Les populations grecques se donnaient volontiers le nom générique d’Hellènes, témoignant par là qu’elles avaient la conscience d’une nationalité commune qui les distinguait des races barbares[1] ; ce lien pourtant ne fut jamais assez fort pour les réunir en un même État. En face des Barbares, ils se sentaient bien rapprochés par la langue qui, malgré les différences de dialectes, était intelligible à tous les Grecs, par la religion et les formes extérieures du culte, par la ressemblance générale des mœurs et des pratiques journalières, enfin par les efforts à l’aide desquels tous tendaient vers la liberté civique et le selfgovernment ; mais entre eux il y avait plus d’éléments de séparation que de points de contact. Sans compter même les divergences d’origine qui s’étaient produites antérieurement à l’arrivée des hordes asiatiques dans l’Hellade[2] et avaient constitué les races ionienne, dorienne, éolienne, l’Hellade elle-même était, par sa configuration naturelle, peu propre à favoriser le développement de l’unité politique. Le morcellement du sol en un grand nombre de localités délimitées nettement par le relief du terrain, par le climat et les autres conditions physiques, à ce point que des oppositions tranchées se manifestaient sur des espaces exigus, avait nécessairement pour conséquence la division des habitants en un nombre considérable de communes, dont chacune était jalouse de conserver son indépendance et sa personnalité. Les relations entre ces communes étaient, suivant les circonstances, tantôt amicales, tantôt hostiles, et souvent les plus proches voisins étaient les plus animés les uns contre les autres. L’Attique fut la seule région de quelque étendue dont les habitants s’unirent pour fonder une cité unique ; partout ailleurs, il y eut des vainqueurs et des vaincus, comme par exemple en Laconie, ou bien il se forma des alliances internationales d’où naquirent des ligues entre divers États, mais une confédération embrassant la Grèce entière ne put jamais être réalisée. Les principes reconnus comme devant servir de base aux relations internationales étaient désignés ordinairement par des mots se référant aux usages et aux intérêts généraux des Grecs (κοινά τών Έλλήνων νόμια, κοινοί νόμοι, κοινά δίκαια τής Έλλάδος) ; mais il ne faut pas chercher sous ces expressions des dispositions légales nettement formulées, qui trouvèrent rarement place de nation à nation. Les principes dont nous parlons rentrent dans la classe des νόμοι άγραφοι, lesquels n’avaient d’autre force que celle que leur donnaient la tradition et la coutume, et dont l’observation n’était imposée que par le respect des dieux qui les ont gravés dans le cœur de l’homme[3]. Ils remontent aussi haut que l’histoire même de la nation hellénique. Sans doute les règles mal définies du droit international purent être violées en différentes circonstances, mais nulle part il n’y a trace d’un temps où, comme le dit F. Hermann[4], les relations des races grecques entre elles auraient reposé sur l’absence complète de ces principes, c’est-à-dire où aurait régné un état de guerre perpétuel de tous contre tous. Recherchons donc quelles étaient les dispositions généralement admises et dont quelques-unes même furent expressément stipulées. L’épopée homérique présente la plupart des peuples grecs comme unis par des relations d’amitié et coalisés en vue d’une entreprise commune, mais elle ne les désigne pas sous le nom d’Hellènes, qui commence à se répandre seulement à partir du vine siècle ; les diverses populations sont appelées indifféremment Δαναοί et Άχαιοί, du nom de celles auxquelles appartiennent les chefs de l’armée[5]. L’Expédition contre Troie n’a pas été accomplie en vertu d’un traité ; elle fut résolue grâce à l’ascendant et aux instances des princes les plus puissants, qui persuadèrent aux autres de s’associer à leur vengeance[6]. De même, les héros qui avaient pris part à la conquête de la toison d’or avaient été entraînés personnellement, non comme conducteurs d’hommes, par le goût des aventures et leur dévouement pour Jason. En dehors de ces deux expéditions, la Muse épique a recueilli le souvenir de plusieurs guerres entre les divers États grecs, mais à part l’entreprise des Sept Chefs devant Thèbes, et la lutte que firent éclater entre les Étoliens et les Curètes les dépouilles du sanglier de Calydon[7], tout se borne à des combats de peu d’importance. Nestor, par exemple, raconte comment les habitants de Pylos se prirent de querelle avec les Éléens à l’occasion de troupeaux enlevés, et Ulysse avait été, dans sa jeunesse, envoyé en Messénie, pour demander satisfaction d’une semblable razzia[8]. Le même cas dut se reproduire souvent entre voisin[9] ; il n’y avait véritablement état de guerre que lorsque la réparation était refusée. Il est probable aussi que des états limitrophes s’assurèrent réciproquement par des traités contre le retour de ces violences, et que ceux qui rompaient le pacte encouraient même de la part de leurs concitoyens une peine sévère, comme il arriva dans Ithaque au père d’Antinoüs, lorsqu’il s’associa aux Taphiens pour commettre des brigandages contre les Thesprotes, unis d’amitié avec les sujets d’Ulysse (άρθμιοι)[10]. Entre peuplades qui n’étaient pas liées par des traités, il dut advenir à plus forte raison que des aventuriers se missent en campagne pour commettre des ravages, piller les côtes, enlever des hommes et des objets précieux. Les Taphiens et les Crétois qui passaient leur vie sur mer et faisaient de longues traversées avaient la réputation fondée de joindre la piraterie au commerce[11]. Si ces pratiques n’étaient pas jugées aussi sévèrement qu’elles le méritaient, elles étaient du moins regardées comme un désordre réprouvé par les dieux[12]. A propos des deux grandes guerres contre Thèbes et contre Troie, la légende fait mention de négociations internationales. Des ambassades furent envoyées à l’une et à l’autre ville pour obtenir réparation des injures reçues, et l’on ne recourut aux armes que faute d’avoir pu s’entendre[13]. Les mêmes principes furent régulièrement appliqués dans les temps historiques. On regardait comme contraire au droit d’engager la guerre sans avoir essayé des explications pacifiques. Il n’était pas rare que, soit pour prévenir ce recours extrême, soit même après le commencement des hostilités, on invitât l’adversaire à porter le différend devant des juges ; mais comme il n’y avait pas de tribunal qui eût en ces matières une compétence reconnue, il fallait d’abord, pour chaque cas particulier, tomber d’accord sur le choix d’un arbitre. On s’en rapporta plusieurs fois à l’oracle de Delphes. C’est le parti qu’avaient proposé les Corcyréens en lutte avec les Corinthiens au sujet de la colonie d’Épidamne, mais les Corinthiens refusèrent d’y adhérer[14]. Quelquefois aussi on convenait de soumettre le litige à un étranger renommé pour sa justice. Ainsi Périandre avait réconcilié Athènes et Mytilène qui se disputaient Sigeion[15], et Thémistocle mit fin aux contestations dont le promontoire de Leucade était l’objet entre Corinthe et Corcyre[16]. Il arriva aussi que la décision fût remise à un troisième État, ami des deux belligérants[17], à Sparte par exemple, qui délégua une commission de cinq membres pour juger le différend soulevé entre Athènes et Mégare à propos de l’île de Salamine[18]. De même on rapporte que la Messénie, avant la première guerre contre Sparte, proposa de prendre pour arbitre l’Aréopage d’Athènes ou l’Amphictyonie argienne[19]. En supposant ce récit controuvé, la mention de l’Amphictyonie prouve au moins qu’anciennement les États doriens du Péloponnèse étaient liés par des conventions qui interdisaient, entre autres choses, d’en appeler aux armes avant d’avoir essayé des médiations arbitrales. C’était là une disposition générale en vigueur chez tous les peuples qui avaient formé entre eux des fédérations dont il sera question plus loin. Comme les traités ne prétendaient pas d’ordinaire à une durée éternelle et n’embrassaient qu’un laps de temps déterminé, l’usage était aussi de stipuler qu’avant de recourir aux armes, on soumettrait les difficultés à des arbitres sur le choix desquels il restait à s’entendre. Il faut reconnaître, cependant, qu’en réalité ces pourparlers aboutirent rarement, et que la guerre ne put être évitée par ce moyen qu’entre des Mats confédérés ayant à leur tête une nation assez puissante pour contraindre les