Les dieux, au moins la plupart d’entre eux, ont leur domicile sur l’Olympe que les poésies homériques nous représentent comme eue montagne s’élevant à perte de vue dans l’éther, et au sommet de laquelle Héphaïstos a bâti la cité céleste. Plus tard l’Olympe se transforme et devient la voûte azurée qui domine la terre. Quelques dieux aussi se plaisent à habiter les domaines spécialement soumis à leur empire[1] : Poseidon et Amphitrite, Nérée et les Néréides dans les profondeurs de la terre ; les dieux fluviaux et les nymphes, aux sources des rivières et des ruisseaux ; les Dryades, les Oréades et d’autres encore, dans les bois et sur les montagnes ; enfin à l’intérieur de la terre les dieux infernaux[2]. Mais tous ou presque tous, outre leur domicile propre, ont des lieux préférés où ils font de longs séjours. Quelquefois aussi ils aiment à changer d’air et partagent leur temps entre différentes résidences[3] ; les contrées qui leur agréent le plus sont naturellement celles où ils sont le plus haut placés dans la hiérarchie divine[4] ; mais dans chaque région il y a des lieux qui les attirent davantage et où l’on peut espérer qu’ils feront plus volontiers acte de présence, car la première prière qu’on leur adresse, en les invoquant, c’est de s’approcher[5]. Ces emplacements privilégiés sont en général situés sur les hauteurs et les montagnes, dans les buissons et les forêts, à distance des lieux où s’agite la vie journalière des mortels ; c’est pourquoi l’on choisit aussi pour les honorer les montagnes et les forêts. Plusieurs divinités devaient aux sanctuaires qui leur étaient consacrés star les hauteurs le surnom d’άκριοι ou d’άκραΐοι[6]. Les forêts et les buissons étaient, par leur ombre mystérieuse, propres à éveiller dans les âmes le pressentiment de la présence divine. L’existence même d’un arbre unique, qui frappait les regards par sa grandeur et sa beauté, témoignait que quelque divinité avait adopté ces lieux[7]. Les grottes, ouvertures béantes donnant accès aux sanctuaires des dieux infernaux[8], étaient les retraites préférées de la déesse Rhéa, qui régnait au sein de la terre[9], ou des nymphes qui s’y livraient à leurs travaux dans le silence et l’obscurité[10]. On révérait encore d’autres localités que tel ou tel caractère particulier rendait dignes d’être visitées par les dieux, ou dans lesquelles leur présence et leur force s’étaient déjà manifestées par quelque phénomène, comme par exemple les endroits où la foudre était tombée, et qui de ce fait étaient appelés ένηλύσια[11]. Il était naturel de choisir, pour rendre hommage aux dieux, les emplacements ainsi signalés, partout où ils se rencontraient, mais on comprend que tous les cultes ne pouvaient pas être établis dans des conditions aussi favorables. On ne trouvait pas partout des lieux si bien appropriés, ou les régions dans lesquelles ils se présentaient devaient être laissées de côté pour d’autres motifs. Les obstacles n’étaient pas rares dans les villes ; aussi les populations urbaines devaient-elles se contenter de choisir pour leurs édifices religieux un entourage qui ne les rendît pas trop indignes de la majesté divine, Laplace des édifices consacrés aux dieux, dit Aristote, doit être apparente, isolée des antres parties de la ville ; il faut que leurs approches soient protégées. De même Xénophon fait dire à Socrate que les lieux découverts et à l’abri de la foule sont les plus convenables pour les autels et les temples[12]. — Chez les Athéniens, la plupart des sanctuaires et les plus anciens étaient bâtis sur l’Acropole et dans les parties attenantes de la ville, qui jadis avait été bornée à ces hauteurs et à leur voisinage immédiat[13]. Elle s’agrandit par des constructions successives, mais l’Acropole resta le siège naturel de la déesse protectrice de la Cité et des divinités qui se groupaient autour d’elle. Nous devons croire qu’il en fut de même partout où se retrouvaient les mêmes conditions locales, et que les sanctuaires des divinités tutélaires étaient situés sur les hauteurs fortifiées, centre et noyau des villes. Par une raison analogue, on choisissait pour les sanctuaires des dieux qui avaient dans leurs attributions les marchés et les assemblées (θεοί άγοραΐοι)[14] les places où ces assemblées se réunissaient. Les divinités conseillères avaient au moins des autels dans l’édifice où délibéraient les Cinq Cents[15], et depuis que la déesse du foyer, Hestia, était devenue aussi la déesse de l’agglomération civique[16], elle avait trouvé place dans le lieu adopté par les prytanes pour la vérification de leurs pouvoirs comme le foyer commun de la Cité[17]. Les rues étaient placées aussi sous la protection des dieux, en particulier sous celle d’hermès et d’Apollon ; on leur élevait, surtout aux carrefours, des sanctuaires où les personnes pieuses pouvaient faire leurs dévotions[18]. Certains temples étaient construits de préférence hors de la ville. Tel était celui d’Ilithye, placé, suivant la remarque d’Aristote, à quelque distance des portes, afin de donner aux femmes grosses l’occasion d’exercer leurs forces sans les épuiser[19]. Le long des routes on rencontrait çà et là des statues qui, sans être un objet de culte, servaient à consacrer l’emplacement qu’elles occupaient : c’étaient tantôt des Hermès placés comme poteaux indicateurs, tantôt, aux endroits où les routes se croisaient, des Hécateia, c’est-à-dire des images d’Hécate ένοδία ou τριδΐτις, qui avaient devant elles des autels et des niches au-dessus[20]. Sur les frontières, dont les dieux étaient chargés de protéger l’inviolabilité, on élevait souvent aussi des sanctuaires, soit à Zeus όριος, qui avait la garde générale des limites tracées entre les peuples[21], soit à d’autres, ainsi que l’attestent deux Hermaia, situés le premier, sur les confins de la Messénie, du côté de Mégalopolis, le second, entre Lampsaque et Parion[22]. Bref, on trouvait partout sous ses pas, à la ville comme à la campagne, des sanctuaires plus nombreux peut-être que les églises, les chapelles, les crucifix et les images de la Vierge ou des Saints que l’on rencontre de nos jours en certains pays. Comme le culte consiste surtout dans le sacrifice des victimes, la condition essentielle et la plus générale est une disposition des lieux appropriée à cet usage. Cette disposition, on l’obtenait, en élevant un autel, dont le nom βωμός, signifie simplement un exhaussement du sol. Il est probable qu’à l’origine on se bornait à superposer plusieurs couches de gazon, et que l’on formait ainsi des tertres semblables à ceux que les poètes latins décrivaient encore longtemps après, comme servant du moins aux sacrifices privés dans les campagnes[23]. Théocrite parle quelque part d’un amas de branchages, dont on a fait un autel, et dans le poème d’Apollonius, les Argonautes, désireux d’offrir un sacrifice aux dieux, à la fin de leur traversée, improvisent un autel, en amoncelant les pierres que l’on rencontre d’ordinaire sur les rivages[24]. Même dans les temps historiques, les Béotiens, pour célébrer la fête des Dédalies se construisaient un autel à l’aide de bûches entassées qu’ils brûlaient ensuite avec les victimes[25], et à Élis, certains sacrifices s’accomplissaient sur des autels élevés à la hâte dans la place du marché, constructions légères qui ne devaient servir que passagèrement ; on ne dit pas de quels matériaux elles étaient composées[26]. Les autels au contraire qui étaient destinés à durer étaient en général bâtis en pierres ; il y avait cependant des exceptions. Zeus λυκαΐος avait, au sommet de la montagne d’où lui venait cette qualification, un autel formé de terres rapportées, sur lequel on lui offrait des sacrifices mystérieux[27]. A Délos, on montrait un autel construit avec des cornes de chèvres, qui comptait parmi les sept merveilles du monde ; cet autel, suivant la légende, avait eu pour architecte Apollon lui-même, qui avait utilisé de cette façon les cornes des chèvres sauvages tuées à la chasse par Artémis[28]. Un voyageur moderne a rencontré en Céphalonie, sur le plus haut sommet de l’Aénos (aujourd’hui montagna nera) un autel formé d’ossements et de cendres[29]. Dans plusieurs localités, des cendres produites par la combustion des victimes s’étaient amoncelées en autels ; il en était ainsi, à Pergame, dans l’île de Samos, à Élis, à Olympie, à Thèbes olé, en raison de cette particularité, Apollon était adoré soles le nom d’Apollon σπόδιος. Enfin à Didyme, près de Milet, il existait un autel dont on assurait qu’il avait été édifié par Héraclès, avec le sang desséché des animaux immolés en son honneur[30]. La forme des autels variait : elle était tantôt ronde, tantôt quadrangulaire et dans ce cas le plus ordinairement carrée ; quelquefois aussi elle offrait l’aspect d’un rectangle allongé. Les autels représentés sur des monuments de l’art grec ont souvent des appendices semblables à des cornes, qui semblent rentrer dans les prescriptions de Jehovah, lorsqu’il commande de placer des cornes aux