§ 9 — La Justice. L’organisation de la justice, telle que l’avait établie Solon, est considérée avec, raison par les politiques de l’antiquité[1] comme le levier le plus puissant, à l’aide duquel la démocratie, dépassant les prévisions du législateur-philosophe, atteignit le développement dont nous sommes frappés à partir du gouvernement de Périclès. Ces politiques avaient surtout en vue la juridiction populaire des Héliastes, qui en raison de leur compétence mal circonscrite, en vinrent insensiblement à se prononcer sans appel sur tous les points de l’administration et de la législation, et firent échec même au choit souverain de l’Assemblée, du peuple. Toutefois, en dehors des tribunaux héliastiques, il en existait d’autres dont les attributions étaient moins étendues. On sait d’une manière certaine, que quelques-uns étaient antérieurs à Solon ; on peut le soupçonner avec vraisemblance pour les autres ; il est donc naturel de commencer notre examen par ces diverses juridictions. Le tribunal criminel, qui connaissait des meurtres volontaires ou involontaires et en général des crimes, y compris l’incendie, siégeait depuis un temps immémorial en cinq lieux différents, suivant la nature des affaires qu’il avait à juger. La diversité de ces attributions locales s’explique par des récits mythiques qui en prouvent du moins la haute antiquité[2]. Le tribunal s’assemblait sur l’Aréopage, situé au nord-ouest de l’Acropole ; dans le Palladion, temple consacré à Pallas et placé vers la partie sud-est de la ville ; dans le Dephinion, temple élevé à peu de distance du Palladion, en l’honneur d’Apollon Delphien ; dans le Prytanée, au nord-est de l’Acropole, sur l’emplacement où paissaient autrefois les troupeaux de l’État, et enfin à Phréatto ou Phréattys, situé dans le Pirée, sur le rivage qui s’étend au sud du port Zea. Dracon institua un collège de cinquante et un membres choisis parmi les plus considérables d’entre les Eupatrides, et présidés par le second Archonte, pour rendre la justice, tantôt dans l’un de ces tribunaux tantôt dans un autre, suivant les cas. On ne sait au juste quels étaient les juges qui fonctionnaient avant l’institution de ce collège, mais il est sûr que le Roi, en tant que préposé aux choses sacrées, avait dès lors la haute main, toutes les affaires qui ressortissaient à ces tribunaux ayant un caractère religieux. On a supposé qu’avant Dracon, le Roi prononçait à lui seul, et que les Éphètes furent établis comme tribunal d’appel, afin que l’on pût se pourvoir contre ses sentences ; la preuve en serait dans leur nom même qui signifierait juges en dernier ressort[3]. Mais outre que cette interprétation du mot Éphète paraît peu probable, il est difficile d’admettre que des affaires capitales aient été soumises à la décision d’un juge unique, lorsque nous voyons dans Homère que pour des cas beaucoup moins graves, le concours de plusieurs juges était reconnu nécessaire. On peut donc regarder comme certain que, même avant Dracon, le Roi avait des assesseurs, et il est très vraisemblable que ces assesseurs étaient les mêmes qui se réunissaient en conseil sur l’Aréopage, soit tous ensemble, soit par délégation, pour traiter d’autres affaires. La nouveauté de Dracon consista seulement en ceci, qu’il institua un collège spécial dont les membres furent appelés Éphètes ou régulateurs, parce qu’ils étaient chargés de régler la façon dont on devait opérer juridiquement vis-à-vis des accusés, avant ou après la condamnation[4]. Solon laissa subsister ce collège, mais en restreignant sa compétence, et en transportant au conseil aréopagitique, qu’il réorganisa, la connaissance des meurtres prémédités, des empoisonnements, des blessures faites avec l’intention de donner la mort et des incendies ; d’où il résulta que la juridiction des Éphètes fut restreinte à des affaires secondaires que nous examinerons plus loin. En ce qui concerne la procédure suivie devant ces tribunaux ; lés sources dont nous disposons nous apprennent que, lorsqu’il s’agissait de punir un meurtrier, la loi remettait le soin de la poursuite aux parents de la victime, en commençant parles plus proches, jusqu’aux cousins issus de germains inclusivement. Les parents par alliance, beaux-pères, beaux-fils, beaux-frères et même les associés de la même phratrie devaient prêter leur appui[5]. Le patron, si le meurtre avait été commis sur un affranchi, ou le maître, quand la victime était un esclave, avaient le droit, mais non l’obligation de demander vengeance[6]. Dans le cas où le maître était lui-même le meurtrier, il devait y avoir un moyen de ne pas laisser le crime impuni, car la loi ne donnait pas droit de vie ou de mort sur les esclaves ; mais l’affaire n’était de la compétence ni de l’Aréopage ni des Éphètes, qui avaient pour mission spéciale de tracer aux personnes chargées de demander réparation du sang répandu, le moyen légal de satisfaire à un devoir sacré, sans se faire justice elles-mêmes. Le droit attique ouvrait encore des voies par lesquelles tout citoyen en possession de ses droits pouvait, aussi bien que les parents du mort, obtenir la punition du meurtrier[7]. Dans les idées religieuses de l’antiquité, le meurtrier était réputé impur. Non seulement l’ombre de la victime criait vengeance contre lui ; il était en butte au ressentiment des Dieux, à qui le meurtre était en horreur. L’impureté dont il était souillé et les effets de la colère céleste s’étendaient sur tous ceux qui tentaient de le sauver, ou qui seulement avaient commerce avec lui[8]. Aussi commençait-on les poursuites par une déclaration solennelle (πρόρρησις) interdisant au meurtrier l’accès des places publiques, des assemblées et des temples. Cette dénonciation était faite une première fois, à la suite des funérailles, même en l’absence du meurtrier ; on la renouvelait sur l’Agora, en même temps que l’on citait le coupable à comparaître devant le tribunal ; enfin elle était répétée une troisième fois par le Roi, au moment où il recevait et enregistrait la plainte[9]. Venait ensuite l’instruction du procès (άνάκρισις ou προδικασία) destinée à éclairer le Roi sur la question de savoir si l’on avait bien saisi le tribunal compétent[10]. Il pouvait par exemple ressortir de l’enquête que le meurtre présenté comme un crime prémédité était en réalité l’effet du hasard, auquel cas il devait être porté non devant l’Aréopage, mais devant le tribunal siégeant au Palladion. Il pouvait arriver aussi que le meurtre en question ne fût pas légalement punissable ; c’était, en pareille circonstance, au tribunal du Delphinion à en connaître. L’instruction passait par trois phases, dont chacune durait un mois, de sorte que le jugement rie pouvait intervenir que dans le quatrième mois, et comme d’ailleurs la loi exigeait qu’il fût prononcé sous le même Archonte qui se trouvait en fonctions au moment où le procès avait été intenté, il en résultait que les plaintes ne pouvaient être reçues dans le dernier trimestre et devaient être ajournées à l’année suivante[11]. Ces préliminaires ne s’accomplissaient pas dans la résidence officielle de l’Archonte-roi, située comme on sait sur la place publique, dont l’imprécation rapportée plus haut interdisait l’accès au meurtrier, mais dans l’un des lieux désignés ci-dessus, suivant la nature de l’accusation. Il paraît aussi que le Roi était assisté des juges qui devaient plus tard prendre part à la sentence. Ces divers emplacements n’étaient pas couverts, de peur que l’on pût dire que les accusateurs et les juges avaient séjourné sous le même toit que le coupable[12]. Le Roi devait en outre retirer de sa tête la couronne, insigne de ses fonctions[13]. Les parties adverses occupaient des places réservées. Dans l’Aréopage, leurs sièges étaient des pierres brutes ; la place du plaignant s’appelait la pierre de l’άναίδεια, c’est-à-dire de l’intransigeance, non de l’impudence, comme on l’a cru longtemps ; celle de l’accusé s’appelait la pierre de l’ύβρις ou de la violence[14]. Les deux parties prononçaient des serments solennels, en touchant les restes des animaux, sangliers, béliers ou taureaux, immolés pour la circonstance avec des cérémonies particulières. L’accusateur protestait de sa sincérité, et affirmait en outre le degré de parenté qui l’attachait à la victime[15]. Les serments des témoins n’étaient pas moins solennels. Accusateur et accusé, chacun devait, soutenir lui-même son dire, sans intervention de mandataires, et se renfermer strictement dans son sujet. Les débats définitifs duraient trois jours. Le premier jour, l’accusateur prenait la parole, et l’accusé se défendait ; le second jour se passait de même ; le troisième avait lieu le prononcé du jugement. Toutefois le meurtrier avait la ressource, à la suite des premiers actes judiciaires, d’échapper à la condamnation en s’exilant[16]. Dans ce cas, il n’était pas poursuivi, mais ses biens étaient confisqués. Le partage des voix entraînait l’acquittement. L’accusé reconnu coupable avec préméditation était condamné à ; la peine capitale, et l’accusateur était tenu d’assister à l’exécution ; la confiscation des biens s’ensuivait. S’il n’y avait eu que des blessures graves, sans dénouement funeste, le coupable en était quitte pour le bannissement et la confiscation. Cette manière de procéder était celle de l’Aréopage, et les formes en usage auprès des Ephètes du Delphinion et du Palladion n’en différaient en aucun point essentiel. Au tribunal du Delphinion étaient réservés les cas où, suivant l’accusé, le meurtre qu’il reconnaissait avoir commis n’était pas légalement punissable. Étaient considérés comme excusables ; le meurtre d’un adultère, surpris en flagrant délit par le mari, le fils, le frère ou le père de la femme, et même par l’homme qui vivait avec elle en concubinage, pourvu qu’elle fût célibataire, libre, et qu’elle lui eût donné des enfants de même condition. La loi excusait aussi l’homicide commis, en cas de légitime défense, sur des malfaiteurs armés, et la mort