Comme les offrandes, les sacrifices sont des présents que les hommes prélèvent sur ce qu’ils possèdent, pour témoigner à la divinité leur vénération, s’assurer son appui ou désarmer sa colère ; mais tandis que les premières restent la propriété du Dieu, soit qu’elles ajoutent à l’ornement de son effigie et de son temple , soit qu’elles servent à, l’exercice du culte ou enrichissent son trésor, les seconds ont pour but de procurer à la divinité des satisfactions qui semblent n’appartenir qu’aux créatures, telles que le boire et le manger, nu bien d’immoler un animal, quelquefois même un homme, afin de détourner, par ce dérivatif, le danger qui menaçait l’auteur du sacrifice, Ce serait cependant une erreur de croire que tous les sacrifices aient été, à l’origine, des expiations, que l’on se soit uniquement proposé par là d’apaiser le courroux des dieux et de fléchir leur justice. Il est plus exact de dire que la fréquence des sacrifices doit être attribuée dès lors à un double sentiment : la reconnaissance envers les dieux, dispensateurs de tout bien, et la conscience du besoin que les hommes ont de leur appui. Les sacrifices consistaient presque toujours en libations ou en objets comestibles. On ne voulait pas jouir des bienfaits que l’on devait aux dieux sans les appeler à y prendre part et sans acquitter une sorte de péage ; on leur offrait ou on leur demandait l’hospitalité ; l’un et l’autre peuvent se dire[1]. Sans doute aussi on fut guidé, au début, par cette pensée que les sacrifices étaient, pour ceux à qui on les offrait, une satisfaction matérielle. Dans les Védas, les dieux sont invités à boire le Soma, et cette liqueur a pour effet de les rafraîchir et de les fortifier. Des indices certains révèlent la même préoccupation non seulement chez Homère, mais jusque dans les temps de beaucoup postérieurs ; toute la question est de savoir quelle idée on se faisait au juste de ce mode de jouissance. Dans les choses de ce genre, il ne faut pas chercher des vues claires et généralement admises ; on doit se contenter de vagues conjectures, exprimées sous des formes tantôt plus délicates, tantôt plus grossières. Le sentiment le plus répandu était que les dieux aspiraient la vapeur de la chair brûlée, les exhalaisons du sang et celles des breuvages répandus en leur honneur[2]. Si on lit çà et là qu’ils mangeaient la viande, qu’ils buvaient le vin ou le sang ; personne n’admettra que ces passages doivent être pris à la lettre[3]. Des auteurs comiques ou satiriques, comme Aristophane ou Lucien, présentent, il est vrai, les sacrifices comme dés repas sans lesquels les dieux risquaient de mourir de faim ou de soif, mais on ne saurait supposer que cette idée bouffonne trouvât crédit même dans la foule la plus inintelligente. Les esprits clairvoyants, et il y en avait aussi parmi ceux qui témoignaient leur foi par des sacrifices, se dirent assurément que ces cérémonies ne pouvaient avoir qu’un sens symbolique. Le Jéhovah des Juifs n’était pas non plus insensible à l’odeur des sacrifices, ce n’était pas qu’ils lui servissent d’aliments ; il voyait là le signe de la vénération que ressentaient pour lui ses adorateurs ; c’était, je le suppose, par la même raison que les divinités grecques y prenaient plaisir. Comme les Juifs à Jéhovah, les Grecs sacrifiaient à leurs dieux, non pour leur donner à boire et à manger, mais pour leur montrer qu’ils ne les oubliaient pas en jouissant de leurs dons, et leur témoigner, sous une forme matérielle, des sentiments qu’ils ne croyaient pouvoir mieux exprimer. On faisait des libations parce que c’était la manière la plus naturelle et la plus simple de se dessaisir d’une partie du breuvage que l’on allait boire ; on consumait la chair des animaux, parce qu’il était juste de penser aux dieux chaque fois que l’on profitait de leurs bienfaits et que la crémation était le mode de partage le mieux approprié. Autrement, il eût fallu laisser la chair se corrompre et les gâteaux moisir sur l’autel, à moins de jeter ou d’enfouir sous terre les présents destinés aux habitants du ciel. De là venait que le feu était considéré comme quelque chose de divin[4]. D’après la légende, les dieux avaient eu jadis la possession exclusive de cet élément merveilleux[5] ; qu’ils en eussent fait don aux hommes, ou que Prométhée le leur eût dérobé, il n’était pas de nature terrestre. La flamme, en s’élevant, semblait indiquer la route du ciel ; aussi le feu était-il le plus puissant moyen de purification et le symbole de la régénération morale[6]. C’est pour cette raison que, dans un grand nombre de temples, on entretenait un feu perpétuel ou une lampe constamment allumée, et que l’offrande réservée aux dieux devait passer par les flammes. Cependant toute espèce de feu n’était pas indifféremment propre aux sacrifices, et aux autres usages du culte. L’élément le plus pur pouvait lui-même être altéré, et ce qui satisfaisait un dieu pouvait ne pas les satisfaire tous. Lorsque les Grecs, après la bataille de Platée, consultèrent l’oracle de Delphes, sur la façon dont il convenait de célébrer leur victoire, il leur fut enjoint ‘d’éteindre tous les feux allumés dans la contrée, comme ayant été souillés par la présence des barbares, et de venir chercher la pure flamme à Delphes, foyer commun de la Grèce[7]. Une mort survenue dans la maison rendait aussi impur le feu du foyer domestique ; c’est pourquoi les Argiens avaient coutume de l’éteindre en pareille circonstance, et de le rallumer, après les funérailles, au feu d’une autre maison, pour faire rôtir les viandes destinées au repas funèbre[8]. A Lemnos, où l’on célébrait chaque année la fête de la purification, tous les feux étaient éteints, comme souillés parles fautes des hommes, et remplacés seulement le neuvième jour par un feu apporté de Délos[9]. Pour les fêtes mystiques de Lerne, les Argiens allaient chercher, dans le sanctuaire d’Artémis Pyronia, sur le mont Krathis, en Arcadie, un feu jugé apparemment plus propice qu’aucun autre pour l’accomplissement de leurs cérémonies[10]. Les Spartiates, lorsqu’ils partaient en campagne, emportaient du feu, afin de pouvoir, même en pays étranger, consumer les offrandes nationales avec un feu de même origine[11] et, dans les colonies, le foyer public était allumé avec du feu pris au prytanée de la métropole. Le choix du combustible n’était pas non plus chose indifférente ; toute espèce de bois ne donnait pas une flamme également pure et aussi bienvenue des dieux. Pour les sacrifices offerts au Zeus d’Olympie, on n’employait que le peuplier blanc[12], et à Sicyone, Aphrodite n’avait pour agréables que les présents consumés par un feu de bois de genévrier, où l’on jetait des feuilles d’une plante croissant uniquement dans le voisinage du temple, le παιδέρως[13]. La lampe qui brûlait à Athènes, dans le temple d’Athêna, n’était alimentée que par l’huile des oliviers consacrés à la déesse ; à un jour fixé, on la versait dans la lampe, et il y en avait pour une année[14]. Il est à supposer que des prescriptions analogues existaient ailleurs pour l’entretien des lampes ou du feu éternel qui brûlait dans un grand nombre de temples. Cet usage s’explique par une relation spéciale entre le feu et les attributs de telles ou telles divinités, ou par la croyance que sa nature éthérée le leur rendait particulièrement précieux, et que sa présence dans le sanctuaire était déjà, un sacrifice permanent[15]. Chez les Argiens, des torches enflammées étaient jetées, en l’honneur de Cora, dans une fosse consacrée à cette déesse[16] ; c’était là aussi un sacrifice. On peut distinguer deux classes de sacrifices, suivant la nature des objets offerts aux dieux : ceux dans lesquels le sang ne coulait pas, et qui consistaient en fruits, en gâteaux ou en breuvages, et les sacrifices sanglants, où l’on immolait des animaux que l’on brûlait en tout ou en partie. Des dispositions spéciales et très diverses, que les anciens eux-mêmes étaient embarrassés d’expliquer, réglaient les animaux que l’on devait immoler et les rites suivants lesquels s’accomplissait la cérémonie. Ces dispositions sans doute reposaient, les unes sur l’idée que l’on se faisait des personnes divines, de leurs caractères et de leurs goûts, d’autres sur des circonstances locales ; d’autres enfin étaient de pures fantaisies, ou n’avaient d’autres causes que les calculs des prêtres, intéressés à multiplier les préceptes mystérieux et à se rendre par là les intermédiaires inévitables entre l’homme et la divinité. Nous aurons l’occasion plus tard de citer quelques-uns de ces statuts ; en ce moment, nous devons nous borner à rappeler, d’une manière générale, que la pureté était, pour tous les dieux sans en excepter un, la condition essentielle de la satisfaction qu’ils trouvaient dans les sacrifices. A vrai dire, cette pureté fut d’abord toute extérieure. S’il était interdit d’aborder un homme à qui l’on voulait faire honneur avec des vêtements négligés, de lui tendre une main sale, de placer devant lui une vaisselle malpropre, ces inconvenances ne pouvaient être permises vis-à-vis des dieux, dont on se rapprochait aussi par les sacrifices. Le respect auquel ils avaient droit exigeait un corps net, des mains nettes, des ustensiles nets, des habits nets ; ces derniers étaient généralement blancs. A l’entrée du temple, des vases remplis d’eau bénite avertissaient les fidèles que tout ce qui était impur devait rester à distance de la divinité[17] ; mais qu’appelait-on pur et impur, et quel était le moyen de passer d’un état à l’autre ? Les idées et les prescriptions des anciens étaient, sur ce point, fort diverses. Nous y reviendrons dans un des chapitres suivants, mais nous devons dès ce moment faire remarquer qu’à la pureté extérieure se rattachait la pureté intérieure, non moins précieuse pour les intelligences éclairées, qui même l’était d’avantage. De la part des criminels hors d’état de se présenter dans les sanctuaires avec un cœur pur, lés dieux repoussaient les plus riches présents, tandis que les hommes justes pouvaient leur offrir les objets les plus insignifiants, avec la confiance d’être bien venus[18]. Il y avait des temples où des inscriptions rappelaient cette doctrine ; à l’entrée de celui d’Asclépios, on lisait : Tu dois entrer pur sous la voûte du temple, et la pureté consiste dans une conscience irréprochable[19]. On attribue à la Pythie cet oracle : Qui que tu sois, entre avec un cœur pur dans le temple d’un dieu qui est la pureté même, après avoir touché à l’eau lustrale ; car, pour les gens vertueux, la moindre oblation suffit, mais pour l’homme pervers, l’Océan tout entier ne saurait le laver de ses souillures[20]. La question de savoir si les sacrifices sanglants ont précédé les autres est sans intérêt au point de vue de l’antiquité grecque. Si, en effet, nous ne pouvons douter qu’il n’y eût un temps où les hommes se nourrissaient uniquement de fruits et de lait et, ne tuant pas d’animaux, ne pouvaient en sacrifier[21], ce régime avait depuis longtemps disparu pour les Grecs, lorsqu’ils se détachèrent de leur souche primitive. Habitués dès lors à une nourriture variée, ils durent offrir les deux espèces de sacrifices. Il n’est pas moins rationnel de commencer par ceux qui ne faisaient, pas couler le sang. Dans cette classe, les premiers à signaler sont les sacrifices qui consistaient en fruits de la terre, offerts aux dieux comme prémices des champs et des plantations. Ils ne s’adressaient pas seulement aux divinités qui présidaient à l’agriculture el, à l’arboriculture, comme Déméter et Dionysos, mais à tous ceux dont on pensait flatter les goûts, en raison de leur pays d’origine et des attributions ou des préférences qu’on leur prêtait. Ainsi, à Mykalessos, en Béotie, on apportait sur l’autel d’Héraklès tous les fruits de la saison[22]. La Mère des dieux avait coutume de recevoir des plats nommés κέρνη, dont les différents compartiments contenaient des productions de toute espèce : pavots, froment, orge, pois, lentilles, etc.