§ 8. — Les finances. Entre les différentes parties de l’administration publique auxquelles sont préposés les fonctionnaires énumérés dans le précédent chapitre, les finances exigent un examen particulier, pour lequel le livre magistral de Bœckh nous offre les ressources les plus complètes et les plus sûres. Après l’examen auquel nous nous sommes livré touchant les employés chargés à différents titres de gérer la fortune publique, il ne nous reste d’ailleurs qu’à étudier les besoins de l’État et les moyens employés pour y faire face. Mais pour cela il est nécessaire de donner préalablement quelques aperçus touchant la nature des monnaies et le prix des choses, afin de mettre le lecteur en mesure de ramener facilement les sommes énoncées à celles dont l’évaluation lui est familière, et de se faire une idée précise de leur valeur. Les Athéniens n’employaient guère comme monnaie courante que l’argent et l’argent pur, c’est-à-dire sans alliage, ou avec un alliage presque insensible de cuivre ou de plomb. Aussi l’argent attique était-il très apprécié et faisait-il prime partout[1]. Le crime de fausse monnaie était puni de mort[2]. L’unité la plus répandue était la drachme qui valait environ quatre-vingt-treize centimes. Il existait des multiples de la drachme jusqu’à huit drachmes. Les pièces les plus en usage étaient les pièces de quatre drachmes, nommées aussi stators d’argent. Cent drachmes formaient une mine, c’est-à-dire une livre d’argent attique. Il fallait soixante mines pour faire un talent. Comme divisions de la drachme, on distinguait l’obole qui en’ était la sixième partie, et la demi-obole. Ces deux monnaies ; malgré leur peu de valeur, étaient aussi en argent ; ce fut seulement durant la guerre du Péloponnèse, l’an 406 avant J.-C. (Olympiade 93, 3) qu’on frappa des oboles et des demi-oboles de cuivre, et sans cloute parce que leur valeur réelle était au dessous de leur valeur nominale, ces pièces furent bientôt retirées de la circulation. Au contraire le chalque, χαλκοΰς, qui n’était que la huitième partie de l’obole, et le demi-chalque ou, lepton furent toujours des monnaies de cuivre. En fait de monnaies d’or, le stator, nommé simplement χρυσοΰς, pesait deux drachmes et valait vingt drachmes d’argent ; mais à vrai dire, les Athéniens ne frappèrent pas eux-mêmes de monnaie d’or, sauf dans l’année 405, et ils mêlèrent à l’or une forte quantité de cuivre[3] ; mais ils laissaient un libre cours à la monnaie étrangère, notamment aux dariques de .L’erse, qui ne perdaient rien de leur prix nominal. On admettait également d’autres pièces d’or plus petites, en particulier les stators de Phocide[4]. Les pris des objets, qui fixent la valeur de l’argent, durent naturellement subir des variations chez les anciens comme chez les modernes. A mesure que l’argent afflua dans Athènes, il s’avilit, et la même somme ne suffit plus à payer la même quantité de marchandises. Quelques exemples empruntés à différentes époques peuvent donner une idée de ces dépréciations. Au temps de Solon, un bœuf était estimé cinq drachmes, un mouton une drachme seulement[5]. Une drachme était aussi le prix d’un médimne d’orge, soit un peu plus de cinquante litres, tandis que 200 ans plus tard la même mesure contait jusqu’à six drachmes ; il est vrai que ce pris est présenté comme excessif[6]. Du vivant de Socrate, c’est-à-dire un siècle plus tôt, la même quantité de farine d’orge coûtait deux drachmes[7]. Un médimne de blé qui coûtait cinq drachmes sous Philippe de Macédoine, lorsque la récolte était abondante, n’en avait valu que trois au temps d’Aristophane[8]. Le vin du pays se payait à la même époque environ quatre drachmes le métrète[9], mesure qui contenait à peu près trente huit litres. En général le vin était à très bon marché dans l’antiquité, ce qui tenait à L’impossibilité d’écouler les produits dans un aussi grand rayon que de nos jours. Une génisse sans tacite et cligne d’être offerte en sacrifice se payait vers l’an 374 av. J. C. (Olymp. 101, 3) de soixante-dix à soixante-dix-sept drachmes, soit dé soixante cinq à soixante-dix francs[10]. Isée évalue un cheval de travail à trois mines, environ deux cent quatre-vingts francs ; les chevaux de course et ceux qui servaient à la cavalerie pouvaient valoir plus de onze cents francs[11]. Le même écart existait dans les prix des esclaves. Un mineur est coté cent cinquante drachmes ou cent quarante francs[12] ; ce devait être en général le prix des esclaves appliqués aux travaux infimes, à ceux des champs par exemple. Les artisans se payaient naturellement plus cher, et suivant le salaire que rapportait leur travail ; les prix de ceux qui entretenaient le luxe des riches montaient de la façon la plus capricieuse[13]. La valeur des immeubles n’était pas mieux déterminée : tout ce, que nous savons des propriétés rurales, c’est qu’un plèthre de terre, qui contenait neuf cent cinquante mètres carrés, coûtait environ cinquante drachmes ou quarante-six francs, au temps de Lysias, peu après la guerre du Péloponnèse[14]. Pour les propriétés urbaines, il est fort difficile de se faire une idée de leur valeur. Isée parle d’une petite maison qui ne valait pas plus de trois mines, et Démosthène évalue à quarante mines une habitation de pauvres gens. D’autres sont estimées vingt mines, et une maison de produit qui pouvait recevoir plusieurs familles est cotée quelque part cent mines[15]. Pour terminer, citons sur les prix des vêtements quelques indications qui datent du temps de Socrate. Un vêtement de dessous, à l’usage de la classe laborieuse, libre ou esclave, qui couvrait l’épaule gauche et laissait la droite à nu (χιτών ou έξωμίς), valait, au dire de Socrate, dix drachmes[16]. Dans le Plutus d’Aristophane[17], un jeune homme demandé à une vieille femme qui l’entretient : pour un vêtement de dessous, vingt drachmes, et pour des chaussures, huit drachmes, ce qui peut paraître excessif, si élégantes qu’elles soient, surtout en comparaison des souliers de femme que plus tard Lucien évalue à deus drachmes seulement[18]. Un vêtement de dessus ordinaire, tel qu’en portaient les gens de la classe moyenne, paraît avoir valu quatre stators d’argent ou seize drachmes[19], et une chlamyde d’éphèbes est estimée douze drachmes[20]. — La conclusion à tirer de ces données éparses et qui ne sont pas toutes incontestables, c’est que dans l’intervalle qui s’étend de la guerre du Péloponnèse à la mort de Démosthène, la valeur de l’argent fut plus grande sans doute qu’elle n’est de nos jours, mais que l’on a eu tort de la croire décuple[21]. Les Athéniens cependant vivaient à bien meilleur marché que nous, parce que beaucoup de besoins qui compliquent les existences modernes leur étaient inconnus, et que peu de chose suffisait à qui se contentait du nécessaire. Le poisson commun par exemple qui, frais ou salé composait la principale nourriture du grand nombre, était extrêmement bon marché. Il eu était de même des vêtements ; on peut calculer que, du temps de Socrate, une famille de quatre personnes pouvait à la rigueur se fournir de nourriture et d’habillements pour trois cents ou quatre cents francs par année[22]. Ajoutons que les conditions étaient tout autres pour ceux qui tenaient à bien vivre. Si l’on veut apprécier justement la valeur de l’argent, il est nécessaire de connaître le produit des capitaux engagés dans les affaires. Le taux de l’intérêt prouve déjà que ce produit devait être beaucoup plus considérable que de nos jours. L’intérêt, qui n’était l’objet d’aucune prescription légale, variait en moyenne de douze à dix-huit pour cent. Il descendait quelquefois à dix, mais il s’élevait aussi jusqu’à trente-six pour cent, comme cela avait lieu en particulier pour le prêt à la grosse aventure (τόκος ναυτικός)[23]. Il est évident que personne n’eût consenti à payer des arrérages aussi exorbitants, si l’on n’eut pas dû en être indemnisé par les bénéfices de l’affaire dans laquelle étaient engagés les fonds. Les propriétés rurales étaient beaucoup moins productives que l’argent ; d’après Isée, une petite terre qui avait coûté cent cinquante mines était louée douze mines, et ne rapportait par conséquent que huit pour cent[24]. En revanche on cite un pupille dont les propriétés, données à ferme en totalité par ses tuteurs suivant la loi athénienne, s’étaient élevées en six ans de trois talents et demi à six talents ; doublant presque de valeur. C’était un bénéfice annuel de plus de onze pour cent[25]. Des divers, renseignements qui précèdent il résulte que le revenu de l’argent était alors triple ou quadruple de celui de nos jours. Lés dépenses publiques se divisaient en dépenses ordinaires, que l’on discutait chaque année, et en dépenses extraordinaires, motivées par des besoins accidentels et surtout par lés nécessités de la guerre. Parmi les premières doivent être rangés les frais qu’entraînait un nombreux personnel de fonctionnaires et de serviteurs. Bien que la plupart des fonctionnaires ne fussent pas rétribués, ces frais ne laissaient pas d’être considérables ; en raison des repas que fournissait l’État. D’ailleurs les subalternes, tels que les scribes, les hérauts, auxquels il faut adjoindre les soldats qui, sous le nom de Scythes, étaient chargés de la police, et d’autres esclaves publics, recevaient une solde, en sus de la nourriture. Des honoraires étaient attribués aussi à des personnages chargés de certaines missions, par exemple à des orateurs qui, dans les procès politiques, remplissaient au nom de l’État les fonctions d’avocat ou de procureur. Leurs émoluments étaient, du temps d’Aristophane, fixés à une drachme par jour[26]. Les ambassadeurs recevaient de une à deux drachmes[27]. Une rétribution était accordée aussi aux commissaires qui de temps à autre étaient envoyés dans les villes alliées, pour se rendre compte des vrais intérêts de l’État[28]. Toutefois la loi interdisait le cumul des salaires[29], afin évidemment qu’ils pussent être répartis sur un plus grand nombre. Les médecins publics, étrangers la plupart, étaient aussi appointés par l’État ; il paraît même qu’ils l’étaient quelquefois assez richement, puisque Démocédès de Crotone, reçut, dit-on, cent mines pour une année passée dans Athènes[30], et cela un certain temps avant la première guerre médique, alors que l’argent avait peut-être deux fois plus de valeur qu’il n’en eut un siècle plus tard. Quelques autres encore, qui faisaient servir leurs talents à l’intérêt public, en recevaient sans doute la récompense, mais nous sommes hors d’état de fixer même approximativement la somme que représentaient chaque année les fonds consacrés à ces usages. Mieux vaut rechercher les indemnités auxquelles donnaient droit la qualité de sénateur, l’assistance aux assemblées populaires