ou dans l’édition de Julien donnée par Schæfer, p. 150.
[76] Homère, Odyssée, I. XX, v 98 et suiv.
[77] Odyssée, II, v. 35 et suiv.
[78] Hérodote, IX, c. 91.
[79] Hérodote, V, c. 72.
[80] Plutarque, Alexandre, c. 14 ; Diodore (XVI, c. 27) rapporte une anecdote semblable, à propos de Philomélus.
[81] Pausanias, VII, c. 22, § 1.
[82] Pausanias, IX, c. 11, § 7 ; Aristide, Or. XL, p. 754, éd. Dindorf.
[83] Philochorus cité par Hesychius s. v. ξυμβόλους ; Scholiaste de Pindare, Olymp., XII, v. 10.
[84] Il est certainement plus naturel de dériver κλήρος de κλάν que de κέλεσθαι, comme le propose Dœderlein (Homer. Glossar., III, p. 124).
[85] Pausanias, VII, c. 25, § 10.
[86] Etymol. Magnum, p. 455, /i9 ; Zenobius, Proverbia, cent. V, n° 75, d’après Philochorus.
[87] Hymne à Hermès, v. 552 et suiv., cf. Apollodore, III, c. 10, § 2, 9.
[88] Cela résulte clairement d’un passage de Cicéron, de Divinat., I, c. 34.
[89] On sait que cet usage était répandu aussi chez les Juifs ; voy. Duncker, Gesch. der Alterth., t. I, p. 331. C’est avec raison que Lobeck (Aglaophamus, p. 814) justifie le mot άναιρεΐν, appliqué d’une manière générale aux dieux qui rendent des oracles, par cette considération que, à l’origine, les oracles obtenus à l’aide des sorts étaient les plus ordinaires. Le prêtre levait les sorts au nom du Dieu ; en réalité c’était le dieu qui les levait par l’intermédiaire du prêtre dont il conduisait la main. — L’emploi du mot latin sortes pour désigner toute espèce d’oracles témoigne que ce mode de divination se généralisa de très bonne heure.
[90] Théocrite, Id., III, v. 31, avec les remarques de Wüstemann.
[91] Théocrite, Id., II, v. 18 ; Pollux, VII, 188 ; Suidas, s. v. προφητεία ; voy, aussi Lexicon Seguer., p. 52 et 382, où l’épithète de Άλευρόμαντις est attribuée à Apollon, à qui se trouvait ainsi rattachée l’invention de ce mode de divination.
[92] Voy. Lobeck, Aglaophamus, p. 410.
[93] Cedrenus, t. I, p. 848, dans la Collection byzantine de Bonn.
[94] Ammien Marcellin, XXIX, c. 1 ; voy. aussi Tertullien, Apologie, c. 23, et Sozomène, Hist. ecclés., VII, c. 35.
[95] Pollux, VII, c. 188 ; Apulée, Apologie, c : 32 ; saint Augustin, de Civit. Dei, VII, c. 35 ; Casaubon, ad Spartiani D. Julianum, c. 7.
[96] Suidas, s. v. οίωνιστική ; voy. aussi Bœttiger, Kunstmythol., t. I, p. 64 et suiv.
[97] Artémidore, Onirocrit., II, c. 69.
[98] Jamblique (?), de Mysteriis, III, c, 17.
[99] De Insomniis, t. I, p. 633, éd. van der Linden.
[100] De Republica, IX, c. 1, p. 571, et Timée, p. 71 D.
[101] Περί τής καθ' ΰπνον μαντικής, c. 2.
[102] Plutarque, de Placitis Philosoph., V, c. 2.
[103] Odyssée, XIX, v. 516. Le choix d’une porte de corne pour les songes vrais et d’une porte d’ivoire pour les songes trompeurs repose sur l’apparente analogie des mots κέρας et κραίνω, έλέφας et έλαφκίρομαι.
[104] Théogonie, v. 212 ; Odyssée, XXIV, v. 12.
[105] Hécube, v. 70 ; Iphigénie à Tauris, v. 1262.
[106] Ovide, Métamorph., XI, v. 633 et suiv. Lucien, dans son Histoire véritable, II, c. 32 et suiv., décrit l’île des Songes, placée dans l’Océan Atlantique et gouvernée par Hypnos, qui a pour satrapes Taraxion et Phantasion.
