HISTOIRE DES MACCHABÉES

 

 

TROISIÈME PARTIE — LES MACCHABÉES ET LA DYNASTIE ASMONÉENNE

 

 

Au moment où Apollonius accomplissait à Jérusalem l’horrible mission dont l’avait chargé Antiochus Épiphane (168 av. J.-C.), un homme de Jérusalem nommé Mattathias fils de kari ; fils de Siméon, fils d’Asamonée, prêtre de la descendance de Joarib, habitait Modiim, village de la Judée[1].

Mattathias avait cinq fils dont voici les noms : Jean surnommé Gaddis, Siméon Matthès, Judas Maccabée, Éléazar Aodren, et Jonathas Apphous.

Mattathias ne cessait de déplorer devant ses fils le triste sort de sa race, le pillage de Jérusalem, et, la spoliation du temple ; et toujours il terminait ses tristes plaintes en disant qu’il valait mieux mourir pour les lois de sa patrie, que de vivre sous un joug aussi honteux. Il ne ‘devait pas tarder à prêcher d’exemple.

Nous avons déjà dit qu’Antiochus Épiphane avait donné l’ordre de poursuivre le culte judaïque, non seulement à Jérusalem, mais encore dans l’étendue entière de la Judée ; chaque village avait son tour, et, Modiim vit arriver 1’officier royal chargé dé faire exécuter la volonté du maître ; c’était un nommé, Apellès[2]. Sachant toute l’influence dont Mattathias jouissait dans son village, il pensa que s’il le décidait à donner l’exemple de la soumission, tous les autres habitants n’hésiteraient pas à le suivre. En conséquence il l’exhorta à sacrifier au Dieu des Grecs, en lui promettant toute la faveur royale, s’il consentait à faire de bonne grâce ce qu’il était en mesure d’obtenir de lui par la force. A ces ouvertures insultantes, Mattathias se récria : — Jamais ! dit-il, quand bien même toutes les nations du monde, soit par crainte, soit par intérêt, obéiraient aux ordres de ton maître, jamais, ni mes fils, ni moi nous ne renoncerons au culte de nos aïeux. — A peine avait-il fini de parler qu’un Juif s’avança, et se mit en devoir d’offrir le sacrifice imposé. A cette vue, Mattathias indigné fit un signe à ses fils, tous mirent l’épée à la main et sondant sur ce misérable apostat, lui tranchèrent la tête. Apellès et les quelques soldats qui lui servaient d’escorte furent incontinent égorgés, l’autel fut renversé et Mattathias s’écria : — Que ceux qui tiennent à la foi de leurs pères, et qui ont le respect du Dieu tout-puissant, me suivent ! — A ces mots il prit la fuite avec ses fils, et se dirigea vers le désert, abandonnant tout ce qu’il possédait à Modiim. Un grand nombre d’hommes suivit leur exemple, et emmenant avec eux femmes et enfants, ils allèrent se réfugier dans les cavernes du désert[3].

Aussitôt que les officiers royaux, résidant à Jérusalem, furent informés de ce qui venait de se passer à Modiim, la garnison de la citadelle de Jérusalem fut mise en mouvement, et lancée à la poursuite de ceux qui s’étaient réfugiés dans le désert. Les Syriens essayèrent d’abord de la persuasion et s’efforcèrent d’obtenir des fuyards, qu’ils vinssent à résipiscence et ne les contraignissent pas à employer contre eux la force des armes. Ces ouvertures furent vaines et les offres des soldats d’Antiochus une fois rejetées avec dédain, la répression violente commença ! Malheureusement pour les Juifs, elle commença un jour de sabbat, évidemment choisi tout exprès par les Grecs ; et comme les prétendus coupables étaient enfermés dans des cavernes, ils y furent étouffés par les flammes, sans tenter la moindre résistance, sans même essayer dé barricader l’entrée de leur asile. Josèphe affirme que le nombre des victimes de ce premier acte de sauvagerie, s’éleva à un millier de personnes, y compris les femmes et les enfants[4].

Tous ceux qui s’échappèrent à ce danger, coururent rejoindre Mattathias et se mirent spontanément sous ses ordres. Celui-ci, instruit par le funeste exemple qui venait d’être donné, s’efforça tout d’abord de démontrer à ses soldats qu’ils ne devaient plus refuser le combat, même pendant le saint jour du sabbat : — Songez-y bien, leur dit-il, si vous prenez ce parti, si vous préférez respecter la loi, vous deviendrez les artisans de votre propre perte ; car, n’en doutez pas, vos rusés ennemis profiteront toujours du sabbat, pour vous attaquer, et vous serez ainsi facilement anéantis, sans avoir eu le loisir de vous défendre. — Ce sage conseil fut accueilli favorablement, et, de fait, à partir de ce moment, les Juifs n’hésitèrent jamais plus à combattre même le jour du sabbat, lorsque la nécessité de la lutte était urgente.

En peu de temps, Mattathias se vit à la tête d’une petite armée, déjà respectable, et avec laquelle il y aurait bientôt à compter. Les autels des faux dieux furent renversés, et les apostats punis de mort, toutes les fois qu’il put s’en trouver. Il est vrai que la plupart d’entre eux cédant à la terreur, s’étaient enfuis et réfugiés au milieu des gentils. Les enfants qui n’avaient pas encore été circoncis, le furent par les ordres de Mattathias, et les officiers chargés de veiller à ce que la circoncision ne fût plus pratiquée, furent chassés ignominieusement[5].

Parmi les partisans qui s’étaient rangés sous l’étendard de Mattathias, se trouvaient tous les membres d’une association pieuse nommée les Assidééns, qui s’engageaient à verser leur sang pour la défense de la loi sacrée[6].

Une année à peine s’était écoulée depuis le début de l’insurrection judaïque, lorsque Mattathias sentit sa fin approcher ; il appela ses fils autour de lui et leur parla ainsi : Mes enfants, me voici arrivé au terme de ma vie ; écoutez donc mes conseils ; je vous conjure de suivre fidèlement la voie que j’ai suivie moi-même ; ayez sans cesse devant les yeux l’exemple que vous a donné celui qui vous a engendrés et élevés. Observez pieusement les rites de vos pères ; efforcez-vous de relever l’ancien état de votre république, aujourd’hui compromise ; ne vous laissez pas détourner de la borine voie par l’exemple de ceux qui trahissent la sainte cause de notre race, soit de leur propre mouvement, soit sous l’aiguillon de la peur ; montrez-vous toujours dignes de moi, c’est-à-dire, défenseurs ardents de la liberté, inébranlables devant la violence et la misère ; soyez toujours prêts à mourir pour le maintien de la loi, et soyez assurés que si Dieu volis voit tels que je vous le dis ; il ne vous abandonnera, jamais ; bien plus il vous rendra au centuple ce que vous avez perdu, et vous accordera la liberté entière de jouir en toute sécurité des bienfaits que nos mœurs seules peuvent procurer à l’homme. Certes le corps est périssable ; mais la mémoire des belles actions est immortelle. Je veux que vous ayez l’émulation de cette noble immortalité, que vous travailliez à conquérir la gloire ; dussiez-vous la payer de votre vie. Ce que je vous recommande par-dessus tout, c’est la concorde et l’entière subordination de chacun envers celui d’entre vous que la Providence aura plus richement doué ; pour diriger vos actions en commun. Ainsi, votre frère Siméon est au-dessus de vous tous par la prudence ; qu’après moi il vous tienne lieu de père, et que ses conseils soient toujours des ordres pour vous. Judas Macchabée vous surpasse tous en bravoure et en force ; qu’il soit votre chef de guerre ; car il saura venger les injures de son peuple, et en châtier les ennemis. Enfin, attirez à vous tous ceux qui aiment la justice et la pureté, et vous les rendrez plus forts[7].

Ce qui semble assez étrange, c’est la teneur du verset 68 du passage qui, dans les livres des Macchabées, rapporte le discours de Mattathias mourant à ses fils ; discours que nous venons de reproduire d’après Josèphe. Voici le texte de ce verset : Retribuite retributionem gentibus et intendite in præceptum legis. On s’explique difficilement en effet cette recommandation suprême de payer fidèlement le tribut aux gentils.

Ayant ainsi parlé à ses fils, Mattathias les bénit ; puis il pria le Tout-Puissant de leur venir en aide, et de rendre à son peuple élu la liberté de vivre sous sa loi sainte ; peu après il rendit le dernier soupir.

Ses fils déposèrent sa dépouillé mortelle à Modiim, dans leur sépulture de famille. Dès que les cérémonies du deuil public furent accomplies, Judas Macchabée prit la haute direction des affaires. (On était alors en l’an 146 de l’ère des Séleucides, 167 av. J.-C.) A partir de ce moment les frères de Judas et tous leurs partisans secondèrent de toutes, leurs forces leur jeune général, si bien que l’ennemi fut rejeté hors du pays, et que les Juifs apostats y furent partout mis à mort[8].

Voici comment. Judas et les siens s’y étaient pris pour se créer une armée. Ils s’introduisaient furtivement dans les bourgades et les forteresses de la Judée ; ils y faisaient appel en secret à leurs parents, à leurs amis, à tous ceux dont le cœur pouvait battre encore aux saints noms de la patrie et de la religion, et chaque jour leurs rangs se grossissaient. En peu de temps, Judas compta 6.000 soldats déterminés et dévoués jusqu’à la mort ; désormais l’insurrection judaïque était viable. Ce fut à partir de ce moment que la petite armée nationale devint intolérable pour les Grecs. Elle arrivait partout, à l’improviste, surprenant les forteresses et les bourgades occupées par l’ennemi, et les livrait aux flammes. Toutes les fois qu’il trouvait de la résistance, Judas, en capitaine habile, profitait avec un art extraordinaire du terrain et faisait chaque fois subir des pertes sensibles à l’ennemi ; d’ailleurs il profitait toujours des ténèbres de la nuit pour mener à bonne fin les expéditions de ce genre, et le nom du jeune chef des Juifs ne tarda pas à inspirer à ses adversaires une véritable terreur[9], tandis qu’il réveillait le patriotisme des Juifs.

Avant d’aller plus loin, on nous permettra de dire quelques mots du surnom de Macchabée ou Macchabée que portait Judas, fils de Mattathias, et qui devint, concurremment avec la dénomination d’Asamonéens ou d’Asmonéens, le titre glorieux de la dynastie judaïque dont Judas fut la souche. L’origine de ce surnom a donné lieu à plusieurs interprétations, parmi lesquelles il est fort difficile de faire un choix. Nous nous contenterons donc de les enregistrer, sans prétendre, en aucune façon, imposer à autrui notre propre préférence.

La plus naturelle de toutes ces interprétations est celle qui tirerait le surnom Macchabée du mot hébraïque בקם marteau, de telle sorte que Judas aurait reçu un surnom assez analogue à celui d’Attila qui fut, plusieurs siècles plus tard, appelé le fléau de Dieu, ou de Charles Martel, plus exactement nommé Karl le Martel,

D’autres voient dans les lettres בקם les finales des trois noms des patriarches Abraham, Isaac et Jacob ; mais nous avouons qu’une pareille explication n’a rien qui nous séduise.

La troisième enfin est la suivante : le verset 11 du chap. XV de l’Exode contient l’invocation suivante :

תוחי םילאב חבמב ים

Qui est comme toi parmi les dieux, ô Jéhovah ?

Les initiales de ces quatre mots, יבבם, avaient été brodées sur les étendards de Judas, fils de Mattathias, et de là serait venu son nom de Macchabée. Cela nous paraît plus ingénieux que probant. Et si cela était vrai, comment expliquer ce même nom de Macchabée porté par l’aîné des sept fils de la pieuse femme qui mourut avec ses enfants dans les plus horribles supplices, par l’ordre d’Antiochus Épiphane[10] ?

Tout bien considéré nous donnons la préférence à la première explication que nous venons d’enregistrer.

Maintenant reprenons le récit des événements.

Apollonius, préfet de la Samarie, fut le premier à se préoccuper d’un mouvement insurrectionnel qui se répandait partout avec la rapidité de la foudre. Il crut facile encore de l’étouffer dans le sang des rebellés, et rassemblant en hâte tout ce qu’il avait de troupes disponibles, il marcha contre la Judée. Bien loin d’éviter le combat, Judas courut au-devant de l’ennemi qu’il mit promptement en déroute, après lui avoir tué beaucoup de monde, et blessé un plus grand nombre encore. Le camp des Grecs fut pillé par les Juifs, et leur procura un immense butin. Apollonius lui-même avait péri dans le combat. Judas le dépouilla de sa riche armure ; et à partir de ce moment il se servit habituellement de l’épée qu’Apollonius portait dans le combat où il avait perdu la vie[11].

Philippe qui commandait pour Antiochus à Jérusalem, effrayé de ce nouveau succès de Judas, écrivit à Ptolémée, chef de l’armée de Cœlésyrie et de Phénicie, pour l’informer de l’état, des choses et lui demander de prompts secours[12].

Josèphe ne mentionne pas le Ptolémée cité dans le IIe 1ivre des Macchabées, mais donne la même qualification de chef de l’armée de Cœlésyrie à Séron. Nous n’hésitons pas à en conclure que Ptolémée et Séron sont un seul et même personnage.

Quoi qu’il en soit, Séron jugeant, à son tour qu’il était grand temps d’écraser la révolte, se mit en marche à la tête d’une armée considérable, dans les rangs de laquelle on comptait un grand nombre de juifs apostats ; rien ne l’arrêta dans sa marche, et il vint camper, près de Béthoron, bourgade de la Judée[13].

Judas enhardi par son premier succès contre Apollonius, n’avait pas hésité à courir au-devant de son adversaire. Malheureusement ce jour-là était un jour de jeûne, et les soldats du héros affaiblis par la faim, et il faut le dire, intimidés par le nombre de leurs ennemis, se montrèrent hésitants : Judas les harangua et s’efforça dé réveiller leur courage. Ce n’est pas la supériorité du nombre qui donne la victoire, leur dit-il, mais c’est bien plutôt la piété envers le Dieu tout-puissant : n’avez-vous pas, dans l’histoire de vos pères, de nombreux exemples de la facilité avec laquelle ceux qui combattent, avec le bon droit pour eux, en défendant leurs lois et leurs enfants, peuvent vaincre des myriades d’ennemis ? La plus grande des forces, c’est la vertu !

Ces paroles ranimèrent les soldats de Judas. Ils ne tinrent plus compte de la multitude, des Syriens et fondant bravement sur eux, ils les mirent en fuite. Séron étant tombé l’un des premiers ; tous les siens se débandèrent aussitôt, comme si tout espoir de victoire eût reposé sur la tête de leur chef. Les Juifs victorieux, poursuivirent les fuyards l’épée dans les reins, jusqu’à la plaine, et dans cette poursuite tuèrent huit cents hommes. Tout le reste s’enfuit vers la côte, dans le pays des Philistins[14].

Le roi Antiochus, en apprenant les deux échecs subis coup sur coup par ses troupes, fut enflammé de colère. Violent et emporté comme il l’était, il ne songea plus, dès ce moment, qu’à venger sans miséricorde le double outrage qu’il venait de recevoir. Il réunit en toute hâte tout ce qu’il avait de troupes disponibles, leva parmi les populations des îles de la Méditerranée une multitude de mercenaires ; et se prépara à fondre sur la Judée, aussitôt que le retour du printemps lui permettrait d’agir.

Il fallait payer d’avance la solde, d’une année de tout ce monde de soldats ; et lorsque cette dépense indispensable fut faite Antiochus vit avec douleur que son trésor était épuisé. Les tributs rentraient mal, à cause des insurrections multipliées qui déchiraient son empire ; lui-même était tellement prodigue, que ses sujets avaient un beau jour changé son surnom d’Επιφανής, illustre, en celui d’Επιμανής, fou[15].

Les caisses de l’État étaient donc vides, et il ne restait plus au Roi qu’un moyen de les remplir de nouveau, pour assurer sa vengeance. C’était de suspendre l’expédition contre la Judée ; et de courir en Perse, pour, recueillir le tribut de cette riche province.

Antiochus n’était pas homme à perdre du temps, lorsqu’une fois il avait pris une résolution. Il plaça donc à la tête des affaires dont il avait abandonné la direction, avec des pleins pouvoirs pour exercer, en son absence, les actes de l’autorité royale, un certain Lysias, auquel il délégua le gouvernement de tous les pays compris entre l’Euphrate d’une part, les frontières d’Égypte et l’Asie inférieure, de l’autre. Il laissait sous ses ordres la moitié de l’armée et des éléphants. Ce Lysias était en outré chargé de surveiller avec le plus grand soin, pendant l’absence d’Épiphane, l’éducation de son jeune fils Antiochus. Mais ce que Lysias avait l’ordre de faire avant toute autre chose, c’était de ravager la Judée, de réduire le peuple juif en esclavage, de raser Jérusalem ; en un mot d’anéantir la nationalité judaïque. Une fois toutes ces instructions données à Lysias, Antiochus Épiphane se dirigea vers la Perse ; on était alors en l’an 449 (ère des Séleucides, 166 av. J.-C.). Bientôt il eut franchi l’Euphrate et il s’achemina à marches forcées vers les provinces supérieures[16].

Lysias aussitôt investi dé l’autorité souveraine ; n’eut rien de plus pressé que d’exécuter le mandat d’extermination qu’il avait reçu. Il fit choix de Ptolémée, fils de Dorymène[17], de Nicanor et de Gorgias, tous les trois personnages de la plus haute dignité, et amis dévoués du Roi, pour diriger la guerre contre les Juifs. Il leur donna 40.000 hommes d’infanterie, 7.000 de cavalerie, et à la tête de cette imposante armée, il les lança sur la Judée.

Les Syriens s’étant avancés jusqu’à la ville d’Emmaüs[18] s’y retranchèrent dans la plaine (έν τή πεδινή). Là ils furent renforcés par des auxiliaires arrivant de Syrie ou des pays voisins, et par des Juifs transfuges. On voyait de plus au camp des Grecs, bon nombre de trafiquants accourus pour acheter les esclaves qui allaient bientôt être mis en vente ; entraves pour les empêcher de fuir, or et argent pour les payer, tout était prêt. Judas Macchabée s’établit de son côté à proximité du camp des Syriens, et s’empressa de rassurer par ses paroles ses soldats qu’intimidaient les retranchements du camp ennemi, et la multitude des hommes armés appelés à le défendre. Il les exhorta à prendre courage, à demander à Dieu, comme le faisaient leurs pères, sa toute-puissante assistance, à se couvrir de sacs, au lieu de leurs vêtements habituels, à prendre, en un mot, l’attitude de suppliants placés devant un immense péril, et à conjurer Jéhovah de les fortifier dans la lutte terrible qu’ils allaient soutenir pour la gloire de son nom. Cela fait, il distribua sa petite armée en corps de 1.000 hommes, subdivisés en pelotons, suivant l’habitude antique de la nation. Les chiliarques et les chefs de peloton furent placés à la tête de leurs hommes ; les nouveaux mariés et ceux qui avaient récemment acquis des propriétés, pouvaient se montrer tièdes et craintifs dans l’action, par suite d’un sentiment naturel à la faiblesse humaine : Judas les fit sortir des rangs et les renvoya ; puis il annonça à sa petite armée que le lendemain, au point du jour, ils marcheraient à l’ennemi[19].

Le Ier livre des Macchabées nous fournit ici quelques détails assez intéressants. Lorsqu’il s’agit de marcher au combat contre. les Syriens, les Juifs placés sous les ordres de Judas s’assemblèrent à Maspha, contra Jerusalem, quia locus orationis erat in Maspha[20] ; Jérusalem était alors déserte et personne, parmi les Juifs, n’osait plus y entrer, parce que la citadelle était occupée par une garnison syrienne ; arrivés là les insurgés jeûnèrent pendant tout un jour, se couvrirent de cilices, jetèrent de la cendre sur leurs têtes, et déchirèrent leurs vêtements, en priant avec ferveur. Lorsqu’ils eurent invoqué la protection divine, les trompettes éclatèrent, et Judas organisa sa petite armée, en nommant des chefs de mille hommes, des centurions, des pentacontarques et des décurions. Il se débarrassa de tous ceux qui lui paraissaient ne pouvoir être des combattants résolus, puis tous se mirent en marche ; ils allèrent camper au midi d’Emmaüs.

Là, Judas leur adressa une dernière fois la parole : Ceignez-vous les reins, soyez forts, leur dit-il, et tenez-vous prêts pour demain matin ; car mieux vaut cent fois mourir les armes à la main, que de vivre dans l’opprobre ! Maintenant, que la volonté de Dieu soit faite ![21]

Un chef d’armée, quelque peu expérimenté qu’il soit, a toujours des espions à son service. C’est l’a b c de l’art de la guerre. Il est indispensable, en effet, de savoir toujours de la manière la plus précise où se trouve l’ennemi, et quels mouvements il a opéré, on se prépare à opérer. Des déserteurs étaient venus, comme cela arrive presque toujours, informer les généraux grecs de la position où était établi le camp des Juifs. Surprendre ce camp pendant la nuit, était une idée qui devait naturellement venir à la pensée d’hommes de guerre, habitués de longue date à diriger des opérations militaires. Ils savaient à merveille le nombre des forces juives ; c’était une poignée d’hommes mal armés et inhabiles, à écraser. Rien ne devait être plus facile, parce que, sans doute, ils ne sauraient pas se garder convenablement. Gorgias fut chargé de cette expédition qui devait être plutôt une partie de plaisir qu’un engagement sérieux, pour de vrais soldats. Cinq mille hommes d’infanterie et mille de cavalerie étaient plus que suffisants pour mener l’affaire à bonne fin, et lorsque la nuit fut venue, tout le monde se mit en marche, guidé par les déserteurs mêmes dont les rapports avaient fait concevoir le projet d’attaque du camp de Judas. Heureusement celui-ci était aussi bien servi que ses adversaires. Le plan des Syriens une fois connu dans ses plus minces détails, le brave fils de Mattathias comprit qu’il y avait un grand profit à tirer des dispositions mêmes adoptées par l’ennemi. Celui-ci venait de diviser ses forces, et se croyait dans la plus profonde sécurité ; c’était bien le cas de lui jouer le même tour qu’il essayait de leur jouer à eux-mêmes. Judas fit donc prendre en hâte un repas à ses troupes ; puis de grands feux furent allumés dans toute l’étendue du camp qui fut aussitôt évacué en silence. Il fallait de toute nécessité éviter la rencontre du petit corps expéditionnaire de Gorgias ; aussi les Juifs se jetèrent-ils dans les gorges de la montagne, et se dirigèrent-ils par de longs détours, vers le camp syrien d’Emmaüs.

Pendant ce temps-là Gorgias arrivait au camp des Juifs, et n’y trouvait personne, à son grand désappointement. Avec la présomption habituelle des Grecs, il en conclut que les Juifs frappés de terreur, en apprenant son approche, s’étaient enfuis et cachés dans les montagnes. Il prit donc immédiatement le parti de les y aller chercher.

Au point du jour, Judas arrivait en vue du camp d’Emmaüs, à la tête de 3.000 hommes mal armés, à cause de leur pauvreté[22]. Du point où il s’était arrêté, on voyait les Syriens couverts de belles cuirasses, par-dessus les solides retranchements dont ils avaient entouré leur camp. — Fussiez-vous tout nus, cria Judas à ses compagnons, tombez vigoureusement sur ces infâmes, et Dieu fera certainement pour vous, cette fois encore, ce qu’il a fait jadis pour vos pères. — Il donna aux trompettes l’ordre de sonner la charge, et les Juifs se précipitèrent sur les Grecs que cette attaque imprévue glaça d’épouvante. Dans le camp le tumulte fut extrême ; d’où venaient ces ennemis qui tombaient du ciel, pendant que Gorgias exterminait l’armée de Judas ? Fatale question à laquelle on ne trouvait pas de réponse ? Tous ceux qui tentèrent de résister et de courir au devant des assaillants, tombèrent sous les épées des Juifs ; les survivants alors, ahuris par la peur, s’enfuirent dans toutes les directions. Ce fut un sauve-qui-peut général.

On les poursuivit l’épée dans les reins jusqu’à Gezeron (Gadara, écrit Josèphe) du côté de l’Idumée, et jusqu’aux campagnes d’Azot et de Iamnia. 3.000 Grecs restèrent sur le carreau[23].

Après ce combat qui prit quelques heures, Judas se hâta de rallier ses soldats, et les empêcha de songer à dépouiller les vaincus. — Tout n’est pas fini, leur dit-il, vous allez avoir à combattre tout à l’heure Gorgias et son corps d’armée ; quand vous les aurez vaincus, il sera temps de songer au butin ; car alors nous n’aurons plus rien à craindre. — A peine Judas avait-il fini de parler, que Gorgias et les siens parurent sur la hauteur qui dominait le camp des Grecs, et là ils eurent un spectacle auquel ils étaient loin de s’attendre. Leur camp avait été livré aux flammes, la fumée qui en couvrait l’emplacement ne pouvait laisser de doute à cet égard, et l’armée puissante qu’ils y avaient laissée, avait disparu.

Les soldats de Gorgias apercevant devant eux la petite armée de Judas qui les attendait de pied ferme, après avoir fait aux leurs tout le mal dont ils ne voyaient que trop bien l’étendue, furent à leur tour saisis d’une panique irrésistible, et prirent immédiatement la fuite.

Dès qu’ils eurent disparu, le pillage commença et les Juifs s’emparèrent en toute sécurité d’un immense butin[24].

Lorsque la nouvelle de ce désastre parvint aux oreilles de Lysias, il en fut humilié et irrité à la fois. Il n’était pas possible d’accepter un semblable échec, sans essayer d’en tirer une revanche éclatante. Il leva donc une armée de 60.000 fantassins d’élite et de 5.000 cavaliers, et, l’année suivante, il envahit la Judée à la tête de toutes ses troupes. Il eût bientôt pénétré dans le pays montagneux et vint asseoir son camp près de Béthoron (Josèphe dit Bethsoura[25]).

Judas plein de confiance dans la bonté de la cause qu’il défendait, n’hésita pas à marcher au-devant de l’ennemi, à la tête d’une petite armée de 10.000 combattants. Avant d’en -venir aux mains, il implora, comme c’était son habitude, la protection du Très Haut ; puis il fondit sur les Grecs et les mit en déroute. Cette fois 5.000 hommes restèrent sur le carreau, et à la vue d’un pareil massacre, le reste de l’armée fut saisi d’une terreur folle et prit la fuite. Lysias lui-même voyant qu’il avait affaire à des hommes qui affrontaient gaiement la mort, et qui aimaient mieux périr, jusqu’au dernier, que de vivre sans la liberté, Lysias jugea qu’il était prudent de cesser de s’attaquer à de pareils désespérés, et que ce qu’il avait de mieux à faire, c’était de regagner Antioche. Une fois de retour dans la capitale du royaume, il se ravisa et ne songea plus qu’à lever une multitude de mercenaires, et à préparer de nouveau une expédition formidable contre la Judée[26].

Après tant de victoires éclatantes, remportées coup sur coup, Judas débarrassé de toute inquiétude prochaine, assembla le peuple et lui déclara que puisque Dieu lui avait accordé de si nombreux succès, il était temps de monter à Jérusalem, de purifier le temple et de rétablir les sacrifices accoutumés. Cette ouverture fut accueillie par des acclamations unanimes, et la multitude conduite par Judas pénétra dans Jérusalem. Elle trouva le temple désert ; toutes les portes étaient brûlées, et le hiéron encombré de broussailles qui, grâce à l’abandon des saints lieux, avaient spontanément poussé partout. A la vue de pareille désolation, Judas et tous ceux qui le suivaient éclatèrent en sanglots. Mais bientôt le héros eut retrouvé toute son énergie. Désignant parmi ses soldats un nombre suffisant d’hommes éprouvés, il leur ordonna d’aller combattre la garnison de la citadelle (τήν Άxραν)[27] pendant que, de son côté, il procéderait à la purification du temple. Lorsqu’il l’eut nettoyé avec un soin extrême, il fit apporter un nouveau mobilier, les candélabres, la table et l’autel, tout cela construit en or ; il fit suspendre aux portes de nouveaux voiles, et y plaça de nouveaux battants ; l’autel des holocaustes qui avait été souillé fut démoli, et on en construisit un nouveau, composé de pierres brutes que le fer n’avait pas touchées.

Le 25 du mois de khaslew (que les Macédoniens nomment apellæus), le candélabre fut allumé, l’encens brûla sur l’autel, les pains furent placés sur la table, et les victimes furent immolées sur le nouvel autel des holocaustes. Ce jour de joie suprême pour les Juifs, était précisément le troisième anniversaire. de la profanation du temple de Jéhovah. Il était arrivé, en effet, que le temple était resté trois années entières dans la désolation que nous avons dite, depuis le jour où Antiochus l’avait profané.

Ce fatal événement avait eu lieu en effet le 25 d’apellæus, en l’an 145 (168 av. J.-C.), dans la 153e olympiade ; et la restauration du culte judaïque fut célébrée le 25 d’apellæus, en l’an 148 (165 av. J.-C.), dans la 154e olympiade[28].

Il arriva de la sorte, ajoute Josèphe, que la désolation du temple s’accomplit ainsi que Daniel l’avait prédit ; 408 ans auparavant ; il annonça en effet qu’il serait ruiné par les Macédoniens[29].

Le Ier livre des Macchabées qui rapporte naturellement de son côté ces joyeux événements[30] s’exprime ainsi à propos de la sainte montagne du temple : 37. Et congregatus est omnis exercitus et ascenderunt in montem Sion. 38. Et viderunt sanctificationem desertam et altare profanatum, etc. De ce texte ressort un fait d’une extrême importance ; c’est que la montagne du temple portait le nom illustre de Sion, à tout le moins à l’époque où fut rédigé le livre des Macchabées. Au verset 38, il est dit encore que Judas, à son entrée dans le temple, trouva les Pastophories en ruinés. Qu’était-ce que ces Pastophories ? Josèphe ne nous en parle qu’une fois (Guerre, IV, IX, 12). Il nous raconte que Jean, maître du hiéron, et tenant tête à Simon qui occupait la ville, fit construire quatre grandes tours de défense, l’un à l’angle nord-est de l’enceinte sacrée ; un autre dominant le Xystus ; une troisième à l’angle placé en face de la ville basse ; et la quatrième enfin sur le sommet des Pastophories ; c’était de là, ajoute-t-il qu’un prêtre, suivant la coutume, annonçait à son de trompe le commencement de chaque septième jour, et la fin de ce jouir consacré au repos, au coucher du soleil suivant. Il semble résulter de là que les Pastophories devaient être placés à l’angle sud-est de l’enceinte sacrée.

Aux versets 43 et 44, l’écrivain sacré dit que les pierres souillées furent jetées dans un lieu immonde, et que Judas tint conseil avec les plus illustres docteurs, pour savoir ce qu’il fallait faire de l’autel des holocaustes. Il fut décidé qu’il serait démoli, et que ses pierres seraient mises en dépôt dans un lieu propice, sur la montagne sainte, où elles resteraient jusqu’à ce qu’un prophète de Jéhovah vînt dire ce qu’il en fallait faire.

Huit jours de suite furent consacrés au rétablissement des sacrifices dans le temple, et ce furent huit jours d’allégresse. Il fut décidé que chaque année, et à jamais, la nation juive célébrerait par une fête de huit jours, le souvenir glorieux de la purification du temple. Josèphe ajoute ici : Et depuis cette époque, jusqu’aujourd’hui, nous observons cette solennité commémorative que nous appelons les Lumières (Φώτα). Ce nom lui fut donné, à notre avis, parce que ce fut ce jour-là que brilla pour notre loi l’aurore d’une délivrance inespérée[31].

Mais il ne suffisait pas de songer au rétablissement du culte ; Judas prit donc toutes les mesures nécessaires pour la sécurité de Jérusalem. Les murailles d’enceinte furent réparées ; des tours élevées furent établies, pour résister aux invasions de l’ennemi, et des garnisons y furent installées. Enfin la ville de Bethsura fut fortifiée, pour qu’elle pût servir aux Juifs de place de refuge, au cas où des revers les mettraient dans la nécessité d’évacuer Jérusalem[32].

On pourrait croire que les tours élevées dont parle Josèphe étaient des ouvrages militaires placés hors de Jérusalem ; ce serait une erreur, car le texte du 1er livre des Macchabées est ainsi conçu : Et ædificaverunt in tempore illo montem Sion, et per circuitum muros altos et turres firmas, ne quando venirent gentes, conculcarent eum, sicut antea fecerunt ; et collocavit illic exercitum ut servarent eum, et muniuit eum ad custodiendam Bethsuram, ut haberet populus munitionem contra faciem Idumeæ[33].

Nous avons signalé tout à l’heure l’emploi du nom de Sion appliqué à la montagne de l’enceinte du temple, qui fut mise par Judas en état respectable de défense. Quant à Bethsura, il est dit que cette forteresse était destinée à faire face à l’Idumée ; cela convient parfaitement au Bordj-Sour moderne.

Les nations voisines des Juifs, nations dont l’hostilité ne s’était jamais démentie, trouvèrent naturellement un nouvel élément de haine dans les succès de Judas, et dans la résurrection, s’il est permis de s’exprimer ainsi, d’une race abhorrée. Cette haine se manifesta bientôt par des actes de violence abominables. De tous les côtés on apprit à Jérusalem que beaucoup de Juifs, paisiblement établis au milieu des populations étrangères, avaient été massacrés ou réduits en servitude (165 av. J.-C.).

Judas n’était pas homme à laisser impunis de pareils attentats aux droits des gens. Il fit donc aux ennemis des Juifs une guerre implacable, s’efforçant de les réprimer et de les habituer à respecter les enfants d’Israël. Beaucoup d’Iduméens, descendants d’Ésaü, attaqués par lui dans l’Acrabatène, furent taillés en pièces et dépouillés. Les fils de Baânas qui avaient tendu des embûches aux Juifs, furent poursuivis, contraints de se réfugier dans de petites forteresses que Judas assiégea et livra aux flammes, en faisant périr leurs défenseurs. Macchabée envahit ensuite l’Ammonitide où il se trouva en présence d’une forte armée commandée par Timothée. Elle fut mise en fuite. La ville de Gazer[34] fut prise d’assaut et brûlée ; puis Judas victorieux reprit le chemin de la Judée, traînant en captifs à sa suite les femmes et les enfants de ceux qu’il avait défaits. — Les nations voisines dès qu’elles furent assurées du départ de Judas, profitèrent de ce moment de répit, pour courir sus aux Juifs habitants du pays de Galaad. Ceux-ci réussirent à fuir et à se réfugier dans la forteresse de Dathema[35], d’où ils envoyèrent en toute hâte prévenir Judas dé ce qui venait de se passer, et de l’intention manifeste de Timothée d’enlever de vive force l’asile qu’ils avaient choisi. A peine cette nouvelle était-elle reçue, que parurent d’autres envoyés accourus de la Galilée, et annonçant à Judas que les habitants de Ptolémaïs, les Tyriens et les Sidoniens, tous gens étrangers à la Galilée, venaient de faire invasion dans leur pays[36].

Dès que Judas eut reçu ces déplorables nouvelles, et que le peuple en fut instruit, convenit ecclesia magna, la grande synagogue s’assembla, pour aviser à ce qu’il était urgent de faire[37].

A ce moment donc la grande synagogue (חלודנח תםנב ישנא) jouait déjà un rôle très important dans la République judaïque ; elle était instituée et fonctionnait régulièrement. Il est bon de faire remarquer que le récit de Josèphe ne dit pas un mot de l’intervention, en cette circonstance, d’un conseil suprême. Il n’est pas inutile non plus de constater que les mots talmudiques חלודנח תםנב sont la traduction littérale de l’expression ecclesia magna du livre des Macchabées. Déjà au verset 59 du chapitre IV, lorsqu’il s’agit de la fête à instituer en commémoration de la purification du temple, il est question de l’universa ecclesia Israël, qui n’est certainement encore que la grande synagogue.

Voici ce qui fut décidé par Judas et par le conseil de sa nation : Siméon à la tête de 3.000 hommes d’élite fut envoyé au secours des Galiléens. Judas, accompagné de son frère Jonathan, prit le commandement d’une armée de 8.000 hommes, chargée d’opérer dans le pays de Galaad ; le reste des troupes disponibles fut placé sous les ordres de Joseph fils de Zacharias et d’Azarias, avec mission de protéger la Judée, mais d’éviter tout conflit avec qui que ce fût, avant le retour de Judas.

L’expédition de Siméon fut heureuse ; à peine en Galilée, il marcha droit à l’ennemi qu’il força d’évacuer le territoire ; après l’avoir mis en fuite, il le poursuivit jusqu’aux portes de Ptolémaïs, et lui tua environ 3.000 hommes. Il délivra les Juifs qui avaient été faits captifs, s’empara des bagages de l’ennemi, et rentra sans obstacle à Jérusalem, au milieu de l’allégresse générale[38].

De son côté Judas Macchabée et son frère Jonathan, après avoir franchi le Jourdain, s’avancèrent de trois journées de marche dans l’intérieur des terres, et rencontrèrent un corps de Nabatéens qui venait au-devant des Juifs, avec des intentions pacifiques. Les survenants leur racontèrent tout ce qui venait de se passer dans le pays de Galaad, c’est-à-dire les affreux malheurs qui avaient fondu sur leurs frères en ce pays. Ils prévinrent Judas qu’il n’avait pas de temps à perdre, s’il voulait sauver les victimes des gentils, mais que pour cela faire, il était urgent d’agir de ruse. Judas écouta ces avis, et continuant à s’avancer à travers le désert, put ainsi tomber inopinément sur la ville de Bosorra[39] qu’il enleva du premier coup. Tous les habitants mâles, en âge de porter les armes, furent,passés au fil de l’épée, et la ville elle-même fut livrée aux flammes. Le soir même Judas reprit sa marche, et profita des ténèbres de la nuit pour s’approcher de la forteresse dans laquelle les Juifs s’étaient enfermés, et dont Timothée avait commencé le siège. Au point du jour Judas arrivait devant la place menacée ; déjà l’ennemi était établi au pied des murailles ; les uns y appliquaient des échelles, les autres apportaient les machines nécessaires pour donner l’assaut.

Le général juif avait,donc réussi à surprendre ses ennemis, au moment où ils s’y attendaient le moins. Exhorter ses soldats à jouer bravement leur vie pour le salut de leurs frères, partager sa troupe en trois colonnes d’attaque et faire sonner la charge, ce fut l’affaire d’un instant. Quand ils entendirent le son des trompettes et le cri dé guerre des Juifs, auxquels répondaient les clameurs des assiégés, les soldats de Timothée avaient déjà l’ennemi sur les épaules. — Voilà Macchabée, s’écrièrent-ils avec terreur, sauve qui peut ! et chacun de chercher son salut dans la fuite.

Judas les poursuivit avec acharnement, l’épée dans les reins, et en tua 8.000 ; puis, faisant un détour, il fondit sur Mallès, ville des gentils, qu’il prit d’assaut et dont tous les habitants mâles furent égorgés. Cette fois encore la ville fut incendiée. De là Judas alla ruiner Chasphôma, Bosor et beaucoup d’autres places du pays de Galaad[40].

Timothée avait réussi à se tirer de ce mauvais pas ; avide de vengeance, il leva une nouvelle armée, enrôla des auxiliaires, et parvint à prix d’argent à entraîner à sa suite un certain nombre d’Arabes. Il vint prendre position au-delà du torrent qui coule en face de la ville de Raphôn. Il avertit ses soldats qu’il était urgent pour eux de bien défendre le passage de ce torrent, au cas où une bataille viendrait à s’engager avec les Juifs, parce qu’ils seraient infailliblement perdus, si l’ennemi parvenait à la franchir. Judas averti par ses espions des dispositions adoptées par Timothée, fit prendre les armes à tout son monde et marcha droit au torrent qu’il passa le premier. La résistance fut courte. Les plus braves des soldats de Timothée essayèrent de soutenir le choc ; ils furent tous tués ; excepté ceux qui, pris d’une terreur panique, jetèrent leurs armes et s’enfuirent. Ceux qui purent échapper ainsi au massacre coururent se réfugier dans le Téménos de Carnaïm[41], qu’ils regardaient comme un asile inviolable. Leur illusion fut bientôt dissipée ; Judas enleva la ville et le Téménos qui fut livré aux flammes, tous ceux qui s’y étaient réfugiés furent voués au supplice[42].

Après tant de hauts faits accomplis, Judas ramenant avec lui tous les Juifs de la Galaadite, avec leurs femmes et leurs enfants, se mit en route pour la Judée. Sur son chemin se trouvait la ville d’Éphron qu’il n’était pas possible dé tourner. Revenir sur ses pas ne pouvait convenir à Judas, il fit donc demander aux Éphronites le libre passage de son armée, avec engagement formel de respecter leur ville. Les Éphronites qui avaient déjà coupé la route et obstrué de grosses pierres les portes de là place, rejetèrent la proposition des Juifs. C’était encore une fois la guerre, et Judas l’accepta avec sa résolution accoutumée. Éphron fut cernée et le siège commença. Il dura toute une journée ; la nuit suivante la ville fut forcée et brûlée, et tous les habitants mâles furent mis à mort. — Judas se remit alors en route ; le carnage avait été si affreux, que les Juifs durent cheminer sur des monceaux de cadavres.