et aux audiences des tribunaux. Les sénateurs touchaient une drachme à chaque séance ; en supposant qu’il y en eut trois cents dans l’année et qu’en moyenne quatre cents membres fussent présents, car ou ne saurait admettre quelle Conseil fût toujours au complet, nous arriverons à la somme annuelle de vingt talents. Le résultat est exactement le même pour l’Assemblée du peuple en calculant trois oboles par jour, ce qui était en effet le salaire attribué à chaque citoyen au temps de la pure démocratie, et en supposant que six mille personnes se trouvaient réunies à chacune des quarante séances régulières. Sans doute il y avait aussi des convocations extraordinaires, mais d’autre part, le nombre de six mille doit être une moyenne fort exagérée, sans compter que les riches auraient cru déroger en recevant leur triobole ; un fragment du comique Antiphane fait allusion en effet à des membres de l’assemblée qui refusaient le prix de leurs services[31]. Aristophane évalue à cent cinquante talents l’ensemble des indemnités payées aux juges[32]. C’est là évidemment un maximum, car il fait entrer en ligne de compte trois cents séances et six cents Héliastes ; or en admettant même le premier nombre, il est impossible de supposer que les six cents Héliastes assistassent à toutes les audiences. Il. faut donc retrancher quelque chose du total d’Aristophane ; il ne pouvait guère toutefois être inférieur à cent talents. Outre ces indemnités, les citoyens recevaient aussi, depuis l’administration de Périclès, ce qu’on appelait les θεωρικά[33]. Les Théorica n’étaient payés d’abord qu’aux fêtes où avaient lieu des représentations dramatiques. Le théâtre alors était loué à un fermier (θεατρώνης ou άρχιτέκτων), qui devait l’entretenir eu bon état, et pour se couvrir de ses frais, était autorisé à percevoir de chaque spectateur un droit d’entrée, fixé pour les places ordinaires à deux oboles. De là était venu, pour faciliter aux pauvres l’accès du théâtre, l’usage de leur compter la même somme sur la caisse publique ; usage que plus tard on étendit aux autres fêtes, afin que les malheureux pussent de temps à autre passer une bonne journée. On a vu plus haut les raisons qui peuvent être invoquées en faveur de ces mesures. Une inscription, entre autres documents, nous permet d’évaluer les charges qu’elles faisaient peser sur l’État[34]. Il en résulte que dans la 3e année de la 92e olymp. (av. J.-C. 410), par conséquent durant la guerre du Péloponnèse, le trésor d’Athéna versa pour la distribution des Théorica 2 talents dans la 3e prytanie, 8 talents 1.355 drachmes dans la 4e, quatre talents 2.200 dr. dans la 5e, deux talents 1.232 dr. dans la 7e, ce qui forme pour 4 prytanies un total de six talents, 27 mines, 87 dr., équivalant à plus de 93.000 francs de notre monnaie. Comme cette somme avait été payée entre les mains des έλληνοταμίαι ou collecteurs des taxes levées sur les villes alliées, il est fort probable qu’elle n’était que le complément de ce qu’ils avaient pris déjà sur leurs propres fonds, et que les dépenses des Théorica étaient beaucoup plus considérables. On ne peut douter que les Théorica fussent payés sur la caisse des έλληνοταμίαι, destinée uniquement dans l’origine à fournir aux besoins de la guerre, et alimentée par les subsides à l’aide desquels les alliés dédommageaient les Athéniens, sur qui portait surtout le poids des expéditions lointaines. Il n’est donc guère possible de fixer la somme totale à laquelle pouvaient s’élever les frais des Théorica, et nous devons nous borner à dire que Bœckh l’évalue de vingt-cinq à trente talents par année[35]. Vers la fin de la guerre du Péloponnèse, lorsque la démocratie radicale subit un temps d’arrêt, ces dépenses furent suspendues, ainsi que les indemnités pour le temps consacré aux affaires publiques ; mais elles furent rétablies aussitôt que la démocratie reprit le dessus, et des trésoriers spéciaux furent institués à cet effet ; il est fort probable qu’ils étaient au nombre de dix et nommés à l’élection. Pendant quelque temps ils furent les premiers officiers de finances : outre leurs attributions particulières et l’intendance des bâtiments, ils étaient chargés de contrôler les revenus publics, à la place de l’άντιγραφεύς, et de percevoir, à la place des άποδέκται, les deniers dus à l’État ; toutefois ce cumul fut aboli au bout de quelques années[36]. Lorsque les Athéniens furent moins disposés à se lancer dans les aventures, les dépenses des Théorica devinrent injustifiables, et à ce moment même, le peuple poussa l’avidité jusque-là de décréter que tous les excédants de recettes seraient versés dans cette caisse spéciale. Ce fut au point que, pendant un certain temps, la peine de mort fut prononcée contre quiconque proposerait d’en enrichir la caisse militaire[37]. Les occasions de prodiguer inutilement l’argent du trésor se multiplièrent de plus en plus. Il fallut, entre autres charges, pourvoir à des banquets publics, souvent renouvelés. La distribution des Théorica se faisait dans chaque dême ; au temps de Démosthène, les riches y prenaient part aussi bien que les pauvres[38]. Une dépense plus louable était l’assistance donnée aux citoyens indigents et incapables de travail. Déjà Solon ou, suivant d’autres, Pisistrate avait fondé cette institution en faveur de ceux dont l’incapacité résultait de blessures reçues à la guerre[39]. Plus tard, la bienfaisance publique s’étendit à tous les infirmes qui possédaient moins de trois mines ; c’était la pauvreté. Suivant les circonstances, les secours pouvaient varier de une à trois oboles par jour[40]. C’était le peuple qui dressait la liste, et le Sénat qui était chargé de la distribution, à chaque prytanie. Il fallait, pour y prendre part, justifier du besoin qu’on en avait, faute de quoi on était ajourné à la période suivante. A chaque épreuve, un contradicteur pouvait se présenter et entamer avec le postulant une discussion qui aboutissait quelquefois à un jugement en forme. Suivant l’opinion très plausible de Bœckh, la somme ainsi employée annuellement variait entre cinq et dix talents. En dehors de ces secours, il n’existait pas dans Athènes d’établissements charitables, tels que les hospices. On devait, en effet, en sentir beaucoup moins la nécessité que chez les nations modernes où parmi les citoyens, on compte un grand nombre de prolétaires dont les institutions de bienfaisance sont l’unique ressource. Lès esclaves qui en tenaient la place étaient nourris par leurs maîtres, autorisés, si leur maison trop nombreuse menaçait d’engendrer la misère, à en arrêter l’accroissement, et qui pouvaient toujours se décharger en vendant les bouches inutiles. Les Théorica et les indemnités allouées soit pour les Assemblées populaires, soit pour les séances des tribunaux, étaient cependant aussi, dans une certaine mesure, une institution de charité. De plus, les fils des citoyens morts à la guerre étaient nourris jusqu’à leur majorité aux frais de l’État, et recevaient, .lorsqu’ils étaient en état de porter les armes, une panoplie, c’est-à-dire un équipement complet d’hoplites[41]. Enfin, il y a lieu de mentionner au même titre les distributions de grains qui, en cas de cherté, étaient faites gratis ou moyennant une faible rétribution[42]. Même durant la paix, l’entretien des forces militaires était pour l’État une charge considérable. D’abord les Chevaliers qui en tout temps étaient réunis et astreints à des manœuvres, recevaient des indemnités, à leur entrée au service, pour leur équipement (κατάστασις), et jusqu’au moment où ils obtenaient leur congé, pour leurs chevaux. Nous ne savons pas quelle était l’importance de ces indemnités, et devons nous en tenir au témoignage de Xénophon qui évalue l’ensemble des dépenses occasionnées par la cavalerie à quarante talents par année, non compris les Hippotoxotes ou archers montés[43]. Les Hippotoxotes, au nombre de deux cents, étaient des esclaves publics, comme les archers à pied. Ils étaient néanmoins utilisés à la guerre[44], et l’entretien de leurs chevaux ne devait guère coûter moins de quinze talents. Plusieurs galères restaient aussi gréées et équipées en temps de pais, tant pour le service des théories que pour d’autres ambassades. Il en existait trois, dans la période qui est surtout l’objet de nos études. On les appelait Délios, Salaminia, Paralos, la première parce qu’elle servait à la théorie de Délos, les deus autres parce que l’équipage était recruté parmi les habitants de Salamine et sur la côte sud-ouest de l’Attique. Plus tard, nous trouvons l’Ammonis, l’Antigonis, la Démétrias, la Ptolémaïs, sans pouvoir reconnaître s’il s’agit de nouveaux navires, ou si les noms seulement sont changés. La première hypothèse est toutefois la plus vraisemblable en ce qui concerne l’Ammonis, galère sacrée de Zeus Ammon, mentionnée pour la première fois sous Alexandre le Grand[45]. On sait du moins que les hommes qui montaient ces navires coûtaient par tête et par jour quatre oboles et qu’il existait une caisse spéciale sous la garde d’un ταμίας, pour la solde et les autres dépenses de chaque équipage. Si donc l’on compte deux cents hommes par équipage, la dépense pour un navire s’élevait environ à sept talents par année[46]. Ces navires servaient aussi dans l’occasion comme bâtiments de guerre, et paraissent avoir eu pour commandant un Navarque[47]. La flotte proprement dite, dont les faibles commencements remontent à l’âge de Solon, et dont l’état florissant date de la seconde guerre médique, fut dans les temps qui suivirent augmentée chaque année d’un certain nombre de galères. Il est difficile de dire toutefois si, comme le voulait Thémistocle, on s’astreignit toujours à en construire vingt annuellement[48]. On tenait prêt aussi dans les chantiers, pour les cas urgents, le matériel nécessaire au gréement des navires. Enfin il existait un magasin d’armes (όπλοθήκη) où, dans les levées générales, on prenait de quoi équiper les hommes qui ne pouvaient s’armer a leurs frais, comme les thètes et les esclaves. Nous possédons un décret par lequel le peuple témoigne sa reconnaissance à l’orateur Lycurgue, contemporain de Démosthène, pour avoir fait déposer dans la citadelle cinquante mille javelots, sans compter un grand nombre d’armes offensives[49]. Le même décret mentionne encore comme ayant été bâtis ou restaurés par l’orateur Lycurgue, un arsenal et d’autres édifices considérables, tels que des chantiers de construction, le théâtre de Dionysos, le stade panathénaïque, le gymnase du Lycée. Tous les ans il y avait en effet lieu de pourvoir plus ou moins, soit à des entreprises nouvelles, soit à des travaux de réparation. Il fallait, par exemple, entretenir les murs de la ville et les fortifications, les fontaines et les aqueducs, les