Les institutions de la Crète offrent sur beaucoup de points une telle ressemblance avec celles de Sparte qu’il ne faut pas s’étonner si les anciens les ont crues copiées les unes sur les autres, soit que les Spartiates aient imité les Crétois, soit au contraire que les Crétois aient pris modèle sur les Spartiates[1]. Cette ressemblance peut cependant s’expliquer, sans imitation de parti pris, par une nationalité commune qui, étant données des conditions analogues, devait produire des institutions marquées du même caractère. En Crète, comme en Laconie, les Doriens avaient réduit les anciens habitants à une situation subalterne, et, bien que la population conquérante fût plus mêlée en Crète d’éléments étrangers, les Doriens y dominaient assez cependant pour s’assimiler les vaincus. Toutefois, à la différence des Spartiates, qui surent choisir un des leurs pour organiser l’État, il n’est pas fait mention chez les Crétois de législateurs doriens. Suivant eus, l’origine de leurs institutions remontait au héros national de la Crète primitive, à Minos, dont ils avaient trouvé moyen de rattacher la personnalité fabuleuse à des invasions doriennes antéhistoriques[2]. Le nom de Minos, que l’étymologie grecque ne peut expliquer, appartenait sans doute à la langue d’une population antérieure, étrangère à la Grèce, et rappelait un être divin, qui avait habité la terre sous une forme humaine, à qui étaient dus les premiers essais de civilisation et les premières institutions sociales[3]. Les descendants qu’attribue à Minos l’épopée grecque, et qu’elle cite comme ayant régné sur l’île entière, Idoménée et Mérion n’ont pas plus que leur ancêtre de réalité historique, et la question de savoir si jamais la Crète a formé un État unique sous un même chef ne peut pas plus être résolue dans un sens que dans l’autre. L’Odyssée[4] mentionne cinq populations qui se partageaient l’île : les Achéens, les Etéocrétois, les Cydoniens, les Doriens et les Pélasges, sans rien dire des relations qui existaient entre eux. Plus tard les Etéocrétois et les Cydoniens furent proclamés autochtones. Dans cette hypothèse, les autres étaient des nouveaux venus qui auraient occupé les régions orientale et septentrionale, laissant le reste aux populations primitives[5]. Il n’est pas douteux que des Phéniciens aient été aussi établis en Crète, et aient dominé sur une partie considérable de l’île. On ne les y trouve plus, il est vrai, dans les temps historiques ; on voit à la place un nombre considérable d’États grecs appartenant à la race dorienne, qui consistent chacun en une ville et le territoire y attenant. Autour de cette cité se groupaient sans doute d’autres villes plus petites, relevant de la capitale, car il est difficile d’admettre que chacune des quatre-vingt dix ou cent villes que renfermait l’île[6] a ait formé un État séparé. Les sources auxquelles nous pouvons puiser nous révèlent l’existence de dix-sept États indépendants[7], dont les plus considérables étaient dans le principe Knossos, Gortyne et Cydonia. Knossos disparaît pendant un certain temps, et Lyctos fleurit à sa place, jusqu’au moment où Knossos se relève, et devient avec Gortyne la cité la plus puissante. Quand Gortyne et Knossos étaient d’accord, les autres villes n’avaient qu’à se soumettre ; si elles se brouillaient ensemble, l’île entière était divisée. Après ces deux cités, la plus importante était Cydonia[8]. Toutefois ces situations respectives se modifièrent plusieurs fois avec le temps. Les Doriens s’assurèrent la domination de la Crète avec l’aide de colonies successives qui, postérieurement à l’invasion des Héraclides, partirent de la Laconie et d’autres contrées, telles qu’Argon et Mégare. Le critique moderne a relégué parmi les fables la tradition relative à une colonie thessalienne qui aurait précédé de cinq âges d’hommes[9] à la guerre de Troie, bien que l’Odyssée mentionne déjà en Crète des populations doriennes, contemporaines de cette guerre. Il. n’est pas douteux que les États indépendants fussent d’origine dorienne à un degré ou à un autre, selon qu’avant l’immigration les Doriens avaient été déjà plus ou moins mêlés d’étrangers, Achéens ou Minyens, ou bien que les anciens habitants s’étaient confondus avec les nouveaux venus, dans une proportion plus ou moins considérable[10]. Quoi qu’il en soit, l’élément dorien prévalut, et les Constitutions des divers États furent, comme dit Pindare, tirées au cordeau d’Hyllos et d’Ægimios. Mais la cité qui présenta le plus de conformité avec Sparte est Lyctos[11] qui, fondée par une colonie dorienne, fut le point de départ d’où les Doriens marchèrent à de nouvelles conquêtes, et établirent des colonies nouvelles, par exemple à Gortyne[12], procédant comme en Laconie, avec la différence que dans cette contrée les villes conquises restèrent dépendantes, tandis que celles de la Crète conservèrent leur liberté. La constitution crétoise nous est surtout connue par les extraits d’auteurs anciens que nous ont conservés Strabon et Athénée ; en voici les principaux traits : Un grand nombre des anciens habitants de la Crète furent, comme les Hilotes, réduits par les Doriens à la condition de laboureurs, esclaves de la glèbe. Cette population était divisée en deux classes, les Clarotes ou Aphamiotes et les Mnoïtes[13]. Les premiers cultivaient les propriétés privées, que