quatre coins de l’autel[31]. On ignore d’ailleurs à quoi servait cette disposition : peut-être à permettre d’embrasser l’autel, comme on avait coutume de le faire lorsqu’on prêtait des serments solennels[32], ou à supporter les guirlandes et les bandelettes que l’on y suspendait. Les faces latérales recevaient aussi des ornements sculpturaux, suivant le goût de l’architecte ou la nature du culte. Il y avait de très petits autels et de très simples ; il y en avait de grands et de magnifiques. Le plus souvent ils ne reposaient pas sur le sol, mais sur un soubassement disposé en gradins, qui parfois avait une hauteur considérable et un périmètre en proportion. Par exemple, celui de Zeus à Olympie avait cent vingt-cinq pieds de tour, sur vingt-deux de hauteur[33]. On comptait parmi les curiosités les plus remarquables de Pergame un autel de marbre, haut de quarante pieds et orné de nombreuses sculptures[34]. — L’autel était séparé de l’espace livré aux profanes, tantôt par un mur peu élevé (θρίγκος)[35], tantôt par une chaîne ou une corde (περισχοίνισμα), comme l’autel des douze dieux sur la place d’Athènes[36]. D’autres autels encore étaient consacrés à plusieurs dieux que l’on appelait dans ce cas θεοί σύμβωμοι ou όμοβώμιοι. Enfin on trouve mentionnés en différents passages des autels de tous les dieux[37]. Ceux des héros avaient de moins grandes dimensions, et n’étaient pas désignés par le nom de βωμοί, mais par celui d’έσχάραι. Le plus souvent, les έσχάραι n’avaient pas de soubassement et étaient construits au-dessus d’un trou dans lequel s’écoulait le sang des victimes[38]. Les dieux voyers (άγυιεΐς) paraissent n’avoir eu souvent pour autels que de simples colonnes, auxquelles s’attachait un sens symbolique et que l’on appelait aussi έσχάραι, parce qu’on avait coutume de s’en servir pour faire vaporiser par l’action du feu des huiles odorantes[39]. Les autels sur lesquels on consumait les holocaustes étaient toujours exposés à l’air libre, alors même qu’ils étaient les dépendances d’un temple[40] ; d’habitude, on n’offrait à l’intérieur que les sacrifices qui s’accomplissaient sans l’aide du feu[41]. Mais il y avait une quantité d’autels qui n’appartenaient pas à un temple et étaient placés, les uns dans les cours des maisons, sur les marchés et dans les rues, les autres en pleine campagne, dans les buissons sacrés ou autres emplacements voués aux dieux et désignés parle nom général de τέμενοι. Toutes les parties d’un téménos n’étaient pas saintes au même degré. La place occupée par l’autel ou le temple était par excellence le sol consacré ; elle ne pouvait servir à aucun usage profane et, pour éviter toute méprise, était nettement délimitée. Elle était ordinairement plantée d’arbres, et alors elle s’appelait άλσος. Cette disposition se présentait si souvent que le mot άλσος a été quelquefois employé comme synonyme de τέμενος au moins par les poètes, dans les cas mêmes oit il n’existait pas de plantations[42]. Plusieurs des emplacements ainsi circonscrits étaient interdits aux mortels, ainsi que le dit Pausanias d’un alsos situé près de Mégalopolis, derrière le temple de Dionysos[43]. Pausanias mentionne aussi dans l’Altis d’Olympie une enceinte de la contenance environ d’un arpent, dont l’entrée était permise une seule fois par an aux femmes désireuses de sacrifier à Hippodamie[44]. La partie du téménos qui n’était pas aussi exactement close pouvait être mise en rapport, à la condition que le revenu profitât au sanctuaire et fût employé aux frais du culte ou à l’entretien du personnel ; aussi le téménos était-il souvent affermé[45]. Chose plus singulière, un grand hombre d’oliviers existant sur des propriétés particulières (μορίαι) étaient considérés dans l’Attique comme appartenant à la déesse protectrice de la ville, et déclarés inviolables, sous peine de mort. Ces oliviers étaient confiés à la garde de l’Aréopage, qui tous les mois et, plus solennellement tous les ans, les faisait visiter par des fonctionnaires nommés ad hoc (έπιμεληταί, έπιγνώμονες). La jouissance n’en appartenait pas aux propriétaires du fond[46] ; elle était allouée par l’État, sous la réserve qu’une partie de l’huile lui serait rétrocédée, moyennant un prix convenu, pour servir aux usages publics, notamment pour être donnée en prix aux vainqueurs dans les luttes panathénaïques[47]. Il existait aussi une plantation de figuiers sacrés (ίερά συκή) en Attique, dans le dême de Lakiadæ, à l’endroit où Phytalos avait donné l’hospitalité à Déméter et en avait reçu le figuier en présent[48]. Il n’est pas douteux que ce verger ne fût la propriété de la déesse, et que la récolte n’en fût réglementée comme celle des oliviers, bien que les renseignements nous manquent à ce sujet. Le nom de sycophante indique en effet que des dénonciateurs signalaient à. l’autorité les infractions à ces lois[49]. Enfin, certaines parties de territoire sanctifiées ne pouvaient être plantées, ni servir à l’agriculture ou au jardinage, et demeurèrent dans leur état de sauvagerie naturelle. L’exemple le plus célèbre de ces terrains improductifs est la plaine de Crissa, au-dessous de Delphes, qui, après la première guerre sacrée, avait été offerte à Apollon et aux divinités du même groupe, Artémis, Léto, Athéna pronoia, et condamnée avec imprécation à n’être jamais travaillée de main d’homme[50]. Dans le sanctuaire de Zeus Dictéen, en Crète, il ne pouvait y avoir ni habitation, ni labours, ni pâturages, ni bois[51]. Il n’était pas même permis, dans celui d’Hyrnétho près d’Épidaure, de ramasser les branches mortes, détachées des arbres[52]. Entre Eleusis et Mégare, était situé un terrain appartenant à Déméter et à Cora et appelé le marais sacré, parce qu’il était couvert d’une végétation luxuriante, mais sauvage, dont on ne tirait aucun profit[53]. On dédiait aussi aux dieux des cours d’eau. Les ρειθοί, nom sous lequel on désignait deux réservoirs voisins d’Eleusis, et alimentés par des courants d’eau salée, appartenaient à Déméter et à Cora ; c’est pourquoi les prêtres seuls avaient le droit d’y pêcher[54]. La pêche était complètement interdite dans l’étang d’Hermès, près de Pharæ, et dans celui de Poseidon, près d’Ægiæ, en Laconie[55]. Il nous reste à considérer les temples c’est-à-dire l’espace le plus spécialement réservé au culte ; il s’appelait ναός. Ce nom signale le lien auquel il s’applique comme l’habitation même du dieu et marque ainsi l’usage auquel il devait servir[56]. C’était la maison du dieu, alors même qu’il n’y était pas représenté par son image, car il y avait certainement des temples sans images, non pas seulement dans les temps reculés où les effigies étaient inconnues, mais aussi dans les siècles qui suivirent. Pausanias cite à Phlionte un temple consacré à Ganymède, qu’il déclare ne faire qu’un avec Hébé, et remarque que l’absence dans le temple d’aucune statue représentant Bette déesse était fondée sur une tradition religieuse (ίερός λόγος)[57]. On n’avait pas non plus l’habitude de placer l’image d’Hestia dans ses temples[58] ; le feu que l’on entretenait incessamment sur son autel était un symbole assez clair pour la rendre présente à l’esprit des fidèles. Il y avait toujours ainsi, dans les siècles où l’on ne possédait pas de statues des dieux, quelque objet que l’on révérait comme leur emblème, comme le gage de leur présence et de leur protection[59]. Dans les temps historiques, au contraire, les temples sans images sont une exception[60]. Quelquefois aussi les images divines n’étaient pas, malgré le culte qu’on leur rendait, enfermées dans les temples, mais exposées en plein air, et cela même à une époque postérieure[61]. Pausanias parle d’une statue de bois représentant Artémis, qui remplissait à Orchomène l’intérieur d’un cèdre, d’où venait à la déesse le nom de Κεδρεάτις[62]. Il n’est pas rare de voir dans les monuments de l’art des statues divines placées sur ou sous les arbres[63]. Cette particularité devait se présenter souvent dans les campagnes, surtout dans les chapelles consacrées aux cultes domestiques. Du récit légendaire, d’après lequel le temple d’Apollon Delphien n’aurait été d’abord qu’une hutte formée de branches de laurier entrelacées, il est permis de conclure l’existence réelle de ces sanctuaires rustiques. Les statues de certains dieux étaient toujours placées dans des niches, où elles étaient protégées contre l’intempérie des saisons. D’autres, au contraire étaient complètement exposées aux variations atmosphériques. C’était, à la ville aussi bien qu’à la campagne, le sort des divinités qui présidaient aux rues ou aux chemins, et dont il a déjà été question. La place naturelle des temples était dans les lieux qui appartenaient déjà aux divinités, dans le bois sacré ou dans le téménos où jusque-là ils avaient eu seulement un autel, peut-être aussi une statue. A défaut d’un emplacement ainsi désigné d’avance, on en choisissait un, en ayant égard d’ordinaire aux convenances que nous avons indiquées plus haut, c’est-à-dire qu’il devait