portiques, les monuments servant de siège à l’administration et de sanctuaire à la justice ; de là des frais considérables dont nous ne pouvons songer à faire le compte. Il est permis cependant de se représenter dans une certaine mesure ce que devaient coûter à la ville ses magnifiques édifices et ses œuvres d’art, si l’on songe que les propylées de l’Acropole, construites en cinq ans sous l’administration de Périclès, entraînèrent à elles seules une dépense de deux mille douze talents, près de quatre millions de francs[50], et que la statue de la Déesse était couverte de quarante talents pesants d’or fin, qui pouvaient en être détachés[51]. Les Athéniens ne se montraient pas plus parcimonieux pour la célébration des fêtes religieuses que pour les statues et les temples des Dieux. Ils avaient la réputation d’être les plus pieux de tous les Hellènes, parce qu’ils célébraient deux fois plus de fêtes que les autres[52] ; on peut ajouter que ces fêtes étaient plus brillantes et plus dispendieuses que nulle part ailleurs. En cela les Athéniens n’étaient pas seulement guidés par l’amour du luxe et le goût des belles choses ; ils avaient encore des motifs plus élevés. Les cœurs vraiment reconnaissants tiennent à montrer la satisfaction et l’utilité qu’ils retirent (les bienfaits, et les Grecs étaient convaincus que leurs dieux, animés des passions humaines et dispensateurs de tous biens, aimaient à voir leurs protégés jouir avec expansion de leurs faveurs. C’est là surtout le sentiment qui se faisait jour dans les solennités publiques. Parmi les fêtes célébrées aux frais de l’État (ίερά δημοτελή), les seules qui nous intéressent ici, les unes étaient traditionnelles (πάτρια), les autres d’origine récente (έπίθετοι έορταί). Par des raisons faciles à comprendre, les dernières étaient en général moins brillantes et moins somptueuses. On distinguait aussi les fêtes permanentes des fêtes extraordinaires, qui n’étaient célébrées qu’en certaines circonstances. Souvent on ajoutait aux sacrifices des processions, des jeux scéniques et gymniques, quelquefois aussi des banquets. Pour donner une idée approximative des frais que ces solennités entraînaient, il suffit de mentionner un fait attesté par une inscription de l’an 334 avant J.-C. (Olymp. III, 3)[53], à savoir que le Dermaticon, c’est-à-dire la somme produite par les peaux des animaux immolés, s’éleva, en sept mois, à 5.148 2/3 drachmes, près de 5.000 francs. A l’anniversaire de la bataille de Marathon, la déesse Artémis Agrotera reçut en offrande 500 jeunes chèvres, et une inscription de l’an 410 (Olymp. 92, 3)[54], nous apprend que le trésor d’Athéna versa entre les mains des ίεροποιοί, pour prix d’une hécatombe, 5.114 drachmes, et que les Athlothètes touchèrent 5 talents et 1.000 drachmes, sommes qui ne doivent être considérées encore que comme une faible part de la dépense totale. Démosthène dit quelque part[55] que les Panathénées et les Dionysiaques coûtaient aux Athéniens plus cher qu’une expédition navale, et on ne peut le taxer de beaucoup d’exagération, si l’on énumère tous les frais des représentations théâtrales, le luxe de la mise en scène et des chœurs, les honoraires des poètes et des acteurs, les prix des vainqueurs et le reste, car la liste est loin d’être épuisée. Une inscription postérieure à Euclide mentionne comme prix décerné à un joueur de flûte, une couronne d’or pesant 85 drachmes, qui devait valoir environ 1.000 drachmes monnayés, c’est-à-dire plus de 900 francs[56]. D’autres sont évaluées à 300, 400, 600, 1.200 et jusqu’à 2.500 drachmes. D’après un décret rendu sur la proposition de l’orateur Lycurgue, le chœur cyclique, qui remportait la victoire à la fête célébrée dans le Pirée en l’honneur de Poséidon, recevait au moins dix mines ; le second prix était de huit mines, le troisième de six. Ce n’est pas seulement aux fêtes nationales que les Athéniens consacraient de grosses sommes tous les ans ; les solennités étrangères, telles que les panégyries de Délos, toutes celles qu’a chantées Pindare et d’autres encore, étaient aussi l’occasion de sacrifices considérables. Les frais des députations ou Théories qu’ils envoyaient au nom de l’État étaient supportés par ceux qui en faisaient partie ; c’est pourquoi le commandement de la Théorie était considéré comme rentrant dans les charges liturgiques, dont il sera question plus loin. Toutefois l’État accordait une subvention, et une inscription[57] nous apprend que les Archithéores de la panégyrie de Délos avaient reçu un talent. Cette somme, il est vrai, avait été prise sur la caisse du temple de Délos, placée sous la garde des Amphictyons athéniens ; il n’en resté pas moins acquis que les Archithéores n’étaient pas tenus de subvenir à toutes les dépenses avec leurs propres ressources. Pour ne rien omettre, nous devons signaler encore les gratifications honorifiques que l’État accorda d’abord dans des circonstances exceptionnelles, mais qui peu à peu passèrent dans le chapitre des dépenses Ordinaires. Ainsi, au temps de Démosthène c’était déjà un usage traditionnel que, lorsque le conseil des Cinq-Cents sortait de charge, on lui vouât une couronne d’or comme témoignage de satisfaction. Souvent, aussi, vers la même époque, des couronnes d’or récompensèrent les services de citoyens qui, dans des temps meilleurs, se seraient contentés de couronnes d’olivier, telles que celle dont Périclès fut honoré, dit-on, le premier[58]. La valeur des couronnes d’or variait en général de cinq cents à mille drachmes ; il y en avait aussi de moins précieuses[59]. Les décrets qui conféraient une pareille récompense étaient annoncés par le héraut au peuple assemblé dans le théâtre ou dans le Pnyx[60] ; souvent même le texte en était gravé sur la pierre et exposé dans les lieux publics. Les statues érigées aux citoyens qui avaient bien mérité de la patrie étaient, aux beaux temps de la république, un honneur beaucoup plus rare. Jusqu’à Conon qui s’en montra digne en battant les Spartiates à Cnide et en préparant à Athènes par le relèvement de ses murs une nouvelle ère de grandeur, Harmodius et Aristogiton étaient les seuls à qui eussent été dressées des statues[61] ; mais plus tard cette distinction fut prodiguée comme les autres. Une récompense plus modeste consistait à être nourri au prytanée. Un certain nombre de citoyens, pour prix de leurs services, obtinrent cette faveur leur vie durant, ainsi qu’on le voit par les dernières paroles de Socrate à ses juges[62]. Il existait aussi des récompenses pécuniaires. Lysimaque, fils d’Aristide, reçut en souvenir des services de son père cent mines d’argent, et une pension de quatre drachmes par jour, sans compter deux cents plèthres ou cinquante hectares de terre[63]. On reconnaît aisément, en voyant la différence des appréciations, l’impossibilité de fixer d’une manière même approximative le montant total des dépenses annuelles. Bœckh évalue le budget ordinaire des dépenses à quatre cents talents pour le moins, et déclare que si l’ont joint les grandes constructions, les distributions d’argent accidentelles et les frais qu’entraînaient les fêtes, les Athéniens ne pouvaient en être quittes à moins de mille talents[64]. Nous nous en tenons, à ces calculs. Pour les dépenses extraordinaires occasionnées par les expéditions, nous ne pouvons que répéter avec le roi de Sparte : ού τεταγμένα σιτεΐται ό πόλεμος, la guerre ne se laisse pas faire sa part ; tout dépend des forces mises en mouvement et de la durée des hostilités. Bien que les citoyens à l’exception des thètes s’armassent eux-mêmes, il fallait bien, quand une campagne se prolongeait, qu’ils touchassent une solde, et on sait qu’en effet il en était ainsi depuis l’administration de Périclès[65]. Le simple soldat d’infanterie recevait deux oboles par jour pour sa paye, et autant pour sa nourriture (σιτηρέσιον) ; le Lochagos en touchait vraisemblablement le double, et le Stratège le quadruple, proportions fort différentes de celles qui sont en usage dans les armées modernes, mais qui étaient une conséquence des principes démocratiques. Souvent d’ailleurs les chefs trouvaient l’occasion de se ménager des profits et même de faire fortune. Il y a aussi des exemples de haute paye ; par exemple, au début de la guerre du Péloponnèse, lorsqu’on assiégeait Potidée, chaque hoplite reçut 2 drachmes par jour, L’une pour lui-même, l’autre pour son servant ; les soldats de marine et les rameurs touchaient tantôt 4 oboles, tantôt une drachme, ce qui fait varier la dépense mensuelle d’une galère, en supposant l’équipage de 200 hommes, de 4.000 drachmes à un talent[66]. Une flotte de 100 navires ne devait donc, pour la solde seulement, coûter guère moins de 100 talents, Peu avant la guerre du Péloponnèse, Périclès assiégea Samos, ayant sous son commandement 60 navires, auxquels se joignirent plus tard 40 navires athéniens et 25 envoyés de Chios et de Lesbos ; finalement la flotte fut grossie encore par 60 autres bâtiments athéniens et 30 venus des mêmes îles. L’expédition qui avait duré neuf mois coûta de 1.000 à 1.200 talents[67]. Au siège de Potidée, où chaque hoplite reçut, comme nous l’avons dit, une drachme pour lui et autant pour son servant, on trouve que la solde seule dut coûter 810 talents, en tenant compte de ces circonstances que l’armée était forte de 6.000 hommes et que le siège dura vingt-sept mois. Thucydide fixe à 2.000 talents l’ensemble de toutes les dépenses[68]. Nous passons au budget des recettes, pour lequel nous rencontrons des indications plus précises. Dans une pièce représentée l’an 422 av. J. C. (Olymp. 