donnée sans intention à un jouteur dans des jeux ou à un compagnon d’armes dans une bataille[17]. Au tribunal du Palladion ressortissaient les autres meurtres involontaires, ainsi que ceux dont la victime était un esclave ou, un non-citoyen[18]. Le même tribunal prononçait sur l’accusation de βούλευσις, autrement dit dans les cas où l’accusé avait donné la mort non de sa propre main, mais par des agents subornés, alors même que la tentative était restée sans effet[19]. La sanction de cette poursuite était le bannissement et la confiscation. Les homicides involontaires encouraient aussi le bannissement, mais un bannissement temporaire, dont on ne peut d’ailleurs indiquer la durée. A l’expiration de la peine, l’homicide devait encore obtenir son pardon de la famille du mort[20]. Nous ne savons quel châtiment était réservé au meurtre d’un esclave ; celui d’un étranger était puni par l’exil[21] ; enfin les meurtres légalement permis n’entraînaient aucune sorte de réparation, et n’exigeaient qu’une purification religieuse[22]. Les faits réservés au tribunal de Phreatto devaient être fort rares, en supposant qu’ils ne fussent pas tout à fait imaginaires. Il fallait pour en devenir justiciable, avoir quitté le pays à la suite d’un meurtre involontaire, et s’être rendu coupable d’un nouveau meurtre, cette fois avec préméditation, avant le terme de l’exil. Le coupable ne devait pas dans ce cas fouler le sol de la patrie, aussi la loi ordonnait-elle qu’il restait sur un vaisseau amarré assez près du lieu où siégeaient les juges pour qu’il pût entendre et être entendu. Enfin ce qui se passait près du Prytanée était plutôt une cérémonie religieuse qu’une application de la loi. Lorsqu’on ne pouvait découvrir l’auteur d’un meurtre, la peine édictée était solennellement prononcée contre le meurtrier inconnu, nu bien si, à défaut de l’auteur, on mettait la main sur les instruments matériels du crime, ils étaient transportés hors du pays, en vertu d’une sentence des éphètes, par les soins des Phylobasileis ou présidents des quatre anciennes tribus ioniennes[23]. Le même sort était réservé, à tous les objets qui avaient pu causer accidentellement la mort. Enfin on jugeait devant le même tribunal les animaux homicides ; ils subissaient la peine du talion, et leurs restes étaient rejetés hors de l’Attique. Au temps de Démosthène, le collège des Ephètes paraît dépossédé des tribunaux qu’il occupait dans le Palladion et le Delphinion, au profit des Héliastes[24]. Ils ne conservèrent plus que les fonctions religieuses qu’ils exerçaient au Prytanée, et la connaissance des procès bizarres qui se plaidaient à Phreatto. Si cependant quelqu’un avait tué ou .fait tuer un meurtrier fugitif, qui n’avait essayé de pénétrer dans aucun des lieux interdits, il était encore justiciable des Ephètes, qui devaient lui appliquer la peine réservée au meurtre ou à la βούλευσις. En outre, lorsque, à la suite d’un homicide accidentel, il y avait lieu pour l’auteur à l’expiation religieuse et à la réconciliation, c’étaient les Ephètes qui étaient chargés de choisir, à défaut de la famille, dix des plus considérables parmi les Phratores de la victime, pour opérer la purification et l’accommodement[25]. Cet accommodement d’ailleurs s’imposait après que le meurtrier involontaire avait passé hors du pays le temps fixé par la loi ; celui-ci pouvait même, avec l’agrément de la famille, voir son exil abrégé ou y échapper tout à fait. Il arrivait souvent aussi que les parents renonçassent dès le début à la poursuite moyennant le prix du sang (τά ύποφόνια)[26]. Si au contraire le meurtre avait été prémédité, les parents ne pouvaient le laisser impuni, à moins que la victime eût accordé elle-même un pardon qui ne laissait plus de place qu’à l’expiation religieuse[27]. Sauf ce cas, l’abandon de la poursuite était réputé un acte impie (άσέβεια) et le parent que la loi chargeait spécialement de la vengeance pouvait être accusé par le premier venu et frappé d’une peine laissée à l’appréciation des juges[28]. Nous avons retracé l’organisation des Cours spécialement chargées des causes sanglantes et avons fait ressortir le caractère religieux qui les avait consacrées à l’origine, caractère dent elles gardèrent toujours l’empreinte. Nous passons aux tribunaux civils destinés à régler les différents entre particuliers, et avant tout à ceux qui étaient composés d’arbitres publics ou Diætètes dont, suivant quelques critiques modernes, l’institution ne remontait pas au delà de l’orateur Lysias, mais qui très probablement sont beaucoup plus anciens[29]. Le magistrat à qui des plaintes étaient adressées ne pouvait évidemment étudier et résoudre à lui seul toutes les questions, en admettant qu’il en eût le droit ; il en renvoyait le plus grand nombre à des Diætètes, comme le magistrat romain se déchargeait sur le judex ou arbiter. A cet effet, on conférait tous les ans, durant la période qui nous est le mieux connue, les fonctions de Diætètes, à un certain nombre de citoyens ayant dépassé cinquante, on ce qui paraît plus probable, soixante ans. Ils étaient fournis par chaque tribu, et vraisemblablement tirés au sort, du moins à partir du temps où la plupart des fonctions publiques furent remises au hasard. Nous n’avons pas à rechercher s’il en était de même plus anciennement. Pour ce qui est du nombre des Diætètes, tout ce que nous savons, c’est que, d’après une inscription de l’an 325 (Olymp. 113, 4)[30], il y en avait au moins cent quatre. Il est même difficile de croire qu’il n’y en eut pas d’avantage[31]. Si l’on admet en effet, Comme cela est probable, que chaque tribu contribuât pour un nombre égal, on devait en compter au moins cent soixante, car la même inscription en cite seize appartenant à la seule tribu Cécropis ; il est vrai que l’on en mentionne un nombre moindre dans les autres, et trois seulement dans le tribu Pandionis. Les citoyens désignés par le sort prêtaient serment, comme nous verrons plus tard que le faisaient aussi les Héliastes. Les Diætètes n’étaient indemnisés de leurs peinés que par l’amende d’une drachme, mise à la charge de chacune des parties que renvoyait devant eux par l’autorité compétente, le demandeur au moment où il déposait sa plainte, le défendeur en signifiant son refus. La même amende (παράστασις) était payée de nouveau à chaque sursis par la partie qui le demandait. Un seul arbitre prononçait sur chaque affaire. Rien ne prouve qu’il dût appartenir toujours à la tribu du plaignant ; ce qui est vraisemblable, c’est que tout le collège des Diætètes était divisé en sections, dont chacune était compétente pour telle ou telle tribu, bien que composée de membres appartenant à des tribus différentes[32], et que pour chaque affaire on laissait aux plaideurs le soin de choisir un arbitre, à moins que le magistrat ne tirât lui-même le nom au sort. Durant la période pour laquelle les orateurs nous fournissent les détails les plus précis, les parties avaient le droit de repousser l’arbitrage et de s’en référer directement aux Héliastes, ce qui ne paraît pas avoir été permis ou du moins usité plus tôt. Les Diætètes avaient pour chacune de leurs sections un local déterminé, soit dans les emplacements occupés par les tribunaux héliastiques, lorsqu’ils étaient vacants, soit dans les temples[33], et même partout où il se trouvait un lieu approprié. Comme le Judex à Rome, le diætète était seul chargé de l’instruction ; il tenait donc toute l’affaire dans sa main. Les débats clos, il remettait sa décision au magistrat qui l’avait investi de l’affaire. Celui-ci signait et publiait la sentence qui acquérait par là force de loi, sauf l’appel auquel on pouvait toujours recourir, moyennant une amende (παραβόλιον ou παράβολον) dont nous ignorons le montant[34]. Après l’année révolue, les Diætètes, comme tous les autres fonctionnaires, pouvaient être cités devant les Logistes, pour rendre compte de leur conduite. Ils étaient même, dans le cours de l’année, en butte à l’Eisangélie. — Il ne faut pas confondre les Diætètes publics avec-les amiables compositeurs qui portaient aussi le nom de Diætètes, mais qui étaient choisis par les parties d’un consentement mutuel, et dont la compétence était uniquement réglée par les termes du compromis. Régulièrement, et il en fut toujours ainsi dans la période des orateurs, les adversaires s’engageaient à accepter sans appel la décision de l’arbitre qu’ils s’étaient donné ; mais auparavant les choses ne s’étaient pas toujours passées de cette manière, et l’intervention de l’arbitre n’avait été souvent qu’une tentative de conciliation. Pour la commodité des habitants répandus dans la campagne et dans les dômes, il existait aussi des juges de paix cantonaux (κατά δήμους δικασταί), qui se déplaçaient sans cesse et se prononçaient sur les différends dont l’objet ne dépassait pas dix drachmes, ainsi que sur les injures et les voies de fait sans conséquences graves. Il y en eut d’abord trente ; plus tard, à partir d’Euclide, le nombre en fut porté à quarante. Ils étaient tirés au sort ; peut-être avaient-ils été d’abord désignés au choix[35]. On ne sait s’ils fonctionnaient réunis en collège ou partagés en sections ; la dernière conjecture est cependant la plus vraisemblable. Il est probable aussi que, dans chaque région, certains lieux leur étaient assignés, et que l’on faisait savoir à l’avance le moment où ils devaient tenir séance. Nous ignorons quand fut fondé le collège des juges cantonaux ; peut-être cette institution est-elle due à Solon[36], ce qui ne veut pas dire qu’avant lui la justice n’était pas rendue aux habitants des dêmes, et qu’ils étaient forcés d’aller à la ville pour régler des bagatelles. On peut être sûr au contraire qu’il existait à leur usage une juridiction quelconque, bien que l’on n’en connaisse pas la nature. Enfin nous devons mentionner les Nautodikai ou juges de commerce[37], bien que tout ce que nous pouvons eu dire se borne à ceci qu’ils connaissaient des procès entre les