[23] Les habitants de Phigalie déposaient en outre sur l’autel placé devant l’antre consacré à Déméter des rayons de miel et des toisons de brebis avec leur suint, et versaient de l’huile sur le tout[24]. Dans les Thargélies, on honorait Apollon et Artémis, en ajoutant des pains frais aux prémices des fruits[25]. Dionysos n’était pas le seul à qui on offrît des pampres et des grappes de raisin ; Athéna recevait les mêmes présents, à la fête des Oschophories[26]. En beaucoup d’endroits, on servait à Apollon et aux Heures les premiers fruits de la terre, après avoir pris soin de les faire bouillir, coutume d’où a tiré son nom le mois Pyanepsion[27] ; Nous ne devons pas non plus passer sous silence la branche d’olivier entourée de laine, à laquelle on suspendait des fruits de toute espèce, des gâteaux et des vases remplis de miel, d’huile et de vin ; cette branche d’olivier, appelée είρεσιώνη, était portée en procession au temple. C’est ainsi, par exemple, que les choses se passaient chez les Athéniens, à la fête populaire des Pyanepsies, où la branche d’olivier était suspendue à l’entrée du temple d’Apollon[28]. Les mêmes cérémonies se renouvelaient, surtout dans la campagne, au temps de la moisson. Des associations se formaient pour célébrer ces solennités en commun et organisaient des processions. De jeunes garçons, portant l’Eirésioné, allaient en chantant de porte en porte, et recueillaient des gerbes, soit pour leur usage personnel, soit pour la décoration de la fête, à peu près comme les enfants des cultivateurs avaient l’habitude de faire en Allemagne, le jour de la Pentecôte, dans les faubourgs et dans les villages, jusqu’au moment où la police trouva bon d’opposer son veto. Quelques exemples des chansons que chantaient, en ces circonstances, les jeunes Athéniens nous ont été conservés, et, si l’on en croit la légende, l’auteur de l’une d’elles ne serait autre qu’Homère[29]. Ce chant se termine par les vers suivants : Si tu donnes quelque chose, merci ; sinon, nous allons ailleurs ; nous ne sommes pas venus pour nous établir ici. Ces Eirésionés toutefois n’étaient pas portées dans un temple ; on les déposait à la porte d’une maison privée et ils restaient là jusqu’à l’anniversaire suivant. On les brûlait alors et on les remplaçait par d’autres[30]. Une seconde espèce d’offrande appartenant à la même classe de sacrifices consistait en gâteaux de forme et de nature diverses, dont chacun avaient un nom particulier. On appelait άμφιφώντες des gâteaux arrondis et bordés de cierges, que l’on offrait à Artémis, en tant que divinité lunaire. La Mère des dieux recevait des gâteaux de miel ou de la bouillie faite de lait et de farine d’orge, à laquelle on donnait le nom de γαλαξία. Des gâteaux grillés à la broche (άρτοι όβελίαι) étaient particulièrement agréables à Dionysos[31]. On en fabriquait pour Apollon qui avaient la forme de lyre, d’arc, de flèches. Ceux que l’on consacrait à Artémis étaient échancrés en croissant ; on en préparait pour Dionysos, pour Déméter et pour Bora, qui représentaient les parties sexuelles de l’homme et de la femme. Bref, ces offrandes affectaient les formes les plus variées, suivant le caractère et les attributions des dieux. Souvent même, on leur donnait l’apparence d’animaux, et les pauvres étaient censés sacrifier ainsi les bœufs, les moutons et les porcs dont ils n’auraient pu faire la dépense. Les produits du sol tenaient quelquefois aussi la place des animaux absents. C’est ainsi que les Thébains offraient à Héraklès des pommes auxquelles on adaptait des pieds et des cornes en bois qui leur donnaient un faux air de béliers, et chez les Locriens des concombres furent, par le même procédé, transformés en bœufs[32]. Il y avait, en différents lieux, des autels réservés aux sacrifices innocents, sur lesquels ne pouvaient être déposés que des gâteaux et des productions de la terre, à l’exclusion de tout ce qui avait respiré. Tel était à Délos l’autel des âmes pieuses, et, sur l’acropole d’Athènes, celui du Zeus suprême (ϋπατος)[33]. De même, dans certaines fêtes, comme les Diasies ou celle de Zeus réparateur à Athènes (μειλίχιος), l’usage était de s’abstenir de tout animal[34]. Ou bien on brûlait les gâteaux et, dans ce cas, ils étaient appelés πέλανοι[35], ou bien ils étaient simplement placés sur les autels ou sur les tables de sacrifice, et enlevés, quelque temps après, par les prêtres, dont ils étaient le revenant-bon. La divinité, qui n’avait que faire pour elle-même de ces présents, les abandonnait à ses serviteurs pour la satisfaction de leurs besoins[36]. On ne voyait là rien de choquant, non plus que dans l’usage de réserver également aux prêtres, après que l’on avait prélevé les membres destinés à la combustion, une part des animaux, qui n’était pas moins appelée la part du Dieu (θεομορία)[37]. Les esprits enclins à la superstition avaient la ressource de croire que les morceaux disparaissaient, sans que l’on sût ce qu’ils étaient devenus. Dans le Plutus d’Aristophane, lorsque les lampes sont éteintes, et tandis que les malades attendent le Dieu au milieu de l’obscurité, le prêtre d’Asklépios se glisse furtivement vers l’autel, pour dérober et cacher dans un sac les gâteaux et les figues. A Mykalessos, Pausanias se laissait dire que les produits végétaux, déposés sur l’autel d’Héraklès, se conservaient frais toute une année, jusqu’à ce qu’ils fussent remplacés par d’autres[38] ; il ne se demande pas ce qu’ils devenaient à ce moment. Les libations et les effusions se faisaient surtout avec du vin, qui était le breuvage habituel. Tantôt elles n’étaient qu’un accessoire dans les sacrifices, tantôt elles composaient, avec les invocations aux dieux, le sacrifice tout entier, comme on le voit dans l’Iliade, lorsque Achille envoie Patrocle combattre Hector[39]. Le héros prend une coupe d’or, la purifie avec du soufre, la remplit de vin et répand la liqueur, en adressant une prière à Zeus. Il n’y avait guère de repas sans libation : tantôt elle se faisait au commencement, suivant la coutume crétoise[40], tantôt à la fin, au moment où l’on buvait un coup, eu invoquant le bon génie. Il était de règle que les libations se renouvelassent trois autres fois, lorsqu’on restait longtemps à table : la première avait lieu en l’honneur de Zeus olympien et des autres dieux, la seconde en l’honneur des héros, la troisième était consacrée à Ζεύς σωτήρ et Ζεύς τέλειος[41]. Dans les repas, on répandait le même mélange d’eau et de vin que buvaient les convives, mais dans les sacrifices on se servait de vin pur, excepté pour Hermès[42]. Quelques dieux cependant repoussaient les libations de vin, et n’agréaient que les νηφάλια ; c’était le plus souvent un mélange d’eau et de miel (μελίκρατον), auquel on ajoutait parfois du lait[43]. Les νηφάλια étaient surtout consacrées aux divinités souterraines, dont il ne faut pas séparer les Érinyes[44], et aux Nymphes, pour lesquelles, vraisemblablement, on s’abstenait de vin d’une manière absolue[45]. Pour d’autres divinités, telles par exemple que Mnémosyne, les Muses, Éos, hélios, Séléné, Aphrodite Urania et même Dionysos[46], l’interdiction existait aussi, mais seulement dans certains cas. Les libations faites en l’honneur des morts sur les tombeaux (χοαί) consistaient en melikraton, en vin et en lait ; on y joignait quelquefois de l’huile[47]. A part ces circonstances, on ne répandait d’huile sur l’autel que dans les holocaustes, afin de hâter la combustion[48]. Souvent aussi, on se servait d’huile pour oindre les pierres sacrées chargées de représenter les dieux ; dans ce cas, à la place d’huile, on employait aussi des onguents parfumés (μύρον)[49]. La fumée qui s’exhalait de l’encens s’unissait tantôt aux sacrifices d’animaux ou d’objets inanimés, tantôt aux libations, mais quelquefois aussi, elle constituait le sacrifice à elle seule. Dans l’Iliade, les femmes troyennes se contentent de brûler de l’encens, en offrant un péplos à Athéna[50]. Hésiode recommande d’honorer les dieux matin et soir par les libations et par la fumée de l’encens[51]. Aux poèmes orphiques sont jointes des instructions spéciales sur les épices et les plantes que l’on devait brûler en l’honneur de chaque divinité, soit pour leur bonne odeur, soit en raison de quelque croyance superstitieuse. Il est vrai que ces hymnes ne nous renseignent pas sur les pratiques de la religion populaire, mais seulement sur les rites en usage dans le conventicule orphique et appartenant à une époque relativement récente[52]. La coutume constante de brûler des parfums dans les sacrifices d’animaux s’explique naturellement par la raison que donne le juif Mosès Maimonidès, pour justifier le même usage chez ses coreligionnaires[53]. C’était un moyen de combattre les mauvaises odeurs qu’exhalaient les viscères mis à nu et les parties de l’animal consumées sur l’autel. En partant de là, on en vint bientôt à penser que les parfums étaient agréables aux dieux, aussi bien qu’aux hommes, et on en brûla pour le seul désir de leur plaire. Avant que l’on tirât de l’Asie l’encens et les épices, on faisait brûler surtout le bois et les baies d’une espèce de cèdre connue sous le nom de θύον. Il est difficile d’admettre que les parfums exotiques soient devenus d’un usage général avant la fin du VIIIe siècle ou le commencement du VIIe[54]. En fait de victimes, Homère ne cite que des animaux domestiques, et parmi eus, ceux dont la chair entrait dans la nourriture de l’homme. Il n’y a d’exception que pour les chevaux offerts à la divinité fluviale Scamandros, et qui n’étaient pas immolés comme les autres, mais précipités vivants dans le fleuve[55] ; encore, cet usage existait-il seulement chez les Troyens, et non chez les Grecs. Il paraît cependant que, dans une haute antiquité, les habitants d’Argos sacrifiaient de la même manière des chevaux à Poseidon[56]. On rapporte aussi que, chaque année, les Rhodiens précipitaient dans la mer un attelage de quatre chevaux, en l’honneur d’Hélios[57]. Enfin, dans l’île de Calaurie, on immolait des chevaux à Poseidon, et la même coutume s’était conservée jusqu’au temps de Pausanias, sur le sommet du Taygète[58]. D’après la légende, c’étaient des ânes que les Hyperboréens sacrifiaient à Apollon[59] ; il en était peut-être de même à Delphes[60], et le fait est certain pour Priape, à Lampsaque, pour les divinités des vents, à Tarente[61]. On offrait des chiens à Hécate et à une autre divinité qui lui tenait de près, si elle ne lui était pas identique, à Génétyllis[62]. Génétyllis présidait, aux accouchements, et, par conséquent, n’était pas essentiellement différente d’Ilithye, dont l’assistance était récompensée aussi par un animal de même espèce[63]. Les Spartiates célébraient, en l’honneur des Éphèbes, une fête où des chiens étaient également immolés sur l’autel d’Arès, ce que les anciens expliquaient par un rapport de caractère entre ces animaux batailleurs et le dieu des batailles[64]. Les chiens étaient prédestinés aussi aux sacrifices d’Hécate, parce que la nuit ils aboient à la lune[65], dont Hécate était 1a déesse ; et les ânes que l’on sacrifiait à Priape devaient sans doute cet honneur aux habitudes priapiques souvent signalées par les anciens. Comme les Grecs ne mangeaient ni chevaux ni chiens[66], les sacrifices dans lesquels figuraient ces animaux n’étaient pas, à vrai dire, des banquets auxquels étaient invités les dieux ; ils avaient un autre caractère, sur lequel nous reviendrons plus loin. Parmi les volatiles appartenant à la classe des animaux domestiques, les coqs et les poules sont ceux qui reviennent le plus souvent dans les sacrifices offerts à Asklépios et aux divinités du même groupe ; c’est ainsi que l’on honorait Alexanor et Lvamérion, à Titana, près de Sicyone[67]. On immolait aussi les mêmes animaux à d’autres dieux, au moins dans les cultes domestiques[68]. A Sparte, on les offrait en actions de grâces à Arès, à la suite d’une bataille gagnée[69]. Les oies sont souvent mentionnées comme victimes, mais il parait qu’elles n’étaient jamais sacrifiées aux divinités indigènes, d’origine purement grecque, et qu’elles ne trouvaient place que dans des cultes importés de l’étranger, comme celui de l’Égyptienne Isis[70]. Il en était ainsi des colombes, en supposant qu’elles aient effectivement servi de victimes, ce que l’on ne saurait même affirmer. Les animaux sauvages tués à la chasse ne pouvaient naturellement être