89, 3). Aristophane, par la bouche d’un de ses personnages[69], évalue les revenus de l’État à deux mille talents, et il est certain qu’ils n’étaient pas beaucoup moindres dans les beaux temps de la république, lorsque les tributs des alliés formaient à eux seuls les 3/5 de cette somme. En temps de paix, les recettes dépassaient donc de beaucoup les dépenses. C’est ainsi qu’au début de la guerre de Péloponnèse, après les grandes constructions de Périclès et le siège de Potidée, il existait dans le trésor une réserve de six mille talents, sans compter les objets précieux rassemblés dans les temples et dans la citadelle, que Thucydide évalue à 500 talents[70], et les 110 talents d’or pesant qui pouvaient toujours être détachés de la statue d’Athéna. Il est vrai que ces réserves furent bientôt épuisées par les nécessités de la guerre, mais aussitôt après la paix, de Nicias, sept mille talents étaient de nouveau réunis[71], puis dissipés par une nouvelle guerre, en particulier par l’expédition de Sicile. A partir de ce moment, il n’est plus fait mention de trésor ; c’est qu’en effet les finances d’Athènes, surtout après la bataille d’Ægospotamoi, sont tombées dans un état déplorable. Elles se rétablissent cependant peu à peu, à mesure que l’État se relève, et sous l’administration de Lycurgue les revenus publics ne sont pas, dit-on, inférieurs à douze mille talents[72]. De même que’ les dépenses, les recettes se divisaient en budgets ordinaire et extraordinaire. Les recettes ordinaires provenaient de cinq sources différentes : dans la première classe on rangeait les revenus des biens-fonds appartenant à l’État et affermés à des particuliers pour un temps déterminé ou par bail emphytéotique. Les plus importants de ces biens-fonds étaient les mines d’argent du Laurion, qui s’étendaient dans la partie méridionale de l’Attique, depuis Thorikos jusqu’à Anaphlystos, et dont la richesse est fort vantée par Xénophon[73]. Cependant les résultats ultérieurs ne justifièrent pas ces éloges, car, au moment où écrivait Strabon, l’exploitation en était abandonnée, et l’on se bornait à faire refondre les scories qui, à la suite d’un travail insuffisant, gardaient encore quelques parcelles de métal[74]. Les mines étaient louées par bail emphytéotique à des fermiers qui, pour chaque partie nouvelle mise en exploitation, payaient une somme une fois versée et une redevance de 1/24 sur les rendements. Ce revenu était autrefois partagé entre les citoyen., jusqu’à ce que Thémistocle obtînt qu’il fût consacré à l’entretien de la flotte. On ne peut en fixer le montant ni au moment où cette mesure fut adoptée ni plus tard[75]. Parmi les autres propriétés affermées par l’État, on cite en particulier des propriétés bâties[76]. Il a été question déjà de la location du théâtre ; on trouve aussi trace de fonds de terre dont le loyer est fixé au dixième des fruits[77]. Nous savons également qu’après la prise de Chalcis en Eubée, qui précéda de peu la guerre médique, l’État donna à bail des portions du nouveau territoire[78]. Enfin il y avait dans l’Attique des champs d’oliviers consacrés à Athéna (μορίαι), dont le loyer était versé non dans le trésor public, mais dans celui de la Déesse[79]. C’était également aux caisses des différents dieux que profitait le revenu des enceintes qui entouraient les temples (τεμένη). Le soin d’amodier les propriétés de l’État était, comme on l’a vu plus haut, confié aux Polètes, sous la surveillance et la direction du Sénat. Une seconde source de revenus publics était l’impôt personnel et l’impôt des patentes, qui n’étaient acquittés d’ailleurs que par les étrangers domiciliés. Les citoyens n’étaient soumis à aucune autre contribution directe que celle qu’ils avaient à payer par tête d’esclave et qui paraît avoir été annuellement de trois oboles[80]. Les États libres ont pour les impôts directs une répugnance qui s’explique, et ne s’y prêtent qu’en cas de nécessité. On a vu déjà que la capitation imposée aux étrangers résidents, était de douze drachmes pour le père de famille, de six drachmes pour les femmes qui avaient un domicile à part, à quoi s’ajoutaient, pour les étrangers appartenant à la classe des affranchis, trois oboles, que l’on doit considérer comme le rachat de la contribution imposée par tête d’esclaves, dont leur affranchissement privait l’État. Ces contributions, multipliées par dix mille étrangers d’une part, et par soixante cinq mille esclaves de l’autre, pouvaient s’élever environ à cinquante talents. De l’impôt des patentes, nous savons seulement que, en ce qui concerne le petit commerce du marché, les étrangers domiciliés en étaient seuls tenus, et que tous ceux, hommes ou femmes, qui faisaient argent de leur corps, payaient un impôt spécial, appelé πορνικόν τέλος[81]. Si des citoyens en venaient à ce point de dégradation, ils tombaient, comme les autres, sous le coup de l’impôt, et de plus ils étaient déclarés infâmes et frappés de mort civile. La troisième classe d’impôts comprenait les droits de douane qui frappaient les marchandises à l’entrée et à la sortie du territoire, ceux d’octroi et les taxes à prélever sur le prix des objets vendus. On est autorisé à croire que pour les immeubles le droit de mutation était du centième denier[82] ; il est probable que la haie dont étaient grevés tous les objets de commerce était quelque chose d’approchant ; mais nous sommes sur ce point réduits à des conjectures[83]. Les droits d’octroi sur les marchandises de peu de prix étaient perçus soit aux portes de la ville, soit à l’entrée même du marché où elles étaient mises en vente ; ils variaient suivant la nature des marchandises[84]. Les droits d’importation et d’exportation étaient de 1/50[85] ; et comme le commerce était surtout maritime, c’est le Pirée qui en fournissait de beaucoup la plus grosse part. Les négociants avaient encore à payer, pour l’entretien du port et des entrepôts, une rétribution (έλλιμένιον), dont la quotité nous est inconnue[86]. D’après un passage assez obscur, il est vrai, de l’orateur Andocide, l’impôt du cinquantième pouvait, immédiatement après la guerre du Péloponnèse, fournir un revenu de trente-six talents environ[87]. Dans des temps meilleurs, il dut être naturellement plus productif. L’État ne percevait pas directement tous ces droits et tous ces péages ; ils étaient affermés ou, suivant l’expression grecque, vendus[88], et en effet le fermier devenait, pour la durée du bail, propriétaire, à ses risques et périls, du revenu de l’impôt, moyennant une somme à verser dans les caisses de l’État. Les soumissions de peu d’importance ; étaient faites par des particuliers qui percevaient eux-mêmes les droits ; pour les affaires au contraire qui exigeaient des capitaux considérables, il se formait des compagnies dont le président (άρχώνης ou τελωνάρχης) passait contrat avec l’État, sous la garantie de répondants qui devaient être membres de l’association. Les recettes exigeaient naturellement le concours d’agents qui, suivant la nature et la proportion des impôts, s’appelaient πεντηκοστολόγοι, είκοστολόγοι, δεκατηλόγοι έλλιμενισταί. Le fermer les choisissait parmi ses hommes à gages ou ses esclaves, plus souvent encore parmi les membres les plus humbles de la société. Des témoignages constatent que les Athéniens n’évitèrent pas les inconvénients attachés à ce mode de perception. Les fermiers avaient contre les imposables des moyens d’action puissants. Les visites domiciliaires et astres vexations étaient d’autant moins épargnées qu’un zèle désintéressé n’en était pas l’unique mobile. D’autre part, on peut admettre sans preuve, que les Grecs déployaient pour la contrebande et la fraude au moins autant de penchant naturel et d’habileté qu’aucune autre nation. Il est question d’une baie située sur la côte de l’Attique, en dehors de la ligne des douanes, et appelée le port des voleurs (φωρών λιμήν) dont les fraudeurs mettaient à profit la position favorable. L’État, intéressé à ce que ses fermiers pussent remplir leurs obligations, les secondait par des lois rigoureuses, et les exemptait du service militaire, pour que rien ne les détournât de leur besogne ; mais en revanche il agissait contre eux avec une sévérité impitoyable. Les versements devaient être faits au Sénat dans des délais déterminés. Il est probable même qu’une certaine somme (προκαταβολή) était avancée au moment de l’adjudication. Le fermier, qui laissait passer lés termes sans régler ses comptes, était frappé d’atimie et pouvait même être mis en prison, si tel était l’avis du Sénat. Lorsque le retard se prolongeait jusqu’à la neuvième prytanie, la somme se trouvait doublée[89], et l’État, pour se mettre à couvert, saisissait les biens du débiteur. Les mêmes mesures étaient applicables aux garants. Enfin, l’atimie s’étendait du père aux enfants, jusqu’à entière libération. La quatrième classe de revenus ordinaires se composait des frais de justice et des amendes. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet ; ici nous nous bornons à remarquer que, sauf de rares exceptions, les procès civils aussi bien que les causes publiques entraînaient certains frais qui allaient garnir les caisses de l’État, et que le demandeur ou L’accusateur qui succombait était passible d’une amende, s’il n’avait pas réuni en sa faveur la cinquième partie des suffrages. Souvent aussi, à ces frais et à ces peines pécuniaires qui étaient affaire de procédure, le verdict des tribunaux ajoutait, dans les procès politiques, dés amendes considérables, qui pouvaient atteindre cinquante et jusqu’à cent talents. Il arrivait même quelquefois que la fortune entière fût confisquée[90]. Bien que ces amendes se reproduisissent assez régulièrement chaque année, ce qui lit souvent accuser les juges de complaisance pour le trésor, il n’est cependant pas possible de calculer ce qu’elles pouvaient produire en moyenne. Quant aux frais de procédure, ils ne pouvaient manquer de fournir un revenu considérable, surtout depuis que les alliés furent forcés de soumettre leurs différends à des tribunaux athéniens. Cette condition, qui paraît leur avoir été imposée vers le milieu du Ve siècle, fut maintenue jusqu’au moment où la guerre de Péloponnèse fit perdre aux Athéniens l’empire de la mer ; mais il n’est pas probable qu’elle ait été rétablie, lorsqu’ils eurent reconquis peu à peu leur supériorité maritime. On peut se faire une idée du revenu que procurait aux Athéniens l’administration de la justice par cette circonstance, qu’Alcibiade énumère, parmi les dommages que leur cause l’occupation de Décélie par les Spartiates, la vacance forcée des tribunaux, tant que le territoire était envahi par l’ennemi[91]. Enfin les ressources de beaucoup les plus considérables étaient fournies au trésor par les tributs des alliés, que les Athéniens considéraient comme leur appartenant en propre, surtout depuis que la caisse de la confédération avait été apportée de Délos dans leur ville, l’an 461 av. J.-C. (Olymp. 79, 4), prétention d’ailleurs très fondée, comme le dit Périclès, puisqu’ils prenaient sur eus tout le poids de la guerre contre les barbares[92]. La somme de ces tributs, qui avait été d’abord de quatre cent soixante talents, n’était, pas en général moindre de six cents, vers le commencement de la guerre du Péloponnèse, et s’éleva même plus tard jusqu’à treize cents, soit parce que de nouveaux alliés accédèrent à la ligue, soit parce que les tributs furent aggravés[93]. Ils étaient en effet révisés de temps à autre, en général tous les cinq ans ; augmentés pour tel ou tel État ils pouvaient être allégés pour d’autres, en quoi la partialité et la faveur avaient plus de part que la justice. Les alliés étaient d’autant plus fondés à réclamer contre ces répartitions arbitraires que les nécessités de la guerre et les intérêts généraux étaient beaucoup moins consultés pour l’emploi des fonds que l’intérêt particulier d’Athènes. Plusieurs inscriptions nous montrent les tributs des alliés variant avec les provinces, suivant qu’ils habitaient la Carie, l’Ionie, les Iles, les côtes de l’Hellespont, la Thrace, et indiquent les taxes auxquelles étaient soumis plusieurs États particuliers. Ces détails nous entraîneraient trop loin ; il nous suffira de remarquer qu’une mine par talent, par conséquent la soixantième partie du total, était versée comme prémices (άπαρχή), dans le trésor de la Déesse[94], et que d’ordinaire les comptes étaient réglés au printemps, lors de la célébration des grandes Dionysiaques. Les villes en retard recevaient une députation de commissaires (έκλογεΐς) ; quelquefois même elles étaient contraintes de payer par une troupe en armes (άργυρολόγοι)[95]. Pendant un certain temps, à partir de l’an 415 (Olymp. 