commerçants maritimes (έμποροι), et de ceux que l’on intentait aux étrangers accusés d’usurper le titre de citoyens. Les Nautodikai décidaient seuls les premiers, mais se bornaient à instruire les seconds et à les déférer aux Héliastes. La réunion de ces deux sortes d’affaires s’explique peut-être par le motif que parmi les commerçants maritimes beaucoup s’attribuaient faussement les droits civiques. Les Nautodikai n’existaient plus du temps de Démosthène, et leurs attributions avaient passé flux mains des Thesmothètes. Tous les juges énumérés ci-dessus n’étaient compétents que dans les procès privés[38] ;au contraire les Héliastes, institués par Solon, étendaient leur juridiction sur les affaires publiques et particulières, mais ne jugeaient originairement les secondes qu’en dernier ressort. Pour les affaires d’un caractère public, ils prononçaient souverainement. Leur nom vient de ήλιαία qui, de même que άγορά, désigne à la fois la réunion et le lieu où elle se tient. On appelait donc ήλιαία chez les Athéniens l’emplacement où se rassemblait la majorité et, même dans quelques cas importants, la totalité, des Héliastes[39]. Cet emplacement parait avoir été contigu à la place publique. On a dit, mais sans le prouver, qu’il avait servi quelquefois aux assemblées générales du peuple. Nous ignorons quel était, au temps de Solon, le nombre des Héliastes et le mode de leur nomination. Durant l’épanouissement de la démocratie, lorsque les procès des alliés étaient portés devant les tribunaux athéniens, ils n’étaient pas moins de six mille, soit six cents par tribu ; il est probable qu’ils n’avaient jamais été de beaucoup inférieurs à ce nombre, et que le fractionnement en sections que nous trouvons établi dans la suite remontait plus haut. Chaque année, les neuf Archontes tiraient les noms des Héliastes au sort, d’abord sur la place Ardettos[40], située en dehors de l’enceinte, plus tard dans un autre lieu dont le nom ne nous a pas été transmis. Les citoyens désignés prêtaient un serment dont nous ne pouvons juger d’après la teneur de celui qui nous a été conservé dans un discours de Démosthène, car ce texte, outre qu’il révèle manifestement un temps postérieur à celui de Solon, est suspect sous tous les rapports[41]. Les six mille Héliastes étaient partagés en dix sections, chacune en comprenant cinq cents, de sorte qu’il en restait mille pour combler au besoin les vides. Les sections s’appelaient Dikastéries, de même que les lieux où elles tenaient séance. Dans chaque section, les représentants des diverses tribus étaient mêlés. Les Héliastes portaient, comme signe distinctif, une plaque de bronze, avec leur nom, leur numéro, la lettre indicative de leur section, depuis A jusqu’à K, et une tête de gorgone qui était les armes de l’État. A, chaque convocation les Héliastes se réunissaient sur la place du marché, et les Thesmothètes tiraient au sort les tribunaux où les diverses sections devaient siéger. Toutes les affaires n’exigeaient pas que l’assistance fût au complet : tantôt il suffisait d’une partie de la section ; tantôt plusieurs sections se réunissaient suivant l’importance des cas ; mais toujours on avait soin que les juges fussent en nombre impair, pour éviter un égal partage des voix. Lors donc que nous voyons citer deux cents ou deux mille juges, ces indications doivent être prises comme nombres ronds, au lieu de deus cent un ou de deux mille un[42]. Il y avait telles affaires sur lesquelles une certaine catégorie d’Héliastes pouvait seule prononcer. S’il s’agissait par exemple de mystères profanés, les initiés seuls pouvaient en connaître. De même les manquements au service militaire étaient jugés uniquement par les compagnons d’armes des accusés. Après le second tirage, qui se renouvelait tous les jours de séance, chaque juge recevait un bâton dont la couleur et le numéro correspondaient à la couleur et au numéro du dikasterion où il devait prendre place, et on lui remettait à l’entrée un jeton de présence sur la présentation duquel il était payé, à la fin de la séance, par la caisse des Colacrètes. Il est très problable que l’on n’était pas forcé de renouveler à chaque séance le serment prêté au moment du tirage général[43]. Remarquons encore qu’on n’était pas admis parmi les Héliastes avant trente ans, et que, autant qu’on peut voir clair dans ces détails, les hommes de bonne volonté couraient seuls les chances du sort. Nous n’oserions pas affirmer cependant qu’on n’en appelât jamais d’autres, pour compléter le nombre voulu ; mais on ne risquait guère d’en manquer, depuis que l’usage de la solde fut introduit[44]. Les emplacements occupés par les tribunaux des Héliastes étaient pour là plupart voisins du marché ; quelques-uns ce pendant étaient situés dans d’autres quartiers de la ville[45]. La croyance qu’il n’y en avait pas en tout plus de dix est vraisemblablement une erreur provenant de ce qu’on a confondu les sections avec les locaux, confusion qui s’explique par le double sens du mot Dikasterion. Outre l’ήλιαία, que nous avons citée plus haut, les textes nous fournissent les noms suivants : le παράβυστον où la présidence appartenait aux Onze, et qui empruntait son nom à sa situation dans un quartier écarté de la ville ; le Dikasterion de Metichos ou Metiochos, et celui de Kallias (τό Κάλλειον), ainsi désignés peut-être d’après les noms des constructeurs ; le Dikasterion vert (Βατραχιοΰν), et le rouge (Φοινικιοΰν) ; l’intermédiaire (Μέσον) le plus grand (Μεΐζον), le nouveau (Καινόν), le triangulaire (Τρίγωνον), et le Dikasterion voisin du sanctuaire de Lycos, que l’on suppose avoir été situé hors de la ville, à proximité du Lycée. Enfin on cite encore, sans autre désignation, des Dikastères près des murs et ceux de la rue des Hermès[46]. On a vu plus haut qu’au temps des orateurs classiques les Héliastes avaient siégé aussi au Palladion et au Delphinion. L’Odéon, monument construit par Périclès, et spécialement destiné à des exécutions musicales, fut mis à profit aussi pour les assemblées des Héliastes, et peut-être d’autres emplacements, dont il n’est pas fait mention, servirent-ils au même usage. On sait déjà que la compétence des Héliastes l’étendait sur toute espèce de procès, mais que, jugeant des procès politiques en première et dernière instance, ils étaient pour les affaires privées à l’état de Cotir d’appel. Avec le temps il arriva qu’ils -furent saisis aussi directement des différends particuliers, soit par l’accord des parties, consultées sur la question de savoir s’il leur convenait ou non de se soumettre préalablement à la décision des Diætètes, soit parce que les magistrats ne se souciaient pas beaucoup d’user d’un droit précaire et de prononcer des jugements qu’ils savaient pouvoir être réformés. En ce qui concerne les affaires d’intérêt public, et sans compter les poursuites au criminel qui à vrai dire n’avaient nullement ce caractère, et rentraient sous la juridiction de l’Aréopage et des Éphètes[47], l’Aréopage, en vertu de son droit de contrôlé encore intact avait été autorisé dès le principe à évoquer soit d’office, soit sur la plainte des parties intéressées, différentes sortes d’infractions aux lois, ce qui naturellement restreignait d’autant l’action des tribunaux héliastiques, auxquels on ne pouvait guère appeler des sentences rendues par une pareille magistrature. Plus tard seulement, lorsque l’Aréopage dut renoncer à une part de ses attributions, toutes les accusations publiques aboutirent aux Héliastes, sauf dans quelques cas extraordinaires où elles étaient portées devant le conseil des Cinq-Cents et l’Assemblée populaire ; encore ces cas eux-mêmes étaient-ils souvent renvoyés aux Héliastes, ainsi qu’on l’a vu plus haut. La qualification d’affaires publiques était d’ailleurs très générale et s’appliquait à un très grand nombre de procès auxquels on attribuait ailleurs un caractère privé. Tandis par exemple que le droit romain traitait comme delicta privata le volet les voies de fait, le droit attique autorisait à les considérer aussi, sous un autre point de vue, comme des délits publics, se fondant sur ce qu’ils ne font pas tort seulement aux particuliers qui en souffrent, et portent atteinte à l’honneur de tous les citoyens ou au droit de propriété. Il n’est ni nécessaire ni possible d’énumérer toutes les affaires qui étaient réputées intéresser l’État, d’après le droit athénien ; il suffira de rappeler les termes qui servaient à désigner les accusations auxquelles donnaient lieu les diverses violations de la loi, termes qui variaient suivant la nature de ces infractions et la différence des procédures[48]. On appelait φάσις l’action dirigée contre ceux qui avaient sacrifié les intérêts du trésor, soit en violant les droits du fisc et les règlements du commerce ou des exploitations minières, soit en usurpant sur la propriété publique. Étaient aussi exposés à la φάσις ceux qui commettaient l’acte sacrilège d’arracher les oliviers consacrés à la Déesse protectrice de la ville, ainsi que les tuteurs qui avaient gaspillé la fortune de leurs pupilles, et par là compromis l’État, chargé de protéger ceux qui ne pouvaient se défendre eux-mêmes. Le mot άπογραφή désignait à la fois le tableau sur lequel étaient inscrits les biens confisqués ou légalement passibles de confiscation, et l’action à laquelle étaient exposés ceux qui détenaient ces biens, au préjudice du trésor. L’ένδειξίς visait ceux qui, privés de certains droits en vertu de la loi, ou par suite d’un jugement, comme par exemple du droit de prendre la parole dans l’Assemblée du peuple ou de fréquenter tel ou tel lieu, n’avaient pas tenu compte de ces interdictions. La même action menaçait les citoyens déjà frappés d’atimie, où qui avaient encouru cette peine, suivant une déclaration dont l’accusateur s’engageait à fournir la preuve, et ceux qui, soupçonnés d’un meurtre, pouvaient, comme on sait, être traduits par tout le monde devant le tribunal des Héliastes que présidaient les Onze, non pas