immolés sur l’autel. Les chasseurs se contentaient d’offrir à Artémis une partie de leur butin, et c’était un présent plutôt qu’un sacrifice[71]. On offrait par exemple à la déesse les cernes, les pieds ou la peau du cerf. Si l’on y joignait quelque partie bonne à manger, elle revenait aux prêtres, comme les gâteaux. Le gibier faisait en particulier les frais d’une fête célébrée annuellement à Patræ, en l’honneur d’Artémis Laphria ; des sangliers, des cerfs et des chevreuils, voire même des ours et des lions, jeunes le plus souvent, quelquefois aussi adultes, étaient jetés vivants dans les flammes, avec des oiseaux et des animaux domestiques[72]. — Les poissons, pour en finir, ne passaient pas en général, chez les Grecs, pour des animaux propres aux sacrifices[73] ; mais cette règle admettait des exceptions. Les Béotiens répandus sur les bords du lac Copaïs pêchaient des anguilles fort estimées, qu’ils ne jugeaient pas indignes d’être servies aux dieux, et, dans la saison favorable à la pêche du thon, ils offraient à Poseidon, lorsqu’ils avaient eu bonne chance, le premier ou le plus beau des poissons tombés dans leurs filets[74]. Priape recevait aussi sa part des poissons pris dans le Pont-Euxin[75]. De même, on sacrifiait à la triple Hécate (τρίμορφος) le poisson appelé τρίγλη qui, en raison de l’analogie des noms, était censé lui revenir de droit[76]. Certains héros ne dédaignaient pas les offrandes de poissons salés[77]. Cela n’empêchait pas que les victimes par excellence ne fussent partout et en tout temps les animaux domestiques servant à l’alimentation de l’homme : les bœufs, les chèvres, les moutons, les porcs ; mais lesquels, entre ces animaux, pouvaient ou devaient être sacrifiés à telle ou telle divinité ? les règles sur ces points variaient d’un pays à l’autre, et les prêtres chargés d’en assurer l’exécution ne pouvaient pas toujours en rendre compte[78]. Il ne saurait donc être question ici de principes généraux, rigoureusement applicables. Un Athénien déclare, dans Aristophane[79], que les porcs ne peuvent être sacrifiés à Aphrodite ; un Mégarien soutient que ce sont, au contraire, les victimes qu’elle préfère. On peut prendre cette querelle pour une plaisanterie, mais l’assertion de l’érudit Callimaque, que parmi les différentes Aphrodites, une seule, Aphrodite Kastniétis, dont le temple était situé près d’Aspendos, en Pamphylie, recevait des porcs en sacrifice, est contredite par d’autres savants, dont les témoignages établissent que cet usage existait en beaucoup d’autres lieux[80]. Il est même question quelque part d’une fête célébrée par les Argiens en l’honneur d’Aphrodite, dont les pores faisaient les frais, et qui s’appelait de leur nom ύστήρια[81]. Toutefois, c’est surtout à Déméter et à Dionysos que l’on immolait des porcs, probablement pour les punir des ravages qu’ils faisaient dans les champs et dans les plants de vigne[82]. On ne pouvait, à Épidaure, sacrifier de chèvres sur l’autel d’Asklépios, et la même interdiction était en vigueur à Tithorée, où le Dieu avait un sanctuaire, mais ailleurs on ne se faisait pas scrupule de les immoler comme d’autres victimes[83]. Nulle part ailleurs qu’à Sparte on n’offrait des chèvres à Héra[84]. Athéna les réprouvait aussi, et l’on pensait que cette rancune venait des dégâts qu’elles causaient aux oliviers. Pour la même raison, ces animaux ne pouvaient être conduits sur l’Acropole pour être sacrifiés à aucune des divinités dont les temples avoisinaient celui de la déesse- protectrice de la ville[85]. On prêtait sans doute à Dionysos un raisonnement contraire, car on croyait lui être particulièrement agréable en lui offrant des boucs, à cause des ravages qu’ils faisaient dans les vignes. Ou sacrifiait des chèvres à Aphrodite, en raison de leurs dispositions aphrodisiaques ; c’est ainsi du moins que quelques personnes expliquaient cet usage[86]. Cependant la chaste Artémis agréait le même présent[87], et l’on avait coutume d’immoler aussi des chèvres à Apollon, notamment lorsqu’on allait à Delphes consulter l’oracle[88]. Les brebis et les béliers pouvaient, à ce qu’il paraît, être sacrifiés à tous les dieux, car la tradition d’après laquelle Zeus faisait fi des brebis, ne repose sur aucun témoignage certain[89]. Les bœufs étaient aussi bien venus de toutes les divinités. C’était en effet la victime la plus précieuse qu’on pût immoler ; de là vient que l’expression βουθυτεΐν s’applique parfois à des sacrifices d’une autre nature, dont on veut donner une haute idée[90]. Les conditions à remplir par les victimes variaient dans les divers pays, de même que les espèces parmi lesquelles on devait les choisir. Il y avait bien un principe général, à savoir que l’on ne pouvait offrir aux dieux que des animaux sains et irréprochables[91], mais cette règle n’était pas sans exceptions. Les Spartiates, par exemple, ne se faisaient pas scrupule de sacrifier des victimes estropiées ou mal venues (άνάπηρα) ; on pouvait aussi en immoler de telles à Artémis d’Amarynthos[92]. C’était seulement dans quelques cas déterminés qu’il était interdit d’immoler des animaux châtrés. On ne pouvait même, en fait de males, en offrir d’autres aux divinités souterraines[93]. — L’âge des animaux n’était pas non plus indifférent ; il existait, sur ce point, des prescriptions qui variaient. à vrai dire, suivant les lieux et les circonstances. Dans une inscription trouvée à Céos et malheureusement mutilée[94], il est question d’une fête dont on ne peut lire le nom, où sont sacrifiés des bœufs et des brebis qui ont jeté toutes leurs dents de lait, et des porcs qui n’ont pas plus d’un an et de quelques mois. Une autre inscription de Pergame, qui date dé l’empire romain[95], contient un oracle en vers relatif à un sacrifice dans lequel on a offert à Pallas une génisse de deux ans, à Zeus un taureau de trois ans. Des indications analogues sont fournies en ce qui concerne Bakchos et Asklépios. On ne saurait toutefois établir des règles absolues : le plus souvent, les victimes étaient adultes[96]. Homère mentionne des bœufs et des porcs de cinq ans et, dans un autre passage, une génisse d’un an, qui n’a pas encore subi le joug[97]. A Ténédos, on immolait en l’honneur de Dionysos un veau nouveau-né[98]. Les habitants de Thèbes témoignaient leur vénération aux divinités souterraines, non pas en immolant, mais un précipitant dans une fosse de jeunes porcs[99]. Les mêmes animaux, encore à la mamelle, étaient partout choisis pour les cérémonies expiatoires. Au contraire, d’après une loi athénienne, on ne pouvait sacrifier les agneaux avant qu’ils eussent été tondus, ni les brebis qui n’avaient pas encore mis bas[100]. A Sicyone, on offrait aux Euménides des brebis pleines[101]. Pour le choix des sexes, on doit admettre, comme règle générale, que l’on sacrifiait des mâles aux dieux, des femelles aux déesses[102] ; mais cette règle non plus n’est pas absolue. A Aulis, par exemple, les prêtres d’Artémis n’avaient nul égard à la différence des sexes. Cette anomalie s’expliquait par une légende. Lorsque les Grecs, en route pour Troie, obtinrent enfin à Aulis des vents propices, ils sacrifièrent à Artémis, dans la précipitation du départ, les animaux qu’ils avaient sous la main, et depuis, toute victime fut réputée agréable à la déesse (δόκιμος)[103]. La couleur avait aussi son importance. Dans l’Odyssée, on voue aux puissances souterraines des brebis noires[104] ; les Athéniens offraient un agneau noir aux divinités qui déchaînaient les orages et les tempêtes[105]. Des taureaux de même couleur sont immolés à Poseidon, dans Homère[106] ; mais, d’après d’autres témoignages, le dieu de la mer accepte des bœufs roux et même des blancs[107]. Il est clair d’ailleurs que pour des sacrifices accomplis dans les temples et dans des sanctuaires soumis à une direction sacerdotale, auxquels, par conséquent, assistait toujours un prêtre, ce personnage avait toujours le droit d’examiner les victimes et de rejeter celles qui n’étaient pas dans les conditions voulues. Pour les sacrifices privés au contraire, chacun était libre de faire ce que bon lui semblait ; c’était affaire de conscience. Dans les localités assez nombreuses, où les victimes étaient prises parmi des troupeaux consacrés aux dieux, il était d’usage de les marquer d’un certain signe[108]. A Delphes, on s’assurait que les animaux destinés à servir de victimes étaient en bonne santé, en présentant aux bœufs de l’orge, aux porcs des pois. Ceux qui ne s’empressaient pas de manger étaient réputés malades et rejetés comme tels. Sur les chèvres, on répandait de l’eau froide, et elles étaient jugées malsaines, si elles se prêtaient tranquillement à cette aspersion[109]. Les victimes étaient couronnées de bandelettes, de couronnes et de guirlandes ; quelquefois aussi, les cornes des bœufs étaient dorées[110]. Les dieux, en effet, étaient censés assister au sacrifice, et il convenait que ces offrandes leur fussent présentées parées comme pour une fête, ainsi que les ex-voto que l’on portait également au temple décorés de couronnes et de bandelettes. Pour la même raison, les sacrificateurs tenaient à se montrer dignes de la divinité. Non seulement ils prenaient soin de se purifier par des ablutions, et de revêtir des habits sans tache, mais eux aussi se couronnaient, du moins dans les temps postérieurs à l’épopée homérique, car, chez Homère, il n’est question de couronnes ni pour les hommes, ni pour les animaux, et on peut dire, d’une manière générale, que cette parure est pour lui chose inconnue[111]. Plus tard, au contraire, l’usage en est presque universel dans les sacrifices[112]. Naturellement, on les tressait de préférence avec les plantes agréables au Dieu, et l’on évitait soigneusement celles qu’on supposait devoir lui déplaire, ce en quoi, à la vérité, les opinions ne s’accordaient pas toujours. Le lierre par exemple, passait pour être cher à Dionysos, mais on le tenait écarté des sacrifices offerts aux dieux olympiens et des temples qui leur étaient consacrés. Cette précaution était prise tout particulièrement à Athènes pour Héra, à Thèbes pour Aphrodite[113]. La couronne n’était pas seulement pour le sacrificateur un ornement ; elle constatait le caractère sacré de ses fonctions, le plaçait sous la protection du Dieu et assurait son inviolabilité[114]. Une corbeille (κανοΰν) contenant le couteau sacré, l’orge, les couronnes, les bandelettes, et un vase rempli d’eau (χέρνιψ) étaient portés de gauche à droite autour de l’autel[115]. Les vases employés à cet usage et tous ceux qui devaient servir au sacrifice étaient l’objet de prescriptions qui variaient suivant les lieux. A Argos, par exemple, et à Égine, on n’admettait que les, vases d’argile fabriqués dans le pays ; ceux qui provenaient de l’Attique étaient spécialement interdits[116]. On consacrait l’eau[117], en y enfonçant un tison enflammé, et on la présentait à la ronde à tous les assistants qui y plongeaient leurs mains et en aspergeaient eux-mêmes et l’autel[118]. L’orge était distribuée ensuite, pour être répandue sur la tête des victimes, au moment où elles étaient conduites à l’autel ; de là, l’expression προχύται. Le mot όλαί ou, dans Homère, les mots ούλαι, ούλοχύται paraissent désigner des grains concassés ou grossièrement moulus. Les anciens interprètes parlent plutôt de grains entiers, en quoi ils peuvent avoir été guidés par une fausse étymologie[119], bien que, d’autre part, cette méprise ne soit guère admissible, si en réalité l’on n’avait pas fait usage de grains à l’état naturel ; il est sûr du moins qu’ils étaient grillés, Rien n’indique, dans les documents dignes de foi, qu’ils aient été assaisonnés de sel, comme la mola salsa des Romains. Un fait singulier, que l’on signale sans l’expliquer, c’est que les Mégariens, dans un sacrifice annuel en l’honneur de Térée, se servaient de cailloux au lieu d’orge[120]. — C’était un mauvais signe, quand il fallait traîner la victime à l’autel ; le présage au contraire était heureux, lorsqu’elle s’avançait librement et semblait, en inclinant la tête, aller d’elle-même au devant du coup fatal ; aussi arrivait-il quelquefois qu’on lui versât de l’eau dans l’oreille, pour amener l’effet