généralement être isolé et à l’abri du tumulte qu’enfante le mouvement de la vie profane[64]. Pausanias parlant de Tanagra, en Béotie, dit que tous les temples de cette ville étaient réunis dans un même quartier et séparés des habitations humaines[65]. Telle n’était pas la coutume, mais nulle part les temples n’étaient contigus aux maisons. Ils étaient entourés d’une cour, quelquefois très vaste et fermée d’un mur (έρκος, περίβολος), laquelle ne pouvait servir qu’à des usages sacrés. Toutefois, les habitations des prêtres et des hiérodules étaient censées satisfaire à cette condition. On pouvait même, dans les temples consacrés aux divinités de la médecine, loger les malades qui venaient implorer leur secours. Le péribolos n’enfermait pas seulement des bois sacrés ; il servait souvent d’enceinte à plusieurs temples, qui n’appartenaient pas toujours aux mêmes dieux. Ainsi le péribolos de Zeus Olympien, à Athènes, mesurait environ quatre stades et contenait, outre le temple de Zeus, un autre temple dédié à Kronos et à Rhéa et un téménos de la Terre, à qui était attribuée aussi l’épithète d’Olympienne[66]. Il y avait, dans le Lénæon d’Athènes, deux temples de Dionysos, et le péribolos de Poseidon, dans l’isthme de Corinthe, aussi bien que celui de Zeus à Olympie, celui d’Apollon à Delphes et d’autres encore, renfermaient plusieurs temples placés sous l’invocation de différents dieux[67]. Le péribolos n’avait en général qu’une entrée. Auprès de la porte étaient placés des vases remplis de l’eau lustrale avec laquelle s’aspergeaient les fidèles (περιρραντήρια, άπορραντήρια)[68] ; cette opération symbolisait la pureté exigée par le dieu de quiconque voulait franchir son seuil[69]. Des inscriptions rappelaient l’obligation d’avoir les mains pures[70]. On comprend, d’après cela, la nécessité de s’abstenir, une fois la porte franchie, de tout acte pouvant entraîner quelque souillure[71]. Pour la même raison les animaux réputés immondes, et surtout les chiens, particulièrement suspects[72], étaient exclus de plusieurs enceintes consacrées ; cette prohibition toutefois n’était pas appliquée partout avec la même rigueur. La naissance et la mort étaient aussi, pour les lieux témoins de ces événements, une cause d’impureté ; aussi la loi exigeait, en plusieurs pays, que les femmes dont la délivrance approchait, les vieillards et les malades dont la fin était imminente, fussent éloignés des περίβολοι où pouvaient habiter des prêtres, des serviteurs du temple ou des malades[73] ; mais sur ce point encore, il y avait des accommodements. On se contentait, en cas semblables, de purifier les lieux souillés, à l’aide de lustrations accomplies selon les rites traditionnels dont il sera question plus loin. Les temples eux-mêmes, si différents qu’ils fussent de forme et de grandeur, avaient tous ce caractère commun qu’ils n’étaient pas construits au ras du sol, mais sur un soubassement qui les élevait au-dessus des habitations humaines. Ce soubassement formait une terrasse divisée en gradins. Chaque gradin étant trop haut pour être franchi commodément, on avait en certains endroits, surtout auprès de l’entrée, pratiqué des brèches remplies par, des marches plus basses. Il était de tradition que le nombre des degrés fût impair, afin que l’on pût commencer et finir l’ascension du pied droit[74]. La partie essentielle du temple était l’espace fermé, dans lequel était conservée l’image de la divinité ou ce qui en tenait lieu ; elle s’appelait ναός ou σηκός, en latin cella, et formait, pour ainsi dire, le noyau autour duquel se groupaient les autres parties ; elle recevait la lumière par la porte, quelquefois aussi cependant par une ouverture pratiquée dans le toit. Il y avait encore des temples dont la partie centrale était découverte, et qui, pour cette raison, s’appelaient ϋπαιθροι[75] ; mais cette disposition n’appartenait guère qu’aux ναοί occupant un espace considérable, qui n’auraient pu recevoir assez de lumière par la porte. Au fond, faisant face à l’entrée, se dressait sur un piédestal (βάτρον) la statue du dieu ; quelquefois aussi elle était placée dans une petite chapelle isolée de toute part (ναΐσκος). Il est possible qu’en certaines occasions on plaçât des barrières pour tenir la foule à distance, mais cette précaution n’était pas habituelle, non plus que celle de cacher l’image sous des voiles (παραπετάματα) qui ne devaient être écartés que lorsque les prêtres se mettaient en communication avec la divinité par des prières et des offrandes[76]. Devant la statue était un autel destiné aux sacrifices sans immolation. Dans les temples plus spacieux, la cella pouvait contenir un grand nombre d’ex-voto de différente nature (άναθήματα). Quelquefois aussi une galerie soutenue par des colonnes et courant tout le long du bâtiment servait à ces expositions[77]. La porte à deux battants, et le plus souvent ornée de sculptures, s’ouvrait toujours en dehors, contrairement à l’usage adopté pour les habitations domestiques[78]. Au naos se rattachaient différentes parties accessoires en plus ou moins grand nombre : il y avait d’ordinaire un portique, προναός, formé par le prolongement des murs latéraux, et ouvert sur la partie antérieure. Le toit était soutenu par deux piliers, entre lesquels on apercevait la porte d’entrée et qui en laissaient l’accès libre. Cependant le pronaos, qui recevait aussi des offrandes et tous les objets qui n’auraient pas été placés convenablement dans le naos, pouvait être, si on le jugeait nécessaire, fermé par des grilles scellées dans les intervalles des colonnes. Lorsque les bâtiments se trouvaient insuffisants, on construisait aussi à l’extrémité opposée du naos une dépendance connue sous le nom d’opisthodome qui faisait pendant au pronaos et servait ordinairement à renfermer l’argent et les objets précieux, auquel cas elle était close, non comme le naos, par des colonnes et par des grilles, mais par un mur et une serrure de sûreté. L’opisthodome, aussi bien que le pronaos, pouvait être agrandi à l’aide d’un péristyle. Si le pronaos était prolongé en avant, le temple était appelé πρόστυλος ; si le travail correspondant avait été fait à l’opisthodome, l’édifice devenait άμφιπρόστυλος. Des portiques pouvaient être construits aussi sur les deux côtés du temple ; suivant qu’ils se composaient d’une ou deus rangées de colonnes, le naos était dit περίπτερος ou δίπτερος[79]. Ces annexes ne servaient pas seulement à abriter les fidèles, on y déposait aussi des ex-voto. L’espace compris entre les colonnes et lès parois du temple pouvait être utilisé, à l’aide de murs d’une faible élévation et de grilles placées dans les entrecolonnements, pour ménager des chapelles sur les côtés extérieurs du temple[80]. La forme du temple était le plus souvent un rectangle, dont la longueur était double de la largeur. L’angle du toit formait devant et derrière deux frontons (άετοί, άέτωμα), dont le champ recevait divers ornements, parfois des pièces de sculptures rapportées. Les frises et les métopes des parois latérales étaient décorées de la même manière, et souvent les statues, aussi bien que les murailles, devaient à l’emploi de couleurs appropriées un aspect plus varié et plus saisissant[81]. Les temples ronds, surmontés d’un toit conique, si l’on met à part ceux d’Hestia[82], ne se présentent qu’exceptionnellement. La direction des temples n’était pas invariablement réglée ; le plus souvent toutefois l’entrée était tournée vers l’Orient[83]. Suivant l’usage général, chaque temple appartenait exclusivement à un seul dieu ; là aussi cependant il y avait des exceptions, et elles ne portaient pas seulement sur les divinités dont les groupes se confondaient dans la vénération des peuples, telles que les Muses, les Charitinnes, les Euménides, les Dioscures[84] ; d’autres encore se trouvaient en état d’indivision, comme Déméter et Cora, la mère et la fille, Kronos et Rhéa, le mari et la femme ; Zeus et Dioné, unis par le même lien, Apollon et Artémis, le frère et la sœur[85]. Zeus Ktésios, le protecteur des fortunes privées, et Déméter Anésidora qui répandait les dons à pleines mains, Apollon et les Muses, Athéna et les Vénérables déesses étaient aussi, en différents lieux, adorés dans un seul et même temple[86]. Enfin, il y avait des temples consacrés à tous les dieux[87]. Les divinités réunies dans un même sanctuaire s’appelaient πάρεδροι, lorsqu’elles faisaient cortège à une divinité supérieure ; σύνναοι, σύνοικοι, ou chez les Béotiens όμωχέται, si toutes étaient placées sur un pied d’égalité[88]. Il n’était pas rare qu’un dieu unique eût sa statue et son autel dans le naos proprement dit, et que ses associés fussent relégués dans les chapelles latérales. Il y avait des temples doubles (διπλοΐ), avec deux cellæ disposées en sens contraire, l’une par exemple regardant l’orient et l’autre l’occident. Tels étaient un temple d’Arès et d’Aphrodite, dans le voisinage d’Argos, et mi autre d’Asclépios et de Léto, avec ses deux enfants, à