autres à l’obéissance. C’est le rôle que jouèrent Sparte dans le Péloponnèse, Thèbes en Béotie, Athènes vis-à-vis de ses σύμμαχοι. Il n’était pas rare non plus que des propositions de ce genre fussent déclinées ou que, même après avoir accepté l’arbitrage, on ne se crût pas lié par le verdict. Les Thébains en lutte avec les Athéniens au sujet de Platée avaient consenti à faire les Corinthiens juges de leur querelle, mais, mécontents de la sentence, ils recoururent aux armes, ce qui naturellement dispensa les Athéniens d’observer pour leur compte, après la victoire, les conditions mises à leur charge[20]. La procédure, dans ces sortes d’affaires, ne s’écartait pas des formes habituelles : l’arbitre fixait le jour et le lieu ; les parties civiles choisissaient des mandataires (σύνδικοι) pour fournir leurs titres et soutenir leurs prétentions. Le pour et le contre entendus, et après examen des pièces à l’appui, l’arbitre prononçait son arrêt qui, dans les temps postérieurs, était reproduit par écrit en double exemplaire, quelquefois même gravé sur des tables de marbre ou sur des colonnes et exposé dans les lieux publias ou dans les sanctuaires[21]. Parfois aussi les adversaires prêtaient serment d’exécuter fidèlement la sentence[22]. Lorsque les griefs étaient moins importants, et si en raison de relations antérieures, il n’était pas à craindre que la guerre en sortit, il y avait un moyen plus sommaire d’obtenir satisfaction : l’état lésé invitait ses nationaux ou ses alliés à faire une incursion sur les terres de la cité avec laquelle il était en conflit ou à capturer ses vaisseaux. Ce droit de représailles répondait exactement à nos lettres de marque ; chez les Grecs cela s’appelait σΰλα ou σύλας δίδοναι, λάφυρον έπικηρύττειν, ρύσια καταγγέλλειν[23]. A cet appel, des bandes de brigands ou de pirates s’organisaient et mettaient à leur tête un capitaine (άρχιπειράτης ou άρχίκλωψ)[24]. Il va de soi que des lettres de marque étaient délivrées aussi et à plus forte raison en cas de guerre. Le butin appartenait en propre à ceux qui avaient fait le coup de main. Sans doute, il y avait aussi dans chaque pays quelque chose d’équivalent à un tribunal des prises, où pouvaient porter leurs plaintes ceux qui se prétendaient dépouillés contrairement au droit des gens. Chez les Athéniens c’était l’assemblée du peuple qui connaissait de ces réclamations[25]. Le droit international autorisait encore des représailles dans le cas où un citoyen avait été mis à mort sur un territoire étranger. Si l’on n’avait pu obtenir le châtiment où l’extradition du meurtrier, les parents de la victime à qui incombait le soin de la venger[26] avaient le droit de mettre la main sur une ou plusieurs personnes appartenant à la nation du coupable, et de les garder comme otages jusqu’à ce que justice fût faite (άνδροληψία, άνδρολήψιον)[27]. Toutefois il n’était pas permis de dépasser le nombre de trois, du moins d’après la loi athénienne. Quel était le sort des otages, si finalement on n’obtenait pas réparation ? On l’ignore, et peut-être le cas ne s’est-il jamais présenté. Une fois la guerre résolue, c’était un principe de droit public que la déclaration précédât les hostilités[28]. Sans doute il y eut des exceptions à cette règle, comme à toutes les autres, mais elles furent rares, et le silence des historiens ne prouve pas toujours que ces garanties aient été omises[29]. Il ne faut pas cependant conclure de là qu’elles fussent réglementées aussi sévèrement chez les Grecs que chez les nations italiques soumises au droit fécial[30]. Lorsque, par exemple, un ultimatum avait été lancé inutilement avec menace de guerre, on était, à la rigueur, dispensé de toute autre formalité ; mais ce n’était pas là une pratique constante. On jugeait plus sûr de faire une déclaration suprême par l’entremise d’un héraut, que son caractère sacré et le bâton qui en était la marque rendaient partout inviolable. Des hérauts étaient souvent aussi adjoints aux ambassadeurs qui allaient négocier en pays ennemi, ou bien ils prenaient les devants pour ménager à ces personnages un sauf-conduit[31]. Un exemple montre l’odieux qui s’attachait aux violences commises contre les hérauts : les Spartiates avaient jeté dans un puits un héraut envoyé, par le roi de Perse pour les- sommer de se soumettre ; pris de remords et désireux de désarmer la colère de Talthybios, patron des hérauts, ils dépêchèrent au roi deux de leurs concitoyens qui s’étaient eux-mêmes dévoués à la mort et qui furent successivement renvoyés sains et saufs[32]. Les Athéniens n’avaient pas mieux traité le héraut de Xerxès, mais ils s’excusèrent sur les exigences iniques qu’un barbare apportait au nom d’un autre barbare ; et cela n’empêcha pas, lorsqu’un héraut chargé d’exposer leurs plaintes fut tué à Mégare, qu’ils se déclarèrent les ennemis irréconciliables des Mégariens et jurèrent de ne plus leur envoyer de hérauts ni d’en recevoir de leur part : tout Mégarien rencontré dans l’Attique était d’avance condamné à mort ; les généraux devaient s’engager par serment à envahir et à ravager deux fois l’an le territoire de Mégare[33]. — Une guerre dans laquelle les ennemis n’envoient ni ne reçoivent de hérauts, où aucune part n’est faite aux négociations, s’appelle πόλεμος άκήρυκτος καί άσπονδος. Quelque acharnement que les Grecs aient déployé dans la guerre, ce cas se présenta rarement ; souvent au contraire il y a trace d’efforts tentés pour atténuer les effets d’une lutte devenue inévitable. Au lieu de terminer tel démêlé par un engagement général, on convenait, dans les temps reculés, d’en remettre l’issue aux chances d’un combat singulier entre les chefs ou entre deux guerriers choisis dans les rangs ennemis. La tradition arcadienne de Tégée et de Phénée mentionne même un combat de trois contre trois, semblable de tout point à celui des Horaces et des Curiaces[34]. Ce n’est là qu’une légende, mais un caractère historique s’attache au duel par lequel Pittacos de Mytilène et le chef athénien Phrynon tentèrent de mettre fin à la contestation soulevée au sujet de Sigéion, contestation qui d’ailleurs se renouvela et ne fut décidément résolue que par l’arbitrage de Périandre[35]. On connaît aussi, par le récit d’Hérodote, le combat de trois cents Spartiates contre un même nombre d’Argiens, pour décider à qui resterait Cynosoura[36]. Les détails merveilleux dont cette relation est ornée n’autorisent pas à mettre en doute la réalité des faits. Plus tard, les Argiens, inconsolables d’avoir perdu ce port, firent aux Spartiates une proposition singulière, à laquelle d’ailleurs les Spartiates refusèrent d’adhérer. Chacun des deux États eût été libre en tout temps d’adresser à l’autre un défi, pourvu que la nation provoquée ne fût point occupée ailleurs, ni en proie à une épidémie ; les deux armées se seraient rencontrées sur le territoire en litige, et défense était faite au vainqueur de poursuivre le vaincu au delà des frontières[37]. Les Chalcidiens et les Érétriens de l’Eubée étaient entrés aussi en pourparlers pour régler d’avance la façon dont, le cas échéant, ils se feraient la guerre. Entre autres articles, il était convenu qu’on ne ferait pas usage de javelots[38], interdiction moins propre à épargner le sang qu’à rendre douteuse l’issue de la bataille. En dehors de ces arrangements particuliers, certains principes généralement observés constituaient un droit des gens ou droit de la guerre (πολέμου νόμοι)[39], dont il était tenu compte du moins en théorie. Ainsi le soldat qui jetait ses armes et demandait merci devait avoir la vie sauve[40] ; mais il est juste d’ajouter que, dans les combats homériques ainsi que dans ceux qui suivirent, l’ardeur de la, lutte fit souvent oublier ce devoir d’humanité. Jamais on ne se fit scrupule de mettre à mort les prisonniers qui, sans se rendre, tombaient au pouvoir du vainqueur. Les Athéniens. ayant mis la main par trahison sur plusieurs représentants d’une nation ennemie, envoyés en ambassade auprès du roi de Perse, n’hésitèrent pas à les jeter dans des précipices, s’autorisant de l’exemple des Spartiates qui, au début de la guerre, avaient maltraité et fait mourir des marchands athéniens ou alliés des Athéniens, voire même des neutres, saisis sur des bâtiments de commerce[41]. Lorsqu’une garnison assiégée se rendait à discrétion, il n’était pas rare qu’on passât au fil de l’épée tous les hommes valides ; les autres étaient réduits en esclavage et