seulement par les membres de la famille spécialement autorisés ou obligés à cette poursuite. L’άπαγωγή était l’action suivie en cas de flagrant délit, lorsque le coupable pris sur le fait était conduit sans retard devant l’autorité compétente, pour être incarcéré ou mis en demeure de fournir caution. La descente des juges sur le lieu du crime, s’appelait έφήγησις. L’είσαγγελία était la plainte portée devant le Sénat ou l’Assemblée du peuple à l’occasion de crimes contre l’État, auxquels la gravité des circonstances ne permettait pas d’appliquer la procédure ordinaire. Dans un sens plus particulier, on nommait ainsi les plaintes des femmes orphelines contre les mauvais traitements de leurs maris, des pupilles contre leurs tuteurs, et celles auxquelles donnaient lieu les prévarications des arbitres publics[49]. A ces poursuites on peut joindre l’εύθύνη et la δοκιμασία[50], bien qu’il faille entendre par ces mots moins l’action du plaignant que la procédure qui suivait la plainte, l’εύθύνη ayant trait surtout aux concussions des comptables, la δοκιμασία aux illégalités des citoyens qui exerçaient des magistratures ou jouaient comme orateurs un rôle politique, sans remplir les conditions voulues. Γραφή, plainte écrite, est le nom général des actions publiques et s’applique à plusieurs de celles que l’on peut désigner aussi sous des dénominations spéciales, comme à celles qui n’en ont pas d’autres. De l’énumération qui précède, il résulte que la compétence des Héliastes embrassait tous les crimes commis par des particuliers contre des particuliers ou contre l’État, et que de plus leur contrôle portait sur les fonctionnaires, sur le droit qu’ils avaient à être investis de leurs fonctions, et sur la manière dont ils les remplissaient. Ainsi l’ensemble de l’administration était dans une certaine mesure soumis à leur tribunal, et il ne fallait pas chercher chez les Athéniens une justice administrative, c’est-à-dire exercée de haut en bas par l’administration elle-même. C’est au point que l’Assemblée populaire parait abdiquer en face des Héliastes une partie de sa souveraineté ; ses décisions en effet peuvent être entravées ou cassées par leurs sentences. Il, a été question déjà de la plainte connue sous le nom de γραφή παρανόμων, ainsi que de l’ύπομωσία par laquelle elle était publiquement dénoncée, et qui suffisait pour arrêter la mise aux vois d’une proposition, voire même pour suspendre jusqu’au verdict du tribunal les effets d’une résolution adoptée. La poursuite était personnellement dirigée contre l’auteur de la proposition qui, en cas d’illégalité constatée, encourait une peine plus ou moins sévère. Lorsque la plainte portait sur une résolution adoptée déjà par le peuple, celui de qui elle émanait en répondait encore pendant une année ; c’est seulement après ce délai qu’il cessait de donner prise ; bien que la délibération put encore être annulée. La plainte intitulée γραφή παρανόμων avait donc un double but : elle était un moyen d’arrêter et de punir des hommes d’État imprudents ou malhonnêtes, qui auraient tenté de faire passer des mesures contraires aux lois ou à l’intérêt public ; et elle protégeait une assemblée trop nombreuse contre ses propres entraînements, en soumettant les décisions du people à la sanction d’hommes mûris par l’âge, et obligés par leur seraient d’examiner les choses de près. Solon, à qui aucun motif sérieux ne permet de contester l’institution de la γραφή παρανόμων[51], comme l’a fait Grote, d’après qui elle ne daterait que du siècle de Périclès, parait avoir été guidé par les mêmes raisons qui le poussèrent à transporter le droit de légiférer (νομοθεσία) de l’Assemblée populaire à une commission de Nomothètes prise parmi les Héliastes, et qui par conséquent ne différait pas sensiblement d’un tribunal héliastique. Les Héliastes, chargés non seulement de défendre les droits et les intérêts publics, quand la masse de la population ne peut le faire elle-même, mais aussi de la protéger contre ses imprudences et ses illusions, peuvent être considérés comme les représentants et l’élite du peuple souverain. Tant que leur nombre fut restreint dans de sages limites, et que l’appât de la solde n’exposa pas les Cours de justice à être envahies par les classes inférieures, ils répondirent aux vues de Solon, et furent pour la démocratie moins un éperon qu’un frein. Mais lorsque sis mille citoyens, pris surtout dans les derniers rangs, furent chaque année proclamés Héliastes, le caractère des tribunaux dut nécessairement se modifier. Leur aspect ne différa plus sensiblement de celui qu’offraient les assemblées du peuple ; c’est ce dont il est impossible de douter, en entendant les plaintes par lesquelles les témoins les plus dignes de foi protestent contre les actes de partialité imposés aux juges par les démagogues. Que les Héliastes aient commis des injustices sciemment et de parti pris, on ne saurait l’affirmer, mais il était d’autant plus facile de les induire en erreur, d’exciter leurs passions et d’égarer leur jugement qu’en beaucoup de cas aucune forme légale ne pouvait leur servir de règle, et qu’ils n’avaient d’autre criterium que leur conscience et leur raison. Cette lacune dams le droit attique pouvait parfois avoir son avantage, en laissant le bon sens et l’équité prévaloir sur le sens littéral des textes ; mais il pouvait se faire aussi que dans d’autres circonstances l’injustice, grâce à l’absence de formes tutélaires, eût trop facilement raison du bon droit. Les poursuites publiques, quelle qu’en fût la cause, qu’elles intéressassent l’État directement ou indirectement, avaient cela de commun que tout citoyen ne relevant que de lui-même et honorablement connu, était autorisé à les exercer[52]. Supposons par exemple qu’un homme violent en ait maltraité un autre qui, faible et sans crédit, n’ose entrer en lutte avec son agresseur, il peut arriver qu’un troisième personnage, bien que sans intérêt aucun dans la querelle, se présente pour la partie lésée et cite le coupable devant le tribunal. De même, si des fonctionnaires ont trahi leur devoir, et si les autorités compétentes négligent de lui en demander compte, tout particulier a le droit de faire une enquête sur leur conduite. Enfin lorsqu’une mesure dangereuse a été adoptée par l’Assemblée du peuple, ou que la proposition en a seulement été faite, le premier citoyen venu, qui a la confiance de pouvoir en démontrer le péril, est autorisé à s’inscrire contre, en déposant la plainte intitulée γραφή παρανόμων. Un autre caractère commun à toutes les actions publiques, c’est qu’elles entraînent des conséquences pénales, et que l’amende encourue est payée non pas au poursuivant, mais à l’État, alors même que la plainte a eu pour mobile un dommage personnel. Dans quelques cas seulement, lorsque, par exemple, les actions intentées étaient la φάσις ou l’ άπογραφή, la loi assignait au plaignant une part de l’amende[53]. Enfin il était de règle dans les poursuites de ce genre, que si l’accusateur laissait tomber sa plainte, ou s’il n’obtenait pas au moins la cinquième partie des suffrages, il fût lui-même condamné à une amende de mille drachmes[54], et privé par une atimie partielle du droit de se porter désormais accusateur. On espérait effrayer par là ceux qui auraient été tentés de jouer ce rôle à la légère[55]. Parmi les actions privées, ayant pour but de poursuivre la réparation d’une injustice, ou de faire reconnaître un droit contesté, les unes ont un caractère pénal, les autres non. Les premières s’appellent δίκαι κατά τινος, les secondes δίκαι πρός τινα[56]. Dans les δίκαι πρός τινα étaient comprises les διαδικασίαι par lesquelles on revendiquait la propriété d’un objet que se disputaient divers prétendants, ou bien l’on rejetait sur d’autres l’accomplissement d’un devoir dont chacun voulait se décharger[57]. Ces diverses actions ne pouvaient être introduites que parles intéressés ; encore fallait-il qu’ils fussent en possession de tous leurs droits et capables d’ester en justice. Si le défendeur était condamné à une amende, elle profitait au demandeur. Toutes les affaires litigieuses en général, qu’elles eussent un caractère public ou privé, se divisaient en deux classes, suivant que la sanction était laissée ou non à l’arbitraire des juges, άγώνες τιμητοί et άγώνες άτιμητοί. Dans le premier cas, la peine était fixée une fois pour toutes par la loi ; dans le second, le tribunal la proportionnait à la gravité du crime ou à l’importance du préjudice[58]. La procédure ne différait pas essentiellement dans les actions publiques et dans les actions privées. Avant que la plainte fût déposée, sommation devait être faite à l’adversaire de se présenter à jour fixe devant l’autorité compétente. Cette assignation était donnée dans un lieu public, en présence de témoins qui devaient être pour la circonstance des huissiers (κλητήρες)[59], afin que, si le défendeur refusait d’en tenir compte, elle eût un caractère authentique, et que le non-comparant pût être déclaré contumace. Les étrangers seuls étaient tenus de fournir caution, en attendant le jour fixé. Les citoyens étaient également dispensés de se rendre sur l’heure devant le magistrat, si ce n’est dans le cas où il y avait lieu à l’άπαγωγή[60]. Dans l’ένδειξις, la plainte n’était pas précédée de l’assignation ; c’était l’affaire du magistrat de s’assurer de l’accusé, soit en l’emprisonnant, soit en exigeant une caution. Il n’y avait pas lieu davantage d’assigner quand l’accusation était portée devant le Sénat ou devant l’Assemblée du peuple, ce qui était le cas de l’είσαγγελία, non plus que dans la δοκιμασία et dans l’εύθύνη, les fonctionnaires devant se tenir prêts, lorsque le moment était venu, à subir les épreuves ou à rendre leurs comptes et à soutenir toutes les attaques. La plainte était déposée par écrit. Cette pièce portait, dans les procès entre particuliers le nom de λήξις[61], ou celui έγκλημα, lorsqu’il s’agissait de questions personnelles, par opposition au droit