Mantinée[89]. Hérodote cite le temple de Héra, à Samos, comme le plus grand de tous les temples connus[90] ; il avait trois cent quarante-six pieds de long sur cent quatre-vingt-neuf de large, et avait été vraisemblablement bâti sous le règne de Polycrate[91]. Le temple d’Artémis à Éphèse était cependant plus grand encore, puisqu’il atteignait quatre cent vingt-cinq pieds en longueur et deux cent vingt en largeur ; mais il n’était pas achevé, lorsque Hérodote écrivait son histoire. Incendié par Erostrate, il fut rétabli dans les mêmes dimensions ; il comptait parmi les sept merveilles du monde. Au troisième rang vient le temple de Zeus Olympien à Athènes, long de trois cent cinquante-quatre pieds, sur cent soixante et onze. Commencé sous Pisistrate et ses fils, continué par Antiochus Epiphane, ce monument ne fut terminé que sous Adrien. Le Parthénon, bâti par Périclès sur la montagne de Cécrops, avait deux cent vingt-sept pieds de long et cent de large ; la partie centrale ou cella mesurait aussi cent pieds de longueur, d’où lui venait le nom d’Hécatompédon[92]. Le temple de Zeus, à Agrigente, avait trois cent quarante pieds de long et soixante pieds de large seulement, sur une hauteur de cent pieds, sans compter le soubassement, mais il ne fut jamais achevé[93]. On comprend que la plupart des temples ne pouvaient atteindre à ces dimensions ; beaucoup étaient très petits ; on n’avait pas, en effet, besoin d’un espace considérable pour les pratiques du culte. Les temples grecs n’étaient pas, comme les églises chrétiennes, des centres où une foule considérable se réunissait pour prier en commun ; ils ne servaient qu’à enfermer dans un asile décent les images des dieux et autres objets à l’usage du culte. Dans les pays mêmes où, aux jours de grandes fêtes, le temple recevait plusieurs milliers de visiteurs, ils se succédaient, et la foule n’était jamais compacte. Les sacrifices solennels et les banquets auxquels le peuple prenait part en commun ne se célébraient pas à l’intérieur des édifices, mais au dehors, à l’endroit où se dressaient les autels destinés aux holocaustes, car on sait qu’il n’y avait dans la cella que des autels de dimensions exiguës et des tables destinées à recevoir les fruits, les gâteaux, l’encens, tout ce qui servait aux sacrifices où le sang ne devait pas couler. Les temples mystiques, dans lesquels s’accomplissaient les fêtes des mystères, devaient, a la vérité, être assez grands pour contenir une foule considérable, et en effet, il est dit à propos de celui d’Eleusis que la partie intérieure, appelée σηκός μυστθκός, avait l’étendue d’un théâtre, ce qui suppose nécessairement entre les diverses parties, des proportions différentes de celles que l’on cherchait généralement, puisque le monument : d’Éleusis n’avait en tout que deux cent vingt pieds de long sur cent soixante-dix-huit de large et que le σηκός μυστθκός formait à peu près un carré de cent soixante-sept pieds[94]. — Les temples plus spacieux, dont il a été question plus haut, n’étaient pas les plus anciens : ils datent d’un temps où il existait déjà des palais pour les princes, et des bâtiments appropriés à tous les usages de la vie. Il était donc naturel de songer à honorer la divinité par des édifices somptueux, non pas seulement en état de suffire aux nécessités du culte ; mais qui répondissent à la majesté des immortels. On a prétendu qu’il existait aussi dos temples sans statues et sans prêtres, qui n’étaient pas, à proprement parler, les maisons des dieux et qui, servant uniquement à contenir une affluence considérable dans les occasions solennelles, lorsque, par exemple, les prix étaient distribués aux vainqueurs des jeux, restaient fermés le reste du temps, afin de mieux garder les objets précieux, les offrandes ou les deniers publics ; c’est là une question qui aurait besoin d’être examinée plus attentivement qu’elle ne peut l’être ici. Suivant moi, tous les temples appartenaient au culte. Pour ceux mêmes qui, comme le Parthénon, sont appelés par quelques antiquaires temples agonistiques, il est difficile de croire qu’ils n’eussent d’autre destination que de servir à cet usage : Ils renfermaient l’image de la divinité ; donc ils étaient des ναοί, c’est-à-dire des habitations à l’usage des dieux[95], et étaient desservies par des prêtres. Naturellement les anciens temples continuèrent d’être affectés aux anciens cultes, et les services traditionnels y demeurèrent en honneur, mais même dans les monuments plus récents et plus somptueux, les fidèles pouvaient faire acte de piété. Si quelques-uns n’étaient ouverts que dans des circonstances déterminées[96], ils avaient cela de commun avec les anciens temples, que personne ne songe à exclure du nombre de ceux qui étaient consacrés au culte[97]. — Aussi bien que les dieux, les héros, ou au moins plusieurs d’entre eux, avaient leurs temples, ήρώα ou σηκοί ; c’étaient pour la plupart des chapelles funéraires élevées sur leurs tombeaux ; mais alors même que les tombeaux n’existaient pas, on leur bâtissait des chapelles. Pandion, par exemple, avait un Herôon à Mégare, bien qu’il eût été enseveli, disait-on, sous un rocher situé au bord de la mer[98]. Dans plusieurs temples, il y avait, outre la cella, un réduit sacro-saint appelé adyton ou mégaron, dans lequel n’avaient accès que les prêtres, et seulement à des jours fixés[99], quelquefois aussi, la cella elle-même était un adyton, comme dans le temple d’Ægion, en Achaïe, où la prêtresse seule avait le droit de contempler l’image de Héra, et dans celui d’Aphrodite, à Corinthe, où l’on ne pouvait envisager la statue et adorer la déesse qu’en demeurant sur le seuil[100]. Ces adyta étaient quelquefois des caveaux : il en était ainsi du péribolos de Poseidon, dans l’isthme de Corinthe, où étaient ensevelis Palœmon et Mélicerte. Il y avait aussi dans le temple d’Athéna à Pellène, un adyton souterrain[101]. Ces caveaux s’appelaient spécialement Megara[102], bien que ce nom puisse aussi s’appliquer d’une manière plus générale aux cellæ, surtout à celles qui n’étaient accessibles qu’aux prêtres et aux initiés[103]. Il y avait aussi des temples fermés de toute part[104], qui ne s’ouvraient qu’en certaines occasions, non pas même à tous ceux qui auraient voulu adorer le dieu, mais seulement aux prêtres et aux personnes dent l’assistance pouvait être nécessaire à l’accomplissement de certaines pratiques religieuses. Tels étaient le plus ancien temple de Dionysos, dans le Lénæon d’Athènes[105], celui d’Athéna Polias ou Poliatis à Tegée, celui de Hadès à Élis et d’autres encore[106]. De même le temple d’Eurynome, à Phigalie, chez les Arcadiens, n’était ouvert qu’une fois par an, mais alors des sacrifices étaient offerts à la déesse au nom des particuliers, aussi bien qu’au nom de l’État[107]. D’autres lieux saints, bosquets ou enceintes consacrées, dont plusieurs contenaient, en guise de temples, de simples autels, restaient fermés à tout le monde, ou du moins à tout ce qui n’était pas prêtres ou préposés au culte. On cite en particulier une grotte de Rhéa, près de Méthydrion, en Arcadie, un bois appartenant à Artémis Sotéira près de Pellène, un autre consacré à Déméter et à Cora près de Mégalopolis, dans le péribole des Grandes déesses, et le téménos de Zeus sur le Lycée[108]. Pourquoi ces sanctuaires étaient-ils à ce point inaccessibles, tandis que d’autres étaient ouverts à tout venant ? Nous serions embarrassés d’en donner le motif, les anciens eux-mêmes ne savaient trop que répondre à cette question. Ce que nous trouvons de mieux à dire, c’est qu’un sentiment naturel à tous les hommes les porte à protéger les objets qui ont le plus droit à leur vénération contre les regards et le contact de la foule. En même temps que c’est pour eux un besoin de s’approcher le plus souvent possible de la divinité, un sentiment de pudeur les retient à distance des choses divines. Ainsi s’explique, en général, comment il y avait des sanctuaires et des cultes publics à la portée de tous, et d’autres dont l’accès était interdit. Quelques sanctuaires aussi pouvaient être tenus cachés, parce qu’ils renfermaient des objets précieux, ou parce que le culte avait trait à des choses dont la superstition faisait dépendre le salut ou la ruine de l’État. Dans l’un ou l’autre cas, il importait de les défendre contre les soustractions ou les profanations[109]. Une autre considération mérite de trouver place ici : les anciens cultes étouffés ou opprimés avaient pu ne conserver qu’un petit nombre d’adhérents, ce qui leur avait donné le caractère d’une religion inabordable et pleine de mystères. Mais, comme nous l’avons déjà dit, nous ne sommes pas en mesure de répondre en détail à ces questions. — Des raisons locales ou accidentelles, d’autres fondées sur la nature même des religions faisaient refuser à telle ou telle classe de gens l’entrée de certains sanctuaires, soit en tout temps, soit seulement à l’occasion de quelques pratiques religieuses[110]. A Chéronée, dans la patrie de