l’on désignait sous le nom de κλάροι, forme dorienne pour κλήροι et, à ce qu’il parait aussi, sous celui d’άλάροι, dont il est difficile de déterminer le sens. Les Mnoïtes au contraire cultivaient les métairies demeurées dans le domaine de l’État, dont la plupart devaient avoir une assez grande importance, puisque les revenus que l’on en tirait fournissaient, entre autres dépenses, aux frais des repas communs, lesquels n’étaient pas, comme à Sparte, à la charge des particuliers. On a expliqué le nom des Mnoïtes de diverses manières. D’après la plus plausible, ce serait une abréviation du mot μινωίται, formé lui-même du nom de Minos. La difficulté d’admettre dans la première syllabe la suppression d’une voyelle longue n’est pas une objection bien forte, attendu que si les poètes grecs ont allongé l’ι dans Μίνως, on n’en peut rien inférer sur la véritable prononciation de ce nom, qui n’est pas d’origine grecque[14]. Comme il se trouve en Crète, aussi bien qu’ailleurs des localités appelées Minoa[15], il est à supposer que la race, qui vénérait Minos comme un Dieu ou comme un héros, avait donné son nom aux lieux dans lesquels il était particulièrement en honneur, et s’en était fait une appellation pour elle-même ; ainsi de Κάδμος on a formé Καδμεία et Καδλειωνες. La condition de ces paysans ne dépendant que de l’État était un peu supérieure à celle des Klarotes ou Aphamiotes ; mais ceux-ci mêmes ne paraissent pas avoir été, comme les Hilotes, astreints dans les villes à des services personnels envers leurs maîtres, car il est dit expressément que les Crétois se servaient, à la ville, d’esclaves achetés[16]. Régulièrement les Klarotes n’étaient donc assujettis qu’au travail des champs ; mais en général ils sont, aussi bien que les Mnoïtes, assimilés aux Hilotes, d’où l’on peut conclure qu’ils avaient à payer certaines redevances et étaient sans doute obligés au service militaire. Ainsi s’expliquerait le passage d’Eustathe, où il est dit que les Crétois choisissaient parmi leurs esclaves des écuyers chargés de porter leurs armes, et désignés sous le nom de Thérapontes[17]. D’ordinaire cependant la possession des armes leur était interdite, et il leur était défendu de se livrer aux exercices militaires ou gymnastiques[18]. Aussi le Crétois Hybrias dit-il avec orgueil, dans son chant ou Scolion conservé par Athénée, que sa lance, son glaive et son bouclier sont ses trésors : avec ces armes, il cultive, moissonne et presse le jus du raisin ; avec elles il est le maître de la population asservie. Quiconque ne porte pas un glaive, une lance et un bouclier doit tomber à ses genoux et le saluer comme son seigneur et maître[19]. Les serfs qui cultivaient la plaine autour des villes habitées par les Doriens pouvaient ; naturellement s’appeler Périèques, et sont en effet désignés cieux fois sous ce nom par Aristote[20]. Il n’en faut pas inférer qu’il n’y ait pas eu en Crète une autre classe plus rapprochée encore des Périèques de Laconie. Outre que cette induction manquerait de vraisemblance[21], elle est contredite par un témoignage de Sosicrate qui, en termes fort clairs pour ceux qui y regardent de près, oppose aux esclaves publics et aux esclaves privés, c’est-à-dire aux Mnoïtes et aux Aphamiotes, une autre classe, qu’il désigne spécialement par le nom de Périèques, pour mieux faire sentir leur ressemblance avec ; ceux de Sparte[22]. Il ressort toutefois de ce texte pour les linguistes que lés Crétois n’appelaient pas eux-mêmes Périèques cette partie de la population, et lui donnaient le nom général de sujets, ύπήκοοι. On ne risque guère de se tromper, en rapprochant sous ce rapport la Crète de la Thessalie où, à côté des Pénestes comparables aux Mnoïtes et aux Aphaniotes, on distinguait les populations soumises, les Perrhèbes, les Magnètes et les Achéens de la Phthiotide qui, libres de leur personne, dépendaient politiquement des Thessaliens. C’est en effet une erreur manifeste de croire qu’il n’y eut pas en Crète d’autres communes que les communes autonomes des villes doriennes. Il existait des villes habitées par des populations étrangères à la race conquérante qui, dépouillées de leur indépendance politique, relevaient de l’une ou de l’autre des Cités doriennes, et rappellent les Périèques de Laconie, bien que les conditions ne fussent pas de part et d’autre absolument identiques. On sait en effet que les Périèques, malgré leurs fonctions serviles, étaient incorporés à l’État, et formaient avec les Hilotes comme la couche inférieure de la Cité spartiate. En Crète au contraire, les populations soumises étaient des dépendances, non des membres actifs de l’État. Sans doute, la bourgeoisie était en Crète comme partout partagée en différentes races, susceptibles elles-mêmes de subdivisions ; mais nos renseignements ne nous fournissent que le nom dorien des Hylléens à Cydonia[23]. Il existait aussi des familles privilégiées, par conséquent une caste noble, par dérogation au principe égalitaire en honneur chez la pure race dorienne[24]. Cette inégalité remontait-elle à la colonisation de l’île par les Doriens, auxquels s’étaient mêlées un nombre considérable de peuplades étrangères qui ne purent être aussi bien partagées ? Fut-elle amenée plus tard parla différence des fortunes, car nulle part il n’est fait mention en Crète d’un égal partage des terres, non plus