réel. Dans les affaires d’intérêt public, les mêmes termes étaient en usage, mais on se servait aussi de l’ex-pression générale γραψή, sauf à distinguer les différentes formes de procédure par les mots φάσις, ένδειξις, άπαγωγή, είσαγγελία. Le magistrat décidait sans retard si la plainte devait être admise ou rejetée. Elle était rejetée, lorsque le défendeur ne paraissait pas, et que l’assignation n’était pas confirmée par les témoins, ou pour quelques autres motifs qu’il serait trop long d’exposer ici[62]. Si au contraire la plainte était admise, le greffier la transcrivait intégralement ou par extrait, sur un tableau affiché à l’intérieur, dont tous les intéressés pouvaient prendre connaissance. On fixait ensuite le laps de temps après lequel devait commencer l’instruction du procès (άνάκρισις) ; puis les deux parties prêtaient serment, le demandeur pour déclarer solennellement le bien fondé de sa plainte ; le défendeur, pour soutenir la légitimité de sa défense. Ce double serment était désigné sous le nom de άντωμοσία, qui s’appliquait aussi aux pièces écrites émanant des deux adversaires, bien que le véritable nom de ces documents fût άντιγραφή, que nous trouvons également en usage pour l’accusation et pour la défense[63]. Ces formalités remplies, les frais de justice étaient consignés par les deux parties ou par l’une d’elles, suivant la nature des causes. Dans les procès privés, hors le cas de voies de fait (δίκη αίκίας), lorsque l’intérêt engagé était supérieur à cent drachmes, et inférieur à mille, ces frais (τά πρυτανεΐα) étaient de trois drachmes[64] ; ils se montaient à trente si l’affaire était plus considérable. L’avance en était faite par les deux plaideurs, mais après le jugement la partie qui succombait remboursait au gagnant sa part. Dans les affaires publiques les πρυτανεΐα n’étaient pas versés par l’accusé, et ils ne l’étaient par l’accusateur qu’autant qu’il devait profiter d’une partie de l’amende, ainsi que cela avait lieu dans la φάσις et dans l’άπογραφή. En certaines circonstances, l’accusateur n’avait à payer qu’une faible somme (παράστασις), qui n’excédait peut-être pas une drachme, encore en était-il dispensé, lorsqu’il prenait la voie de l’είσαγγελία. Dans les affaires de succession, quand le demandeur revendiquait un héritage dévolu déjà à un autre, ou qu’il se posait comme unique héritier, au détriment de ces co-partageants, il devait consigner le dixième de la valeur des biens contestés, et le cinquième s’il plaidait contre le fisc ; c’est là ce qu’on entendait par l’expression de παρακαταβολή. Il est probable que la παρακαταβολή était restituée au demandeur qui gagnait, son procès, et qu’elle était allouée à la partie adverse dans le cas contraire. Durant l’instruction des procès, les plaideurs apportaient tout ce qui pouvait servir à justifier leurs réclamations ou leur résistance, et à confirmer leurs allégations : documents, textes de lois, déposition des témoins, aveux arrachés aux esclaves. En fait de témoignages, on distinguait les μαρτυρίαι, c’est-à-dire les dépositions écrites de témoins présents à l’audience, et les έκμαρτυρίαι ou dépositions de seconde main, apportées par ceux,qui les avaient recueillis de témoins absents ; comme les précédentes, elles étaient jointes au dossier. Les témoignages des esclaves ne valaient comme preuves qu’à la condition d’avoir été arrachés par la torture (βάσανος). Celle des parties qui comptait s’appuyer sur de semblables déclarations offrait ses esclaves ou requérait l’adversaire de produire les siens. L’offre aussi bien que la mise en demeure, s’appelait πρόκλησις είς βάσανον. Celui à qui cette sommation s’adressait n’était pas tenu d’y répondre, mais il avait à craindre les conséquences que l’on tirerait de son refus. La torture était appliquée d’ordinaire en présence des deux parties assistées de leurs amis, lesquels étaient chargés de diriger l’interrogatoire et de transcrire les réponses, de manière à ce qu’elles pussent figurer comme pièces au procès, sous leur garantie. On attribuait aux aveux obtenus ainsi plus de valeur qu’aux témoignages spontanés des hommes libres, ce qui autorise à croire que l’on n’avait pas une haute idée de leur sincérité et de leur droiture alors même qu’ils juraient de dire la vérité[65]. Parmi les moyens de démonstration, on comptait aussi les serments que les parties s’offraient elles-mêmes à prêter ou qu’elles déféraient à leurs adversaires. C’est ce que, dans l’un ou dans l’autre cas, on appelait πρόκλησις. Les paroles sacramentelles une fois prononcées, on les consignait par écrit, pour être jointes au dossier et présentées aux juges en temps et lieu. Si celui à qui le serment était déféré refusait de le prêter, on dressait procès-verbal de son refus, en se réservant d’en tirer telle conséquence que de raison. Tous les actes étaient réunis par le juge d’instruction et conservés dans un coffret scellé, qui était porté devant le tribunal, au jour fixé pour les débats. Dans certains procès, tels que ceux auxquels pouvaient fournir matière les rapports entre membres d’une même association (δίκαι έρανικαί), dans les affaires commerciales, (δ. έμπορικαί), dans celles qui avaient trait à l’exploitation des mines (δ. μεταλλικαί), enfin dans les questions de dot (δ. προικός), la loi, au temps de Démosthène, voulait que l’instruction fût menée rapidement et le jugement prononcé dans le laps d’un mois, d’où ces procès étaient désignés aussi sous le nom de δίκαι έμμηνοι. D’autres procès du contraire traînaient en longueur et duraient parfois plusieurs années[66]. Ajoutons que les affaires commerciales ne pouvaient être jugées que dans l’hiver, du mois de Boédromion au mois de Munychion, afin de ne pas faire perdre de temps aux intéressés, dans la partie de l’année où la navigation était le plus active[67]. Le jour de l’audience, (ή κυρία) le magistrat se rendait dans le local affecté à telle ou telle sorte d’affaires, où s’assemblaient les juges tirés au sort par les Thesmothètes, et faisait l’appel de la cause. L’absence du plaignant équivalait là un désistement de sa part. Si au contraire le défendeur faisait défaut, il était jugé par contumace, là moins bien entendu que l’un ou l’autre n’eussent des excuses valables, auquel cas, un nouveau terme était fixé. Les débats étaient sans doute précédés par une cérémonie religieuse ; on brûlait au moins de l’encens, et le Héraut prononçait une prière[68]. Le Greffier lisait ensuite les dires de l’accusation et de la défense, puis la parole était donnée aux parties, car la loi voulait que chacun plaidât lui-même sa cause. Les plaideurs qui n’avaient pas le don de la parole s’adressaient à des hommes faisant métier d’éloquence et leur commandaient un discours qu’ils apprenaient par cœur et débitaient devant les juges. Il était permis cependant d’amener des conseils qui pouvaient faire aussi fonction d’avocats ; aussi les parties. se contentaient-elles le plus souvent d’exposer brièvement l’affaire, en laissant à d’autres le soin de la développer. Dans les procès civils, le premier engagement, comprenant l’attaque et la riposte, était quelquefois suivi d’une reprise ; peut-être même était-ce l’habitude, à l’encontre des affaires publiques où il n’en était jamais ainsi. La durée des discours était mesurée par la clepsydre[69]. Le Greffier lisait les passages des pièces auxquelles se référait l’orateur, ainsi que les dépositions des témoins qui d’ailleurs étaient en général présents, afin de les confirmer au moins par leur silence. Le témoin qui avait refusé de déposer durant l’instruction était de nouveau invité à se prononcer dans un serfs ou dans l’autre, ou s’il s’obstinait dans son silence, à déclarer avec serment qu’il lui était impossible de parler, faute de quoi il était puni, et passible en outre de dommages intérêts[70]. L’adversaire ne pouvait interrompre l’orateur, mais les juges avaient le’ droit de lui couper la parole, s’il violait les convenances, ou pour lui demander sur quelque point donné des éclaircissements nouveaux. Quelquefois aussi ils interdisaient à l’orateur d’achever son discours ou même ne lui permettaient pas de le commencer, et le condamnaient sans l’entendre, bien que leur serment les obligeât de prêter aux deux parties une oreille également attentive[71]. Souvent les orateurs se proposaient moins d’éclairer la conscience des juges que de capter leur faveur, ou de les animer contre leurs adversaires ; aussi ne craignaient-ils pas d’articuler beaucoup de choses étrangères au sujet, ou même d’altérer la Vérité. On ne ménageait pas non plus les supplications, et l’on mettait tout en jeu pour exciter la pitié. Des femmes, des enfants, des parents réduits à la misère, quelquefois même des personnages en crédit, étrangers à la famille, paraissaient à l’audience et tentaient d’agir sur le tribunal. Le jugement était prononcé au scrutin secret, à l’aide de cailloux diversement colorés. On faisait servir aussi des fèves et des coquilles, ou de petites boules, percées d’un trou pour la condamnation, pleines pour l’acquittement[72]. L’accusé était absous par un partage égal des suffrages. Le plaignant, s’il n’obtenait au moins la cinquième partie des voix, encourait ordinairement, dans les procès civils, la peine de l’Epobélie, c’est-à-dire qu’il devait payer la sixième partie de l’objet en litige[73] ; dans les affaires publiques, il était condamné à une amende de mille drachmes[74], et déclaré incapable d’introduire à l’avenir de semblables accusations. Dans les cas oit la sanction était laissée à l’arbitraire des juges, la condamnation était suivie d’un second vote sur l’application de la peine. Une proposition avait été déjà faite à ce sujet dans l’acte d’accusation ; l’accusé pouvait produire une contre proposition, et les juges choisissaient Il y a doute sur la question de savoir si le tribunal était tenu d’adopter telle quelle l’une ou l’autre de ces propositions, ou s’il pouvait prendre un parti intermédiaire[75]. Toujours