Le Jourdain fut franchi par l’armée de Judas en face de Bethsan[43], que les Grecs nomment Scythopolis. De là la marche de Judas vers la Judée ne fut plus qu’une marche triomphale, pendant laquelle ne cessèrent de retentir les chants d’allégresse.

A la rentrée des troupes à Jérusalem, commencèrent les sacrifices d’actions de grâces, pour le succès des armes judaïques, et pour le bonheur incroyable des combattants ; car dans cette campagne pas un Juif n’avait perdu la vie[44].

Nous avons dit qu’en partant pour le pays de Galaad, Judas avait confié la garde de Jérusalem à Josèphe, fils de Zacharias et à Azarias ; ceux-ci avaient l’ordre formel ne se tenir tranquillement sur la défensive. Mais apprenant les succès de Siméon en Galilée, de Judas et de Jonathan dans la Pérée, ils furent pris de l’envie insensée de se signaler aussi par quelque beau fait d’armes. Ils prirent donc la route de Iamnia, avec tout ce qu’ils avaient de troupes sous leurs ordres. Gorgias qui était établi à Iamnia avec un corps d’armée, courut au-devant d’eux, leur tua 2.000 hommes et les rejeta au-delà des frontières de la Judée. C’est ainsi que l’illustration et le renom de grands capitaines qu’ils ambitionnaient, se tourna en honte et en confusion pour ces deux hommes qui avaient enfreint les ordres formels reçus de Judas[45].

Les fils de Mattathias ne cessaient de faire la guerre aux Iduméens, et de les serrer de près sur tous les points. Ils finirent par leur enlever la ville de Hébron, dont ils renversèrent les murailles et incendièrent les tours défensives. Ils étendirent ensuite leurs ravages jusqu’à Marissa, et de là ils revinrent sur Azot qu’ils prirent et mirent au pillage. Après cette heureuse expédition, ils rentrèrent en Judée, gorgés de butin[46].

Si nous en croyons le Ier livre des Macchabées (v. 66 et 67), Judas parcourut également la Samarie, l’épée à la main. Ne se peut-il pas que le nom si connu de Samarie se soit ici substitué à Marissa sous la plume d’un copiste ? On peut le craindre. Quoi qu’il en soit l’expédition en question, qu’elle ait eu lieu au sud ou au nord de Jérusalem, n’en coûta pas moins la vie à quelques membres du corps sacerdotal qui spontanément voulurent prendre part au combat, et tombèrent victimes de leur courage irréfléchi.

Pendant que tout ce que nous venons de dire se passait en Judée, et dans les contrées voisines, que devenait Antiochus Épiphane ? Nous allons le dire.

Le roi de Syrie, en parcourant les provinces de par delà l’Euphrate, entendit parler des richesses accumulées dans la ville de Persa nommée Élymaïs. On vantait par-dessus tout la splendeur de son temple de Diane, rempli dés plus riches offrandes. On assurait aussi qu’on y voyait des armes magnifiques qu’y avait laissées Alexandre, fils de Philippe, roi de Macédoine. Il n’en fallait pas tant pour éveiller la convoitise d’Antiochus. Il courut à Élymaïs à la tête de son armée, et commença le siège de la ville. Mais les défenseurs de la place firent une telle résistance, qu’il ne put venir à bout de s’en emparer. Il se vit obligé, non seulement de lever le siège, mais encore de fuir en toute bâte devant l’armée des Perses, et de chercher un refuge à Babylone, où il n’entra qu’après avoir perdu une grande partie de son armée. Il était tout entier à la rage que lui causait ce cruel échec, lorsque pour surcroît de douleur, il apprit les défaites multipliées des généraux qu’il avait chargés ale réduire la Judée, et qui n’avaient fait qu’activer le réveil de là puissance des Juifs. Il en tomba malade de chagrin ; sa maladie traînait ea longueur ; chaque jour il sentait son mal empirer, si bien qu’il finit par comprendre que l’heure de sa mort était venue. Aussitôt il rassembla ses amis et leur dit que désormais son mal était sans remède et que sûrement il subissait ainsi le juste châtiment de sa cruelle conduite envers les Juifs, dont il avait dépouillé le sanctuaire et méprisé le puissant Dieu. Peu après il expira. Aussi, ajoute Josèphe, est-on en droit de s’étonner que Polybe le Mégalopolitain, écrivain d’ailleurs grave et honnête, ait raconté dans ses écrits qu’Antiochus Épiphane avait péri en voulant piller le temple de Diane. Avoir conçu seulement la pensée de ce forfait ne méritait certainement pas un châtiment aussi grave. S’il semble juste à Polybe qu’Antiochus ait ainsi perdu la vie, en punition d’un pareil sacrilège, il est bien plus vraisemblable qu’il paya de sa mort l’abominable spoliation du temple de Jéhovah[47].

Telle est la version acceptée par Josèphe, et que nous retrouvons pour ainsi dire textuellement reproduite dans le premier livre des Macchabées. Nous lisons ensuite, dans les deux écrits, qu’avant de rendre le dernier soupir, Antiochus appela auprès de son lit de mort, Philippe, l’un de ses amis, et lui confia la régence de son vaste empire. Il lui donna le diadème, la robe et le sceau, et il le chargea de remettre ces insignes de la royauté à son fils Antiochus dont il surveillait l’éducation ; il lui recommanda par-dessus tout de s’efforcer de lui conserver la royauté.

Antiochus Épiphane mourut de cette manière en l’an 149 de l’ère des Séleucides (164 avant J.-C.) près de Tabas, ville de Perse[48].

Nous ne savons trop en vérité comment concilier le récit que nous venons de reproduire, d’après le Ier livre des Macchabées et les Antiquités judaïques de Josèphe, avec ceux (car il y en a deux) que nous trouvons dans le IIe livre des Macchabées, et que nous ne pouvons évidemment passer sous silence ; d’autant plus que les deux semblent donner parfaitement raison à Polybe. Voici donc celle de ces deux versions qui n’est pas trop en désaccord avec celle que nous avons adoptée.

Antiochus, battant honteusement en retraite, avait quitté la Perse. Il était en effet entré dans la ville de Persépolis, et avait essayé de piller cette splendide cité et son temple. Mais la multitude avait pris les armes, et l’avait ignominieusement chassé. Dans sa fuite il était parvenu près d’Ecbatane, lorsqu’il apprit les désastres subis par Nicanor et Timothée. Enflammé de colère, il résolut de faire payer à la nation des Juifs l’affront sanglant qu’il venait de recevoir ; il fit donc atteler son char et marcha incessamment de toute la vitesse de ses chevaux, déjà condamné par la justice de Dieu, parce qu’il avait juré, dans son orgueil, qu’il serait bientôt à Jérusalem, et qu’il en ferait le sépulcre de la nation juive.

Mais le Tout-Puissant qui voit tout, le frappa soudain d’un mal mystérieux et incurable. A peine avait-il fini de proférer ses menaces terribles contre Jérusalem, qu’il fut saisi de douleurs effroyables des viscères intérieurs. Loin d’abattre sa fureur, cet accident ne fit que l’exaspérer ; ivre de rage, il donna l’ordre d’accélérer encore l’allure de ses chevaux, et bientôt le char qui le portait ayant versé, il se brisa les membres dans une horrible chute, et cet homme qui se croyait l’égal des dieux, se vit réduit à faire transporter son corps mutilé dans une litière. Les vers s’emparèrent de ses chairs encore vivantes, et une si horrible puanteur s’en exhala, qu’il ne se trouva plus personne pour porter sa litière. De ce coup son orgueil fut abattu et il en vint à dire : Il est juste que l’homme soit soumis à Dieu, et que celui qui est mortel ne se croie pas l’égal de Dieu.

Cet impie priait enfin et implorait une miséricorde qu’il ne devait pas obtenir, et cette cité sainte vers laquelle il courait pour la raser, et en faire le sépulcre d’une race entière anéantie, il voulait maintenant lui rendre la liberté ! Les Juifs qu’il ne jugeait pas dignes de la sépulture, dont il voulait laisser les cadavres en pâture aux oiseaux de proie et aux bêtes féroces, ces Juifs dont il voulait exterminer jusqu’aux petits enfants, voilà qu’il jurait de les faire les égaux des Athéniens ! et le temple qu’il avait pillé, il jurait de l’enrichir des dons les plus précieux ! Il l’ornerait de vases innombrables, et fournirait sur son trésor particulier tous les frais des sacrifices ! Bien plus encore, il se ferait juif lui-même, et il parcourrait l’univers entier pour proclamer la puissance du Dieu des Juifs !

Il était trop tard ; il était condamné sans appel ! Les douleurs qu’il endurait allaient sans cesse en s’aggravant, et dans son désespoir il écrivit aux Juifs la lettre suppliante que voici :

Aux illustres citoyens de la Judée salut, santé et prospérité, de la part d’Antiochus, Roi. Si vous et vos enfants vous êtes bien, si tout est à votre gré, j’en rends grâce à Dieu, moi qui suis gravement malade et qui m’occupe avec affection de vous. En revenant de la Perse, j’ai pensé qu’il était nécessaire de songer à notre bien commun ; ce n’est pas que je désespère de ma guérison, loin de là ! J’ai l’espoir le plus profond d’échapper à mon mal. Considérant donc que jadis mon père, lorsqu’il conduisait une armée vers les contrées d’en haut, jugea sage de désigner son successeur, afin que s’il lui arrivait malheur, ceux qui étaient restés à l’intérieur du royaume, sachant à qui le pouvoir suprême était légué, ne pussent être exposés à des troubles fâcheux ; considérant que les puissances voisines pouvaient être animées à mon égard de mauvais vouloir, j’ai désigné pour mon successeur mon fils Antiochus, que j’ai souvent recommandé à beaucoup d’entre vous ; et je lui ai écrit ce qui suit (Ici était sans doute copiée la dépêche d’Épiphane à son fils).

Je vous prie donc de montrer publiquement, et chacun en particulier, que vous n’avez pas oublié nos bienfaits, et de vous comporter en fidèles sujets à mon égard et à celui de, mon fils. J’ai en effet la confiance qu’il se conduira avec modestie et humanité et que, suivant mes conseils, il vous témoignera toute bienveillance.

Ainsi ce roi sanguinaire et blasphémateur, atteint d’un mal affreux, fut traité comme il avait traité les autres, et périt misérablement, loin de son pays, dans les montagnes.

Philippe, l’ami d’enfance du Roi, rapporta à Antioche le corps de son maître ; mais craignant le fils d’Antiochus et Lysias, il s’enfuit en Égypte, auprès de Ptolémée Philométor[49].

Il n’est que trop manifeste que nous venons d’analyser une sorte de narration d’écolier ; mais que dire de ce que nous trouvons, touchant la mort d’Antiochus, au 1er chapitre du même livre ? Si un seul auteur avait écrit intégralement ce livre, y aurait-il l’ombre de possibilité de concilier deux récits aussi différents d’un seul et même fait ? Le lecteur en jugera. Voici donc ce que contient à ce sujet cet étrange 1er chapitre[50].

Délivrés de grands périls par la protection de Dieu, nous lui rendons de magnifiques actions de grâce, nous qui avons eu à combattre contré un pareil Roi ; car c’est lui qui du fond de la Perse a lancé ceux qui ont combattu contre nous et contre la cité sainte. Mais pendant qu’il était en Perse à la tête d’une armée immense, il a péri dans le temple de Nanea[51], victime de la duplicité des prêtres de cette déesse. Antiochus se rendit en effet à ce temple, avec ses amis, pour célébrer son mariage avec la déesse, et recevoir, à titre de dot, les trésors entassés dans le sanctuaire. Les prêtres de Nanea les lui avaient fait voir. Il pénétra donc dans le Téménos, suivi de peu de personnes et les portes du temple se refermèrent aussitôt. Puis ouvrant un passage secret qui donnait accès dans le temple même, les prêtres tuèrent, à coups de pierres, Antiochus et ses compagnons ; ils lacérèrent leurs cadavres, et après les avoir décapités, ils les jetèrent hors de l’enceinte sacrée[52].

Nous le demandons à tout lecteur sans parti pris, ce récit, concordant avec celui de Polybe, peut-il concerner un autre Antiochus qu’Antiochus IV Épiphane ? N’est-il pas encadré entre des faits exclusivement relatifs au règne d’Antiochus Épiphane ? Frœlich[53] s’est vainement évertué à appliquer,ce récit bizarre à la mort d’Antiochus VII Sidètes-Évergète, arrivée vers l’an 427 avant J.-C. Nous verrons plus tard que cette explication n’est guère admissible. Ce qui du reste nous inspire une assez médiocre confiance dans les faits qu’énumère le 1er chapitre du livre des Macchabées, c’est-à-dire le début de la lettre des Juifs de Palestine aux Juifs d’Égypte, c’est le caractère si éminemment talmudique, c’est-à-dire si fortement imprégné de merveilleux, qui y règne d’un bout à l’autre. Ainsi, par exemple, je citerai le passage relatif au feu sacré que les prêtres, au moment de la translation des Juifs à Babylone, cachèrent au fond d’un puits à sec et très profond, qui se trouvait dans la vallée (le Bir-Eyoub, très probablement). Après de longues années et au retour de la captivité ; lorsque le temple et l’autel furent rétablis, et que Néhémie y célébra le premier sacrifice[54], les descendants des prêtres en question furent envoyés par Néhémie reprendre le feu sacré, à la place où leurs pères l’avaient mis, et ils ne trouvèrent que de l’eau trouble. Cette eau jetée sur le bois destiné à brûler la victime immolée, y mit le feu, dès que le soleil dégagé des nuages brilla sur l’autel. Ce n’est pas tout ; avec l’eau de reste, puisée par l’ordre de Néhémie, on lava les grosses pierres de l’autel qui prirent feu à leur tour ; mais la flamme qui brillait à leur surface s’éteignit et alla se concentrer avec celle du foyer sacré. Néhémie donna le nom de Nephthar, qui signifie purification, au lieu où cette eau miraculeuse avait été puisée, mais le plus grand nombre l’appelle Naphi[55]. — Ne semble-t-il pas qu’on vient de lire une page du Talmud ?

Le chapitre II n’est pas moins entaché de cet étrange esprit de mysticisme ; ainsi, par exemple, il est longuement question du tabernacle et de l’arche d’alliance, que Jérémie ordonna de porter sur la montagne qu’avait gravie Moïse, pour voir de loin l’héritage promis par Dieu aux enfants d’Israël. Arrivé là, Jérémie trouva une caverne où il enferma le tabernacle, l’arche d’alliance et l’autel des encensements ; puis il obstrua l’entrée de la caverne. Quelques-uns de ceux qui avaient accompagné Néhémie voulurent retourner marquer l’endroit en question ; mais ils ne purent le reconnaître. Dès que Jérémie en fut instruit, il leur reprocha leur faute et leur dit : Ce lieu restera inconnu, jusqu’au moment où Dieu rassemblera de nouveau son peuple[56].

Mais en voilà assez sur ces légendes, qui sont du domaine exclusif du fantastique, et revenons à l’histoire.

De quelque manière que soit mort Antiochus IV Épiphane (en 164 av. J.-C.), il avait régné onze années entières, et il laissait après lui deux fils : Antiochus Eupator et Alexandre Ier. Ce fut lui qui restaura la ville de Hamath sur l’Oronte, et lui donna le nom d’Épiphania.

Dès que Lysias eut reçu la nouvelle de la mort d’Antiochus IV, il en informa le peuple et fit aussitôt proclamer Antiochus V, fils aîné du roi qui venait de périr, et auquel il donna le nom d’Eupator ; ce prince n’avait encore que neuf ans lorsqu’il reçut la couronne[57].

A cette époque, la citadelle de Jérusalem (c’est bien d’Akra qu’il s’agit ici ; Josèphe est fort explicite sur ce point) était encore occupée par une garnison de Syriens et de Juifs transfuges, qui faisaient subir des vexations continuelles à la population de la ville sainte. Ils allèrent jusqu’à tuer quelques hommes pieux qui montaient au Hiéron pour accomplir les devoirs du culte ; car Akra dominait le Hiéron (έπέxειτο γάρ τώ Ίερώ ή Άxρα).

La mesure des méfaits de ces bandits était comble, et Judas se décida à en finir avec eux. Le peuple entier fut donc appelé aux armes ; et le siège d’Akfa fut poussé avec vigueur. Ceci se passait en l’an 150 de l’ère des Séleucides (163 ans av. J.-C.). Les machines de siège et les aggeres furent appliqués à la citadelle, qui devait bientôt succomber ; mais beaucoup des déserteurs juifs qui y étaient enfermés réussirent à s’évader de nuit et coururent invoquer la protection d’Antiochus, contre leurs compatriotes dont ils avaient tout à craindre, parce que, pour obéir aux ordres de son père, ils avaient abjuré le judaïsme et adopté la religion instituée par le Roi. Le danger était pressant ; Judas et ses partisans seraient bientôt maîtres de la citadelle que le Roi défunt avait fondée et de la garnison qu’il y avait établie. Un secours puissant et immédiat pouvait seul sauver l’une et l’autre. Ces paroles enflammèrent la colère du jeune enfant ; il ordonna à ses généraux de lever de suite des mercenaires, et d’enrôler tous ceux de ses sujets qui étaient en âge de porter les armes. Il eut bientôt ainsi une armée d’environ 100.000 fantassins, 20.000 cavaliers et 32 éléphants[58].

Au moment de son couronnement, Antiochus V avait confié la direction des affaires de l’État à Lysias, qui était le chef de l’armée de Syrie et de Phénicie. Ce fut ce personnage éminent qui fut nommé généralissime des troupes destinées à opérer contre les Juifs[59].

Il nous faut ici revenir un peu en arrière et raconter les événements qui précédèrent l’expédition de Lysias.

Ptolémée Macer, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois, était préfet de la Judée, lorsque survint la mort d’Antiochus IV et l’avènement au trône d’Antiochus Eupator. C’était un homme équitable, ennemi des persécutions sans motifs, et porté à traiter avec bienveillance les Juifs ses subordonnés. Il n’en fallait pas tant pour devenir suspect aux yeux de l’entourage d’Eupator. On fit résonner si souvent aux oreilles du jeune Roi la qualification de traître, accolée au nom de Ptolémée, et cela avec d’autant plus de raison apparente que cet homme avait jadis déserté la cause de son maître, Ptolémée Philométor, pour embrasser celle de son adversaire, Antiochus Épiphane, en lui livrant l’île de Chypre, que se voyant dans l’impossibilité de résister à ces haines de cour, Macer préféra mourir et s’empoisonna[60].

Il avait cependant fait tout. ce qui dépendait de lui pour amener la paix dans la province qu’il était chargé d’administrer. Ce fut de cette façon qu’il en fut récompensé.

Une fois Ptolémée Macer mort, Gorgias qui était le gouverneur militaire de la Judée, se mit de nouveau à harceler les Juifs, toutes les fois qu’il en trouvait l’occasion ou le prétexte[61].

De leur côté ceux des Juifs qui occupaient des places capables de résistance, s’empressaient d’accueillir dans leurs rangs leurs frères obligés de fuir de Jérusalem, et, avec leur aide, ils tentaient incessamment de petites expéditions contre les Syriens.

Judas Macchabée opérait alors en Idumée, et ne tuait pas moins de 20.000 hommes à l’ennemi, en une foule de combats et d’assauts de ville[62].

Ce fut pendant cette campagne que se passa le fait suivant. Un parti d’ennemis s’était enfermé dans deux fortes tours faciles à défendre, et bien approvisionnées de vivres et de machines de guerre. Judas confia le siège de cette petite place à trois chefs nommés Joseph, Simon et Zachée. Pensant que les troupes que ceux-ci commandaient étaient bien suffisantes pour mener ce siège à bonne fin, Judas s’éloigna avec le reste de son armée, pour poursuivre l’ennemi. Les hommes placés sous les ordres de Simon se laissèrent alors corrompre à prix d’or, par les défenseurs des deux tours, et pour une somme de 7.000 didrachmes, ils leur permirent de se retirer sains et saufs. Dès que Judas eut vent de cette infamie, il revint en toute hâte sur ses pas, assembla un conseil de guerre, accusa les coupables d’avoir vendu leurs frères, en laissant échapper des ennemis, à l’aide d’un honteux marché. Les traîtres furent condamnés et exécutés sur l’heure, et incontinent Judas occupa les deux forteresses[63].

On se rappelle les graves échecs que Judas avait infligé, dans la Pérée, au chef nommé Timothée ; celui-ci qui ne songeait qu’à la vengeance, avait fini par recruter une véritable armée, composée de mercenaires de toutes les nations, et de cavalerie asiatique. Il se mit à la tête de cette bande innombrable et marcha sur la Judée, convaincu qu’il allait s’en rendre maître avec facilité. Judas averti de leur arrivée, prépara, selon sa coutume, son armée par la prière, et courut au-devant de l’ennemi. Les deux armées passèrent la nuit à proximité l’une de l’autre, et au point du jour, la bataille s’engagea. Au plus fort de l’action cinq guerriers célestes montés sur des chevaux ornés de harnachements d’or, apparurent aux côtés de Judas Macchabée. Deux d’entre eux le suivaient pas à pas, le couvrant de leurs boucliers, et lançant des traits et la foudre sur leurs adversaires : la vue troublée par ce prodige, tous tombaient frappés de terreur, devant le général dés Juifs. 20.500 fantassins et 600 cavaliers périrent dans cette bataille[64].

Timothée prit la fuite et se réfugia à Gazara, place forte où commandait Chéréas. Il y fut poursuivi par les Juifs qui assiégèrent la ville pendant quatre jours. Ceux qui y étaient enfermés se croyant en sûreté, grâce à la solidité de leurs murailles, accablaient leurs adversaires d’injures et de malédictions. Mais lorsque le soleil se leva le cinquième jour, vingt des jeunes guerriers de Judas Macchabée parvinrent à escalader la muraille ; beaucoup d’autres les suivirent ; le feu fut mis aux tours et aux portes et leurs défenseurs furent ainsi brûlés vifs. Le sac de Gazara dura deux jours entiers. Timothée qui s’était caché fut découvert et mis à mort. Chéreas et Apollaphanes, chefs militaires de la ville, furent égorgés, et l’armée des Juifs célébra par des cantiques d’allégresse sa reconnaissance envers le Tout-Puissant[65].

Nous ne nous arrêterons pas à faire ressortir tout ce qu’il y a d’exagéré et de légendaire dans le 10e chapitre du IIe livre des Macchabées. Nous devons nous contenter de l’avoir fidèlement analysé.

Revenons maintenant sûr le terrain un peu plus solide de l’histoire proprement dite, et voyons comment se termina l’expédition de Lysias et d’Antiochus V Eupator.

L’armée syrienne gagna l’Idumée en suivant la côte, et, une fois arrivée là, elle aborda le pays montueux et vint mettre le siège devant Bethsoura. La garnison se montra pleine de résolution et de vaillance, et le siège traîna en longueur. Judas était occupé, en ce moment même, à activer le siège d’Akra ; dès qu’il apprit la venue de l’armée royale, il se retira de devant la citadelle de Jérusalem et courut à l’ennemi. Il vint camper aux défilés de Beth-Zacharia, situés à 70 stades seulement de l’ennemi[66].

Le roi Antiochus, ou mieux Lysias, averti de la présence de l’armée juive, jugea prudent de se retirer à son tour de devant Bethsoura, et d’aller attaquer le camp des Juifs. Nous avons dit qu’en avant de la position occupée par ceux-ci se trouvait un défilé. Au point du jour l’armée syrienne se développa en ligne de bataille ; mais le terrain ne permettant pas à cause de son étroitesse de déployer de front les éléphants royaux, l’ordre fut donné de les faire avancer en colonne par un. Chacun de ces puissants animaux était accompagné de mille fantassins et de 500 cavaliers, chargés de le protéger de tous les côtés. Sur le dos des éléphants étaient montées des tours élevées, du haut desquelles tiraient constamment des archers. Quant au reste de l’armée, le Roi lui fit gravir à droite et à gauche les hauteurs qui dominaient le défilé. Toutes ces dispositions prises, l’armée reçut l’ordre de jeter son cri de guerre, et de se mettre en mouvement. Les boucliers d’or et d’airain avaient été tirés de leurs étuis de peau, pour que leur surface jetât un éclat fulgurant.

Voilà on en conviendra une pauvre précaution militaire !

Au cri de l’armée syrienne, les échos des montagnes voisines retentirent. Antiochus et Lysias avaient compté sur la terreur que leur seule présence jetterait parmi les Juifs : ils s’étaient trompés. Judas reçut bravement à la pointe de son épée, la tête de la colonne d’attaque, et 600 soldats d’Antiochus restèrent sur le carreau.

Éléazar Aouran, frère de Judas, ayant aperçu, dans la mêlée, un éléphant plus haut que tous les autres, et couvert des harnais royaux, soupçonna que le roi était sur le dos de cet animal, et s’élança vers lui ; à grands coups d’épée, il se fraya un chemin à travers la foule des soldats qui entouraient l’éléphant, et se glissant sous son ventre, le perça de son glaive. Cette masse énorme s’affaissa et écrasa Éléazar. Voilà un acte d’héroïsme que l’on a grandement exalté, et qui en fin de compte n’était qu’une bravade inutile[67].

Il est évident qu’une perte de 600 hommes était insuffisante pour arrêter l’armée syrienne, et ce fut effectivement l’armée juive qui dut reculer. Judas avec ce qui lui restait de monde se retira dans la toparchie Gophnitique[68].

Le récit de cette bataille reparaît, mais singulièrement modifié, dans le IIe livre des Macchabées. Il est donc indispensable d’analyser cette nouvelle version ; la voici en substance.

Peu après qu’eurent eu lieu les combats partiels dans lesquels furent dispersées les troupes de Timothée, de Chéreas et d’Apollophanès, Lysias, procurateur et parent du jeune Roi, irrité des échecs subis par les armés de son maître, rassembla une armée de 80.000 hommes, avec toute la cavalerie disponible, et marcha contre les Juifs. Il espérait s’emparer facilement de Jérusalem, que n’habiteraient plus que les Grecs, et trouver dans le temple une source de revenus, en le soumettant au régime de tous les sanctuaires du royaume, et en mettant chaque année le sacerdoce aux enchères. Pour obtenir ces beaux résultats, il comptait sur sa puissance armée et sur ses 80 éléphants[69].

Il pénétra sur le territoire juif, par Bethsoura, quæ erat in angusto loto, ab Jerosolima intervallo quinquestadiorum ; illud præsidium expugnabat.

Il est manifeste que les faits sont ici outrageusement altérés.

Bethsoura, le Bordj-Sour d’aujourd’hui, est sur une hauteur considérable ; et l’auteur confond évidemment ici Bethsoura, avec Beth-Zacharia. Les cinq stades de distance de Bethsoura à Jérusalem, fixés par ce texte, ne représentent pas un kilomètre ; et Bordj-Sour est à quatre ou cinq lieues de Jérusalem. Tout cela nous prouve que cette version du IIe livre des Macchabées n’a en réalité aucune valeur historique. Néanmoins reprenons ce livre et poursuivons :

Dès que Macchabée et les siens connurent la prise de leur forteresse, ils implorèrent Dieu, en pleurant, et le supplièrent de leur envoyer un de ses anges pour sauver Israël.

On le voit, ici la légende recommence à se faire jour.

Judas Macchabée exhorta ses soldats à le suivre au combat, et lorsqu’ils se mirent en marche, en quittant Jérusalem, on vit distinctement à leur tête un cavalier vêtu de blanc, couvert d’armes d’or et brandissant sa lance. C’était clairement l’ange attendu ! A cette vue tous rendirent grâce à Dieu et reprirent courage, tous se sentirent dès lors capables d’attaquer, non seulement des hommes, mais encore les animaux les plus féroces, et de traverser des murailles de fer. Pleins d’enthousiasme et de confiance, ils se ruèrent sur l’armée ennemie à laquelle ils tuèrent 11.000 fantassins et 600 cavaliers. Tous les survivants prirent la fuite, et beaucoup d’entre eux étaient grièvement blessés. Lysias lui-même s’enfuit honteusement, et il comprit, à partir de ce moment, que les Juifs étaient invincibles, puisqu’ils avaient pour eux la protection du Tout-Puissant. Il leur envoya dire qu’il était désormais prêt à leur accorder tout ce qui lui semblerait juste, et qu’il ferait tous ses efforts pour leur concilier l’amitié du Roi. Judas Macchabée s’empressa d’accepter ces offres inespérées et tout ce qu’il demanda à Lysias fut immédiatement accordé par Antiochus. Voici la teneur de la réponse de Lysias :

Lysias au peuple Juif, salut ! Vos envoyés, Jean et Absalon, nous ont remis votre dépêche, nous priant de faire tout ce que vous nous demandiez. Tout ce qui pouvait être soumis au Roi, l’a été par moi, et il a gracieusement consenti à tout ce qui était admissible. — Si vous continuez à négocier avec bonne foi, je ne négligerai rien pour vous faire obtenir les avantages que vous désirez. Du reste j’ai chargé vos envoyés de vous transmettre de vive voix le résultat de notre entrevue. Portez-vous bien ! Le 24 du mois de Dioscorus, de l’an 148 (165 av. J.-C.).

Si cette date est juste, ce qu’il y a tout lieu de croire, ces négociations ont suivi la première défaite de Lysias, rapportée au 1er livre des Macchabées (IV, v. 28 et suiv.), et qui précéda la purification du temple. Or en ce moment Antiochus IV Épiphane était encore vivant. On le voit tous les faits sont brouillés dans le 2e livre des Macchabées, et il est plus que difficile de les concilier avec les récits parallèles du 1er livre et de Josèphe. Il suffit de lire les chapitres III et IV de la 2e partie des Prolégomènes de Frœlich, à ses Annales des rois de Syrie, pour n’avoir pas la moindre envie d’essayer de débrouiller un pareil chaos. Nous nous bornerons donc à analyser les livres canoniques des Macchabées, sans tenter, pour les faire concorder, des efforts qui demeureraient sûrement stériles.

Mais poursuivons. La lettre du Roi à Lysias était ainsi conçue :

Le roi Antiochus à Lysias son frère, salut ! Maintenant que notre père est allé prendre rang parmi les dieux, nous voulons que nos sujets jouissent, de la tranquillité, et puissent s’occuper sans appréhension de leurs affaires. Nous avons appris que les Juifs n’avaient pas voulu adopter la religion des Grecs, ainsi que le désirait mon père, mais que, fidèles aux institutions de leurs aïeux, ils réclamaient de nous l’usage des droits qu’il était légitime de leur reconnaître. Voulant donc que cette nation fût tranquille aussi, nous avons décidé que le temple leur serait rendu, pour qu’ils y pussent célébrer en toute liberté le culte de leurs pères. Tu feras donc bien, si tu leur envoies des députés et si tu leur tends la main, afin que, sûrs de notre bienveillance royale, ils soient contents et s’occupent sans plus de crainte de leurs intérêts.

De leur côté, les Juifs reçurent le rescrit royal suivant :

Le roi Antiochus au Sénat des Juifs et à toute la nation juive, salut ! Si vous êtes bien, vous êtes comme nous voulons que vous soyez ; nous-même, nous sommes bien. Ménélas s’est présenté devant nous ; disant que vous vouliez venir trouver ceux de vos frères qui sont parmi nous. A tous ceux qui vivent avec nous, jusqu’au 30 du mois de Xanthicus, nous accordons sécurité entière. Qu’ils usent des mets juifs et de leurs lois, comme ils le faisaient autrefois, et que pas un d’eux ne soit inquiété pour des faits que l’ignorance seule a causés. Nous vous avons envoyé Ménélas pour vous faire connaître notre volonté. Portez-vous bien ! L’an 148, 1e 15 du mois de Xanthicus.

La lettre de Lysias était du 24 Dioscorus 148 (Dioscorus est le premier mois de l’année macédonienne [octobre 165 av. J.-C.]). La lettre d’Antiochus V est du 15 Xanthicus de la même année macédonienne (mars 164 av. J.-C.).

De leur côté, les représentants de l’autorité romaine en Syrie, écrivirent au peuple juif. Voici la teneur de leur lettre :

Quintus Memmius et Titus Manilius, ambassadeurs des Romains, au peuple juif, salut ! Les concessions qui vous ont été faites par Lysias, parent du Roi, nous les ratifions. Quant à ce qui concerne les points sur lesquels il a dit au Roi qu’un rapport devait lui être fait, envoyez promptement un délégué, muni de pleins pouvoirs, après vous être concertés entre vous, afin que nous puissions discerner ce qui est dans votre intérêt. Nous sommes à Antioche ; hâtez-vous donc de nous écrire, pour nous faire connaître votre volonté. Portez-vous bien ! L’an 148, le 15 du mois de Xanthicus.

La dépêche des envoyés romains est, on le voit, datée du même jour que celle du roi Antiochus.

Maintenant revenons à Josèphe, qui vivait à une époque assez rapprochée des événements, pour que ses récits méritent une sérieuse attention.

Aussitôt après la bataille dans laquelle périt Éléazar, frère de Macchabée, au défilé de Beth-Zacharia, Judas battit en retraite sur Jérusalem, et courut se préparer à défendre les murailles de la ville sainte. Antiochus, de sort côté, envoya une partie de son armée à Beth-Soura ; la garnison, intimidée par le nombre des assiégeants, et d’ailleurs privée de vivres qu’il n’était plus possible de faire arriver dans la place, capitula, et se rendit, sur la promesse formelle qu’elle aurait la vie sauve. Une fois maître de la ville, Antiochus se contenta d’en faire expulser les habitants nus et dépouillés de tous leurs biens, et il y établit une forte garnison.

Cependant le siège du Hiéron de Jérusalem était commencé et poussé avec vigueur. Ceux qui s’y étaient enfermés faisaient la plus belle résistance, et opposaient sans cesse de nombreux moyens de défense aux moyens d’attaque imaginés par les ingénieurs d’Antiochus. Ce siège durait déjà depuis longtemps, lorsque les vivres commencèrent à faire défaut. Toutes les provisions accumulées dans le Hiéron, une fois consommées, il était pour ainsi dire impossible de les renouveler, parce que cette année-là était précisément une année sabbatique, c’est-à-dire pendant laquelle, suivant la loi juive, la terre se repose et n’a pas été ensemencée. Beaucoup des défenseurs du Hiéron s’enfuirent donc pour ne pas mourir de faim, et il n’y resta plus qu’une poignée de combattants[70].

Mais un fait imprévu vint les sauver. Le roi Antiochus et Lysias apprirent inopinément que Philippe, auquel Antiochus Épiphane avait un moment confié le gouvernement de ses États, pendant la minorité de son fils, arrivait de la Perse et revendiquait hautement la régence. Le Roi et son ministre n’eurent plus dès lors qu’une pensée, lever le siège et marcher incontinent à la rencontre de Philippe, mais en cachant à l’armée et à ses chefs les motifs de cette détermination subite. Du reste, le roi ordonna à Lysias de réunir les chefs de son armée, de ne point leur parler de Philippe, mais de leur faire comprendre, par d’adroites insinuations, que la place qu’ils assiégeaient était d’une force extrême, que le siège traînerait inévitablement en longueurs interminables ; que les convois de vivres arrivaient mal ; qu’il y avait de grosses affaires d’État à régler, et qu’en considération de tout cela, le mieux serait de traiter avec les assiégés et de se faire des amis de toute leur nation, en leur permettant de vivre sous l’empire de leurs lois, qu’il n’était pas possible de leur enlever, sans s’exposer à une guerre sans fin : en résumé, de rentrer en Syrie. Lysias s’acquitta si bien de sa mission, que l’armée entière et ses généraux applaudirent à ces résolutions nouvelles[71].

Le Roi alors envoya des parlementaires à Judas et à ses fidèles soldats, pour leur offrir, avec la pais, la liberté de vivre sous l’empire exclusif des lois de leurs pères. Les Juifs accueillirent avec joie ces offres inespérées, et aussitôt que les serments eurent été échangés, ils évacuèrent le Hiéron[72].

Dès que, par suite de cette capitulation honorable, Antiochus eut mis le pied dans le Hiéron, la vue de cette admirable forteresse lui fit oublier le serment qu’il venait de prêter, et ce Roi parjure ordonna à ses soldats de démanteler l’enceinte dont une perfidie venait de le rendre maître. Lorsque cet ordre indigne fut exécuté, il retourna à Antioche, emmenant de force avec lui le pontife Onias qui n’était connu des Grecs que sous le nom de Ménélas. Voici pourquoi : Lysias avait donné au Roi le conseil de se débarrasser de ce misérable, s’il tenait à ce que les Juifs restassent tranquilles. Il ne devait concevoir aucun remords en commettant ce meurtre, puisque Ménélas avait été la cause de tous les malheurs arrivés en Judée, lorsqu’il avait poussé le Roi son père à forcer les Juifs à abjurer leur religion. Le Roi envoya donc Ménélas à Berœa[73] et le fit mettre à mort. Ce prêtre indigne avait exercé le souverain pontificat pendant dix ans. C’était un homme méchant et impie, qui, par ambition personnelle, avait résolu de contraindre la nation juive à se déshonorer par l’apostasie.

Après le supplice de Ménélas, Alcime, dont le véritable nom était Iakim, fut élevé à la dignité de grand prêtre[74].

Voici comment la mort de Ménélas est racontée dans le IIe livre des Macchabées.

Ménélas était dans le camp d’Antiochus qu’il ne cessait de circonvenir, non dans l’intérêt de ses compatriotes, mais par ambition personnelle ; le Tout-Puissant suscita contre cet infâme la colère d’Antiochus, à l’instigation de Lysias, qui fit comprendre au roi que Ménélas était l’instigateur unique de toutes les calamités qui s’étaient produites. Antiochus donna l’ordre de l’arrêter et de le faire périr sur place, selon leur coutume (cela se passait à Berœa, ainsi que nous l’apprend Josèphe). Là se trouvait une tour haute de cinquante coudées, entourée de tous les côtés par un immense amas de cendres. Le roi ordonna de précipiter le sacrilège du haut de cette tour, et tous les assistants aidèrent à l’étouffer dans la cendre. C’est ainsi que finit ce prévaricateur dont le corps resta privé de sépulture[75].

Antiochus V Eupator, en rentrant dans sa capitale, trouva Philippe installé, dans les fonctions de régent ; il l’attaqua immédiatement, s’empara de sa personne et le condamna au dernier supplice[76].

Nous avons dit tout à l’heure qu’après la mort de Ménélas, la grande prêtrise avait été transférée à Alcime qui n’était pas de race pontificale ; cela fut fait à l’instigation de Lysias, qui jugeait prudent de dépouiller cette famille, d’une aussi haute dignité, pour la donner à une autre maison. Onias qui était encore un jeune enfant à la mort de son père Onias III, voyant que le roi de Syrie, après l’exécution de son oncle Ménélas, le laissait lui-même de côté, pour donner la tiare un homme étranger a la dynastie pontificale, se réfugia en Égypte, auprès du roi Ptolémée Philométor et de la reine Cléopâtre, qui l’accueillirent arec la plus grande distinction. Ils lui accordèrent même, par la suite, la permission de construire dans la province d’Héliopolis[77] un temple semblable à celui de Jérusalem[78].

Nous sommes une fois- encore dans la nécessité de revenir sur nos pas, et d’analyser certains faits que nous fournit le IIe livre des Macchabées, mais que nous ne trouvons mentionnés que là. Après la paix conclue entre Antiochus Eupator et les Juifs, dans les circonstances que nous avons reproduites, d’après le chapitre XI, en donnant la teneur des lettres de Lysias, d’Antiochus et des ambassadeurs romains, insérées dans ce chapitre, nous trouvons le chapitre XI ainsi conçu en substance :

Ces conventions acceptées de part et d’autres, Lysias retourna auprès de son maître, et les Juifs se mirent à cultiver tranquillement leurs terres. Mais les chefs ennemis qui avaient cessé les hostilités, à savoir, Timothée, Apollonius fils de Gennæus, Hiéronyme, Demophon et Nicanor, le gouverneur de l’île de Chypre, ne cessaient d’agir sourdement contre les Juifs. Ce furent les habitants de Joppé qui, les premiers, commirent un attentat contre eux. Ils invitèrent lés Juifs qui habitaient au milieu d’eux à monter, avec leurs femmes et leurs enfants, dans des barques qu’ils avaient préparées, comme pour une partie de plaisir. Les malheureux sans méfiance acceptèrent la proposition et lorsqu’ils furent au large, ils furent jetés à l’eau et noyés, au nombre de deux cents, Judas informé de cet abominable guet-apens, rassembla ses soldats, marcha en hâte sur Joppé, dont le port fut livré aux flammes ; toutes les embarcations furent brûlées et ceux des coupables qui échappèrent à l’incendie périrent par le glaive. Après ce châtiment exemplaire, Judas se retira, menaçant les Joppites de les exterminer, s’ils le forçaient à revenir une seconde fois[79].

En chemin, il apprit que les habitants de Iamnia avaient formé le projet de traiter de la même manière les Juifs qui vivaient au milieu d’eux. La nuit suivante, il fondit sur Iamnia dont il brûla le port et les vaisseaux. La lueur des flammes se voyait de Jérusalem, bien que Iamnia en fût éloignée de 240 stades[80].

