§ 2. — Les Métèques. Les Métèques étaient des hommes libres qui résidaient en Attique sans y avoir droit de cité. Leur nombre, dans les plus beaux temps de la république, pouvait s’élever à quarante-cinq mille, ils étaient donc à peu près vis-à-vis des citoyens, dans le rapport de un à deux. Les nombreux avantages dont Athènes pouvait se prévaloir’ sur toutes les villes de la Grèce, en renflaient pour beaucoup de monde le séjour plus souhaitable que celui même de la patrie[1] ; mais surtout l’heureuse situation de la ville, les ressources et les débouchés qu’elle offrait à l’industrie et au commerce invitaient les barbares aussi bien que les Grecs à y fonder des établissements définitifs, ou du moins à y prolonger leur résidence : Xénophon cite en particulier les Lydiens, les Phrygiens, les Syriens et les Phéniciens[2]. L’État comprenait trop bien l’utilité qu’il pouvait tirer de cette population laborieuse pour refuser de l’accueillir. Aussi Athènes avait-elle la réputation d’être plus bienveillante envers les étrangers que la plupart des autres cités, et de leur rendre la vie plus facile, sans toutefois déguiser tout à fait la médiocre estime que les Grecs en général professaient pour les barbares. Les Métèques ne pouvaient ni devenir propriétaires dans l’Attique, ni contracter des unions légales avec la bourgeoisie. Ils étaient obligés de se choisir parmi les citoyens un patron qui paraît avoir rempli le rôle d’intermédiaire entre eux et l’État, et sans le concours duquel ils ne pouvaient introduire aucune instance devant les tribunaux. Toutefois, l’affaire une fois engagée, ils reprenaient leur liberté d’action[3]. Il est probable qu’ils étaient tenus de reconnaître cette protection, mais nous ne savons de quelle manière ils s’acquittaient. Celui qui ne s’était pas assuré l’appui d’un patron pouvait être poursuivi criminellement (γραφή άπροστασίου), et en cas de condamnation, vendu comme esclave[4]. Le même danger menaçait le Métèque qui n’acquittait pas l’impôt appelé μετοίκιον, lequel était de douze drachmes par an pour les hommes et de six pour les femmes jouissant d’un domicile propre, c’est-à-dire qui n’habitaient pas en commun avec un mari ou des enfants. A cette somme s’ajoutaient trois oboles pour le greffier[5]. Les Métèques qui avaient une, boutique sur lé marché étaient en outre soumis à un droit de patente dont étaient affranchis les citoyens[6]. Ils devaient également leur part des contributions extraordinaires (είσφοραί) qui en temps de guerre n’étaient pas rares, et n’étaient pas davantage exempts de certaines liturgies que nous ne sommes pas en mesure de préciser. Dans les fêtes publiques où se déployaient des processions, ils devaient fournir un nombre d’hommes fixé d’avance qui suivaient le cortège en portant, les uns des parasols, les autres des vases et des paniers[7]. Enfin ils servaient sur la flotte aussi bien que dans l’armée de terre, et avaient rang parmi les hoplites ; seule, la cavalerie leur était fermée[8]. Les Métèques qui avaient rendu des services à l’État obtenaient en récompense remise de l’impôt spécial qui pesait sur eux et étaient dispensés du patronage ; ils pouvaient même devenir propriétaires. Ils n’avaient plus alors à supporter que les charges auxquelles étaient soumis tous les citoyens, d’où leur venait le nom de ίσοτελεΐς, mais ils n’entraient pas pour cela en possession des droits actifs que conférait la seule bourgeoisie[9]. L’isotélie n’était prononcée qu’en vertu d’une décision du peuple. La qualité même de métèque ne pouvait être obtenue sans l’intervention de l’autorité publique ; on ignore d’ailleurs quels étaient les, magistrats compétents, car la conjecture d’après laquelle l’Aréopage aurait été juge de ces questions repose sur une interprétation inexacte du passage que l’on cite à l’appui[10]. |
[1] Voy. les vers de Lysippe, conservés par Dicéarque, dans les Fragm. hist. Gr., de Müller, t. II, p. 255.
[2] Xénophon, de Redit., c. 2, § 3 ; c. 3, § 1 et 2 ; c. 5, § 3 et 4.
[3] Voy. Schœmann, Att. Process, p, 561 et 572.
[4] Schœmann, Att. Process., p. 315.
[5] Pollux, III, 55 ; cf. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 446. L’atélie qui, suivant Diodore (XI, 43), aurait été accordée aux Métèques par Thémistocle n’était sans doute qu’une faveur momentanée, faite aux ouvriers qui dans la guerre médique avaient aidé à mettre la ville en état de défense. Voy. Curtius, Hist. gr., t. II, p. 352.
[6] Voy. Schæfer, Demosth. und Seine Zeit, t. I, p. 124.
[7] Σκιαδηφόροι, ύδριαφόροι, σκαφηφόροι (Harpocration, s. v. σκαφηφόροι) ; et Pollux, III, 55.
[8] Xénophon, de Redit., c. 2, § 2 et 5 ; Hipparch., c. 9, 5 6.
[9] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 697.
[10] Cette hypothèse ne repose que sur un passage d’Œdipe à Colone (v. 948) où il est dit seulement que l’Aréopage ne souffre dans le pays aucun homme impur (άναγνος).