Plutarque, Leucothée avait un temple où aucun esclave de l’un ou l’autre sexe, aucun Étolien ni aucune Étolienne ne pouvait entrer ; la légende donnait de cette singularité une explication que nous n’avons pas à examiner ici[111]. Il est facile de comprendre, au contraire, les défenses faites aux Doriens de pénétrer dans le Parthénon et aux étrangers de sacrifier dans le temple argien de Héra[112]. Partout les sanctuaires des dieux, protecteurs de la Cité, étaient interdits aux étrangers, qui se trouvaient, vis-à-vis des nationaux, dans le même rapport que les hérétiques à côté des orthodoxes. Mais quel motif pouvait-on avoir à Tanagra d’interdire aux femmes l’entrée de l’Hérôon et du bois sacré consacrés au héros Eunostos ? On ne pouvait non plus citer à l’appui de ce fait qu’une légende[113]. Plus bizarre encore était la prétention des Rhodiens d’interdire aux hérauts l’entrée dans le sanctuaire d’Okridion, et celle des Ténédiens qui consignaient les joueurs de flûte à la porte de l’Hérôon de Tennès[114] ; les légendes se chargeaient cependant aussi de les expliquer. A Érythrée, en Ionie, il y avait un temple d’Héraklès, dont l’accès était permis aux seules femmes d’origine thrace, à l’exclusion même des femmes indigènes, parce que, disait-on, les premières avaient sacrifié leur chevelure à l’intérêt public, et que les autres s’y étaient refusées[115]. Il existait à Brysæ, en Laconie, un temple de Dionysos, dont la partie intérieure ne pouvait être vue que par des femmes qui venaient y accomplir des pratiques secrètes. C’était l’opposé dans la ville de Géronthræ, située également en Laconie : les hommes seuls pouvaient fouler le bois sacré, durant la fête annuelle que l’on y célébrait en l’honneur d’Arès[116]. Le premier et le second jour de la fête que les habitants de Pellène offraient à Déméter Mysia, les deux sexes se confondaient dans le sanctuaire ; mais le troisième, tout ce qui appartenait à l’espèce masculine, même les chiens, était exclu impitoyablement[117]. Dans l’île de Cypre, près de Karpasia, était un temple d’Aphrodite Akraia dont les femmes ne pouvaient approcher[118]. A Catane, en Sicile, au contraire, il existait une statue de Déméter que les hommes n’avaient jamais envisagée ; les femmes seules pouvaient franchir le seuil du temple qui la renfermait et y accomplir le saint ministère[119]. Nous aurons plus tard l’occasion de parler des Thesmophories, célébrées également en l’honneur de Déméter, et auxquelles les femmes seules prenaient part. Enfin certains temples étaient considérés surtout comme des asiles, parce qu’ils offraient plus particulièrement un refuge aux coupables poursuivis par les lois. Dans le sens général du mot, tous les sanctuaires sont άσυλοι, c’est-à-dire inviolables. Détourner ou profaner ce qui a été donné aux dieux en propriété ou placé sous leur garde était partout réputé un crime, et ainsi s’explique le soin que prenaient, non seulement les magistrats, mais les simples particuliers, de déposer dans les temples les deniers publics ou les objets précieux, parce qu’on les y croyait plus en sûreté que partout ailleurs[120]. Pour les mêmes raisons, tous les malheureux qui venaient se réfugier en suppliants dans un temple, au pied d’un autel ou de la statue d’un dieu, étaient inviolables, en ce sens du moins que quiconque aurait tenté de les en arracher eût été convaincu d’attentat à la majesté divine. L’esclave qui se dérobait aux mauvais traitements de son maître, l’ennemi vaincu qui s’efforçait d’échapper aux conséquences de sa défaite, l’accusé, le condamné même, du moment qu’ils avaient atteint le temple ou l’autel du dieu, étaient placés sous sa protection[121]. Mais comment s’exerçait celte protection ? jusqu’où s’étendait-elle ? Là-dessus les coutumes différaient. Dans certains sanctuaires, le droit d’asile était absolu, sans acception de personnes ; quiconque s’y était réfugié était à l’abri ales poursuites dans toute l’étendue de leur circonscription, et cette circonscription comprenait généralement un espace considérable, dépendant du péribolos[122]. Le fugitif qui se présentait en suppliant pouvait y rester tant qu’il lui plaisait et que duraient ses moyens d’existence ; c’étaient les asiles proprement dits[123]. A cette classe appartenait le sanctuaire d’Athêna Aléa, chez les Tégéates, où se réfugia le roi Pausanias II, afin d’échapper au jugement dont il était menacé pour sa conduite au combat d’Haliarte, et où il acheva sa vie. Déjà, son père, Pleistonax, frappé d’une amende qui sans doute aurait entraîné un emprisonnement perpétuel, avait cherché un refuge dans le temple de Zeus Lycéen[124], et y avait vécu plusieurs années, jusqu’au moment où il obtint remise de sa peine et fut rétabli sur son trône. On raconte, à propos du- sanctuaire de Ganymède (ou Hébé), à Phliunte, que tous les suppliants y trouvaient un asile sûr, qu’on y faisait tomber les chaînes et qu’on les suspendait comme des ex-voto aux arbres du bois sacré[125]. Le temple de Poseidon, dans l’île de Calaurie, était aussi un asile privilégié[126]. On ne saurait dire sûrement si le sanctuaire du même dieu, sur le promontoire de Ténare, celui d’Amphiaraüs, près d’Oropos, et lé temple d’Athéna Chalkioikos devaient être rangés dans la même classe[127], mais il est certain qu’il y’ en avait un grand nombre de semblables en Asie, surtout du temps des empereurs, à telle enseigné que, sous Tibère, il fut question au Sénat de limiter leurs prérogatives. D’après le récit qui nous a été conservé de cette motion[128] on voit que le droit d’asile avait été octroyé à certains sanctuaires par un décret des Amphictyons, tandis que d’autres en étaient investis par la faveur des princes ou des proconsuls romains. Quelques-uns aussi faisaient remonter leurs privilèges à un temps immémorial et se prévalaient de fondations divines. Les asiles privilégiés offraient donc aux suppliants, dès qu’ils en avaient franchi le seuil, une sécurité complète, dans les limites de leur domaine. Toute trahison, tout enlèvement étaient considérés comme des attentats contre la divinité, et non seulement les prêtres, mais les corps constitués établis dans le voisinage défendaient ardemment ces prérogatives, d’où résultaient pour eux plusieurs avantages. Dans une autre classe de sanctuaires, la protection accordée aux fugitifs ne s’exerçait pas d’une manière aussi absolue. Le principe général que le suppliant était inviolable, rentrait dans le droit non écrit, et était, par conséquent, susceptible d’interprétations diverses. Nous savons que chez les Athéniens le temple de Thésée en particulier servait de refuge aux esclaves et qu’une fois à l’abri, ils pouvaient demander à changer de maîtres[129]. Il va de soi que les réclamations n’avaient de suite qu’autant que les plaintes étaient fondées, et que dans le cas contraire, les esclaves devaient retourner d’où ils venaient[130]. Le fait d’arracher à l’autel un criminel condamné d’après une procédure régulière et de l’envoyer subir sa peine[131] n’entraînait pas nécessairement l’idée de sacrilège. Si l’on ne se décidait pas à employer la violence, on pouvait au moins empêcher l’évasion du coupable, jusqu’au moment où la privation des choses nécessaires le forçait à se livrer lui-même[132]. Lorsque des prisonniers de guerre se réfugiaient dans les temples, un sentiment de piété disposait parfois à leur accorder la vie sauve, comme fit Agésilas, quand, après le combat de Coronée, un certain nombre d’entre les vaincus cherchèrent un acyle dans le sanctuaire d’Athêna Itonia. Bien que gravement blessé, il commanda qu’on les laissât aller sans les maltraiter et leur donna même un détachement de cavalerie pour escorte[133]. Mais, par cela même que les historiens félicitent ce prince de son humanité, on peut en conclure que cet adoucissement n’avait pas passé dans les mœurs. Des exemples bien connus prouvent, au contraire, que la violence des passions étouffa trop souvent le respect dû aux sanctuaires, surtout dans les guerres civiles et au milieu des luttes des partis. Il suffit de rappeler les flots de sang que fit couler l’entreprise de Cylon, et les massacres de Corcyre racontés par Thucydide[134]. |
[1] Dans Homère (Il., XV, v. 185). Poseidon, exposant le partage du monde, dit que Zeus a reçu l’empire du ciel, Hadès celui des enfers, et que la mer lui est échue à lui-même, après quoi il ajoute : γαΐα δέ τοι κοινή πάντων καί μακρός Όλυμπος. La propriété indivise de la terre repose, suivant la remarque judicieuse de Welcker, sur ce fait que tous les dieux y sont également l’objet d’un culte, que tous peuvent influer chacun dans leur sens sur les affaires humaines et, élire pour les hommes une source de bien ou de mal. L’Olympe de son côté est aussi une propriété commune, parce qu’il est le centre où se tiennent toutes les assemblées générales des dieux, et parce que la plupart de ceux mêmes qui résident d’habitude dans leurs domaines respectifs ont aussi leur habitation sur l’Olympe. (Iliade, XI, v. 77.)