vendus ; les Athéniens en agirent ainsi avec les Méliens dans la guerre du Péloponnèse, et il fut résolu, sur la proposition de Cléon, qu’on en userait de même avec les Mytiléniens ; le traitement toutefois fut un peu adouci[42]. Dans ces deux cas, la rigueur des Athéniens, généralement enclins à des mesures plus humaines, s’explique par ce fait qu’ils avaient à combattre d’anciens alliés passés à l’état d’ennemis. De même, les Thébains avaient pour coutume constante de faire périr tous les prisonniers qu’ils faisaient en Béotie, les considérant comme des alliés en rupture de ban[43]. Lorsque le général athénien Philoclès, qui avait pris quelques galères aux habitants de Corinthe et d’Andros et jeté tous les équipages à la mer, tomba lui-même aux mains des Athéniens, on lui reprocha cette cruauté comme un attentat au droit des gens hellénique, et on la lui fit expier par la mort[44]. Le projet que l’on prêta aux Athéniens de couper le pouce de la main droite à tous leurs prisonniers, de manière à ce que, incapables de porter les armes, ils pussent cependant servir comme rameurs, ne souleva pas moins d’indignation[45]. Dans la règle, on ne devait pas tuer les prisonniers, mais les garder pour les échanger ou en tirer rançon[46], et ces prescriptions étaient le plus souvent observées. Entre certains états, le montant de la rançon était fixé par d’anciennes coutumes ou par des conventions spéciales : ainsi de tout temps les Corinthiens et les Mégariens avaient réciproquement adopté le tarif d’une mine par tête[47]. Ce pris était doublé entre les autres États doriens du Péloponnèse ; des Athéniens se firent payer aussi deux mines par les Hippobotes de l’Eubée[48]. Démétrius Poliorcète était convenu avec les Rhodiens de mille drachmes pour un homme libre, de cinq cents pour un esclave[49]. Il est fait mention de fonctionnaires spéciaux chargés de taxer les prisonniers de guerre[50] ; leurs évaluations se réglaient naturellement sur les prix courants des esclaves, tout en tenant compte, dans une certaine mesure, des situations personnelles. Pour les prisonniers considérables à quelque titre que ce soit, on exigeait souvent des sommes importantes. Au dire d’Eschine, un talent était une rançon modérée pour un homme d’une fortune médiocre[51]. Les pauvres étaient rachetés à l’aide de cotisations fournies parleurs parents ou leurs amis[52] ; en général toutefois ce n’était pas un don, mais un prêt remboursable dans le plus bref délai possible. D’après la loi athénienne, celui qui avait contrevenu à cet engagement devenait la propriété de ses libérateurs[53]. Les prisonniers qui n’étaient ni échangés ni rachetés appartenaient de droit au vainqueur, et étaient ordinairement vendus comme esclaves ; mais on assure qu’ils ne pouvaient être cédés qu’à des Grecs, non à des Barbares[54]. L’usage était que l’État rachetât à ses nationaux ceux qui leur étaient échus[55] ; il paraît aussi que chez les Athéniens une loi disposait que lorsque les prisonniers passaient successivement en plusieurs mains, avis devait en être donné au premier acquéreur, afin que l’on pût toujours, sur ses indications, retrouver le possesseur actuel, pour traiter avec lui de la rançon[56]. Il était universellement admis que le droit des gens et la religion faisaient un devoir au vainqueur d’accorder la sépulture aux guerriers tombés sur le champ de bataille. On a vu qu’il n’en était pas encore ainsi dans les temps héroïques, bien que chez Homère, les armées ennemies conviennent d’un armistice pour enlever et ensevelir les morts[57]. Plus tard ce devoir fut mieux compris, et on le jugea obligatoire envers les Barbares aussi bien qu’envers les Grecs. Lorsqu’après le combat de Platée, un Æginète, Lampon, proposa à Pausanias de ne pas ensevelir le corps de Mardonius, et de le mettre en croix, par représailles du même traitement que Xerxès avait fait subir à Léonidas, Pausanias reçut fort mal cette ouverture, et Lampon dut s’estimer heureux de s’eu tirer sans châtiment[58]. D’ordinaire, les vaincus demandaient une trêve pour enlever leurs morts et procéder aux cérémonies funèbres (σπονδαί είς νεκρών άναίρεσιν). On ne croyait pas pouvoir repousser cette prière, qui était un aveu de la défaite. II fallait au moins, pour motiver un refus, des raisons particulières ; c’est le cas qui se présenta dans la seconde guerre Sacrée, après que les Phocidiens eurent violé le droit public, en pillant le temple de Delphes et en insultant la divinité[59]. Si les vaincus, hors d’état d’enlever eux-mêmes et d’ensevelir leurs morts, n’adressaient aucune demande aux vainqueurs, ceux-ci s’acquittaient eux-mêmes de ce soin, par sentiment religieux autant que par mesure de salubrité. Lysandre fut sévèrement blâmé, après le combat d’Ægospotamoi, pour avoir laissé les ennemis sans sépulture[60]. A la suite de la bataille de Chéronée, Philippe refusa de livrer les morts, mais lui-même leur rendit pleinement les honneurs qui leur étaient dus[61]. Les vainqueurs élevaient sur le champ de bataille un trophée et le consacraient aux dieux ; c’était une colonne de bois ou tout simplement un tronc d’arbre, portant suspendues, avec une dédicace, les armes enlevées à l’ennemi. On s’interdisait généralement les trophées en pierre et en airain, pour ne pas fournir un aliment éternel aux dissensions[62]. Agir autrement eût été s’exposer à un blâme sévère[63], bien que la loi ne le défendit pas expressément, et qu’il n’y eût pas de tribunal auquel semblable affaire pût être soumise ; La plainte que les Spartiates avaient portée devant les Amphictyons, à propos d’un trophée d’airain élevé par les Thébains pour perpétuer le souvenir d’une victoire, n’est, en effet, qu’une matière de rhétorique à l’usage des écoliers[64]. Les quelques monuments de pierre ou d’airain que mentionne Pausanias étaient des monuments commémoratifs, que les vainqueurs, de retour dans leur patrie, dressaient sur les places publiques ou dans les sanctuaires ; ce n’étaient pas à proprement dire des trophées, lesquels devaient être dressés sur le champ de bataille au moment même où se décidait. la victoire, ce qui n’eut guère permis d’employer la pierre ou l’airain[65]. Le caractère religieux des trophées les faisait respecter même des ennemis. Si la victoire était restée incertaine, chacune des deux armées cherchait à empêcher l’autre d’ériger un trophée, ou elle-même en érigeait un second dans le voisinage[66]. Cependant, lorsque les Athéniens qui s’étaient rembarqués, après avoir battu les Lacédémoniens sur les côtes de Milet, revinrent au même lieu trois jours après, et ne trouvant plus personne qui leur disputât la victoire, élevèrent un trophée, les Milésiens ne se tirent pas scrupule de le renverser, sous le prétexte que les Athéniens n’étaient pas restés maîtres du champ de bataille[67]. L’usage des trophées est postérieur aux temps homériques[68], on ne peut toutefois fixer au juste le moment où il s’établit. Il en est parlé pour la première fois à l’occasion d’une victoire remportée par les Spartiates sur les habitants d’Amyclæ, dans le VIIIe siècle av. J.-C., en souvenir de laquelle fut aussi construit sur la place publique de Sparte un temple à Zeus Tropaios[69]. Nous avons mentionné ailleurs la loi qui défendait aux Spartiates de poursuivre l’ennemi au delà d’une certaine distance[70]. On rapporte aussi qu’ils s’interdisaient de dépouiller les morts, mais outre que cette tradition est démentie par les faits, il est bien difficile d’admettre que leur générosité ait été jusqu’à laisser aux ennemis non seulement les cadavres mais les armes des morts[71]. Ce que la loi défendait, c’était les violences sans règle et sans objet, la y avait toutefois cette différence entre les Spartiates et le reste des Grecs, que les premiers ne pouvaient dépouiller les morts que sur l’ordre de leurs chefs, tandis que les seconds agissaient à leur guise, quelquefois même avant de connaître l’issue du combat[72]. Après la journée de Platée, Pausanias défendit le pillage à son armée, et fit enlever le butin par les pilotes, pour en opérer ensuite le partage[73]. Il est souvent question de distribution semblable, mais on ne saurait dire d’après quels principes on y procédait, quelle était la part réservée à ceux qui avaient conquis le butin, quel fonds commun devait être réparti entre tous les combattants. Une seule chose va de soi, c’est que tout ce qui n’était pas le produit d’exploits individuels, et était