que de l’indivisibilité ou de l’inaliénabilité des héritages[25], et par conséquent au cas même où les fortunes eussent été les mêmes dans le principe, l’équilibre eut été détruit plus vite encore en Crète qu’en Laconie. L’existence d’une chevalerie crétoise suppose aussi des différences de conditions. A Sparte, il est vrai, les soi-disant chevaliers, qui d’ailleurs servaient à pied, non à cheval, étaient choisis chaque année parmi la jeunesse, sur la seule recommandation de leur mérite ; en Crète, au contraire, les chevaliers étaient tenus d’entretenir un cheval de combat ; ils appartenaient donc à la classe riche, et jouissaient en outre de certains privilèges politiques[26]. A la tête du gouvernement était placé un collège de dix membres, nommés κόσμοι ou κόσμιοι, c’est-à-dire ordonnateurs, qui bien que nommés à l’élection étaient pris toujours parmi les familles privilégiées[27] ; il n’est pas certain, mais il est vraisemblable qu’ils étaient renouvelés tous les ans. Les κόσμοι représentaient la plus haute autorité, tant civile que militaire : ils commandaient les armées en temps de guerre, dirigeaient les délibérations du Sénat et des Assemblées populaires, et sans doute aussi présidaient les tribunaux ou faisaient fonction de juges[28]. Celui qui tenait la première place dans le Collège (πρωτόκοσμος) donnait son nom à l’année. C’est à peine si l’on cite d’autres magistrats. Il est à remarquer cependant qu’Hérodote, à propos d’une histoire remontant au commencement du VIIe siècle, mentionne à Axos un roi nommé Etéarchos[29], sans indiquer d’ailleurs s’il s’agit d’une dignité sacerdotale, comme on en voit désignées sous ce nom en différents lieux, même à une époque postérieure, ou si la magistrature suprême n’était pas constituée dans Axos autrement qu’ailleurs. On a supposé aussi qu’Hérodote a pu écrire un mot pour un autre. Dans une inscription qui paraît appartenir au IIIe siècle av. J.-C. il est question de πρείγιστοι έπ' εύνομίας, c’est-à-dire des vieillards chargés d’établir le bon ordre et d’appliquer les mesures de police[30]. Enfin nous retrouvons ici les pædonomes, auxquels était confié le soin de surveiller la jeunesse. La plus haute assemblée délibérante était un conseil des Anciens, nommé tantôt βουλή, tantôt γερουσία, qu’Aristote compare à la γερουσία spartiate. On peut en inférer qu’il avait les mêmes fonctions et les mêmes pouvoirs. Aristote dit expressément que les membres du Sénat étaient nommés à vie, qu’ils n’encouraient aucune responsabilité, n’étaient assujettis à aucune législation écrite et ne relevaient que de leur conscience[31]. Nous ne savons de combien de membres était composé le Sénat, ni à quel âge l’accès en était ouvert ; peut-être en était-il en Crète comme à Sparte. Nous ne sommes pas plus fixés sur la façon dont il se recrutait ; on sait seulement qu’il fallait pour y entrer avoir fait partie du Conseil des κόσμοι et appartenir aux familles privilégiées[32]. L’Assemblée du peuple n’avait pas plus d’autorité en Crète qu’à Sparte. Ses droits se bornaient à ratifier ou à rejeter les projets adoptés par la γερουσία[33]. Platon vante comme un des meilleurs principes de gouvernement communs à la Crète et à Sparte la défense faite à la jeunesse de chercher ce qu’il pouvait y avoir de bon ou de mauvais dans les lois[34]. Seuls les Anciens pouvaient s’entretenir de semblables sujets avec les hommes de leur age, et proposer aux magistrats les réformes que comportait la législation. Les analogies entre la Crète et Sparte étaient plus frappantes encore dans l’éducation publique que dans le gouvernement. Les mêmes principes règnent chez les deus peuples ; ils sont, il est vrai, plus nettement déterminés et appliqués avec plus de rigueur à Sparte que dans la Crète, où d’ailleurs les institutions ne paraissent pas avoir été partout uniformes. Mais, en général, le jugement de Platon sur les Spartiates, à savoir qu’ils ressemblaient moins à des citoyens qu’à des soldats campés sous la tente, n’est pas moins vrai des Crétois[35]. Tandis qu’à Sparte l’éducation publique commençait dès la septième année accomplie, les Crétois n’étaient soumis à ce régime qu’à partir de la dix-septième. Jusque-là, ils étaient élevés dans la maison paternelle, et s’appelaient tantôt κότιοι, en raison de l’obscurité dans laquelle ils étaient tenus, tantôt άπάγελοι, parce qu’ils n’étaient pas encore incorporés dans les sections nommées άγελαι[36]. Toutefois, les enfants accompagnaient leur père aux repas publics. Ils s’asseyaient par terre à leurs pieds, et recevaient aussi une portion. Plus âgés, ils mangeaient entre eux, sous la surveillance d’un pædonome, et devaient non seulement se servir les uns les autres, mais servir aussi les hommes faits[37]. A dix-sept ans, ils passaient dans les άγέλαι[38]. Ils n’étaient pas comme les Spartiates attachés à telle ou telle section ; ils se groupaient à leur guise en nombre plus ou moins considérable, autour d’un des leurs choisi parmi les plus distingués et les plus estimés[39]. Habituellement le père du jeune homme que ses camarades avaient élu, devenait le chef de l’άγέλα. Il dirigeait et surveillait, en qualité d’άγειλάτας[40], les jeux et les exercices qui, en Crète comme à Sparte, avaient surtout pour but le développement corporel. Parmi ces exercices, une place importante paraît avoir été faite à la