[2] καταχθόνιοι (Il., II, v. 457) ou χθόνιου (Hésiode, Théog., v. 767, Œuvres et Jours, v. 465.) Des écrivains postérieurs, tels que Porphyre (de Antr. Nympharum, c. 6) et l’auteur de l’Etymol. magn. (p. 367, 29) distinguent les dieux en deux classes, les χθόνιοι ou έπιχθόνιοι et les ύποχθόνιοι, ceux qui règnent sur la terre ou dessous. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner les vues divergentes des mythologues modernes sur ce sujet.
[3] Ces pérégrinations des dieux sont appelées έπιδηίαι ou άποδημίαι. Apollon, en particulier, quittait Delphes l’hiver, pour aller s’établir dans les régions hyperborées. Voy. Ménandre, de Encom., dans les Rhéteurs de Walz (t. IX, p. 139) ; cf. Spanheim, dans son édit. de Callimaque (hymne à Apollon, v. 13 ; à Diane, v. 226), et Preller, Mythol., t. I, p. 191.
[4] D’après une légende souvent mentionnée, les dieux, lorsqu’ils se partagèrent la puissance, après l’avènement de Zeus, tirèrent au sort les différentes contrées ; voy. Platon, Critias, p. 109 B ; Pindare, Olymp., VII, v. 55 (101). C’est ce qu’Héraclite appelle ό κλήρος ό μυθευόμενος έν Σικυώνι (Alleg. homer., c. 41) ; voy. Schœmann, Opusc. acad., t. II, p. 272. De là aussi les expressions d’Hérodote (VII, c. 53) : Τήν χώραν είληχότες θεοί, et autres semblables. La légende faisait naître aussi la plupart des dieux dans leur pays de prédilection, par exemple Zeus en Crète, Héra à Samos, Apollon à Délos, Hermès en Arcadie, etc. ; mais la foule inclinait à croire que chaque divinité se partageait en autant de personnes qu’il y avait de lieux différents consacrés à son culte, et par suite d’aspects divers sous lesquels elle pouvait être envisagée.
[5] Les exemples sont partout. Si quelques expressions, telles que δεΰρ' έλθε, sont devenues plus tard des formules de convention, il est certain qu’à l’origine elles supposaient la présence réelle, bien que ne tombant pas sous les sens, de divinités favorables. Voy. Iliade, I, v. 67 et 423 ; Odyssée, III, v. 435 et Hymne à Cérès, v. 28.
[6] Il est facile de trouver des exemples et des preuves, en s’aidant de l’index joint à la Mythologie de Gerhard. Au même ordre d’idées appartient l’épithète de όγκα, surnom d’Athéna chez les Thébains.
[7] Simplicia rura etiam nunc deo præcellentem arborem dicant, nec magis auro fulgentia atque eborea simulacra quam lucos et in ipsis silentia ipsa adoramus. (Pline, Hist. natur., XII, c. 1.)
[8] Il y avait prés de Méthydrion, en Arcadie, un σπήλαιον τής 'Ρέας, où les prêtresses de la déesse avaient seules accès ; voy. Pausanias, VII, c. 36, § 3.
[9] On connaît d’après la description d’Homère (Od., XIII, v. 102-112), la grotte des nymphes à Ithaque, sur laquelle Porphyre nous a laissé ses laborieuses conjectures.
[10] Voy. C. F. Hermann, Quæst. Œdip., p. 102.
[11] Jul. Pollux, Onomast., IX, 41 ; Etymol. Magnum, p. 341, 9. Ces lieux étaient réputés άνέμβατα ; voy. Plutarque, Pyrrhus, c. 29.
[12] Aristote, Polit., VII, c. 11, § 1 ; Xénophon, Memor., III, c, 8, § 10.
[13] Thucydide, II, c. 15.
[14] Eustathe, ad Iliadem, I, v. 54 ; Pausanias, III, c. 11, § 8, et V, c. 15, § 3 ; Osann, ad Cornutum, p. 73, les άγώνιοι θεοί doivent être rapprochés des άγοραΐοι θεοί, ainsi que le remarque Eustathe, ad Il., XXIV, v. 1 (p. 1335, 58), le mot άγών n’ayant désigné à l’origine qu’une assemblée réunie à l’occasion d’une fête. Voy. aussi Blomfield, Glossar. Æschyl. (Agamemnon, v. 496) et Ast, dans ses notes sur Platon, Leges, p. 336.
[15] Antiphon, de Choreula, § 45 ; Pausanias, I, c. 3, § 5.
[16] Cela n’arriva vraisemblablement qu’après l’époque homérique, la déesse Hestia étant inconnue à Homère, ainsi que la sainteté du foyer.
[17] Έστία πρυτανΐτις, dans Athénée (VI, c. 32, p. 149), où il est question des fêtes célébrées en l’honneur de la fondation de Naucratis (γενέθλια Έστίας πρυτανίτιδος). On trouve Έστία πρυτανεία dans une inscription postérieure. (Corp. Inscr. græc., n° 2347 k. v. 11. On ne peut établir l’existence de temples appartenant en propre à Hestia ; voy. Preuner, Hestia, p. 263.
[18] Άγυιάτιδες θεραπεΐαι, dans l’Ion d’Euripide, v. 190.
[19] Voy. Curtius, dans les Iahrb. für Philol., t. LXXIII, p. 142.
[20] Voy. Becker, Chariklès, t. II, p. 96.
[21] Platon, Leges, VIII, p. 842 E.
[22] Pausanias, VIII, c. 34. § 6 ; Polyen, Stratag., VI, c. 24.
[23] Voy. par ex. Horace, Od., I, 19, v. 13 ; Virgile, Æn., XII, v. 119 Ovide, Métamorph., XV, v. 574, et Tristes, V, 5, v. 9. C’est par hasard sans doute que l’on ne trouve pas chez les Grecs d’indications de ce genre. Cependant, dans Apulée (Métamorph., I. VII, c. 10), la scène se passe en Grèce.
[24] Théocrite, Id., XXVI, v. 3 ; Apollonius, I, v. 1123, et II, v. 695.
[25] Pausanias, IX, c. 3, § 7.
[26] Pausanias, VI, c. 24, § 3.
[27] Pausanias, VIII, c. 38, § 7.
[28] Voy. Callimaque, Hymne à Apollon, v. 60, avec les notes de Spanheim, voy. aussi Dilthey, Cydipp., p. 55.
[29] Voy. Welcker, Gœtterlehre, t. I, p. 171.
[30] Pausanias, V, c. 13, § 8 et 11, c. 14, § 8 et 10, c. 15, § 9 ; IX, c. 11, § 7.
[31] Exode, c. 27, v. 2. Cf. Spencer, de Leg. Hebr., II, 1, 4 ; Bæhr, Symbol. des Mosaischen Cultus, I, p. 474 et 477. Voy. aussi le livre de Neumann (die Stiftshutte, p. 41) dont le mode d’interprétation symbolique peut avoir ses partisans.
[32] Varron, cité par Macrobe (Saturn., III, c. 2, p. 414, éd. Zeune), faisait aussi dériver le mot latin ara, dont l’ancienne forme était asa, de ansa, quod esset necessarium a sacrificantibus eam teneri. Le poète Antipater mentionne dans une de ses épigrammes un βωμός κεραοΰχος (Anthol. Palat. VI, 10, v. 3, t. I, p. 70 de la traduct. de M. Dehéque). Voy. aussi O. Jahn, dans l’Archæol. Zeitung de Gerhart, 1847, p. 190, et en sens contraire Wieseler, dans le Philologus, t. X, p. 389.