désiré[121]. Avant l’immolation, on lui coupait quelques poils sur la tête, et on les distribuait aux personnes réunies pour le sacrifice, qui les jetaient dans le feu[122]. Ces préparatifs achevés, après que l’assistance avait été invitée à se recueillir religieusement et à éviter toute cause de trouble[123], que les dieux avaient été suppliés d’agréer le sacrifice et que les flûtes s’étaient fait entendre[124], la victime était égorgée, opération qui s’exécutait de différentes manières, suivant les circonstances et la nature de l’animal. Le plus souvent, on l’abattait d’un coup de massue, ou on lui fendait le dos avec une hache, et lorsqu’il était tombé, on l’égorgeait avec le couteau sacré. Si le sacrifice s’adressait aux dieux du ciel, la tête était relevée en arrière ; elle était au contraire inclinée, lorsqu’il était offert aux dieux souterrains[125]. A Méthydrion, en Arcadie, on observait un usage particulier, dans les sacrifices à Despoina : au lieu d’ouvrir la gorge, on détachait les membres[126]. Le sang, recueilli dans un vase placé au-dessous, était répandu autour de l’autel. Dans quelques sacrifices, en particulier dans ceux par lesquels on se proposait de ratifier un engagement d’intérêt public, tous les assistants posaient la main sur la victime[127]. Après le coup mortel, l’animal était dépouillé et dépecé, et les morceaux qui revenaient aux dieux étaient mis à part. Homère, pour les distinguer, se sert du mot μηρία, qui désigne les os des cuisses auxquels restaient attachées quelques parties charnues. Plus tard, on préféra généralement pour cette destination le dos de la bête, ou le train de derrière, y compris la queue[128]. Les gens pieux, augmentaient la part des dieux, les autres la faisaient la plus petite possible et ne laissaient de chair adhérente aux os que ce que la bienséance exigeait[129]. Les os ainsi détachés, quelques intestins et, du moins au temps d’Homère, des morceaux de chair prélevés sur les différentes parties du corps, étaient enveloppés de graisse, placés sur l’autel et brûlés, en même temps que l’on faisait une libation et que l’on répandait de l’huile pour activer la flamme, avec accompagnement de flûtes sur un rythme consacré[130]. Il y avait cependant des sacrifices d’où les libations étaient absentes[131]. La chair qui n’était pas consumée pour l’usage des dieux servait aux repas des hommes. Lorsque les sacrifices étaient accomplis dans un sanctuaire placé sous l’autorité d’un prêtre, il prélevait sa part, qui était appelée la part du Dieu, sous prétexte qu’elle profitait à son serviteur. Celui qui offrait le sacrifice envoyait aussi des parts d’honneur à ses amis[132]. Si plusieurs personnes contribuaient aux frais, chacune d’elles, naturellement, était admise au partage[133]. On emportait chez soi ce qui n’était pas consommé sur place, et on s’en régalait en compagnie, ou bien on le conservait pour plus tard[134]. Théophraste note comme un es caractères de l’avare qu’il se garde de faire profiter ses amis des reliefs de l’autel et emporte le tout à la maison pour le saler[135]. Dans quelques sacrifices cependant, surtout dans ceux dont Hestia était l’objet, il était d’usage de ne rien enlever et de ne rien partager[136]. On faisait ordinairement rôtir la partie de la chair qui devait être mangée durant la cérémonie[137] ; les Athéniens seuls la faisaient bouillir, lorsqu’ils sacrifiaient aux Heures. La langue de l’animal était traitée d’une manière particulière, dans les temps héroïques. On la détachait, et le soir, le banquet terminé, on la coupait et on la jetait au feu, après une dernière libation[138]. Suivant les anciens commentateurs, cette coutume était un hommage rendu à Hermès[139] ; c’est là au reste un détail qui importe peu. Dans les siècles qui suivirent, il n’est plus question de cette singularité. Nous voyons au contraire que chez les Athéniens et sans doute ailleurs les langues des victimes, coupées aussi par morceaux, étaient, dans certains sacrifices publics, le profit des hérauts en fonction. Cette attribution pouvait s’expliquer aussi comme un honneur rendu à Hermès, patron des hérauts[140]. En principe, on devait sacrifier aux divinités du ciel le matin, aux divinités souterraines le soir[141]. Pour celles en effet qui habitaient et régnaient dans l’empire de la mort, le moment le plus convenable était le déclin du jour. On présumait au contraire que les divinités dont la vie était le domaine préféraient l’heure où tout renaît à la vie. Il était naturel, d’ailleurs, que les sacrifices qui se terminaient par un banquet précédassent l’heure fixée pour les repas ; or, un sait que l’άριστον avait lieu vers midi, quelquefois aussi pourtant dans la matinée, et que l’on attendait le soir pour prendre le repas principal[142]. Dans tous les cas, le fait de placer le sacrifice après le repas du matin était réputé une inconvenance. Lorsqu’il arrivait que l’on procédât, dans un sanctuaire, à un sacrifice privé, les viandes étaient rapportées à la maison de celui qui offrait le sacrifice, et le repas était donné chez lui[143]. Les gens vaniteux avaient coutume de suspendre à leur porte la tête de la victime, ornée de couronnes et de bandelettes, afin que pas un passant n’ignorât leurs largesses[144]. Dans les sacrifices dont le trésor faisait les frais, ou lorsqu’un grand nombre d’animaux étaient immolés, on ajoutait le plus souvent à la cérémonie un banquet populaire (δημοθοινία, έστίασις, δεΐπνον δημοτελές)[145]. On peut juger des flots de sang qui coulaient en ces circonstances d’après les exemples cités dans le premier volume de cet ouvrage, à savoir, les cinq cents chèvres égorgées à l’anniversaire de la bataille de Marathon, les 5.114 drachmes versées par le trésor d’Athènes qui, s’il n’y avait que des bœufs, en représentaient cent environ, enfin les trois cents bœufs, dont parle Isocrate[146], que l’on était toujours prêt à immoler, quand l’occasion s’en présentait. Le nom général de ces grands massacres était Hécatombe, ce qui ne veut pas dire que des bœufs fussent seuls sacrifiés, ni que le nombre de cent fut toujours exact. On rencontre même plus tard le mot χιλιόμβη[147]. Δωδεκίς ou δωδεκηΐς signifie un sacrifice de douze têtes ; τριττύς ou τριττύα indique qu’il n’y en avait pas plus de trois[148], par exemple un taureau, une brebis et une truie, comme dans les suovetaurilia[149] des Romains, ou bien un porc, un bouc et un bélier ; d’autres combinaisons étaient encore possibles. La loi athénienne ordonnait que, lorsqu’on sacrifiait un bœuf à Athéna, la déesse Pandrosos reçût en même temps une brebis ; c’est ce qu’on appelait έπίβοιον[150]. Les coutumes relatées plus haut s’appliquent toutes, dans leurs parties essentielles, aux sacrifices que l’empereur Julien appelle honorifiques, θυσίαι τιμητήριαι, et un ancien grammairien άπλώς θυόμενα[151], les distinguant ainsi des sacrifices intéressés, dont il sera question plus loin. Il ne s’agit jusqu’ici que de faire honneur aux dieux, en reconnaissance des bienfaits que l’on en a reçus ou pour en assurer la continuation. Ces sacrifices, sauf quelques exceptions, sont accompagnés de banquets, Des animaux sont immolés et une partie en est consacrée aux dieux. La communauté qui s’établit ainsi entre les dieux et les hommes sert à excuser ou à justifier le fait même de l’immolation[152] ; car il rie faut pas rejeter légèrement la pensée exprimée par d’anciens écrivains que le meurtre .d’un animal, s’il n’avait d’autre but que d’en manger la chair, et n’était pas relevé par l’idée d’une offrande à la divinité qui en agréait une part et abandonnait le reste aux hommes, n’était pas, pour les nations des temps reculés, une chose vraiment permise[153]. Ils n’ont pas tort non plus ceux qui croient qu’on ne se résolut que très tard à sacrifier les animaux qui venaient en aide à l’homme, en lui fournissant leur lait, leur laine et leur travail, comme les chèvres, les moutons et les bœufs, et que l’on commença par les porcs qui ne concouraient que par leur chair à la satisfaction de nos besoins[154]. Il était interdit, dans une haute antiquité, d’immoler les taureaux soumis au joug, qui avaient été les compagnons de travail de l’homme[155], et même depuis, d’anciens usages témoignent que l’on ne s’affranchit pas sans scrupule de cette défense. Les Athéniens, aux fêtes des Bouphonies et des Diipolies, répandaient de l’orge et du froment sur l’autel, après quoi, l’on amenait la victime ; si elle mangeait le grain, devenu la propriété du Dieu, le prêtre, qui se tenait prêt, la frappait de sa hache pour la punir de ce sacrilège, et s’enfuyait en jetant son arme, qui était condamnée, par un simulacre de jugement, comme coupable de meurtre[156]. A une certaine solennité, où la coutume était de sacrifier des bœufs de travail, les habitants de Lindos, dans l’île de Rhodes, remplaçaient le recueillement religieux prescrit d’ordinaire (εύφημία) par des invectives et des imprécations contre le sacrificateur. Pour expliquer cet usage, dont le sens échappait, on invoquait une légende : Héraklès avait un jour enlevé à un paysan et tué l’un des bœufs avec lesquels il cultivait son champ. Gomme le paysan se répandait en malédictions, le dieu ne fit qu’en rire, et en souvenir de cette scène, fut introduit l’usage que nous venons de signaler[157]. Il n’est pas bien difficile de démêler le sens de cette légende, non plus que de la coutume adoptée par les Athéniens ; l’une et l’autre tenaient à expliquer et à justifier la mort de la victime. Il est probable que des pratiques semblables étaient en vigueur en d’autres pays, notamment dans le cas où l’on immolait des bœufs associés au travail de l’homme, ce qui, d’ailleurs, fut longtemps une exception[158]. Lorsqu’on expliquait le sacrifice des porcs à Déméter et celui des béliers à Dionysos par le dommage que les animaux causaient dans les moissons et dans les vignes, c’était là encore une tentative pour innocenter les meurtriers. On n’alléguait pas les mêmes excuses pour les victimes domestiques dont la chair n’était pas à l’usage de l’homme. Le choix était alors déterminé par quelque relation supposée entre la nature de ces animaux et les attributs des dieux, ainsi qu’on l’a vu pour les chevaux, lés ânes et les chiens. Il est notoire que les chevaux, en particulier, représentaient symboliquement le dieu de la Mer et les divinités fluviales[159]. Du moment où l’on admettait que les sacrifices étaient une chose agréable aux dieux, il était naturel de leur offrir de préférence les animaux qui, par suite de quelque analogie, semblaient devoir trouver auprès d’eux plus de faveur. Il ne s’agit plus ici des sacrifices suivis de banquets, qui devaient en même temps donner satisfaction aux dieux et aux hommes ; les victimes étaient dévolues tant entières aux dieux. Les animaux qu’on leur consacrait comme leur étant particulièrement agréables étaient aussi ceux qu’on sacrifiait de préférence, soit qu’on les précipitât vivants au milieu des flots[160], soit qu’on les brûlât, après les avoir immolés. D’ordinaire, dans les sacrifices honorifiques, les victimes étaient soumises entières à la crémation (όλόκαυστα, όλόκαυτα, όλοκαυτώματα), mais quelquefois aussi on se proposait un but accessoire : Il y avait par exemple des cérémonies destinées à l’assainissement et à la purification, dans lesquelles il était procédé différemment ; nous y reviendrons. D’un autre côté, la crémation intégrale s’appliquait même aux animaux susceptibles d’être servis dans les banquets des sacrifices, si quelque raison sérieuse ne permettait pas de partager avec les dieux. C’était en particulier le cas, lorsque l’hommage s’adressait ans divinités souterraines, qui, étrangères à la lumière et à la vie, ne pouvaient être les convives de l’homme. A elles seules appartenait l’animal ‘que l’on immolait, l’existence à laquelle on mettait fin. C’est pour cette raison que le sang, réputé chez les anciens le siège de la vie[161], était versé dans une fosse, pour s’écouler de là dans leur empire, après quoi le cadavre était coupé en morceaux et consumé sur l’autel, foyer du sacrifice, et les cendres étaient jetées dans la même fosse ou enfouies près de là[162]. On s’y prenait de la même