Lorsque Judas, s’éloignant de la ville qu’il venait de châtier, en était arrivé à 9 stades[81], et marchait contre Timothée, des Arabes, au nombre de 5.000 fantassins et de 500 cavaliers, l’attaquèrent à l’improviste. Le combat cette fois encore, grâce à la protection divine, tourna à l’avantage des Juifs, et les Arabes survivants demandèrent la paix, en s’engageant à laisser aux Juifs le droit de libre pâture sur leur territoire, et à leur rendre service en toute occasion. Judas comprenant que les Arabes pouvaient lui être utiles en plus d’une circonstance, leur accorda la paix ; ceux-ci, le traité conclu, retournèrent à leurs campements[82].

Judas attaqua ensuite une ville forte nommée Caspis[83] qui était défendue par des ponts et des murailles, et habitée par une multitude de gens de toutes les nations. Ceux-ci, pleins de confiance dans la solidité de leurs remparts et dans la faiblesse apparente des assaillants, combattaient mollement et s’amusaient à lancer des malédictions contre Judas, en jetant des ordures sur ses soldats. Macchabée enflammé de colère fit donner un assaut terrible à la ville, et l’enleva en un clin d’œil. Le massacre fut effroyable, et tel qu’un lac voisin, ayant deux stades de largeur, sembla ne plus contenir que du sang[84].

De là Judas se dirigea sur Characa[85], qui était éloignée de 750 stades, pour aller au secours des Juifs surnommés Tubianéens[86].

Il ne put s’emparer de Timothée, en ces différents lieux, et il fallut revenir, sans avoir atteint le but de cette rapide campagne, mais après avoir laissé une forte garnison, en un point favorable[87], que l’écrivain sacré ne nomme pas.

Dosithée et Sosipater, compagnons de Judas Macchabée, et tous les deux chefs dans l’armée juive, passèrent au fil de l’épée, dans une place forte, 10.000 hommes que Timothée y avait installés. Cependant Macchabée à la tête de 6.000 combattants, marcha contre Timothée qui commandait une armée de 120.000 fantassins et de 2.500 cavaliers (quelle exagération ridicule !). A l’approche de la petite armée juive, Timothée envoya dans une place forte nommée Carnion[88] les femmes, les enfants et les bagages qu’il traînait à sa suite. C’était en effet un refuge assuré à cause de la force de ses remparts, et de la difficulté d’y arriver, grâce aux défilés qui le défendaient. A la vue de la première cohorte de Judas, l’armée ennemie fut saisie d’une panique telle, qu’elle s’enfuit dans le plus grand désordre, sans pouvoir se reconnaître et en s’entretuant[89].

Il est difficile, on en conviendra, de rencontrer un passage d’histoire plus ridiculement empreint de l’esprit légendaire.

Judas continuait à poursuivre sans répit les profanateurs, et il en extermina trente mille ! !

Les partisans de Dosithée et de Sosipater réussirent à s’emparer de la personne de Timothée. Une fois prisonnier, il supplia ses vainqueurs de lui laisser la vie, appuyant sur ce qu’il avait entre les mains un grand nombre de Juifs, frères et parents de ceux au pouvoir desquels il se trouvait, et qui payeraient infailliblement de leur existence son propre supplice. Une fois qu’il se fut engagé, sous la foi du serment, à rendre la liberté à ses prisonniers, il fut relâché sans avoir reçu une égratignure.

Judas revint alors de Carnion, après avoir tué 25.000 ennemis. De là il marcha sur Éphton[90], ville très fortifiée, habitée par une multitude de gens de toutes les nations. Ses murailles étaient couvertes de robustes jeunes hommes qui combattaient avec vaillance, et auxquels ne manquaient ni les machines de jet, ni les traits. Leur résistance fut inutile, la ville fut enlevée et 25.000 hommes y furent passés au fil de l’épée[91].

L’auteur du IIe livre des Macchabées, on le voit, n’épargne guère les vaincus, à chaque paragraphe il en tue 25.000 ; il est vrai aussi que les armées ennemies qui subissent de semblables pertes semblent ressusciter et renaître, aussi vite qu’on les a massacrées.

Judas se rendit à la ville des Scythes[92], qui est distante de Jérusalem de 600 stades. Les Juifs de cette ville accoururent au-devant de leurs frères et leur dirent qu’ils avaient toujours été traités avec bienveillance par les habitants, même au plus fort des calamités qui avaient pesé sur leur nation. Judas adressa donc de vifs remerciements à la population scythopolitaine, et l’exhorta à persévérer dans ces bons sentiments à l’égard de son peuple. Comme la Pâque approchait, Judas rentra à Jérusalem[93].

Après la célébration de la Pentecôte, Judas se remit en campagne, pour aller attaquer Gorgias, gouverneur de l’Idumée. Il n’emmenait avec lui que 3.000 fantassins et 400 cavaliers. Une rencontre eut lien et peu de Juifs y perdirent la vie. Un certain Dosithée, vigoureux cavalier, natif de Bannoris[94] avait mis la main sur Gorgias ; mais comme il voulait le prendre vivant, et le ménageait dans ce but, un cavalier thrace fondit sur lui et lui abattit l’épaule. Gorgias tiré ainsi d’un si mauvais pas, courut se réfugier à Maresa[95].

Les combattants placés sous les ordres d’Esdrin (d’où vient cet Esdrin ? quel nom étrange ? n’est-il pas visiblement altéré ?) furent les plus longuement engagés, et souffrirent les pertes les plus sensibles. Heureusement Judas survint à propos et les tira de péril. Les troupes de Gorgias furent enfin mises en déroute. Judas alors rallia sa petite armée et se rendit à Odollam[96] où il devait célébrer la journée du sabbat. Le jour suivant Judas retourna sur le lieu du combat, pour relever les corps de ceux qui avaient succombé, et leur donner une place honorable dans les sépultures de leurs pères. On trouva sous les vêtements des morts des ex-voto offerts aux idoles dans le temple de Iamnia ; prendre et conserver de pareils objets était commettre une grande infraction à la sainte loi des Juifs ; aussi devint-il manifeste que tous ceux qui avaient succombé, avaient été justement punis par la Providence. Tous bénirent alors le Seigneur qui avait révélé une faute que ceux qui en étaient coupables croyaient bien cachée pour tous, et pour toujours[97].

Judas eut alors l’idée d’ordonner une collecte parmi ses troupes, pour faire célébrer à Jérusalem un sacrifice d’expiation pour les coupables tombés dans la bataille. Il réunit ainsi 12.000 drachmes d’argent, qu’il envoya aussitôt au temple, bene et religiose de resurrectione cogitans ; nisi enim eos qui ceciderant, resurrecturos speraret, superfluum videretur et vanum orare pro mortuis... Sancta ergo et salacbris est cogitatio, pro defunctis exorare, ut a peccatis solvantur[98].

Nous savons que la secte des Pharisiens croyait à l’immortalité de l’aime et à la réincarnation. Mais nous ne connaissons pas de secte juive ayant foi dans la résurrection des morts et dans l’efficacité des prières des vivants, pour obtenir le pardon des péchés commis, pendant leur vie, par ceux qui ne sont plus. Ce sont là des idées toutes chrétiennes et qui semblent fort étranges sous la plume d’un Juif écrivant en l’an 488 de l’ère des Séleucides. N’y aurait-il pas là quelque interpolation de texte relativement récente ? C’est ce que nous ne nous chargeons pas de décider, mais ce que nous soupçonnons fort.

Nous avons déjà trouvé l’occasion de dire que l’auteur du second livre des Macchabées ne tient en aucune façon compte de l’ordre chronologique des faits, et qu’il débrouille tout, en écrivant, pour ainsi dire au hasard, tout ce qui arrive au bout de sa plume. Nous allons en avoir une bonne preuve de plus, en analysant très brièvement le chapitre XII de ce livre :

L’an 149 (164 av. J.-C.), Judas apprit qu’Eupator à la tête d’une armée immense s’apprêtait à envahir la Judée, et qu’il était accompagné de Lysias, son premier ministre. L’armée syrienne comptait 440.000 fantassins, 5.000 cavaliers, 22 éléphants et 300 chars de guerre, armés de faulx[99].

Ici l’auteur raconte la mort tragique du grand prêtre Ménélas, et nous avons déjà utilisé ce paragraphe, sur lequel nous passerons cette fois, nous contentant de citer le verset 8 qui termine cet épisode. Et quidem satis juste, nam quia multa erga aram Dei delicta commisit, cujus ignis et cinis erat sanctus, ipse in cineris morte damnatus est. — Les cendres de l’autel des holocaustes étaient considérées comme saintes, et il était naturel qu’elles fussent accumulées dans un lieu consacré. Dès lors il n’y a rien d’impossible à ce que les vastes amas de cendres qui se voient à Jérusalem soient en réalité les cendres provenant du temple.

Des amas analogues de cendres se voient en deux points, à proximité de Naplouse. Il y en avait de semblables à Berœa (Alep). Il se peut donc qu’il y ait eu une habitude, générale parmi les peuples habitants de la Syrie, de créer des dépôts pour les cendres provenant des sacrifices, dans le voisinage de leurs sanctuaires renommés. Il est vrai que ces cendres passent aujourd’hui pour être des résidus de la fabrication du savon ; mais il faudrait avoir fabriqué bien du savon, et cela depuis l’antiquité la plus reculée, pour avoir pu créer des amas aussi considérables que ceux que nous voyons aujourd’hui et qui maintenant restent stationnaires et n’augmentent plus.

Judas instruit des terribles projets du Roi, ordonna à son peuple de prier jour et nuit, et de jeûner pendant trois jours, pour se préparer à faire face aux événements. Il réunit ensuite le sénat de la nation, et il fut décidé qu’au lieu d’attendre l’ennemi dans Jérusalem, l’armée juive marcherait au-devant de lui, dans l’espoir que le Tout-Puissant lui viendrait en aide, comme il l’avait déjà fait tant de fois. Judas vint prendre position autour de Modiim. — Pendant la nuit il réunit les plus braves et les plus vigoureux de ses soldats, et courut attaquer avec eux le camp royal, où furent égorgés 4.000 hommes (alias 14.000) et le plus grand des éléphants, avec tous les combattants établis sur son dos[100].

L’armée ennemie fut remplie de terreur, et après ce brillant succès, les Juifs se retirèrent. Cela s’était passé au point du jour. Le Roi instruit par cette fatale expérience de l’audace des Juifs, se décida à ne plus agir qu’avec les plus grandes précautions[101].

Il vint alors assiéger Beth-Soura ; mais il subit devant cette place des échecs cruels et de grandes pertes. Judas envoyait à la garnison juive de Beth-Soura tous les vivres dont elle avait besoin. Un certain Rhodocus en avertit l’ennemi ; mais il fut découvert, arrêté et emprisonné. Alors Antiochus Eupator entama des pourparlers avec les défenseurs de Beth-Soura ; une capitulation eut lieu, et l’armée syrienne s’éloigna. Elle rencontra ensuite Judas Macchabée et fut vaincue ; c’est alors que la nouvelle de la rébellion de Philippe parvint à Eupator. Il en fut consterné et se décida à offrir la paix aux Juifs, en s’engageant par serment à leur accorder toutes les concessions qui seraient justes. Ainsi réconcilié avec la nation, Antiochus Eupator vint à Jérusalem, offrir un sacrifice dans le temple, auquel il fit de somptueuses offrandes. Il donna l’accolade à Judas Macchabée, auquel il conféra la souveraineté sur tout le pays compris entre Ptolémaïs et les Gerréniens[102].

Lorsqu’il fut rentré à Ptolémaïs, la population de cette ville apprit avec le plus grand déplaisir la teneur du traité qui venait d’être conclu entre Antiochus et Judas. Lysias dut convoquer le peuple et lui expliquer les raisons qui avaient amené cette convention pacifique. Cette séance suffit pour calmer les esprits, et le Roi retourna à Antioche[103].

Revenons maintenant à l’historien Josèphe.

En l’an 162 av. J.-C., le fils de Séleucus, Démétrius Ier qui, avec la couronne, prit le surnom de Soter, et qui était retenu comme otage à Rome, réussit à s’esquiver de nuit, et trouva à l’embouchure du Tibre un navire que ses amis lui avaient préparé. Il s’embarqua en toute hâte et fit voile pour la Syrie. On était alors au commencement du printemps ; comme il avait, de longue main, préparé son évasion, il avait fait prendre les devants à son ami Diodore, pour sonder les esprits et préparer le succès de son entreprise. Il vint prendre terre à Tripoli, ceignit immédiatement le diadème, et aidé d’une poignée de mercenaires, il alla s’installer au palais du Roi, aux acclamations joyeuses des populations qui n’hésitèrent pas à le reconnaître pour leur Roi. Bientôt ses adhérents se saisirent d’Antiochus Eupator et de Lysias qu’ils lui amenèrent vivants. Démétrius donna sur l’heure l’ordre de les mettre à mort. Ainsi périt Antiochus V après un règne de deux ans. Beaucoup de Juifs transfuges et apostats se présentèrent aussitôt devant le nouveau souverain, pour lui exposer leurs griefs. A leur tête se trouvait le grand prêtre Alcimus qui accusa hautement la nation juive tout entière, mais spécialement Judas et ses frères, d’avoir fait périr tous les amis du Roi, d’avoir ruiné et décimé tous ceux qui souhaitaient et attendaient sa venue, de les avoir dépouillés eux-mêmes et repoussés sur la terre étrangère. Il termina en suppliant le Roi de déléguer à quelqu’un de ses amis les plus sûrs, le soin de parcourir la Judée et de le mettre au courant de tous les méfaits de Judas[104].

Démétrius violemment irrité par les prétendues révélations désintéressées d’Alcimus, fit choix de Bacchides, ami du roi Antiochus Épiphane (cet homme passait pour être d’une probité extrême, et il était gouverneur de la Mésopotamie), afin de connaître par lui le véritable état des choses. Il mit des troupes sous ses ordres, lui recommanda le grand prêtre Alcimus, et lui donna pour mission spéciale de le débarrasser par le fer de Judas et de tous ses affidés. Bacchides, dès qu’il eut mis le pied sur le territoire des Juifs, dépêcha auprès de Judas et de ses frères, des envoyés chargés de lui proposer un traité de paix et d’amitié. Son but était uniquement de tendre un piège au brillant chef des Juifs. Mais Judas se méfia de ces ouvertures si inattendues ; Bacchides, en effet, arrivait à la tête d’une armée avec laquelle on compte faire la guerre et non la paix. Quelques-uns cependant, ajoutant foi aux belles paroles de la proclamation que Bacchides avait fait circuler partout, et persuadés d’ailleurs qu’ils n’avaient rien à craindre de la part d’Alcimus, leur compatriote, allèrent trouver Bacchides et le grand prêtre, reçurent de tous les deux le serment de rester pleins de bienveillance pour eux et pour tous ceux qui partageraient leurs sentiments, et ils se fièrent dès lors entièrement à eux. Bacchides, l’homme probe par excellence, n’était qu’un tigre déguisé ; en dépit du serment qu’il venait de prêter si gracieusement, il fit égorger soixante des Juifs qui s’étaient jetés entre ses griffes, et l’on pense bien que cet exemple dégoûta les autres Juifs qui auraient été tentés d’imiter la démarche des premiers. Après cet acte abominable, Bacchides quitta Jérusalem, et s’approcha d’une bourgade nommée Bethzetho[105].

Il y fit entrer une partie de ses troupes qui se saisirent de beaucoup de gens qui s’y étaient réfugiés, et d’un certain nombre des habitants ; tous furent égorgés sans délai, et l’ordre fut donné à tous ceux qui résidaient dans la contrée, d’obéir à Alcimus, auquel il laissa un corps de soldats assez considérable pour lui assurer la libre possession de la province à la tête de laquelle il venait de le placer. Cela fait, Bacchides retourna à Antioche, auprès de Démétrius[106].

Alcimus, nous l’avons dit, n’avait qu’une pensée, assurer sur sa tête la souveraineté. Comprenant qu’il lui était plus facile d’arriver à son but, en captant la bienveillance de la nation juive, il se mit.à ne plus parler aux gens qu’avec les formes les plus douces et les plus caressantes, et à chercher tous les moyens de plaire aux grands comme aux petits ; de cette façon il réussit à se procurer en peu de temps une véritable armée ; mais à la vérité la majorité de ses soldats était un ramassis d’impies et de transfuges, à l’aide desquels il parvint à dominer et à se débarrasser de tous ceux qui étaient ouvertement les partisans de Judas Macchabée. Celui-ci de son côté agit largement de représailles il se mit à parcourir la Judée dans tous les sens, et fit mettre à mort sans miséricorde les partisans les plus zélés d’Alcimus. C’était donc la guerre civile avec toutes ses horreurs. Le grand prêtre ne tarda pas à comprendre qu’il lui serait toujours impossible de tenir tête à Judas qui disposait de forces bien autrement redoutables que les siennes, et dès lors, il n’hésita plus à recourir à la protection de Démétrius. Il partit donc pour Antioche, et ne négligea rien pour irriter le Roi contre Judas : il accusa celui-ci des plus grands méfaits déjà commis contre son souverain, et affirma que d’autres méfaits bien plus criminels encore ne tarderaient pas à suivre, si une puissante armée n’était pas lancée contre les Juifs rebelles, et si leur chef ne recevait pas, dans le plus bref délai, le juste châtiment de ses crimes[107].

Démétrius convaincu qu’il était pour lui de la plus haute importance d’agir vite et fort contre ce Judas, dont on ne cessait de lui faire un épouvantail, choisit le plus sûr et le plus dévoué de ses amis, Nicanor, qui l’avait accompagné dans son évasion de Rome, en partageant ses périls. Il lui confia une armée suffisante pour venir à bout de la Judée entière, et lui donna l’ordre formel de n’épargner personne de cette nation maudite. Nicanor, une fois arrivé à Jérusalem, pensa qu’il était prudent de ne pas commencer immédiatement les hostilités contre Judas. Il essaya, avant tout, de s’emparer par ruse de sa personne, et lui envoya, donc des messages pacifiques, lui disant qu’il n’y avait aucune bonne raison pour qu’ils se fissent la guerre, et qu’il était prêt à s’engager par serment à ne faire jamais aucun mal ni à lui, ni aux siens. Il ajoutait qu’en conséquence il était décidé à venir le trouver, accompagné d’une simple escorte d’amis, pour lui apprendre de vive voix les sentiments de Démétrius à l’égard de la nation juive. Trompé par ces promesses doucereuses de Nicanor, Judas et ses frères crurent qu’ils pouvaient se fier à lui, et qu’il était incapable d’une perfidie ; ils acceptèrent donc l’entrevue qu’il demandait et l’accueillirent, bien qu’il fût suivi d’une troupe imposante. Nicanor salua Judas Macchabée et, pendant qu’ils échangeaient les premières paroles, donna à ses satellites le signal convenu auquel ils devaient se jeter sur Judas et s’emparer de lui. Mais celui-ci était sur ses gardes, il saisit le signal de Nicanor, tout furtif qu’il était, fit un bond en arrière, et en un clin d’œil se trouva en sûreté au milieu des siens. Nicanor, dès qu’il vit sa ruse découverte, jeta le masque et prit immédiatement le parti d’en venir aux armes. Mais Judas ayant rallié tous ses fidèles autour de lui, les exhorta au combat et engagea la bataille près d’une bourgade nommée Capharsalama[108].

Une fois de plus il fut vainqueur, et Nicanor se vit contraint de fuir et d’aller s’enfermer à Jérusalem, dans Akra[109].

Comme il se décidait à quitter la citadelle et passait près du hiéron, un certain nombre de prêtres et de sénateurs en sortit et vint au-devant de lui, le saluèrent, en lui montrant les victimes qu’ils allaient à l’instant offrir à Dieu, pour le salut du Roi. Nicanor leur répondit avec grossièreté et les menaça de raser leur temple à son retour, si le peuple ne se résignait pas à lui livrer Judas. Les prêtres rentrèrent épouvantés, et supplièrent le Tout-Puissant de les tirer des mains de ce forcené. Quant à Nicanor il s’éloigna de Jérusalem, et alla asseoir son camp près de Béthoron, pour y attendre les secours qu’il avait demandés de Syrie.

Judas s’établit auprès d’Adasa[110], village éloigné de Béthoron de 30 stades seulement. Il n’avait pas plus de mille combattants avec lui. Il réussit une fois de plus à leur inspirer le mépris de la mort et de leurs innombrables adversaires, et il chargea vigoureusement Nicanor et les Syriens. Les Juifs furent encore vainqueurs, et Nicanor lui-même périt bravement, les armes à la, main, avec une foule des siens. Une fois leur général mort, les Syriens ne songèrent plus à résister : ils jetèrent leurs armes et prirent la fuite. Judas les poursuivit sans répit, et en fit un grand massacre ; ses trompettes donnèrent aux villages d’alentour le signal de sa victoire, et tous les habitants prirent aussitôt les armes, pour se ruer sur les fuyards, dont pas un n’échappa à la mort. Ce jour-là 9.000 Syriens furent égorgés. Cette brillante victoire fut remportée par Judas le 13 du mois d’Adar (161 av. J.-C.) que les Macédoniens appellent Dystrus. Une fête commémorative fut aussitôt instituée et les Juifs la célèbrent chaque année. A partir de ce moment la nation eut quelque temps de repos ; mais elle ne jouit pas longtemps de la  paix, et fut bientôt replongée dans les combats et les périls[111].

Mais avant d’aller plus loin, analysons le récit légendaire de la fatale campagne de Nicanor, telle que nous le présente le livre second des Macchabées.

Démétrius, poussé par le grand prêtre Alcimus, chargea Nicanor, chef des éléphants, d’aller en Judée, d’en ramener Judas vivant, de disperser tous ses adhérents, et d’établir solidement : Alcimus dans le souverain pontificat. Tous les ennemis de Judas coururent se ranger autour de Nicanor, parce que, pour eux, les misères et les massacres des Juifs étaient autant d’événements heureux.

Judas dès qu’il fut informé de la venue de Nicanor, alla prendre position auprès de la forteresse nommée Dessan[112].

Siméon, frère de Judas, s’était rapproché de Nicanor, mais effrayé par l’apparition subite de l’ennemi, il s’était enfui.

Cependant Nicanor, d’après ce qu’il entendait dire de la vaillance des compagnons de Judas, et de l’ardeur avec laquelle ils combattaient pour leur patrie, craignait de s’attirer une dette du sang. Il jugea donc prudent d’envoyer Posidonius, Théodotius et Matthias, offrir la main et la paix à Judas et aux siens. La nation se consulta longuement avant d’accepter ; mais enfin elle résolut, d’un avis unanime, de souscrire à un traité d’amitié. Un jour fut choisi pour en débattre secrètement les clauses, et des sièges furent préparés pour tous les chefs des deux armées. Judas, toujours prudent, avait disposé des postes dans des lieux favorables, pour le cas où il y aurait un piège caché sous les belles paroles des Syriens. Ce fut ainsi que la conférence eut lieu. Nicanor était installé à Jérusalem. Il n’y commit aucune injustice, et il dispersa les bandes de mécontents qui étaient venus se joindre à lui. Il s’était pris d’amitié pour Judas, et le lui témoignait ouvertement. Il l’engagea à se marier pour avoir des fils. Judas suivit le conseil, et les meilleures relations continuèrent à exister entre lui et Nicanor.

Alcimus ne pouvait que perdre à laisser subsister un pareil accord ; il courut donc trouver Démétrius, lui dénonça Nicanor comme l’allié de ses adversaires, et comme ayant le dessein de lui donner pour successeur à lui-même, comme grand prêtre des Juifs, Judas, le traître et l’ennemi irréconciliable du Roi.

Démétrius fut exaspéré par ces nouvelles si inattendues, et, excité par les accusations calomnieuses d’Alcimus, il écrivit à Nicanor pour lui marquer tout le mécontentement que lui causaient les relations amicales qu’il entretenait avec Judas, et pour lui enjoindre de lui amener au plus tôt celui-ci chargé de chaînes, à Antioche. A la réception de cette dépêche, Nicanor fût consterné, et se désola en pensant qu’il lui fallait, sans grief aucun, manquer à la foi jurée. D’un autre côté, désobéir était impossible ; il chercha donc une occasion favorable pour exécuter les ordres qu’il venait de recevoir. Judas Macchabée voyant Nicanor lui témoigner tout à coup une froideur inaccoutumée, jugea que ce changement d’attitude ne lui présageait rien de bon. Accompagné d’un petit nombre d’amis, il crut prudent de s’éloigner et de se mettre en lieu sûr. Dès que Nicanor vit ses projets déjoués, il se rendit au temple, et ordonna aux prêtres occupés à célébrer le sacrifice de chaque jour, de lui livrer Judas vivant. Ceux-ci lui répondirent avec serment qu’ils ignoraient où était celui qu’il cherchait, et Nicanor étendant la main vers le temple, s’écria : Si vous ne me livrez Judas enchaîné, je vous jure que je raserai ce temple, que je détruirai l’autel, et que je consacrerai ici même un sanctuaire à Bacchus ! Cela dit, il s’éloigna, pendant que les prêtres gémissant invoquaient le Seigneur, et le suppliaient de prendre au moins la défense de son temple vénéré.

Il y avait alors à Jérusalem un saint personnage nommé Razias, que sa bonté pour tous avait fait, surnommer le Père des Juifs on vint le dénoncer à Nicanor qui pensa que maltraiter ce vieillard inoffensif, ce serait faire naître une bonne occasion d’infliger aux Juifs une sanglante punition. Il envoya donc 500 soldats pour s’emparer de Razias : les soldats se ruèrent sur sa maison, en enfoncèrent la porte et dispersèrent avec le fer et le feu ceux qui essayèrent de s’opposer à l’enlèvement du saint homme. Razias préféra la mort au sort qu’on se préparait à lui infliger, en le mettant au pouvoir des impies, et se frappa d’une épée, évitant ainsi d’indignes outrages à ses coreligionnaires. Mais il s’était trop hâté ; le coup était mal assuré, et lorsqu’il vit sa maison envahie, il se précipita bravement contre la muraille, malgré la troupe des soldats qui l’entouraient. Ceux-ci s’écartèrent devant cet élan furibond, et le malheureux alla se briser le crâne. Comme il respirait encore, il se releva, et tout couvert du sang qui s’échappait de ses blessures, il s’élança à travers la foule ; puis ayant atteint une pierre, élevée, il parvint à y grimper, et là, debout, ayant perdu tout son sang, il s’arracha les entrailles de ses propres mains, et les jeta à la face de ceux qui le poursuivaient, en invoquant le Tout-Puissant. Bientôt il tomba mort[113].

Dès que Nicanor sut que Judas s’était réfugié en Samarie, il se mit à sa poursuite à la tête de toute son armée, avec le dessein bien arrêté de n’engager le combat qu’un jour de sabbat. Les Juifs qui, par misère, venaient dans les rangs des Grecs, supplièrent leur général de s’abstenir d’un pareil sacrilège. Honorez, lui dirent-ils, le jour de la prière : honorez surtout Celui qui sait tout. Nicanor leur demanda brutalement s’il y avait au ciel une puissance qui avait ordonné de célébrer le jour du sabbat. — Oui, lui dirent-ils, c’est le Dieu vivant qui réside dans le ciel. — Hé bien, répondit Nicanor, moi qui suis puissant sur la terre, j’ordonne de prendre les armes et de servir le Roi.

Malgré tout cela il ne put en venir à ses fins. Il s’était, dans son orgueil, promis de rapporter les dépouilles de Judas, pour les ériger en trophée. Mais Judas, couvert par la protection divine, sut échapper à ce suprême outrage. Il engagea comme toujours ses soldats à mettre toute leur confiance et tout leur espoir en Dieu. Il leur raconta qu’il avait vu en songe le saint pontife Onias prier pour tout le peuple des Juifs ; puis le prophète Jérémie lui avait apparu, et lui avait remis une épée d’or, en lui disant : Prends cette épée que Dieu t’envoie ; avec elle tu mettras en fuite les ennemis de mon peuple. Au moment d’en venir aux mains, Judas invoqua encore une fois l’Éternel, pendant que Nicanor et son armée entonnaient des chants de guerre et faisaient retentir le ciel de leurs superbes fanfares ; puis, la bataille engagée, chacun combattit si vaillamment que trente-cinq mille Syriens perdirent la vie. Nicanor lui-même fut au nombre des morts. Judas ordonna de lui enlever la tête et le bras avec l’épaule, et il fit porter à Jérusalem ce sanglant trophée.

Dès qu il fut rentré dans la ville sainte, il convoqua la nation et le corps sacerdotal au temple, de même que ceux qui étaient dans la citadelle (voilà qui certes est bien peu probable, si Akra n’était pas tombée encore entre les mains des Juifs !). Il leur fit voir la tête et la main de Nicanor ; la langue de l’impie blasphémateur fut hachée et donnée en pâture aux oiseaux du ciel ; sa main fut suspendue à la muraille du temple ; et sa tête accrochée au sommet de la citadelle pour être vue de tous, et reconnue comme le signe manifeste de la protection divine.

Il fut alors décidé, d’un avis unanime, que la mémoire de ce jour serait à jamais consacrée par une fête annuelle. Cette fête a lieu le 13 du mois d’Adar, et s’appelle, en langue syriaque, la veille du jour de Mardochée. A partir de ce moment la ville sainte fut entièrement au pouvoir des Hébreux[114].

Ici se termine le second livre des Macchabées.

Nous ne pouvons nous empêcher de répéter une fois de plus que ce livre singulier ne doit être pris, historiquement parlant, que pour un récit légendaire. Ce récit qui avait cours parmi les Juifs de Jérusalem, fut adressé en leur nom et par l’un d’eux, aux Juifs résidant en Égypte. Voilà l’origine de cet écrit où tous les faits sont rappelés sans ordre. Ce qui frappe surtout le lecteur qui l’étudié, c’est le nombre exorbitant de Syriens mis à mort, dans les diverses batailles que la petite armée de Judas Macchabée ne craignit pas d’engager ; c’est l’intervention d’anges guerriers se montrant au premier rang des Juifs, pendant l’action ; c’est là faiblesse des forces de l’insurrection, et l’héroïsme de son illustre chef, comparés à l’immensité des armées syriennes et presque toujours à la couardise de leurs généraux. Ce sont enfin ces massacres de milliers d’ennemis, dans des bicoques qui, à coup sûr, n’en auraient pu contenir le quart, en entassant les soldats les uns contre les autres. Tout cela, nous le répétons, est légendaire ; c’est de toute évidence. Mais ce qui n’est pas moins évident, c’est la sainteté de la cause défendue par Judas et par ses soldats ; c’est leur piété et leur confiance en Dieu ; c’est leur abnégation et leur mépris de la vie dont ils ne voulaient plus, si elle devait être souillée par l’esclavage et l’apostasie. En un mot, que l’on rapetisse autant qu’on le voudra le rôle de Judas Macchabée, de son père et de ses frères, ils n’en resteront pas moins, à tout jamais, des hommes d’une énergie indomptable et des héros à qui la nation judaïque dut le plus splendide des réveils.

Maintenant revenons à Josèphe et au Ier livre des Macchabées.

Vers cette époque le grand prêtre Alcimus conçut le projet de détruire l’antique muraille du sanctuaire (τό τεϊχος τοΰ άγίου) qui avait été construit autrefois par les saints prophètes. Il en fut soudainement puni par un mal terrible : il perdit la parole, et roula à terre ; puis après bien des jours de souffrance, il expira. Il avait exercé le souverain pontificat pendant quatre ans[115].

Dès qu’Alcimus eut rendu le dernier soupir, le peuple, d’un accord unanime, conféra la dignité de grand prêtre à Judas Macchabée (Τελευτήσαντος δέ τούτου, τήν Άρχιερωσύνην ό λάος τώ Ίουδα δίδωσιν)[116].

Cette assertion mérite-t-elle toute confiance ? Nous ne savons ; car Josèphe a pris soin lui-même de se donner à ce sujet un démenti formel (Antiquités judaïques, XX, X, I). Voici comment il s’exprime : Mais Jakimus (c’est Alcimus), après trois ans de pontificat, mourut ; personne ne lui succéda ; et pendant sept ans la cité resta sans grand prêtre (Διεδέξατο δέ ούδείς αύτόν, άλλά διετέλεσεν ή πόλις ένιαυτόυς έπτά χωρίς άρχιερέως οΰσα)[117].

Après la défaite de Nicanor (161 avant J.-C.), la Judée jouit de quelque calme ; Judas en profita pour mettre à exécution un projet qu’il avait sans doute conçu depuis longtemps, car il savait toute l’influence que Rome exerçait sur le monde entier.

N’avait-elle pas soumis à son autorité, la Galatie, l’Ibérie, Carthage, la Grèce entière, les Rois Persée, Philippe et Antiochus le Grand ? Cette autorité inébranlable ne s’exerçait-elle pas en Asie, comme en Europe ? Obtenir un traité d’alliance entre le peuple romain et la nation judaïque, c’était le salut, sans doute ; et Judas envoya en ambassade à Rome deux de ses amis, Eupolémus, fils de Jean, et Jason, fils d’Éléazar. Ils étaient chargés de supplier le Sénat, non seulement d’accorder aux Juifs son alliance et son amitié, mais encore de signifier au roi Démétrius qu’il eût dorénavant à s’abstenir de toute guerre contre les Juifs. A leur arrivée à Rome les ambassadeurs furent admis à présenter leur requête au Sénat, et cette requête fut accueillie favorablement.

Un sénatus-consulte fut immédiatement rédigé en double expédition, dont l’une fut envoyée à Jérusalem, et l’autre, gravée sur une table de bronze, fut déposée au Capitole, dans le Tabularium. En voici la teneur :

Décret du Sénat touchant le traité d’alliance et d’amitié, conclu avec la nation des Juifs.

Que personne de ceux qui sont placés sous l’autorité romaine, ne fasse la guerre aux Juifs, et ne fournisse des vivres, des navires ou de l’argent à quiconque leur fera la guerre.

Si quelqu’un les attaque, les Romains leur porteront secours de toutes leurs forces.

En retour, si quelqu’un attaque les Romains, les Juifs viendront au secours de ceux-ci.

Si la nation judaïque veut ajouter ou retrancher quoi que ce soit à ce traité, cela ne pourra avoir lieu que du consentement du peuple Romain.

Si quelque addition y est faite en cette forme, elle sera ratifiée. Ce sénatus-consulte a été signé par Eupolème, fils de Jean ; et Jason fils d’Éléazar, Judas étant souverain pontife, et Simon, son frère, stratège des Juifs[118].

Si le texte de ce sénatus-consulte peut être accepté comme authentique, la suscription prouve que Judas fut en réalité investi du souverain pontificat, et que, par conséquent, c’est l’assertion contraire contenue au livre XX des Antiquités Judaïques qui doit être rejetée comme dénuée de fondement.

Malheureusement nous sommes condamnés à rester dans le doute, parce que le texte de ce décret du Sénat se retrouve dans le Ier livre des Macchabées, avec une teneur fort différente dans la forme, comme dans le fond. Le lecteur va en juger.

Que la prospérité pour les Romains et pour la nation des Juifs règne éternellement sur terre et sur mer ! que l’épée et l’ennemi soient éloignés d’eux.

Si la guerre menace les Romains les premiers, ou quelqu’un de leurs alliés, dans tous les pays de leur domination, la nation des Juifs leur portera secours, autant que le temps le permettra, et de tout cœur. Il ne sera fourni aux combattants auxiliaires ni blé, ni armes, ni argent, ni navires, selon le bon plaisir des Romains. Ils obéiront aux injonctions de ceux-ci, sans recevoir d’indemnité.

Semblablement, si la guerre menace la nation des Juifs les premiers, les Romains leur viendront bravement en aide, autant que le temps le leur permettra. Les troupes de secours ne recevront ni blé, ni armes, ni solde, ni navires, selon le bon plaisir des Romains. Et ils exécuteront les ordres reçus, sans fraude ; dans ces termes l’alliance est décrétée entre les Romains et le peuple des Juifs.

Si, dans l’avenir, l’une ou l’autre des parties contractantes veut ajouter où supprimer quelque chose aux termes de ce traité, elle le fera comme elle l’entendra (n’est-ce pas le sens de Ii facient ex proposito suo ?), et quoi que ce soit qui ait été ajouté ou supprimé, ce sera ratifié. Quant au mal que le roi Démétrius fait aux Juifs, nous lui avons écrit ceci : Pourquoi as-tu fait peser plus lourdement ton joug sur les Juifs, nos amis et nos alliés ? S’ils viennent de nouveau se plaindre de toi devant nous, nous leur ferons justice et nous combattrons contre toi, sur terre et sur mer[119].

Ne reconnaît-on pas dans la rédaction que nous venons de transcrire en dernier lieu des indices de la finesse proverbiale les diplomates romains ? Cette considération seule nous déciderait à donner, au point de vue de l’exactitude, la préférence au texte du sénatus-consulte, inséré dans le 1er livre des Macchabées, sur celui que Josèphe nous a transmis et qui paraît contenir de véritables contresens.

Quoi qu’il en soit, c’est en l’an 160 av. J.-C. que ce décret fut promulgué.

Pendant que les négociations avaient lieu à Rome, entre le Sénat et les ambassadeurs de Judas Macchabée, pour amener la conclusion du traité d’alliance dont nous venons de nous occuper, Démétrius apprit avec fureur la défaite de son armée et la mort de Nicanor. Avide de vengeance, il envoya en toute hâte contre les Juifs une nouvelle armée commandée par Bacchides. Celui-ci alla d’abord camper à Arbela de Galilée[120].

Dans les grottes existant à proximité de cette bourgade, beaucoup de Juifs s’étaient réfugiés et fortifiés. Bacchides vint à bout de les réduire, et prit ensuite, en toute hâte, le chemin de Jérusalem. Informé chemin faisant, que Judas avait pris position dans le bourg de Bethzétho[121] le général syrien se dirigea contre lui, avec 20.000 fantassins et 2.000 cavaliers. Judas n’avait avec lui que 1.000 combattants (trois mille, dit le livre des Macchabées qui est certainement dans le vrai). A la vue de l’armée énorme à laquelle ils allaient avoir affaire, presque tous les Juifs prirent peur, et abandonnèrent le camp. Huit cents hommes seulement restèrent à leur poste[122].

Judas se voyant ainsi abandonné des siens, au moment où il avait l’ennemi sur les bras, comprit qu’il n’avait plus le temps de prendre un autre parti que celui de vendre sa vie le plus chèrement possible. Il exhorta donc ses fidèles à se conduire et à  mourir en hommes de cœur ; puis il leur donna le signal du combat ; mais ceux-ci lui déclarèrent qu’il n’était pas possible de se mesurer avec une si grande armée, qu’il valait beaucoup mieux se retirer et se sauver du danger présent, pour réunir plus tard toutes ses forces et tomber alors sur l’ennemi. Moi fuir ! s’écria Judas, jamais, à la face du soleil, je ne montrerai le dos à l’ennemi ; si mon heure est venue, s’il faut de toute nécessité mourir, si je combats, je suis prêt ; quoi qu’il puisse m’arriver, je ne ternirai pas, par une fuite honteuse, la gloire que tant de hauts faits nous ont value ! Cette courte harangue, terminée, il essaya de relever leur courage[123].

Pendant que cela se passait au camp des Juifs, Bacchides avait fait sortir son armée et se préparait à engager la bataille. Il avait placé sa cavalerie à l’extrémité de chacune de ses ailes ; ses archers et ses frondeurs déployés en tirailleurs, devaient précéder la phalange ; et il s’était réservé le commandement de l’aile droite.

Lorsque toutes ces dispositions furent prises, il donna l’ordre de sonner la charge, et de marcher en avant, en poussant de grands cris. Il n’y avait plus d’hésitation possible, et Judas accepta bravement le combat, malgré l’effrayante disproportion de ses forces. Jusqu’au coucher du soleil on se battit de part et d’autre, avec un acharnement sans pareil. Ce fut à cette heure que Judas apercevant Bacchides à l’aile droite de l’ennemi, rallia les plus vaillants de ses soldats, et se rua sur cette partie de la ligne des Syriens. En un clin d’œil l’aile droite était enfoncée ; le désordre s’y mit immédiatement et la fuite des Syriens commença. Judas et les siens les poursuivirent l’épée dans les reins jusqu’à la montagne qui porte le nom d’Aza[124].

Malheureusement l’aile gauche voyant l’aile droite en déroute, fit un mouvement de conversion et marchant rapidement sur les talons de Judas, le plaça ainsi entre deux feux. Il n’y avait plus dès lors moyen de se tirer de là, et nos héros s’arrêtèrent, faisant face, avec vaillance au cercle de fer qui les étreignait. Mais que peut la bravoure contre le nombre ? L’heure fatale avait sonné pour Judas. Accablé de fatigue, écrasé sous les coups d’une nuée d’assaillants acharnés à sa perte, Judas criblé de blessures, tomba enfin pour ne plus se relever. A la vue de cet affreux malheur, les fidèles compagnons de Judas ne se sentant plus soutenus par la présence du héros qui tant de fois les avait guidés la victoire, se débandèrent et cherchèrent leur salut, dans la fuite.