est-il que des aggravations de peine pouvaient être prononcées dans certaines circonstances, à la demande de Fun des juges, par exemple l’emprisonnement. La sentence était proclamée par le président, qui levait aussitôt la séance. On ne prononçait d’ajournement que dans des cas exceptionnels, comme l’apparition de quelque phénomène céleste (διοσημία). Les peines, en matière criminelle, étaient la mort, le bannissement, la prison, la perte de la liberté, l’atimie ou privation des droits civiques, la confiscation et l’amende. La peine de mort était d’ordinaire appliquée dans la prison, par les exécuteurs au service des Onze. Le supplice le moins cruel était .la ciguë, mais quelquefois on y joignait la torture[76]. Les cadavres des grands criminels étaient jetés dans le Barathron ou l’Orygma, ou bien transportés sur la frontière et exposés sans sépulture[77]. On fixait au banni un délai dans lequel il devait avoir quitté le pays, sous peine d’être mis à mort, si on l’y retrouvait. L’exil était toujours accompagné de la confiscation. Il n’existe aucun exemple certain d’emprisonnement prononcé comme peine principale : c’était, suivant les cas, une aggravation de châtiment[78], un moyen de coercition envers le débiteur récalcitrant ou une précaution pour s’assurer de l’accusé. La perte de la liberté n’atteignait que les non-citoyens convaincus d’avoir usurpé les droits civiques ; ils étaient livrés aux Polètes, pour être vendus. Les citoyens notés d’atimie, s’ils persistaient à user des droits qu’ils avaient perdus, étaient sous le coup de l’ένδειξις et de l’άπαγωγή et exposés aux peines les plus sévères, sans en excepter la mort. En cas de confiscation, le Démarque du district auquel appartenait le condamné ou tel autre magistrat préposé à cet effet dressait l’inventaire des biens, après quoi les Polètes procédaient à la vente. Quelquefois cependant on réservait aux enfants une part de la fortune paternelle[79]. Les amendes, suivant qu’elles devaient profiter à l’État ou aux dieux, étaient perçues par les Practores ou par les trésoriers des temples ; le débiteur était frappé d’atimie jusqu’au paiement et condamné au double s’il ne s’exécutait pas dans le temps voulu ; s’il laissait encore passer un nouveau terme, la confiscation s’ensuivait. Celui qui offrait la cession de ses biens restait, comme débiteur de l’État, sous le coup de l’atimie, et le même déshonneur s’attachait à ses descendants, jusqu’à ce que la dette fût acquittée ou remise. Si d’autre part la vente des biens produisait un excédant, il en était tenu compte. Dans les affaires civiles, la loi assurait au gagnant, pour forcer son adversaire à lui donner satisfaction, des moyens qui variaient suivant la nature des intérêts en jeu[80]. Le créancier pouvait saisir les objets mobiliers et même se mettre en possession des immeubles. Lorsque dans l’une ou l’autre de ces opérations, il trouvait de la résistance, ou s’il ne voulait pas recourir à une pareille extrémité, il avait la ressource d’intenter une action exécutoire (δίκη έξούλης), qui constituait son débiteur de l’État pour la même somme, et par suite le frappait d’atimie, jusqu’à entier acquittement. Les non-citoyens et, dans lés affaires commerciales, les citoyens eux-mêmes pouvaient être incarcérés ou forcés de donner caution. Les jugements des tribunaux héliastiques n’étaient pas susceptibles d’appel ; cependant il existait des moyens de droit qui permettaient d’annuler une sentence mal fondée et obtenue par la brigue[81]. Le plaideur condamné par défaut obtenait, en prouvant qu’il n’avait pu présenter ses excuses en temps utile ou qu’elles avaient été rejetées sans motif, que les choses fussent remises en l’état (τήν έρήμην άντιλαχεΐν). Celui qui déclarait n’avoir pas reçu d’assignation avait un recours contre les κλητήρες (γραφή ψευδοκλητείας). Enfin, si quelqu’un affirmait avoir été condamné sur des dépositions mensongères, il avait la ressource d’intenter l’action ψευδομαρτυριών. La δίκη ψευδοκλητείας avait naturellement pour conséquence, en cas de succès, d’amener la rescision du jugement attaqué ; le vainqueur pouvait aussi réclamer des dommages-intérêts à son premier adversaire par la δίκη κακοτεχνιών, ou le poursuivre criminellement (γραφή συκοφαντίας), poursuite qui entraînait des peines prononcées au nom de l’État, et dont, le plus ou moins de gravité était laissé à l’appréciation des juges. L’action ψευδομαρτυριών avait aussi pour effet, outre l’amende dont le coupable était tenu envers le plaignant, d’annuler le jugement antérieur ou du moins d’autoriser contre le premier adversaire la δίκη κακοτεχνιών. Si, à la suite de ces détails particuliers, nous jetons un coup d’œil d’ensemble sur les institutions judiciaires d’Athènes, nous ne pouvons que répéter ce que nous avons dit au commencement de ce chapitre, à savoir que les tribunaux, et surtout les plus considérables de tous, les tribunaux héliastiques, peuvent être à bon droit considérés comme le plus puissant levier de la démocratie. La constitution de Solon avait confié au tribunal aristocratique de l’Aréopage un droit de surveillance générale sur l’administration de l’État, sur la gestion des magistrats et sur les débats des assemblées populaires. Ces attributions, lorsqu’Ephialte en eut dépouillé l’Aréopage, passèrent aux Héliastes, dans ce qu’elles avaient d’essentiel. C’est devant eux en effet que les fonctionnaires subissaient leurs épreuves et rendaient leurs comptes ; c’est à eux qu’il appartenait de juger les abus d’autorité commis par les magistrats, et de se prononcer sur la validité des décisions prises dans les Comices populaires, toutes les fois qu’elles étaient attaquées sous la garantie de l’ύπωμοσία. Enfin l’adoption ou le rejet des lois était entre leurs mains, dans ce sens que les assemblées des nomothètes n’étaient en réalité que des commissions héliastiques. En admettant que Solon eut organisé dès lors la Nomothésie, qu’il ait même attribué aux Héliastes le droit de se prononcer sur les motions illégales (γραφή παρανόμων), de juger les épreuves des fonctionnaires et de recevoir leurs comptes, le caractère des tribunaux héliastiques, dans un temps où n’existait pas encore l’appât du salaire, devait être fort différent de celui qu’ils eurent plus tard, lorsque des indemnités modestes d’abord, mais successivement grossies par les démagogues, attirèrent de plus en plus la classe à laquelle on est le moins en droit de demander la prudence et l’intelligence politique. Si favorable que notre jugement soit eu général au Démos d’Athènes, à quelque hauteur que nous le placions au-dessus des autres, ce n’était pas moins un démos, facile à séduire, plus prêt à écouter les suggestions passionnées que la voix de la raison ; en présence de l’histoire, les plus ardents philhellènes ne sauraient le nier. Aristophane a représenté, dans ses Guêpes, un pauvre homme appelé à faire partie du tribunal des Héliasies. Le portrait est vraisemblablement chargé, mais on ne peut douter qu’il ait un fonds de vérité, puisqu’il a été tracé par Aristophane. Son Philocléon est grossier, satisfait de lui-même, lier de l’autorité que ses fonctions lui doraient à lui et à ses pareils. Devant sa personne et son suffrage doivent s’incliner, à l’en croire, les plus riches et les plus puissants. Il n’y a pas d’intérêts grands ou petits, sur lesquels il ne puisse, le cas échéant, prononcer eu dernier ressort ; seul, il ne doit de comptes à personne. On peut se figurer facilement l’attrait que cette toute puissance exerçait sur la foule, sans compter que beaucoup étaient loin d’être insensibles au salaire, ainsi que le dit sans détours le chœur des Héliastes dans les Guêpes[82]. Ce chœur est composé de citoyens qui, peu aptes à gagner leur vie autrement, ou mal servis par les circonstances,’se montrent très pressés d’aller recevoir le triobolum qui ne leur coûte que la peine de siéger quelques heures et de jeter un caillou dans l’urne. L’âge avancé des choreutes montre aussi que ces fonctions étaient recherchées surtout par des vieillards peu propres au travail. Aristophane a fait une caricature, mais un bon peintre de caricatures exagère les traits de son modèle, il ne les invente pas de toute pièce. Aristophane, dans une autre comédie, introduit un vieillard à qui l’on montre une carte d’Athènes, et qui s’étonne de n’y pas voir de juges en séance[83], donnant à penser par là que la manie de juger était le trait distinctif de la nation : Il ne faut pas croire pourtant que ce déploiement de justice eût sa source dans l’esprit particulièrement processif des Athéniens ; sous ce rapport, ils différaient peu des autres Grecs. La cause en était plutôt dans la multiplicité des cas que la constitution soumettait à l’examen des juges et dans cette circonstance qu’au temps d’Aristophane les alliés devaient porter leurs procès, au moins les plus importants, devant les tribunaux d’Athènes. Aussi a-t-on pu comparer cette ville, sans trop d’exagération, à une grande Cour de justice[84]. Au point du jour, des milliers d’hommes se levaient quotidiennement pour aller siéger quelques heures dans les divers emplacements affectés à cet usage et rapporter leur triobole à la maison. Les Thesmothètes indiquaient par des affiches l’ouverture des séances[85]. Il y en avait tous les jours où ne se réunissait pas l’Assemblée du peuple, sauf les fêtes solennelles et autres empêchements religieux. Il pouvait y avoir aussi vacances des tribunaux en temps de guerre : si l’ennemi avait envahi le territoire et menaçait la capitale, la justice restait muette. Dans des circonstances moins graves, les affaires civiles étaient seules arrêtées. Quelquefois même, durant des guerres extérieures de peu d’importance, le cours de la justice n’était pas interrompu[86] ; mais il y eut aussi des temps malheureux pendant lesquels les tribunaux durent être fermés, faute d’argent pour payer les juges[87]. |
[1] Aristote, Polit., II, c. 9, § 2 et 3 ; Plutarque, Solon, c. 18.