manière dans les sacrifices funéraires, célébrés en l’honneur des héros ou de mânes moins illustres. Les ombres séjournant dans les régions infernales se sentaient réparées, lorsqu’un élément de vie leur était envoyé d’en haut[163]. Pour elles aussi, on versait le sang dans une fosse, on dépeçait l’animal, on le brûlait et on enfouissait ses cendres. Les mots en usage pour désigner ces opérations sont έντέμνειν et έναγίζειν, έντομα et έγαγίσματα[164]. Des historiens mentionnent comme une singularité la façon dont les Sicyoniens sacrifiaient à Héraklès, qui d’un côté se rattache aux dieux de l’Olympe, de l’autre est compté parmi les héros habitants des régions inférieures. Une moitié de l’agneau immolé était traitée comme s’il s’agissait d’un sacrifice à un dieu, c’est-à-dire que les cuisses étaient consumées sur l’autel, et que l’on se nourrissait d’une partie des chairs ; le reste était réservé comme pour un sacrifice funèbre dont l’usage voulait que le héros seul profitât[165]. Les sacrifices accomplis en vue d’un but déterminé, et que l’on peut appeler, par opposition aux sacrifices honorifiques, les sacrifices intéressés, étaient de trois espèces différentes : ceux qui étaient faits en vue d’obtenir la révélation de l’avenir, ceux qui accompagnaient les serments et les traités, enfin les sacrifices expiatoires et purificatoires. Les premiers étaient ceux dans lesquels le sacrificateur cherchait parmi les entrailles de la victime des pronostics sur l’issue probable d’une entreprise[166] ; nous reviendrons plus loin sur ce mode d’observation appelé Hiéroscopie ; pour le moment, nous nous bornons à rappeler que les sacrifices de ce genre étaient fréquents surtout à la guerre, et que jamais un général ne livrait bataille sans s’être assuré, par cet examen,, du succès de ses armes. On comprend facilement que, dans les sacrifices offerts au moment de l’action, et le plus souvent en grande hâte, on ne pouvait guère s’astreindre à suivre toutes les recommandations, tant pour le dépècement et la crémation des victimes que pour les libations et tous les rites applicables aux sacrifices honorifiques, suivis de banquets. Le temps manquait en face de l’ennemi. On s’élançait au combat dès que les signes avaient été reconnus favorables ; la cérémonie n’avait pas d’autre but. Les animaux égorgés servaient ensuite à la nourriture des troupes, mais il eut été difficile d’organiser ce qu’on appelait proprement le repas des sacrifices[167]. Pour les sacrifices destinés à consacrer la sainteté des serments, on y recourait soit dans les affaires de la vie privée et les actions judiciaires, soit à l’occasion des traités publics. A Thurii, par exemple, la forme légale pour la cession de la propriété immobilière était que le vendeur et l’acheteur sacrifiassent à Apollon, que l’on y adorait sous le surnom d’έπικώμαιος, c’est-à-dire protecteur des κώμαι, et prêtassent serment devant le magistrat assisté de trois voisins, le premier qu’il vendait loyalement, le second qu’il achetait de même. Le sacrifice consistait uniquement en gâteaux pour les contrats de peu d’importance ; il est vraisemblable qu’il y avait aussi effusion de sang, lorsque les transactions étaient considérables. Sans doute, partant de cette idée que les divinités étaient surtout présentes dans les sacrifices, on ne songeait d’abord qu’à les prendre à témoin du serment prêté, et même pour les traités publics, pour les armistices, polir la conclusion de la paix et des alliances, il suffisait rigoureusement d’accompagner le serment de libations, d’où est venu que les mots οπονδαί et οπένδεσθαι ont été appliqués à 1« conclusion des traités ; mais il est certain que des sacrifices plus .coûteux pouvaient trouver place dans ces circonstances, et qu’il en était ainsi même’ à l’occasion de serments privés. Lorsque Démarate adjure sa mère de lui révéler quel est son père, il sacrifie un bœuf et la fait jurer, en lui mettant dans la main une partie des entrailles[168]. Quelque chose d’analogue se passait pour les serments judiciaires, dans les cas solennels. On égorgeait généralement un taureau, un bouc et un bélier ; celui qui prêtait serment touchait les cadavres, avec la main, sans doute aussi avec le pied, et jurait dans cette posture[169]. Il arriva quelquefois aussi, lors de la conclusion des traités publics, que les parties contractantes plongeaient leurs mains ou leurs armes dans le sang des victimes[170]. Dans ces serments solennels, le but n’était pas seulement d’appeler à soi les dieux et de les prendre à témoin ; l’immolation avait un sens symbolique : les dieux étaient suppliés, si celui qui les invoquait manquait à la parole donnée, de le faire mourir, comme on avait fait mourir la victime[171]. La malédiction qui devait poursuivre le parjure était représentée figurément dans le sacrifice ; aussi, aucune partie de l’animal n’était-elle séparée du reste, ni pour être brûlée sur l’autel, à l’usage des dieux, ni pour être consommée par les hommes. Le tout était mis de côté, puis enfoui dans le sol ou jeté à la mer[172]. Par la même raison, on faisait servir à ces sacrifices toute espèce d’animaux, propres ou non à l’alimentation. D’après la fable, Tyndare immola un cheval et l’enterra, lorsqu’il demanda aux prétendants d’Hélène de s’engager par serment à défendre le gendre qu’il aurait choisi[173]. A l’occasion du traité conclu entre les Grecs, commandés par Cléarchos, et les Perses, placés sous les ordres d’Arriæos, on adjoignit un loup aux victimes ordinaires, taureau, bouc et bélier[174]. Il y avait analogie entre ces sacrifices, que l’on peut appeler sacramentaux, et les sacrifices expiatoires, en ce sens que les derniers avaient aussi une signification symbolique. Les souillures et les fautes qui avaient attiré aux hommes le courroux des dieux étaient rejetées sur la tête de la victime. On ne touchait pas non plus à ses restes ; si on ne les enfouissait pas, on les jetait dans la mer ou dans une fosse où le regard ne pouvait les atteindre[175]. Autre ressemblance encore : on faisait servir aux sacrifices expiatoires les animaux que l’on n’avait pas coutume de manger, en particulier les chiens. Toutes les fois même qu’il est question, chez les Grecs, de chiens immolés, il est permis d’en inférer qu’il s’agit d’expiation ou de purification, et effectivement, en présence de la redoutable Hécate, à qui surtout ces sacrifices s’adressaient, on devait toujours se sentir quelque chose à expier. Le sacrifice de ce genre offert à Ilithye, dans Argos, dont il a été parlé plus haut, peut être considéré comme une purification à la suite des relevailles, et les chiens que les éphèbes de Sparte immolaient en l’honneur d’Arès, avaient aussi un caractère purificatoire[176], bien que d’autres interprétations aient été tentées plus tard, quand la véritable était perdue. De nombreux exemples, empruntés à l’histoire moderne aussi bien qu’à l’histoire ancienne, montrent assez comment le sens des usages traditionnels s’obscurcit, en traversant les âges, pour que personne ne s’étonne de ces altérations. Nous ne devons pas non plus être surpris que les sacrifices humains, qui nous restent à considérer, aient donné lieu à des explications confuses ou fausses, tant de la part des anciens eux-mêmes que de celle des critiques modernes. Il est certain que les sacrifices humains n’ont pas seulement été en pratique chez les Grecs dans les temps les plus reculés, et que l’on en trouve des exemples isolés dans les siècles qui ont suivi[177] ; mais il n’est pas moins sûr que les Grecs n’ont jamais été des anthropophages, et l’on a eu tort de dire que certains de leurs cultes trahissaient des idées à ce point bestiales qu’ils croyaient, en accomplissant des sacrifices humains, offrir à leur dieux une véritable pâture[178]. On peut affirmer, je crois, d’une manière générale, ainsi que nous l’avons déjà vu au commencement de ce chapitre, que les sacrifices, sanglants ou non, n’ont jamais été servis aux divinités grecques comme de véritables repas, non plus qu’au Jéhovah des Juifs. Sans aucun doute, les dieux devaient avoir moins de goût encore pour la chair humaine que pour celle des chiens, des ânes, des loups ou des chevaux. Dionysos est appelé ταυροφάγος5[179], mais le poète qui le qualifie ainsi ne prenait certainement pas ce surnom dans le sens littéral ; il voulait dire que des taureaux étaient immolés en l’honneur du Dieu et consommés dans les repas qui suivaient les sacrifices. De même, les épithètes de ταυροκτόνος et de κυνοσφαγής, attribuées l’une à Cybèle, l’autre à Hécate[180], ne signifiaient pas, sans contredit, que ces déesses égorgeassent et dévorassent elles-mêmes des taureaux ou des chiens ; les hommes leur en épargnaient la peine. Dionysos était adoré aussi sous le vocable de ώμηστής ou ώμάδιος ; ce surnom prouve uniquement que, dans certaines fêtes, la chair des victimes n’était pas, comme d’ordinaire, rôtie ou bouillie, et que, suivant un ancien usage, elle devait être mangée crue. Si des sacrifices humains étaient offerts à ce dieu, ce qui, d’ailleurs, rie saurait être mis en doute[181], on ne peut conclure des surnoms qui précèdent que les sacrificateurs aient touché à la chair des victimes, ni que les Grecs se soient fait de Dionysos l’idée d’un mangeur d’hommes. Il n’existe aucune raison de penser que les sacrifices humains fussent accomplis dans des conditions essentiellement différentes de celles des autres. C’étaient aussi des sacrifices expiatoires, dans lesquels rien n’autorise à supposer que les sacrificateurs s’appropriassent tout ou partie de la victime, ni qu’ils se représentassent la divinité prélevant pour son compte les prémices de pareilles offrandes. Les légendes relatives à ce sujet décrivent assez clairement les sacrifices humains offerts à Zeus Laphystios d’Orchomène, comme des sacrifices expiatoires[182], et, d’après les récits mythologiques qui nous ont transmis le souvenir d’e victimes humaines immolées aux dieux, telles que les filles d’Erechthée, Léon d’Athènes, Iphigénie à Aulis, Ménœcée à Thèbes, et d’autres encore, ces sacrifices, sans exception, sont des moyens de regagner la faveur des dieux, de réparer des crimes ou de détourner un danger menaçant. Ce sont donc bien des sacrifices expiatoires, non des sacrifices honorifiques. — Il est certain qu’au temps de Pausanias, c’est-à-dire dans le second siècle de notre ère ; des créatures humaines étaient encore immolées à Zeus Lycéen[183]. Cette fête paraît avoir été périodique ; peut-être revenait-elle tous les neuf ans. L’expiation était accomplie sur le sommet de la montagne, dans une obscurité mystérieuse ; étaient seuls présents les prêtres avec leurs auxiliaires. Aucune donnée certaine, touchant ce qui se passait, ne transpirait au dehors. On peut cependant soupçonner que l’on égorgeait, en même temps que les victimes humaines, différentes espèces d’animaux, et il paraît que celui des sacrificateurs que le sort avait désigné pour répandre le sang de ses semblables, était forcé de quitter le pays durant un laps de temps déterminé, neuf ans sans doute[184]. Dans le peuple, on se racontait que tout homme ayant mangé de la chair humaine était changé en loup, et que les victimaires qui goûtaient les membres dépecés de la victime n’échappaient pas au même sort. Ils erraient, disait-on, neuf années sous cette forme, après quoi, ils reprenaient leur premier aspect, pourvu qu’ils se fussent abstenus de cette abominable nourriture[185]. Le loup est le symbole du meurtrier fugitif[186], et bien que le sacrifice fût jugé nécessaire et commandé par les dieux, cette circonstance atténuante n’empêchait pas qu’il n’y eût un meurtre commis. Ce meurtre devait être expié par un exil temporaire. Les fautes dû peuple avaient mérité la mort ; le dieu voulait bien qu’un seul pérît pour tous ; mais celui qui versait le sang de la victime expiatoire ne devait pas moins être puni comme homicide. Le crime pieux qu’il avait commis criait aussi vengeance ; le meurtrier devait errer comme un loup. Nous avons vu plus haut quelque chose de semblable à propos du bœuf immolé dans les Diipolies. Un usage pratiqué, dit-on, dans l’île de Ténédos offrait plus d’analogie encore avec la