dû aux efforts réunis de l’armée ou d’une division de l’armée, devenait la propriété de tous. De ce butin collectif, le dixième était consacré aux dieux, une autre portion revenait à l’État[74], une troisième enfin était distribuée entre tous, mais non pas également. Ceux qui s’étaient le plus distingués recevaient une part d’honneur (άριστεΐον) qui, surtout pour les chefs, pouvait être très considérable[75]. Les villes conquises, qui s’étaient rendues à discrétion, étaient généralement traitées avec beaucoup de rigueur. Il était établi en principe que le vaincu devenait, avec tout ce qu’il possédait, la chose du vainqueur, qui pouvait en user et en abuser[76]. Le massacre des hommes valides, la mise en vente des femmes et des enfants, la destruction des villes n’étaient pas des rigueurs inouïes. En cas même de capitulation (όμολογία) les conditions étaient souvent fort dures. Tout ce que les habitants de Potidée purent obtenir des Athéniens, au commencement de la guerre du Péloponnèse, fut de sortir de la ville suivis de leurs femmes et de leurs enfants, les hommes avec un seul habit, les femmes avec deux, et en emportant une somme d’argent déterminée, après quoi la ville fut repeuplée de colons athéniens[77]. Les vaincus, lorsqu’ils n’étaient pas complètement expulsés, étaient dépouillés de leurs biens fonds que leurs vainqueurs se partageaient ; du moins il en arriva souvent ainsi[78]. On louait de leur modération ceux qui se bornaient à mettre leurs ennemis dans l’impossibilité de nuire et à leur imposer un tribut. C’est ainsi qu’en usa Périclès avec les Samiens, à la suite d’un long siège ; les vaincus durent donner des otages, payer les frais de la guerre, raser leurs fortifications et livrer leur flotte[79]. Les conditions imposées aux Athéniens après la bataille d’Ægospotamoi ne furent pas beaucoup meilleures : ils furent forcés d’abattre les fortifications du Pirée et les Longs-Murs qui joignaient le port à la ville, d’abandonner tous leurs bâtiments de guerre, à la réserve dé douze, de rappeler les bannis, de changer leur constitution et de faire avec les Lacédémoniens une ligue offensive et défensive[80]. La religion ordonnait aux Grecs de respecter les lieux consacrés, même en pays ennemi. Aussi les Béotiens firent-ils un crime aux Athéniens de ce que, non contents de s’être emparés du temple d’Apollon à Délion, ils s’y étaient établis comme dans une forteresse, et n’avaient pas craint de faire tout ce qui n’est permis que dans des lieux profanes. Les Athéniens alléguaient les nécessités de la guerre et l’indulgence que, en cas de force majeure, on est en droit d’attendre des dieux[81], principe accommodant avec lequel on peut tout excuser. D’autres exemples prouveraient au besoin que l’on n’observa pas toujours le respect dû aux sanctuaires ; ces profanations n’étaient pas moins exceptionnelles. Lorsque dans l’expédition de Sicile, les Athéniens eurent pris le quartier de Syracuse où était situé le temple de Zeus Olympien, ils ne touchèrent à aucun des objets précieux qui s’y trouvaient réunis et laissèrent le tout sous la garde du prêtre[82]. On a en particulier loué Agésilas d’avoir toujours respecté les sanctuaires des Barbares, aussi bien que ceux des Grecs[83]. Même dans l’ardeur du combat, on était habitué à épargner les personnages chargés de fonctions purement religieuses, comme les devins et les pyrophores, qui portaient devant les armées le feu allumé lors de l’entrée en campagne. De là cette expression proverbiale, pour marquer que le sang avait coulé à flots : ούδέ πυρφόρος έλείφθη[84]. Le même sentiment de piété ne permettait pas aux Grecs de mettre la main sur les rois spartiates, parce que, bien que commandant l’armée sur le champ de bataille, ils avaient un caractère religieux en tant qu’Héraclides, et comme prêtres, l’un de Ζεύς Λακεδαίμων, l’autre de Ζεύς Ούράνιος[85]. — Il avait existé de tout temps entre les États doriens du Péloponnèse un accord en vertu duquel la guerre était suspendue de plein droit à l’occasion de certaines solennités. Ces trêves servirent quelquefois de prétextes pour sortir d’un mauvais pas[86], d’autant plus que les différents systèmes appliqués à la mesure du temps, notamment en ce qui concernait les jours intercalaires, purent, en certaines circonstances, rendre le contrôle difficile. — Lorsqu’un État célébrait une fête à laquelle prenait part une grande affluence d’étrangers, et ces fêtes étaient nombreuses, des messagers étaient envoyés de tous côtés pour en porter la nouvelle et assurer la libre circulation des visiteurs[87]. Les quatre grandes fêtes nationales, communes à toute la Grèce, les Olympiques, les Pythiques, les Isthmiques et les Néméennes, jouissaient surtout de ce privilège. Dès que la trêve était publiée (έκεχειρία), non seulement le territoire des États où se célébrait la fête devenait inviolable, mais les voyageurs qu’elle attirait étaient à l’abri de toute violence[88]. Il ne faudrait pas toutefois étendre trop loin les effets de ces armistices. Il n’est pas vrai, comme on l’a prétendu, que les hostilités fussent suspendues partout durant les fêtes. Ainsi que nous l’avons remarqué déjà, les Grecs n’avaient pas coutume de se lier par de traités de pais perpétuels ; ils ne s’engageaient que pour un nombre d’années déterminé, craignant de faire une chose déraisonnable et vaine en imposant, non seulement à eux-mêmes, mais à leur postérité, des obligations que les circonstances pouvaient rendre insupportables ou impossibles[89]. Nous possédons cependant quelques traités conclus pour un temps indéfini ou du moins pour une période considérable. Le plus ancien dans ce genre est un contrat signé pour cent ans entre les Éléens et les habitants d’Héræa en Arcadie[90]. Pendant la guerre du Péloponnèse, les Acarnaniens firent un traité de paix et d’alliance avec les Ambraciotes, pour le même laps de temps[91]. Une paix destinée à durer cinquante ans, que les Athéniens firent en 422 avec les Spartiates, en dura trois[92] ; une autre, datant de 455, et qui devait se prolonger trente ans, fut rompue en 431 par les événements qui éclatèrent dans cette année mémorable[93]. On a vu plus haut la clause par laquelle, en prévision des difficultés qui pouvaient surgir, on décidait qu’elles seraient aplanies par les voies judiciaires[94]. Les traités étaient sanctionnés par des serments solennels, accompagnés de sacrifices et de libations, d’où leur est venu le nom de σποδαί[95]. Le serment était prêté par des fonctionnaires et des magistrats spécialement autorisés à cet effet, et en plus ou moins grand nombre. D’ordinaire un État envoyait à l’autre des ambassadeurs chargés de recevoir son serment (όρκωταί)[96] ; il arriva aussi que des plénipotentiaires furent délégués pour aller remplir cette formalité, au nom de leurs concitoyens, devant l’assemblée populaire de la nation réconciliée[97]. Enfin on trouve des exemples de serments prononcés non par des plénipotentiaires ou par des collèges de magistrats, mais par tous les citoyens réunis[98]. Les serments étaient quelquefois annuels ; dans d’autres occasions ils n’étaient renouvelés qu’après un plus long intervalle, par exemple tous les quatre ans[99] ; quelquefois aussi on se bornait à relire publiquement l’instrument de paix, à la fin de chaque année[100], car il va sans dire que les conditions de l’accord étaient consignées par écrit. Pour leur donner plus de notoriété et les défendre contre les ravages du temps, on les reproduisait sur des tables de pierre ou d’airain ou bien sur des colonnes, et cela non seulement dans les places publiques et dans les sanctuaires des villes qui avaient pris part au traité, mais souvent aussi dans les temples d’Olympie et de Delphes, objets de vénération pour la Grèce entière[101]. Arrivait-il qu’un traité fût dénoncé pour inexécution des clauses ou pour quelque motif grave, les tables et les colonnes disparaissaient, ou l’on y inscrivait mention de la rupture[102]. Parfois, afin de mieux assurer l’observation du contrat, le serment était remplacé par des otages, on pouvait même stipuler la double garantie. Les otages étaient ordinairement des hommes considérables ou des enfants appartenant aux principales familles. L’histoire rapporte que le Spartiate Cléonyme, qui faisait la guerre aux habitants de Métaponte pour le compte des Tarentins, se fit le premier livrer comme otages des femmes et des jeunes filles[103]. Dans la société