[2] On trouvera les preuves à l’appui dans le mémoire de Matthiæ, inséré aux Miscell. philol., t. II, p. 149 et suiv. En ce qui concerne l’Aréopage, Æschyle est le premier qui rattache au procès d’Oreste la première institution de ce tribunal ; les autres traditions le ; font remonter beaucoup plus haut encore ; c’est le seul point que j’aie soutenu contre Rubino. Je n’ai jamais dit, comme l’affirme Hermann (Staatsalt., § 105, n. 6), qu’Æschyle ait le premier attribué à l’Aréopage un rôle dans la vie d’Oreste.
[3] Pollux, VIII, c. 125 ; cf. Att. Process, p. 16 et Antiq. Jur., publ. Græc., p. 171, n. 5.
[4] On doit considérer comme établi que le mot Éphètes ne désigne pas des juges d’appel ainsi que certains critiques se le sont figuré. C’est ce qui vient d’être reconnu encore par U. Kœhler, dans l’Hermès (t. II, p. 32). L’opinion d’après laquelle έφέται serait une corruption de έφεδέται, assesseurs, n’est pas moins singulière ; voy. le Philologus, t. XI, p. 383, et Pott., KZ, t. VI, p. 36. Le mot régulateur (en allemand anwieser) par lequel est traduit έφέται en est bien l’équivalent ; vov. Duncker (Gesch. des Alterth., t. IV, p. 152) De έφιέναι ou έφίεσθαι, dans le sens de régler, ordonner, viennent aussi έφετμή, commandement, έφέτης, chef (voy. Æschyle, les Perses, v. 60). La procédure devant les tribunaux criminels était fixée par des prescriptions religieuses dont les Éphètes imposaient aux parties l’observation scrupuleuse.
[5] Voy. Démosthène, c. Evergos, p. 1161, 20, et la loi insérée dans le Discours c. Macarlatos, p. 1068, 29 ; cf. Antiq. Jur., p. 288.
[6] Voy. Antiq., p. 289, 6.
[7] Voy. sur l’Apagogé, l’Endéixis et l’Eisangelie dirigées contre les meurtriers, Att. Process., p. 230, 244 et 263.
[8] Voy. les notes de Schœmann sur les Euménides d’Æschyle, p. 69, et comp. Moïse, les Nombres, c. 35, v. 33.
[9] Voy. Antiq. Jur. publ. Græc., p. 289.
[10] Voy. ibid., p. 290 et suiv.
[11] Voy. Att. Process, p. 579, n. 17.
[12] Antiphon, de Cæde Herodis, p. 709.
[13] Pollux, VII, c. 90.
[14] C’est à Forchhammer (Index Scholar. der Kieler Univ., 1843-44) qu’est due la véritable interprétation du mot άναίδεια.
[15] Pour ces détails et pour ceux qui suivent il suffit de renvoyer aux Antiq. Jur. Publ. Gr., p. 291 et suiv.
[16] Cette faculté n’était refusée qu’en cas de parricide. Voy. Pollux, VIII, c. 117, et Meier, de bonis Damnat., § 18.
[17] Démosthène, c. Aristocrate, p. 637 et 639.
[18] Voy. le Schol. d’Æschine, de falsa Legat., § 87.
[19] Harpocration dit, en se référant à Isée et à Aristote, que la γραφή βουλεύσεως se suivait devant le Palladion, mais il remarque aussi que, d’après Dinarque, elle rentrait dans la compétence de l’Aréopage. On peut concilier ces deux témoignages, en admettant que si le projet avait reçu son exécution, l’Aréopage en était juge, et que dans le cas contraire, on s’en tenait au Palladion. Sauppe a présenté une autre hypothèse, dans ses Orat. Att., t. II, p. 235.
[20] Démosthène, c. Aristocr., p. 644. Hermann a rappelé avec raison que le mot άπενιαυτισμός n’exprime pas exactement un intervalle d’une année.
[21] Voy. Lexicon Seguer., p. 176. On se réservait toutefois d’examiner les circonstances.
[22] Platon, de Legib., p. 865.
[23] Pollux, VIII, c. 111 et 120.
[24] Cela est certain pour le Palladion et très vraisemblable pour le Delphinion ; vov. Isocrate, c. Callimaque, § 52 et 54, et le disc. c. Neæra, p. 1348.
[25] Voy. la loi insérée dans le disc. de Démosthène c. Macartatos, p. 1069 ; cf. Antiq., p. 298, 11.
[26] Sur le sens du mot ύποφόνια, voy. Harpocration, s. v., et Lexic. Seguer., p. 313.
[27] Démosthène, c. Pantaenetos, p. 983, 20 ; Antiphon, de Choreuta, p. 764.
[28] Voy. Antiq., p. 297, n. 8 et 9.
[29] Voy. Verfassungsgesch. Ath., p. 44 et suiv. D’après Dœderlein (Œffentl. Reden, 1860, p. 327), le mot διαιτητής a la même origine que έξαίνυσθαι et la forme homérique έξαιτος ou έξαίρετος. Ainsi δίαιτα signifie séparation, διαιτητή celui qui sépare. Dans une autre acception, δίαιτα veut dire division du jour, ordre et régime de vie ; ces divers sens peuvent, on le voit, se ramener facilement au sens primitif.
[30] Voy. Ross, Demen v. Attika, p. 22 ; Rangabé, Antiq. Hellen., n° 1163 ; Westermann, Ueber d. œffentl. Schiedsrichter in Athen, dans les Berichte d. Sæchs. Gesellsch. der Wissensch., t. I, p. 1138.
[31] L’inscription ne nomme que les diætètes qui avaient effectivement fonctionné dans l’année et obtenu une couronne en récompense de leurs services ; or il est certain que tous les diætètes de l’année n’étaient pas appelés à l’activité.
[32] Voy. le Philologus, t. I, p. 730.
[33] Démosthène, c. Evergos, p. 1242 ; Pollux, VIII, c. 926.
[34] Pollux, III, c. 63.
[35] Le sort prononçait d’après Démosthène (Disc. c. Timocrate, p. 735, 13) et le Lex. Seguer. (p. 306, 15) ; les élections étaient faites à mains levées suivant le même Lex. Seguer. (p. 310, 21) et Hesychius s. v. τριάκοντα.
[36] D’après le Schol. d’Aristophane (les Nuées, v. 37), Solon aurait institué les démarques ΐνα οί κατά δημον διδώσι καί λαμβάνωσι τά δίκαια παρ' άλλήλων, mais il parait y avoir contusion entre les Démarques et les juges de districts ; Vov. Meier, Hall. Allgem. Zeit., 1844, p. 1306.
[37] Voy. Att. Process, p. 83 et suiv. ; Verfassungsgesch., p. 47.
[38] Dans les procès auxquels donnait matière d’usurpation des droits civiques, et auxquels s’attachait un intérêt public, les ναυτοδίκαι étaient chargés simplement d’instruire l’affaire, non de la juger.
[39] Andocide, de Mysteriis, p. 9, § 17, fait mention de 6.000 juges dans une accusation d’illégalité (γρ. παρανόμων).
[40] Au moins dans les premiers temps ; plus tard le lieu changea, ainsi qu’il résulte d’un témoignage de Théophraste cité par Harpocration s. v. Άρδηττός. Il n’est pas dit d’ailleurs dans ce passage quel nouvel emplacement fut choisi.
[41] Ce serment a été intercalé dans le disc. de Démosthène c. Timocrate, p. 746 ; voy. Att. Process, p. 128.