légendé de Zeus Lycéen. La plus belle vache était mise à part et consacrée au service de Dionysos ; lorsqu’elle avait mis bas, elle était soignée comme une femme en couche. On chaussait son veau de cothurnes et on l’immolait, mais le prêtre qui l’avait frappé était poursuivi à coups de pierres, et forcé de se sauver jusqu’au rivage[187]. Il est visible que, à l’origine, on sacrifiait une créature humaine, et que l’on substitua plus tard un veau à un enfant ; mais les soins donnés à la vache, les chaussures dont on parait le veau comme autrefois l’enfant, rappelaient encore l’ancien usage ; c’est pourquoi le sacrificateur devait s’enfuir, comme faisait jadis celui qui avait versé le sang humain. La coutume avait existé aussi dans la ville béotienne de Potniæ de sacrifier à Dionysos un jeune garçon, qui, avec le progrès du temps, fut remplacé par un chevreau[188]. De semblables substitutions eurent lieu chez d’autres peuplades, de sorte que l’on peut affirmer avec confiance que, dans les temps historiques on ne recourait guère aux sacrifices humains que par exception, lorsque les circonstances réclamaient des moyens plus énergiques de désarmer la colère céleste. C’est ainsi que, du vivant d’Epiménide, un Athénien s’offrit en victime, pour acquitter la dette de sang qu’avait contractée la ville[189]. Si, dans quelques pays, ces sacrifices existaient encore à l’état d’institution régulière, ils étaient tellement adoucis dans la pratique que leur nom avait cessé d’être exact. A Rhodes, par exemple, où dans une certaine fête un homme devait être sacrifié à Kronos, nom sous lequel il faut entendre le dieu phénicien Moloch, on choisissait un condamné qui, de toute façon, devait mourir ; encore avait-on soin de l’enivrer, de façon à lui épargner, autant que possible, les angoisses de la mort[190]. La seule différence entre ces sacrifices et les exécutions ordinaires était que la mort du coupable ne servait pas seulement à expier son crime, et qu’il faisait en même temps, vis-à-vis de la divinité, l’office de bouc émissaire, chargé de payer pour ses concitoyens. Il est vraisemblable aussi, bien que les témoignages fassent défaut sur ce point, que, en Arcadie, les adorateurs de Zeus Lykaios lui sacrifiaient plus volontiers des coupables que des innocents. Chez les Athéniens, pendant la fête des Thargélies, deux hommes étaient promenés dans la ville, à coups de baguettes de figuier et de scilles marines, avec accompagnement de prières et de chants expiatoires, jusqu’au lieu où ils étaient mis à mort. On brûlait leurs cadavres et on jetait leurs cendres à la mer, mais un ancien témoin déclare que l’on choisissait, à cet effet, des hommes perdus de crimes ou du moins à ce point dépravés qu’ils ne méritaient pas de vivre[191]. De même, à Leucade, par obéissance à la loi religieuse qui, pour détourner la colère d’Apollon (άποτροπής χάριν), ordonnait de précipiter tous les ans un homme Claus la mer, le jour de la fête du Dieu, on choisissait un criminel, que l’on ne se croyait même pas tenu de mettre réellement à mort ; il suffisait qu’il fût lancé du haut du rocher, et, pour atténuer sa chute, on lui attachait des plumes, voire même des oiseaux. On poussait les précautions jusqu’à disposer en dessous du rocher des barques, afin de le recueillir et de le transporter, s’il était encore vivant, hors du pays[192]. Ces boucs émissaires étaient appelés περιψήματα, parce que, grâce à eux, les souillures de toute la population étaient lavées et comme balayées ; c’est aussi le mot dont se sert saint Paul[193], comme synonyme de κάθαρμα. Ailleurs, les victimes expiatoires sont désignées sous le nom expressif de remèdes (φαρμακοί). Enfin, en beaucoup de contrées, où les sacrifices humains avaient été jadis en usage, il suffit plus tard que le sang fût vergé, sans que la mort s’ensuivit[194]. C’est ce qui arriva le plus souvent dans le culte de l’Artémis de Tauride, divinité certainement étrangère, qui se trouva identifiée avec l’Artémis grecque. L’exemple le plus connu de ces adoucissements est la Diamastigosis, à laquelle étaient soumis les jeunes garçons de Sparte, en l’honneur d’Artémis Orthia. Nous avons vu plus haut, il est vrai, que cette flagellation entraînait quelquefois la mort ; mais lorsque le Bomonikas payait la victoire de sa vie, il n’était pas considéré comme une victime expiatoire, chargée de réparer les iniquités de tout le peuple, c’était un héros à qui sa constance assurait la faveur des dieux et le respect des hommes. On le portait au tombeau couronné de lauriers, et un monument perpétuait sa mémoire[195]. Nous devons cependant signaler, avant de terminer ce chapitre, deux exemples de sacrifices humains, réellement accomplis ou du moins commandés par les dieux, durant les temps historiques. Avant la bataille de Salamine, au moment où Thémistocle offrait un sacrifice, trois soldats de l’armée persane furent amenés prisonniers. Le devin Euphrantidès les eut à peine aperçus qu’il vit une lumière s’élever sur l’autel, et qu’il entendit éternuer à droite, signe non équivoque des volontés célestes. Il supplia Thémistocle de sacrifier les captifs à Dionysos Omestès ; les Grecs pouvaient, à ce prix seulement, compter sur la victoire. Thémistocle fut frappé d’horreur, mais la foule qui l’entourait ne lui permit pas de laisser tomber les paroles du devin, et cet acte de barbarie dut s’accomplir[196]. On voit qu’il ne s’agit, en ce cas, que de l’aberration d’un visionnaire fanatique, par lequel la multitude se laissa égarer, à la veille d’une lutte inégale. Les choses ne se passèrent pas ainsi, lorsque Pélopidas, au moment de livrer la bataille de Leuctres, vit en songe les ombres de jeunes filles ensevelies dans le voisinage, dont on racontait que, longtemps auparavant, elles avaient été violées et tuées par dés Spartiates. Leur père Skédasos, ne pouvant obtenir vengeance, s’était suicidé sur leur tombeau, en se répandant en imprécations contre Sparte[197]. Donc, ces infortunées, apparurent en rêve à Pélopidas, avec leur père, et lui promirent la victoire, s’il consent à immoler une jeune fille blonde sur leur tombeau. Pélopidas révéla ce prodige aux autres chefs et aux devins ; les uns lui conseillèrent de déférer à l’avertissement qu’il avait reçu ; les autres, et c’était le plus grand nombre, ne voulaient pas entendre parler d’un acte réprouvé parla nature et par les lois. Au milieu de la discussion, une pouliche blanche vint à passer en courant ; le devin Théocritos, moins fanatique qu’Euphrantidès, s’écria que c’était là la victime réclamée par les jeunes filles de Leuctres. La pouliche fut solennellement immolée sur leur tombeau, et l’on porta à la connaissance de l’armée le songe et le sens vrai du sacrifice. Ainsi fut atteint le but en vue duquel, très probablement, tout avait été combiné, puisque l’ardeur des soldats, surexcitée au moment de la bataille, fut couronnée par une brillante victoire des Thébains sur les Spartiates. |
[1] Athénée, VIII, c. 65, p. 363.
[2] Origène, contre Celse, VIII, p. 397, (t. XX, p. 17, éd. Lommatzch) ; cf. Psellus, de operat. Dæmonum, p. 12, éd. Boissonade.
[3] Les épithètes de ώμηστής, αίγοφάγος, κριοφάγος, dont sont accompagnés les noms des dieux (Hesychius s. v. et Pausanias, III, c. 15, § 7), le surnom de όψοφάγος, sous lequel est désigné Apollon, celui de χοοπότης attribué à Dionysos, celui de είλαπινάστης que l’on trouve joint au nom de Zeus (Athénée, VIII, c. 36, p. 346 ; XII, c. 45, p. 533 et IV, c. 74, p. 174) ne sauraient compter comme des arguments.
[4] La substance céleste et éthérée du feu a été surtout célébrée chez les Hindous, qui en ont fait, sous le nom d’Agni, un intermédiaire entre les hommes et les dieux ; voy. Pictet, Origines Indo-Europ., t. II, p. 677.
[5] Voy. Schœmann, Opusc. academ., t. II, p. 279.
[6] Le mot πΰρ, du sanscrit pû, parait même contenir l’idée de purification ; voy. J. Grimm, Kleine Schriften, t. I, p. 302, et Curtius, Etymolog. Studien, n° 385.
[7] Plutarque, Aristide, c. 20.
[8] Plutarque, Quæst. græcæ, n° 24.
[9] Philostrate, Heroica, c. 20, § 24, p. 311, éd. Didot.
[10] Pausanias, VIII, c. 15, § 9.
[11] Xénophon, de Re Rubl. Lacedæmon., c. 13, § 2.
[12] Pausanias, V, c. 14, § 2.
[13] Pausanias, II, c. 10, § 5.
[14] Pausanias, I, c. 26, § 7.
[15] Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 480.
[16] Pausanias, II, c. 22, § 3.
[17] Pollux, VII, 119 ; Æschine, c. Ctésiphon, § 77 ; Plutarque, Aristide, c. 21 ; Lucien, Nigrinus, c. 14.
[18] Porphyre, de abstinentia Animalium, I, § 19 ; Platon, Leges, IV, p. 716 ; Cicéron, de Legibus, II, c. 10.
[19] Porphyre, ibid., I, § 19 ; Clément d’Alexandrie, Stromata, V, c. 1, § 13, p. 652, éd. Potter.
[20] Anthologia Palatina, XIV, 71 et 74.
[21] Platon, Leges, VI, p. 782 ; Porphyre, ibid., II, § 6 et suiv. ; Ovide, Fastes, I, v. 337.
[22] Pausanias, IX, c. 19, § 5.
[23] Athénée, XI, c. 52, p. 476 ; voy. aussi Lobeck, Aglaophamus, p. 26 et 27, et Preller, dans son édition de Polémon, p. 142. Il est cependant certain que le κέρνος était offert à d’autres divinités, aussi bien qu’à la mère des dieux, et qu’il contenait, outre des fruits de la terre, du miel, de la laine el, autres objets semblables.
[24] Pausanias, VIII, c. 42, § 11.
[25] Voy. plus bas le chapitre XVII.
[26] Proclus, dans la Bibliothèque de Photius, c. 239, p. 990, éd. Hœschel.
[27] Pollux, Onomast., VI, 61 ; Harpocration, s. v.
[28] Plutarque, Thésée, c. 22 ; Eustathe, ad Iliadem, XXII, v. 495.
[29] Pseudo-Hérodote, Vita Homeri, c. 311 ; cf. Ilgen, Opuscula, t. I, p. 129.
[30] Aristophane, Plutus, v. 1055.
[31] Voy. Lobeck, Aglaophamus, p. 1062, 1069 et 1072.
[32] Pollux, Onomast., I, 30 ; Zénobius, Proverb., cent. V, 5, et Appendix Proverb., cent. III, 93, t. I, p. 116 et 434, éd. Leutsch et Schneidewin.
[33] Diogène Laërte, VII, 13 ; Porphyre, de Abstin., II, § 28 ; Pausanias, I, c. 26, § 5.
[34] Thucydide, I, c. 126.
[35] Euripide, Ion, v. 227, et Hélène, v. 1336 ; Aristophane, Plutus, v. 661.
[36] Voy. les annotateurs d’Horace, Epist., I, 10, v. 10.
[37] Ou θευμορία ; voy. Hesychius, s. v.
[38] Pausanias, IX, c. 19, § 4.
[39] Iliade, XVI, v. 225.
[40] Athénée, IV, c. 22, p. 143, d’après Phrygion, περί Κρητικών νομίμων.
[41] Pollux, Onomast., VI, 15 ; voy. aussi Becher, Chariklès, t. II, p. 262. Personne ne s’étonnera que tous les témoignages ne s’accordent pas sur de semblables détails ; voy. par exemple Athénée, I, c. 28 ; II, c. 3 et 7 ; XV, c. 17 et 47 ; Diodore de Sicile, IV, c. 3. En pareille matière, les usages variaient suivant les temps et les lieux.
[42] Scholiaste d’Aristophane, Plutus, v. 1133.
[43] Porphyre, de Abstin., II, § 20 ; Plutarque, Quæst. conviv., IV, c. 6, § 2 ; Eustathe, ad Odyss., X, v. 519 ; Sophocle, Electre, v. 895 ; Schol. d’Æschine, c. Timarque, § 188 ; voy. aussi Bergk, dans les Iahrb. für Philol., t. LXXXI, p. 382, où est mise en avant, non sans raison, la conjecture que dans les plus anciens temps, les Grecs faisaient servir aux libations non du vin, mais la liqueur désignée proprement par le mot μέθυ.
[44] Pausanias, II, c. 11, § 4 ; Æschyle, Euménides, v. 107.
[45] Pausanias, V, c. 15, § 10. Voy. aussi Wolff, dans ses Notes sur le traité de Porphyre, de Philosophia ex Oraculis, p. 115.
[46] Plutarque, de Sanitate tuenda, c. 17 ; Schol. de Sophocle, Œdipe à Colone, v. 100. Voy. aussi Preller, dans son édition des Fragments de Polémon, p. 74 et Wolff, ibid. D’après Philarque, cité par Athénée, XV, c. 48, p. 693, le vin n’était jamais employé dans les libations faites en l’honneur d’Hélios, mais seulement le miel ou mélikraton.
[47] Æschyle, les Perses, v. 609 et suiv. Voy, aussi Nitzsch dans ses Notes sur l’Odyssée, III, v. 162, et Ovide, Métamorphoses, VIII, v. 275.
[48] Pollux, Onomast., X, 75 ; Athénée, XI, c. 71, p. 486.
[49] Scholiaste de Platon, p. 155.
[50] Homère, Iliade, VI, v. 270 et 301.
[51] Hésiode, Œuvres et Jours, v. 338.
[52] Voy. Lobeck, Aglaophamus, p. 395 et 405.
[53] More Nebuchim, II, 46.
[54] Voy. Nitzsch, dans ses Notes sur l’Odyssée, t. I, p. 15 ; Voss, Antisymbolik, t. II, p. 456 ; cf. Ritter, Erdkunde, t. XII, p. 356 et suiv.
[55] Homère, Iliade, XXI, v. 132.
[56] Pausanias, VIII, c. 7, § 2.
[57] Festus, s. v. October equus.