[33] Pausanias, V, c. 13, § 6.
[34] Ampelius, Liber memorialis, c. 8, p. 47, éd. Beck.
[35] Pausanias, X, c. 38, § 6 ; VI, c. 20, § 7, et c. 25, § 1.
[36] Plutarque, Vitæ decem Orat., p. 847 A. Voy. aussi Alciphron, II, 3, et Pollux, VIII, 141.
[37] Voy. Welcker, Gœtterlehre, t. II, p. 169.
[38] Eustathe, ad Odyss., XXIII, v. 71 ; Pollux, 1, 8 ; voy. aussi Nitzsch, zur. Od., IIIe part. p. 161. — Le nom d’έσχάρτι servant à désigner les autels, s’explique par la coutume d’y placer un gril pour les holocaustes ; voy. le Schol. d’Euripide, Phéniciennes, v. 281.
[39] Voy. Welcker, Gœtterlehre, t, I, p. 497 ; O. Muller, Dorier, t. I, p. 302.
[40] βωμοί πρόναοι, dans les Suppliantes d’Æschyle, v. 489 (478).
[41] Au sujet des exceptions concernant les temples hypæthres, voy. C.-F. Hermann, die Hypæthraltempel der Alten, Gœttingen, 1844, p. 22.
[42] Strabon, IX, c. 2, p. 412. Il est cependant douteux qu’Homère ait péché ainsi contre l’exactitude en désignant par le mot άλσος le temple élevé, à Onchestos, en l’honneur de Poseidon ; voy. Lobeck, Briefwechsel, p. 212.
[43] Pausanias, VIII, c. 31, § 5.
[44] Pausanias, VI, c. 20, § 7.
[45] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 414.
[46] Lysias, pro sacra Olea excisa, p. 260.
[47] Voy. Müller, Minerv. Pol. sacr., p. 30, et Bœckh, ibid., p. 61 et 416.
[48] Pausanias, I, c. 37, § 2 ; Athénée, II, c. 6, p. 77 ; Anthol. pal. append. n° 169.
[49] Voy. d’autres explications de ce mot dans Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 63.
[50] Æschine, c. Ctésiphon, § 108, p. 499.
[51] Corpus Inscript. Græc., n° 2561, v. 80 (t. II, p. 1103).
[52] Pausanias, II, c. 28, § 7.
[53] Voy. Sintenis, dans ses notes sur la Vie de Périclès par Plutarque, p. 207, et Gœttling, Gesammelte Abhandl., t. I, p. 121.
[54] Pausanias, I, c. 38, § 1.
[55] Pausanias, III, c. 21, § 5, et VII, c. 22, § 4.
[56] Au contraire, le mot ίερον désigne non seulement le temple, mais en général l’ensemble des lieux consacrés, par conséquent le péribolos et le téménos. Si l’enceinte totale avait une grande étendue, on donnait de préférence le nom d’ίερόν à la partie la plus voisine du temple et la plus nettement délimitée. On pouvait ainsi distinguer le τέμενος, le ίερόν et le ναός ; voy. par exemple Pausanias, V, c. 6, § 4.
[57] Pausanias, II, c. 13, § 3.
[58] Pausanias, II, c. 35, § 1.
[59] Chez les Romains, les temples avaient précédé aussi les images des dieux ; voy. Plutarque, Numa, c. 8, et Varron, cité par saint Augustin (de Civit. Dei, IV, c. 31). Il n’est question qu’une seule fois dans Homère d’une statue représentant une divinité (Il., VI, v. 303.)
[60] Pausanias cite encore, comme des temples sans image, celui des Μοΐραι à Thèbes (IX, c. 25, § 4), celui d’Apollon à Tithronion, en Phocide (X, c. 33, § 11), celui de Poseidon à Amphissa (ibid., c. 38, § 8) ; mais comme il dit clairement à propos du dernier qu’il avait renfermé autrefois une statue qui n’existait plus, on peut bien supposer qu’il en était de même des autres.
[61] Nous aurons l’occasion de parler plus loin de statues qui n’étaient pas non plus placées dans le temple, mais dans une chapelle dépendant de la maison qu’habitait le prêtre, On peut, en attendant, consulter une dissertation de Thiersch, dans les Mémoires de l’Académie de Munich, t. VIII p. 445.
[62] Pausanias, VIII, c. 13, § 2. Ce que disent de la statue d’Artémis à Ephèse, Callimaque dans son hymne à Diane, v. 238, et Denys le Périégète v. 829, à savoir que les Amazones l’avaient placée φηγοΰ ύπό πρέμνω ou πρέμνω ένί πτελέης, ne peut évidemment avoir la valeur d’un témoignage historique. Le passage d’Hésiode cité par O. Müller (Archæol. der Kunst, § 52, rem. 2) manque de clarté.
[63] Voy. les dessins que Bœtticher a joints à son livre Ueber den Baumcultus.
[64] D’après une inscription d’Halicarnasse de très peu antérieure à l’ère chrétienne et relative au culte d’Artémis Pergæa, qui venait d’être inauguré dans cette ville (Corpus Inscript. gr., n° 2656), la prêtresse a le droit d’établir le temple ού άν βούληται.
[65] Pausanias, IX, c. 22, § 2.
[66] Pausanias, I, c. 18, § 6 et 7. Sur les surnoms des déesses, voy. Schœmann, Opusc. acad., t. II, p. 89.
[67] Pausanias, I, c. 20, § 2, et II, c. 2, 5 1. L’inscription d’Anaphé, publiée par Rangabé (Antiq. hellen., n° 820), contient l’autorisation donnée à un particulier de bâtir un temple à Aphrodite, dans le ίερόν d’Apollon ; l’autorisation émane de l’oracle.
[68] D’après Servius (ad Virq. Æn., IV, v. 200). Urlichs toutefois fait remarquer que cette règle admettait des exceptions.
[69] Euripide, Ion., v. 449 ; Pollux, Onomast., I, 8.
[70] Lucien, de Sacrificiis, c. 13.
[71] Sur une question soumise par les Rhodiens à l’oracle de Delphes, relativement à certaines installations nécessaires, et sur la réponse qui leur fut faite ('Ροδίων χρησμός), voy. Suidas, s. v. ; Diogenianus, Prov., cent. VIII, 4, t. I, p. 305, éd. Leutsch ; cf. t. II, p. 634.
[72] C’est ce rapprochement qu’Hermès cherche à détourner, dans la fable 48 de Babrius. Canis immundus dit Horace (ép. I, 2, v. 26). Philochorus, fr. 146 (t. I, p. 408 des Fragm. hist. de Müller, éd. Didot), fait une remarque analogue au sujet du Parthénon ; cf. Plutarque, Quæst. rom., n° 111, où les choses sont présentées un peu autrement. Les chiens ne pouvaient pas non plus entrer dans l’île de Délos, ce que le scholiaste d’Ovide (ad Ibin, v. 480) explique par des raisons mythologiques empruntées à Callimaque. Un passage de Pausanias (VII, c. 27, § 10) prouve cependant que les chiens n’étaient pas toujours et partout exclus des enceintes sacrées.
[73] Pausanias, II, c. 27, § 1 ; voy. aussi le récit de la mort de Démosthène, dans la Vie de cet orateur par Plutarque, c. 29.
[74] Vitruve, III, c. 3 ; voy. aussi Bœtticher, Tektonik, t. I, p. 125.
[75] Vitruve, III, c. 1 ; voy. aussi Hermann, die Hypæthraltempeln de, Alterth., Gœttingen, 1844.
[76] Voy. Bœtticher, Tektonik, t. I, p. 250 et 287, et t. II, p. 5 ; cf. Hermann, ibid., p. 32.
[77] Voy. Bœtticher, ibid., t. II, p. 11.
[78] Voy. Bœtticher, ibid., t. II, p. 84, et en ce qui concerne les habitations privées, Becker, Chariklès, t. II, p. 108.
[79] Sur ce point et sur d’autres détails, dans lesquels il ne serait pas à propos d’entrer ici, il suffit de consulter l’Archæologie de O. Müller, 288.
[80] Voy. Bœtticher, Tektonik, t. II, p. 76 et 83.
[81] Voy. Bursian, dans les Jahrb. für Philologie, t. LXXIII, 1856, p. 432.
[82] Voy. le savant mémoire de Th. Pyl, die Griechischen Rundbauten Greifsw., 1861, et en particulier les pages 96 et suiv. où sont rapportés les exemples.
[83] Plutarque, Numa, c. 14 ; Porphyre, de Antris Nympharum, p. 251 ; Lucien, de Domo, c. 6 ; voy. aussi Welcker, Gœtterlehre, t. I., p. 403.