[107] Iliade, II, v. 6 ; Odyssée, XX, v. 87.
[108] Odyssée, IV, v. 796.
[109] Odyssée, VI, v. 15.
[110] Iliade, XXIII, v. 65. La limite de temps qui ne devait pas être dépassée avant les obsèques est en rapport avec les idées homériques sur l’état des âmes dans le royaume d’Hadès. Aussi les écrivains postérieurs, dont les idées étaient différentes, n’ont-ils pas admis cette limite ; voy. Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 807 et 808.
[111] Odyssée, XIX, v. 535 et suiv.
[112] Plutarque, Cimon, c. 18.
[113] Platon, Criton, c. 2, p. 44 A.
[114] Cicéron, de Divinatione, I, c. 25.
[115] De Insomniis, c. 4 et suiv., p. 635.
[116] Le temps où vécut Antiphon est indiqué par Diogène Laërte, II, c. 46 ; voy. aussi Hermogène, περί ίδεών, II, c. 11, p. 387, éd. Walz.
[117] Plutarque, Aristide, c. 27.
[118] Vov. G. Wolff, dans ses Notes sur Porphyre, p. 59.
[119] Platon, Phèdre, p. 244 C ; Proclus, dans son Commentaire sur le Cratyle de Platon, p. 4. Hippocrate parle aussi avec mépris de l’Oionistique et de la Hiéroscopie, dans son traité de diæta acutorum, c. 5 (t. II, p. 271).
[120] Voy. Schœmann, Opusc. academ., t. I, p. 337.
[121] Æschyle, Agamemnon, v. 1111 (1140) et 1188 (1216).
[122] Voy. surtout Clausen, Æneas und die Penaten, I, p. 203 et suiv. et l’excursus I dans l’édition des Oracles sibyllins donnée par Alexandre, Paris, 1841, dont une recension a paru dans le Philologus, t. XV, p. 318.
[123] En Béotie, dans l’Attique, dans l’Arcadie ; voy. le schol, d’Aristophane (la Paix, v. 1069), et Périzonius, dans ses notes sur Ælien, Variæ histor., XII, c. 35. Bakis vient de βάζω. Voy. Tzetzès, ad Lycophrontem, v. 472, et Potter, au vers 28. Ce nom n’a rien de commun avec celui de Sabazius, quoi qu’en dise Gœttling, dans son programme de Bacide fatiloquo, Jenæ, 1859, p. 7 (Opusc. p. 198), et il est difficile de croire qu’il doive éveiller l’idée de l’exaltation produite par le vin.
[124] Hérodote, VII, c. 6 ; cf. Passow, dans son édition de Musée, p. 21.
[125] Pausanias, X, c. 12, § 11.
[126] Hérodote, V, c. 43.
[127] Pausanias, ibid. ; voy. aussi Lobeck, Aglaophamus, p. 300, et M. Schmidt, dans la Zeitschrift de Kuhn, t. IX, p. 361.
[128] Hérodote, V, c. 90.
[129] Euripide, Fragmenta, éd. Wagner, p. 323, n° 625 ; (n° VII, p. 771, éd. Didot) ; voy. aussi Welcker, der epische Cyclus, t. I, p. 381.
[130] Lucien, Alexandre, c. 27 et 28.
[131] Voy. Bæhr, dans ses notes sur Hérodote, VII, c. 6, p. 441.
[132] Platon, Théagène, p. 124 D ; Hérodote, I, c. 62.
[133] Hérodote, VIII, c. 96.
[134] Plutarque, Agésilas, c. 3 ; Xénophon, Hellen., III, c. 3, § 3.
[135] Schol. d’Aristophane, les Oiseaux, v. 988 ; les Chevaliers, v. 1085 ; les Guêpes, v. 380.
[136] Vov. par exemple Hérodote, VII, c. 142 et 143. On trouvera des exemples de ces oracles ambigus dans le même historien, I, c. 55 ; III, c. 57 ; VI, c. 97 et VIII, c. 20.
[137] Les Oiseaux, v. 960 et suiv. ; la Paix, v. 1045 et suiv. ; les Chevaliers, v. 970 et 1006.