course, d’où les gymnases étaient appelés δρόμοι[41]. Venait ensuite le jeu de l’arc dans lequel les Crétois se distinguèrent de tout temps[42]. Enfin la danse, particulièrement la danse armée et la pyrrhique étaient considérées comme des inventions des Crétois[43]. Les manœuvres militaires étaient aussi en usage ; les bataillons se précipitaient les uns contre les autres, au son des Mûtes et dés cithares, et luttaient soit à coups de poing, soit avec des armes de bois ou de fer. Le chef de l’άγέλα menait souvent sa troupe chasser dans les montagnes et les forêts pour l’aguerrir aux fatigues et aux privations[44]. Le vêtement en usage était un mauvais manteau, toujours le même l’hiver comme l’été. Il est certain que les jeunes garçons couchaient pêle-mêle dans des salles communes. Il parait cependant qu’il leur était permis de temps à autre d’aller passer la nuit au dehors, sans doute dans la maison paternelle[45]. On ne faisait ni plus ni moins qu’à Sparte pour la culture de l’intelligence. Les procédés étaient les mêmes ; il n’y avait pas à proprement parler d’enseignement. En dehors des notions très élémentaires de lecture et d’écriture, les enfants n’apprenaient que la musique. On les exerçait à chanter et à s’accompagner de la cithare. Les chants étaient surtout des hymnes en l’honneur des dieux et des grands hommes, avec exhortation au respect des lois et à la pratique des vertus dans lesquelles on faisait surtout consister la dignité humaine. Le rythme était déterminé à l’avance, et rien n’y pouvait être changé. Le poète-musicien le plus renommé, celui que l’on considérait comme l’inventeur de la mesure crétoise, s’appelait Thalétas, et vivait vers la seconde moitié du VIIe siècle. Non seulement on lui attribuait un grand nombre de péans nationaux et d’autres poèmes ; on lui faisait honneur aussi de plusieurs dispositions législatives[46]. Il est, avec Épiménide, le seul Crétois cité comme poète ou comme philosophe, à une époque où déjà les autres contrées de la Grèce produisaient des penseurs en grand nombre. Il est très probable qu’Épiménide n’appartenait pas à la race victorieuse, mais bien à la classe des Périèques[47], dont sans doute faisaient aussi partie Dipoinos, Skyllis et d’autres, mentionnés dans l’histoire de l’art, comme statuaires ou architectes. Les conquérants doriens étaient citoyens et soldats ; il ne paraît pas qu’ils aient été autre chose. Pour former la jeunesse à la vertu civique, on comptait sur la fréquentation et sur l’exemple des hommes faits. Les enfants assistaient aux repas communs et mettaient à profit les entretiens des convives. Les liaisons plus étroites entre les hommes et les jeunes garçons étaient envisagées, en Crète, du même point de vue qu’à Sparte. Il régnait cependant ici plusieurs coutumes particulières[48]. Un enlèvement mêlé de violence était le point de départ de ces relations. L’homme qui avait fait un choix déclarait ses projets aux parents et aux amis de son préféré. On ne cherchait pas d’ailleurs à mettre le jeune garçon hors de son atteinte ni à l’écarter de sa route ; car cette précaution eût été une injure pour l’aimé qui eut paru indigne de l’aimant, ou pour l’aimant qui eut paru indigne de l’aimé. Les parents opposaient toutefois à l’enlèvement une résistance tantôt plis énergique, tantôt plus faible et seulement apparente, suivant l’opinion qu’ils avaient du ravisseur. L’opposition cessait en tout cas, dès que l’aimant avait réussi à entraîner l’aimé dans la salle où il prenait ses repas. Là il lui faisait des présents, puis l’emmenait où il voulait, mais toujours en compagnie de ceux qui avaient assisté à l’enlèvement. Deux mois, sans plus, se passaient en plaisirs et en parties de chasse. Cette épreuve accomplie, le jeune garçon était ramené à la ville, et recevait de nouveaux présents. Les cadeaux traditionnels étaient un vêtement de guerre, un anneau et une coupe ; mais souvent on en joignait d’autres d’une telle richesse que le donateur était forcé d’inviter ses amis à se cotiser pour lui en alléger la dépense. L’anneau était consacré à Zeus, et tous les compagnons qui, durant les deux mois d’épreuve, s’étaient attachés aux pas des deux amis, prenaient part au banquet qui accompagnait le sacrifice. On demandait ensuite à l’aimé s’il avait à s’applaudir des procédés de l’aimant ; il pouvait à ce moment présenter ses griefs et demander réparation, auquel cas l’alliance était rompue. C’était une tare pour un jeune homme bien né de ne point trouver d’ami, on en concluait qu’il n’était pas digne d’être aimé. On tenait moins de compte, dans le choix d’un favori, de la beauté physique que des qualités morales. Les jeunes garçons qui avaient obtenu la préférence étaient en honneur auprès de leurs camarades ; les meilleures places leur étaient réservées dans les gymnases et dans tous les lieux de réunion, où ils se paraient des habits qui leur avaient été donnés. Devenus adultes, ils se distinguaient encore par leurs vêtements, et le nom de κλεινοί témoignait de la considération dont ils étaient l’objet. L’aimant s’appelait φιλήτωρ ; ce mot, qui ne s’applique pas comme έραστής, aux transports amoureux, mais à une inclination du cœur, prouve déjà par lui-même, ce que confirme d’ailleurs la publicité des relations, qu’à l’origine elles n’étaient souillées par rien d’impur. Dans la remarque