décrite par Homère, les relations des Grecs en temps de paix, tiraient surtout leur origine du droit hospitalier, droit non écrit, mais placé sous la protection de Ζεύς ξένιος, et dont tout le monde respectait le caractère sacré. Pour tout homme sage, dit Alcinoüs, l’étranger et le suppliant sont des frères[104] ; il parle ainsi à propos d’Ulysse qui s’est présenté à lui comme un naufragé inconnu. Les égards que l’on témoignait aux étrangers se mesuraient naturellement sur leur bonne apparence et sur le respect dont on se sentait touché en les voyant. Même chez les Phéaciens, religieux observateurs de l’hospitalité, tous n’étaient pas reçus comme le fut Ulysse ; mais qu’un étranger ait jamais, comme tel, été traité en ennemi, qu’on l’ait considéré comme un ê4re hors la loi, contre qui tout était permis, c’est une opinion en faveur de laquelle on invoquerait en vain le témoignage d’Homère. L’expression άτίμητος μετανάστης ne prouve qu’une chose[105], c’est que l’homme sans feu ni lieu n’obtient pas la morne considération que le citoyen, qu’il est exposé à des violences, mais non que ces violences soient autorisées par la loi. L’argument que l’on tire du mot έχθρός, pour établir que les étrangers auraient été assimilés aux ennemis, repose sur une fausse étymologie. Au contraire, cette circonstance que ξεΐνος désigne proprement l’homme à qui des relations d’hospitalité donnent le droit de réclamer une protection efficace, et peut aussi s’appliquer indistinctement à tous les étrangers[106], indique assez que ces relations n’étaient pas une condition nécessaire sans laquelle l’étranger ne jouissait d’aucun droit et ne pouvait se présenter nulle part avec confiance. On lit dans Platon[107] : Les dieux se réservent de punir les violences commises envers les étrangers ; car celui qui n’a à ses côtés ni parents ni amis croit intéresser d’autant plus vivement les hommes et les dieux. Ces paroles expriment encore les sentiments qui régnaient aux temps homériques. Seuls, les Cyclopes et les Lestrygons s’attaquent aux étrangers. Chez les Grecs ce n’est pas seulement auprès des princes que le voyageur trouve un asile et un appui ; un pauvre homme tel qu’Eumée offre de bon cœur à un mendiant son logis et sa table[108]. Celui à qui aucune autre porte n’est ouverte, a la ressource d’aller coucher à l’auberge (λέσχη)[109]. Outre le repas pris en commun, on avait continue d’échanger des présents avec ses hôtes ; souvent même on y joignait des signes de reconnaissance pour les enfants ou les proches, et si grande était la force de ces liens que si des hommes unis par l’hospitalité se rencontraient sur un champ de bataille dans les rangs ennemis, ils évitaient de se combattre[110]. Plus tard, lorsque les hommes se mêlèrent davantage, les étrangers ne furent pas traités avec moins de bienveillance. Depuis que Scyron et Procuste sont morts, dit Socrate, personne ne maltraite plus les étrangers[111]. Cela ne veut pas dire évidemment que jamais aucun sujet de plainte ne fut donné à un étranger. Les paroles de Socrate semblent plutôt empreintes d’ironie, d’autant plus qu’il ajoute, quelques lignes plus bas, que les citoyens étant exposés à l’injustice, malgré la protection des lois, les étrangers à plus forte raison ne peuvent se flatter d’y échapper toujours, et que naturellement les hommes animés de mauvais desseins s’adressent à eus de préférence. On ne peut donc douter que les étrangers fussent protégés moins efficacement que les citoyens, mais partir de là pour prétendre qu’ils n’avaient aucun droit à faire valoir, est une exagération manifeste. Pas un État en Grèce ne laissait les étrangers en butte aux vexations, alors même qu’ils appartenaient à des nations avec lesquelles il n’était pas lié par des traités[112]. Un examen plus approfondi prouverait sans doute que cette prétendue absence de droit consistait simplement en ceci que les étrangers n’avaient point part aux droits civiques, et que leur condition n’était pas celle des citoyens, mais celle des populations soumises, infériorité qui, à vrai dire, pesait plus lourdement en Grèce que de nos jours. Les Spartiates ont souvent encouru le reproche de s’être montrés trop peu bienveillants envers les étrangers, de ne leur avoir concédé qu’à contrecœur l’autorisation de séjourner et de commercer dans leur pays, de l’avoir même souvent refusée[113] ; mais nulle part il n’est dit que les étrangers y fussent en proie à de mauvais traitements, que leur vie, leur liberté, leur fortune fussent menacées. Les Spartiates se contentaient de beur appliquer une police sévère, trop bien d’accord avec le principe de beur gouvernement. Cette surveillance pouvait être incommode, elle ne doit pas être considérée comme une violation de la justice. Périclès, opposant Athènes à Sparte, félicite sa patrie d’être une ville ouverte à tout le monde (πόλιν κοινήν παρέχομεν)[114]. Nous avons signalé plus haut l’affluence des étrangers, qui s’étaient établis dans cette ville, sous la sauvegarde des lois[115]. Nombreux aussi étaient ceux qui visitaient Athènes en passant, pour les besoins de leur négoce. D’autres cités commerçantes étaient également le rendez-vous d’étrangers que dans leur propre intérêt elles attiraient plutôt qu’elles ne les repoussaient. Enfin plusieurs États célébraient des fêtes brillantes, et se faisaient honneur du concours des étrangers qui franchissaient de grandes distances pour y prendre part. En résumé il existait entre les différentes parties de la Grèce un échange de voyageurs dont rien ne troublait la confiance, et qui pour le nombre ne le cédaient pas à ceux que l’on voyait circuler chez nous de nos jours, avant l’invention des chemins de fer. A défaut de voies ferrées, les Grecs avaient de belles et bonnes routes[116], placées sous la garde des dieux préposés à la voirie, Hermès et Hécate, dont les statues et les chapelles protégeaient les carrefours. Devant ces statues étaient placés des aliments de toute espèce ; le voyageur, s’il avait faim, pouvait en user sans scrupule ; les fruits des arbres plantés le long des chemins étaient aussi à sa discrétion. Des imprécations publiques ont été lancées contre ceux qui refusaient d’indiquer son chemin au voyageur égaré[117]. Plus tard, on posa des bornes milliaires et des poteaux indicateurs. Il ne manquait pas non plus d’auberges. Dans les unes, tenues aux frais de l’État, le voyageur trouvait du moins un abri et un lit ; dans d’autres appelées πανδοκεΐαι, les hôteliers (πανδόκεΐς) donnaient pour de l’argent à boire et à manger. Il n’y a pas lieu d’être surpris que cette industrie ne fût pas très considérée[118]. Il y avait dans le fait de se mettre moyennant finances au service du premier venu quelque chose qui devait blesser la délicatesse des Grecs, sans compter que déjà les hôteliers ne se faisaient pas faute d’écorcher les voyageurs. Les noms communs des auberges, à quelque ordre qu’elles appartinssent, étaient καταγώγα ou καταλύματα ; on trouve aussi καταλύσεις[119]. On n’avait besoin de passeports, pour voyager en Grèce, que lorsque la ville où l’on se rendait était en état de guerre, et forcée par là d’exercer une surveillance plus active sur les allants et venants. Ces passeports s’appelaient communément συγγραφαί ou σύγγραφοι ; on les désignait aussi par le nom de σφραγΐδες, à cause du cachet officiel dont ils étaient revêtus, et par celui de σύμβολα qui s’appliquait en général à tous les signes de légalisation[120]. Il n’est pas surprenant que les voyageurs subissent une visite à la frontière, car il y avait dans l’antiquité comme chez nous des marchandises prohibées ou soumises aux droits de douane. Les fermiers et leurs commis étaient autorisés à inspecter les voitures et les paquets, et dans leur zèle à s’acquitter de ce soin ne se faisaient pas toujours faute d’ouvrir les lettres. Quelques personnes avaient le privilège d’échapper à cette inquisition (άτέλεια)[121]. C’était un moyen de signaler publiquement et de récompenser les services rendus à l’État par des étrangers, ainsi que le constatent plusieurs inscriptions[122]. Souvent aussi, pour les mêmes motifs, on conférait l’άσυλία qui assurait l’inviolabilité de la personne et des biens, lorsque la guerre étant déclarée à la nation dont l’étranger faisait partie, on délivrait des lettres de marque[123] ; cette garantie s’appliquait aussi au cas où il serait menacé par des particuliers dans sa liberté ou dans sa fortune[124]. L’exclusion