[42] Les objections de Lablache ont été réfutées par O. Benndorf, dans les Gœtting. Anzeigen, 1870, p. 276. Voy. aussi les Fragm. Lex. rhet., publiés par Meier, p. XXII ; Lex. Seguer, p. 262, 12 ; Pollux, VIII, 48 ; Démosthène, c. Timocrate, p. 702, 25, et Att. Process, p. 139, où les nombres qui nous ont été conservés sont cités exactement.
[43] Contrairement à l’opinion que Meier et moi avions autrefois (der attische Process., p. 135, n° 20). Voy. en particulier Westermann, Comment. de Juris jurandi forma, Lips., 1859, 1re part. p. 6 et 10.
[44] Voy. Verfassungsgesch. Ath., p. 86.
[45] Voy. Antiq. Jur., p. 268. On ne peut conclure sûrement d’un passage d’Aristophane (Chevaliers, v. 917) qu’il y ait eu aussi un tribunal institué au Pirée, dans le δεΐγμα ; voy. Opusc. acad., t. I, p. 228.
[46] Aristophane, les Guêpes, v. 1110 ; Plutarque, de Genio Socratis, c. 10.
[47] Pour qu’une cause ait ce caractère d’intérêt public, il fallait que tout citoyen honorablement connu pût se porter accusateur. Au contraire, devant les tribunaux de l’Aréopage et des Ephètes, les poursuites ne pouvaient être exercées que par les victimes mêmes de ces violences ou par les parents du mort.
[48] Voy., pour tout ce qui suit, Att. Process, p. 197 et suiv.
[49] Herm. Hager, dans ses Quæst. Hyperideæ (1370, p. 141), a tenté de prouver que l’Eisangélie n’était applicable qu’aux crimes prévus dans le νόμος είσαγγελτικός. Je n’ai pu lire cette dissertation, mais je doute que l’auteur ait soutenu victorieusement son dire. Sans doute quelques crimes étaient spécifiés dans le νόμος είσαγγελτικός, mais il n’en résulte pas que l’Eisangélie n’ait trouvé place que dans ces cas, et n’ait pas été étendue à des faits analogues. Dans le discours d’Hypéride pour Euxenippos, ce personnage cherche à prouver qu’il n’y a pas lieu dans la cause de recourir à l’Eisangélie. Il est certain que la question de savoir si l’on devait procéder par les voies ordinaires ou employer cette mesure exceptionnelle tenait aux circonstances particulières de la cause. Voy. la recension que A. Schæfer a donné dans les Jahrbüch. für Philol.,1861, p. 611, de l’édition d’Hypéride publiée par Comparetti.
[50] Voy. Pollux, VIII, c. 41. Ce que nous avons dit plus haut, explique comment nous passons ici sous silence la προβολή, citée aussi par Pollux. L’άνδρολήψιον ou άνδροληψία dont Pollux fait également mention ne rentre pas à vrai dire dans l’administration judiciaire, mais dans les relations internationales.
[51] Voy. Grote, Hist. de la Grèce, t. VII, p. 361 et XI, p. 100 de la trad. franç.
[52] Voy., pour plus de détails sur les personnes qui pouvaient poursuivre ou être poursuivies, Att. Process, p. 555 et suiv., et sur la différence entre la γραφή ίδία et la γραφή παρανόμων, ibid., p. 63.
[53] Voy. Att. Process, p. 165 et Antiq. Juris. publ. Gr., p. 270.
[54] Voy. l’explication des 500 drachmes mentionnées par Démosthène (de Coron, p. 261, 20) dans Att. Process, p. 271, n. 7.
[55] Des exceptions à cette règle avaient lieu dans le cas d’eisangélie pour mauvais traitements envers les ascendants et les orphelins, et pour crimes extraordinaires intéressant l’État ; voy. Att. Process, p. 735.
[56] Voy. ibid., p. 167.
[57] Voy, ibid., p. 367.
[58] Voy. Att. Process, p. 171 et suiv.
[59] Voy. ibid., p. 576 et suiv. Dans Aristophane (les Oiseaux, v. 1422) le κλητήρ νησιωτικός est évidemment le sycophante, qui fait procession de poursuivre les alliés de ses accusations ; voy. aussi ibid., v. 1425, 1431, 1452, 1457, 1460. D’autre part, au vers 167, où il est question d’un κλητήρ amené par la galère Salamidienne, il faut entendre un messager public qui, à la suite d’une Eisangélie, vient assigner l’inculpé. Voy. Att. Process, p. 590.
[60] Voy. Att. Process, p. 580 et suiv.
[61] Voy. pour l’explication de ce mot, ibid., p. 596.
[62] Voy. Att. Process, p. 599-602.
[63] Voy. ibid., p. 628. Ce passage toutefois doit être rectifié d’après Platon, Apol. de Socrate, c. 75, et aussi d’après Hypéride, Disc. p. Euxénippos, p. 4, 11, éd. Schneidewin.
[64] Le nom de πρυτανεΐς, appliqué aux frais judiciaires, s’explique par cette circonstance que le produit en était versé dans la caisse qui fournissait aux repas du Prytanée, et était placée sous la garde des Colacrètes.
[65] Je n’oserais pas défendre l’opinion que j’avais adoptée autrefois, à savoir que régulièrement les témoins n’avaient pas de serment à prêter. Le troisième discours contre Aphobos, cité à cette occasion, n’a qu’une très faible autorité ; voy. ce qu’en dit Schæfer, Demosth. u. Seine Zeit, t. III, 2e part. p. 82-89. En ce qui concerne le passage d’Isée (Disc. p. Euphiletos, § 10, il est vraisemblable que le témoignage offert par le plaideur ne fut ni accepté ni donné.
[66] Voy. Att. Process, p. 694 et 695. La preuve que ces dispositions ne remontent pas au delà de Démosthène, du moins pour ce qui est des δίκαι έμπορικαί, se trouve dans un passage du disc. sur l’Halonèse (p. 79, § 12). Il ressort aussi du traité de Reditibus (c. 3, § 3) que la durée des affaires commerciales n’était pas réglée au temps de Xénophon, et l’on peut en conclure qu’il en était de même pour les autres actions.
[67] Démosthène, c. Apaturos, p. 900, 3 ; Lysias, Or., XVII, § 5, p. 593.
[68] Voy. Att. Process, p. 706.
[69] Il est certain que l’on ne se servait pas de la clepsydre dans tous les procès, mais on ne peut citer que la γραφή κακώσεως où elle ne fût pas en usage. Apulée a décrit la clepsydre au l. III, c. 3, de ses Métamorphoses : Vasculum quoddam in vicem coli graciliter fistulatum, per quod infusa aqua guttatim defluit. — Sur l’action simple ou double, voy. le Schol. de Démosthène (disc. c. Androtion, init. p. 904, ed. Baitter et Sauppe).
[70] Δίκη βλάβης et δίκη λιπομαρτυρίου, la dernière dans le cas où le témoignage que l’on refusait avait été promis ; voy. Att. Process., p. 672.
[71] Voy. Att. process, p. 718.
[72] Il n’est pas possible de démontrer que le scrutin secret ne fut introduit qu’après Euclide ; voy. Opusc. acad., t. I, p. 263.
[73] C’est-à-dire une obole par drachme. De là le nom de έπωβελία.
[74] L’Epobélie avait place aussi dans la Phasis ; voy. Att. Process, p, 732.
[75] Voy. Att. Process, p. 123, où la question a été résolue affirmativement, et tel est aussi l’avis de Bœckh (Staathaush., t. I, p. 1180) ; mais la plupart des critiques sont d’opinion contraire ; voy. en partie. Grote, Hist. de la Grèce, t. VII, p. 362 de la trad. franc.
[76] Voy. Att. Process, p. 685, n. 91.
[77] Xénophon, Hellen., I, c. 7, § 20 ; Hypéride, p. Lycophron, c. 14 ; cf. Meier, de bonis Damnat. Sur le Barathron et l’Orygma, v. Ross, Theseion, p. 44 ; Curtius, Att. Studient, t. I, p. 8.
[78] Par exemple pour le vol, voy. Démosthène, c. Timocrate, p. 736, § 11. L’opinion d’Hermann sur l’emprisonnement, en tant que peine principale (Staatsalterth., § 139) n’est pas justifiée par les textes qu’il cite, ainsi que l’a remarqué Westermann, dans ses Quæst. Lysiacæ, 1860, p. 19. Dans le passage du disc. de Démosthène c. Timocrate (p. 744), la prison est envisagée comme une précaution contre les accusés qui tenteraient de fuir, ou un moyen de coercition à l’usage des débiteurs. C’est dans l’Apologie de Socrate (p. 372, C.) que pour la première fois le mot δεσμός désigne une peine spéciale et qu’il est question d’amende avec la prison comme garantie. Il est à remarquer aussi que Platon, dans ses Lois, édicte en plusieurs circonstances la peine de l’emprisonnement ; voy. IX, p. 864 E, 880 B et C, et X, p. 908.
[79] Démosthène, c. Aphobos, I, p. 834 ; c. Nicostrate, p. 1255.
[80] Voy. Att. Process, p. 747 et suiv.
[81] Voy. Att. Process, p. 753.
[82] Voy. Aristophane, les Guêpes, v. 300 et suiv.
[83] Les Nuées, v. 208.
[84] Voy. Curtius, Hist. de la Grèce, V, p. 116 de la trad. franç.
[85] Pollux, VIII, c. 87.
[86] Voy. Att. Process, p. 154.
[87] Démosthène fournit un exemple de cette suspension de la justice dans son disc. c. Bœotos (de Nomine), p. 999.