Siméon et Jonathas, frères de Judas, obtinrent par traité la remise de son corps, et le transportèrent à Modiim, dans le sépulcre où reposaient déjà les restes de leur père. Le deuil fut général, et les funérailles de Judas furent célébrées avec la plus grande solennité.

Ainsi finit l’existence de cet admirable homme de guerre, qui était si fidèle aux recommandations de Mattathias et qui s’était dévoué avec enthousiasme, corps et âme, à la liberté de son peuple. Sa gloire et son nom vivront éternellement dans le souvenir des hommes ; car ce fut lui qui arracha sa patrie au joug des Macédoniens. Lorsqu’il mourut, il avait, pendant trois années, exercé les fonctions de souverain pontife (161 av. J.-C.)[125].

La mort de Judas rendit leur énergie à tous les bandits et à tous les apostats qu’il avait si longtemps tenus en respect. Recommencer leurs attaques contre les Juifs, à titre de vengeance, fut pour eux un bonheur. Si l’on joint aux maux qu’ils faisaient endurer à la Judée, les horreurs de la famine qui sévissait cruellement dans tout le pays, on aura l’explication, hélas ! trop naturelle, des nombreuses défections qui entraînèrent une foule de malheureux dans le parti des Macédoniens. Bacchides, pour encourager ces lâchetés de la misère, accueillit tout ce monde avec bienveillance, et choisit dans leurs rangs les administrateurs du pays. Ceux-ci lui témoignèrent leur reconnaissance par un crime. Ils se saisirent de tous les amis, de tous les partisans haut placés de Judas, et les livrèrent à Bacchides, qui se hâta de les envoyer au supplice, et de les faire mourir dans les tortures. Le peuple juif en vint promptement à trouver sa condition présente plus dure que celle dont il avait souffert, au retour de la captivité de Babylone, et les derniers vivants des partisans de judas vinrent supplier son frère Jonathas[126] de prendre son glorieux frère pour exemple, et de ne pas laisser sans défenseur une malheureuse nation qui s’en allait mourant. Jonathas leur répondit qu’il était prêt à donner sa vie pour eux, et les Juifs le jugeant à la hauteur du chef qu’ils avaient perdu, lui conférèrent aussitôt la dignité de stratège de l’armée nationale[127].

Aussitôt que Bacchides eut vent de cette élection, il craignit tout naturellement qu’elle ne devînt une nouvelle source d’embarras pour le Roi, son maître, et pour le gouvernement des Macédoniens. Il n’eut donc plus qu’un désir, celui de tendre à Jonathas un guet-apens dans lequel il perdrait la vie. Heureusement ce dessein de Bacchides fut aisément deviné par Jonathas et par Siméon son frère. Ils se hâtèrent donc de réunir tous leurs amis, et se retirèrent avec eux dans le désert qui est rapproché de Jérusalem ; ils s’y établirent sur les bords du lac Asphaltite[128].

Bacchides eut bientôt, grâce à ses espions, connaissance du point où les forces juives étaient établies il se mit donc en campagne avec toute son armée, et pour donner à celle-ci- le temps de se refaire, alla camper sur l’autre rivé du Jourdain (la rive gauche). De son côté Jonathas ne doutait pas de l’intention formelle de Bacchides de venir l’attaquer ; il prit donc ses mesures en conséquence. Il dépêcha son frère Jean Gaddis vers les Arabes Nabathéens, avec lesquels les Juifs avaient noué des relations, pour déposer chez eux tous les bagages de l’armée, avant d’en venir aux mains avec Bacchides. Pendant que Jean cheminait vers le pays des Nabathéens, les fils d’Amaraeos, sortis de la ville de Medaba, lui tendirent une embûche, dans laquelle il tomba et fut pris, avec tous ses compagnons : tout le convoi des bagages qu’ils escortaient fut enlevé ; puis, pour comble d’infamie, Jean et tous les autres prisonniers furent mis à mort. La vengeance ne devait pas tarder à atteindre les coupables[129].

Bacchides qui savait Jonathas campé dans les marécages du Jourdain, choisit le jour du sabbat pour l’attaquer, espérant que la sainteté du jour l’empêcherait de combattre. Mais le général juif harangua ses soldats, et leur fit comprendre qu’ils se trouvaient dans le plus grand péril, enfermés qu’ils- étaient entre l’ennemi et le fleuve. Pas de moyen de fuir ; car ils avaient les Syriens en face et le Jourdain derrière eux. Invoquant alors l’aide du Tout-Puissant, il engagea vigoureusement le combat, renversant tous ceux qui se trouvaient devant lui, et courant avec furie partout où il apercevait Bacchides. Un moment il crut le tenir et le frapper de son épée, mais le Grec sut parer le coup. Jonathas alors se jeta dans le Jourdain, avec ses compagnons, et tous ‘furent bientôt en sûreté sur l’autre rive, l’ennemi n’étant pas tenté de traverser une autre fois la rivière. Quant à Bacchides, il ne perdit pas de temps pour regagner. Jérusalem où il alla s’enfermer, dans la citadelle. Il avait laissé 2.000 des siens sur le champ de bataille[130].

Il n’est pas du tout facile, topographiquement parlant, de se rendre compte de cette bataille. Essayons pourtant de le faire. Les Juifs de Jonathas ont eu l’imprudence de se loger dans une presqu’île de la rive droite du Jourdain, pour couvrir sans doute leurs flancs et leurs derrières, Bacchides, on ne voit pas trop pourquoi, si ce n’est pour éviter une attaque de nuit, s’en va camper sur la rive gauche, laissant l’ennemi sur la rive droite. Le jour du sabbat, il repasse le Jourdain, et marche contre les Juifs, toujours placés dans leur presqu’île. On conçoit alors que Jonathas dit à ses soldats qu’ils sont enfermés entre D’ennemi et la rivière qui les cerne, non pas seulement de deux, mais bien en réalité de trois côtés. Pendant que la tête de la colonne grecque engage l’action, la queue de cette colonne continue son passage de rivière. Lorsqu’ils ont à peu près tous évacué la rive gauche, les Juifs et Jonathas, à leur tête, se jettent à l’eau et vont se réfugier sur la rive que les Grecs viennent de quitter. Recommencer un passage du Jourdain et cette fois avec un ennemi qui n’était plus forcé de se maintenir dans une position assez maladroitement choisie par lui, c’était courir au-devant d’un désastre. Aussi Bacchides eut-il le soin de laisser bien tranquilles les Juifs sur la rive gauche du Jourdain, et de se retirer assez rapidement sur Jérusalem. La journée d’ailleurs avait été rude, puisqu’il avait perdu 2.000 hommes, selon Josèphe, et 1.000 seulement selon le livre des Macchabées.

Telle est je crois la seule manière d’expliquer les marches et contremarches des deux armées, dans cette journée de combat (160 av. J.-C.).

Bacchides venait d’acquérir à ses dépens la preuve que l’ennemi auquel il avait affaire était loin d’être méprisable. Il fallait donc, au plus vite, mettre le pays à l’abri des coups de main qu’un chef aussi entreprenant que Jonathas, seconde par des soldats pleins d’audace, ne manquerait certainement pas de tenter. Pour cela il fallait relever les murailles de toutes les places fortes qui avaient été ruinées ou démantelées, dans les guerres des années précédentes. Jéricho, Emmaüs, Béthoron, Bethela, Tamnatha, Pharathô, Tokhad et Gazara[131], furent mises sur un pied respectable. Des tours ou donjons furent construits dans chacune de ces localités ; des murailles solides et élevées les entourèrent, et des garnisons y furent installées, pour tenir de là les Juifs en éveil, par des expéditions rapides et sans cesse renouvelées. La citadelle de Jérusalem, c’est-à-dire Akra, fut particulièrement fortifiée avec le plus grand soin. Bacchides qui s’était emparé des fils des principales familles juives, qu’il entendait garder comme otages, les fit incarcérer à Akra[132].

Nous avons maintenant à raconter comment fut vengée la mort de Jean, traîtreusement assassiné par les habitants de Medaba.

Un beau jour Jonathas et Siméon, son frère, virent arriver un inconnu -qui les prévint que les fils d’Amarœos, meurtriers de Jean, allaient célébrer une noce, et que la fiancée appartenant à une puissante famille arabe, allait être amenée de la ville de Gabatha en grande pompe, et accompagnée d’un cortège magnifique. Le moment était venu pour Jonathas et Siméon d’accomplir ainsi l’acte de vengeance auquel ils n’avaient pas cessé de penser, depuis le jour où un lâche guet-apens leur avait enlevé un frère chéri. L’occasion était trop belle pour ne pas la saisir. Ils partirent donc en hâte pour Medaba, et se placèrent en embuscade dans la montagne, attendant le joyeux cortège au passage. Bientôt parut la jeune fille et son fiancé, entourés de la foule de leurs amis, comme cela se pratique d’habitude dans les cérémonies nuptiales ; s’élancer hors de leur embuscade, fondre sur le cortège, tuer tous les hommes, s’emparer des femmes, et de tous les bagages, ce fut l’affaire d’un instant, et leur vengeance accomplie, les Juifs se retirèrent en toute hâte. Les victimes de cet audacieux coup de main laissèrent 400 morts sur le terrain. Siméon et Jonathas rentrèrent ensuite dans leur marais[133].

. Dans le Ier livre des Macchabées, le fait que nous venons de raconter est placé avant la bataille livrée sur les bords du Jourdain. Nous pensons qu’effectivement la bataille est postérieure ; nous croyons d’ailleurs en trouver la preuve dans l’assertion de Josèphe lui-même, qui, après avoir rapporté l’histoire de la noce de Medaba, ajoute que, leur expédition faite, Siméon et Jonathas retournèrent dans les marais du Jourdain et y restèrent. Le livre des Macchabées dit exactement de même (verset 42) et reversi sunt ad ripam Jordanis. Or, il ne parait pas très probable qu’après la sanglante bataille engagée là avec l’armée de Bacchides, Jonathas ait occupé la même position, forcément empestée d’ailleurs par plus d’un millier de cadavres en putréfaction.

Reprenons notre récit :

Bacchides, dès qu’il eut solidement occupé la Judée, grâce aux postes militaires qu’il avait organisés, s’éloigna, avec grand plaisir, sans doute, d’un pays si peu facile à maintenir,. et retourna auprès du Roi, son maître.

Pendant deux années consécutives, à partir de ce moment, la nation judaïque jouit d’une heureuse tranquillité. Mais cela ne pouvait convenir aux transfuges et aux méchants (nous appelons toujours ainsi les Juifs qui avaient honteusement déserté le culte de leurs pères). Voir Jonathas et ses partisans jouir des bienfaits de la paix, et rester en pleine sécurité dans le pays, c’était plus qu’il n’en fallait pour réveiller leur haine impie. Ils envoyèrent donc quelques-uns des leurs supplier en leur nom Démétrius de charger derechef Bacchides de s’emparer de la personne de Jonathas. Ils affirmèrent que rien n’était plus facile, et qu’il suffirait d’une seule nuit, pour écraser toute la bande de ce criminel de lèse-majesté, si on l’attaquait à l’improviste. Le roi Démétrius se laissa persuader par ces misérables, et Bacchides repartit pour la Judée, après avoir envoyé par écrit à tous ses amis juifs, ou auxiliaires, l’ordre d’arrêter Jonathas et de le lui livrer. Tous se mirent à l’œuvre avec le plus grand zèle mais, tous échouèrent et ils ne réussirent à rien. Comment supposer en effet que des manœuvres aussi transparentes auraient échappé à la perspicacité d’un homme comme Jonathas, lorsque la venue seule de Bacchides devait éveiller tous ses soupçons ? Pour Jonathas qui était nuit et jour sûr ses gardes, déjouer les mauvais desseins de ses ennemis, éviter leurs pièges et laisser avec l’humiliation de l’insuccès, ceux qui les avaient tendus, ce fut chose facile. Bacchides n’en prit pas aisément son parti ; furieux des échecs multipliés que ses agents, tous choisis parmi les Juifs apostats, essuyaient coup sur coup, il fit à ces agents un crime de leur maladresse, et pour les punir d’avoir trompé le Roi et lui-même, par des promesses qu’ils étaient incapables d’exécuter, il fit arrêter cinquante d’entre eux et les envoya au supplice, sans autre forme de procès[134].

Nous avons, lorsque nous nous sommes occupés du IIe livre des Macchabées, constaté que l’auteur ne s’était fait aucun scrupule d’intervertir l’ordre des événements qu’il racontait. Nous sommes obligés de constater une négligence du même genre dans le 1er livre lui-même. Ainsi, après avoir dit que Bacchides avait enfermé dans la citadelle de Jérusalem les fils des principales familles juives, qu’il avait enlevés pour lui servir d’otages, l’écrivain sacré passe à la mort d’Alcimus et s’exprime ainsi : L’an 153 au 2e mois (avril et mai de 160 av. J.-C.) Alcimus donna l’ordre de détruire les murs de la maison sainte intérieure, qui étaient l’œuvre des prophètes (Il s’agit probablement de la muraille du saint) et ce travail fut commencé. En ce temps-là Alcimus fut frappé, et son œuvre fut entravée. Sa bouche se ferma ; sa langue fut paralysée ; il ne put plus prononcer une parole, ni donner des ordres, même de son appartement. Et Alcimus mourut à cette époque, avec de grandes douleurs. Et Bacchides voyant qu’Alcimus était mort, retourna auprès du Roi, et la terre de Juda resta tranquille deux ans[135].

Comment concilier chronologiquement les témoignages du livre des Macchabées et ceux de Josèphe ? C’est absolument impossible. Si Judas a vécu trois ans après la mort d’Alcimus, comme l’affirme Josèphe, et cela nous le croyons avec toute apparence de raison, comment Judas, tué en 161 av. J.-C., a-t-il précédé au tombeau Alcimus, mort en 160 av. J.-C. ? Nous nous y perdons !

Jonathas et son frère Siméon vivaient forcément dans une perpétuelle inquiétude et, il faut en convenir, la mission de Bacchides n’était pas faite pour les rassurer. Il était donc important pour eux et leurs fidèles compagnons, de se créer un poste fortifié, capable de soutenir un siège. Ils choisirent pour cela l’endroit nommé Bethalaga, petite bourgade située dans le désert[136].

Ils y élevèrent des tours et une enceinte de murailles, dans l’intérieur de laquelle ils vivaient en toute sécurité. Bacchides informé de ce fait, rassembla les troupes dont il pouvait disposer, convoqua les Juifs qui adhéraient à son parti, et se mit en route pour aller assiéger Jonathas dans sa retraite. Les opérations de ce siège traînèrent en longueur, parce que Jonathas et ses compagnons repoussaient toutes les attaques, avec une énergie sans égale. C’était un habile homme de guerre, et lorsqu’il pensa que Bacchides commençait à se fatiguer d’une résistance sur laquelle il n’avait pas compté, il laissa Siméon dans la place, avec mission de la défendre obstinément ; il en sortit secrètement, courut le pays, dans lequel il rassembla en hâte une troupe nombreuse de partisans, et une belle nuit, tomba comme la foudre, sur le camp de Bacchides. Il y tua beaucoup de monde. Siméon, du haut des remparts, comprit bien vite que son frère Jonathas avait pris l’ennemi à revers ; il s’empressa aussitôt d’exécuter une sortie, et réussit à brûler les machines de guerre des assiégeants, auxquels il tua de son côté beaucoup de monde. Bacchides se voyant pris, à l’improviste, entre deux feux, fut d’abord consterné et bien vite démoralisé par ce résultat inattendu d’une expédition du succès de laquelle il n’avait pas douté un instant. Il tourna encore sa colère contre les transfuges qui avaient décidé le Roi à le charger de cette fatale mission ; il les accusa hautement d’avoir abusé de sa confiance, et il n’eut plus qu’un désir, celui de renoncer au siège qu’il avait entrepris follement, de se retirer honorablement, si faire se pouvait, et de retourner en Syrie[137]. Cela se passa en l’an 158 av. J.-C.

Jonathas fut promptement au courant des nouveaux projets de Bacchides ; évidemment il avait des intelligences dans le camp ennemi. Il n’hésita pas à profiter de ces dispositions pacifiques, et envoya au général grec des parlementaires chargés de lui offrir un traité d’alliance et d’amitié, avec l’échange des prisonniers. Bacchides s’empressa de souscrire à ces conditions inespérées, qui lui permettaient de lever le siège sans humiliation ; il échangea des protestations d’amitié avec Jonathas, et tous les deux s’engagèrent par serment à ne plus porter les armes l’un contre l’autre. Tout fut promptement conclu ; les prisonniers furent rendus de part et d’autre, et Bacchides partit pour Antioche. Depuis cette époque, il renonça à toute hostilité contre les Juifs.

Jonathas ayant ainsi recouvré la tranquillité, alla s’établir à Machmas[138].

Ce fut de là qu’il se mit à gouverner le peuple, poursuivant et châtiant sans trêve les traîtres et les apostats, dont il purgea la Judée[139].

En l’an 160 de l’ère des Séleucides (153 av. J.-C.) une nouvelle révolution vint bouleverser la Syrie. Depuis plusieurs années déjà, Démétrius s’était attiré la haine de ses sujets. Le peuple d’Antioche fatigué des folies d’un Roi qui ne songeait qu’à ses plaisirs, avait jeté les yeux sur le jeune Alexandre, fils d’Antiochus IV Épiphane, qui était alors élevé à Rhodes, et il l’avait fait accompagner à Rome par l’orateur Héraclides, pour faire valoir, devant le Sénat, ses droits à la couronne (155 av. J.-C.). Pour parer ce coup inattendu, Démétrius avait envoyé de son côté son fils Démétrius encore enfant, afin de contrebalancer l’influence d’Alexandre, et d’entraver ces démarches que soutenaient Ptolémée Philométor, roi d’Égypte, Attale, roi de Pergame, et Ariarathes, roi de Cappadoce.

Cet Alexandre surnommé Balas ou Ballès, était-il fils légitime, ou simplement bâtard, ou même fils supposé d’Antiochus IV ? C’est ce qu’il est impossible de deviner, au milieu du désaccord des historiens profanes ; mais peu nous importe ! et nous n’avons à nous occuper que du rôle important qu’il a joué dans l’histoire de Syrie.

En l’an 160 (153 av. J.-C.), Héraclides avait obtenu du Sénat un décret qui conférait à Alexandre le titre d’ami des Romains, et l’autorisait à revendiquer le trône de son père, Antiochus Épiphane. Le Sénat alla même jusqu’à lui promettre son appui. Il partit donc de Rome, vint débarquer à Ptolémaïs, où il fut accueilli avec enthousiasme par la population, et maître de cette seule ville, il commença à jouer le rôle de Roi.

Maintenant laissons parler Josèphe : la garnison syrienne de Ptolémaïs était hostile à Démétrius, dont l’orgueil était insupportable, et l’accès à peu près impossible. Elle prit immédiatement le parti du prétendant Alexandre, contre un fantôme de Roi qui passait sa vie enfermé dans une forteresse qu’il avait fait construire près d’Antioche, ne recevant personne et négligeant de la façon. la plus complète les affaires de l’État[140].

Aussitôt que Démétrius connut le débarquement et l’installation d’Alexandre à Ptolémaïs, il sortit de son apathie ; la peur le prenait. Il rassembla toutes ses troupes et marcha contre l’homme qui voulait lui ravir le pouvoir dont il faisait un si pitoyable usage. Il était important de ne pas compter Jonathas dans le camp de son adversaire et il comprenait qu’Alexandre ne manquerait pas de s’en faire un auxiliaire. Il lui dépêcha donc des ambassadeurs, pour lui demander sa bienveillance et son appui. N’avait-il pas à craindre en effet que Jonathas ne se souvint de tout le mal qu’il avait fait au peuple juif, pour saisir avec joie l’occasion de le lui rendre, en combinant ses forces avec celles du prétendant ? Il lui mandait donc de lever des troupes et de reprendre les otages que Bacchides avait enfermés dans Akra. Aussitôt cette dépêche royale arrivée, Jonathas courut à Jérusalem et en donna lecture au peuple et à la garnison de la citadelle. Cette lecture jeta l’effroi parmi les apostats et les transfuges établis dans Akra. La permission donnée par le Roi à Jonathas, de lever une armée, et de reprendre les otages, n’était-ce pas leur perte assurée ? Il fallut pourtant obéir et les otages furent rendus à leurs familles. Ce fut ainsi que Jonathas rentra à Jérusalem, qu’il s’empressa de relever de ses ruines, et de remettre en état de défense. Alors les garnisons des différentes forteresses de la Judée les évacuèrent en hâte et s’enfuirent à Antioche, à l’exception de ceux qui occupaient Bethsoura et Akra ; presque tous en effet étaient des Juifs apostats et des transfuges, qui n’avaient rien à gagner, en désertant leur poste[141].

Alexandre eut promptement connaissance des promesses que Démétrius avait faites à Jonathas ; il savait d’ailleurs ce que valait celui-ci comme général ; il n’ignorait rien de tout ce qu’il avait souffert de la part de Bacchides, et de tout le mal qu’il avait fait lui-même aux Macédoniens, dans les dernières années ; aussi répétait-il souvent à ses amis, qu’il ne pourrait jamais trouver en l’occurrence où il était placé, un allié plus précieux que Jonathas. Pour s’en faire un ami, il n’y avait rien de plus aisé que de l’inviter à conclure un traité d’alliance ; car il ne pouvait avoir perdu la mémoire des outrages dont il avait été abreuvé tant de fois, par Démétrius. De leur côté ; les partisans d’Alexandre devaient reconnaître la justesse de ce raisonnement, et il fut arrêté, entre eux, d’un commun accord, qu’une ambassade irait trouver Jonathas, et lui porterait une lettre ainsi conçue :

Le Roi Alexandre à son frère Jonathas, salut ! Depuis longtemps nous connaissons ta valeur et ta loyauté ; nous n’hésitons donc pas à te proposer notre amitié et notre alliance. A partir de ce jour, nous te faisons pontife des Juifs, et nous voulons que l’on t’appelle notre ami. J’ai voulu en outre t’envoyer des présents dignes de toi ; c’est-à-dire une robe de pourpre et une couronne d’or. Nous te conjurons, toi que nous honorons à ce point, de montrer les mêmes sentiments à notre égard[142].

Jonathas, une fois en possession de cette lettre, revêtit la robe pontificale, au moment où la fête des Tabernacles allait commencer, quatre ans après la mort de son frère Judas. Personne n’avait exercé le souverain pontificat, pendant ces quatre années. Il rassembla une puissante armée et fit fabriquer des armes en quantité[143].

Le livre des Macchabées est plus précis chronologiquement parlant ; voici comment il s’exprime : Et induit se Jonathas stola sancta, septimo mense, anno centesimo sexagesimo, in die solemni scenopegiæ, et congregavit exercitum et fabricavit arma copiosa[144].

L’an 160 de l’ère des Séleucides correspond à l’an 153 av. J.-C. Le 6e mois se trouve compris dans août et septembre. Nous sommes donc bien fixés sur la date de l’intronisation de Jonathas comme grand prêtre.

Si quatre ans s’étaient écoulés depuis la mort de Judas, celui-ci aurait été tué en 157 avant J.-C. (156 de l’ère des Séleucides) ; or nous avons été forcés de placer la mort de Judas en l’an 161 av. J.-C. L’assertion de Josèphe sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, n’a donc aucune valeur.

Lorsque Démétrius apprit les relations amicales qui venaient de s’établir entre Alexandre et Jonathas, il en fut affligé et démoralisé, tout à la fois. Il se reprochait amèrement la lenteur qu’il avait mise à solliciter l’amitié du chef juif ; c’était par sa faute qu’Alexandre avait pu prendre les devants, et s’assurer par les larges concessions qu’il avait faites, la bienveillance de Jonathas. Il ne se tint cependant pas pour battu, et écrivit au peuple juif et à son chef une lettre ainsi conçue :

Le roi Démétrius à Jonathas, et au peuple juif, salut !

Puisque vous êtes restés fidèles à l’amitié qui s’était établie entre nous, et n’avez pas pris le parti de nos ennemis, malgré leurs séductions, je loue votre loyauté, et je vous conjure de persévérer dans ces sentiments de droiture, dont vous recevrez certainement de nous la juste récompense. En effet je vous exonérerai de tous les tributs et de toutes les redevances que vous avez payées aux Rois, mes prédécesseurs, et à moi-même. Je vous relève, dès à présent, de tous les impôts que vous avez eus de tout temps à payer à ma couronne. En outre de cela, et à partir de ce jour, je vous affranchis des droits sur le sel ; je vous dispense dé l’offrande des couronnes que vous aviez l’habitude de me donner, et je vous dispense de me payer, comme d’habitude, le tiers des récoltes, et la moitié des fruits de vos arbres. La capitation qui m’était due par tous les habitants de la Judée, et des trois toparchies voisines, à savoir la Samarie, la Galilée et la Pérée, je vous en affranchis à tout jamais. Je veux que la ville de Jérusalem soit sacrée et inviolable, et que son territoire tout entier soit exempt de la dîme et des impôts. Quant à Akra j’en fais la remise à votre grand prêtre Jonathas ; qu’il y établisse, comme garnison, les plus fidèles et les plus dévoués de ses soldats, afin qu’ils nous en conservent eux-mêmes la possession. Tous les Juifs qui ont été faits prisonniers, pendant la guerre, et qui servent comme esclaves dans toute l’étendue de nos États, nous les déclarons libres, et nous vous les renvoyons. Nous ordonnons que tout le bétail appartenant aux Juifs soit à l’abri de toute réquisition. Les jours du sabbat, toutes les fêtes et les trois jours qui précèdent ces fêtes, resteront exempts de tout péage. Semblablement nous permettons aux Juifs établis dans notre royaume, de retourner dans leur pays librement et à l’abri de toute injure. Quant à ceux qui voudraient servir dans nos armées, nous les y autorisons, et nous consentons à en admettre jusqu’au nombre de trente mille. Ils recevront, en quelque lieu qu’ils soient envoyés, la même solde que nos autres soldats. Un certain nombre d’entre eux seront placés dans les villes fortes, les autres deviendront mes propres gardes du corps, et je leur donnerai l’autorité sur tous ceux qui vivent dans mon palais. Je leurs permets en outre de vivre sous l’empire exclusif des lois de leurs pères, et de les observer fidèlement. J’entends qu’ils soient investis du gouvernement des trois provinces attribuées à la Judée, et que de plus le grand prêtre veille à ce qu’aucun Juif n’ait d’autre temple, pour adorer son Dieu, que le temple qui est à Jérusalem. J’alloue, en outre sur mon trésor royal, 150.000 drachmes par an pour les frais du culte, et tout ce qui pourra être économisé sur cette somme, vous restera en toute propriété. Les dix mille drachmes de revenu que le temple était tenu de verser entre les mains du Roi, je vous en fais l’abandon ; entendant qu’elles soient affectées à la rémunération des prêtres qui officient dans le temple. Quiconque se sera réfugié dans le hiéron de Jérusalem, et dans ses dépendances, soit parce qu’il était débiteur du fisc, ou pour toute autre raison quelconque, est et demeure amnistié, et ses propriétés seront respectées. Je permets que le temple soit réparé et achevé, m’engageant à fournir, sur mon trésor royal, les sommes nécessaires pour subvenir aux dépenses de ces travaux ; de plus je vous accorde le droit de reconstruire les murailles de la ville, et d’y placer des tours élevées, et cela exclusivement à mes frais. Si enfin il y a quelque place forte qu’il vous semble bon de mettre en état de défense, pour la sécurité de la Judée, j’ordonne que ces travaux soient entrepris et achevés à mes frais[145].

Telles étaient les promesses pompeuses à l’aide desquelles Démétrius, espérait détacher Jonathas et les Juifs, du parti d’Alexandre. Ces promesses étaient-elles sincères ? Nous l’ignorons ; mais ce dont nous ne pouvons douter c’est que ceux auxquels elles étaient adressées n’y ajoutèrent aucune créance. Le Ier livre de Macchabées est parfaitement explicite sur ce point. Voici en effet ce que nous y lisons (X, 46 et 47) : Ut audivit auteur Jonathas et populos sermones istos, non crediderunt eis, nec acceperunt eos ; quia recordati sunt malitiæ magnæ quam fecerat in Israël, et tribulaverat eos valde ; et complacuit eis in Alexandrum, quia ipse fuerat eis princeps sermonum pacis, et ipsi auxilium ferebant omnibus diebus.

Il était bien naturel, en effet, que les Juifs eussent vivant dans le cœur le souvenir sanglant de tout le mal que leur avait fait naguère le prince qui ne semblait venir à résipiscence, que parce qu’il se sentait dans un danger terrible.

Alexandre, cependant, n’avait pas perdu de temps ; il avait déjà, sous la main une puissante armée, composée en partie de mercenaires, en partie des soldats syriens qui avaient déserté le drapeau de Démétrius, pour passer sous le sien. Il n’hésita donc pas et marcha droit à Démétrius. La bataille s’engagea, et l’aile droite de Démétrius parvint à enfoncer l’aile gauche d’Alexandre, dont les soldats prirent la fuite, longtemps poursuivis par les vainqueurs, qui leur tuèrent beaucoup de monde, et envahirent leur camp qu’ils livrèrent au pillage. Il n’en fut pas ainsi de l’ailé droite où se tenait Démétrius en personne ; celle-ci subit le même sort qu’avait subi une partie de l’armée d’Alexandre, et les soldats qui la composaient prirent la fuite. Démétrius se défendit comme un lion, tua plusieurs ennemis de sa main, et pendant qu’il se lançait à la poursuite de quelques autres, il se laissa entraîner dans un bas-fond difficile à franchir ; là son cheval s’abattit, et Démétrius ne pouvant se dégager, fut tué. En effet à la vue de cet accident, tous ceux qu’il chassait devant lui, étaient revenus sur leurs pas, l’avaient entouré et accablé de traits. Il avait néanmoins réussi à se relever, lorsque succombant sous la douleur des blessures dont il était criblé, il roula à terre pour ne plus se relever. Ainsi mourut Démétrius, après onze ans de règne[146].

Si nous en croyons Justin[147], dans une première bataille qui eut lieu, en 152 av. J.-C., entre les armées de Démétrius et d’Alexandre, celui-ci fut vaincu et se vit forcé de battre en retraite. L’auteur du Ier livre des Macchabées ne fait nulle mention de cette première bataille, et Josèphe semble la confondre avait celle qui n’eut lien que l’année suivante, et dans laquelle Démétrius perdit la vie. Ce qui rend cela plus que probable, c’est la circonstance étrange dont nous lui avons emprunté le récit, que, dans la même affaire, l’aile gauche d’Alexandre aurait été mise en déroute, tandis que son aile droite restait victorieuse, et parvenait à tuer Démétrius lui-même.

Quoi qu’il en soit des monuments d’une autorité irrécusable, nous voulons dire les monnaies datées de Démétrius Soter, prouvent que Démétrius vivait encore au commencement de l’automne de l’an 151 av. J.-C., mais n’existait déjà plus au printemps de l’année suivante.

Nous avons déjà parlé plus haut d’Onias, fils du grand prêtre Onias III, et nous avons dit qu’il s’était retiré en Égypte, parce que la dignité pontificale avait été enlevée à sa famille. Après y avoir séjourné quelques années, il sollicita du roi Ptolémée Philométor, et de la reine Cléopâtre, sa sœur et sa femme, l’autorisation de bâtir en Égypte un temple semblable à celui de Jérusalem. Il appuyait sa requête sur ce fait que le prophète Isaïe[148] qui vivait six cents ans auparavant, avait prédit qu’un temple serait élevé au Tout-Puissant, en Égypte, et par un Juif. Josèphe nous a conservé le texte de la supplique dans laquelle Onias débute par rappeler au Roi et à la Reine les services nombreux qu’il leur a rendus, dans la carrière militaire. Il demande donc comme récompense, qu’il lui soit permis d’élever un temple au Dieu des Juifs, près de Léontopolis, ville de la préfecture d’Héliopolis, au lieu nommé Bubastis l’Agreste.

Josèphe nous a également conservé le texte de la réponse de Ptolémée à Onias, et nous y remarquons, avec une certaine surprise, une phrase où le monarque demande à Onias si son Dieu aura pour agréable un temple élevé dans un lieu impur et rempli d’animaux sacrés. Du reste, dit-il en terminant, puisque tu allègues que le prophète Isaïe a prédit cela depuis des siècles, nous t’autorisons à faire ce que tu désires, s’il n’y a rien en ce fait de contraire à la loi judaïque, parce que nous ne voudrions en rien passer pour avoir commis une offense à l’égard de Dieu.

Une fois muni de cette autorisation Onias bâtit un temple et un autel de Jéhovah, sur le même plan que ceux de Jérusalem, mais petit et pauvre ; puis il y installa des prêtres et des lévites, chargés d’y officier, comme on le faisait dans la ville sainte[149].

Notre historien rend compte ensuite d’une violente discussion qui s’éleva, dans la même année, entre les Juifs et les Samaritains résidant à Alexandrie. Chacune des deux nations prétendait que le temple qui lui appartenait, à Jérusalem, pour les premiers, et sur le mont Garizim, pour les seconds, était le seul qui eût été édifié par les ordres de Moïse. Le Roi d’Égypte fut pris pour arbitre et les parties convinrent qu’à la suite de cet étrange procès, ceux qui l’auraient perdu seraient condamnés à mort. Les avocats des Samaritains furent Sabbæus et Theodosius ; celui des Hébreux fut Andronic, fils de Messulam. Andronic prit le premier la parole et son plaidoyer facile d’ailleurs, grâce aux preuves multiples dont il avait les mains pleines, convainquit si bien le Roi de la bonté de sa cause, que Sabbæus et Theodosius, sans plus ample information, furent condamnés au supplice[150].

Une fois débarrassé de son rival, Alexandre ne trouva plus d’obstacles devant lui, et se vit bientôt maître de toute la Syrie. Pour affermir plus encore le trône qu’il venait de conquérir, il songea à contracter une étroite alliance avec Ptolémée Philométor, son puissant voisin. Il lui demanda donc la main de sa fille, en appuyant ses prétentions à ce mariage, sur ce qu’ayant recouvré l’empire de ses pères, il n’était pas indigne d’entrer dans la famille du Roi d’Égypte. C’était, disait-il, à la providence divine qu’il devait d’avoir supplanté Démétrius, et fort de cette protection, il prenait pour l’avenir l’engagement de se montrer digne de l’union à laquelle il aspirait. Ptolémée s’empressa d’accueillir la demande d’Alexandre, et lui répondit que l’ayant vu ; avec la joie la plus sincère, recouvrer la couronne de ses aïeux, il lui accordait avec bonheur la main de sa fille ; il lui demandait donc de venir au-devant de lui, à Ptolémaïs, où il lui amènerait sa fiancée, et où l’on célébrerait les fêtes de leur mariage. Ptolémée tint en effet parole, et courut en toute bâte à Ptolémaïs, avec la princesse Cléopâtre, sa fille. Alexandre de son côté, à la réception de la lettre de Ptolémée, s’était rendu à Ptolémaïs, oit son futur beau-père le trouva déjà installé. Le mariage projeté fut immédiatement célébré, et la jeune reine de Syrie reçut de son père une dot vraiment royale[151].

Pendant que tout était en fête à Ptolémaïs, Alexandre écrivait au grand prêtre Jonathas pour l’engager à venir prendre part à la solennité. Jonathas s’empressa d’accueillir cette invitation de son suzerain ; il accourut à Ptolémaïs, combla les deux Rois de présents splendides, et fut traité par tous les deux avec la plus éclatante distinction. Alexandre le força de se dépouiller de ses vêtements habituels, et de revêtir la robé de pourpre, insigne de la puissance suprême. Il le fit asseoir à côté de lui sur son trône, et ordonna aux plus hauts personnages de sa cour, de lui faire parcourir la ville en lui servant d’escorte, et en proclamant, dans tous les carrefours, qu’il n’était permis à personne de parler irrévérencieusement de lui, ni d’élever contre lui une réclamation quelconque. Cette précaution qui semble fort étrange, au premier abord, n’était pourtant pas prise sans de vrais motifs. Il ne manquait pas à Ptolémaïs d’ennemis des Macchabées, prêts à porter au pied du trône une accusation formelle contre Jonathas, qu’ils poursuivaient de leur haine impie. Dès qu’ils comprirent, par ce qui venait de se passer, en quel honneur le prince juif était tenu par Alexandre, ils commencèrent à craindre pour eux-mêmes, et jugèrent prudent de quitter au plus tôt la ville. Il est de fait qu’Alexandre se sentait porté vers Jonathas par une sympathie telle, qu’il n’hésita pas à déclarer qu’il le tenait pour le premier de ses amis[152].

Alexandre, parvenu au comble de la fortune, ne tarda pas à se laisser enivrer par les délices de là toute-puissance. Bientôt il dédaigna de s’occuper des affaires de l’État, dont il laissa tous les soucis à son favori Ammonius. Celui-ci commença par faire mettre à mort Laodicé, propre sœur du Roi, et Antigone, fils encore en bas âge dé Démétrius Soter. C’était une manière de délivrer son maître d’embarras possibles dans l’avenir ; mais il songea prudemment à lui-même, et tous les amis du Roi l’un après l’autre, disparurent de la scène du monde. Ammonius était un ambitieux sans pitié, à qui l’assassinat paraissait le moyen le plus sûr et le plus prompt de gouverner les hommes. Il oubliait que c’était aussi le moyen le plus sûr et le plus prompt de perdre son maître et lui-même.

En l’an 465 de l’ère des Séleucides (148 av. J.-C.), Démétrius, fils de Démétrius Soter, profita habilement de la désaffection générale que s’était attirée Alexandre. Le Crétois Lasthènes lui offrit une forte troupe de mercenaires, à la tête de laquelle le nouveau prétendant passa en Cilicie. La nouvelle de son débarquement apporta un réveil cruel au voluptueux Alexandre. Plein d’anxiété et de douleur, il comprit qu’il n’avait pas un instant à perdre, et s’arrachant aux plaisirs auxquels il s’était jusque-là donné tout entier, il quitta en hâte la Phénicie, pour courir à Antioche qu’il importait d’occuper avant l’arrivée de Démétrius. Il laissait à Apollonius Daos ; préfet de la Cœlésyrie, tous les pouvoirs de gouverneur général. Celui-ci partit aussitôt pour Iamnia, à la tête d’une armée considérable, et de là il envoya un défi au grand prêtre Jonathas ; il était ainsi conçu : C’est une indignité que toi seul tu restes tranquille, et libre de tes actions, en méconnaissant l’autorité du Roi, ton maître ; aussi tout le monde me fait-il justement à moi-même un crime de l’indépendante que tu affectes. Ne te fais pas d’illusion outrecuidante sur ta valeur personnelle ! au lieu de te maintenir lâchement dans tes montagnes, si tu as réellement quelque confiance dans ta propre bravoure, et dans celle de tes soldats, prends avec toi les meilleures de tes troupes, ose descendre dans la plaine, pour t’y mesurer avec les miennes, et celui-là sera vraiment brave, qui remportera la victoire. Sache, pour ta gouverne, que chaque ville de la Syrie a fourni à mon armée les plus valeureux de ses soldats ; car ce sont encore les mêmes hommes qui ont toujours vaincu tes ancêtres. En plaine, ce sera avec de véritables armes dignes de guerriers, et non avec des quartiers de roc, qu’il faudra combattre, et là tu ne trouveras pas de refuge, où le vaincu puisse aller se cacher[153].

Cet insolent défi produisit l’effet qu’en attendait Apollonius. Jonathas exaspéré prit sur-le-champ dix mille hommes d’élite, et partit de Jérusalem, accompagné de son frère Siméon. Arrivé devant Joppé, il trouva portes closes. La ville en effet était occupée par une garnison qu’y avait laissée Apollonius. Il fallut donc camper hors de la place. Le lendemain, lorsque Jonathas s’apprêtait à monter à l’assaut, les assiégés ne se sentant pas de force à résister à l’attaque, se ravisèrent et se dépêchèrent d’ouvrir leurs portes.