absolue et l’interdiction de se livrer au commerce dans les ports et dans les marchés ne fut jamais prononcée que contre des ennemis[125]. On peut affirmer sans crainte qu’il n’existait pas d’État grec où un citoyen d’un autre État ne trouvât quelque personnage officiellement obligé à le protéger, toutes les fois qu’il réclamerait à bon droit son assistance. Ces patrons s’appelaient πρόξενοι[126]. Chaque cité les choisissait généralement parmi les citoyens des autres États ; quelquefois aussi les πρόξενοι étaient désignés par leurs nationaux pour veiller aux intérêts des étrangers[127]. Sans doute, bien que les preuves manquent, une récompense était attachée à ces fonctions qui ne laissaient pas d’être quelquefois une charge assez lourde. La coutume, à défaut de loi, devait autoriser les πρόξενοι à recevoir sous une forme ou sous une autre une rémunération de leurs obligés. Seuls les έθελοπρόξενοι paraissent avoir offert gratuitement leurs services[128]. Ce qui est sûr, c’est que les πρόξενοι recevaient de l’État dont ils protégeaient les citoyens des distinctions et des honneurs. Ainsi s’explique que ce titre ait été quelquefois décerné comme un témoignage purement honorifique à des étrangers domiciliés dans le pays, n’ayant par conséquent aucun moyen de protéger au dehors les citoyens de la nation qui le leur avait conféré. Cette qualification entraînait souvent l’exemption des impôts et des prestations dont étaient tenus les étrangers domiciliés[129], de sorte que les πρόξενοι étaient placés sur le même pied que les ίσοτελεΐς, quelquefois même avaient l’avantage sur eux. Parmi les prérogatives dont ils étaient gratifiés, on cité le libre accès au sénat et à l’assemblée du peuple, et un tour de faveur pour leurs actions judiciaires. Mentionnons encore, entre autres privilèges, le droit de posséder des biens fonds (έγκτησις) et l’exemption des péages et des impôts (άτέλεια)[130]. Par contre, il devait exister des dispositions pénales contre les πρόξενοι qui se seraient mal acquittés de leurs devoirs[131] ; nul doute qu’ils ne fussent tenus à la réparation du dommage qu’ils avaient causé. Il n’y a trace nulle part de traités de commerce, dans le sens propre du mot[132]. Mais les États entre lesquels les relations étaient le plus actives faisaient, pour les faciliter encore des conventions particulières, destinées à régler en cas de litige la façon dont les affaires seraient instruites et jugées. Les conventions s’appelaient et les procès qui suivaient leurs cours conformément à ces clauses δίκαι άπό συμβόλων[133]. Les σύμβολα avaient donc pour effet non seulement d’assurer aux nationaux des deux États une liberté et la possession de leur avoir dans le pays qui n’était pas le leur, et de punir sévèrement toute atteinte portée à ces droits, mais de préparer la solution des conflits d’après des principes équitables. Naturellement les clauses n’étaient pas partout les mêmes, et l’on tenait grand compte des coutumes en vigueur chez les nations contractantes. Il est probable aussi que les principes adoptés dans les σύμβολα étaient modifiés d’après la législation spéciale à chacun des États, et que certaines différences existaient dans la procédure et dans la manière d’engager les poursuites. Ainsi tantôt le plaignant était tenu de lancer l’assignation au domicile du défendeur, tantôt il pouvait introduire l’instance dans son propre pays, pourvu que son adversaire y fût présent. Toutefois c’était une règle générale que le plaideur qui avait succombé devant des tribunaux étrangers pût en appeler à ceux de sa nation, et peut-être même que celui qui avait perdu son procès devant ses juges naturels eût la ressource de porter la cause en dernier ressort devant ceux de sa partie adverse. La cité au tribunal de laquelle on en appelait était désignée par la qualification de έγκλητος, ainsi que l’affaire elle-même (δίκη έγκλητος). Les États plus intimement unis ne se contentaient pas d’assurer à leurs citoyens, les uns chez les autres, l’exercice impartial de la justice ; on y joignait différentes faveurs, celles par exemple de s’établir dans l’État allié, sans avoir à supporter les charges imposées aux résidents, d’acquérir des biens-fonds (έγκτησις) et de contracter mariage (έπιγαμία). Ce triple privilège constitue la partie civile du droit de bourgeoisie ; c’est là surtout ce qu’il faut entendre, lorsqu’il est question d’États octroyant à d’autres la πολιτεία. Si l’on y ajoute, bien qu’avec certaines restrictions, le droit de suffrage dans les assemblées populaires et l’accès aux fonctions publiques ; la πολιτεία devient l’ίσοπολιτεία[134]. Ces prérogatives étaient quelquefois réciproques, mais non pas toujours. Le premier cas se présente dans plusieurs villes de la Crète. D’autre part, les Byzantins, d’après un document peu authentique à la vérité, accordèrent la πολιτεία aux Athéniens, en reconnaissance des secours qu’ils en avaient reçus contre Philippe[135]. Plus tard les Rhodiens font la même concession aux Athéniens, qui s’acquittent quelques années après, en leur rendant la pareille[136]. Le bon vouloir des États entre eux se manifeste aussi, quoique dans une moindre mesure, en assurant indistinctement à tous les citoyens de chacun d’eux les honneurs et les droits des πρόξενοι[137]. |
[1] Ce mot s’appliqua originairement au langage inintelligible des races étrangères, plus tard il désigna l’état de sauvagerie opposé à la civilisation des Grecs et à leur amour pour la liberté. Voy. F. Roth, weber Sinn und Gebrauch des Wortes Barbar., Nürenberg, 1814, et Nægelsbach, die Nachhomer. Theol., p. 305.
[2] Voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. Ier, p. 103 et 620.
[3] Voy. Dissen, Kleine Schriften, p. 161 et 165.
[4] Voy. Hermann, Staatsalterth., § 9 ; mais voy. aussi Schœmann, Antiq. Jur. publ. Græc., p. 366. A propos du passage d’Hérodote (I, c. 63), où il est dit que le Spartiate Lichos se rendit à Tégée, έούσης κατά τοΰτον τόν χρόνον έπιμιξίης, un nouveau commentateur fait la remarque que έπιμιξία désigne les relations de deux États fondées sur un traité spécial, attendu que d’après les idées de l’ancien monde grec, tous les peuples étaient naturelle ment dans un état de guerre perpétuel. Si ce critique ne s’était pas laissé abuser par Hermann, il n’aurait vu dans le texte d’Hérodote que la mention de la paix qui régnait alors entre deux peuples souvent en effet divisés par la guerre, et des relations qui s’ensuivaient. Il est impossible de soutenir que la guerre fut l’état habituel des nations, et que la paix ne résulta jamais que de conventions particulières.
[5] Les passages où le nom d’Hellènes semble pris dans un sens plus général sont considérés comme interpolés ; voy. Lehrs, de Aristarchi Stud. Homer., t. I, p. 141.
[6] Voy. surtout les paroles d’Achille (Iliade, I, v. 150 et suiv.). Quant au serment que Tyndare aurait fait prêter aux prétendants d’Hélène, il n’y est fait dans l’Iliade qu’une allusion obscure (I, v. 339) ; voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. I, p. 28.
[7] Iliade, VI, v. 223, et IX, 543.
[8] Iliade, XI, v. 670 ; Odyssée, XI, v. 17.
[9] Iliade, I, v. 153.
[10] Odyssée, XVI, v. 427 ; voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. I, p. 53.
[11] Odyssée, XV, v. 1.
[12] Schol. de l’Odyssée (III, v. 71) ; cf. Schœmann, Antiq. grecques, t. I, p. 53. Sur la punition qu’entraîne un pareil acte de violence, voy. aussi Autenrieth, dans ses notes sur l’Homer. Theol. de Nægelsbach, p. 275.
[13] Iliade, V, v. 863, et III, 205.
[14] Thucydide, I, c. 28.
[15] Hérodote, V, c. 95 ; Strabon, XIII, p. 600 ; Diogène de Laërte, I, c. 74.
[16] Plutarque, Thémistocle, c. 24.
[17] πόλις έκκλητος. Sur le vrai sens de ces mots, contesté par Meier, (Schiedsrichter, p. 30), voy. Bergk, dans la Zeitschr. für die Alterthumsw., 1847, p. 1099.
[18] Plutarque, Solon, c. 10 ; Ælien, Variæ Hist., VII, c. 19 ; Diogène de Laërte, I, c. 48. On peut voir dans Ussing, Inscript. ined., n° 2, et dans Rangabé, Antiq. hellen., t. II, n° 692, une sentence arbitrale au sujet d’une délimitation de frontières : les arbitres ont été désignés par la ligue étolienne et acceptés par les parties intéressées.
[19] Pausanias, IV, c. 5, § 2.
[20] Hérodote, VI, c. 108 ; Thucydide, V, c. 31.
[21] Voy. le Corpus Insc. gr., n° 2265, 2355, 2558, 2905 et 2909.
[22] Zénobius, Proverb., cent. II, 67 (t. I, p. 50, éd. Leutsch), où il faut lire όμόσαντες au lieu de νομίσαντες.