d’Aristote[49], que l’amour des jeunes garçons était encouragé par la loi crétoise, comme un obstacle à l’accroissement de la population, il ne faut voir qu’une opinion personnelle, non l’affirmation d’un fait historique. Malheureusement, on ne peut nier que ces relations ne conservèrent pas toujours leur ancienne innocence, et que les Crétois étaient ; à ce point de vue, en mauvais renom auprès des autres nations de la Grèce[50]. Les jeunes gens restaient probablement dix années soumis à la discipline des άγέλαι[51]. Dès qu’ils en étaient quittes, autrement dit à vingt-sept ans, la loi leur ordonnait de prendre femme[52]. Le droit au mariage ou épigamie n’existait qu’entre les membres de la société dominante ; mais il fut quelquefois stipulé par traité entre les citoyens de différentes villes[53]. Le couple récemment uni restait encore séparé pour un certain laps de temps ; la mariée demeurait dans la maison paternelle, jusqu’à ce qu’elle fût jugée en état de tenir son ménage. On peut conclure (le cet usage qu’en général les filles se mariaient jeunes ; peut-être aussi était-ce une conséquence du même principe d’après lequel un jeune époux ne pouvait, à Sparte, visiter sa femme qu’à la dérobée. Les dots n’étaient pas interdites. Les filles recevaient la moitié de la part dévolue aux enfants mâles. Il n’est pas étonnant d’ailleurs que le mariage ne fût guère envisagé chez les Crétois, comme chez les Spartiates, qu’au point de vue politique. Le complice d’une femme adultère n’était pas seulement condamné à verser dans le trésor une amende qui pouvait s’élever à cinquante statères ; il était puni encore, du moins à Gortyne, par la perte de ses droits civiques[54]. Nous savons peu de choses d’ailleurs sur la condition des femmes. S’il y eut eu pour elles, comme à Sparte, un système d’éducation publique, il en eut certainement été fait mention. Les garçons étaient enlevés plus tard à la maison paternelle, ce qui permet de supposer que la vie de famille tenait plus de place dans la Crète qu’à Sparte. La différence n’allait pas toutefois jusqu’à faire asseoir à la même table le père, la mère et les enfants. On a vu que les hommes et les jeunes garçons prenaient leurs repas dans les syssities, d’où les femmes étaient exclues[55]. Les syssities étaient appelées άνδρεΐα, repas des hommes, et les réunions de convives habitués à manger ensemble έταιρίαι, peut-être άγέλαι. aussi Il est probable que ceux qui avaient fait partie de la même classe dans leur jeunesse restaient plus tard associés dans les syssities[56]. Les repas avaient lieu dans un même local, mais on dressait des tables séparées, dont le nombre était proportionné à celui des convives. Des places étaient réservées pour les étrangers ; dans chaque salle, à droite de la porte, se trouvait à cet effet une table que l’on appelait la table de Zeus hospitalier[57]. Les frais des syssities n’étaient pas en totalité à la charge du trésor ; toutefois, il en supportait la partie de beaucoup la plus considérable. Une indication relative à Lyctos, que nous fournit Dosiade[58], manque malheureusement de clarté ; il semble cependant en ressortir que chaque citoyen fournissait à son hétairie la dîme des fruits qu’il récoltait et que la somme de ces cotisations était versée dans la caisse chargée d’entretenir les syssities. Nous savons en effet, par d’autres témoignages[59], que les impôts étaient divisés en deux classes, auxquelles étaient affectées deus caisses publiques : l’une chargée de fournir aux frais du culte et de l’administration, l’autre qui devait subvenir aux syssities et plus généralement à la nourriture des citoyens et à l’entretien de leur maison. Seuls en effet les hommes et les enfants d’un âge déterminé prenaient part aux syssities, mais la même caisse était tenue d’alimenter dans leur ménage les femmes, les filles, les garçons trop jeunes pour suivre leur père et même la domesticité, d’où venait l’usage de payer annuellement par tête d’esclave un statère d’Égine. Si la dîme acquittée par les riches était considérable, la part des pauvres était loin de représenter l’équivalent des dépenses qu’ils imposaient au trésor, et l’on pouvait dire que tous les citoyens étaient nourris aux frais du public. Les riches et les pauvres n’étant pas également répartis dans toutes les hétairies, il était nécessaire que chacune d’elles versât à la caisse générale les cotisations qui devaient profiter à toutes. La frugalité était de règle dans les syssities, en Crète aussi bien qu’à Sparte, mais nous ne savons rien de précis sur l’ordonnance et le menu des repas. Nos renseignements se bornent à ceci que les jeunes garçons étaient réduits à une demi-portion de viande, sans pouvoir goûter aux autres mets, et que l’on préparait pour les orphelins une nourriture spéciale sans aucun assaisonnement. Pour boire, chacun emplissait sa coupe à un cratère commun, contenant un mélange de vin et d’eau ; on en apportait un second après le repas. Les hommes faits buvaient à discrétion ; les jeunes gens devaient se contenter de ce qu’on leur donnait. On mangeait assis, non couché. Le repas était précédé de prières et de libations ; les convives restaient ensemble, longtemps après qu’il était fini, et s’entretenaient des affairés publiques ou de quelque autre sujet, en présence des jeunes gens qui devaient mettre à profit leurs