Apollonius dès qu’il eut reçu avis de l’occupation de Joppé, par Jonathas, se porta sur Azot, à la tête de 3.000 cavaliers et de 8.000 fantassins. Marchant tranquillement et au pas de route ordinaire, il alla ainsi se montrer devant Joppé ; puis feignant un mouvement de retraite, il entraîna Jonathas dans la plaine, où il ne doutait pas que sa cavalerie ne fit merveille, et ne lui assurât la victoire. Jonathas poursuivit, jusqu’à Azot, l’armée d’Apollonius. Celui-ci dès qu’il eut attiré l’ennemi suffisamment en plaine, fit face en arrière, et engagea immédiatement le combat. Mille hommes de cavalerie avaient été placés en embuscade, dans le lit d’un torrent, et devaient, au moment opportun, prendre les Juifs à revers. Jonathas averti à temps de ce suprême danger, ne perdit pas son sang-froid ; il forma son armée en carré, de sorte que de tous les cotés, elle faisait face à l’ennemi. Le combat se prolongea jusqu’au soir. Pendant l’action, Jonathas donna à son frère Siméon le commandement d’une partie de l’armée, avec ordre de charger la phalange des Syriens ; de son côté, il commanda à tous ses soldats de se couvrir de leurs boucliers, et de se contenter de parer les traits que leur lanceraient les cavaliers ennemis. Cet ordre fut exécuté à la lettre. La cavalerie d’Apollonius épuisa ses munitions, sans blesser un seul homme, car les boucliers des Juifs, serrés les uns contre les autres, formaient comme une muraille que les javelots venaient frapper, sans autre effet que de s’amortir pour tomber inutilement à terre. Depuis le matin jusqu’au soir, cette manœuvre continua, en causant une lassitude extrême aux Syriens. Dès que Siméon s’aperçut que ses adversaires étaient à moitié domptés par la fatigue, il fit sonner la charge, et fondit sur la phalange qui fut bientôt ébranlée, enfoncée et mise en déroute. La cavalerie, dès qu’elle vit l’infanterie tourner le dos, jugea prudent de cesser le combat. Harassée, exténuée et privée désormais de l’appui sur lequel elle avait compté jusque-là, elle rompit ses rangs, et chacun s’enfuit au hasard. On vit bientôt les fuyards couvrir la plaine dans toutes les directions. Jonathas poursuivit les vaincus jusqu’à Azot, en leur tuant beaucoup de monde. Arrivés là, ils cherchèrent un refuge dans le hiéron de Dagon, où ils s’enfermèrent. Jonathas enleva la ville du premier coup et la livra aux flammes, ainsi que les bourgades voisines. Le temple de Dagon ne fut pas plus épargné ; il fut incendié et tous ceux qui s’y étaient réfugiés, périrent avec lui. En tout, sur le champ de bataille et dans l’incendie du temple, Apollonius avait perdu, 8.000 hommes. Après cette merveilleuse victoire, Jonathas se rendit d’Azot à Ascalon, où il campa hors des murailles de la ville. Les Ascalonites s’empressèrent d’aller au-devant de lui, pour lui offrir tout ce dont il avait besoin, et leurs félicitations. Jonathas leur rendit grâces de leur bienveillance, et se remit en route pour Jérusalem, où il rentra gorgé de butin.

Alexandre, lorsqu’il apprit la défaite d’Appollonius, feignit d’en être enchanté, parce que celui-ci avait osé outrepasser ses ordres et attaquer Jonathas, son ami et son allié ; il s’empressa d’envoyer au prince juif, en témoignage de sa satisfaction, et de son admiration pour sa brillante conduite, un collier d’or semblable à ceux dont on gratifiait les plus proches parents des Rois. A ce présent, il ajoutait en toute propriété la possession d’Accaron et de sa toparchie[154].

Était-ce là une comédie jouée par Alexandre Bala ? Nous n’en avons jamais douté. Quoi qu’il en soit, ce fait se place en l’an 148 av. J.-C.

Nous allons maintenant rencontrer un exemple significatif de la duplicité qui caractérisait les monarques grecs de cette époque :

On se rappelle que le roi d’Égypte, Ptolémée Philométor, était devenu le beau-père d’Alexandre. Dès qu’il sut que son malheureux gendre était en péril, il conçut l’idée de confisquer ses États à son profit. Le prétexte était tout trouvé ; ne fallait-il pas courir au secours de son gendre ? Il quitta donc l’Égypte, à la tête de forces imposantes de terre et de mer. Alexandre qui ne se méfiait de rien, avait donné partout l’ordre d’accueillir avec empressement l’armée égyptienne, et toutes les villes obéirent sans difficulté. Ptolémée parvint ainsi presque en triomphateur jusqu’à Azot, où il fut assourdi par les clameurs des habitants, se plaignant à lui de la ruine de leur temple de Dagon. Jonathas était un monstre qui avait renversé de fond en comble ce sanctuaire vénéré ! Il avait ravagé leur pays, par le fer et par les flammes ! il avait enfin fait prisonniers un grand nombre de leurs compatriotes ! Ptolémée prêta l’oreille à ces accusations violentes, mais n’y répondit pas un mot. Presque aussitôt Jonathas accourait au-devant de lui et le rejoignait à Joppé. Il fut reçu à bras ouverts, et comblé de riches présents ; puis il ne quitta plus le camp de Ptolémée, qu’il accompagna fidèlement jusqu’aux rives du fleuve Éleuthèrus ; là il se sépara de lui et retourna à Jérusalem[155].

Josèphe ne parle pas des projets perfides de Ptolémée Philométor ; mais le Ier livre des Macchabées est aussi explicite que possible sur ce point. Qu’on en juge : Et rex Ægypti congregavit exercitum, sicut arenam quæ est cirea oram maris, et naves multas ; et quærebat obtinere regnum Alexandri dolo, et addere illud regno suo.

A mesure qu’il avançait dans le pays, le roi d’Égypte qui, sur l’ordre exprès d’Alexandre, était parfaitement accueilli dans toutes les villes appartenant à son gendre, ne les quittait qu’après y avoir laissé une garnison égyptienne. Lorsqu’il approcha d’Azot, on lui montra les restes du temple de Dagon, détruit par le feu, ainsi qu’Azot et les autres localités ravagées par les Juifs. On lui fit voir les corps laissés en pâture aux bêtes sauvages, et les sépultures de ceux qui avaient succombé en combattant, et qu’ils avaient inhumé le long de la route. Ils lui nommèrent l’auteur de tous ces désastres, Jonathas, contre lequel ils espéraient enflammer sa colère. Mais Ptolémée resta muet ; on le voit, le récit de l’écrivain sacré est parfaitement concordant avec celui de Josèphe[156].

Lorsqu’il fut parvenu à Ptolémaïs[157] contre l’attente de tous, Ptolémée faillit trouver la mort dans cette ville, grâce à un complot, dont Ammonius, l’âme damnée d’Alexandre, était le chef apparent, tandis qu’en réalité c’était Alexandre lui-même qui l’avait conçu. Dès qu’il eut découvert le danger qui l’avait menacé, Ptolémée écrivit à Alexandre pour lui dénoncer la conduite d’Ammonius et lui demander la tête de son favori. Alexandre refusa de livrer le coupable et le roi d’Égypte en conclut naturellement que c’était à son gendre lui-même qu’il avait à s’en prendre. Sa colère contre lui fut extrême. Le peuple d’Antioche avait pris Alexandre en horreur, à cause d’Ammonius ; celui-ci, en effet, avait affreusement maltraité beaucoup d’entre eux, Ammonius fut activement recherché par la multitude qui criait vengeance. Il eut beau se travestir en femme, pour échapper à l’orage qui grondait sur sa tête coupable ; il fut reconnu et mis en pièce[158].

Ainsi voilà Josèphe qui met l’infamie sur le compte d’Alexandre, sans avoir au bout de sa plume un reproche pour Ptolémée Philométor. D’un autre côté, le Ier livre des Macchabées fait de Ptolémée un misérable ambitieux, et un traître ! Lequel des deux est dans la vérité ? Tous les deux probablement. En tous cas nous n’hésiterions pas à donner la préférence à la version du livre des Macchabées, si nous avions à choisir ; dans le doute, nous aimons mieux croire à la perfidie du gendre et de son digne beau-père, et nous ne craignons guère de nous tromper. Mais revenons à l’historien Josèphe.

Ptolémée furieux d’avoir donné sa fille en mariage à Alexandre, et d’avoir pris le parti de celui-ci contre Démétrius, se décida à rompre avec son gendre. Il enleva d’abord sa fille, puis il écrivit à Démétrius pour lui proposer, non seulement un traité d’alliance et d’amitié, mais encore pour lui offrir la main de cette même fille, et lui promettre qu’il le remettrait en possession du royaume de son père. Démétrius ravi de ces ouvertures inespérées, accepta tout avec empressement, le traité d’alliance comme la femme. Toutefois le plus difficile restait à faire pour Ptolémée ; c’était de décider le peuple d’Antioche à reconnaître pour Roi le fils du souverain dont il avait tant à se plaindre. Mais le Roi d’Égypte était un fin diplomate, et il réussit au gré de ses désirs. Nous avons dit que les habitants d’Antioche, en haine, d’Ammonius, s’étaient mis à détester le prince dont ce misérable était le favori ; il fut donc assez aisé de les pousser à chasser Alexandre. Expulsé honteusement de sa capitale, celui-ci s’enfuit en Cilicie.

Lorsqu’il fit son entrée à Antioche, le Roi Ptolémée fut proclamé roi par la population et par l’armée, et il se vit forcé de ceindre sa tête de deux diadèmes, l’un pour l’Asie, l’autre pour l’Égypte. Mais comme il était naturellement bon et juste, que, d’ailleurs, il avait horreur du bien d’autrui, et qu’il savait prévoir avec prudence les événements de l’avenir, il se décida à renoncer à la couronne d’Asie, pour ne pas se mettre mal avec les Romains. Il convoqua donc le peuple d’Antioche, et l’exhorta à prendre pour Roi Démétrius, leur donnant l’assurance que ce prince, par reconnaissance pour un si grand bienfait, leur pardonnerait tout le mal dont ils s’étaient rendus coupables envers son père. Il ajouta qu’il était décidé à maintenir, par ses conseils, leur futur souverain dans la bonne voie, et que si, d’aventure, il le voyait former quelque mauvais dessein, il ne lui permettrait pas de l’exécuter. Il finit en affirmant que, quant à lui, le royaume d’Égypte lui paraissait bien suffisant. Cette harangue produisit son effet : la population d’Antioche acclama Démétrius, et se prépara à le bien recevoir[159].

Cette crainte des Romains, dont Josèphe affecte de ne, parler qu’en passant, nous paraît le nœud de toute cette intrigue. Incontestablement, à notre avis, Ptolémée avait conçu l’espérance de s’approprier le royaume de Syrie. Mais il avait peur de s’aliéner le Sénat, et lorsqu’il fut arrivé au but, il eut la prudence de reculer (146 av. J.-C.).

Nous avons dit tout à l’heure qu’Alexandre, expulsé de la Syrie, avait réussi à gagner les côtes de la Cilicie. Il parvint non seulement à s’y maintenir, mais encore à rassembler autour de lui des forces assez imposantes pour qu’il se crût en mesure d’envahir, à marches forcées, le territoire d’Antioche, qu’il mit à feu et à sang ; singulier moyen de regagner l’affection de ses sujets, et de mériter qu’ils lui rendissent la couronne ! Ptolémée et son nouveau gendre Démétrius (car à ce moment le mariage de Démétrius et de Cléopâtre avait déjà été célébré) s’empressèrent de courir à la rencontre de l’envahisseur ; une grande bataille eut lieu ; ils furent victorieux, et Alexandre ne dut son salut qu’à la fuite. Ne sachant plus où chercher un asile, le malheureux prince alla se réfugier chez les Arabes ; nous verrons tout à l’heure qu’il courait ainsi à sa perte.

Cette victoire coûta cher au roi Ptolémée ; pendant le combat, son cheval fut pris d’une terreur folle, en entendant les mugissements d’un éléphant. Il se cabra violemment et jeta à terre son cavalier. A cette vue les soldats d’Alexandre se ruèrent sur le Roi, et les blessures dont ils lui criblèrent la tête, le mirent à deux doigts de la mort. Il fut néanmoins secouru à temps, et dégagé par ses gardes du corps, mais en si pitoyable état, que pendant quatre jours il ne recouvra pas ses esprits.

Les Arabes avaient alors pour dynaste un prince nommé Zabel ou Zabdiel ; celui-ci, pour faire sa cour à Ptolémée et à Démétrius, n’imagina rien de mieux que de les débarrasser de l’hôte qui était venu lui demander l’hospitalité. Il fit immédiatement décapiter Alexandre, et envoya sa tête à Ptolémée. Ce hideux présent arriva le cinquième jour après la chute du roi d’Égypte, au moment même où il reprenait connaissance. La nouvelle de la mort d’Alexandre, et la vue de la tête de cet infortuné, causèrent une immense joie au malade ; mais cette joie infâme devait être de courte durée, car, trois jours plus tard, Ptolémée Philométor expirait lui-même, consolé de mourir, en pensant qu’Alexandre l’avait précédé dans la tombe. Cet Alexandre, surnommé Balas, avait occupé, le trône d’Asie pendant cinq années consécutives[160] (146 av. J.-C.). Il laissait, de la reine Cléopâtre, devenue la femme de Démétrius, un jeune fils nommé Antiochus, qui, dans la suite, reçut le surnom de Dyonisus.

Démétrius, surnommé Nicator, dès qu’il se vit solidement assis sur le trône, céda à ses méchants instincts, et commença à maltraiter l’armée de Ptolémée, oubliant qu’il avait été non seulement le compagnon d’armes, mais encore le gendre de ce monarque. Les troupes, voulant se soustraire aux mauvais traitements qui leur étaient infligés, n’hésitèrent pas à se mettre en retraite, et regagnèrent Alexandrie. Toutefois les éléphants de l’armée restèrent en la possession de Démétrius.

Cependant le grand prêtre Jonathas avait profité de ces temps de troubles, et rassemblant toutes les forces dont il pouvait disposer, il avait commencé le siège d’Akra, la citadelle de Jérusalem, qui était toujours au pouvoir d’une garnison macédonienne, grossie par une troupe de bandits et de Juifs apostats. Les assiégés prirent d’abord peu de souci des machines de siège préparées par Jonathas, parce qu’ils avaient une entière confiance dans la force de leurs murailles ; ils crurent bon, toutefois, d’aviser à ce que des secours leur fussent envoyés. Quelques hommes déterminés profitèrent donc des ténèbres de la nuit pour sortir de la citadelle, et courir annoncer à Démétrius que les Juifs avaient entrepris le siège d’Akra. Cette nouvelle l’irrita au plus haut point contre Jonathas ; il se hâta d’accourir à Ptolémaïs, d’où il lui envoya l’ordre dé se rendre sans délai dans cette ville. Le cas était grave ; désobéir, c’était attirer sur la Judée toutes les horreurs de la guerre ; comparaître devant Démétrius, c’était s’exposer à un danger certain. Jonathas n’hésita point ; il connaissait du reste l’âpre convoitise des souverains grecs, et il espérait à force d’or, conjurer l’orage qui grondait sur sa tête. D’un autre côté, il ne voulait à aucun prix renoncer à débarrasser Jérusalem de cette Akra maudite. Il se décida donc à partir accompagné des anciens du peuple, et du corps sacerdotal, mais les mains pleines de présents, d’or, d’argent et de riches vêtements. Dès qu’il fut arrivé devant ce maître courroucé, Jonathas commença par étaler à ses yeux éblouis, les trésors qu’il voulait lui offrir, et Démétrius n’eut plus l’ombre de colère. Si bien que Jonathas, reçu avec distinction, se vit confirmer la dignité pontificale dont il avait été revêtu par les prédécesseurs du nouveau Roi.

Les transfuges d’Akra avaient cru trouver une excellente occasion de perdre Jonathas, et Démétrius ne tint aucun compte de leurs accusations. Loin de là, il accueillit la requête présentée par le prince juif, pour obtenir la souveraineté de la Judée entière et des trois toparchies de la Samarie, de la Pérée et de la Galilée, au prix de trois cents talents. Démétrius promulgua à ce sujet lé décret suivant :

Le roi Démétrius à Jonathas, son frère, et à la nation des Juifs, salut !

Nous vous envoyons copie de la dépêche que nous avons adressée à Lasthènes, notre parent, afin que vous en ayez connaissance.

Le roi Démétrius à Lasthènes, son père, salut !

Nous avons décidé de témoigner à la nation des Juifs, nos amis, notre gratitude pour la fidélité avec laquelle ils exécutent les clauses du traité d’alliance qui nous unit ; en conséquence, nous remettons entre leurs mains les trois préfectures d’Aphereim, de Lydda, et de Ramatha[161] qui sont détachées de la Samarie, pour être annexées à la Judée, avec toutes leurs dépendantes. Nous les affranchissons des redevances perçues par nos prédécesseurs, sur la célébration du culte dans le temple de Jérusalem, de tous les tributs à prendre sur les fruits de la terre et des arbres, et de tout ce qui était dû au fisc royal par les salines, ainsi que des couronnes qui nous étaient habituellement offertes. De tous ces chefs, il ne sera jamais plus rien réclamé des Juifs. Prends soin de faire faire une copie de ce décret, et de le remettre à Jonathas, pour qu’il soit exposé dans un lieu apparent du temple.

Démétrius voyant par ces concessions tout pacifié, tout danger écarté, ainsi que toute crainte de guerre immédiate, renvoya ses soldats dans leurs foyers, en diminuant leur solde, et ne conserva leur paye entière qu’aux mercenaires étrangers qu’il avait amenés avec lui de la Crète et des autres îles. Cette mesure économique lui aliéna promptement l’esprit de l’armée, qui n’oubliait pas que les Rois, ses prédécesseurs, maintenaient aux soldats leur solde entière, même en temps de paix, afin de s’assurer leur bonne volonté et leur dévouement, pour le cas où une guerre imprévue viendrait à éclater[162].

Le mécontentement de l’armée éveilla l’ambition d’un des généraux de l’armée d’Alexandre. C’était un certain Diodote, surnommé Tryphon, originaire d’Apamée. Il alla secrètement trouver l’arabe Malchus à qui avait été confiée l’éducation du jeune Antiochus, fils d’Alexandre. Il lui confia la haine à laquelle Démétrius était désormais en butte dans l’armée entière, et l’engagea à lui remettre la personne d’Antiochus, qu’il prétendait faire remonter sur le trône de ses pères. Malchus ne se rendit que très difficilement à ce perfide conseil, parce qu’il n’avait pas grande confiance en Tryphon ; aussi celui-ci dut-il revenir bien des fois à. la charge, avant d’arriver à ses fins[163].

Au moment même où Tryphon intriguait auprès du Roi Malthus, pour se faire livrer le jeune Antiochus, fils d’Alexandre Bala, le grand prêtre Jonathas renouvelait auprès de Démétrius une tentative pour se débarrasser enfin de la garnison d’Akra, et des Juifs transfuges qui en faisaient partie, ou qui occupaient toutes les petites places fortes du pays. Des ambassadeurs, munis de somptueux présents, furent envoyés au Roi de Syrie pour traiter cette question. Il va sans dire que les présents furent gracieusement acceptés, et que Démétrius promit tout ce qu’on lui demandait et plus encore, mais pour le temps où il serait délivré de la guerre qui, pour le moment, l’absorbait tout entier. Il eut bien soin d’ajouter qu’il y avait un moyen sûr d’accélérer la venue de ce moment si désiré, et que c’était de lui envoyer en toute hâte des auxiliaires qui pussent remplacer les troupes qui avaient déserté sa cause. Jonathas s’y laissa prendre, et s’empressa de lui envoyer à Antioche trois mille soldats d’élite[164].

La population d’Antioche, éminemment hostile à Démétrius, à cause de lui-même, et surtout à cause de tout le mal que lui avait fait jadis son père, n’attendait qu’une occasion favorable pour se révolter contre lui. La venue des auxiliaires envoyés par Jonathas leur inspira de vives craintes ; d’autres troupes pouvaient être levées de la même manière, et constituer en peu de temps une armée redoutable, au souverain qu’il s’agissait de renverser : il fallait donc ne plus perdre de temps, et prendre les devants sans délai. On courut aux armes et lori cerna le palais. Toutes les issues furent immédiatement gardées, et les insurgés purent croire un instant qu’ils allaient s’emparer de la personne du Roi. Celui-ci n’hésita pas un instant et lança sur le peuple d’Antioche tous les auxiliaires juifs et autres, qu’il avait sous la main ; ils commencèrent par être refoulés, tant était grande la multitude qui l’assiégeait. A ce moment les Juifs auxiliaires voyant qu’ils avaient à faire à forte partie, se postèrent sur les terrasses du palais, et de là, garantis, par la hauteur même du point qu’ils occupaient, contre les traits des assiégeants, criblèrent ceux-ci de projectiles de toute sorte, dont la portée était assurée, grâce à leur position dominante ; ils eurent bientôt dégagé les alentours du palais. Les Antiochiens durent promptement évacuer les édifices voisins où ils s’étaient établi, et auxquels les Juifs ne tardèrent pars à mettre le feu. L’incendie se propagea avec une extrême rapidité, et toute la cité dont la plupart des maisons étaient bâties en bois, fut bientôt un océan de flammes. Les insurgés se voyant hors d’état de résister à ce mode d’attaque, prirent-la fuite. Les Juifs alors les chassèrent devant eux, de terrasse en terrasse, et en firent un effroyable massacre. De son côté le Roi dès qu’il pensa que ses ennemis n’avaient plus d’autre souci que de sauver leurs enfants et leurs lemmes, et ne songeaient plus guère à se battre, frit une sortie, les prit à revers, et les contraignit à mettre bas lès armes, et à se rendre à discrétion. Il eut toutefois la prudence de se montrer généreux ; il leur pardonna, et l’insurrection fut arrêtée. Les Juifs enrichis des dépouilles de leurs adversaires, furent remerciés par Démétrius, comme les seuls auteurs de la victoire qu’il venait de remporter ; mais ils frirent aussitôt renvoyés à Jérusalem, porteurs pour Jonathas de dépêches, dans lesquelles le Roi reconnaissait hautement le service qu’ils lui avaient rendu[165].

Démétrius ne perdit pas de temps pour donner à sa façon à Jonathas la preuve de sa reconnaissance ; non seulement il refusa de tenir les promesses formelles qu’il lui avait faites, mais encore-il le menaça d’une guerre immédiate, s’il ne lui payait pas le tribut auquel la nation judaïque avait été taxée par les Rois ses prédécesseurs. Heureusement les machinations de Tryphon vinrent entraver les effets de cette abominable duplicité[166].

Au moment où l’armée, destinée à opérer contre la Judée, allait se mettre en marche, Tryphon rentrait en Syrie, ramenant avec lui le jeune Antiochus, auquel il fit prendre la couronne, avec le surnom de Dyonisus. Les troupes de Démétrius ne recevant plus la solde qui leur était due, fournirent à Tryphon une masse énorme de déserteurs qui formèrent bientôt une armée, à la tête de laquelle il entra en vainqueur dans Antioche, après avoir défait Démétrius, et lui avoir enlevé ses éléphants[167].

Démétrius vaincu se réfugia à Séleucie d’abord, puis à Laodicée, et enfin en Cilicie. Quant au jeune Antiochus il s’empressa d’envoyer une ambassade à Jonathas, pour lui demander son alliance et son amitié, en échange desquelles il lui confirmait la possession du souverain pontificat, et lui cédait les quatre préfectures (Νομών) qui étaient annexées à la Judée. Il lui offrait en présent des vases et des coupes d’or, ainsi que des vêtements de pourpre, avec autorisation de se servir des uns et des autres ; il y ajoutait une fibule d’or (πόρπη,,, χρυσέα), en un mot tous les insignes de la royauté, et il le priait de le compter au nombre de ses amis les plus dévoués. Enfin il donnait à Siméon, son frère, le commandement militaire de toute la côte depuis la Scala Tyriorum (Ras-en-nakourah) jusqu’à l’Égypte[168].

Jonathas n’avait garde d’oublier la perfidie de Démétrius, qui, en échange des services éminents qu’il lui avait rendus, ne lui avait fait que du mal ; il s’empressa donc d’accepter les offres d’Antiochus et de Tryphon, et leur promit son concours armé contre Démétrius[169].

Autorisé par Antiochus Dyonisus à lever une armée en Syrie et en Phénicie, Jonathas, dès qu’il se vit à la tête de troupes respectables, se mit en campagne. Il parcourut d’abord plusieurs grandes villes, dont quelques-unes lui firent un brillant accueil, tout en déclinant l’honneur de lui fournir un contingent militaire. Parvenu à Ascalon, dont les habitants vinrent au-devant de lui avec de magnifiques présents, Jonathas s’empressa de leur représenter ce qu’ils avaient souffert de la part de Démétrius. Il finit par obtenir d’eux la promesse qu’ils embrasseraient le parti d’Antiochus, et cela fait, il se porta sans délai sur Gaza, afin d’entamer avec les habitants la même négociation qui venait de lui réussir à Ascalon ; mais là les affaires prirent une autre tournure. La population lui ferma les portes, et se refusa nettement à embrasser la cause d’Antiochus. Jonathas violemment irrité par cette résolution, ne perdit pas de temps, et commença le siège de la place, tout en dévastant le pays d’alentour ; à cet effet il laissa devant Gaza une partie de son armée, et, à la tête de l’autre, il promena le fer et la flamme dans toute la contrée. Voyant qu’ils ne recevaient aucun secours de Démétrius, et que les calamités de la guerre étaient à leurs portes, tandis que tout secours ne pouvait leur venir que de très loin, si même il leur était permis d’en espérer la venue, les Gazéatas jugèrent prudent et sage de déserter les drapeaux de Démétrius, et de s’efforcer de gagner l’indulgence de Jonathas. Ils lui députèrent donc en toute hâte quelques-uns de leurs notables, pour solliciter de lui un traité d’alliance et d’amitié. Le prince juif s’empressa d’accepter, se fit remettre des otages qu’il envoya à Jérusalem, et partit de là pour parcourir tout le pays jusqu’à Damas[170].

Chemin faisant Jonathas apprit, par ses espions, que les généraux de Démétrius avaient concentré toutes leurs forces à Kedasa, ville. située sur la frontière du pays des Tyriens et de la Galilée ; leur dessein évident était de transporter le théâtre et les lourdes charges de la guerre, de Syrie en Galilée, pays qui appartenait aux Juifs,. et au secours duquel leur chef accourrait infailliblement, dès qu’il le verrait menacé. Ce calcul ne fut pas trompé. Jonathas laissant en Judée son frère Siméon, se porta en hâte au-devant de l’ennemi : mais voyons d’abord ce que fit Siméon.

Levant immédiatement dans le pays toutes les troupes qu’il put rassembler, il alla investir la forteresse de Beth-Sour qui tenait pour Démétrius. Le siège en fut immédiatement commencé, et la garnison saisie de crainte à la vue des aggeres et des machines de guerre qui la menaçaient, aima mieux capituler, que s’exposer à se voir prise d’assaut. Ils envoyèrent donc un parlementaire à Siméon, pour lui offrir la reddition de Beth-Sour, à la condition d’avoir la vie sauve, et de pouvoir se retirer auprès de Démétrius. La capitulation fut acceptée, et une fois les paroles échangées, les Syriens évacuèrent la forteresse où ils furent remplacés par une garnison juive[171].

Revenons à Jonathas. Une fois en Galilée, et après avoir campé sur le bord du lac de Gennésareth (άπό τών ύδατων τών Γεννεσάρων λεγομένων), il se dirigea vers la plaine connue sous le nom de plaine d’Asor (είς τό παλούμενον Άσώρ πεδίον), sans se douter qu’il allait s’y trouver en face de l’ennemi. Les généraux de Démétrius qui savaient, depuis la veille, que Jonathas s’avançait contre eux, cachèrent une embuscade dans la montagne, et avec tout le reste de leur armée, marchèrent dans cette plaine au-devant des Juifs. Aussitôt que Jonathas les aperçut et les vit prêts à accepter la bataille, il se hâta autant qu’il put de prendre de son côté ses dispositions de combat. L’embuscade des Syriens se démasqua aussitôt, et vint fondre sur les derrières des Juifs ; ceux-ci craignant de se voir enveloppés, prirent la fuite pour éviter une mort certaine. Presque tous abandonnèrent Jonathas qui ne vit plus à ses côtés qu’une cinquantaine de braves, parmi lesquels Mattathias, fils d’Absalom, et Judas, fils de Chapsæos, principaux chefs de l’armée juive. Ceux-ci se jetèrent en désespérés sur l’ennemi, et le firent reculer. Dès que les soldats de Jonathas, qui avaient honteusement pris la fuite, s’aperçurent du trouble jeté par cette charge furieuse dans les rangs des Syriens, ils se rallièrent, reprirent vigoureusement l’offensive, et chassant devant eux les troupes de Démétrius l’épée dans les reins, les poursuivirent jusqu’à Kedasa où était assis leur camp[172]. L’ennemi perdit deux mille hommes dans cette bataille (3.000 dit le livre des Macchabées), et Jonathas s’en retourna à Jérusalem[173].

Une fois rentré dans la sainte métropole, le souverain pontife Jonathas n’eut rien de plus pressé que d’envoyer des ambassadeurs à Rome, avec mission de faire renouveler le traité d’amitié que les Juifs avaient déjà obtenu de la République. Les envoyés, suivant leurs instructions, devaient, en revenant de Rome, passer par Sparte, pour rappeler à la nation lacédémonienne les liens d’affection et de parenté qui les unissaient.

L’ambassade réussit à souhait ; non seulement le Sénat confirma le traité d’alliance qu’il avait jadis conclu avec la nation juive, mais encore il munit les envoyés dé Jonathas de lettres pressantes de recommandation, pour tous les Rois de l’Asie et pour les chefs des cités libres, qu’ils pouvaient rencontrer en regagnant leur patrie. Ils se rendirent à Sparte, ainsi qu’ils en avaient reçu l’ordre, et remirent aux habitants la dépêche dont ils étaient porteurs. En voici la teneur :

Jonathas, pontife de la nation juive, le Sénat et le peuple juif, aux Éphores des Lacédémoniens, au Sénat et à la nation, leurs frères, salut ! Si vous êtes bien portants, et si vos affaires publiques et privées sont prospères, tout sera au gré de nos désirs. Nous aussi nous nous portons bien !

Lorsque, dans les temps passés, fut apportée par Démotélès, à notre grand prêtre Onias, la lettre que lui adressait votre roi Areius, touchant la parenté qui existe entre nous, lettre dont nous vous transmettons copie, nous la reçûmes avec le plus vif plaisir, et nous témoignâmes toute notre gratitude à Démotélès et à Areius, bien que nous n’eussions pas besoin de cette preuve pour reconnaître un fait qui ressortait pleinement de nos livres sacrés ; mais nous avions pensé qu’il n’était pas convenable que nous prissions l’initiative de cette reconnaissance, pour ne pas avoir l’air de nous attribuer de force la gloire que vous avez bien voulu nous accorder spontanément. Bien, que de nombreuses années se soient écoulées depuis cet événement qui a revivifié les liens fraternels qui nous unissent, sachez que dans nos jours sacrés et dans toutes les solennités de notre culte, nous adressons toujours à Dieu de ferventes prières pour qu’il vous donne à jamais le bonheur et la victoire. Nous étant trouvés exposés à beaucoup de guerres, suscitées par l’ambition effrénée de nos voisins, nous n’avons jamais eu l’idée de recourir à vous, ni à nos autres parents, afin de ne pas vous être à charge. Aujourd’hui que nous avons vaincu nos ennemis, et que nous avons envoyé en ambassadeurs auprès des Romains, Numenius, fils d’Antiochus, et Antipater, fils de Jason, tous deux membres de notre Sénat, nous leur avons confié des lettres ; et des pleins pouvoirs pour renouveler notre traité d’amitié mutuelle. Vous nous ferez plaisir, si vous nous écrivez de votre côté, de nous informer de ce que vous pouvez désirer de nous ; car vous devez tenir pour assuré que nous nous empresserons toujours d’aller au-devant de vos désirs.

Les Lacédémoniens accueillirent très favorablement ces ouvertures, et remirent aux envoyés juifs un décret qui était un véritable traité d’alliance[174].

Les généraux de Démétrius brûlaient naturellement du désir de venger l’échec grave qu’ils avaient reçu, lorsqu’ils croyaient tenir la victoire ; ils s’empressèrent donc, à l’aide de nouvelles levées plus considérables que les premières, de combler les vides qui s’étaient formés dans leur armée, et marchèrent incontinent contre Jonathas. Celui-ci, dès qu’il fut instruit de leur mouvement agressif, courut au-devant d’eux dans l’Amathitide (sans doute le pays d’Amathus), pour ne pas leur laisser le loisir et la possibilité d’envahir encore une fois la Judée. Dès qu’il fut arrivé à la distance, de cinquante stades des positions ennemies, il s’arrêta et lança des éclaireurs, pour reconnaître la situation précise et l’état de leurs retranchements. Il eut bientôt recueilli tous les renseignements nécessaires, et apprenant par quelques prisonniers qui avaient été enlevés pendant la nuit, que le projet des Syriens était de l’attaquer, il prit ses précautions. Des postes avancés furent placés en avant du camp : l’armée entière resta debout et sous les armes, bien prévenue qu’elle devait s’attendre à un combat de nuit. De leur côté les généraux de Démétrius surent promptement, parleurs espions, que Jonathas était sur ses gardes ; cela suffit pour les démoraliser et les troubler singulièrement. La surprise projetée par eux ayant été éventée, ils n’osaient plus espérer un succès, car s’ils étaient obligés de combattre au grand jour, ils se regardaient d’avance comme vaincus. Ils se décidèrent donc à opérer leur retraite ; ils allumèrent de grands feux, en nombre suffisant pour faire croire aux Juifs qu’ils étaient toujours là, et s’esquivèrent le plus lestement possible. Au point du jour, Jonathas s’étant approché du camp ennemi, le trouva vide, comprit qu’il avait été dupé par l’ennemi, et se mit à sa poursuite ; mais ceux-ci avaient déjà franchi le fleuve Éleuthère et ils étaient désormais en sûreté[175].

Jonathas tourna alors ses forces contre l’Arabie, battit les Nabathéens, leur enleva nombre de captifs et un butin considérable, et vint ensuite vendre le tout à Damas[176].

Cependant Siméon, après avoir parcouru la Judée entière et la Palestine jusqu’à Ascalon, établit dans tout le pays des corps de troupes chargés de la défense de toutes les places fortes, et se porta ensuite sur Joppé qu’il fit occuper par une nombreuse garnison, parce qu’il savait que la population avait formé le dessein de livrer la ville aux partisans de Démétrios[177].

Tout cela fait les deux princes juifs rentrèrent à Jérusalem. Aussitôt de retour, Jonathas convoqua au temple l’assemblée générale de la nation, et proposa de remettre en bon état de défense les murailles de la ville, de restaurer l’enceinte du temple, partout où elle présentait des brèches, et d’en munir le Péribole de tours élevées. Il demanda de plus l’autorisation de construire une forte muraille en travers de la ville, pour rejeter en dehors du forum, la garnison d’Akra, et l’empêcher de se ravitailler à l’aise ; enfin il proposa de construire, dans tout le pays, des places fortes meilleures que celles qui y avaient existé jusqu’alors. Tout cela fut approuvé par l’assemblée. Jonathas s’occupa des ouvrages projetés pour la capitale, et il envoya son frère Siméon dans la province, pour diriger le travail des fortifications[178].

Que devenait Démétrius pendant ce temps-là ? Il franchissait l’Euphrate et entrait en Mésopotamie, afin de s’emparer de Babylone : En effet, il pensait qu’une fois maître des satrapies du haut pays, il lui serait plus facile de rentrer en possession de tous ses États. D’ailleurs les Grecs et les Macédoniens établis au-delà de l’Euphrate, l’appelaient incessamment, promettant de se soumettre à son autorité, s’il venait au milieu d’eux, et de l’aider à faire la guerre à Arsace, roi des Parthes. Poussé par les espérances que l’on faisait briller à ses yeux, Démétrius répondit à l’appel des Grecs, avec la pensée de tomber sur Tryphon, une fois la guerre des Parthes terminée, et de le chasser de la Syrie. Son arrivée fut saluée avec enthousiasme par les habitants du pays. Une armée fut bientôt placée sous ses ordres ; et il s’empressa de déclarer la guerre à Arsace ; mais il fut battu à plate couture, et tomba vivant entre les mains du roi des Parthes[179].

Dès que Tryphon fut instruit du triste sort de Démétrius, il eut l’idée de jeter le masque, de se défaire du jeune Antiochus Dyonisus, et de se saisir du souverain pouvoir, aussitôt qu’un assassinat l’aurait débarrassé du pauvre enfant qui faisait obstacle à ses projets ambitieux. Mais Jonathas le gênait fort ; celui-ci, en effet, s’était déclaré l’ami et le protecteur d’Antiochus. Il était donc prudent et nécessaire de faire disparaître Jonathas de la scène du monde, avant de consommer son infâme attentat sur son Roi légitime. Employer la ruse et tendre un piège au pontife des Juifs, lui parut le seul moyen d’assurer l’usurpation qu’il méditait. Il quitta donc Antioche et se rendit à Bethsan que les Grecs nomment Scythopolis. Jonathas ne tarda pas à s’y présenter à la tête d’une armée de 40.000 soldats d’élite ; parce qu’il supposait que Tryphon avait l’intention de l’attaquer. Celui-ci dès qu’il comprit que Jonathas était prêt à tout événement, s’empressa de combler le prince juif de présents et de caresses, et donna l’ordre aux chefs de sa propre armée d’obéir en tout à Jonathas. Tel fut le moyen qu’il crut le plus sûr pour éveiller dans son cœur des sentiments de bienveillance, et pour y étouffer tout soupçon de perfidie ; de sorte qu’il lui deviendrait facile, lorsqu’il le verrait sans défiance, de s’emparer, de sa personne. Il fit si bien qu’il réussit à lui persuader de congédier ses troupes, dont la présence était désormais inutile, puisqu’il n’y avait pas de guerre entre eux, et que tout, au contraire, était en paix. Il l’engagea néanmoins à garder autour de lui un petit nombre de soldats, et à l’accompagner à Ptolémaïs. Là il mettrait cette ville entre ses mains, ainsi que toutes les autres forteresses du pays, car il n’était venu absolument que pour cela[180].

Jonathas eut l’inconcevable faiblesse de croire aux belles paroles de Tryphon ; il n’eut pas l’ombré d’un soupçon contre ce traître, qu’il jugeait d’après lui-même. Il licencia ses troupes, et ne garda que 3,000 hommes, dont il laissa-2,000 en Galilée, emmenant avec lui. les 1,000 hommes de surplus, avec lesquels il entra à Ptolémaïs, en compagnie de Tryphon. Aussitôt qu’il fût dans la ville, les habitants, qui avaient reçu en secret les ordres de Tryphon, fermèrent les portes, et le massacre des,Juifs commença ; Jonathas fut pris vivant ; deux mille hommes furent envoyés immédiatement en. Galilée, pour aller massacrer les soldats juifs que Jonathas y avait laissés ; mais ceux-ci prévenus du sort de leur souverain pontife, n’attendirent pas la venue des troupes envoyées par Tryphon ; ils prirent les armes et s’éloignèrent en bon ordre. Quant aux Grecs qui avaient mission de les poursuivre et de les anéantir, dès qu’ils les virent bien décidés à disputer et à vendre chèrement leur vie, ils eurent la prudence, ou, si l’on aime mieux, la lâcheté de les laisser aller en paix, et revinrent honteusement auprès de Tryphon[181].

Lorsque la nouvelle du guet-apens dans lequel Jonathas et ses soldats étaient tombés, se répandit à Jérusalem, la consternation fut générale ; on tremblait en pensant qu’une fois privé de la protection et de la vaillance d’un chef pareil, on allait se trouver en butte à toutes les insultes, à toutes les violences des nations voisines, parmi lesquelles on ne comptait que des ennemis. Cette crainte n’était que trop fondée. Les Gentils, en apprenant la mort de Jonathas, attaquèrent de tous côtés les Juifs qu’ils jugeaient désormais sans chef capable de conduire une guerre. Tryphon lui-même, réunit son armée et se prépara à envahir la Judée. Mais Siméon, voyant ses compatriotes si facilement démoralisés, s’empressa de convoquer le peuple au temple, et lui parla ainsi :

Vous savez tous, malheureux concitoyens, que mon père, mes frères et moi, nous avons cent fois bravé la mort, pour conquérir votre liberté ; animé par l’exemple que m’ont donné les miens, et sachant que la destinée de notre famille est de périr pour nos lois, et pour notre religion, sachez bien qu’il n’y aura jamais de crainte capable de chasser de mon cœur cette pensée qui est la nôtre, et d’y faire entrer en prenant sa place, l’amour de la vie, et le mépris de la gloire : Vous avez donc un chef prêt à tout souffrir, à tout entreprendre pour vous. Suivez-moi bravement partout où je vous conduirai ; je ne vaux pas plus que mes frères : donc je ne dois pas épargner ma vie ; je ne vaux pas moins qu’eux non plus, puisque, comme eux, je pense du fond de l’âme, que le sort le plus beau est de mourir pour nos lois et pour le culte de notre Dieu. Croyez que je pourrai prouver à nos ennemis que je suis vraiment le frère de vos valeureux chefs. Je suis convaincu que je les vengerai, que je vous arracherai, vous, vos femmes et vos enfants, aux injures de ces misérables, et qu’avec la protection de Dieu, votre temple restera débout et inviolé. Les Gentils, vous croyant sans chef, osent vous mépriser et vous attaquer ; que voulez-vous décider et faire ?[182]

Quand Siméon eut cessé de parler, le peuple reprit courage ; il se réveilla de sa torpeur, bannit sa crainte folle, et renaissant subitement à l’espérance, acclama Siméon, et lui conféra le principat qu’avaient exercé Judas et Jonathas ; il lui fit le serment de lui obéir aveuglément. Aussitôt un choix fut fait de tous les hommes valides, et l’on se hâta de mettre les murailles en état de défense. Dès qu’elles furent munies de tours solides et élevées, Siméon envoya son ami Jonathas, fils d’Absalom, avec une armée à Joppé. Il avait l’ordre d’expulser les habitants de cette ville, et de s’y mettre à leur place, parce qu’il craignait qu’elle ne fût livrée à Tryphon. Quant à lui, il resta à Jérusalem, pour en diriger la défense[183].