[84] Pausanias, I, c. 18, § 1 ; II, c. 4 ; III, c. 14, § 6, c. 17, § 5, et c. 18, § 4 ; VII, c. 25, § 4 ; IX, c. 27, §4.
[85] Pausanias, I, c. 14, § 1, c. 18, § 7, c. 41, § 4 ; II, c. 11, § 2 et 6.
[86] Pausanias, I, c. 31, § 2 ; VIII. c. 32. § 1 et 2.
[87] Pausanias, II, c. 2, § 7, et c. 25, § 5 ; III, c. 22, § 6.
[88] Thucydide, IV, c. 79 ; cf. Arnaldus, de Diis Παρέόροις seu adsessoribus, Hagæ, 1732.
[89] Pausanias, II, c. 25, § 1, et VIII, c. 9, § 1.
[90] Hérodote, II, c. 60. — Le plus ancien temple dont Pausanias ait eu connaissance (II, c. 31, § 6) était celui d’Apollon Théarios à Trézène ; il passait pour avoir été construit par Pittheus.
[91] Voy. O. Müller, Archæol., § 80, où l’on trouvera aussi la confirmation des détails qui suivent, et § 109.
[92] Voy. Bœckh, Corpus Inscr. gr., t. I, p. 177.
[93] Diodore, XIII, c. 82.
[94] Voy. Preller, dans la Real-Encyclop. de Pauly, t. III, p. 89.
[95] Il en était ainsi du Parthénon ; voy. Pausanias, I, c. 24, § 5, et Corpus Inscr. gr., t. I, p. 177. On lit dans Étienne de Byzance, s. v. θεράπναι : ναός σημαίνει τήν οίκίαν, ένθα θεοί θεραπεύονται.
[96] Plaute fait allusion à cette particularité, dans sa comédie des Bacchis, a. IV, sc. 8, v. 49 : Illa autem in arcem abiit ædem visere Minervæ ; nunc aperta est. C’est bien du Parthénon qu’il est question dans ce passage. L’existence d’un personnel sacerdotal affecté au culte d’Athéna Parthénos est attesté par les inscriptions ; voy, par exemple Rangabé, Antiq. hellen., t. II, n° 1014, et E. Petersen, dans l’Archæol. Zeitung de Gerhard, p. 150.
[97] Au sujet du débat soulevé, il y a longtemps déjà ; par une dissertation de Bœtticher, insérée dans la Zeitschrift f. das Bauwesen de Erbkam, 1852, on peut consulter les écrits en différents sens de Stark (Philologus, t. XVI, p. 86), de Wachsmuth (Denhmæler und Forsch. de Gerhard, 1860, n° 141, p. 108) de Bursian (Philol. t. XIV, p. 84), d’Ussing (Griech. Reisen und Studien), et de Bœtticher (Philol., t. XVII, p. 385, et t. XVIII, p. 385.)
[98] Pollux, Onomast., I, 6 ; Eustathe, ad Od., IX, v. 219 ; Pausanias, I, c. 41, § 6 ; voy. aussi Ross, das Theseion, p. 30 et 36.
[99] Sur l’expression κινεΐν τά μέγαρα répondant au latin movere sacra, voy. Lobeck, Aglaophamus, p. 380.
[100] Pausanias, VII, c. 23, § 7, et II, c. 10, § 4.
[101] Pausanias, II, c. 2, § 1, et VII, c 27, § 1.
[102] Porphyre, de Antris Nymph., c. 6 ; Eustathe, ad Od., I, p. 1387, 18 ; voy. aussi Lobeck, Aglaoph., p 831 ; Welcker, Gœtterl., t. I, p. 361.
[103] Pausanias, I, c. 39, § 5 ; III, c. 25, § 9 ; IV, c. 31, § 9 ; VIII, c. 6, § 5, et c. 37, § 8. Cf. Schweighauser, Lexicon Herodot., s. v.
[104] Thucydide, II, c. 17.
[105] Disc. c. Neæra, p. 1371.
[106] Pausanias, VIII, c. 47, § 5 ; VI, c. 20, § 2, et c. 25, § 3 ; IX, c. 25, § 3, etc. 16, § 6 ; LX, c.35, § 7.
[107] Pausanias, VIII, c. 41, § 4.
[108] Pausanias, VIII, c. 36, § 3 ; VII, c. 27, § 3 ; VIII, c. 31, § 5 ; et c. 38, § 6.
[109] Voy. Lobeck, Aglaophamus, p. 279.
[110] Il n’était permis à personne d’entrer dans le sanctuaire de la mère des dieux à Athènes, après avoir mangé de l’ail ; voy. Athénée, X, c. 19, p. 422.
[111] Plutarque, Quæst. rom., n° 16.
[112] Hérodote, V, c. 72, et 81.
[113] Plutarque, Quæst. gr., n° 40.
[114] Plutarque, ibid., n° 27 et 28.
[115] Pausanias, VII, c. 5, § 4.
[116] Pausanias, III, c. 20, § 5, et c. 22, § 5.
[117] Pausanias, VII, c. 27, § 4.
[118] Strabon, XIV, p. 682.
[119] Cicéron, in Verrem, IV, c. 45.
[120] Cf. Plutarque, Lysandre, c. 18 ; Diogène Laërte, II, c. 51 ; les commentaires sur Cornélius Nepos (Hannibal, c. 9), Plaute, les Bacchis, a. II, sc. 3, v. 78.
[121] Plutarque, de Superstitione, c. 4.
[122] Quelquefois même elle s’étendait au delà, ainsi que cela résulte du témoignage de Strabon sur le droit d’asile dans le temple d’Artémis à Éphèse (XIV, p. 641.)
[123] On lit dans Servius (ad Æn., II, v. 761), à propos des asiles proprement dits : Hoc non est in omnibus templis nisi quibus consecrationis lege concessum est. Voy. aussi Jaenisch, de Græc. asylis, Gœttingue, 1868.
[124] Plutarque, Lysandre, c. 30 ; Pausanias, III, c. 5, § 6.
[125] Pausanias, II, c. 13, § 3.
[126] Strabon, VIII, p. 374.
[127] Tout ce que nous savons en ce qui concerne Ténare, c’est que les hilotes réfugiées dans l’enceinte consacrée, dans la troisième guerre de Messénie, en furent violemment arrachés et mis à mort par les Spartiates ; voy. Thucydide, I, c. 128 ; Pausanias, VII, c. 25, § 1, Ælien, Var. histor., I. VI, c. 7. On considéra le tremblement de terre qui suivit peu après comme une punition de ce sacrilège ; mais les Spartiates auraient été coupables d’impiété, alors même que le sanctuaire n’eut pas été, à proprement parler, un lieu d’asile. Polybe dit, il est vrai, à propos du temple d’Athéna Chalkioikos (IV, c. 35, § 3) : πάσι τοΐς καταφυγοΰσι τήν άσφάλειαν παρεσκεύαζε τό ίερόν, κάν θανάτου τις ή κατακεκριμένος. Il se peut donc que ce temple ait été au nombre des asiles privilégiés, bien que les histoires qui traitent de Pausanias et d’Agis III ne contiennent à cet égard aucun témoignage convaincant. Voy. sur le sanctuaire d’Amphiaraüs, Diogène Laërte, II, § 142 ; sur celui de Délium, Tite-Live, XXXV, c. 51 ; sur le temple d’Artémis à Lousoi, en Arcadie, Polybe, IV, c.18 ; sur celui de Déméter et de Cora à Hermione, Zénobius, Prov., cent. II, 22.
[128] Tacite, Annales, III, c. 60 et suiv., IV, c. 14.
[129] Voy. Schœmann et Meier, der attische Process, p. 403 et suiv.
[130] Voy., dans l’inscription mystique d’Andania, § 15 (Abhandl. der Gœtting. Gesellsschaft der Wissensch., t. VIII), la disposition portant que les prêtres doivent examiner le cas d’un esclave réfugié dans le sanctuaire et le livrer à son maître, si les torts sont de son côté.
[131] Voy. surtout le disc. de Lycurgue c. Léocrate, § 93, et Diodore, VIII, c. 29.
[132] C’est ce que firent les Spartiates avec Pausanias ; voy. Thucydide, IV, c. 134. Dans la Mostellaria de Plaute (acte V, sc. 1, v. 65), un individu attaché à la poursuite d’un autre qui s’est réfugié auprès d’un autel le menace de mettre le feu, pour le forcer à sortir de son gîte ; cf. le Rudens, acte III, sc. 4, v. 62. On peut consulter aussi Euripide (Ion, v. 1255 et suiv., 1312 et suiv., 1401 et suiv.
[133] Xénophon, Hellenica, IV, c. 3, § 20, et Agésilas, c. 11, § 1 ; Plutarque, Agésilas, c. 19.
[134] Thucydide, III, c. 81. Voy. aussi, dans Hérodote, VI, c. 91, le récit d’un sacrilège commis à Ægine.