[23] Thucydide, V, c. 115 ; Polybe, IV, c. 53, § 2, c. 26, § 7, c. 36, § 3 ; Xénophon, Hellen., V, c. 1, § 1 ; Harpocration s. v. σύλας.
[24] Démosthène, Philipp., I, p. 46 ; Diodore, XX, c. 97 ; Plutarque, Aratus, c. 6.
[25] Démosthène, c. Timocrate, p. 694.
[26] Voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. I, p. 532.
[27] Démosthène, c. Aristocrate, p. 647 et 692 ; Meier et Schœmann, der Attische Process, p. 278.
[28] Hérodote, VII, c. 9 ; Thucydide, I, c. 29 et 131 ; VI, c. 50, et VII, c. 3 ; Plutarque, Pyrrhus, c. 26 ; Pausanias, IV, c. 5, § 3.
[29] Voy. par exempte Xénophon, Hellen., III, c. 2 § 23, c. 5, § 3 ; V, c. 2, § 24, et c. 3, § 13.
[30] Rien ne confirme les indications consignées dans Hesychius s. v. άρνα, et dans Diogénianus (t. I, p. 213, éd. Leutsch), à savoir que pour déclarer la guerre on lâchait un mouton, ce qui signifiait que l’on se proposait de ravager le pays et d’en faire un immense pâturage.
[31] Thucydide, I, c. 53 ; Démosthène, de falsa Legat., p. 392 ; Tite-Live, XXXV, c. 38.
[32] Hérodote, VII, c. 133 et suiv.
[33] Plutarque, Périclès, c. 30.
[34] Stobée, Florileg., tit. XXXIX, c. 32.
[35] Diogène de Laërte, I, c. 74.
[36] Hérodote, I, c. 82 ; Pausanias, II, c. 38.
[37] Thucydide, V, c. 41.
[38] Strabon, X, c. 1, p. 448 et suiv. ; Polybe, XIII, c, 3, § 4.
[39] Polybe, V, c. 9, § 1, et c. 11, § 3.
[40] Thucydide, III, c. 58, 66 et 67.
[41] Thucydide, II, c. 67.
[42] Thucydide, III, c. 28, et V, c. 116.
[43] On ne peut nier que la guerre ne fût entre les petits États grecs plus acharnée et plus implacable qu’elle ne l’est entre les grandes nations des temps modernes ; cela s’explique d’ailleurs : chaque individu était dans l’antiquité beaucoup plus directement atteint par la guerre qu’il ne l’est aujourd’hui et voyait en quelque sorte dans l’ennemi un adversaire personnel, qui menaçait ses plus chers intérêts, tandis que chez les nations modernes, les causes générales de la guerre touchent peu les particuliers ; aussi les armées s’attaquent-elles sans animosité personnelle. Il en était de même au moyen âge ; les combats que se livraient des bandes de mercenaires n’entraînaient pas une grande effusion de sang ; au contraire, la guerre de sécession dans l’Amérique du Nord peut rappeler les luttes des anciennes cités grecques.
[44] Xénophon, Hellen., II, c. 1, § 32.
[45] L’accusation était-elle justifiée ? elle est mentionnée par Xénophon (Hellen., II, c. 1, § 31) et par Plutarque (Lysandre, c. 90). Une prétendue mutilation du même genre qui ne serait pas restée à l’état de menace et aurait été réellement exercée par les Athéniens sur les Éginètes est le sujet de déclamations sans fondement, de la part de Cicéron (de Offic., III, c. II), voy. aussi Elien (Var. Hist., II, c. 9).
[46] Sur l’échange des prisonniers, voy. Thucydide, II, c. 103 et v, 3.
[47] Plutarque, Quæst. gr., c. 17. D’après Androtion, cité dans un passage du Schol. d’Aristote (Ethica, V, c.10), que Rose a signalé dans l’Hermès (t. V, p. 357), les Athéniens et les Spartiates s’étaient entendus aussi pour établir un taux uniforme.
[48] Hérodote, VI, c. 79, et V, 77.
[49] Diodore, XX, c. 84.
[50] Voy. Hypéride cité par Apsinès, dans les Rhetores gr. de Walz, t. IX, p. 547.
[51] Æschine, de falsa Legat., c. 100 ; voy. pour plus de renseignements Bœckh, Staatshaush. der Athener, t. I, p. 100.
[52] Isée, de Apollod hered., § 8 ; Démosthène, c. Nicostrate, p. 1248.
[53] Démosthène, ibid., p. 1250.
[54] Philostrate, Vita Apollod., VIII, c. 7 § 12.
[55] Voy, par exemple Plaute, les Captifs, a. 1, sc. 2.
[56] Voy. Schœmann, Antiq. Jur. publ. Græc., p. 370, et Westermann, dans le Jahrbuch f. Philol., t. XXX, p. 371. Suivant Westermann, la loi s’appliquait aux personnes privées de leur liberté par suite d’un enlèvement, aussi bien qu’aux prisonniers de guerre. Meier (de Vita Lycurgi, p. XXXIX) a mis en avant une autre conjecture à laquelle Hermann donne son assentiment dans le Chariklès de Becker, t. III, p. 42.
[57] Voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. I, p. 94.
[58] Hérodote, IX, c. 79.
[59] Diodore, XVI, c. 25. Après la bataille de Tanagra, les Thébains refusèrent aussi aux Athéniens de leur rendre leurs morts, sous prétexte qu’ils s’étaient établis à Délion, comme dans un lieu profane ; mais ils ne persistèrent pas dans leur refus ; voy. Thucydide, IV, c. 97 et 101.
[60] Pausanias, IX, c. 32, § 6.
[61] Plutarque, Vitæ dec. Orator., p. 849 A ; Démade, de Duodecen., § 9 (t. II, p. 410 des Orcat. att., de Didot) ; Diodore, Excerpt., e libr. XXXII, t. X, p. 46, éd. Biponti ; Polybe, V, c. 10.
[62] Diodore, XIII, c. 24.
[63] Plutarque, Quæst. Rom., 37.
[64] Cicéron, de Invent., II, c. 23. La conjecture émise par des voyageurs modernes, que Cicéron aurait confondu un trophée de pierre avec un trophée d’airain, et qu’il subsisterait encore des restes de ce monument dans le voisinage de l’ancienne Leuctres, a été réfutée par C. Keil (Sylloge Inscr. Bœot., p. 96), ce qui n’empêche pas qu’elle ait été reproduite par Vischer (Erinner. aus Griechenl., p. 552). Voy. aussi Welcker, Tageb. einer griech. Reise, t, II, p. 32.
[65] Pausanias, II, c. 21, § 8 ; V, 27, 7 et VIII, 10, 4.
[66] Xénophon, Hellen., VI, c. 4, § 14 ; V, 4, 65 et 66, et VII, 526 ; Thucydide, I, c. 54 et 105 ; VI, 134.
[67] Thucydide, VIII, c. 24.
[68] Les trophées n’étaient pas en usage chez les Macédoniens ; voy. Pausanias, IX, c. 110, § 7, et Diodore, XVI, c. 4, avec les notes de Wesseling. La mention d’un trophée macédonien, dans les fragments de Lycurgue conservés par Diodore (XVI, 88), n’est qu’une forme oratoire autorisée par les habitudes des Grecs.
[69] Pausanias, III, c. 2, § 6, et c. 12, § 7.
[70] Voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. I, 328.
[71] Ælien, Var. hist., VI, c, 6 ; mais voyez aussi par exemple un passage de Thucydide (V, c. 74), mieux compris par Haase que par Krüger.
[72] Plutarque (Apophthegm. lacon. Lycurgi, § 31) explique ainsi la défense faite aux Spartiates : όπως μή κυπάζοντεν περί τά σκΰλα τής μάχης άμελώσιν. Voy. aussi Platon, de Republ., V, p. 469.
[73] Hérodote, IX, c. 80 et 81.
[74] Hérodote, IX, c. 81 ; Thucydide, III, c. 50 et 68 ; Xénophon, Hellen., III, c. 3, § 1.
[75] Thucydide, III, c. 114 ; Hérodote, VIII, c. 11, et 123 et IX, c. 81 ; Plutarque, Alcibiade, c. 7.
[76] Aristote, Polit., I, c. 2, § 16.
[77] Thucydide, II, c. 70.
[78] Voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. II, c. VI.
[79] Thucydide, I, c. 117.
[80] Xénophon, Hellen., II, c. 7, § 20 ; Plutarque, Lysandre, c. 14.
[81] Thucydide, IV, c. 97.
[82] Pausanias, X, c. 28, § 3.
[83] Xénophon, Agésilas, c. 11, § 1 ; Cornélius Nepos, Agésilas, c. 4.