91, 2), les Athéniens levèrent sur tous les États confédérés, à la place de tributs en espèces, un vingtième des marchandises importées ou exportées par mer. Ils jugeaient ce mode de perception plus avantageux, et peut-être aussi moins onéreux pour les alliés, que les contributions directes ; bientôt pourtant ils revinrent à l’ancien usage[96]. En 411 (Olymp. 92, 2), un impôt du dixième fut établi sur tous les navires qui traversaient le Bosphore, qu’ils appartinssent aux alliés ou à d’autres, et subsista tant que les Athéniens furent maîtres du détroit[97]. Après l’issue funeste do la guerre du Péloponnèse, ils perdirent cette source de revenus, en même temps que les tributs des alliés qui d’ailleurs, les désastres une fois réparés, furent réorganisés, sons le nom adouci de subsides (συντάξεις)[98] ainsi que le péage de Byzance. Rien n’indique quel était alors le montant des sommes payées par les alliés. Antérieurement, la caisse affectée à cet usage était administrée par dix Hellénotames, dont les noms étaient tous les ans tirés au sort, mais seulement parmi la classe la plus considérable. Ces fonctionnaires ne furent pas réintégrés dans la période qui suivit, et on ne peut dire avec certitude comment ils furent remplacés[99]. Toujours est-il que les fonds qui à ]’origine formaient le budget de la guerre, furent une seconde fois détournés de leur destination, pour servir à divers usages ; qu’ils grossirent en particulier la caisse des Theorika, et furent administrés par le trésorier qui en avait la garde. Si, tant que durait lapait, les revenus ordinaires suffisaient largement aux besoins de l’administration, et produisaient même un excédant considérable, il n’en advint pas moins, à la suite de guerres longues et conteuses ou d’autres circonstances défavorables, que le trésor fut à sec et qu’il fallut recourir à des ressources extraordinaires. Au premier rang étaient les emprunts contractés soit au dedans soit au dehors. Toutefois les exemples d’emprunt extérieur sont extrêmement rares, et pour les emprunts intérieurs, nous n’en pouvons citer d’une manière certaine aucun qui ait été conclu avec des particuliers[100]. C’était le plus souvent aux trésors des temples que l’on avait recours, surtout à celui de la Déesse protectrice de la Cité, mais alors on se faisait un devoir religieux d’opérer le remboursement le plus vite possible[101]. Souvent aussi les citoyens furent invités à faire des dons volontaires (έκδόσεις). Cet appel avait lieu dans l’Assemblée du peuple ; les citoyens disposés à donner de l’argent, des navires ou des armes se présentaient devant le peuple ou devant le Sénat[102], et leur nom inscrit avec indication de leur offrande, valait comme un engagement de leur part. Ceux qui ne tenaient pas leur promesse étaient affichés près des héros éponymes, sans préjudice probablement de moyens coercitifs, sur lesquels nous n’avons, il est vrai, aucun détail. Il y a lieu de mentionner quelques expédients financiers comme par exemple, l’altération des monnaies vers la fin de la guerre du Péloponnèse, l’impôt dont Iphicrate frappa les parties supérieures des maisons qui avançaient sur la voie publique, ainsi que les portes ouvrant en dehors[103], et le monopole dont le commerce du plomb serait devenu l’objet sur la proposition d’un certain Pythoclès, mais dont on ne peut dire au juste s’il fut réellement mis en pratique[104]. Une autre mesure qui, rarement appliquée dans les temps antérieurs, le fut souvent à partir de la guerre du Péloponnèse, est l’impôt sur la fortune ou plus exactement sur le revenu (είσφορά)[105]. Tant que dura la division des classes établie par Solon, elle servit de basé i la répartition de cet impôt, bien qu’elle n’eut pas été instituée à cet effet, et que le cens ait été modifié à plusieurs reprises, Un grammairien[106] rapporte que les Pentakosiomédimnes devaient payer un talent, les Chevaliers trente mines ou la moitié d’un talent, les Zeugites dix mines, et l’on a essayé d’interpréter ce passage en ce sens qu’étant donnée une somme à percevoir de cent mines, les 6/10 incombaient aux Pentakosiomédimnes, 3/10 aux Chevaliers, et qu’il restait 1/10 à la charge des Zeugites, chaque classe devant ensuite répartir la part contributive entre tous ses membres[107]. Une semblable explication ne serait admissible que dans l’hypothèse impossible à soutenir où la fortune des Pentakosiomédimnes aurait été aussi à celle des deux autres classes dans le rapport de 6 à 4, autrement dit que les 3/5 de la fortune imposable auraient été entre les mains des Pentakosiomédimnes. La seule explication admissible est celle de Bœckh[108], d’après laquelle, pour établir l’assiette de l’impôt, on multipliait dans chaque classe le revenu par 12, c’est-à-dire que la fortune des Pentakosiomédimnes, qui avaient un revenu net minimum de 500 médimnes, était évaluée à 12 x 500 = 6.000 médimnes, en d’autres termes à 6.000 drachmes ou un talent, chaque médimne étant coté une drachme. Par la même opération, l’avoir des Chevaliers, qui récoltaient pour le moins 300 médimnes, était évalué à 3,600 drachmes, et enfin celui des Zeugites à 1,800. Toutefois cette règle, que le capital calculé sur le revenu servit intégralement de base à l’impôt, n’était pas appliquée avec la même rigueur à toutes les classes. Seuls, les Pentakosiomédimnes y étaient soumis. On ne tenait compte en réalité pour les chevaliers que des 5/6 du résultat auquel nous sommes parvenus, que des 5/9 pour les Zeugites, ce qui réduisait le capital imposable des premiers, à 3.000 drachmes, celui des Zeugites à 1.000. La somme d’après laquelle était calculée la part d’impôt afférente à chaque classe est ce qu’on appelait son τίμημα ; c’est du τίμημα qu’il est question dans le passage de Pollux. Lorsque par exemple on décrétait une contribution de 1/50, les Pentakosiomédimnes avaient à payer 1/50 de un talent, soit 120 drachmes, les Chevaliers en étaient quittes pour 60 drachmes, les Zeugites pour 20, sauf peut-être un supplément proportionnel pour ceux dont la fortune dépassait le minimum de leur classe. Les Thètes en général étaient pauvres et par suite exempts d’impôts ; mais tant que les citoyens qui ne possédaient pas de fonds de terre, ou qui en possédaient de trop exigus pour que le revenu qu’ils en tiraient leur donnât place dans l’une des classes supérieures, furent rejetés dans les rangs des Thètes, il y eut parmi ces prolétaires un certain nombre de gens aisés, et tel d’entre eux put gagner dans le commerce ou l’industrie plus que ne rapportait une propriété donnant accès à la troisième ou même à la seconde classe. Il n’y avait pas de motifs pour que les citoyens qui se trouvaient dans ces conditions et qui se multiplièrent naturellement à mesure que se développa la fortune mobilière, échappassent à l’impôt, alors même qu’au point de vue politique ils étaient confondus avec les Thètes. Par quel procédé furent-ils rangés parmi les contribuables ! Nous pouvons d’autant moins répondre à cette question que nous ne savons pas même sûrement s’il existait déjà un mode d’impôts fondé sur la classification de Solon, dans le temps où les trois premières classes n’admettaient que des propriétaires fonciers. Il est très probable qu’à l’époque où l’on trouve des traces incontestables du système que nous avons exposé plus haut, l’organisation de Solon avait été déjà modifiée. Les anciennes dénominations subsistaient[109], mais les citoyens non propriétaires n’étaient plus exclus des classes supérieures. Le capitaliste, le marchand, l’industriel, dont le revenu égalait celui des Pentakosiomédimnes, des Chevaliers on des Zeugites, appartenaient à l’une ou l’autre de ces trois classes, et jouissaient des privilèges inhérents à chacune d’elles, de même qu’ils en subissaient les charges. Le premier impôt dont, à notre connaissance, ait été frappé le revenu remonte à l’année 428 (Olymp. 88, 4)[110]. Pour dire vrai, on ne sait pas au juste si ce fut en effet le premier de tous, ou seulement le premier, à partir de la guerre du Péloponnèse. Quoiqu’il en soit, il subsista jusqu’à l’archontat du Nausinikos (Olymp. 100, 3, av. J.-C. 378), où un nouveau système fut introduit, qui est resté pour nous lettre close. Les cieux seules données qui nous soient parvenues, c’est que dans la classe opulente le τίμημα portait sur le cinquième de la fortune[111], et que le τίμημα du pays entier formait un total de 6.000 talents en chiffres ronds, ou plus exactement de 5.750[112]. Il se peut que cette expression désigne, comme dans l’ancien mode de contribution décrit plus haut, une part déterminée de la fortune publique. Bœckh l’a entendu ainsi, et, partant de là, il a tenté de retrouver le capital imposable dans les autres classes. Les 5.750 talents représenteraient, dans cette hypothèse, l’ensemble des quotes-parts servant de base à l’impôt, sur toute la surface du territoire. Mais il est fort possible aussi que le mot τίμημα ait un autre sens, et désigne le revenu que la propriété produisait ou était censée produire, et d’après lequel on aurait calculé l’impôt. Si par exemple, pour une fortune de 15 talents qui était le cens de la première classe, le τίμημα est fixé à trois talents, cela suppose que le produit était calculé sur le pied de 20 p. cent, ce qui n’a d’ailleurs rien d’invraisemblable d’après ce qu’on a vu plus haut sur la valeur du capital[113]. Sans doute ces évaluations n’étaient pas rigoureusement proportionnelles : il est probable que le τίμημα était établi, pour des fortunes moins considérables, d’après un taux moins élevé, peut-être à 10 ou seulement même à 5 pour cent. Dans le cas où l’on préférerait cette seconde interprétation, les 5.750 talents représenteraient là somme des revenus présumés, sur lesquels était assis l’impôt[114]. Nous sommes un peu mieux renseignés sur une institution créée vers la même époque pour faciliter la rentrée des contributions extraordinaires, c’est-à-dire sur les associations appelées Symmories. Dans