exhortations, les récits des hauts faits et les exemples des grands hommes. Pas plus qu’à Sparte il n’existait de cabarets[60]. L’intendance des repas était confiée à une femme assistée par trois ou quatre personnes de condition inférieure, auxquelles étaient adjoints pour le service de la cuisine quelques esclaves dont le principal office consistait à porter le bois, d’où leur venait le nom de Calophores. La femme qui avait la haute main plaçait les meilleurs morceaux devant les citoyens distingués par leur prudence ou leur courage. Suivait-elle en cela son propre jugement ou les indications que lui fournissait le président de la syssitie ? on l’ignore. Nous ne savons pas davantage quel était ce président, si c’était un magistrat’ ou un simple citoyen, choisi par ses compagnons de tablé ; le seul détail qui nous soit connu, c’est qu’il jouissait de certains privilèges. On rapporte en particulier qu’outre la portion à laquelle il avait droit comme tout le monde, il en recevait trois autres, une pour lui-même, en raison de ses fonctions, une seconde pour sa maison, la troisième pour l’entretien du mobilier[61]. L’usage de réserver des tables pour les étrangers, et l’existence dans les villes d’auberges où on logeait la nuit (κοιμητήρια) prouvent que les voyageurs n’étaient pas rares. Il est vraisemblable toutefois que ces auberges étaient moins destinées aux étrangers proprement dits qu’aux hommes de race dorienne, répandus dans les divers États de la Grèce, et qui naturellement entretenaient avec la Crète de nombreuses relations. Il est certain qu’ici comme ailleurs les Doriens répugnaient à tout élément étranger. S’il n’est pas fait mention de mesures analogues à la xénélasie des Spartiates, on sait qu’il était défendu aux jeunes gens de voyager au dehors, de peur, dit Platon[62], qu’ils oubliassent ce qu’ils avaient appris chez eux. Dans une certaine mesure, leur situation d’insulaires mettait les Crétois à l’abri de visites trop fréquentes, mais les communications par mer étaient trop actives sur toutes les côtes de la Grèce pour qu’ils pussent s’y soustraire tout à fait, sans compter que le sol ne produisait pas ou produisait en quantité insuffisante plusieurs des choses les plus nécessaires[63]. La race dominante ne se livrait généralement ni au commerce ni à l’industrie ; elle laissait ces ressources aux Mnoïtes et aux habitants des villes soumises. Les Doriens finirent cependant par relâcher quelque chose de leur ancienne fierté et, séduits par l’appât du lucre, s’adonnèrent à la navigation et aux opérations commerciales[64]. Vainqueurs et vaincus se mêlèrent ensemble, et peu à peu s’effacèrent les différences caractéristiques qui les distinguaient à l’origine. Les anciennes institutions se conservèrent néanmoins dans leur forme extérieure. Elles se maintinrent surtout à Lyctos, à Gortyne et dans plusieurs petites villes, moins entraînées que d’autres dans le mouvement général[65]. Durant la guerre du Péloponnèse on voit des bandes de soldats crétois à la solde d’États étrangers[66]. Ils avaient dès lors assez mauvaise réputation dans le reste de la Grèce : on leur reprochait d’être déloyaux, gourmands et paresseux ; mais nous ne sommes pas à même de reconnaître ce qui, dans ces accusations, doit être imputé à la population dorienne ou aux habitants non doriens[67]. Il est très vraisemblable que les différences n’étaient plus guère sensibles. Les luttes des partis furent aussi fréquentes et aussi vives dans les petits États de la Crète que dans le reste de la Grèce, surtout depuis que le temps avait accru l’inégalité des fortunes et par suite créé des influences et des privilèges qui, sans être consacrés par la loi, élevaient de plus en plus une barrière entre les riches et les pauvres. Au temps d’Aristote, la dignité de κόσμοι, tomba souvent entre les mains de gens dont tout le mérite était d’appartenir à des familles considérables[68]. Souvent même un parti puissant refusa d’obéir à l’autorité légitime ; les κόσμοι furent complètement mis de côté, et il se produisit une sorte d’interrègne (άκοσμία). Il arriva aussi que les κόσμοι se divisèrent, et que quelques-uns d’entre eux déposèrent violemment leurs adversaires ou les réduisirent à une abdication que la loi d’ailleurs autorisait[69]. Le gouvernement que se donnèrent plus tard les États crétois est empreint, à en juger : par les monuments qui nous en restent, d’un caractère démocratique, impossible à méconnaître. C’est l’assemblée générale du peuple qui décide de toutes les questions ; les magistrats et les fonctionnaires ne font qu’exécuter ses ordres. Les relations des États entre eux ne furent jamais réglées d’une manière stable. Les alliances et les hostilités alternaient, suivant que telle ou telle ville acquérait de la prépondérance sur ses rivales. Au dehors, la renommée dès Crétois était entachée par l’accusation de piraterie. Ce grief ne les empêcha pas de conserver leur indépendance jusqu’au Ier siècle avant l’ère chrétienne, où une alliance avec Mithridate et les pirates de Cilicie, en les désignant aux défiances de Rome, amena l’occupation de l’île et sa transformation en province romaine. |
[1] Aristote, Polit., II, 7, § 1 ; Ephore cité par Strabon (X, p. 481) ; Pseudo-Platon, Minos, p. 318 ; Plutarque, Lycurgue, 4.
[2] Vov. les passages recueillis par Meursius (Creta, p. 124).