[138] La première mention des Sibylles se trouve dans un passage d’Héraclite, cité par Plutarque, de Pythiæ Oraculis, c. 6. L’idée qu’elles représentât parait être originaire de l’Asie-Mineure ; voy. Preller, Griech. Mythol., t. I, p. 175 et suiv. ; Duncker, Gesch. des Alterth., t. III, p. 190.
[139] Antigone, v. 1036 (1055).
[140] Agamemnon, v. 1168.
[141] Hérodote, IX, c. 95.
[142] Aristophane, les Guêpes, v. 52.
[143] Aristophane, les Guêpes, v. 1019, éd. Didot ; Suidas, s. v. έγγαστρίμυθος ; Apostolius, Prov., cent. VI, n’ 46, avec les remarques de Leutsch ; Spanheim, dans ses Notes sur Callimaque, Hymne à Délos, v. 90.
[144] Plutarque, de defectu Oracul., c. 9.
[145] Xénophon, Anabase, IV, c. 3, § 18 ; V, c. 3, § 2 ; VI, c. 2, § 13, et c. 3, § 1. Cf. Polyen, IV, c. 20, où l’on peut voir un exemple de la façon dont on faisait naître les signes désirés, et Plutarque, qui cite un trait tout pareil. (Apophtegm. lacon., Agésilas, n° 77.)
[146] Xénophon, de Republ. Lacedæm., c. 13, § 7.
[147] Hérodote, IX, c. 33 et suiv. ; Pausanias, III, c. 11, § 9.
[148] Pausanias, X, c. 9, § 7.
[149] Cicéron, de Divinat., I, c. 43.
[150] Schol. d’Aristophane, la Paix, v. 1084 ; les Nuées, v. 331 ; les Oiseaux, v. 521 ; Diodore, XII, c. 10 ; Lexicon Seguer., p. 96, 19.
[151] Odyssée, XVII, v. 383.
[152] Isocrate, Ægineticus, c. 5 et suiv.
[153] Voy. Bœckh, Staatshaush. der Athener, t. I, p. 449.
[154] Voy. Bœckh, Explicat. Pindari, p. 152 et suiv. voy. aussi Eckermann, Melampus und sein Geschlecht, p. 122 et suiv., Bæhr, dans son édition d’Hérodote, IX, c. 33.
[155] Pausanias, X, c. 1, § 8.
[156] Hérodote (VII, c. 221) dit expressément que Mégislias descendait de Mélampus. Il existe dans l’Anthologie palatine (VII, n° 677), une épigramme de Simonide à son sujet.
[157] Il est acarnanien suivant Hérodote (I, c. 62) ; Platon (Théagène, p. 124 D) le désigne par le mot ήμεδαπός, et Clément d’Alexandrie (Stromata., I, § 132) le qualifie d’Άθηναΐος. Ces contradictions apparentes peuvent s’expliquer, comme on vient de le voir, sans qu’il soit besoin de changer, dans le texte d’Hérodote, Άκαρνάν en Άχαρνεύς.
[158] Pausanias, IX, c. 31, § 5.
[159] Arrien, Expéd. Alex., II. c. 3.
[160] Photius, s.-v., et Fragm. histor. græca., t. IV, p. 394, éd. C. Müller.
[161] Plutarque, Alexandre, c. 2, 33 et 50 ; Arrien, ibid., I, c. 117 § 2 ; III, c. 2, § 2 et passim.
[162] Artémidore, Onirocrit., I, § 32, et III, § 28 ; Pline, Hist. natur., XVII, c. 25 et 38.
[163] Eudocia, Violarium, p. 41 et 315 ; :voy. aussi Aristophane, Fragm., n° 446 et 450, éd. Dindon.
[164] Etienne de Byzance, s. v.
[165] Pausanias, V, c. 23, § 6.
[166] Comme le pensent Welcker, Antiq. Denkmæler, t. I, p. 408, O. Müller, die Dorier, t. I, p. 341, et d’autres. Hugo Weber (Etymolog. Untersuch., t. I, p. 56) est d’avis que le nom des Galéotes leur venait de leurs vêtements bigarrés.