chacone des 10 tribus on élisait un collège de 120 citoyens, pris parmi les plus riches, lequel se divisait en 2 Symmories. Il y avait donc 20 Symmories, comprenant 1.200 personnes. Dans ce nombre, on en choisissait de nouveau 15 par Symmorie, soit au total 300. Ces 300 citoyens étaient chargés d’avancer les impôts que devaient rembourser les autres membres des Symmories. Cela ne veut pas dire que ceux-ci fussent seuls contribuables. Tous les citoyens qui n’étaient pas exemptés comme indigents ou par une faveur spéciale étaient soumis à l’impôt, et rattachés aux diverses Symmories, non à la vérité comme Symmorites, mais comme tenus au remboursement des avances faites pour eux, dans la mesure de leurs moyens[115]. Cette organisation avait évidemment pour but de faciliter la perception de l’impôt, mais elle prêtait à de graves abus, les Symmorites restant libres de distribuer les charges arbitrairement et de s’exonérer eux-mêmes, au détriment des citoyens pauvres. Pour l’expédition des affaires, chaque Symmorie avait ses présidents (ήγεμόνες), ses curateurs (έπιμεληταί) et ses répartiteurs (διαγραφεΐς ou έπιγραφεΐς). L’autorité supérieure à laquelle incombait la surveillance des Symmories était les Stratèges, en raison de la destination purement militaire des contributions qu’elles étaient chargées de percevoir. Aux Stratèges appartenait aussi la présidence du tribunal chargé de juger les procès qui pouvaient surgir entre les imposés, soit pour les avances auxquelles étaient tenus les Trois-Cents, soit que quelque citoyen réclamât contre la pari, qui lui était faite, et voulût en rejeter le fardeau sur un autre, auquel cas il n’avait qu’à offrir l’échange des fortunes. Nous reviendrons sur cette combinaison, à propos de la Triérarchie. Les étrangers domiciliés étaient aussi soumis aux contributions de guerre ;et partagés en Symmories. Nous ne savons rien de plus sur ce sujet[116]. Ce n’est pas seulement par des contributions en espèces que l’État pourvoyait à ses besoins, mais aussi à l’aide de diverses prestations (λειτουργίαι), qui, sans enrichir le trésor, lui épargnaient au moins des dépenses[117]. On distinguait les Liturgies ordinaires (έγκύκλιοι), qui revenaient régulièrement chaque année, même en temps de paix, et se rattachaient toutes au culte et aux fêtes publiques[118], et les Liturgies extraordinaires, consacrées à l’entretien de la flotte. Parmi les premières, la plus importante est la Chorégie, c’est-à-dire la formation d’un chœur destiné à figurer dans les fêtes que rehaussaient des représentations scéniques, tragédies, drames satiriques ou comédies, des hymnes ou des dithyrambes, les sons de la cithare et de la flûte, et des danses telles que la pyrrhique et autres. Le Liturge ou Chorège devait réunir le personnel des chœurs, payer ceux qui ne remplissaient pas eux-mêmes un service public, les faire instruire et exercer, les nourrir durant ce temps et leur fournir les costumes et les accessoires nécessaires[119], toutes choses qui, eu égard au nombre et à la magnificence des chœurs, exigeaient des dépenses considérables, sans compter les soins et la peine. Nous voyons par exemple qu’on avait payé pour deux. Chorégies tragiques 5.000 drachmes et pour une seule jusqu’à 3.000. En revanche, un chœur cyclique ou dithyrambique n’avait coûté que 300 drachmes ; un chœur composé de jeunes garçons dansant la pyrrhique en avait coûté 700 ; un chœur comique avait atteint le chiffre de 1,600. En admettant que les Chorèges en fissent souvent plus qu’on ne leur en demandait, soit par amour de l’art, soit pour capter la faveur populaire, cette Liturgie n’en était pas moins en général taie charge très onéreuse. Aussi au temps de Démosthène, lorsque commença le déclin de la prospérité publique, il devint difficile de trouver des Chorèges en nombre suffisant, et l’État fut réduit à se charger lui-même de la Chorégie. Par la même raison plusieurs chœurs furent supprimés ; on le sait au moins pertinemment en ce qui concerne la comédie. Une autre Liturgie, analogue à la précédente, quoique moins dispendieuse, était la Gymnasiarchie, en usage dans les fêtes où l’on célébrait des jeux gymniques[120]. Le Gymnasiarque avait, à ce qu’il paraît, le devoir de faire exercer dans les gymnases ceux qui se présentaient comme lutteurs, de les défrayer tant que durait cet entraînement, de disposer d’une façon convenable et d’orner l’emplacement du combat. Dans certaines fêtes, il était d’usage de disputer des prix en courant à pied ou à cheval, avec des torches allumées ; les dépenses de ces jeux constituaient une liturgie analogue à la Gymnasiarchie, et désignée sous le nom spécial de Lampadarchie. Lysias rapporte que dans les Prométhénnes, une des fêtes qui se célébraient à la lueur des torches, un Gymnasiarque n’avait pas dépensé moins de douze cents drachmes. Nous devons mentionner aussi l’Archéthéorie, qui consistait à envoyer une théorie chargée de représenter l’État dans les solennités étrangères, et dont les frais étaient supportés en partie par le trésor public, en partie par l’Archéthéoros à qui, s’il voulait bien faire les choses, il en coûtait une somme assez considérable[121]. Il existait encore d’autres prestations liturgiques moins connues, comme par exemple l’Arrhéphorie, dont nous savons seulement qu’elle se rattachait à la procession faite en l’honneur d’Athéna durant les fêtés de Skirophorion, dans lesquelles figuraient sous le nom d’Arrhéphores, quatre jeunes filles choisies parmi les familles les plus illustres, et chargées de travailler au péplos de la Déesse. Telle était aussi une sorte de liturgie triérarchique, instituée pour fournir aux dépenses des courses de chars et des combats navals simulés. Il y en avait d’autres encore ; quelques-unes même s’accomplissaient dans le cercle restreint des tribus et des dêmes. Ainsi à certaines solennités on offrait des banquets aux membres de son dême ou de sa tribu et des fêtes spéciales aux différents dêmes exigeaient une mise en scène pour laquelle on désignait des Chorèges et des Gymnasiarques[122]. La loi n’assujettissait à ces Liturgies, du moins à celles qui intéressaient tout l’État, que les citoyens aisés possédant plus de trois talents. Encore faisait-elle exception pour ceux qui avaient placé leur avoir dans les exploitations minières, parce qu’ils avaient de ce chef d’autres impôts à payer[123]. Quelques-uns étaient exemptés aussi par une faveur particulière ; d’autres devaient leur immunité à leurs fonctions, par exemple les Archontes en exercice. Les orphelines non mariées étaient aussi dispensées des liturgies ; les jeunes garçons orphelins jouissaient de la même prérogative une année encore après leur majorité. Nul n’était tenu d’accomplir deux. Liturgies par an, ou d’accomplir la même deux armées de suite[124]. Il existait des règlements pour déterminer l’ordre dans lequel devaient être appelés les citoyens passibles des Liturgies, ce qui n’empêchait pas qu’a chaque renouvellement des appréciations contradictoires se produisissent, sur lesquelles les tribus avaient à se prononcer après examen, car chacune d’elle devait fournir un Liturge. Le citoyen qui n’acceptait pas leur décision et prétendait avoir été mis en réquisition à la place d’un autre pouvait, à l’occasion de toutes les obligations liturgiques indistinctement, proposer l’échange des biens, comme on l’a vu pour l’είσφορά et la Triérarchie. Delà naissaient souvent des procès dont le jugement appartenait au magistrat dans les attributions de qui rentraient les fêtes auxquelles se rattachaient les Liturgies. Plus importante et plus coûteuse que toutes les liturgies ordinaires était la Triérarchie, qui consistait à équiper un bâtiment de guerre. Le nom était resté le même, depuis que les Athéniens avaient. des galères non plus seulement à trois rangées mais à quatre, à cinq et jusqu’à trente rangées de rameurs[125]. Avant la guerre médique, le nombre des bâtiments de guerre était fort peu considérable ; chacune des quarante-huit ou, depuis Clisthène, des cinquante Naucraries, devait en équiper un[126], mais nous ne savons comment on procédait. Plus Lard, lorsque la flotte fut augmentée ; et qu’Athènes fut devenue surtout puissance maritime, les Naucraries n’existaient plus. Ce fut, dit-on, Thémistocle qui, au moment où il persuada à ses concitoyens d’appliquer à la flotte les revenus des mines du Laurion, imagina cette combinaison que cent citoyens choisis dans la classe opulente se partageraient cent talents, moyennant quoi chacun d’eux fournirait une trirème[127]. Plus tard, les Stratèges désignèrent ceux à qui incombait la Triérarchie, non sans doute sans être astreints à suivre un certain roulement, sur lequel nous n’avons aucune donnée. Naturellement les plus riches étaient seuls soumis à cette charge ; les mots de fortune triérarchique sont souvent employés pour désigner une fortune considérable, mais nous ignorons quelle devait en être au juste l’importance. Si, comme lé dit un passage du petit livre sur la Cité Athénienne, attribué à Xénophon[128], on nommait par année quatre cent Triérarques, on peut compter que l’on équipait un même nombre de navires ; il y a trace cependant de Syntriérarchies, c’est-à-dire que deux citoyens se cotisaient pour en équiper un seul. Le premier exemple de ces associations se présente dans l’année 411 (Olymp. 92, 2)[129]. L’État livrait la coque et la mâture du navire ; les Triérarques fournissaient les agrès et l’équipage, et se chargeaient en outre des réparations ; toutefois la solde restait à la charge du trésor, qui plus tard prit aussi à son compte les agrès ; mais il arriva souvent que des Triérarques, jaloux de se montrer zélés pour le bien public, ne profitèrent pas de cette facilité, tandis que d’autres au contraire, pour alléger le fardeau, se procuraient à forfait un remplaçant, qui naturellement s’en tirait au meilleur marché possible[130]. Comme on avait longtemps souffert de la mauvaise qualité des agrès et des retards quelquefois indéfinis que l’on mettait à les livrer, on s’avisa en 368 (Olymp. 