[3] Voy. Eustathe, dans ses remarques sur Denys le Périégète, p. 496, éd. Bernhardy. Voy. aussi sur Minos, considéré comme dieu ou comme héros phénicien, Duncker, Geschichte des Altherth., t. I, p. 302 (2e édit.) ; Lœbell, Weltgeschichte, t. I, p. 484. Il est incontestable que l’on a fait entrer dans l’histoire et dans les attributions de Minos beaucoup d’éléments phéniciens.
[4] Odyssée, XIX, v. 175 et suiv.
[5] Staphylus, cité par Strabon, X, 4, p. 475.
[6] Iliade, II, 649 ; Odyssée, XIX, 175. D’après Tzetzès, dans ses Scholies sur Lycophron (v. 1214), Xénion donnait les noms des cent villes dans son livre περί Κρήτης.
[7] Voy. Hœck, Kreta, II, p. 443.
[8] Strabon, X, p. 476 et 478 ; Diodore, V. p. 78. Parmi les villes subordonnées, on peut citer Minoa et Cherronesos, sur le territoire des Lyctiens, Leben, Rhytion, Bena et Bœbe, sur celui de Gortyne, Syia qui se rattachait à Scyros, et Kysamos dont le chef-lieu était Aptéra. Voy. Strabon, p. 475 et 479 ; Etienne de Byzance, s. v. Βήνη, Βοίβη et Συΐα.
[9] Voy. Hœck (Kreta, II, p. 45), dont l’avis est adopté par Hasselbach (de Insula Thaso, p. 13), par Lœbell (Weltgesch., I, p. 486), par Welcker (Epische Cyclus, II, p. 44), par Thirlwall (I, p. 154), par Grote (II, p. 256, trad. franç.), et par Preller, Griech. Mythol., II, p.115.
[10] De nouvelles conjectures se sont produites récemment, d’après lesquelles les Doriens immigrants n’auraient été reçus dans les anciennes villes de la Crète que comme des troupes auxiliaires à qui l’on aurait concédé des fonds de terre et des droits civiques, mais qui n’auraient jamais acquis une situation dominante sans par conséquent que les divers États fussent devenus réellement doriens ; mais les éclaircissements et les preuves se font encore attendre. Voy. Pindare, Pythiques, I, 61.
[11] Aristote, Polit., II, 7, § 1 : Strabon, X, p. 481.
[12] Hœck, Kreta, II, p. 433.
[13] Ephore et Sosicrate, cités par Strabon (VI, 84, p. 263 ; cf. XII, 3, p. 542, et XV, 1, § 701) ; Etienne de Byzance s. v. Χίος ; Pollux, III, 83, Etymol. Magn., s. v. πενέσται ; Suidas et Photius, s. v. κλαρώται ; Lexic. Seguer., p. 292 ; Hœck, Kreta, III, p. 37.
[14] De même que certains critiques ont confondu πενέσθαι avec μενέσθαι et ont conclu que les Pénestes étaient les populations demeurées dans le pays, on a fait venir Μνωΐται du même verbe μένω et on a rapproché ce nom de mansionarius, en usage au moyen âge. Voy. Schmidt dans la Zeitschrift für Geschichtswissensch., I, p. 561. Le mot collectif exprimant l’ensemble des Mnoïtes est μνοία ou μνώα. Vov. Athénée, XV, 696, A ; Strabon, XII, p. 542 ; Hesychius, s. v. Voy. aussi Lobeck, Pathol. Serm. gr., t. I, p. 277.
[15] Etienne de Byzance cite des localités de ce nom, dans les îles d’Amorgos, de Sicile, de Siphnos, et ajoute que la ville de Gaza s’appelle aussi Μινώα, et que le même nom se retrouve en Arabie, à Paros et dans une autre île, voisine de Mégare. Strabon mentionne en outre (VIII, 6, p. 368, et 9, p. 391 et 392) une Minoa en Mégaride, la même que Nisæ, et une autre en Laconie. Il faut donc admettra que les Phéniciens avaient eu autrefois des établissements sur tous ces points.
[16] Callistrate, dans Athénée, VI, 84, p. 263.
[17] Eustathe, dans son Comment. sur l’Iliade (l. I, v. 421), p. 110, et sur Denys le Périégète, v. 533.
[18] Aristote, Polit., II, 2, § 12.
[19] Athénée, XV, 50, p. 695.
[20] Polit., II, 7, § 1 et 8.
[21] Meursius (Creta, p. 190) et Grote (t. III, p. 289 de la trad. franç.) aboutissent à cette conclusion, l’un faute de critique, l’autre par abus de la critique.
[22] Voici les paroles rapportées par Athénée (VI, p. 264 A) : τήν μέν κοινήν δουλείαν οί Κρήτες, καλοΰσι μνοίαν, τήν δέ ίδίαν άφαμιώτας, τούς δέ περιοίκους ύπηκόους. Ainsi il existait trois classes désignées sous des noms distincts : 1° les esclaves publics (μνωΐται), 2° les esclaves privés (άφαμιώται), 3° les Périèques (ύπήκοοι).
[23] Hesychius s. v. Dans le traité entre Latos et Olus (Corp. Inscr. gr., n° 2554), les agglomérations sont désignées non par le mot de φυλαί ou de δήμοι, mais par celui de άγέλαι.
[24] Aristote, Polit., II, 7, § 5.
[25] Aristote, Polit., I, 1, § 4. Ephore, dans Strabon (X, p. 480 et 482).
[26] Ephore, dans Strabon (X, p. 481 et 482), où les chevaliers sont désignés comme constituant une magistrature.
[27] Aristote, Polit., II, 7, § 5.