Tryphon parti de Ptolémaïs à la tête d’une puissante armée, envahit la Judée, traînant avec lui le malheureux Jonathas chargé de fers. Siméon courut au-devant de lui, avec ses soldats, et vint à Adida, qui, tout en étant dans la montagne, commande la plaine judaïque. Dès que Tryphon eut appris que la nation avait élu Siméon pour son chef, il lui envoya des parlementaires, dans l’espérance qu’il parviendrait à le jouer, comme il avait joué son frère. Il lui faisait dire que s’il voulait que Jonathas recouvrât la liberté, il n’avait qu’à lui envoyer cent talents d’argent, comme rançon, et deux fils de Jonathas comme otages, afin qu’il ne fût pas tenté, une fois rentré en Judée, de faire révolter cette province contre son souverain. Il ajoutait que Jonathas n’avait été arrêté que parce qu’il devait au Roi la somme d’argent réclamée. Siméon fut plus clairvoyant que n’avait été son frère ; il comprit que la somme demandée serait payée en pure perte, et que la liberté ne serait pas rendue à Jonathas, dont les fils seraient ainsi livrés à l’ennemi ; toutefois craignant que le peuple ne le livrât lui-même, comme auteur de la mort de son frère s’il refusait, de son autorité privée, la somme et les otages exigés, il réunit l’armée, et lui fit connaître la proposition de Tryphon, ajoutant que ce n’était certainement qu’un leurre ; mais que cependant il aimait mieux payer la somme exigée, et livrer les enfants de son frère ; que de laisser soupçonner qu’en rejetant les offres de Tryphon, il avait refusé de sauver son frère. Cela dit Siméon envoya aux Grecs les 100 talents d’argent et les fils de Jonathas ; mais Tryphon, dès qu’ils les eut en son pouvoir, ne tint pas sa parole et garda Jonathas. Il parcourut le pays et l’Idumée, et se résolut enfin à marcher sur Jérusalem. Il parvint ainsi à Adora (Adoraïm de l’Écriture) ayant toujours devant lui Siméon dont le camp était chaque jour établi, en face du camp des Grecs[184].

La garnison syrienne d’Akra, étroitement bloquée par les Juifs, allait manquer de vivres. Elle réussit à faire passer à Tryphon un émissaire chargé de demander au plus vite des vivres et du secours. Tryphon chargea sa cavalerie de cette expédition et se figura qu’il serait à Jérusalem dans la nuit même. Survint la neige qui tomba en telle quantité, qu’il n’y avait plus moyen de reconnaître les chemins, et de faire marcher les chevaux, sans courir le risque de les voir périr engloutis. Ce contretemps providentiel découragea Tryphon qui prit le parti de marcher sur la Cœlésyrie. Il envahit la Galaadité, et une fois arrivé là, il fit mourir Jonathas, donna l’ordre de l’y enterrer, et regagna au plus vite Antioche. Siméon s’empressa de son côté d’envoyer dans la ville de Basca des affidés sûrs, pour recueillir les restes de son malheureux frère. Il les fit transporter à Modim, où ils furent déposés dans le sépulcre de famille. En Judée le deuil fut général.

Ce fut à ce moment que Siméon ordonna d’élever à son père et à ses enfants un magnifique mausolée, bâti en pierres blanches et polies. Il le fit entourer d’un portique soutenu par des colonnes monolithes et d’un effet admirable. Sept pyramides furent construites, dont une pour chacun des membres de la famille qui reposait dans le monument. Ces pyramides étaient aussi remarquables par leur beauté que par leur grandeur. Ici Josèphe ajoute : άί xαί μέχρι δεΰρο σώζονται, quæ ad hanc osque diem servantur.

Lorsque Jonathas périt assassiné, il avait exercé le souverain pontificat et le principat, pendant quatre années[185].

Siméon, proclamé souverain pontife par la nation, délivra ses compatriotes du joug macédonien, et dans la 1ère année de son pontificat, il les affranchit du tribut qu’ils payaient à leurs oppresseurs.

Les Juifs, dit Josèphe, recouvrèrent leur liberté, et furent délivrés du tribut, dans la 170e année du royaume des Assyriens (τής Άσσυρίων βασιλείας ; c’est évidemment Συρίων qu’il faut lire ici) c’est-à-dire depuis que Séleucus Nicator se fut emparé de la Syrie. Il est de fait que ces glorieux événements s’accomplirent en l’an 170 de l’ère des Séleucides (143 av. J.-C.)[186].

Pour rendre hommage à Siméon, il fut décidé parla nation que dans tous les actes publics, aussi bien que dans tous les actes privés, on emploierait, pour les dater, la formule : L’an premier de Siméon, bienfaiteur des Juifs et Ethnarque[187].

Sous son principat la prospérité du peuple juif prit le plus heureux développement. Siméon en effet soumit les villes de Gazara, de Joppé et de Iamnia. Il réduisit la citadelle de Jérusalem, et la fit raser, afin qu’elle ne pût jamais servir à abriter l’ennemi. Lorsque cette Akra maudite eut été renversée, Siméon pensa qu’il serait sage de raser également la colline sur laquelle cette forteresse avait été établie pour dominer le temple. Le peuple fut convoqué, et consulté sur l’opportunité de cette mesure qu’il adopta d’enthousiasme. Tous se mirent à l’œuvre ; pendant trois ans on travailla jour et nuit à faire disparaître la colline en question, à la place de laquelle il n’y eut plus qu’un espace plan que le temple dominait à son tour[188].

Peu de temps s’était écoulé depuis le jour où Démétrius était tombé entre les mains des Parthes, lorsque Tryphon pensa qu’il était temps de se débarrasser du jeune Antiochus Dyonisus qui régnait en Syrie depuis quatre ans, sous la tutelle de son meurtrier. Pour dissimuler son crime, Tryphon suborna des médecins, qui se firent ses complices. Le bruit se répandit que le Roi souffrait de la pierre et qu’une opération était devenue indispensable. Les bourreaux opérèrent leur victime, si bien qu’il en mourut. Aussitôt tous les amis du monstre furent mis en campagne, et s’efforcèrent de corrompre les soldats. Ils leur faisaient les plus belles promesses de distributions d’argent, s’ils consentaient à proclamer Tryphon à la place du Roi défunt ; ils leur représentaient que Démétrius était prisonnier, et que si d’aventure son frère Antiochus montait sur le trône, il leur ferait chèrement payer leur défection : alléchés qu’ils l’étaient par l’argent qui leur était promis, ils acclamèrent Tryphon. Dès que celui-ci fut arrivé à son but, il donna cours à sa perversité ; tant qu’il n’avait été qu’un subalterne, il avait flatté le peuple et fait parade de modération ; dès qu’il eut ceint le diadème, il jeta le masque et montra le vrai Tryphon. Il réussit de la sorte à se créer des ennemis plus puissants que lui. Les soldats le prirent en horreur, et embrassèrent le parti de Cléopâtre, femme de Démétrius ; cette princesse s’était enfermée avec ses enfants à Séleucie. Antiochus surnommé Évergète, le frère de Démétrius, errait de ville en ville, sans réussir à trouver un asile nulle part, tant on redoutait Tryphon ; Cléopâtre lui fit proposer de l’épouser, et de favoriser ainsi son accession au trône. Ce qui avait décidé Cléopâtre à tenter cette singulière démarche, c’étaient les conseils de ses amis, et la crainte dont elle été poursuivie, sachant que dans Séleucie même Tryphon avait des partisans, tout prêts à lui livrer la ville[189].

Antiochus accourut à Séleucie, y réunit promptement une armée, et se mit à la poursuite de Tryphon. Celui-ci fut vaincu, et forcé d’abandonner la Haute Syrie, il alla se réfugier en Phénicie. Antiochus l’y suivit, et vint l’assiéger dans Dora où il se tint enfermé, et qui était une excellente place de guerre. Pendant qu’il la serrait de près, Antiochus écrivit au souverain pontife Siméon, pour lui offrir son amitié et son alliance. Siméon s’empressa d’acquiescer à ces ouvertures, et envoya sur-le-champ à Antiochus des vivres et de l’argent. Le siège de Dora n’en fut que plus vigoureusement conduit, et Tryphon se vit bientôt obligé de fuir et de se retirer à Apamée, où il fut assiégé une seconde fois et moins heureusement pour lui : car il y fut pris et mis à mort, après un règne de trois années[190].

Ce Tryphon, dont le véritable nom était Diodote, était originaire de Secoanis, bourgade voisine d’Apamée. Lorsqu’il prit la couronne, il joignit à son titre de ΒΑΣΙΛΣΞΥΣ celui d’ΑΥΤΟΚΡΑΤΩΡ. Il avait essayé vainement, à ce que nous apprend Diodore de Sicile, de capter la bienveillance du Sénat romain. Il avait envoyé à Rome des ambassadeurs chargés de solliciter la reconnaissance de son titre de Roi, et d’offrir au Sénat une figure de la Victoire en or, du poids de 1.000 statères. Le Sénat accepta le cadeau, mais y fit inscrire le nom d’Antiochus mort, au lieu de celui de Tryphon l’usurpateur ; cela se passait en l’an 142 av. J.-C.

Antiochus Évergète frère de Démétrius Il, était fils comme lui de Démétrius Ier. Le livre des Macchabées nous fournit au sujet de ses relations avec le souverain pontife Siméon, dés détails que nous allons reproduire, avec d’autant plus de soin que nous ne les trouvons pas dans l’histoire de Josèphe, ou qu’ils sont en contradiction avec le récit de l’historien des Juifs. Ce fut en l’an 174 de l’ère des Séleucides (139 av. J.-C.) qu’Antiochus envahit la Syrie. Son armée presque entière fut immédiatement composée des soldats qui désertaient les drapeaux de Tryphon, celui-ci chaudement poursuivi par son rival, s’enfuit le long de la côte de Phénicie, et dut s’enfermer dans Dora. Antiochus vint en faire le siège avec 120.000 hommes d’infanterie et 8.000 cavaliers. Il investit la ville pax terre et par mer, et la bloqua si étroitement, que personne n’y pouvait plus entrer et n’en pouvait plus sortir[191].

Antiochus solidement établi devant Dora, mena le siège de la’ place avec une grande vigueur, de telle façon que Tryphon ne pouvait plus s’enfuir. Ce fut alors que Siméon envoya au Roi Antiochus un corps de 1.000 hommes d’élite, de l’or, de l’argent et des vases en quantité. Antiochus refusa d’accepter ces présents, rompit tous les engagements qu’il avait pris antérieurement avec Siméon et se déclara ouvertement son ennemi[192].

Quels étaient ces engagements ? Le même chapitre XV du livre des Macchabées va nous l’apprendre.

Le Roi Antiochus, fils de Démétrius Ier écrivit des îles où il était encore, à Siméon, le grand prêtre, prince de Juifs et à la nation entière. Ses lettres étaient ainsi conçues :

Le roi Antiochus à Siméon, le grand prêtre, et à la nation juive, salut ! Puisque certains misérables ont usurpé les États de nos pères, j’entends les recouvrer et rétablir le royaume dans l’état où il était auparavant. J’ai une nombreuse et vaillante armée ; j’ai une puissante flotte de guerre, et je veux entrer en campagne, pour tirer vengeance de ceux qui ont ravagé mes États et ruiné une foule de mes villes.

En conséquence, je te confirme tous les privilèges et tous les dons que tu as reçus des Rois mes prédécesseurs. Je te permets de frapper monnaie dans ton pays. Je veux que Jérusalem soit une ville sainte et libre ; j’entends que tu restes en possession de toutes les armes que tu as fabriquées, et de toutes les places que tu as construites et que tu occupes. Je te fais la remise de tout tribut royal, à présent et à toujours. Puis aussitôt que j’aurai recouvré mes États, je te glorifierai, toi, ton peuple et ton temple, de telle façon que l’univers entier en soit émerveillé[193].

Nous sommes maintenant édifiés sur la bonne foi d’Antiochus Évergète. Aussitôt que celui-ci eut rompu avec les Juifs, il chargea l’un de ses amis, Athenobius, de se rendre auprès de Siméon et de lui tenir ce langage :

Tu détiens Joppé, Gazara et la citadelle de Jérusalem qui sont des villes de mes États ; tu en as dévasté les environs, et tu t’es établi en maître dans beaucoup de lieux de mon royaume. Rends immédiatement les villes que tu as occupées, et paye le tribut pour tous les lieux où tu t’es arrogé l’autorité souveraine, en dehors de la Judée, sinon tu payeras 500 talents d’argent pour tout le mal que tu as fait supporter aux populations, et 500 autres talents, pour les tributs des villes ; si tu ne le fais pas, nous ne tarderons pas à venir et nous te châtierons[194].

Athenobius, lorsqu’il fut arrivé à Jérusalem, fut stupéfié par l’apparence de puissance et de richesse que présentait la capitale de Siméon ; il ne s’en acquitta pas moins de son outrageant message. Lorsqu’il eut fini, Siméon lui répondit : Nous n’avons pas pris un pouce de terre qui ne nous appartînt pas, et nous ne détenons rien qui ne soit légitimement à nous. Ce que nous possédons est l’héritage de nos pères, que l’injustice et la force nous a arraché pendant un certain temps ; mais avec le temps aussi nous avons recouvré notre patrimoine. Joppé et Gazara dont tu parles étaient une plaie pour notre nation et pour notre pays ; j’en donne cent talents.

Athenobius ne jugea pas à propos de répliquer, il repartit sur l’heure, et porta au Roi la réponse qu’il avait reçue. Il lui raconta ensuite tout ce qu’il avait vil, et Antiochus entra en fureur[195].

Ici, sans qu’il soit possible de nous rendre compte de sa présence, nous lisons le verset suivant qui reste isolé.

37. Tryphon autem fugit navi in orthosiada ; et aussitôt après le récit reprend, comme s’il n’avait pas été interrompu.

Maintenant nous pouvons nous reporter au livre de Josèphe. Antiochus, nous dit l’historien des Juifs, était avare et pervers ; aussi mit-il promptement en oubli tous les engagements qu’il avait pris avec Siméon, lorsqu’il avait besoin de lui. Il mit à la tête de ses troupes son ami Cendébée, avec ordre de ravager la Judée, et de lui amener Siméon vivant. Siméon lorsqu’on l’avertit des projets iniques d’Antiochus, fut saisi d’indignation ; quoique déjà bien avancé en âge, il se mit avec une ardeur toute juvénile à la tête de ses troupes, et les conduisit au combat. Pendant qu’avec son armée il suivait une route, il fit prendre par un autre chemin-les devants à ses fils, auxquels il avait confié le commandement de ses soldats les plus éprouvés. Il disposa de nombreuses embuscades, dans les passages des montagnes, et partout où l’ennemi osa se présenter, il fut battu constamment. Une fois délivré de cette attaque si inattendue, Siméon passa le reste de ses jours dans une heureuse tranquillité, qu’assurait encore les traités d’alliance qu’il avait conclus avec les Romains[196].

Ces détails, on le voit, font absolument défaut dans le livre de Josèphe, mais heureusement le livre des Macchabées y supplée. Consultons le donc.

Cendébée, nous dit l’écrivain sacré, était chef de la flotte. Le Roi lui donna le commandement de son armée de terre, infanterie et cavalerie, pour entrer en campagne contre les Juifs. Il avait reçu l’ordre d’aller établir de solides retranchements sur le Cédron (?) et de bloquer étroitement, les portes (?) de la cité sainte, afin de la réduire. Pendant que le Roi était à la poursuite de Tryphon, Cendébée marcha sur Iamnia dont il se rendit maître. Aussitôt les persécutions les plus atroces commencèrent contre les Juifs. Après en avoir réduit un grand nombre en esclavage, et massacré beaucoup d’autres, il alla s’établir sur le Cédron ? et disposa des postes de cavalerie pour couper toute les routes de la Judée. Jean fils de Siméon était à Gazara, an moment où commençait l’expédition de Cendébée, et il se hâta de se rendre auprès de son père, pour l’avertir de ce qui se passait. Siméon réunit ses deux fils aînés, Judas et Jean, et leur dit : Mes frères et moi, et toute la famille de mes pères, nous n’avons cessé de combattre les ennemis d’Israël, depuis notre jeunesse, jusqu’au jour où nous sommes ; plus d’une fois nous avons eu le bonheur de délivrer Israël. Maintenant que je suis vieux, prenez ma place et celle de mon frère ; allez droit à l’ennemi ; combattez bravement pour notre nation, et que l’aide de Dieu soit avec vous ! Puis il choisit dans le pays vingt mille guerriers d’élite et un corps de cavalerie, et il marcha contre Cendébée. Ils vinrent passer la nuit à Modim.

A l’aube du jour suivant, ils se mirent en marche et descendirent dans la plaine, où ils ne tardèrent pas à se trouver en face de l’armée ennemie, dont un torrent les séparait[197]. Les Juifs établirent leur camp devant le front des Grecs, et Siméon s’aperçut que ses soldats s’effrayaient à la vue du torrent qu’ils avaient à franchir. Il s’y lança le premier et le passa. Tout le monde se rassura et le suivit. Il disposa alors son corps de bataille, avec l’infanterie aux ailes et la cavalerie au centre.

Bien que la cavalerie ennemie fût extrêmement nombreuse, les trompettes sacrées sonnèrent la charge, et l’armée de Cendébée fut mise en déroute. Beaucoup tombèrent criblés de blessures ; le reste alla se réfugier dans ses retranchements. En ce moment Judas frère de Jean, fut blessé, et Jean seul put continuer là poursuite des fuyards : donec venit Cedronem quam ædificavit, ajoute le verset 9 du chapitre XVI, et j’avoue que je ne comprends absolument rien à l’intervention de ce membre de phrase. Immédiatement après, en effet, le récit continue ainsi : et fugerunt usque ad turres quæ erant in agris Azoti. Il est bien clair qu’en s’enfuyant vers Azot (Esdoud), les Grecs tournaient le dos au Cédron[198]. Les Juifs incendièrent les tours dans lesquelles l’armée s’était réfugiée, et l’ennemi perdit deux mille hommes dans cette bataillé. Siméon revint alors tranquillement en Judée.

Nous avons vu un peu plus haut que Josèphe fait par un mot allusion à un traité d’alliance ‘conclu par Siméon avec les Romains, traité qui contribua à assurer la paix dans la Judée. Cette paix est exaltée au chapitre XIV du Ier livre des Maccabées (versets 4 à 15) de la manière suivante :

La terre entière de Judée resta dans le calme (siluit) pendant toute la vie de Siméon, qui ne cessa de s’occuper du bien-être de la nation. Celle-ci vécut toujours avec bonheur sous son autorité, et à l’ombre de sa gloire. Il fit de Joppé le port de Jérusalem ; et pénétra dans les îles de la mer (que veut dire cela ? Je l’ignore) ; il recula les frontières du pays et fit des conquêtes. Il fit de nombreux prisonniers ; il s’empara de Gazara, de Bethsoura et de la citadelle de Jérusalem (Akra) ; il purifia celle-ci. Personne ne put lui résister.

Chacun cultivant son champ en paix, la terre de Juda produisait ses fruits ; et les arbres des campagnes donnaient les leurs. Tous les anciens prenaient place dans les carrefours et s’entretenaient des biens de la terre ; les jeunes se livraient aux exercices militaires ; aux villes il fournissait des vivres, et il en faisait des greniers d’abondance ; aussi sa gloire se répandit-elle jusqu’au bout de l’univers. Il répandit la paix sur la terre, et Israël fut dans l’allégresse ; chacun put s’asseoir sous sa vigne et sous son figuier ; personne ne les effrayait. Il défit les Rois qui furent brisés pendant ces jours, et il rendit forts tous les faibles de son peuple. Il appliqua strictement la loi, et fit disparaître toute iniquité et tout mal. Il glorifia les choses saintes`et augmenta considérablement les vases des sanctuaires.

Voyons maintenant ce que fit l’ambassade juive envoyée à Rome par Siméon, et analysons le récit du livre des Macchabées à ce sujet. Le verset 16 du chapitre XIV est ainsi conçu : Et auditum est Romæ, quia defunctus esset Jonathas ; et usque in Spartiatas, et constristati sont valde.

Nous lisons ensuite : Dès que l’on sut que Siméon son frère avait été proclamé grand prêtre à sa place, et qu’il avait repris possession de tous les pays et de toutes les villes qui y étaient contenues, il lui fut envoyé un décret gravé sur des tables de bronze, pour renouveler le traité d’alliance antérieurement conclu avec Judas et avec Jonathas, ses frères, et ce décret fut lu devant le grand Synhédrin. Ici se trouve intercalée dans le récit sacré, la dépêche qui fut adressée aux Juifs en cette occasion, par le peuple lacédémonien. Il serait difficile de deviner pourquoi cette dépêche a été insérée à cette place, et l’on est bien tenté de croire que dans la rédaction définitive adoptée par l’Église, on n’a pas pensé à tenir compte de l’interversion de certains feuillets de l’histoire, qu’il aurait été facile de coordonner plus convenablement. Quoi qu’il en soit voici la teneur de cette dépêche : Les Princes (alias : le Prince) des Spartiates et leur cité, au grand prêtre Siméon, aux anciens et à tout le peuple des Juifs, leurs frères, salut ! Les ambassadeurs que vous nous avez envoyés nous ont informés de votre gloire et de votre prospérité, et nous avons été réjouis de leur venue ; et nous avons écrit ce qui avait été dit par eux dans l’assemblée du peuple, ainsi qu’il suit : Numenius fils d’Antiochus, et Antipater fils de Jason, ambassadeurs des Juifs sont venus vers nous, pour renouveler avec nous nôtre ancienne alliance. Il a plu au peuple de faire honneur à ces hommes illustres, et de déposer la transcription de leurs paroles amicales dans les archives de la nation, pour que la mémoire en fût conservée parmi les Spartiates. Nous en avons de plus envoyé copie au grand prêtre Siméon[199].

La teneur de cette dépêche est assez singulière par elle-même. Les ambassadeurs nommés sont précisément ceux que Jonathas avait chargés, quelques années auparavant, de cette délicate mission ; ne pourrait-on donc pas, dès lors, soupçonner qu’il s’agit en réalité d’un seul et même fait, répété à deux reprises différentes, par pure inadvertance de l’écrivain ? J’avoue que je suis fort disposé à le croire.

Vient enfin le récit de l’ambassade envoyée à Rome par Siméon. Nous allons encore le transcrire.

Après cela, Siméon envoya Numénius à Rome (encore Numénius ! c’est bien étrange !), pour régler avec le Sénat les conditions d’un traité d’alliance. II était porteur d’un bouclier d’or du poids de mille mines, destiné à être offert en présent au peuple Romain.

Lorsque le Sénat eut entendu ses paroles, il dit : Quelles actions de grâces ne devons-nous pas à Siméon et à ses fils, puisqu’il a relevé ses frères, et abattu les ennemis d’Israël ? Ils décrétèrent alors qu’ils le reconnaîtraient libre, et le décret, transcrit sur des tables de bronze, fut déposé sur le mont Sion, dans les archives de la nation. Voici la teneur de ce décret.

Le 18 du mois d’Eloul, l’an 172, troisième année du souverain sacerdoce de Siméon, Asaramel[200]. Dans l’assemblée générale des prêtres, du peuple, des princes de la nation et des anciens du pays, il a été reconnu ceci : Notre pays a subi fréquemment les calamités de la guerre. Mais Siméon fils de Mattathias, fils de Joarib, et ses frères se sont exposés à tous les périls, et ont résisté opiniâtrement aux ennemis de leur nation, pour que leurs sanctuaires et leurs lois restassent intacts, et ils ont répandu une grande gloire sur leur nation : Jonathas, après avoir rassemblé Son peuple à été proclamé grand prêtre et prince des Juifs. Leurs ennemis ont voulu fouler aux pieds leurs choses saintes et écraser leur pays, et étendre leurs mains profanes sur le saint des saints. Alors ç’a été le tour de Siméon, de résister et de combattre pour sa nation. Il a recueilli des sommes considérables, et armé les guerriers de sa nation, auxquels il a donné une solde. Il a fortifié les villes de Juda et Bethsoura qui était sur les frontières de Juda, et qui auparavant était occupée par l’ennemi. Il y plaça une garnison juive. Il fortifia Joppé et Gazara qui est dans la région d’Azot, et que l’ennemi avait aussi occupée. Il y rétablit également une garnison juive. Le peuple voyant tout ce que Siméon avait fait pour sa gloire, le prit pour chef et souverain pontife. Pendant tous les jours de son règne, tout fut prospère pour Israël ; l’ennemi fut chassé du pays, aussi bien que ceux qui étaient dans la cité de David à Jérusalem, dans la forteresse, et qui, en faisant de fréquentes sorties, souillaient tous les alentours des lieux saints, et infligeaient de perpétuelles calamités à la cité de Dieu. Siméon y plaça des guerriers juifs, chargés de veiller à la garde du pays et de la cité ; il rehaussa les murailles à Jérusalem ; et le roi Démétrius lui confirma le souverain pontificat, le traita comme son ami, et exalta sa gloire.

Il apprit que les Juifs avaient été mis au rang de leurs amis par les Romains, au rang de leurs alliés et de leurs frères, et une ambassade de Siméon fut reçue par eux glorieusement. C’est pour cela que les Juifs, d’un commun accord, l’ont reconnu pour leur prince et pour leur grand prêtre à toujours, en attendant que paraisse un prophète fidèle. Ils l’ont chargé d’être leur général, et le protecteur de leurs sanctuaires, de les surveiller et de les diriger dans tout ce qu’ils entreprendraient, ainsi que le pays, les armées, et les places fortes. Ils ont décidé qu’il serait seul chargé des choses saintes, qu’il serait obéi de tous, et que tous les actes souscrits dans le pays, seraient rédigés en son nom ; enfin qu’il revêtirait la pourpre et les ornements d’or. Ils ont décrété qu’il ne serait permis à aucun des membres du peuple et du sacerdoce, de contrevenir à ses décisions, et de faire opposition à tout ce qu’il ordonnerait : qu’il serait interdit à tous de convoquer, sans lui, une assemblée de la nation, de revêtir la pourpre, ou de se servir d’une fibule d’or. Quiconque ferait un acte contraire à ces prescriptions, serait traité en coupable du crime de lèse-majesté. Tout cela fut décidé unanimement par le peuple. Siméon a accepté cette glorieuse mission ; et a pris avec joie les fonctions de grand prêtre, celles de général et de prince de la nation des Juifs et des prêtres, afin qu’il fut le premier de tous. Et il a été décidé que tout cela serait gravé sur des tables d’airain, que l’on placerait en évidence dans le Péribole du sanctuaire, et qu’un second exemplaire serait déposé dans le trésor public, à la gloire éternelle de Siméon et de sa postérité[201].

Au chapitre suivant nous lisons : Numenius et ceux qui l’avaient accompagné revinrent de Rome, porteurs de lettres adressées par le Sénat aux Rois et aux pays en relation d’amitié avec Rome ; ces lettres étaient ainsi conçues : Lucius, consul des Romains au roi Ptolémée, salut ! Les ambassadeurs des Juifs, nos amis sont venus vers nous, pour renouveler l’ancien traité d’alliance, de la part de Siméon, prince des prêtres, et du peuple des Juifs. Ils nous ont offert un bouclier d’or du poids de mille mines. Il nous a plu, pour ces causes, d’écrire aux Rois et aux nations de ne leur causer aucun préjudice ; de ne les molester en rien, ni eux, ni leurs villes, ni leurs pays ; et de ne prêter secours à aucun de ceux qui seraient en guerre avec eux. Nous avons jugé convenable d’accepter le bouclier qu’ils nous offraient. Si quelques misérables s’enfuyaient de leur pays, et cherchaient un refuge dans le vôtre, livrez-les à Siméon, prince des prêtres, afin qu’il les châtie, suivant les prescriptions de sa loi. Nous avons adressé le même rescrit au roi Démétrius, à Attale, à Arabas (?) et à Arsace, et à tous les pays ici nommés, à Sampsama (n’est-ce pas Lampsaque(?)), aux Spartiates, à Delos, à Mydo (Melos probablement) à Sicyone, à la Carie, à Samoun (?), à la Pamphylie, à la Lycie, à Halycarnasse, à Rhodes, à Phaselis, à Cos, à Sidé, à Aradus, à Cortyna, à Cnide, à Chypre et à Cyrène.

La copie de cette dépêche fut de plus adressée à Siméon, prince des prêtres, et au peuple des Juifs[202].

Nous pouvons maintenant reprendre le fil de notre récit des événements.

Siméon gouverna pendant huit années le peuple des Juifs. Il était dans sa destinée de mourir assassiné dans un festin, par son propre gendre, Ptolémée. Celui-ci se saisit en même temps de la femme de Siméon, et de deux de ses fils, qu’il fit charger de fers. Cela fait, il envoya des affidés pour le débarrasser, par un meurtre, du troisième fils de Siméon, Jean, qui rut surnommé Hyrcan. Celui-ci informé de la venue des assassins, parvint à se soustraire au péril qui le menaçait, et accourut à Jérusalem, sur la population de laquelle il avait le droit de compter, parce qu’elle n’avait pas perdu la mémoire des bienfaits de son père, et que, d’un autre côté elle n’avait que des sentiments de haine contre Ptolémée. Jean ne s’était pas trompé ; Ptolémée tenta de s’introduire dans la cité sainte ; le peuple qui avait accueilli Hyrcan avec joie, repoussa avec horreur l’assassin de Siméon[203].

Le récit de cet attentat infâme se retrouve avec beaucoup de détails à la fin du livre des Macchabées (I Maccabées, XVI, v. 11 à à 22). En voici la substance :

Ptolémée, fils d’Abobus, était gouverneur militaire de la plaine de Jéricho ; il était puissamment riche, et avait épousé la fille du grand prêtre. Ambitieux, sans conscience, cet homme aspirait au souverain pouvoir, et, pour y parvenir, il fallait se débarrasser de Siméon et de ses fils. Un assassinat ne pouvait l’arrêter.

Siméon qui inspectait les places de la Judée, afin de pourvoir à leur bien-être, descendit à Jéricho, avec ses fils Mattathias et Judas, en l’an 177, au onzième mois, qui se nomme Schabat. Le fils d’Abobus les reçut dans une petite Forteresse, nommée Doch, qu’il avait fait construire (elle était probablement dans le voisinage immédiat de l’Ayn-Douk). Il leur fit servir un grand festin, après avoir fait cacher des soldats qui devaient l’aider à perpétrer son crime. Lorsque Siméon et ses fils commencèrent à ressentir les effets du vin, Ptolémée donna le signal convenu à ses sicaires qui accoururent en armes, envahirent la salle du festin, et massacrèrent Siméon, avec ses deux fils et quelques-uns de ses serviteurs. Ce fut une grande douleur et un grand deuil dans Israël.

Ptolémée écrivit immédiatement au roi de Syrie, pour lui demander l’envoi d’une armée de secours, et lui annoncer qu’il lui livrerait tout le pays, et toutes les villes, en payant les tributs qui lui étaient dus. En même temps partaient des émissaires pour Gazara, où résidait Jean. Tous les chefs de l’armée reçurent des lettres de Ptolémée qui les invitait à se réunir à lui, leur promettant force argent et force cadeaux. D’autres affidés encore étaient dépêchés à Jérusalem, pour occuper cette ville et la montagne du temple. Ils ne firent pas assez diligence pour empêcher un ami dévoué d’accourir à Gazara, pour instruire Jean Hyrcan de ce qui venait de se passer. A ces effroyables nouvelles, Jean se crut d’abord perdu. Mais bientôt après il retrouva toute son énergie, et il réussit à s’emparer de ceux qui arrivaient pour l’égorger ; il les fit mettre incontinent à mort.

Malheureusement pour nous là finit le livre des Macchabées, dont les deux derniers versets sont ainsi conçus :

23. Et cætera sermonum Johannis et bellorum ejus, et bonarum virtutum quibus fortiter gessit, et ædificiis murorum quos extruxit, et rerum gestarum ejus.

24. Ecce hæc scripta sunt in libro dierum sacerdotii ejus, post patrem suum.

Combien nous devons déplorer la perte d’un pareil écrit ! Nous n’avons plus maintenant d’autre guide que l’historien Josèphe ; suivons-le donc fidèlement.

Après son infâme tentative d’usurpation, précédée du meurtre de son beau-père et de ses deux beaux-frères, Ptolémée alla s’enfermer dans une forteresse placée au-dessus de Jéricho, et nommée Dagon[204].

Hyrcan ayant succédé, par droit de naissance, au pontificat de son père, commença par offrir des sacrifices au Très Haut, et se mit aussitôt en campagne contre Ptolémée. Il vint le cerner dans son repaire ; mais son amour pour sa mère et pour ses frères l’empêchait de profiter de ses avantages, et de pousser vigoureusement le siège[205].

En effet, Ptolémée avait fait amener ses prisonniers sur les murailles d’e Dugon, et là, choisissant le point le plus en vue, il les maltraitait, en menaçant de les précipiter du haut en bas de la forteresse, si Hyrcan ne renonçait à l’assiéger. Celui-ci, on le comprend sans peine, retenu par sa tendresse pour des êtres si chers, n’osait activer ses travaux d’approche, et se montrait hésitant. Sa mère alors, tendant vers lui des mains suppliantes, lui cria de ne pas s’arrêter à cause d’elle, mais au contraire de poursuivre son attaque avec d’autant plus d’indignation, qu’il l’a voyait plus menacée, de tout faire, en un mot, pour forcer la place, pour se saisir de l’assassin des siens, et les venger sur ce misérable. Elle ajouta qu’il serait doux pour elle de mourir dans les tortures, si elle emportait avec elle la certitude que l’auteur de leurs maux serait châtié comme il le méritait. En entendant ces paroles de sa mère, Hyrcan recommença plus vigoureusement son attaque ; mais dès qu’il vit frapper et déchirer de coups celle à qui il devait le jour, le courage lui manqua, et il n’eut pas la force de continuer. De cette façon, le siège se prolongea, si bien que l’année sabbatique commença. Pendant cette année, qui revient tous les sept ans, les Juifs sont obligés de renoncer à tout travail quel qu’il soit, et ils observent cette prescription avec autant de rigueur que celle qui concerne le repos du septième jour, ou jour du sabbat. Ptolémée délivré par cette cause de la guerre qui le menaçait, en profita pour faire mettre à mort la mère et les frères de Hyrcan. Lorsqu’il eut accompli ces nouveaux forfaits, il courut se réfugier auprès de Zénon, surnommé Cotylas, tyran de la ville de Philadelphie[206].

La mention de l’année sabbatique nous fournit la date exacte de cet événement. C’est, en effet, entre l’automne de l’an 136 av. J.-C., et l’automne de l’année 135, que se place l’année sabbatique des Juifs.

Disons en passant que puisque Ptolémée manda sur-le-champ au roi Antiochus, le succès de son attentat contre Siméon, il est bien probable que ce Roi, qui avait à cœur de s’emparer, de la Judée, avait trempé dans l’abominable complot dont Siméon fut victime.

Antiochus avait trop à cœur de se venger de tout le mal que lui avait fait Siméon, pour ne pas saisir l’occasion qui se présentait à lui. En l’an IV de son règne, première année du principat de Hyrcan, dans la 162e olympiade (135 av. J.-C.), il envahit la Judée et, après avoir ravagé les campagnes, il refoula Hyrcan dans les murs de Jérusalem. Il investit alors la place, et disposa sept camps fortifiés sur son pourtour. Au commencement du siège, il ne remporta aucun avantage, grâce à la solidité des remparts, grâce surtout à la valeur des assiégés ; le manque d’eau ayant commencé à se faire sentir dans la place, une pluie abondante vint heureusement combattre cette calamité. Le roi de Syrie avait choisi naturellement pour point d’attaque le nord de l’enceinte, où il pouvait cheminer en terrain plat ; il y fit construire cent tours à trois étages, qu’il remplit de soldats, et chaque jour il essayait d’enlever Jérusalem de vive force ; il finit par creuser un double fossé large et profond, à l’aide duquel il crut avoir réussi à cerner étroitement les assiégés ; ceux-ci néanmoins parvinrent à se créer plusieurs issues par lesquelles ils opéraient des sorties multipliées, et, dans ces sorties, ils faisaient subir de grandes pertes à l’ennemi. Aussitôt que leurs tentatives devenaient dangereuses, ils se repliaient, et trouvaient bientôt un abri sûr derrière leurs murailles. Hyrcan comprenant tout ce qu’avait de fatal la présence des bouches inutiles, prit le parti de s’en débarrasser. Tous ceux qui n’étaient pas aptes à porter les armes et qui ne constituaient qu’une foule gênante, furent expulsés de la ville. Antiochus ne leur permit pas le passage, de sorte que beaucoup de ces malheureux, errant au pied des murailles, y périrent misérablement de faim. Cependant lorsque arriva la fête des Tabernacles, les défenseurs de Jérusalem se sentirent émus de compassion, et permirent aux survivants de rentrer dans la place. Hyrcan alors envoya au camp des Grecs un parlementaire chargé de demander un armistice de sept jours, pour que la solennité pût se célébrer tranquillement. Chose étrange ! Antiochus mû par un sentiment de piété bien inattendu, accorda l’armistice réclamé et fit mieux encore ; il envoya dans la place, pour être sacrifié au Dieu des Juifs, des taureaux aux cornes dorées, et une foule de vases d’or et d’argent, remplis des aromates les plus précieux. Les victimes offertes furent acceptées par les gardes des portes, et aussitôt conduites au temple. Pendant que la fête s’accomplissait dans la ville assiégée, Antiochus réunissait son armée dans un immense banquet, bien différent en cela d’Antiochus Épiphane, qui une fuis maître de la ville, immolait des porcs sur l’autel,- et inondait les, parvis sacrés du sang de ces animaux immondes, violant ainsi de la manière la plus outrageante les lois et la piété de la nation. Ces procédés n’avaient pas manqué d’exaspérer le peuple, de telle sorte que jamais Épiphane ne trouva grâce aux yeux des Juifs. Au contraire, le Roi qui venait de donner cette preuve si éclatante et si inespérée de piété, reçut immédiatement de la population entière le surnom d’Eusébès, le pieux[207].

Hyrcan touché de cette magnanimité de son adversaire, n’hésita pas à lui envoyer des ambassadeurs chargés d’obtenir de lui, pour la nation juive, la liberté de vivre sous les lois et les institutions de ses pères. A l’arrivée de ces envoyés, on ne manqua pas de conseiller à Antiochus de rejeter cette prière, et de ne déposer les armes que lorsqu’il aurait anéanti une race au contact de laquelle nulle autre ne pouvait vivre. Ces conseils furent repoussés sans hésitation par le Roi qui, persuadé que l’humanité lui réussirait mieux, répondit aux envoyés juifs : Déposez les armes, payez-moi le tribut pour Joppé et les autres villes placées en dehors de la Judée, et dans lesquelles je mettrai des garnisons ; à ces conditions, je renonce à la guerre. Toutes furent acceptées avec empressement, à l’exception de celle qui concernait les garnisons, qu’ils ne pouvaient accepter, parce qu’il ne leur était pas permis d’avoir commerce avec des étrangers. Un compromis sauva cette difficulté ; au lieu d’admettre des garnisons grecques dans les places, il fut convenu que les Juifs livreraient des otages, et qu’ils payeraient cinq cents talents d’argent. Trois cents talents furent payés immédiatement. Les otages exigés et choisis par Antiochus furent remis entre ses mains, et parmi eux se trouvait le propre frère d’Hyrcan. Lès créneaux des murailles de la ville furent jetés bas, et cela fait Antiochus se retira avec son armée[208].

Hyrcan fit alors ouvrir le sépulcre de David qui avait été le plus riche des Rois, et il en tira 3.000 talents d’argent. Avec ces ressources, il fut le premier des princes juifs à entretenir des troupes composées de mercenaires. Il conclut avec Antiochus un traité d’alliance et d’amitié, et l’ayant reçu dans Jérusalem, il le traita magnifiquement, ainsi que son armée ; comme ce prince allait entreprendre une campagne contre des Parthes, Hyrcan l’accompagna.

Josèphe ajoute ici que Nicolas de Damas rapporte la particularité suivante, relative à cette expédition. Antiochus ayant élevé un trophée au bord du fleuve Lycus, après avoir vaincu Indatès, général de l’armée des Parthes, séjourna deux jours en ce point, à la prière de Hyrcan, parce que le moment était venu d’une certaine fête nationale, pendant laquelle il n’était pas permis aux Juifs de faire route.

En cela, dit encore Josèphe, Nicolas de Damas ne se trompait pas, car cette année la Pentecôte suivait immédiatement le jour du sabbat, et il ne nous est pas permis de voyager pendant ces jours-là.

Antiochus, dans une bataille qu’il livra à Arsace le Parthe, perdit une grande partie de son armée, et périt lui-même. Son frère Démétrius lui succéda sur le trône de Syrie ; en effet il avait été remis en liberté par Arsace, au moment où Antiochus se préparait à marcher contre le pays des Parthes. Ces événements n’eurent lieu, du reste, que plusieurs années après le siège de Jérusalem[209].