405, 3) d’appliquer à la Triérarchie le système des Symmories en usage pour l’είσφορά. Ici une question se présente : les mêmes Symmories servaient-elles à un double but, ou existait-il pour les Triérarchies des Symmories spéciales, créées sur le modèle des autres. La première hypothèse parait la plus vraisemblable[131], à condition d’admettre que la Liturgie ne portait que sur les membres riches des Symmories et non sur les pauvres qui leur avaient été adjoints pour la contribution de l’είσφορά. A chaque Symmorie était attribué un certain nombre de navires, à répartir entre le" imposables qui, pour en équiper un, se cotisaient en plus ou moins grand nombre, et qui, comme membres d’une même association, étaient appelés συντελεΐς ; mais dans cette combinaison, les trois cents citoyens, placés par leur fortune à la tète de leur Symmorie, trouvaient moyen de rejeter sur les autres la plus grande partie des charges. Pour obvier à cet abus, Démosthène proposa de ramener la Triérarchie à une contribution régulièrement inscrite au cadastre. La prestation par Symmorie fut abolie, et tous les citoyens, à l’exception des indigents, furent tenus d’aider à l’entretien de la flotte proportionnellement à leurs ressources, en partant de ce point que la possession de dix talents obligeait à l’équipement d’un navire. Pour une fortune double, l’obligation était double aussi, et ainsi de suite. Ceux au contraire qui possédaient moins de dix talents s’associaient en nombre suffisant, et chacun contribuait dans la mesure de ses facultés[132]. L’obligation de la Triérarchie durait comme autrefois une année, moyennant quoi on était dispensé, l’année d’après, et quelquefois même les deux années suivantes ; mais tout le monde ne faisait pas valoir cette immunité[133]. Les frais annuels pour un navire variaient de quarante mines à un talent. La prestation accomplie, le Triérarque qui avait équipé et monté le bâtiment devait obtenir quittance des Logistes, ce qui est tout simple, puisqu’il était tenu de rendre en bon état la coque et les agrès qui lui avaient été confiés, outre qu’il avait reçu de l’argent sur la caisse de l’État, soit pour la solde de l’équipage, soit pour d’autres dépenses[134]. Les magistrats chargés de reprendre livraison des bâtiments et des agrès étaient les Épimélètes des néories. Faute par le Triérarque de se mettre en règle, ils le citaient en justice[135]. Le Triérarque était tenu de rester sur son bord jusqu’à ce qu’il fût relevé par son successeur. Mais si le remplacement ne s’effectuait pas au moment fixé par la loi, il pouvait, pour le tort que lui causait ce retard, introduire une action intitulée δίκη τοΰ έπιτριηραρχήματος[136]. Lorsqu’un citoyen désigné pour remplir les obligations de la Triérarchie pouvait établir que cette charge devrait retomber plus justement sur un autre, il était en droit de demander l’échange des biens (άντίδοσις) ; il en était d’ailleurs de même pour les autres Liturgies[137]. En pareil cas, le demandeur saisissait les biens de la partie adverse, et mettait les scellés sur sa maison, sauf au défenseur à prendre les mêmes mesures préventives. Dans les trois jouis qui suivaient, les deux antagonistes fournissaient un inventaire de leurs biens, et affirmaient par serment la sincérité de leurs déclarations. Quand l’un persistait à demander l’échange, et l’autre à le refuser, l’affaire était portée devant les tribunaux, et conduite par les stratèges, s’il s’agissait de Triérarchie, par d’autres magistrats pour les autres prestations Liturgiques. Les juges avaient à se prononcer sur la question de savoir si le défendeur devait être tenu d’accepter la charge ou de consentir à l’échange, ou bien si le demandeur au contraire serait débouté de ses prétentions, et forcé d’accomplir l’obligation qui lui avait été imposée. Il est certain que les échanges avaient très rarement lieu, en supposant même qu’il y en eût des exemples, le défendeur aimant mieux, lorsque les juges le mettaient en demeure de choisir, en passer par les Liturgies que de se prêter au troc des fortunes ; toutefois ces sortes d’affaires arrivaient souvent jusqu’aux tribunaux. En jetant, à la fin de ce chapitre, un regard d’ensemble sur les prestations auxquelles les citoyens riches étaient soumis, on peut être tenté de donner raison à l’auteur du traité sur la République athénienne, lorsqu’il dit que le dêmos s’était donné pour but d’appauvrir les riches et de détruire leur prépondérance en leur imposant des sacrifices qui, en ce qui concerne du moins les liturgies ordinaires ou encycliques, ne profitaient qu’à lui et ne servaient qu’à ses plaisirs. Examinées sans prévention, les choses peuvent cependant apparaître sous un point de vue un peu différent. Il est certain que si les Liturgies n’étaient pas réparties avec ménagement et dans un esprit de justice, elles pouvaient être écrasantes, et elles le furent en effet quelquefois. On ne peut douter non plus que, par vanité et pour capter la faveur populaire, beaucoup de citoyens se donnèrent l’apparence d’une fortune qu’ils ne possédaient pas. Mais à la condition que les charges fussent distribuées suivant le vœu de la loi, et qu’on se bornât à observer ses prescriptions en se gardant de toute prodigalité, les frais des Liturgies ne dépassaient pas ce que les citoyens riches pouvaient prendre sur leur revenu, sans entamer le capital. Rappelons-nous en effet que le produit de l’argent était dans l’antiquité beaucoup plus considérable que de nos jours, que les bénéfices des capitalistes s’accroissaient, grâce à l’esclavage, du bon marché de la main d’œuvre, et qu’enfin une somme placée dans des circonstances favorables était facilement doublée en quelques années ; nous arriverons ainsi à cette conclusion que le rapport entre les ressources des citoyens et les dépenses des Liturgies n’était pas, à moitié près, ce qu’il serait dans les conditions de la vie moderne. |
[1] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 17-19.
[2] Démosthène, c. Leptine, § 167 ; c. Timocrate, § 212.
[3] Voy. Hultsch, Metrologie, p. 424.
[4] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 35, et Metrolog. Untersuch., p. 135.
[5] Plutarque, Solon, c. 23 ; cf. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 104.
[6] Démosthène, c. Phænippos, p. 1048 ; cf. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 133.
[7] Voy. Bœckh, ibid., p. 131.
[8] Démosthène, c. Phormion, p. 918 ; Aristophane, Ecclesiaz., v. 543 ; cf. Bœckh, Staatshaush., p. 132.
[9] Voy. Bœckh, ibid., p. 137 et suiv.
[10] Voy. Bœckh, ibid., p. 105.
[11] Isée, Or. 5, § 43 ; Aristophane, Nubes, v. 20 et 1226.
[12] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p, 96.
[13] Voy. Bœckh, ibid., p. 99.
[14] Voy. Bœckh, ibid., p. 89.
[15] Voy. Bœckh, Staatshaush., p. 94 et suiv.
[16] Plutarque, de Tranquill. animi, c. 10.
[17] Aristophane, Plutus, v. 983 et 984.
[18] Lucien, Dial. Meretr., 7 et 14.
[19] Aristophane, Ecclesiaz., v. 436 ; cf. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 148.
[20] Pollux, IX, c. 58 ; cf. Bœckh, ibid.
[21] Voy. Rodbertus, der Sachwerth des Geldes im Alterth., dans le Jahrbuch f. Nationalœkonomie d’Hildebrand, 8e année, 5e liv.
[22] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 157.
[23] Voy. Bœckh, ibid., p. 181 et suiv.
[24] Isée, Or., XI, 5 43.
[25] Démosthène, c. Aphobos, I, p. 831 ; cf. Bœckh, ibid., p. 200.
[26] Aristophane, Vespæ, v. 689.
[27] Aristophane, Acharn., v. 66 ; voy. aussi Démosthène, de falsa Legat., p. 390, où les frais d’une ambassade composée de dix personnes, dont l’absence avait duré moins de deux mois et demi, sont fixés à 1.000 drachmes. Voy. aussi Schæfer, Demosth., t. II, p. 226 et 236.
[28] Aristophane, Aves, v. 1023 ; Harpocration, s. v. έπίσκοπος ; cf. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 534.
[29] Διχόθεν μισθοφορεΐν (Démosthène, c. Timocrate, p. 739).
[30] Hérodote, III, c. 131. Sur les médecins publics, on peut consulter Aristophane, Acharn., v. 1043 ; le schol. de Platon, Polit., p. 239 A ; Schneider, dans ses Notes sur la Politique d’Aristote, p. 108, et Hermann, dans son édit du Chariklès de Becker, t. III, p. 50, où il nie avec raison qu’une autorisation de l’État fût nécessaire sur tout le territoire de la Grèce pour l’exercice de, la médecine.
[31] Voy. Athénée, VI, c. 52, p. 247, où l’on explique l’expression de έκκλησιαστής οίκόστος par les mots ό μή μισθοΰ άλλά προΐκα τή πόλει ύπηρετών. Il n’était pas venu à l’esprit des anciens d’interdire le refus de l’indemnité attaché aux services publics ; c’est là un scrupule propre aux démocraties modernes.
[32] Aristophane, Vespæ, v. 660.
[33] Voy. Bœckh, Staashaush., t. I, p. 306 et suiv.
[34] Corpus Inscr. Gr., n° 147.
[35] Voy. Staatshaush., t. I, p. 315, où Bœckh ajoute que, même dans les bons temps de la république, c’est-à-dire avant que la décadence fût sensible, la somme qu’il indique put être doublée ou même triplée.
[36] Æschine, c. Ctésiphon, p. 417 ; voy. aussi Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 251 ; Schæfer, Demosth., t. I, p. 177, 181 et suiv.
[37] Voy. Schæfer, Demosth., t. I, p. 185.
[38] Démosthène, c. Léoclarès, p. 1091.
[39] Plutarque, Solon, c. 31 ; Schol. d’Æschine, t. III, p. 738 ; Harpocration, s. v. άδύνατοι ; voy. aussi Bœckh, ibid., p. 342 et suiv.
[40] Philochoros, cité par Harpocration, s. v. άδύνατοι, dans les Fragm. Histor., de Müller, t. I, n° 67 et 68.
[41] Voy. Bœckh, Staatshaush., p. 346.
[42] Ibid., p. 124.
[43] Xénophon, Hipparchichos, c. 1, § 19. Voy, aussi le Philologus, t. XV, p. 69 et suiv., où Sauppe combat avec raison l’opinion de Bake que la κατάστασις n’aurait été payée que sous le gouvernement des Trente. Les arguments qu’a fait valoir Bake (Verslagen en Medeel., V. 45 et 306) sont de peu de valeur.
[44] Voy. Bœckh, Staatshaush., p. 368.
[45] Voy. Bœckh, Urkunde, p. 76 et 78 ; Meier, Comment. epigr., t. I, p. 43.
[46] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 339 et suiv.
[47] Voy. Herbst, die Schlacht bei den Arginusen, p. 30.
[48] Plutarque, Thémistocle, c. 4 ; Diodore, XI, c. 43.
[49] Pseudo-Plutarque, Vies des dix Orat., p. 852 G.
[50] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 283.
[51] Thucydide, II, c. 13.
[52] Pseudo-Xénophon, de Civit. Athen., c. 3, § 8.
[53] Corpus Inscr. Gr., n° 157 ; cf. Staatshaush., t. I, p. 297.
[54] Corpus Inscr. Gr., n° 147 ; cf. Staatshaush., t. II, p. 6.
[55] Démosthène, Philipp., I, p. 50.
[56] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 299 et suiv.
[57] Corpus Inscr. Gr., n° 458 ; cf. Staatshaush., t. II, p. 95.
[58] Valère Maxime, II, c. 6 § 3.
[59] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 41.
[60] Voy. de Comitiis, p. 335.
[61] Démosthène, p. Leptine, § 70. La statue de Solon, mentionnée par Pausanias (I, c. 16, § 1), et par Elien (Var. Hist., VIII, c. 16) ne fut sans cloute érigée que plus tard ; Voy. Westermann, de publ. Athen. honor., p. 15, et Bergk, dans les Jahrbücher für Philol., t. LXV, p. 395.
[62] Un fragment d’un décret remontant au milieu de la 80e olymp., qui concerne les repas du Prytanée et cite les noms des personnages autorisés à y vivre, avait été publié déjà par Pittakis et par Rangabé, Il a été réimprimé par R. Schœll dans la dissertation insérée au t. VI de l’Hermès, où ce sujet a été traité avec tous les détails qui ne peuvent trouver place ici.
[63] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 319.
[64] Voy. ibid., p. 355.