[28] Schœmann, Antiq. Jur. publ. Gr., p. 153.
[29] Hérodote, IV, 154.
[30] Corp. Inscr. gr., t. II, p. 393. Πρείγιστος est synonyme de πρέσβιστος.
[31] Aristote, Polit., II, 7, § 6.
[32] Les inscriptions mentionnent aussi un βουλής πρήγιστος (πρήγιστος p. πρείγιστος), comme qui dirait princeps senatus. Voy. Antiq. Jur. publ. Gr., p. 153.
[33] Ibid., p. 154.
[34] De Legib., I, 7, p. 634.
[35] Ibid., II, 10, p. 666.
[36] Voy. Hesychius, s. v. άπάγελοι, et le Schol. d’Euripide (Alceste, v. 989).
[37] Ephore, dans Strabon (X, p. 483) ; cf. Dosiade et Pyrgion, dans Athénée (IV, 22, p. 143).
[38] D’où leur venait le nom de άγελαστοί, de άγελάξω. Voy. Hesychius, s. v. La correction proposée par Hauck au texte d’Aristophane de Byzance (p. 95) n’est pas nécessaire ; il suffisait de changer l’accent (άγελάστους).
[39] Ephore, cité par Strabon (X, p. 483).
[40] Voy. Héraclide de Pont, c. 3, avec les remarques de Schneidewin, p. 57.
[41] Suidas, s. v. δρόμοι. De là les enfants plus jeunes, qui ne prenaient pas encore part à ces exercices, étaient appelés άπόδρομοι. Voy. les textes recueillis par Hauck, ibid., p. 88.
[42] Ephore, dans Strabon (X, p 480) ; cf. Meursius, Creta, p. 178.
[43] Pline, Hist. Nat., VII, 56 ; Nicolas Damascène, dans les Fragm. hist., de Muller, t. III, p. 459.
[44] Héraclide de Pont, c. 3, § 11 ; Ephore, dans Strabon (X, p. 480 et 483).
[45] Τά πολλά κοιμώνται μετ' άλλήλων (Héraclide de Pont, Ibid.).
[46] Ephore, dans Strabon (X, p. 480 et 481) ; Cf. Hœck, Kreta, III, p. 339.
[47] Le récit, d’après lequel il aurait été envoyé par son père à la recherche d’une brebis (Diogène Laërte, I, 109), ne laisse guère supposer qu’il fût le fils d’un bourgeois de race dorienne.
[48] Éphore, cité par Strabon (X, p. 483 et 484) ; Héraclide de Pont, c. 3.
[49] Polit., II, 7, § 5.
[50] Platon, de Legib., 1, p, 636 ; Plutarque, de Puer. educ., 14. Voy. aussi Meier, dans l’Allgem. Encycl., III, t. 9, p. 161.
[51] Ils étaient appelés alors δεκάδρομοι, d’après Hesychius, s. v. ; mais le passage d’Hesychius ne prouve pas clairement qu’ils fussent, à partir de ce moment, affranchis de la discipline.
[52] Éphore, dans Strabon (X, p. 482).
[53] Corp. Inscr. Gr., n° 2554, 66, et 2656, 3.
[54] Elien, Var. Hist., XII, 12.
[55] Voy. Hœck, Kreta, III, p. 123.
[56] Sur le traité entre Latos et Olus (Corp. Inscr. gr., n° 2554, v. 32 et 45), il est spécifié que les άγέλαι devront prêter serment. Il est évident que ce mot désigne ici non des jeunes gens, mais des hommes faits.
[57] Athénée, IV, 22, p. 143.
[58] Athénée, Ibid. Le compilateur a été trop vite. Haase, dans les Miscell. philol. insérés au programme de l’université de Breslau (1856-1857), essaie d’éclaircir le texte à l’aide d’une très légère correction ; mais ses explications me sont suspectes, parce qu’elles ne peuvent se concilier avec cette affirmation de Dosiade qu’il n’existait pour les repas communs qu’un seul bâtiment, nommé άνδρεΐον.
[59] Aristote, Polit., II, 7, 5 4.
[60] Platon, Minos, p. 320 B.
[61] Héraclide de Pont, c. 3, § 6. Haase, dans le programme cité plus haut, lit τών συσκήνων, au lieu de τών σκευών, et pense que le président pouvait faire honneur de cette dernière portion à quelqu’un des convives, réserver à sa famille la part de la maison τοΰ οΐκου, et envoyer à qui bon lui semblait la μοΐρα άρχική. Il rejette avec raison la conjecture d’un critique qui conclut du texte d’Héraclide que les syssities avaient lieu dans des maisons privées.
[62] Protagoras, p. 342 D. On lit dans Sextus Empiricus (adv. Mathemat., II, 20) que les professeurs de rhétorique n’étaient pas soufferts en Crète.
[63] Voy. Hœck, Kreta, III, p. 422 et 447.
[64] Polybe (VI, 46) reproche aux Crétois de son temps une cupidité honteuse.
[65] Strabon, X, 4, p. 481.
[66] Thucydide, VI, 25, et VII, 57.
[67] Voy. Hœck, Kreta, p. 456, et Dorville, dans ses notes sur Chariton, p. 332. D’après Plutarque au contraire (Philopœmen, 7), les Crétois étaient encore, au temps de ce général, σώφρονες καί κεχλασμένοι τήν δίαιταν.
[68] Aristote, Polit., II, 7, § 5.
[69] Ibid. II, 7, § 7.