[84] Zénobius, Prov., cent. v, 34, et Diogénianus, cent. VII, 15 et 90, t. I, p. 134, 289 et 302 ; t. II, p. 44, éd. Leutsch ; cf. Bæhr, dans ses Notes sur Hérodote, VIII, c. 7.
[85] Plutarque, Agis, c. 21.
[86] Pausanias, III, c. 5, à 8 ; Thucydide, III, c. 56 et 75 ; Xénophon, Hellen., IV, c. 7, 3 2, et V, 1, 19.
[87] Corpus inscr. gr., t. I, n° 71 ; cf. Æschine, De falsa Legat., p. 302, et le Schol., p. 197, 1.
[88] Thucydide, V, c. 49.
[89] Démosthène, de falsa Legat., p. 358.
[90] Corpus Inscr. gr., n° 11.
[91] Thucydide, III, c. 114.
[92] Thucydide, V, c. 18.
[93] Thucydide, I, c. 115.
[94] Vov. Schœmann, Antiq. gr., t. II, p. 5, et plus bas, p. 37. Thucydide, I, c. 78 et 140 ; IV, c. 118 ; V, c. 18 et 19 ; VII, c. 18.
[95] Sur la fausse assertion d’Andocide (de Pace, p. 94, § 11) que είρήνη désigne la paix conclue entre des parties traitant sur un pied d’égalité, et que σπονδαί s’applique aux traités entre vainqueurs et vaincus, voy. Antiq. Jur. publ. Græc., p. 373, 10. Il serait peut-être plus juste de dire que l’on employait είρήνη pour les traités d’une durée indéfinie et σπονδαί pour ceux dont le terme était fixé, et cependant on lit dans Hérodote (VII, c. 148) τριάκοντα έτεα είρήνην σπένδεσθαι.
[96] Démosthène, de falsa Legat., p. 388 et 390 ; p. Ctésiphon, p. 233 ; Æschine, de falsa Legat., p. 263, et c. Ctésiphon, p. 464, 5 ; Xénophon, Hellen., VI, c. 5, 3.
[97] Thucydide, IV, c. 118.
[98] Voy. la convention entre les Rhodiens et les Hiérapytniens, publiée par Lebas dans la Revue de Philologie, t. I, p. 267.
[99] Thucydide, V, c. 18 et 47.
[100] Corpus inscrip. gr., n° 2556, v. 40 et suiv.
[101] Corpus inscr. gr., n° 11, 73 et 74 ; Thucydide, V, c. 18, 47 et 77 ; Pausanias, V, c. 12, 7, et c. 13, § 3.
[102] Démosthène, p. les Mégalopolitains, p. 209 ; c. Leptine, p. 468 ; Philochorus, cité par Denys d’Halicarnasse, ad Ammæum, c. 11 ; Thucydide, I, c. 179, et v. 56.
[103] Duris, cité par Athénée, XXII, c. 81, p. 605. Voyez aussi, sur cette guerre, Diodore, XX, c. 104. Lorsque Antipater demanda aux Spartiates cinquante jeunes garçons pour otages, les Éphores refusèrent formellement de les livrer, offrant de remettre en échange des hommes plus âgés et même des femmes en nombre double ; voy. Plutarque, Apophthegm. lacon., p. 235 B.
[104] Homère, Odyssée, VIII, v. 546.
[105] Iliade, IX, v. 643 et XVI, 59.
[106] D’après l’étymologie la plus vraisemblable, ce mot est formé de la préposition έξ, et signifie proprement un étranger, de même que le mot germanique Framadi est dérivé de fram ; voy. Ahrens, dans la Kœnigl. Zeit., t. VIII, p. 353. Chez Hérodote (IX, c. 55), le Spartiate Amompharétos désigne aussi les ennemis par le mot ξεΐνοι. Sur le latin hostis qui dans le principe ne s’appliquait aussi qu’aux étrangers, voy. Schœmann, Opusc. academ., t. I, p. 31, et Corssen, Krit. Beitræge, p. 217 et 221.
[107] Platon, Leges, V, p. 729 E.
[108] Odyssée, XIV, v. 55.
[109] Ibid., XVIII, v. 328.
[110] Iliade, VI, v. 119 et suiv., 215 et 224.
[111] Xénophon, Memorab., II, c. 1, § 14.
[112] Il n’a certainement jamais existé une loi τούς ξένους μή άδικεΐσθαι, dans la teneur où Petit (Leges Atticæ, p. 566) l’a reproduite, d’après Xénophon. Hermann a raison sur ce point (Privatalterth., § 55, 9), mais il n’en faudrait pas conclure que le principe opposé τούς ξένους έξεΐναι άδικεΐν ait jamais été en vigueur. L’étranger qui, se conduisant honorablement, était lésé dans sa personne ou dans ses biens, ne pouvait pas compter sans doute sur la protection due aux citoyens ; il était sûr cependant de n’être pas abandonné sans défense.
[113] Voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. I, p. 316-319.
[114] Thucydide, II, c. 39.
[115] Voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. I, p. 404.
[116] Voy. E. Curtius, Gesch. des Wegebaues bei den Griech., dans les Abhandl der Berlin. Akad. der Wissensch., 1854, p. 248 et suiv.
[117] Dans Théocrite, on se fait un devoir, au nom d’Hermès ένόδιος, d’indiquer son chemin au voyageur, Théocrite, Id., XXV, v. 3. Cf. Ennius.
[118] Platon, Leges, XI, p. 918 ; Théophraste, Charact. 6 ; voy. aussi Becker, Chariklès, t. I, p. 63, éd. Hermann.
[119] Pollux, I, c. 73 ; Mœris, s. v. καταγώγιον ; Becker, Chariklès, t. I, p. 62.
[120] Plaute, Captivi, II, sc. 3, v. 90. Aristophane, Aves, v. 1213, et suiv. cf. Becker, ibid., t. I, p. 26.
[121] Plaute, Trinummus, III, sc. 3, v. 65. On croit aussi avoir trouvé trace du plombage appliqué aux ballots de marchandise ; voy. Haase, dans les Annali del l’Instit. di Corrisp. archeol., t. XI, fasc. 2, p. 279.
[122] Voy. Meier, de Proxenia seu publ. Græc. hospitio, Halis, 1843, p. 21.
[123] Voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. II, p. 8 ou 9 ?
[124] Les expressions consacrées dans les monuments sont άσυλία καί άσφάλεια κατά γήν καί κατά θάλασσαν πολέμου καί είρήνης. Voy. Meier, de Proxenia, p. 18, et Kirchoff, dans le Philologus, t. XIII, p. 1 et suiv., où une inscription relative à ce sujet est très habilement commentée.
[125] Thucydide, I, c. 67 ; Diodore, XII, c. 39 ; Plutarque, Périclès, c. 29 ; Aristophane, Acharn., v. 520 ; Démosthène, Olynth., II, p. 22 ; cf. Spanheim, ad Aristoph. Aves, v. 365.
[126] Pollux, III, c. 59.
[127] Pour Sparte, voy. Schœmann, Antiq. grecques, t. I, p. 285 ; pour Pétilia, Bœckh, Corpus Inscr, gr., p. 11 ; pour Crannon, Antigone de Caryste, c. 15, p. 25, éd. Beckm.
[128] Thucydide, III, c. 70 ; voy. aussi les notes de Poppo, t. III, 2, p. 767.
[129] Démosthène, c. Leptine, § 60 et 133.
[130] Voy. sur ces diverses questions Westermann, de publ. Athen. honor., Lipsiæ, 1830, p. 15, et surtout Meier, de Proxenia.
[131] Voy. Kirchoff, dans le Philologus, t. XIII, p. 8 et 9.
[132] Voy. Büchsenschütz, Besitz und Erwerbe im Alterth., p. 516.
[133] Voy. Meier et Schœmann, Att. Process, p. 773, et suiv. Schœmann, de Juris jur. judic. Athen. form., III, Lipsiæ, 1859, p. 4. — On trouve aussi le sing. σύμβολον et la forme féminine συμβολαί ; voy. Ussing, Inscr., n° 55 ; Ross, alte Lokrische Inschr., p. 12.
[134] Voy. Schœmann, Antiq. Jur. publ. Græc., p. 377, 21 ; Meier, de Proxenia, p. 22 ; Büchsenschütz, Besitz und Erwerbe im Alterth., p. 41.
[135] Démosthène, de Corona, p. 256.
[136] Tite-Live, XXXI, c. 15.
[137] Voy. Démosthène, c. Midias, p. 530, quoique l’application de ce passage ne soit pas bien certaine.