[65] Voy., ibid., p. 377 et suiv.
[66] Thucydide (VI, c. 8) compte 60 talents par mois, pour la solde de 60 vaisseaux.
[67] Thucydide, I, c. 116 et 117 ; Isocrate, de Permutat., § 111 ; Diodore, XII, c. 28 ; Corn. Nepos, Timothée, c. 1.
[68] Thucydide, II, c. 70.
[69] Aristophane, Vespæ, v. 660.
[70] Thucydide, II, c. 16.
[71] Voy. Andocide, de Pace, p. 93, avec lequel s’accorde Æschine (de falsa Legat., p. 337) ; voy. aussi Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 587.
[72] Pseudo-Plutarque, vit. Decem Orat., p. 842 E ; cf. Schæfer, Demosth., t. III, p. 102.
[73] Sur les mines du Laurion, voy. la dissertation de Bœckh, dans les Mémoires de l’Acad. de Berlin, 1815 ; cf. Staatshaush,, t. I, p. 420, et Xénophon, de Redit., c. 4.
[74] Strabon, IX, c. 1, p. 399.
[75] Il n’est pas douteux qu’Hérodote, dans le passage où il est question de la mesure de Thémistocle (VII, c. 144), ne veuille parler d’une distribution annuelle, bien que la somme à partager, qui devait fournir dix drachmes pour chaque citoyen, et s’élever à quarante talents, soit trop considérable pour n’être que le revenu régulier d’une année. Peut-être, par suite de circonstances extraordinaires, des fonds représentant file prix de nouveaux puits furent-ils joints au produit annuel. Voy. Curtius, Hist. gr., t. II, p. 257 et 533.
[76] Xénophon, de Redit., c. 4, § 19.
[77] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 415, et t. II, p. 52.
[78] Ælien, Var. Hist., VI, c. 1 ; cf. Bœckh, ibid., t I, p. 416.
[79] Voy. les Notes de Markland sur Lysias, p. 269 R, et Bœckh, ibid.
[80] Voy. Bœckh, ibid., p. 448.
[81] Voy. Bœckh, Staatshaush., p. 450.
[82] Voy. Bœckh, ibid., t. I, p. 1140, et t. II, p. 367 et 348. Cf. Stobée, Floril., tit. 44, 22, p. 280 (p. 201 éd. Gaisford.)
[83] Les mots έολλαΐς έκατοσταΐς d’Aristophane (Vespæ, v. 656) donnent l’idée d’impôts sur les denrées, qui paraissent avoir été désignés sous le nom général d’έπώνια ; voy. Lexicon Seguer., p. 255 ; cf. Bœckh, Staatshaush., t. II, p. 439, et Kirchhoff, dans les Monastsber. der Berl. Akad. der Wissensch., 1865, p. 543.
[84] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 448.
[85] Ibid., p. 425 et suiv.
[86] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 431.
[87] Andocide, de Mysteriis, p. 65 ; cf. Bœckh, ibid., p. 427 et suiv.
[88] Voy. Bœckh, ibid., p. 451 et suiv.
[89] Ces amendes rentrent dans la catégorie des προσκαταβλήματα ou frais accessoires, imposés à ceux qui ne versaient pas en temps utile les sommes dont ils étaient redevables à la caisse de l’État ou aux caisses des temples. Lorsque les caisses des temples étaient créancières, les frais supplémentaires s’élevaient au décuple de la somme principale. Voy. Schæfer, Demosth., t. I, p. 342.
[90] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 404 et suiv.
[91] Thucydide, VI, c. 91.
[92] Plutarque, Périclès, c. 12.
[93] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 626.
[94] Voy. Bœckh, Staatshaush., p. 621, et Kœhler, dans les Monatsber. der Berlin. Acad. der Wissensch., 1865, p. 214.
[95] Voy. Bœckh, ibid., t. I, p. 211 ; 243 et t. II, p. 582.
[96] Voy. Bœckh, ibid., t. I, p. 411, et t. II, p. 588.
[97] Voy. Bœckh, ibid., Grote (Hist. de la Grèce, t, XI, p. 205 et 206 de la trad. franç.) croit pouvoir tirer d’un passage d’Hérodote (VI, c. 5) la conclusion que ce péage remontait au temps où les Perses avaient encore la prépondérance ; mais en lisant le passage d’Hérodote, on peut se convaincre qu’il s’agit de vaisseaux capturés, non de péage. Il est plus surprenant encore de voir Grote chercher dans l’article joint au mot δέκατην (Xénophon, Hellen., I, 5 22) la preuve que cette dîme existait antérieurement.
[98] Voy. Schæfer, Demosth., t. I, p. 28.
[99] On a vu plus haut que les ταμίαι τών στρατιωτικών mentionnés, bien que rarement, dans la période postérieure à la réforme d’Euclide, paraissent avoir formé une magistrature extraordinaire qui ne fonctionnait pas en temps de paix.
[100] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 766.
[101] Voy. Bœckh, Ibid., p. 581 et Suiv.
[102] Démosthène, c. Midias, p. 566, § 161 ; Isée, Or., 5, § 37 ; cf. Schœmann, de Comitiis, p. 282, et Meier, Comment. epigr., t. I, p. 776.
[103] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I. p. 776.
[104] Voy. Bœckh, ibid., p. 46 et 74.
[105] On peut conclure du Trapeziticos d’Isocrate que non seulement les étrangers établis dans Athènes à poste fixe, mais aussi ceux qui n’y faisaient qu’un court séjour étaient astreints à l’είσφορά, pourvu qu’il eussent des capitaux et s’occupassent d’affaires. On y lit en effet que le fils d’un personnage considérable du Pont, qui était venu à Athènes pour faire du négoce et voir du pays et qui certainement n’était pas entré dans la classe des métèques, puisqu’il se donne encore comme οίκών έν τώ Πόντω, déclare qu’il avait dû payer l’είσφορά, et s’était imposé lui-même, ce qui n’était d’ailleurs possible qu’avec le concours du contrôleur public ; voy. § 3, 4, 41 et 56.
[106] Pollux, VIII, c. 130.
[107] Voy. Hüllmann, Griech. Denhwürdigk., p. 52
[108] Voy. Bœckh, Staathshaush., t. I, p. 653. Ce n’est pas le lieu d’examiner ici les objections proposées par Telfy, Corp. Jur. Att., p. 531-535.
[109] Une inscription un peu postérieure à Euclide et publiée par Rangabé (Antiq. Hellen., n° 2323, 12), mentionne encore les Pentakosiomédimnes.
[110] Thucydide, III, c. 19.
[111] Démosthène, c. Aphobos, I, p. 815, 10 ; II, p. 836, 25 ; et III, p. 862, 7 ; cf. Bœckh, Staatshaush., t. I, p, 667 et suiv.
[112] Polybe, II, c. 62.
[113] L’expression de Polybe, τό τίμημα τής άξίας paraît s’appliquer au capital imposable.
[114] Bake a exposé (Schol. Hypomn., IV, p. 137), une explication qui s’écarte de celle de Bœckh. Quelle est au juste cette explication, je ne saurais le dire, attendu que je n’y ai rien compris, et je soupçonne M. Bake de n’être guère plus avancé que moi.
[115] Voy. Staatshaush., t. I, p. 688, où Bœckh se rallie à l’opinion exprimée dans les Antiq. Jur. publ. Græc., p. 323.
[116] Bœckh (ibid., t, I, p. 695 et suiv.) est disposé à croire que les étrangers domiciliés devaient acquitter en moyenne un τίμημα de 16 pour cent.
[117] C’est-à-dire prestations à l’usage du peuple, de λεΐτον et έργον. λεΐτος (λέϊτος, λήϊτος) vient en effet de λεώς (λαός) et est synonyme de δημόσιος.
[118] Démosthène, c. Leptine, § 125.
[119] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 600 et suiv.
[120] Voy. Bœckh, Staatshaush., p. 609 et suiv.
[121] Voy. Bœckh, ibid., p. 309.
[122] Voy. Bœckh, Staatshaush., p. 816, et les remarques de Schœmann sur Isée, p. 221, 265 et 387.
[123] Voy. Bœckh, ibid., p. 422.
[124] Voy. Antiq. Jur. publ. Græc., p. 329, n° 16-19.
[125] On est fondé à ranger la triérarchie parmi les liturgies extraordinaires, bien que tous les ans, on désignât des triérarques, ainsi que le remarque Curtius (t. II, p. 528). Tous les élus en effet ne supportaient pas nécessairement les charges de la triérarchie ; cela dépendait des circonstances. La prestation était exigible par exemple en temps de guerre, ou lorsque la présence des pirates rendait nécessaire de convoyer les navires marchands. La nomination n’était qu’un avertissement de se tenir prêt à équiper la galère et à prendre la mer au premier signal. En temps de paix, il pouvait arriver que durant tout le cours d’une année aucun triérarque rie fût mis en demeure d’accomplir ses obligations ou que du moins on n’eût recours qu’à un petit nombre d’entre eux. D’autre part, ces obligations n’étaient pas bornées à l’année courante ; elles duraient jusqu’à ce qu’elles reçussent un commencement d’exécution et une année au delà ; voy. Bœckh, Urkunde, p. 167 et 171. La triérarchie se distinguait encore des liturgies ordinaires, qui toutes avaient trait à la célébration des fêtes, en ce qu’on ne pouvait en être exempté, non plus que de l’είσφορά ; cf. Démosthène, p. Leptine, § 18, 26 et 27.
[126] Ainsi, dans la guerre contre Ægine, peu de temps avant la première guerre médique, les Athéniens n’avaient que 50 navires auxquels les Corinthiens en ajoutèrent 20 ; voy. Hérodote, VI, c. 89.
[127] Polyen, I, c. 30, § 5, p. 64, éd. Maasvicius.
[128] Pseudo-Xénophon, de Republ. Athen., c. 3, § 4 ; voy. aussi, sur le nombre des vaisseaux, Strabon, IX, p. 395.
[129] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 710.
[130] Voy. Bœckh, ibid., p. 717.
[131] Voy. Antiq. Jur. publ. Græc., p. 327 ; Sauppe, Epist. crit. ad. G. Hermann, p. 130 ; Vomel, dans la Zeitsch. für die Alterth. Wissensch., 1852, p. 38 ; Bake, Schol. Hypomn., IV, p. 136 ; Westermann, dans ses notes sur la 2e Olynth. de Démosthène (§ 29). Mais voy. aussi en sens contraire Bœckh, Staatshaush., t. I. p. 681 et 727, et Urkunde, p. 178.
[132] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I. p. 727 et suiv.
[133] Voy. Bœckh, ibid., p. 102, et Urkunde, p. 171.
[134] Voy. Bœckh, ibid., p. 706.
[135] Voy. Bœckh, Urkunde, p. 491 et 534.
[136] Voy. Schœmann, der Attische Process., p. 551.
[137] Voy. Bœckh, Straatshaush., t. I, p. 749 et suiv.