[58] Rangabé, Inscript. hellen., t. II, p. 462, n° 821 à ; Pausanias, III, c. 20, § 4. D’après Tzetzès, dans ses Notes sur Lycophron, v. 483, des chevaux blancs étaient sacrifiés aussi en Arcadie, dans les anciens temps.
[59] Eustathe, ad Iliadem, I, v. 41.
[60] Corpus Inscript. Græc., n° 1688 v. I4 ; cf. ibid., p. 809. Cependant la leçon est incertaine, et Ahrens (de Dialecto dorica, p. 484) conjecture avec beaucoup de vraisemblance que le mot όνους, ânes, a été substitué à ώνους, prix, bien qu’il en soit blâmé par Welcker (Gœtterlehre, t. II, p. 360).
[61] Lactance, Institut. div., I, c. 21 ; Etymolog. Magn., p. 103, 33.
[62] Lycophron, v. 77 ; Hesychius, s, v. Γενεθυλλίς.
[63] Plutarque, Quæst. rom., n° 52. Il n’y a pas de doute que, dans ce passage, il ne faille lire Είλειθυία au lieu de Είλιονία.
[64] Pausanias, III, c. 14. § 9 ; Plutarque, Quæst. rom., n° 111.
[65] C’est l’opinion du Scholiaste de Lycophron, v. 77.
[66] Porphyre, de Abstin. carnis, I, c. 14. Chez quelques peuplades barbares, la chair du chien était d’un usage ordinaire (Sextus Empiricus, Pyrrhon. Hypotyp., III, c. 24 ; Justin, XIX, c. 1). Lorsque des habitants de ces pays séjournaient en Grèce, ils ne renonçaient pas à leurs habitudes, et pouvaient même trouver des imitateurs ; telle, est la conclusion à tirer d’un passage d’Alexis cité par Athénée (IV, c. 52, p. 161) ; Ananius (Ibid., VII, c. 16, p. 282) mentionne parmi les animaux comestibles les ânes, les chiens et les renards. Dans certaines maladies, la chair du chien était ordonnée comme un remède.
[67] Pausanias, II, c. 11, § 7 ; voy. aussi les annotateurs de Platon (Phédon, p. 118).
[68] Voy. Wolff, dans ses Notes sur Porphyre, de Philos. ex Oraculis, p. 189.
[69] Plutarque, Agésilas, c. 33.
[70] Voy. Wolff, Ibid., p. 191 et 192. On peut lire aussi une dissertation, du même critique sur les sacrifices de volailles, dans le Philologus, t. XXVIII, p. 188.
[71] Arrien, de Venatione, c. 32.
[72] Pausanias, VII, c. 18, § 12.
[73] Plutarque, Quæst. conviv., VIII, c. 8, § 3.
[74] Athénée, VII, c. 5, p. 297 ; Polyen, VI, c. 211.
[75] Anthologie Palatine, X, n° 9, 14 et 16.
[76] Apollodore, cité par Athénée, VII, c. 126, p. 325.
[77] Par exemple le héros Kylabras, chez les Phaselites ; voy. Athénée, VII, c. 51, p. 297 et 298.
[78] Cicéron, de Legibus, II, c. 8 : Quœ cuique divo decoræ gratæque sint hostiæ providento (sacerdotes.)
[79] Les Acharniens, v. 301 et suiv. Pausanias (II, c. 10, § 5) remarque qu’à Sicyone non plus on ne sacrifiait jamais de porcs à Aphrodite.
[80] Strabon, IX, p. 435. Le surnom de Καστνιήτις, donné à Aphrodite, vient du mont Kastnion, près d’Aspendos. Quelques critiques ont supposé que la déesse portait le même surnom en Thessalie ; mais cette conjecture n’est pas autorisée par le passage de Strabon.
[81] Athénée, III, c. 49, p. 96.
[82] Schol. d’Aristophane, les Grenouilles, v. 333.
[83] Pausanias, II, c. 26, § 9 et X, c. 32, § 12.
[84] Pausanias, III, c. 15, § 9.
[85] Athénée, XIII, c. 51, p. 537.
[86] Lucien, Dial. Meretricum, n° 7 ; voy. aussi les notes du Scholiaste.
[87] Par exemple à Athènes, dans la fête célébrée en souvenir de la bataille de Marathon ; voy. plus bas, chap. 17.
[88] Voy. plus bas, chap. 11 ; mais voy. aussi Homère, Iliade, I, v. 41.
[89] Cette conjecture repose uniquement sur une correction proposée à un passage d’Aristote (Morale à Nicomaque, V, c. 10), qui d’ailleurs, alors nième que la correction serait adoptée, ne serait pas encore une preuve convaincante.
[90] On lit par exemple dans le Plutus d’Aristophane, v. 820 : βουθυτεΐν ύν καί τράγον καί κριόν.
[91] Aristote cité par Athénée, XV, c, 16, p. 674. On lit aussi dans l’inscription mythique d’Andania, § 11, v. 71 : Εύίερα καθαρά καί όλόκηρα.
[92] Platon, Alcibiade, II, p. 119 a ; Ælien, de natura Animal., XII, c. 34 ; Callimaque cité par le Scholiaste d’Aristophane (les Oiseaux, v. 873).
[93] Voy. Kühn, dans ses Notes sur Pollux, I, 29.
[94] Corpus Inscript. græc., n° 2360 ; voy. aussi Rangabé, Antiq. hellen., n° 821.
[95] Corpus Inscript. græc., n° 3538.
[96] C’est ce que l’on appelle ίερά τέλεια. Quelquefois cependant on désignait aussi par ces expressions les sacrifices d’animaux âgés d’un an ou même seulement de dix jours ; voy. Hesychius, s. v. τέλεια.
[97] Iliade, II, v. 403, et X, v. 292 ; Odyssée, XIV, v. 419.
[98] Ælien, de natura Animal., XII, c. 34.
[99] Pausanias, IX, c. 8, § 1.
[100] Philochorus, cité par Athénée, I, c. 16, p. 9, et IX, c. 17, p. 375.
[101] Pausanias, II, c. 11, § 4.
[102] Arnobius, adv. Gentes, VII, c. 19.
[103] Pausanias, IX, c. 19, § 7.
[104] Odyssée, XI, v. 33. Oreste sacrifia aussi un bélier noir aux Euménides, d’après le Scholiaste de Sophocle (Œdipe à Colone, v. 42).
[105] Aristophane, les Grenouilles, v. 847, éd. Didot.
[106] Odyssée, III, v. 6.
[107] Pindare, Pythiques, IV, v. 365 (205, éd. Bœckh), et Olymp., XIII, v. 98 (69). Dans ce passage, l’épithète άργάντα désigne, d’après le Scholiaste, non la couleur, mais l’état général de l’animal.
[108] Porphyre, de Abstin., I, c. 25. Porphyre parle du troupeau sacré de Perséphone, à Cyzique. Ailleurs (II, c. 55), il signale l’empreinte, σφραγίς, dont étaient marqués les troupeaux comme une coutume égyptienne, coutume décrite déjà par Hérodote et par Plutarque ; mais on lit dans l’inscription d’Andania (§ 11, v. 71) : τοΐς δέ δοκιμασθέντοις ίερείοις σαμεΐον έπιβαλόντων οί ίεροί. D’après le même texte, l’épreuve précédait de dix jours le sacrifice.
[109] Plutarque, de defectu Oracul., c. 49.
[110] Athénée, XV, c. 16, p. 674 ; Platon, Alcibiade, II, c. 20, p. 149 C ; voy. aussi Homère, Iliade, X, v. 294, et Odyssée, III, v. 384.
[111] Scholiaste d’Homère, Iliade, XIII, v. 736. Ce passage est le seul où le mot στέφανος soit employé chez Homère, et il y est pris dans un sens figuré. Στεφάνη, d’où vient εύστέφανος, désigne les bandelettes qui entouraient la tête, comme une sorte de bonnet.
[112] La coutume établie à Paros, en Crète, de sacrifier aux Charitinnes sans couronne, est citée comme une exception (Apollodore, Biblioth., III, c. 15, § 7). On ne portait pas de couronne lorsqu’on était en deuil (Athénée, Ibid.). Quand Xénophon, occupé à un sacrifice, apprit la mort de son fils Gryllus, il arracha sa couronne (Diogène Laërte, II, c. 54.)
[113] Plutarque, Quæst. roman., n° 112.
[114] Aristophane, Plutus, v. 21.
[115] Aristophane, la Paix, v. 947 et suiv.
[116] Hérodote, V, c. 88.
[117] Euripide, Hercule furieux, v. 928 ; Athénée, IX, c. 76, p. 409.
[118] Aristophane, Lysistrata, v. 1129 ; Athénée, ibid., Hesychius s. v. δάλιον.
[119] Vov. Bultmann, Lexilogus, t. I, p. 101, et en sens contraire Sverdsjö, de Verbor. ούλαί et ούλοχύται signific., dans les Jahrb. für Philologie de Jahn, supplém. IV, p. 439 et suiv. Les objections adressées à Buttmann par Pott (Etymol. Forschungen, t. I, p. 789) reposent uniquement sur une étymologie contestable ; voy. aussi Curtius, Etymol. Studien, t. I, p. 322, n° 527. Dans Hérodote (I, c. 160), les mots ούλαί κριθών paraissent désigner plutôt une préparation faite avec des grains d’orge que les grains mêmes, conservés dans leur intégrité.
[120] Pausanias, I, c. 44, § 9.
[121] Plutarque, Quæst. conviv., VIII, 8, § 3 ; Schol. d’Apollonius, I, v. 415.
[122] Iliade, III, v. 273, et XIX, v. 254 ; Euripide, Électre, v. 800. A cette opération s’appliquent spécialement les mots κατάρχεσθαι τοΰ ίερείου ; voy. Kuster, dans ses Notes sur les Oiseaux d’Aristophane, v. 958, et Monk, dans son édition de l’Alceste d’Euripide, v. 74. Mais l’expression κατάρχεσθαι comprenait aussi d’autres cérémonies préparatoires ; on lit dans Homère (Odyssée, I. III, v. 445) : χέρνιβά τ' ούλοχύτας τε κατήρχετο. Cf. Hesychius, s. v. ούλοχύται, τά κατάργματα.
[123] Voy. Homère, Iliade, IX, v. 171 ; Aristophane, les Thesmoph., v. 301 ; les Acharniens, v. 237, et les Oiseaux, v. 958.
[124] Dion Chrysostome, Or. XXXII, § 57 ; Hérodote, (I, c. 132), signale comme une coutume particulière aux Perses l’absence des flûtes dans les sacrifices.
[125] Eustathe, ad Iliadem, I, v. 459 ; cf. Lexicon Seguer., p. 417, 8.
[126] Pausanias, VIII, c. 37, § 8.
[127] Æschine, de falsa Legatione, p. 262, § 84.
[128] Voy. Wieseler, dans le Philologus, t. X, 3, p. 385 ; Eubulide, cité par Clément d’Alexandrie (Stromata, VII, p. 716) ; cf. Meineke, dans les fragm. Comic. græc., t. III, p. 270. Dans l’Exode (c. 29, v. 22), la queue de l’animal est spécialement mentionnée.
[129] Voy. Hermann, dans ses Notes sur le Prométhée d’Æschyle, p. 100.
[130] Homère, Iliade, XI, v. 774, et Odyssée, III, v. 459 ; Athénée, XI, c. 71, p. 486 ; Pollux, X, 65 ; les Scholies d’Héphestion, p. 82, éd. de Pauw ; Terentius Maurus, p. 62.
[131] Scholiaste de Sophocle (Œdipe à Colone, v. 100). C’était le cas des sacrifices offerts, chez les Éléens, au dieu Sosipolis, dans lesquels on se contentait de brûler des parfums, voy. Pausanias, VI, c. 20, § 3. De même on ne répandait pas de vin sur l’autel de Ζεύς ύπατος, situé dans l’acropole d’Athènes ; on n’y servait que des gâteaux.
[132] Théocrite, Id., V, v. 139 ; Plutarque, Agésilas, c. 177 ; Aratus, c. 15 ; Polyen, Stratagem., II, c. 1, 3 ; Plaute, Miles gloriosus, v. 706.
[133] Isée, Or. IX, c. 33.
[134] Aristophane, Plutus, v. 227 ; cf. Plaute, Pœnulus, a. II, sc. 1, v. 44 et a. 3, sc. 3, v. 3. Sur le repas du sacrifice servi dans le sanctuaire même, voy. le Rudens, prol. v. 61 et a. II, sc. 3, v. 13.
[135] Théophraste, Caractères, c. 9.
[136] Hesychius, s. v. έστία ; Eustathe, ad Odysseam, p. 1579, 43 ; Zénobius, Proverb., cent. IV, n° 44 ; Diogenianus, Proverb., cent. IV, n° 68.