Jean Hyrcan s’empressa de profiter de ces graves événements, pour commencer une rapide campagne contre les villes de la Syrie. Il supposait avec raison qu’il les trouverait dégarnies de troupes, et qu’il viendrait facilement à bout de leur conquête. La première qu’il attaqua fut Medaba, devant laquelle il éprouva un véritable désappointement ; car elle lui résista six mois durant, et ce ne fut qu’avec des peines infinies qu’il parvint à la réduire. Il marcha ensuite sur Samega dont il s’empara, ainsi que, de tout le pays d’alentour ; Sichem et le Garizim eurent le même sort. Les Cuthéens avaient sur cette sainte montagne un temple qu’ils vénéraient, comme les Juifs vénéraient leur temple de Jérusalem. Ce temple, Alexandre le Grand avait jadis permis au Satrape Sanaballète de lé construire, pour faire honneur à son gendre Manassès, frère du grand prêtre des Juifs Jaddous (Jadoua).

La destinée de ce temple était de ne rester debout que deux siècles : car dans la 200e année de son existence, il fut dévasté et ruiné par Hyrcan[210].

Hyrcan s’empara aussi de quelques villes de l’Idumée, telles que Adora et Marissa ; et après avoir soumis les Iduméens, il leur permit de rester dans leur, pays, à la condition qu’ils se feraient circoncire, et qu’ils adopteraient le culte des Juifs. Ceux-ci, par amour pour le sol natal, consentirent à tout ce que le vainqueur exigeait d’eux, et devinrent ainsi des Juifs prosélytes[211].

Le souverain Pontife, après ses brillantes conquêtes, envoya une ambassade à Rome, pour, renouveler avec le sénat le traité d’alliance qui, depuis des années, liait le peuplé romain au peuple juif. L’édit qui consacra ce nouveau traité était ainsi conçu :

Le préteur Fannius, fils de Marcus, a convoqué le sénat en comité, pour le huit des ides de février ; étaient présents : Lucius Manlius, fils de Lucius, de la tribu Mentina, et Caius Sempronius, fils de Caius, de la tribu Falerna. Le but de la séance était l’examen des propositions apportées par Siméon, fils de Dosithée, Apollonius, fils d’Alexandre, et Diodore, fils de Jason, hommes honorables et probes, ambassadeurs du peuple juif. Ils venaient demander le renouvellement du traité d’alliance et d’amitié qui avait été jadis conclu entre eux et les Romains, et prier le sénat de s’occuper de diverses questions d’intérêt public, telles que celles de Joppé et de son port, de Gazara et de ses fontaines, ainsi que de toutes les autres villes et localités que le roi Antiochus leur avait enlevées, malgré les prohibitions du Sénat ; ils en réclamaient la restitution, avec défense formelle de la part du peuple romain, aux troupes royales, de passer sur leurs terres, et sur toutes celles qui leur étaient soumises. De même ils demandaient que tout ce qui avait été décrété par Antiochus pendant cette guerre, à l’encontre des décisions du sénat, fût regardé comme nul et de nul effet : de plus, que des envoyés spéciaux fussent autorisés à réclamer auprès d’Antiochus tout ce qu’il avait usurpé, et à estimer les dégâts que le pays avait subis, par le fait de la guerre. Enfin ils réclamaient du sénat des lettres de sauf-conduit adressées aux Rois et aux peuples libres, pour qu’il pussent exister avec sécurité, et rentrer en paix dans leur pays. En conséquence, il a été décrété que toutes ces demandes étaient accordées, et que le traité d’alliance et d’amitié, anciennement conclu, était renouvelé avec ces hommes probes, ambassadeurs d’un peuple bon et ami du peuple romain.

Quant aux lettres de sauf-conduit, il fut répondu aux ambassadeurs, qu’il en serait délibéré plus tard, en séance générale du sénat, mais qu’ils pouvaient être assurés que toutes les précautions seraient prises, afin qu’il ne pût leur être fait nulle injure, ni infligé aucun préjudice. Le préteur Fannius fut, en outre, chargé de les gratifier de leurs frais de retour en Judée, sur les deniers du trésor public. Cet ordre fut exécuté. Les ambassadeurs juifs reçurent une large indemnité de route, payée par le trésor, et partirent munis d’un sénatus-consulte adressé à ceux qui étaient chargés de les guider et de les ramener en toute sécurité dans leur pays[212].

Le Roi Démétrius aurait été bien tenté de déclarer la guerre à Hyrcan, mais le temps et l’occasion lui manquèrent, parce qu’il avait eu la maladresse d’exciter contre lui 1’animadversion de son peuple et de son armée. C’était en effet un méchant homme, duquel il n’y avait jamais eu rien de bon à attendre. Fatigués enfin du joug odieux qu’ils subissaient, les Syriens envoyèrent des émissaires auprès du Roi d’Égypte, Ptolémée, surnommé Physcon ; pour le supplier de leur donner un autre Roi de la famille de Séleucus. Ptolémée leur envoya, à la tête d’une armée, Alexandre, surnommé Zebina. Une bataille eut lieu, et Démétrius vaincu courut chercher un refuge à Ptolémaïs, auprès de Cléopâtre, sa femme. Celle-ci ne lui permit pas de pénétrer dans la ville, et Démétrius se vit forcé de courir à Tyr ; où il fut arrêté. Après avoir souffert toutes les avanies, il fut enfin mis à mort par ses ennemis. Alexandre, dès qu’il se vit libre possesseur de la couronne, conclut un traité d’alliance avec le pontife Hyrcan ; mais quelques années plus tard, Antiochus surnommé Grypus, fils de Démétrius, fit la guerre à Alexandre Zébina qui périt dans un combat[213].

Les historiens sont dans une complète incertitude sur l’origine réelle d’Alexandre Zébina. Il n’était probablement que le fils d’un marchand nommé Protarchus ; mais on fit courir le bruit qu’il était fils, soit d’Antiochus IV, soit d’Alexandre Bala ; ce qui est certain c’est que le surnom Zébina, אניבו, signifie acheté (du chaldéen ובז, acheter).

Antiochus Grypus, dès qu’il fut monté sur le trône de Syrie, pensa à se jeter sur la Judée à la tête d’une armée ; mais il-en fut détourné par la nouvelle que son frère de mère, nommé comme lui Antiochus, et surnommé le Cizycène, parce qu’il avait été élevé à Cyzique[214], se préparait à lui disputer la couronne.

Pendant plusieurs années la guerre entre les deux frères sévit en Syrie, et tout le temps qu’elle dure fut un temps de paix pour Hyrcan. Nous avons dit, en effet, qu’il avait abandonné la cause des princes macédoniens et que depuis lors ; ni comme vassal, ni comme ami, il ne leur avait plus prêté aucun secours. Lorsque Alexandre Zébina fût élevé au pouvoir suprême, la Judée devint florissante, et le devint plus encore, pendant que les deux frères rivaux se disputèrent la couronne. Ce repos heureux permit à la Judée d’accumuler des sommes énormes. Aussitôt qu’Antiochus le Cyzicène se mit à ravager la Syrie, Hyrcan ne fit plus mystère de ses idées d’indépendance absolue ; Grypus étant abandonné par les Égyptiens, et neutralisant autant qu’il le pouvait les forces de son frère, qui le lui rendait de son mieux, le prince juif ne s’inquiétait plus ni de l’un ni de l’autre[215].

Ce fut alors qu’il entreprit une expédition contre Samarie, ville extrêmement forte et qui fut reconstruite plus tard par Hérode, sous le nom de Sébasté. Hyrcan était irrité contre les Samaritains, parce que, à l’instigation des rois de Syrie, ils avaient fait tout le mal possible aux Marisséniens, colons et alliés des Juifs. Il enserra la ville dans un fossé garni d’une double muraille de l’étendue de 80 stades, et, cela fait, il laissa la direction du siège à ses fils Antigone et Aristobule. Cet étroit blocus amena bientôt la famine dans la place, et les Samaritains implorèrent l’assistance d’Antiochus le Cyzicène. Celui-ci croyant n’avoir affaire qu’à des ennemis méprisables, se fit battre à plate couture par Aristobule et Antigone, et prit la fuite. Il fut poursuivi par les deux frères, jusqu’à Scythopolis. L’armée de secours une fois rejetée au loin, le siège recommença de plus belle, et les Samaritains se virent bientôt forcés d’implorer de nouveau l’aide d’Antiochus. Celui-ci obtint de Ptolémée Lathyrus un contingent de 6.000 hommes, que le roi d’Égypte lui envoya contre le gré de sa mère qui l’avait à peu près dépouillé déjà de toute autorité. A la tête de ce petit corps d’armée, Antiochus fondit sur la Judée, commettant partout les plus affreuses rapines, mais se garant autant qu’il le pouvait de la nécessité d’en venir à une bataille décisive avec Hyrcan. Il espérait par ses déprédations forcer Hyrcan à abandonner le siège de Samarie, mais il avait compté sans l’habileté militaire de son adversaire. Il finit par tomber dans une embuscade, y perdit une bonne partie de ses troupes, et se vit contraint de fuir jusqu’à Tripolis, laissant le son ingrat de continuer cette guerre à ses généraux Callimander et Épicrate[216].

Callimander, à la première rencontre avec les Juifs, fut mis en déroute et perdit la vie ; quant à Épicrate qui était d’une avarice sordide, il livra à prix d’or Scythopolis et les places voisines, et ne songea guère à délivrer Samarie. Après une année entière de siège, la place fut enlevée, et Hyrcan, lorsqu’il l’eut rasée jusque dans ses fondements, y amena des torrents, qui en noyèrent les tristes débris. A la place où s’élevait naguère la brillante Samarie, il n’y eut, bientôt plus que de vastes cavités dans lesquelles s’effondrèrent les derniers vestiges de la cité[217]. Après cette conquête, les deux princes allèrent ravager Scythopolis et le Carmel.

Ici Josèphe raconte un fait incroyable. A l’entendre, le pontife Hyrcan était en communication avec l’esprit de Dieu : On raconte, dit-il, que le jour même où ses fils défirent Antiochus le Cyzicène, pendant qu’il était seul dans le saint des saints, offrant l’encens à Jéhovah, une voix lui annonça que ses fils allaient remporter la victoire sur Antiochus. Aussitôt sorti du temple, il fit part au peuple de ce qu’il venait d’apprendre miraculeusement, et, de fait, la prédiction s’accomplit de point en point[218].

A la même époque, la reine Cléopâtre qui, ainsi que nous l’avons dit tout à l’heure, était en absolu désaccord avec son fils Ptolémée Lathyrus, mit à la tête de ses armées Chelcias et Ananias, fils de cet Onias à qui il avait été permis d’élever dans le nôme Héliopolitain, un temple semblable à celui de Jérusalem. A partir de ce moment, Cléopâtre ne fit rien, n’entreprit rien, sans consulter ses deux généraux juifs. Strabon le Cappadocien nous en donne le témoignage, ajoute Josèphe, car il s’exprime ainsi : Presque tous les Égyptiens et ceux qui vinrent avec nous en Chypre, aussi bien que ceux qui y furent envoyés plus tard, se rangèrent aussitôt sous les drapeaux de Ptolémée. Les Juifs du parti d’Onias restèrent seuls fidèles à la Reine, dont leurs concitoyens Chelcias et Ananias avaient toute la confiance[219].

Voulez-vous avoir des ennemis ? Faites fortune : soyez heureux, et vous n’en aurez que trop. C’est ce qui ne manqua pas d’arriver à Jean Hyrcan : la prospérité lui créa une foule d’envieux. La secte des Pharisiens, l’une des trois grandes sectes du judaïsme, ne tarda pas à se montrer hostile au grand prêtre. Elle jouissait d’une telle autorité sur le peuple, que tout ce qu’elle disait, fût-ce contre le Roi, fût-ce contre le grand prêtre, trouvait immédiatement crédit. Hyrcan avait été l’un de leurs affidés, et ils l’avaient d’abord tenu en grande affection. Un jour qu’il avait convié à un somptueux festin les chefs des Pharisiens, lorsqu’il les vit animés par le .plaisir qu’il leur procurait, il se prit à leur dire qu’ils savaient parfaitement qu’il voulait être un juste, et ne rien faire qui ne plût à Dieu ; tous répondirent qu’il en était ainsi. Il reprit alors pour les prier instamment, s’ils le voyaient s’écarter de la bonne voie, de l’y faire rentrer par leurs sages avis, et de le corriger au besoin. Pendant que tous exaltaient à l’envi sa vertu, à laquelle ils rendaient hommage, l’un des convives, nommé Éléazar, homme méchant, et toujours prêt à se révolter, prit la parole : Puisque tu veux savoir la vérité, dit-il, si tu veux être un honnête homme, tu dois te démettre du souverain pontificat, et te contenter du principat. — Pour quelle raison, s’écria Hyrcan, dois-je renoncer au pontificat ?Parce que nous avons appris de nos pères, que ta mère avait été esclave du temps d’Antiochus Épiphane. — C’était un odieux mensonge qui irrita Hyrcan au plus haut point, et dont tous les Pharisiens se sentirent gravement offensés[220].

Un certain Jonathas qui appartenait à la secte des Sadducéens, les éternels rivaux des Pharisiens, et qui était lié d’amitié avec Hyrcan, lui dit que c’était du consentement unanime des Pharisiens, qu’Éléazar l’avait insulté, et qu’il lui serait facile d’en acquérir la preuve, s’il leur demandait quelle punition avait méritée cet Éléazar, pour son insolent propos. Hyrcan suivit le conseil et leur demanda à quelle peine, selon eux, devait être condamné l’insulteur ; il aurait en effet la conviction que c’était sans leur avis que cette injure lui avait été jetée à la face, s’ils condamnaient le coupable à la peine qu’il avait encourue.

Ils lui répondirent qu’il devait être frappé de verges et mis en prison, la peine capitale leur paraissait trop forte ; d’ailleurs il était dans les principes des Pharisiens de se montrer cléments, toutes les fois qu’il y avait une condamnation à prononcer. Cette clémence, qu’il jugeait intempestive, offensa si fortement le grand prêtre, qu’il fut dès lors convaincu que c’était avec leur assentiment, qu’Éléazar avait parlé. Jonathas ne négligeait rien pour attiser sa colère, et il fit tant et si bien que Hyrcan se laissa persuader de renoncer au Pharisaïsme, de s’affilier aux Sadducéens, et de persécuter tous ceux qui resteraient fidèles aux préceptes des Pharisiens. Il en résulta que la multitude le prit en aversion, ainsi que ses fils ; nous en reparlerons plus loin. Pour le moment nous nous contenterons de dire que les Pharisiens avaient transmis au peuple traditionnellement une foule d’institutions qu’ils avaient reçues de leurs aïeux, et qui ne figuraient nullement dans les lois de Moïse, ce qui les faisait rejeter absolument par les Sadducéens qui soutenaient qu’il n’y avait de règles respectables que les règles écrites, tandis que toutes celles qui n’avaient d’autre origine que la tradition, ne devaient pas être observées. De là sortirent de très graves dissensions ; parce que les Sadducéens ne s’affiliaient jamais que les riches et les grands, tandis que les Pharisiens ne s’appuyaient que sur la multitude[221].

Hyrcan réussit pourtant à. apaiser les rancunes nées de ce débat, et il vécut encore assez longtemps dans la prospérité. Il gouverna le peuple juif pendant trente et un ans, et laissa en mourant cinq fils héritiers de sa gloire. Il avait joui de trois grands biens accordés par Dieu, à savoir : le principat, le pontificat suprême et le don de prophétie. Il était en effet inspiré, et il possédait la prescience des événements, à tel point qu’il prédit que ses deux fils aînés ne jouiraient pas longtemps du pouvoir souverain. Nous allons maintenant raconter les événements de leur courte existence, pour montrer combien la fortune de leur père fut plus grande que la leur[222].

Lorsque Jean Hyrcan eut rendu l’âme, son fils aîné Aristobule, dont le nom judaïque était Judas, n’hésita pas à prendre le titre de Roi, et à mettre le diadème royal sur sa tête, 481 ans et trois mois après le retour de la captivité de Babylone[223].

Aristobule aimait tendrement son frère Antigone qui était le second des enfants d’Hyrcan ; il partagea donc avec lui le pouvoir souverain, et retint ses autres frères en captivité. Il infligea le même sort à sa mère, parce qu’elle avait essayé de lui disputer le principat, en s’appuyant sur ce qu’à son lit de mort, Hyrcan l’avait investie du pouvoir sur toutes choses. Aristobule poussa la cruauté contre celle qui lui avait donné le jour, jusqu’à la laisser mourir de faim dans sa prison[224].

Il devint également le meurtrier de son frère Antigone, nonobstant l’affection qu’il affichait pour lui, et qui avait été assez grande pour lui faire partager avec lui-la puissance souveraine. Mais dans les cours les calomniateurs abondent : d’abord Aristobule se refusa à croire à leurs odieux propos, parce qu’il aimait réellement son frère, et qu’il mettait sur le compte de l’envie toutes les infamies dont on poursuivait son cœur. Il arriva cependant qu’au moment où Antigone allait rentrer triomphalement à Jérusalem, après une guerre heureuse, pour célébrer la fête des Tabernacles, Aristobule tomba gravement malade et se vit obligé de garder le lit, pendant qu’Antigone se rendait en grande pompe au temple, avec ses soldats, afin d’assister à la solennité, et surtout d’adresser à Jéhovah des vœux sincères pour le rétablissement d’Aristobule. Les ennemis d’Antigone s’empressèrent de saisir cette occasion de le perdre. Ils accoururent au chevet du Roi, exagérèrent à dessein l’éclat de la fête à laquelle présidait son frère ; ils lui firent entendre qu’Antigone agissait déjà en maître absolu, en souverain unique, et qu’il méditait certainement un fratricide, bien facile à commettre, à l’aide de la troupe armée dont il disposait, et qu’en un mot, puisqu’il pouvait rester seul maître du pouvoir, il serait véritablement insensé de continuer à le partager[225].

Aristobule exaspéré par ces infâmes insinuations, ne songea plus qu’à sauver sa vie qu’on lui montrait menacée. Il fit placer ses gardes du corps dans un souterrain obscur (il habitait alors la forteresse de Baris, qui devint plus tard la tour Antonia), avec ordre de respecter quiconque se présenterait sans armes ; mais de mettre à mort Antigone lui-même, s’il voulait pénétrer armé dans son appartement. Par une sorte de remords, il envoya prier Antigone de quitter ses armes, avant de venir le voir.

Mais la Reine et ceux qui avaient comploté la mort d’Antigone, réussirent à gagner l’envoyé d’Aristobule, et à le décider à dire à celui-ci tout le contraire de ce que lui mandait son père, c’est-à-dire que celui-ci sachant qu’il avait revêtu son plus beau costume militaire, désirait le voir dans cette tenue d’apparat[226].

Antigone ne soupçonnant rien de la fraude cruelle dont il allait être victime, et plein de condescendance pour le désir que lui faisait exprimer son frère’ chéri, se rendit couvert de son armure chez Aristobule, pour la lui faire admirer. Lorsqu’il parvint à la tour nommée Tour de Straton, à travers laquelle il devait suivre un passage très obscur, il fut égorgé par les gardes du Roi[227].

Ce qu’il y a de plus étrange dans cet affreux événement, c’est qu’un certain Judas, qui appartenait à la secte des Esséniens, et qui n’avait jamais fait de fausses prédictions, en voyant Antigone sortir du temple, s’écria, du milieu de la foule qui le suivait pour entendre ses prédictions, qu’il devait désirer la mort, puisqu’il avait menti, Antigone étant vivant ! Qu’il avait prédit que, ce jour-là même, il mourrait à la tour de Straton, et qu’il le voyait passer sain et sauf ; que le lieu désigné par lui étant à 600 stades de Jérusalem et que la plus grande partie du jour étant déjà passée, il était matériellement impossible qu’il courût un danger en ce lieu, afin que sa prédiction s’accomplit.

Tandis qu’il parlait ainsi en se désolant, le bruit se répandit soudain qu’Antigone venait d’être tué dans un passage souterrain, qui s’appelait la Tour de Straton, comme la ville qui fut depuis Césarée. On comprend facilement tout ce que l’Essénien Judas dût éprouver de saisissement à cette nouvelle inattendue[228].

A peine le crime était-il accompli, que le désespoir s’empara d’Aristobule ; son mal s’aggrava subitement, des douleurs intolérables envahirent tout l’intérieur de son corps, et il rendit une grande quantité de sang. Par un hasard véritablement providentiel, un des serviteurs qui l’entouraient, enleva ce sang et le porta jusqu’au point même qui était encore tout souillé du sang d’Antigone. Là il fit une chute, et laissa tomber le vase qui le contenait, de sorte que le sang d’Aristobule se mêla à celui de son frère. Un cri d’horreur s’éleva parmi les assistants, comme si le serviteur l’eût fait exprès. Aristobule entendant ces exclamations, en voulut connaître la cause. On refusa d’abord de lui répondre ; il n’insista que plus vivement pour savoir ce qui s’était passé. À force de menaces il finit par se faire révéler la vérité, et fondant alors en larmes, il s’écria : Il n’était pas possible de cacher à Dieu mes abominables crimes, et je suis promptement puni du meurtre de mon frère. Misérable corps, garderas-tu longtemps la vie que je dois aux mânes de mon frère et de ma mère ? Pourquoi la mort ne vient-elle pas tout d’un coup ? Pourquoi faut-il que je perde, goutte à goutte, le sang que je dois verser pour ceux que j’ai traîtreusement assassinés ?

Il mourut en prononçant ces paroles, après un an de règne[229].

Aristobule avait été surnommé le Philhellène. Son règne si court fut néanmoins favorable à son peuple. Il vainquit les Ituréens et soumit à la Judée une grande partie de leur pays. Il en força les habitants, s’ils voulaient rester dans leurs foyers, à se faire circoncire et à vivre sous la loi juive. Il était juste et réservé, ainsi que l’atteste Strabon, d’après l’autorité de Timagènes qui s’exprime ainsi : Il se montra toujours juste, et rendit de grands services aux Juifs ; car il recula leurs frontières, et annexa à la Judée une partie de l’Iturée, dont les habitants durent se soumettre à la circoncision[230].

Aussitôt après la mort d’Aristobule, Salomé, sa femme, qui portait parmi les Grecs le nom d’Alexandra, mit en liberté les frères du Roi défunt, que celui-ci avait incarcérés. Jonathan et par abréviation Jannée qui était également nommé parmi les Grecs Alexandre, était le plus avancé en âge et le plus distingué. Ce fut à lui que Salomé donna la royauté. Chose étrange ! Le nouveau Roi, depuis le jour de sa naissance ; avait été détesté par son père, qui ne lui avait jamais permis de paraître en sa présence. Cette haine impardonnable avait la, cause suivante

Hyrcan qui chérissait tendrement ses deux fils aînés, Antigone et Aristobule, pria Dieu de lui faire connaître celui de ses enfants qui lui succéderait au trône. Dieu lui apparut en songe, et lui désigna Alexandre Jannée. Désespéré de savoir que cet enfant serait l’héritier de sa grandeur, il l’exila pour ainsi dire, en Galilée, où il avait vu le jour, et l’y fit élever loin du palais. Nous avons vu comment la prédiction divine s’accomplit. Aussitôt maître du pouvoir, Alexandre se débarrassa par un meurtre de l’un de ses frères qui cherchait à lui disputer la couronne ; quant à l’autre qui se vouait volontairement à l’obscurité, et qui se nommait Absalom, le nouveau Roi le traita avec bienveillance[231].

Dès qu’il eut réglé à sa guise toutes les affaires de l’État, Alexandre Jannée entreprit une expédition contre Ptolémaïs, et, ayant refoulé tous les habitants dans la place, il en commença le siège. De toutes les villes de la côte, en effet, il ne restait plus à soumettre que Ptolémaïs et Gaza, d’une part, et de l’autre, la tour de Strabon et Dora qui étaient occupés par un tyran nommé Zoïle. Pendant tout le temps que dura la guerre fratricide entre Antiochus Grypus et Antiochus le Cyzicène, Ptolémaïs ne reçut de secours d’aucun des deux compétiteurs ; mais Zoïle qui redoutait pour son compte le sort que le Roi des Juifs réservait à Ptolémaïs, et qui avait une petite armée à son service, essaya de porter secours aux assiégés, qui n’en avaient évidemment aucun à attendre des deux princes rivaux. Il ne restait aux habitants de Ptolémaïs qu’une seule espérance, c’était de se voir aidés par Ptolémée Lathyrus qui occupait l’île de Chypre, après avoir été chassé d’Égypte par sa propre mère Cléopâtre. Ils l’implorèrent donc et le supplièrent de les tirer des griffes d’Alexandre Jannée. Ils leur firent croire que dès qu’il aurait passé en Syrie, il aurait avec lui les habitants de Gaza, et Zoïle, et même les Sidoniens, avec d’autres encore : comptant sur des auxiliaires puissants, Ptolémée se hâta d’armer une flotte[232].

Sur ces entrefaites un certain Démétrius, très écouté du peuple, à cause de son éloquence, et qui jouissait d’une certaine autorité parmi ses compatriotes, réussit à changer les dispositions des habitants de Ptolémaïs. Il leur représenta qu’il valait cent fois mieux courir les chances encore incertaines d’une guerre avec les Juifs, que d’accepter une servitude inévitable, en se donnant bénévolement un maître ; qu’ils n’y gagneraient qu’une chose, à savoir, après la guerre présente, la guerre bien autrement redoutable qui leur viendrait d’Égypte ; que Cléopâtre à coup sûr n’était pas assez peu soucieuse de ses intérêts, pour permettre à Ptolémée d’acquérir de nouvelles forces, recrutées parmi les voisins de l’Égypte ; et qu’infailliblement elle les attaquerait avec une armée formidable. Ne voulait-elle pas en effet chasser son fils de Chypre même ? Qu’enfin si Ptolémée ne réussissait pas à les délivrer, il lui resterait toujours la ressource de se réfugier dans son île, et qu’ils resteraient seuls exposés aux plus grands périls. Ptolémée, au moment de son départ, fut informé du changement qui s’était opéré dans les esprits à Ptolémaïs ; il n’en fit pas moins route, et venant mouiller à Sycaminos, au pied du Carmel, il y fit débarquer ses troupes. Celles-ci comptaient en tout une trentaine de mille hommes, cavalerie comprise ; de là il vint camper dans le voisinage de Ptolémaïs ; mais comme la ville refusa l’entrée à ses envoyés, et ne voulut même pas écouter leurs propositions, Ptolémée restait aussi irrité qu’anxieux[233].

Les choses en étaient là, lorsque Zoïle et les habitants de Gaza vinrent le trouver, et lé prier de leur prêter son appui, contre les Juifs et leur Roi Alexandre qui avaient dévasté leurs campagnes. Alexandre ne se sentant pas de force à tenir tête à tant de monde, et à poursuivre un siège en même temps, se retira prudemment de devant Ptolémaïs. L’armée juive rentra dans ses foyers et Alexandre Jannée s’empressa d’appeler en secret Cléopâtre à son secours, contre Ptolémée, avec lequel il négociait en même temps. Il fit plus encore, et promit à celui-ci 400 talents d’argent, s’il voulait faire disparaître le tyran Zoïle, et donner aux Juifs le pays à la tête duquel il s’était mis. Ptolémée, dupe de cette scandaleuse comédie, accepta les offres de Jannée, et s’empara de la personne de Zoïle ; mais il fut bientôt au courant des manœuvres du Roi des Juifs, et dès qu’il sut que celui-ci avait envoyé des ambassadeurs à sa mère Cléopâtre, il n’hésita pas à manquer à la parole qui lui avait été extorquée, et il commença lui-même le siège de Ptolémaïs, dont les portes lui avaient été fermées. Laissant devant la place une partie de son armée, avec des chefs capables de diriger les opérations du siège, il se mit de sa personne en campagne, avec le reste de ses troupes pour ravager la Judée. Alexandre, lorsqu’il se sentit sérieusement menacé, ne resta plus inactif. Il réunit promptement 50.000 habitants du pays (80.000, comme le prétendent quelques auteurs), et se mettant à la tête de cette armée improvisée, il courut au-devant de Ptolémée.

Déjà celui-ci avait attaqué à l’improviste, et un jour de sabbat, une ville de Galilée nommée Asokhis ; il y avait capturé dix mille prisonniers, en outre d’un butin considérable[234].

De là Ptolémée vint essayer d’enlever de vive force Sepphoris, ville voisine de celle qu’il avait déjà mise au pillage ; mais il ne réussit qu’à y perdre beaucoup de monde et il se replia sur Ptolémaïs, afin de faire tête à Alexandre Jannée. Celui-ci arrivait par la vallée du Jourdain, et vint camper à proximité de l’ennemi, à un endroit nommé Asophon et qui n’est pas très éloigné du fleuve. La première ligne de bataille des Juifs se composait de 8.000 combattants, auxquels Alexandre donna le nom d’Ekatontamaques (ceux qui soutenaient le choc de cent hommes) et qui se couvraient d’un bouclier plaqué d’airain. La première ligne de Ptolémée était bien aussi munie de boucliers d’airain, mais pour tout le reste, ses soldats se sentaient de beaucoup inférieurs aux Juifs ; aussi n’acceptèrent-ils le combat qu’avec timidité. Philostephanus qui les commandait, leur rendit néanmoins un peu de courage, en leur donnant l’ordre de franchir le fleuve qui séparait les deux camps ennemis. Alexandre le laissa faire, pensant qu’il aurait plus facilement raison d’eux, s’ils avaient une rivière à dos, parce qu’ils ne pourraient plus en fuyant se soustraire au combat. L’action s’engagea et le résultat en fut d’abord douteux, car de part et d’autre les pertes étaient grandes. Lorsque l’avantage paraissait rester aux troupes d’Alexandre, Philostephanus qui avait su ménager une réserve, courait promptement appuyer les points où sa ligne de bataille Semblait fléchir. Les Juifs au contraire n’ayant à compter sur l’appui d’aucun corps de réserve, furent bientôt en débandade ; ceux qui fuyaient, ne se sentant pas secourus par leurs voisins eux-mêmes qui se mêlaient immédiatement aux fuyards, les soldats de Ptolémée les poursuivirent alors l’épée dans les reins, et ce fut bientôt un sauve-qui-peut général. Le massacre fut si grand que les épées des Grecs étaient émoussées, et la main des soldats fatiguée de frapper. 30,000 Juifs restèrent sur le champ de bataille (50.000 dit Timagènes) ; le reste fut fait prisonnier, ou regagna péniblement ses foyers[235].

Ici l’historien des Juifs enregistre un fait abominable, et auquel on a peine à croire. Il paraîtrait que Ptolémée, le soir de sa victoire, vint occuper quelques bourgades juives, où s’étaient réfugiées nombre de femmes et d’enfants, fuyant devant les dévastateurs. Il ordonna à ses soldats de les égorger et de les dépecer, puis de jeter leurs membres dans des marmites, et d’en préparer un horrible mets, afin que tous ceux qui, après avoir échappé aux chances du combat, viendraient pour se rendre, crûssent qu’ils se repaissaient de chair humaine, et fussent terrifiés d’avoir affaire à de pareils ennemis. Strabon et Nicolas de Damas, ajoute Josèphe, attestent la vérité de ce fait.

Peu après, Ptolémaïs fut prise par Ptolémée Lathyrus[236].

Cléopâtre, justement effrayée des succès dé son fils qui ravageait la Judée, et avait déjà réussi à se rendre maître de Gaza, résolut de s’opposer de toutes ses forées à la marche victorieuse de Ptolémée ; car celui-ci était déjà sur les frontières de l’Égypte, dont il voulait s’emparer à tout prix. La flotte de la Reine se mit immédiatement en route, ainsi que son armée de terre, à la tête de laquelle étaient placés les deux Juifs, Chelcias et Ananias. Elle fit transporter immédiatement à Cos la plus grande partie de ses trésors, qu’accompagnaient ses petits-fils et son testament. Son fils Alexandre ayant reçu l’ordre de diriger une flotte puissante sur les côtes de Phénicie, ce pays fit immédiatement sa soumission et Cléopâtre vint de sa personne se présenter devant Ptolémaïs. La population ayant refusé de lui ouvrir ses portes, elle commença le siège de la place. Ptolémée, de son côté, avait quitté la Syrie, s’était rué sur l’Égypte qu’il supposait dégarnie de troupes, et par conséquent facile à surprendre ; mais il fut trompé dans cette espérance. A ce moment même il arriva que Chelcias, l’un des deux généraux de Cléopâtre, mourut en Cœlésyrie, lorsqu’il marchait à la poursuite de Ptolémée[237].

Dès que Cléopâtre apprit que l’expédition de son fils contré l’Égypte n’avait pas eu le résultat qu’il en espérait, elle détacha contre lui une partie de son armée qui lé chassa du pays. Forcé de battre en retraite, Ptolémée vint prendre ses quartiers d’hiver à Gaza ; pendant que sa mère Cléopâtre réussissait à enlever Ptolémaïs, Alexandre Jannée vint l’y trouver avec de magnifiques présents, lui exposa tout le mal que lui avait fait Ptolémée Lathyrus, et lui dit qu’il n’avait plus d’autres ressources que sa protection. Quelques-uns des amis de Cléopâtre cherchèrent à. lui persuader de prendre d’abord les présents, et de s’emparer ensuite de la Judée, parce qu’elle ne devait pas souffrir qu’une si grande multitude de Juifs valeureux fussent placés sous la main d’un seul homme. Ananias lui tint un tout autre discours. Il serait inique, lui dit-il, de priver de son pouvoir un homme qui est ton allié, et de plus ton parent. Il faut que tu saches bien qui si tu lui fais cette injure, tu auras autant d’ennemis que de Juifs, nous compris. Ces paroles d’Ananias décidèrent Cléopâtre à respecter Alexandre Jannée, et bien plus elle conclut avec lui un traité d’alliance à Scythopolis, en Cœlésyrie[238].

Alexandre une fois débarrassé de la crainte que lui inspirait Ptolémée, conduisit ses troupes en Cœlésyrie, et commença le siège de Gadara, siège qui dura dix mois. Il prit également Amathus (?) la plus forte de toutes les places qui se trouvaient au delà du Jourdain, et où Théodore, fils de Zénon (sans doute le Zénon Cotylas, tyran de Philadelphie) avait mis à refuge tout ce qu’il avait de plus précieux et de plus cher. Théodore réussit ce pendant à surprendre l’armée juive, et à lui tuer 10.000 hommes, en enlevant tous les bagages du Roi Alexandre. Ce revers ne l’abattit pas, loin de là ; car il commença une nouvelle expédition contre les villes de la côte, et s’empara de Raphia et d’Anthedon qui fut rebâtie plus tard par Hérode, en recevant le nom d’Agrippias[239].

Pendant qu’Alexandre guerroyait ainsi, Ptolémée avait été forcé de regagner Chypre, et Cléopâtre sa mère était retournée en Égypte. Le Roi des Juifs irrité contre la population de Gaza qui s’était jetée dans les bras de Ptolémée, vint assiéger leur ville et ravager leurs campagnes. Apollodote qui commandait dans la place, fit de nuit une sortie à la tête, de 9.000 mercenaires et de 40,000 habitants, et surprit le camp des Juifs. Tant que les ténèbres ne furent pas dissipées, les Juifs croyant avoir affaire à Ptolémée, ne réussirent qu’à se faire battre ; mais dès que le jour fut venu, ils reconnurent leur erreur, reprirent courage, se rallièrent, et fondant bravement sur leurs adversaires, en tuèrent un millier et les refoulèrent dans la place. Les Gazéates cependant résistèrent bravement, et tinrent bon, malgré la famine qui commençait à se faire sentir ; ils comprenaient en effet qu’il était préférable pour eux de tout souffrir, plutôt que de tomber au pouvoir de l’ennemi. Mais ce. qui soutenait leur courage, c’était surtout l’espérance du secours qu’Arétas, Roi des Arabes, leur avait promis, et qu’ils attendaient d’un moment à l’autre. Cet espoir fut déçu. Leur chef Apollodote avait un frère nommé Lysimaque, qui enviait bassement son autorité, et son influence sur le peuple. Ce frère infâme Passassina, et ouvrit à Alexandre les portes de la ville. Dans les premiers moments, le Roi des Juifs se conduisit à Gaza avec magnanimité et douceur ; mais il jeta bien vite le masque et lança ses soldats sur les habitants, avec ordre de les passer au fil de l’épée. Le massacre commença : les Gazéates cependant ne tendirent pas bénévolement la poitrine à leurs égorgeurs ; ils se défendirent tant qu’ils purent, et il périt autant de Juifs que d’habitants de Gaza, dans cette affreuse journée. Quelques-uns d’entre eux mirent le feu à leur maison, pour qu’il n’y restât rien qui pût assouvir la soif de pillage des ennemis ; d’autres, pour épargner à leurs femmes et à leurs enfants des douleurs de la servitude, les égorgèrent de leurs propres mains. Le sénat de Gaza, composé de cinq cents membres, avait réussi à se réfugier tout entier dans le temple d’Apollon, parce que d’aventure, au moment même où la ville tombait’au pouvoir des Juifs, le sénat était en séance. Ils y furent tous massacrés, par l’ordre d’Alexandre, et la ville fut ruinée de fond en comble. Le siège de Gaza avait duré un an, et après cette sanglante campagne, Alexandre Jannée rentra à Jérusalem[240].

A cette même époque mourut assassiné par Héraclion, Antiochus Grypus qui avait passé 29 ans sur le trône. Il était âgé de 45 ans. Héraclion, originaire de Berœa (Alep) avait été comblé d’honneurs par Antiochus. Il conçut le projet d’usurper la couronne, et ce fut là l’unique cause de son ingratitude.

Séleucus, fils de Grypus, dès qu’il eut succédé à son père, se mit en campagne contre Antiochus le Cyzicène. Il le vainquit, s’empara de sa personne, et le fit mettre à mort. Il devait bientôt connaître à son tour les amertumes de la défaite. Antiochus, surnommé Eusébès, fils du Cyzicène, prit le diadème royal à Aradus, et déclara aussitôt la guerre à Séleucus qu’il parvint bientôt à forcer d’évacuer la Syrie[241].

Séleucus s’était réfugié en Cilicie, à Mopsueste. Il prétendit alors frapper sur la population un impôt énorme, pour recommencer la guerre, sans doute. Mais le peuple irrité mit le feu au palais, et Séleucus périt avec ses amis, dans les flammes[242].

Antiochus Eusébès dut à son tour disputer la Syrie à Antiochus, frère du Séleucus mort à Mopsueste. Lé sort des armes lui fut favorable ; car son rival fut vaincu, et perdit dans cette guerre -son armée, avec la vie. Séleucus avait deux frères jumeaux qui tous les deux portèrent le double surnom d’Épiphane Philadelphe. C’étaient Antiochus et Philippe. Après la mort d’Antiochus, Philippe son frère prit le diadème et commença à régner sur une partie de la Syrie.

Cependant Ptolémée Lathyrus n’avait pas abandonné ses projets sur cette belle province. Il fit venir de Cnide un autre frère des deux princes jumeaux, nommé Démétrius Eucærus, et il l’établit roi à Damas[243].

Ce fut pendant qu’il cherchait à résister à cette nouvelle tentative du prince égyptien, qu’Antiochus Philadelphe mourat, noyé dans l’Oronte, presque au début de son entreprise.

Il s’était porté au secours de Laodicé, reine des Galaadites, qui guerroyait contré les Parthes, et il périt bravement les armes à la main[244].

Revenons au Roi Alexandre Jannée. Il eut à supporter un scandaleux outragé qu'à ses sujets lui firent subir, pendant qu’il célébrait, en sa qualité de grand prêtre, la fête des tabernacles. Il est d’habitude, parmi les Juifs qui assistent à cette solennité, de s’y présenter portant un bouquet formé de palmes et de branches de citronniers, nommé (Loulab) et un cédrat (Ethrodj). Alexandre était à l’autel, lorsque les assistants s’écrièrent qu’il était le fils d’une captive, et par suite indigne d’exercer le souverain pontificat. Ce disant, ils lui lancèrent à la tête les cédrats qu’ils tenaient à la main. On le voit, c’était en quelque sorte la continuation de la scène dans laquelle son père avait reçu la même injure, de la part d’un pharisien, ce qui avait amené sa rupture avec cette secte puissante. Furieux de cette injure, Alexandre fit charger les séditieux, dont six mille restèrent sur le carreau ; puis, ayant fait élever une enceinte de planches autour de l’autel et de la partie du temple, où les prêtres seuls avaient le droit d’entrer, il se sépara ainsi de la multitude. Il avait à sa solde des soldats mercenaires tirés de la Pisidie et de la Cilicie ; quant aux Syriens qu’il détestait, il n’en voulut jamais admettre dans sa garde.

Alexandre Jannée subjugua les Moabites, et les Galaadites qui sont de race arabe, et les soumit au tribut. Puis il rasa la place d’Amathus ? Sans que le tyran Théodore, fils de Zénon Cotylas, osât tenter de l’en empêcher[245].