[137] Philochorus, cité par Athénée, XIV, c. 72, p. 656.
[138] Homère, Odyssée, III, v. 332 et 341 ; cf. Apollonius de Rhodes, I, v. 517 ; Athénée, I, c. 28, p. 16.
[139] Eustathe, ibid., p. 1470, 32 ; Athénée, Ibid. ; Cornutus, de Nat. Deor., c. 16, p. 64, éd. Osann.
[140] Aristophane, Plutus, v. 1111 ; les Oiseaux, v. 1710 ; la Paix, v. 1058. On lit dans le Scholiaste d’Aristophane, Plutus, I : ότι τών ίερειων ή γλώττα τώ Έρμή δίδοται έν ταΐς δημοτελέσι θυσίαις. Les langues étaient le profit des hérauts, parce que, d’après Kleidemus dans Athénée (XIV, c. 79, p. 660) : μαγείρων καί βουτύπων τάξιν είχον.
[141] Schol. de Pindare (Isthm., IV, v. 110) ; Etymolog. Magn., p. 468, 31 ; Schol. d’Apollonius (I, v. 587) ; Proclus, ad Hesiodi Opera et Dies, v. 763.
[142] Athénée, I, c. 19 p. 12 ; cf. Becker, Chariklès, t. II, v. 236.
[143] Plaute, Pœnulus, a. II, se. I, v. 44 ; Aristophane, Plutus, v. 227.
[144] Théophraste, Caract., c. 21.
[145] Pollux, I, 34, et VI, 8. Une inscription publiée par Ussing (n° 54) et par Rangabé (Antiq. Hellen., n° 814) contient des renseignements spéciaux sur la Kreanomie ou distribution des viandes provenant des sacrifices, tant aux autorités qu’au peuple réparti par dèmes.
[146] Dans l’Aréopagitique, § 29.
[147] Eustathe, ad Iliadem, p. 49, 4, et ad Odysseam, p. 1454, 26 ; Théodoret, Græc. affect. curatio, VII, p. 282, éd. Gaisford.
[148] Hesychius. s. v. δωδεκάδες θυσίαι ; Eustathe, p. 1306, 48 et 1676, 40.
[149] Aristophane, Plutus, v. 820 ; Pausanias, II, c. 11, § 7 ; Photius, p. 605, 13 ; Corpus Inscript. græc., t. I, p. 811. Au contraire, d’après Istros, cité dans l’Etymolog. Magn., s. v., on nommait τριττύν τήν έκ βοών, αίγών, ύών άρσένων πάντων τριετών. Il ressort de là que ces particularités du culte n’étaient pas exactement connues, même des savants, soit parce qu’elles variaient, soit faute d’y attacher de l’importance.
[150] Harpocration, s. v. Il est à remarquer cependant que, dans quelques manuscrits, Pandora est remplacée par Pandrosos ; la même substitution existe dans Suidas et dans l’Etymolog. Magn., p. 358, 13. Pandora doit être considérée comme un surnom de la Terre ; voy. Philostrate, Vita Apollon., VI, c. 39, et Schœmann, Opusc. acad., t. II, p. 295.
[151] Julien, Or. V, 176 ; Schol. de l’Iliade, I. III, v. 310.
[152] Ήγοΰντο γάρ ώσπερ συσσιτεΐσται τοΐς θεοΐς dit le même scholiaste ; On lit aussi dans saint Paul, Épître aux Corinthiens, I, c. 10, v. 21 : τραπέζης δαιμονίων μετέχειν.
[153] Platon, les Lois, VI, p. 782 C. ; Plutarque, Quæst, conviv., VIII, c. 8, § 3 ;. Porphyre, de Abstin., II, c. 6 ; cf. Pausanias, VIII, c. 2, § 3.
[154] Varron, de Re rustica, II, c. 4, 9 ; Ovide, Métamorph., XV, v. 111 ; Porphyre, de Abstin., I, c. 14, et III, c. 20, avec les remarques de Choer. On lit aussi dans Athénée, IX, c. 64, p. 401 : σΰν οίονεί θΰν, τών είς θυσίαν ύθετοΰντα.
[155] Ælien, Var. Histor., V, c. 14 ; voy, aussi Ménage, dans ses Notes sur Diogène Laërte, VIII, c. 20 ; Jacobs, dans son édition de l’Anthologie, IX, p. 232 ; Lobeck, Aglaophamus, p. 677.
[156] Pausanias, I, c. 28, 5 10 ; Ælien, Var. Hist., VIII, c. 3.
[157] Apollodore, II, c. 5, § 11, 10 ; Conon, Narrat., c. 11 ; Philostrate, Imagines, II, c. 24 ; Lactance, Institut. divin., I, c. 21, § 31.
[158] Ælien, Var. Hist., V, c. 14, avec les notes de Périzonius ; Pausanias, IX, c. 12, § 1 ; Jacobs, dans ses notes sur l’Anthologie, II, 2, p. 232 ; Lobeck, Aglaoph., p. 677.
[159] Voy. Preller, Mythol., t. I, p. 353.
[160] Des taureaux étaient précipités aussi dans le lac formé par la source de Cyané, près de Syracuse.
[161] On lit dans le Lévitique, c. 17, v. 11 : Car la vie de la chair est dans le sang. Voy. aussi Servius, ad Æneidem, IX, v. 348.
[162] Voy. Muller, dans ses Notes sur les Euménides d’Æschyle, p. 180.
[163] Lucien, de Lictu, c. 9, et Contemplantes, c. 22.
[164] On applique cependant quelquefois l’expression θύειν à ces sacrifices ; voy. Ross, das Theseion, p. 20. Dans Pindare (Olymp., I, v. 146), le sacrifice annuel d’un bélier, que l’on avait coutume de faire à Elis en l’honneur de Pélops, est appelé αίμακουρία ; voy. Pausanias, V, c. 13, § 2.
[165] Pausanias, II, c. 10, § 1 ; cf. Hérodote, II, c. 44.
[166] Dans Macrobe (Saturnales, III, c. 5), le genre de sacrifice in quo voluntas dei per exta disquiritur est opposé à tous les autres. Les grammairiens grecs établissent que, pour les sacrifices destinés à interroger les dieux, on emploie le moyen θύεσθαι, à la place de l’actif, ce qui s’explique facilement ; mais la même observation peut s’appliquer à tous les autres sacrifices accomplis pour un but déterminé ; voy. Haase dans son édition du de Republ. Lacedæm., p. 312.
[167] Théophraste, dans Stobée, Florileg., 44, n, 22, p. 202, éd. Gaisford.
[168] Hérodote, VI, c. 68.
[169] Démosthène, c. Aristogiton, § 68, p. 642. Cf. Æschine, de falsa Legatione, § 87, p. 264. On lit dans Antiphon, de cæde Herodis, p. 710 : άπτόμενοι τών σφαγίων et dans Lycurgue, c. Léocrate, § 20 : λαβόντες τά ίερά. Voy. aussi les notes de Mætzner sur ce passage.
[170] Xénophon, Anabasis, II, c. 2, § 9 ; Æschyle, Septem c. Thebas, v. 43.
[171] Eustathe, ad Iliadem, III, v. 273, p. 414, 43 ; à quoi il faut ajouter ce que l’on raconte des serments qui accompagnaient les sacrifices chez les Molosses ; Diogenianus, Proverb., cent. III, 60 ; Zénobius, cent. II, 83 ; Suidas s. v. βοΰς ό Μολόττων. Des formules semblables étaient en usage aussi chez les Romains ; voy. Tite-Live, I, c. 24, 8.
[172] Voy. Eustathe, ad Iliadem, III, v. 310, et les Scholies sur le même passage ; Pausanias, I. V, c. 24, § 10.
[173] Pausanias, III, c. 20, § 9.
[174] Xénophon, Anabasis, II, c. 2, § 9.
[175] Hippocrate, de morbo sacro, p. 16 et suiv., éd. Diez ; voy. aussi Pausanias, II, c. 31, § 8.
[176] Plutarque, à propos de ces chiens (Quæst. rom., n° 111), emploie le mot έντέμνειν.
[177] Plusieurs des exemples cités à ce sujet reposent sur un simple malentendu, en particulier ce que racontent Clément d’Alexandrie (Protreptica, c. 3, § 42, p. 36 éd. Potter) et Eusèbe (Præpar. evangel., IV, c. 16) sur les trois cents victimes sacrifiées par le messénien Aristodème. Il s’agissait en réalité d’un sacrifice d’actions de grâces, répété trois fois, à l’occasion d’une victoire dans laquelle cent hommes de l’armée ennemie avaient été tués ; voy. Pausanias, IV, c. 19, § 3.
[178] Voy. Hermann, Gœtterdienstl. Alterth., § 27. Sur les traces de sacrifices humains accomplis chez les Juifs, à qui l’idée de la mort expiatoire n’était nullement étrangère, voy. Duneker, Alterth. Geschichte, t. I, p. 170. On peut aussi consulter, sur les Hindous, Lassen, Indische Alterth., t. I, p. 747, et Weber, dans la Zeitschrift des Morgenl. Gesch., t. XVIII, p. 26-9.
[179] Sophocle, dans un fragment de la tragédie de Tyro, cité par le Schol. d’Aristophane (les Grenouilles, v. 360) ; cf. Suidas, s. v. et Etymolog. Magn., p. 747, 49.
[180] Lycophron, Cassandra, v. 77 et 1069.
[181] Voy, les preuves, à l’appui dans Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 444, et dans Preller, Mythologie, t. I, p. 542.
[182] Voy. O. Muller, Orchomenos, p. 156 (161) ; Bæhr et Stein, dans leurs Notes sur Hérodote, VII, c. 197. On ne voit pas clairement quelle idée doit être attachée à l’épithète λαφύςτιος qui a proprement le sens d’engloutisseur. Overbeck, dans les Abhandl. der Sæchs. Gesellschaft der Wissench., t. IV, p. 41, y voit une allusion à l’absorption des nuages et de l’humidité ; on peut aussi penser aux canaux de décharge dans lesquels s’écoulait le trop plein du lac Copaïs.
[183] Pausanias, VIII, c. 38, § 7. Il résulte de plusieurs témoignages et entre autres d’un passage de la Cité de Dieu (XVIII, c. 17), dans lequel saint Augustin cite pour garant Varron, que l’on choisissait pour victimes de jeunes enfants. Voy. aussi Kettner, Varron. Studien, p. 711.
[184] De ce que dit Pline (Hist. natur., VIII, c. 22, p. 516 éd. Gronovius), on peut conclure que le sort ne décidait qu’entre les membres d’une même famille (ex Antæi ou Anthi cujusdam gente).
[185] Platon, de Republ., VIII, p. 565 D ; Pausanias, VIII, c. 2, § 6.
[186] Voy. Ulrichs, Reisen und Forsch. M Griechenl., p. 62. O. Jahn, ueber Lykoreus, dans les Berïchten der Sæchs. Gesellsch. der Wissensch, 1847, p. 423.
[187] Ælien, de nat. Animal, XII, c. 311 ; voy. aussi Welcker, Gœtterl., t. I, p. 444.
[188] Pausanias, IX, c. 8, § 2.
[189] Athénée, XIII, c. 78, p. 602.
[190] Porphyre, de Abstin., II, c. 54.
[191] Tzetzès, Chiliades, V, v. 25 ; Schol. d’Aristophane, les Chevaliers, v. 1136. O. Müller (Dorier, t. I, p. 329, 326 de la première édition) est d’avis que les hommes n’étaient pas effectivement mis à mort, mais précipités du haut d’un rocher, au bas duquel ils étaient recueillis pour être conduits à la frontière, comme cela se passait à Leucade.
[192] Strabon, X, c. 2, p. 452.
[193] Saint Paul, Épître aux Corinthiens, I, c. 4, v. 13.
[194] Porphyre, de Abstin., II, c. 27 ; Euripide, Iphigénie à Tauris, v. 145 et suiv. : όσίας έκατι.
[195] Lucien, de Gymnast. c. 38 ; Schol. de Stace, Thébaïde, IV, v. 227.
[196] Plutarque, Thémistocle, c. 13, et Aristide, c. 9. Le garant de Plutarque est Phanias d’Éresos. Il n’est pas question de cet événement dans Hérodote.
[197] Plutarque, Pélopidas, c. 20-22. Agésilas, lorsqu’il se trouvait à Aulis, prêt à passer en Asie pour aller combattre les Perses, vit aussi, en souvenir sans doute du sacrifice d’Iphigénie accompli dans ces lieux, une apparition qui réclama de lui un sacrifice humain. Il eut le bon esprit de ne pas prendre cette exigence à la lettre et se contenta d’immoler une biche ; voy. Plutarque, Agésilas, c. 6.