Il fit ensuite une désastreuse campagne contre Obodas, Roi des Arabes. S’étant en effet laissé entraîner dans une embuscade qui lui était tendue dans des lieux âpres et difficiles, il se vit rejeté au fond d’une vallée abrupte et sauvage, sous le choc d’une multitude de chameaux, et il eut grand’peine à échapper à ce danger. Cela se passait près de Gadara, dans le pays de Galaad (Gadara c’est aujourd’hui Omm-Keis, qui se trouve sur la rive orientale du Jourdain, à peu près vis-à-vis de Beysan). S’étant tiré de ce mauvais pas, Alexandre Jannée rentra à Jérusalem, où il trouva le peuple exaspéré contre lui, à cause de cette triste défaite. Delà naquit une guerre civile qui dura six ans, et dans laquelle-il ne périt pas moins de cinquante mille Juifs. Tout ce que le Roi tenta pour calmer l’irritation de ses sujets fut inutile ; plus il avait sévi contre les révoltés, plus la haine contre lui avait grandi. Il finit par demander ce qu’il fallait qu’il fît, pour calmer ces colères : Mourir, lui fut-il répondu par la multitude, qui alla jusqu’à implorer l’assistance de Démétrius Eucærûs contre son malheureux souveraine[246].

Démétrius, heureux de recevoir une semblable proposition, partit aussitôt à la tête d’une armée que vinrent rejoindre une foule de transfuges, et il alla camper à Sichem.

Alexandre, à là tête de 6.200 mercenaires, auxquels s’étaient joints une vingtaine de mille Juifs qui ne l’avaient pas abandonné, accourut au-devant de Démétrius, dont les forces se composaient de 3.000 cavaliers et 40.000 fantassins. Lorsque les deux armées furent à proximité l’une de l’autre, ceux qui en faisaient partie tentèrent d’abord les moyens d’embauchage ; les mercenaires d’Alexandre poussant les Grecs à la désertion, et les Juifs de l’armée de Démétrius poussant leurs compatriotes à en faire autant. Chacun restant fidèle à son drapeau, on se décida à en venir aux mains. Démétrius demeura maître du champ de bataille qui fut couvert des morts des deux armées[247].

Alexandre avait été obligé de chercher un refuge dans les montagnes ; par un singulier retour de fortune ; les Juifs se sentirent alors pris de pitié pour leur Roi que le malheur accablait, et six mille d’entre eux vinrent le rejoindre. Ce fut alors au tour de Démétrius à se retirer, parce qu’il ne voulait pas risquer une fois de plus le sort des armes contre un pareil adversaire. A partir de ce moment la rébellion contre Alexandre Jannée reprit de plus belle, et beaucoup de Juifs périrent encore dans les combats qu’ils lui livrèrent. En une certaine circonstance ce prince ; ayant réussi à rejeter les plus marquants de leurs chefs dans une petite place nommée Bethema, en fit immédiatement le siège. Il réussit promptement à s’en emparer et y fit prisonniers ses ennemis qu’il ramena à Jérusalem, où il leur réservait un sort affreux. Ce n’est pas sans horreur que je dois écrire les lignes qui vont suivre. Alexandre ayant fait préparer sur un lieu élevé un grand festin pour ses concubines, ordonna de mettre en croix 800 de ces malheureux, et avant que la vie ne les eût abandonnés, il fit égorger, sous leurs yeux, leurs femmes et leurs enfants. Il avait à se venger des injures qu’il avait reçues, cela est vrai ; mais il y a des vengeances qu’un homme de cœur ne rêve même pas. Certainement il avait été jeté par ses victimes dans les plus cruelles extrémités, pendant qu’il combattait contre ses sujets ; bien souvent, ils avaient mis sa couronne, sa vie même, en danger ; ils avaient poussé la haine au point d’ameuter contre lui l’étranger ; depuis longtemps, ils l’avaient réduit à la dure nécessité d’abandonner au Roi des Arabes les terres et les villes qu’il avait conquises dans la Moabitide et dans le pays de Galaad, pour l’empêcher de prendre part à la guerre sans merci qu’on lui faisait. Certes ses griefs étaient grands, mais devait-il les venger d’une façon aussi atroce ? Y avait-il nécessité pour lui d’agir de la sorte ? il est permis d’en douter, lorsqu’on se rappelle que les Juifs, pour caractériser sa cruauté raffinée, l’avaient surnommé Thrakidas (enfant de Thrace ?). Cette effroyable exécution jeta la terreur parmi ses ennemis, qui étaient au nombre d’environ huit mille. La nuit suivante tous avaient fui de Jérusalem, et tant que vécut Alexandre, ils restèrent exilés volontairement. Il avait réussi du reste à se débarrasser des troubles intérieurs, et à partir de ce moment son règne fut parfaitement tranquille[248].

Démétrius, après avoir évacué la Judée, se porta sur Berœa, pour combattre son frère Philippe ; à-la tête d’une petite armée de dix mille fantassins et de mille cavaliers. A la nouvelle de son approche, Strabon, tyran de Bereea et allié de Philippe, s’empressa d’appeler à son ride Zizos (sans doute Aziz), chef des tribus arabes, et Mithridate Sinacès, Éparque des Parthes. Ceux-ci accoururent à la tête de forces considérables, assiégèrent Démétrius dans son camp, où ils le bloquèrent étroitement. Les traits des assiégeants et la soif surtout eurent raison de leurs adversaires qui furent promptement réduits à capituler. Le camp fut pillé, et Démétrius captif envoyé à Mithridate, roi des Parthes. Tous les citoyens d’Antioche faits prisonniers dans cette guerre furent immédiatement rendus à la liberté, et renvoyés dans leurs foyers. Quant à Démétrius, le Roi des Parthes le traita avec les plus grands honneurs, et le garda auprès de lui, jusqu’au moment où une maladie mit promptement fin à sa captivité. Philippe, après cet heureux combat, se rendit à Antioche et resta désormais seul maître de la Syrie[249].

Dans la même année (87 av. J.-C.), Antiochus surnommé Dyonisus, frère de Philippe, réussit à s’emparer de Damas, où il prit le titre de Roi. Mais ayant commencé une campagne contre les Arabes, Philippe profita de son absence et rentra en possession de Damas. Ce frit pour bien peu de temps. Milésios, gouverneur de la ville, l’avait livrée à Philippe, dans l’espérance que sa trahison lui serait grassement payée. Philippe se montra ingrat, d’abord par économie, et ensuite parce qu’il aimait mieux laisser croire que c’était à la puissance de son nom, et non à la perfidie de Milésios, qu’il avait dû la reddition de Damas. Ce calcul lui porta malheur et Milésios le voyant sortir pour se rendre au cirque, fit fermer les portes de la ville d’où Philippe se vit ainsi ex-pulsé sans coup férir. Antiochus était donc redevenu maître de Damas. Dès qu’il apprit ce qui s’était passé, il s’empressa de quitter l’Arabie et de regagner sa capitale. Peu après il voulut retourner en Arabie, et passer par la Judée, à la tête d’une armée de 8.000 fantassins et de 800 cavaliers. Alexandre Jannée effrayé à l’annonce de sa venue, essaya de lui barrer le passage ; pour cela il fit creuser un fossé profond à partir de Chabarzaba qui s’appelle aujourd’hui Antipatris, fait observer Josèphe (c’est la Kafer-Saba de nos jours) jusqu’à lamer de Joppé, seul point par lequel l’armée syrienne pouvait trouver une route facile. Un mur élevé tout le long du fossé, et garni de tours de bois et ‘de palissades, coupait la route d’Antiochus, sur une largeur de 150 stades. Antiochus réussit à ruiner et à incendier cet obstacle, et conduisit de là son armée victorieuse vers l’Arabie. Il rencontra bientôt l’ennemi qui, feignant de céder, lui opposa tout à coup une masse de dix mille cavaliers, avec lesquels Antiochus eut à combattre inopinément. Il fit avec les siens des prodiges de valeur, et paya la victoire de sa vie, en courant soutenir un point où sa ligne de bataille paraissait fléchir. Dès qu’Antiochus fut tué, son armée se débanda et s’enfuit au bourg de Cana (Κανά) où la plupart de ses soldats moururent de faim[250].

Une fois leur roi Antiochus Dyonisus mort, les Damascènes que haïssaient et redoutaient leur puissant voisin Ptolémée, fils de Mennæus, tétrarque de Chalcis, offrirent le royaume de Cœlésyrie à Arétas, roi des Arabes. Arétas se mit en marche pour gagner sa nouvelle capitale, et passa naturellement par la Judée[251]. A celui-là aussi Alexandre Jannée essaya de barrer la route ; mais il fut battu près d’Adida, forteresse dont nous avons, déjà parlé, et qui était proche dé Lydda, et un traité étant intervenu entre le vainqueur et le vaincu, Arétas s’éloigna de la Judée.

Alexandre recommença alors une expédition contre les villes situées au delà du Jourdain : Dium fut prise la première, puis il marcha sur Essa, où étaient renfermés les trésors de Zénon. Il enceignit la place d’un triple mur de contrevallation, et finit par la prendre d’assaut. Puis il marcha sur Gaulana et Séleucie qu’il prit également, ainsi que la vallée nommée la vallée d’Antiochus et la forteresse de Gamala : pour s’emparer de toutes ces places, il dut faire valoir les griefs, vrais ou faux, qu’il avait contre Démétrius qui en était le possesseur, et il réussit à le dépouiller de cette province. Toutes ces conquêtes s’accomplirent en un espace de trois années (de 84 à 82 av. J.-C.) et lorsque Alexandre Jannée rentra à Jérusalem, il y fut bien reçu cette fois, grâce aux succès qu’il avait remportés[252].

En ce moment l’autorité du Roi des Juifs s’était étendue sur une foule de villes des Syriens, des Iduméens et des Phéniciens ; ainsi, sur la côte, ils possédaient la tour de Straton, Apollonias, Joppé, Jamnia, Azot, Gaza, Anthédon, Raphia et Rhinocolura (El-Arich) : dans les terres, du côté de l’Idumée, Adora et Marissa ; puis la Samarie, le Mont Carmel et le Mont Thabor, Scythopolis, Gadara, La Gaulanite, Séleucie, Gabala ; chez les Moabites, Essebon, Medaba, Lemba, Oronce, Telithon, Zara (Zoara ?) la vallée cilicienne (Κιλίxων αύλώνα) et Pella. Celle-ci fut rasée, parce que ses habitants refusèrent d’adopter la foi religieuse des Juifs[253].

Depuis plus de deux années déjà Alexandre Jannée s’était adonné à l’ivresse, et, par suite de son intempérance, avait été pris d’une fièvre quarte qui ne le quittait plus. Il n’en continua pas moins à guerroyer ; et il alla mourir devant la place de Ragaba, dont il avait commencé le siège : Ragaba était une ville des Geraséniens, située par conséquent sur la rive orientale du Jourdain[254].

Lorsqu’elle le vit à toute extrémité, la Reine, qui se nommait Alexandra, se mit à fondre en larmes et à se lamenter, en envisageant l’avenir de ses enfants et le sien ; car ils allaient rester sans protection : A qui, dit-elle, me laisses-tu, à qui laisses-tu tes enfants qui ont tant besoin d’un appui étranger, toi qui sais combien la nation t’est hostile ? Alexandre agonisant lui recommanda de suivre ses derniers conseils, si elle voulait conserver sa couronne et ses enfants : Cache ma mort à l’armée, lui dit-il, jusqu’à ce que la place soit emportée ; rentre alors triomphalement à Jérusalem, et remets une certaine autorité entre les mains des Pharisiens. Eux seuls, reconnaissants de l’honneur que tu leur feras, sauront te concilier la bienveillance du peuple. Il ajouta que les Pharisiens étaient tout-puissants sur les Juifs ; qu’ils étaient en mesure de perdre ceux qu’ils détestaient, comme de sauver ceux auxquels ils voulaient du bien ; que la multitude avait une foi aveugle en toutes leurs paroles, bonnes ou mauvaises, et qu’il ne devait la haine de la nation, qu’à d’injure qu’il leur avait faite jadis : Dès que tu seras rentrée à Jérusalem, dit-il en terminant, mande leurs principaux chefs, montre-leur mon cadavre, et en t’ingéniant pour leur faire croire à la sincérité de tes paroles, offre-leur de me traiter à leur gré, soit qu’ils veuillent priver mes restes des honneurs de la sépulture, en souvenir du mal que je leur ai fait, soit qu’ils veuillent, dans leur ressentiment, infliger quelque autre châtiment à ma dépouille mortelle. Sois assurée que si tu leur parles ainsi ils se chargeront de me faire des funérailles plus splendides que celles que tu pourrais me faire toi-même. Précisément, parce qu’il leur deviendra loisible de me faire injure à moi mort, cela ne leur conviendra plus ; de la sorte tu règneras en toute sécurité.

Après avoir ainsi parlé à la Reine, Alexandre Jannée rendit le dernier soupir, à l’âge de 49 ans, dont il avait passé 27 sur le trône[255].

Josèphe dit ici qu’Alexandre Jannée légua l’autorité royale à sa femme ; il pensait que les Juifs se soumettraient volontiers à elle, parce que d’abord elle était loin de partager ses sentiments de cruauté, et qu’ensuite elle résisterait toujours à toute violation des lois. Cette espérance se réalisa d’autant plus facilement qu’Alexandra, sincèrement attachée aux pratiques religieuses de ses pères, n’hésitait pas à dépouiller de toutes leurs dignités tous ceux qui enfreignaient les lois sacrées.

La reine Alexandra suivit de point en point les instructions que lui avait laissées, en mourant, son époux Alexandre Jannée. Aussitôt que Ragaba fut prise, elle rentra à Jérusalem, convoqua les Pharisiens, leur remit tout pouvoir d’agir à leur guise à l’égard des restes mortels de son mari, et de régler les affaires de l’État. Leur ressentiment contre Alexandre s’éteignit aussitôt, et, d’ennemis acharnés qu’ils avaient été, ils devinrent des amis dévoués[256].

Ils convoquèrent aussitôt le peuple en assemblée générale, récapitulèrent devant lui toutes les grandes choses qu’Alexandre avait effectuées durant son règne ; ils déclarèrent que le Roi qu’ils avaient perdu était un juste. En un mot, ils firent de lui un éloge complet, que le peuple le pleura, et que le deuil général qui accompagna ses obsèques surpassa en magnificence tout ce qui avait jamais été fait pour un des Rois ses prédécesseurs.

Alexandre laissait deux fils, Hyrcan et Aristobule ; mais par son testament il léguait l’autorité souveraine à sa veuve Alexandra. Des deux enfants issus de son mariage, l’aîné, Hyrcan, montrait peu de capacité et témoignait d’ailleurs un véritable goût pour la vie calme ! Le plus jeune, Aristobule, au contraire, était rusé et audacieux. Quant à la Reine, elle était vénérée par le peuple parce qu’elle avait réprouvé publiquement les méfaits de son mari[257].

Hyrcan fut créé, Souverain Pontife, tant à cause de son âge que de son indolence naturelle, et la conduite des affaires publiques fut confiée tout entière aux Pharisiens. Toutes les institutions que Jean Hyrcan avait jadis abolies, et que les Pharisiens avaient reçues de leurs pères, par la tradition, furent aussitôt remises en vigueur.

En un mot, Alexandra avait bien le titre de Reine, mais en réalité, c’étaient les Pharisiens qui gouvernaient ; ainsi ils rappelaient les exilés, délivraient ceux qui étaient incarcérés et étaient les véritables souverains. Cependant, de son côté, la Reine donnait tout son temps aux affaires de l’État ; elle recruta beaucoup de mercenaires et développa si bien la puissance de la Judée, que tous les tyrans ses voisins furent pris de crainte et se virent obligés de lui livrer des otages.

Dans ces conditions le pays eût joui d’une tranquillité parfaite, sans les Pharisiens ; ceux-ci en effet obsédaient la Reine, pour la décider à sévir contre les hommes qui avaient poussé Alexandre à envoyer au supplice les 800 captifs dont il s’était emparé. Ils finirent par tuer eux-mêmes[258] l’un d’eux nommé Diogène, et après lui, bien d’autres tour à tour ; si bien que quelques-uns des plus grands personnages de l’État se rendirent au palais avec Aristobule. Celui-ci en effet ne cachait pas l’indignation qu’il ressentait pour tout ce qui se passait, et il déclarait hautement que s’il se sentait assez fort, il ne permettrait pas à sa mère de supporter tous les actes qu’elle laissait accomplir. Ils rappelèrent hautement à Alexandra avec quel bonheur ils avaient bravé les plus grands périls pour se montrer fidèles et énergiques serviteurs de son époux, ce qui leur avait valu les plus grandes récompenses ; ils venaient donc la supplier de ne pas souffrir que leurs espérances fussent à jamais anéanties. En ce moment ceux qui avaient échappé aux périls de la guerre étaient égorgés chez eux, comme des moutons, sans que personne s’occupât de venger leur mort. Ils ajoutaient que si leurs ennemis se contentaient des victimes qu’ils avaient déjà immolées, ils supporteraient avec résignation tout ce qui était arrivé ; mais que si au contraire ces assassinats devaient continuer, ils réclamaient par dessus tout des ordres ; car ils n’étaient pas gens à chercher leur salut en dehors de la Reine, eux qui étaient prêts à mourir joyeusement dans le palais, si leur grâce ne leur était pas octroyée ouvertement. Ils dirent que ce serait une honte éternelle pour eux et pour la Reine, s’ils étaient obligés, à cause de son indifférence, d’implorer l’aide des ennemis de son mari. A la tête ils plaçaient à juste titre Arétas, le roi des Arabes, et d’autres princes, dont il suffisait de prononcer les noms pour inspirer la terreur à leurs égorgeurs ; que si ce dernier parti ne lui convenait point, si elle pensait que les Pharisiens la servaient honorablement, elle n’avait qu’à les disséminer eux-mêmes dans les places fortes ; car si quelque démon poussait jusque-là la persécution de la maison d’Alexandre, ils étaient prêts à rentrer dans la condition la plus humble[259].

En entendant ces paroles et les invocations que ces infortunés adressaient aux mânes d’Alexandre, en faveur des victimes déjà frappées, et de tous ceux que le même sort menaçait, les assistants furent émus jusqu’aux larmes, et Aristobule laissant bien voir les sentiments dont il était animé, se répandit en reproches violents contre sa mère. Il accusa les grands d’être les propres auteurs de leurs maux, eux qui avaient laissé les rênes de l’État entre les mains d’une femme, dont l’ambition n’avait pas de bornes, et cela contre toute justice, et comme si le Roi défunt n’avait pas d’héritiers directs de sa couronne. Alexandra ne sachant quel parti prendre, se décida au dernier parti qui lui avait été proposé, et confia à ceux qui étaient venus se plaindre si amèrement, la garde de toutes les forteresses, à l’exception d’Hyrcania, d’Alexandrium et de Machaerous, où tous ses trésors étaient déposés. Peu de temps après, elle envoya son fils Aristobule, avec une armée, à Damas contre Ptolémée, fils de Mennæus, qui était un voisin trop incommode et trop dangereux pour les Damascènes.

Le jeune prince, après une campagne où il ne se distingua guère, rentra à Jérusalem[260].

A cette époque on apprit que Tigrane, roi d’Arménie, qui avait envahi la Syrie à` la tête d’une armée de 500.000 hommes, se proposait d’entrer en Judée. On comprend combien cette nouvelle inattendue effraya la Reine et le peuple ; Tigrane assiégeait déjà Ptolémaïs, où était enfermée la Reine Cléopâtre, lorsque arrivèrent auprès de lui des ambassadeurs d’Alexandra, porteurs de présents somptueux. C’était Cléopâtre Séléné, qui était alors sur le trône de Syrie, qui avait poussé la population à refuser l’entrée de leur ville à l’envahisseur. Les ambassadeurs juifs supplièrent Tigrane de renoncer à tout fâcheux dessein contre leur Reine et leurs compatriotes. Celui-ci les remercia de ce qu’ils étaient venus d’avance lui rendre hommage, et leur donna de bonnes espérances. Ptolémaïs était prise, lorsque Tigrane apprit que Lucullus, qui avait poursuivi Mithridate, n’avait pu l’atteindre, parce qu’il s’était réfugié en Ibérie, et se dédommageait de son insuccès en ravageant l’Arménie. Tigrane vola aussitôt à la défense son pays[261].

Peu de temps après, Alexandra tomba gravement malade, Aristobule, croyant l’occasion favorable pour s’emparer de la couronne, s’échappa nuitamment de Jérusalem, accompagné d’un seul serviteur, et courut en hâte aux places fortes dans lesquelles se trouvaient les amis de son père. Depuis longtemps, nous l’avons déjà dit, il blâmait ouvertement les actes de sa mère, et il craignait bien plus encore qu’elle une fois morte, toute la famille de celle-ci ne restât au pouvoir des Pharisiens. Ce qui lui donnait cette appréhension, c’était surtout l’incapacité de son frère, qui devait, comme aîné, monter sur le trône. Il n’avait fait part de ses projets qu’à sa femme, qu’il laissa à Jérusalem avec ses enfants. Ce fut d’abord à Agaba, où commandait Gabœstus, l’un des grands subissant cette espèce d’exil, qu’il se rendit ; il fut reçu à bras ouverts.

Dès que le jour fut venu, la reine fut instruite de la fuite d’Aristobule, et elle refusa longtemps de croire qu’il s’était éloigné avec le projet de tenter une révolution ; mais tant d’avis lui arrivèrent coup sur coup, pour lui annoncer qu’il avait occupé une place forte, puis deux, puis toutes (car il réussissait partout), qu’une inquiétude extrême l’empara d’elle, comme du peuple entier. Tous en effet, et Hyrcan à leur tête, jugeaient bien prochain le moment où Aristobule, déjà Roi de fait, serait le maître absolu de l’État, et tremblaient d’avoir à subir le châtiment qu’il ne manquerait pas de leur infliger, pour leur payer tout le mal qu’ils avaient fait à sa famille. La Reine et le peuple prirent le parti de s’emparer de la femme et des enfants d’Aristobule, et de les incarcérer comme otages dans la forteresse qui dominait le temple au nord, c’est-à-dire dans Baris[262].

Les progrès d’Aristobule étaient immenses, et déjà il agissait en Roi. En quinze jours, il avait occupé 22 forteresses, et une armée considérable, fournie par le Liban, par la Trachonite et par les monarques voisins, s’était rassemblée autour de lui.

La victoire dit-on est toujours du côté des gros bataillons, mais beaucoup d’hommes sont disposés à faire comme la victoire ; ainsi beaucoup des adhérents d’Aristobule espéraient que l’ayant servi quand la fortune lui était peu favorable, ils ne tireraient pas un moindre profit de son élévation, au trône, puisqu’ils y auraient contribué.

Parmi les Juifs, à Jérusalem, les anciens et le pontife Hyrcan se présentèrent devant la Reine, pour lui demander conseil dans ces pressantes conjonctures. Aristobule, lui dirent-ils, déjà maître de tant de points importants, était bien près de devenir maître de tout le reste ; dans ces circonstances, il ne pouvait leur convenir de rien décider sans la consulter toute malade qu’elle fût. Le danger était imminent ; il était presque aux portes de la capitale. Alexandra leur répondit de faire ce qu’ils voudraient : qu’il leur restait de grandes ressources, une nation vigoureuse, et l’armée, et l’argent du fisc ; toutes choses dont ils pouvaient disposer à leur guise ; que, quant à elle, elle n’avait plus de souci des affaires de l’État, lorsque les forces et la vie l’abandonnaient[263].

Peu de moments après avoir prononcé ces paroles, elle expira. Elle était âgée de 73 ans, et en avait passé 9 sur le trône. C’était une femme forte, et qui jamais ne fit paraître la faiblesse de son sexe. Elle avait une ambition effrénée du pouvoir ; mais elle prouva qu’elle ne possédait point les qualités nécessaires pour tenir convenablement les rênes d’un État. Toute au présent et peu soucieuse de l’avenir, ne tenant compte de rien, pourvu qu’elle fût toute puissante, elle ne s’appliquait pas à discuter ce qui était honnête et juste, et à ne faire que cela. Elle arriva de la sorte à gouverner si mal les intérêts de sa race, que celle-ci bien peu de temps après perdit la puissance que les princes Asmonéens n’avaient conquise qu’à force de périls et de labeurs, et elle la perdit par le manque de tout ce qu’elle avait regardé comme inutile ; parce qu’elle se laissa trop souvent endoctriner par les ennemis de la famille royale, et parce qu’elle priva le royaume de l’appui des grands ; il en résulta que les conséquences de sa déplorable administration des affaires furent, après elle, des calamités et des perturbations sans cesse renaissantes dans le palais. Il faut cependant nous hâter d’ajouter que, malgré sa manière de gouverner, elle vit, pendant toute la durée de son règne, la paix se maintenir en Judée[264].

J’ai longuement raconté dans la première partie de l’Histoire d’Hérode tous les événements qui, à partir de la mort d’Alexandre, amenèrent la ruine de la dynastie Asmonéenne, au profit de la race Iduméenne d’Antipater et d’Hérode ; recommencer ici ce récit que j’ai présenté avec tous les détails désirables serait donc parfaitement inutile. Je me bornerai à dire, en deux mots, qu’après les péripéties les plus fatales pour la nationalité Judaïque, les deux fils d’Alexandre Jannée et d’Alexandra, Hyrcan et Aristobule périrent, le premier assassiné par Hérode, le second empoisonné par les ennemis de César ; qu’Aristobule en mourant laissait un fils, Antigone, qui ceignit la couronne royale pendant un petit nombre d’années, pour périr enfin par la hache du bourreau, à l’instigation de l’infâme Hérode, qui, plus tard frappa sans pitié tout ce qui restait de la race des Macchabées.

Les actes de la vie de chacun des princes Asmonéens ayant été minutieusement racontés par moi, je laisse à mes lecteurs le soin de formuler par eux-mêmes le jugement applicable à chacun de ces princes.

Sans doute les Macchabées ont rendu de signalés services à la nationalité Judaïque ; sans doute ils ont réveillé, chez la plupart de leurs compatriotes, un amour ardent de la liberté, de la liberté religieuse surtout. S’ils n’avaient fait que cela, il n’y aurait que des éloges, sans restriction, à adresser à leur mémoire. Loin de là ! Nous les avons vus souvent se livrer aux plus déplorables écarts des passions humaines ; dès lors le prestige dont on a revêtu leurs noms s’est évanoui à mes yeux.

Les Macchabées ont été admirés et glorifiés outre mesure ; nous nous contenterons, nous, de louer ce qu’ils ont fait de noble et de juste, en nous réservant de condamner, sans scrupule, ce qu’ils ont fait de mal.

 

FIN

 

 

 

 



[1] I Macchabées, I, v. 40 et 41. — II Macchabées, 27. — Josèphe, Antiquités judaïques, XII, VII, et Guerre, I, I, 3. Dans ce passage, le nom du père des Macchabées est écrit Ματθίας, et celui de son village Μωδεείν. Où est Modiim, ou Modeïn ? les avis sont partagés ; les uns placent cet illustre village à Souba, les autres à Latroun, d’autres enfin à Modiyeh, près d’el-Loudd : très probablement ceux-ci sont les mieux avisés.

[2] Dans la guerre judaïque (I, I, 3) c’est Bacchides lui-même que Mattathias et ses fils égorgent, avant de se réfugier dans le désert.

[3] Antiquités judaïques, XII, VI, 2. Cette dernière assertion de Josèphe semble contredite parle IIe livre des Macchabées (v. 5 à 7) où nous lisons ceci : Judas autem Machabæus, qui decimus fuerat, secesserat in desertum locum, ibique inter feras vitam cum suis in montibus agebat, et fœni cibo vescentes, demorabantur, ne participes essent coinquinationis. Mais cette contradiction n’est qu’apparente et sans doute le jour où Mattathias et ses fils s’enfuirent de Modiim, ils n’étaient pas plus de dix.

[4] Antiquités judaïques, XII, VI, 2. Évidemment ce fait atroce est le même fait que nous avons relevé au verset 11 du chapitre VI du IIe livre des Macchabées.

[5] Antiquités judaïques, XII, VI, 2. et Guerre, I, I (167 av. J.-C.). Tous ces mêmes faits se retrouvent avec quelques légères variantes et quelques petits détails de plus, dans le 1er livre des Macchabées (II, v. 1 à 48). Ainsi, par exemple, Mattathias y est dit issu de la famille de Joarim de Jérusalem ; ses fils sont ainsi nommés : Jean Gaddis, Simon Thasi, Judas Macchabée, Eléazar Abaron et Jonathan Apphus. Quant aux faits, ils sont identiques, et il paraît bien évident que Josèphe avait entre les mains ce 1er livre des Macchabées, lorsqu’il écrivait ses Antiquités judaïques.

[6] II Macchabées, II, v. 42.

[7] Antiquités judaïques, XII, VI, 3. — I Macchabées, 11, v. 49 à 68.

[8] Antiquités judaïques, XII, VI, 4 — I Macchabées, 11, v., 69 et 70. — Guerre, I, 3.

[9] II Macchabées, VIII, v. 1 à 7.

[10] Josèphe dans son écrit sur ces martyrs, appelés par lui et depuis lors par tout le monde les Macchabées, nous a conservé les noms de ces nobles victimes de leur foi : La mère s’appelait Solomona (alias Hanna) et les fils, Macchabée, Aber, Machis, Judas, Achas, Areth et Jacob.

[11] Antiquités judaïques, XII, VII, 1. — I Macchabées, III, v. 10 à 12.

[12] II Macchabées, VIII, v. 8.

[13] Béthoron, c’est certainement la Beit-hour-el-fouqah de nos jours, situéé à peu de distance de Jérusalem.

[14] Antiquités judaïques, XII, VII, 1. — Macchabées, III, v. 13 à 25 (166 av. J.-C.). Faisons remarquer une fois de plus, en passant, que la comparaison du récit de Josèphe avec le récit du Ier livre des Macchabées, prouve jusqu’à l’évidence que l’historien des Juifs avait ce livre sous les yeux ; très souvent même Josèphe a textuellement copié le livre sacré, bien qu’il se soit dispensé d’en faire mention.

[15] Ce sobriquet fut donné à Antiochus en 166 av. J.-C., à propos des dépenses insensées qu’il fit pour fonder à Daphné, près d’Antioche, des jeux splendides en l’honneur d’Apollon.

[16] Antiquités judaïques, XII. VII. 2. — I Macchabées, III, v. 26 à 31. L’écrivain sacré nous apprend que ce Lysias était un noble personnage de sang royal. En vertu des instructions qui lui étaient données, touchant la Judée, il devait enlever tous les habitants de ce pays, et mettre à leur place des colons étrangers, entre lesquels les terres des Juifs seraient distribuées par la voie du sort.

[17] Ce Ptolemée, est sans doute le même que le Ptolémée, général de l’armée de Cœlésyrie, auquel Philippe, gouverneur grec de Jérusalem, avait demandé des secours.

[18] Cette Emmaüs, c’est très certainement celle qui reçut plus tard le nom de Nicopolis, et dont il n’est pas possible de nier l’identification avec l’Amouas de nos jours, localité située à l’entrée des défilés qui conduisent de la plaine de Saron, c’est-à-dire de Jaffa et de Ramleh, à Jérusalem.

[19] Antiquités judaïques, XII, VII, 3.

[20] Cette indication précise ne nous permet plus guère de conserver de doutes sur la justesse de l’identification de Maspha avec le Scopus.

[21] I Macchabées, III, v. 40 à 60.

[22] Qu’avaient-ils donc fait des dépouilles des hommes tués dans les affaires où ils avaient battu Apollonius et Séron ? Il y a là, ce me semble, une exagération. Toujours le style de Bulletin ! Judas n’avait-il pas pris lui-même l’épée d’Apollonius restée sur le terrain, et ne s’en servait-il pas d’habitude ? A qui fera-t-on croire que les soldats aussi, lorsque l’occasion s’en était présentée, avaient négligé de troquer leurs armes de rebut, contre les bonnes armes des Grecs ?

[23] Gezeron ou Gadara, c’est aujourd’hui Tell-Djezer ; Azot, c’est Esdoud, et Iamnia, c’est Iabneh.

[24] Antiquités judaïques, XII, VII, 4. — I Macchabées, VIII, v. 41 à 26. — Le récit des mêmes faits emprunté au IIe livre des Macchabées, offre des détails nouveaux assez importants pour que nous regardions comme nécessaire d’en donner l’analyse. Comme d’ailleurs ces détails sont assez peu concordants avec tout ce que nous venons de raconter, d’après le Ier livre des Macchabées et Josèphe, il n’en est que plus indispensable de fournir au lecteur les moyens de démêler lui-même ce qu’il y a de vrai et de douteux dans ce que nous savons de ces événements qui se passèrent dans la seule année 166 av. J.-C. Voici donc ce que dit le IIe livre des Macchabées (cap. VIII, v. 8 à 30).

Philippe (c’était le gouverneur syrien de Jérusalem) instruit des progrès de l’insurrection fomentée par Judas Macchabée, écrivit à Ptolémée, général en chef de l’armée de Cœlésyrie et de Phénicie, de prendre des mesures promptes pour défendre les intérêts du Roi, déjà fort compromis. Celui-ci envoya immédiatement en Judée son ami Nicanor, fils de Patrocle, personnage des plus importants. Il était à la tête d’une armée de 20.000 hommes de toutes nations, chargée d’anéantir la race juive, et il avait pour compagnon Gorgias, homme de guerre très exprimenté et très habile.

Il nous paraît certain que le IIe livre des Macchabées présente ici une lacune réelle ; car ce fut Lysias, laissé par Antiochus avec les pouvoirs d’un véritable régent, qui dirigea vers la Judée l’armée commandée par Nicanor et par Gorgias. Comment expliquer autrement que par une lacune du texte, le silence gardé sur les expéditions funestes d’Apollonius et de Séron ?

Antiochus Épiphane devait aux Romains un tribut de 2.000 talents. D’où provenait cette dette ? était-ce un arriéré du tribut de douze ans imposé par les Romains, en 189 av. J.-C., lors du traité conclu après la défaite d’Antiochus III ? C’est possible. Était-ce une amende imposée à Épiphane lui-même, lorsqu’il fut forcé d’évacuer l’Égypte, devant les menaces du Sénat ? C’est plus probable. Nicanor imagina qu’il lui serait facile de fournir à son maître les 2.000 talents en question, par la vente des Juifs comme esclaves, puisqu’il avait mission d’exterminer ce malheureux peuple. En conséquence il fit publier dans toutes les cités maritimes, qu’il allait ouvrir un immense marché d’esclaves juifs, qu’il livrerait au prix d’un talent pour quatre-vingt-dix individus. Dès que Judas fut informé de ces infâmes dispositions, il annonça l’arrivée de Nicanor à toute la nation. Beaucoup frappés de terreur s’empressèrent de fuir devant l’homme qui les vendait avant de les avoir pris. Judas Macchabée convoqua en hâte les 7.000 partisans sur lesquels il pouvait compter, et les supplia de se préparer à combattre, sans trêve ni merci. Il les trouva tels qu’il l’espérait, c’est-à-dire prêts à mourir pour leur sainte loi et leur patrie. Il prit alors toutes ses dispositions. A chacun de ses frères, Simon, Joseph et Jonathan, il donna le commandement de 1.500 hommes. Il fit lire ensuite par Esdras (Quel Esdras ? N’y a-t-il pas ici un souvenir malencontreusement utilisé ?) les livres saints à ses soldats, et prenant lui-même le commandement des 1.500 hommes restants, qui formaient le premier corps de bataille, il engagea le combat avec Nicanor. Gràce à l’interventiou divine, plus de 9.000 Syriens périrent dans la bataille ; il y eut un nombre de blessés plus grand encore ; l’armée grecque prit la fuite.

L’argent des trafiquants qui étaient accourus pour la vente des esclaves, fut saisi et les fuyards furent poursuivis dans toutes les directions. Malheureusement l’heure tardive força les Juifs de renoncer à la poursuite, et ils durent rentrer parce que l’on était à la veille du sabbat. Après la célébration du saint jour, une part du butin fut distribuée aux faibles, aux orphelins et aux veuves.

[25] C’est Bordj-Sour ou Beit-Sour, localité ruinée placée sur la hauteur à droite de la route de Jérusalem à Hébron, en face de la fontaine où fut baptisé l’eunuque de la reine Candace, c’est-à-dire da l’ayn-ed-diroueh. Le Ier livre des Macchabées mentionne Béthoron au lieu de Beit-Sour, et nous n’hésitons pas à croire que l’écrivain sacré est dans le vrai ; pourquoi en effet cette marche sur Beit-Sour placé au sud de Jérusalem ?

[26] Antiquités judaïques, XII, VII, 5. — I Macchabées, IV, v. 25 à 35 (165 av. J.-C.).

[27] Dans la Guerre judaïque (I, I, 4), Josèphe concentre en quelques lignes, le récit de tout ce que Judas entreprit contre Antiochus Épiphane. Il y est dit que lorsqu’il reprit Jérusalem, il chassa les Grées de la ville haute, s’empara du temple qu’il purifia, et refoula les soldats d’Antiochus dans la ville basse, qui s’appelle Akra.

Josèphe termine ce paragraphe en disant que presque aussitôt après le rétablissement du culte à Jérusalem, Antiochus Épiphane mourut, et que son fils et successeur, Antiochus Eupator, hérita de sa haine contre les Juifs.

[28] Il y a dans le texte de Josèphe une erreur de chiffre ; puisque la 154e olympiade n’a commencé que l’an 149 des Séleucides (164 av. J.-C.), c’est donc dans la durée de la 153e olympiade qu’eurent lieu et la profanation et la purification du temple. Le 25 d’apellæus correspond au 25 novembre.

[29] Antiquités judaïques, XII, VII, 6. Nous ne nous arrêterons pas à discuter ici la valeur de cette assertion de Josèphe. Quant au chiffre de 408 ans qu’il mentionne, il est possible qu’il soit exact, puisque la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor eut lieu en 588 av. J.-C., et que de 165 à 588 il s’est écoulé 423 ans. En ce sens Josèphe placerait la prophétie de Daniel en 573 av. J.-C. Or en cette année Nabuchodonosor était encore sur le trône.

[30] I Macchabées, IV, v. 36 à 55 ; cf. II Macchabées, X, v. 1 à 8. Le verset 3 nous apprend que le feu des sacrifices fut tiré d’une pierre à feu. Seulement ce même verset prétend à tort que l’interruption du culte ne dura que deux ans.

[31] Antiquités judaïques, XII, VII, 7. — I Macchabées, IV, v. 56 à 59. Nous citerons ici, comme très intéressant, le verset 37 : Et ornaverunt faciem templi coronis aureis et scutulis ; et dedicaverunt portas et Pastophoria ; et imposuerunt eis januas. (II Macchabées, X, v. 6 à 8). Ce dernier texte est très curieux en ce qu’il nous donne quelques détails sur la nature de la fête commémorative ; nous le reproduisons donc intégralement. 1. Et cum lætitia dies octo egerunt in modum tabernaculorum ; recordantes quod ante modicum temporis diem solemnem tabernaculorum, in montibus et in speluncis, more bestiarum egerant. 7. Propter quod thyrsos, et ramos virides et palmas præferebant ei qui properavit mundare locum suum.

[32] Antiquités judaïques, XII, VII, 7.

[33] I Macchabées, IV, v. 60 et 61.

[34] Macchabées 5 dit cap. 5. Gazer, c’est certainement Machærous, ainsi que l’a démontré M. Auguste Parent. C’est aujourd’hui M’kaour.

[35] Qu’est-ce que Dathema ? nous l’ignorons.

[36] Antiquités judaïques, XII, VIII, I. — I Macchabées, V, v. 10 à 15. Le récit du Ier livre des Macchabées précise ou modifie quelque peu certains faits. Ainsi au verset 3 nous voyons que ce fut en Idumée même, que les Iduméens de la race d’Ésaü furent défaits. Judas était donc allé les atteindre chez eux. L’écrivain sacré ajoute : et eos qui erant in Arabathane (il faut certainement lire : Acrabathane) ; il y eut donc deux expéditions distinctes contre les Iduméens. Quant aux bandits désignés sous le nom de fils de Bean, le texte sacré n’en fait qu’une troupe de voleurs de grand chemin.

La campagne de Judas en Ammonitide fut beaucoup plus sérieuse ; de nombreux combats eurent lieu. L’armée ennemie avait pour général le même Timothée dont parle Josèphe. Les Juifs enlevèrent Gazer (nous avons déjà dit que ce nom désigne certainement Machærous) et en enlevèrent les femmes ; puis ils reprirent la route de la Judée. A propos de la dépêche envoyée par les Juifs du pays de Galaad, forcés de s’enfermer dans Dathema, en fuyant devant Timothée, le texte sacré donne l’indication suivante qui la termine : omnes fratres nostri qui erant in lotis Tubin (encore un nom inconnu), interfecti sunt, et captivas duxerunt uxores eorum, et halos et spolia et peremerunt illic fere mille viros. On voit que ce n’était pas sans sujet que les malheureux Juifs Galaadites invoquaient l’assistance de leurs frères de Judée.

[37] I Macchabées, V, v. 16.

[38] Antiquités judaïques, XII, VIII, 2. — I Macchabées, V, v. 17 3 23. Le dernier de ces versets est ainsi conçu : Et assumpsit eos qui erant in Galilæa et in Arbatis, cum uxoribus et natis et omnibus quæ erant illis, et adduxit in Judæam cum lætitia magna. Nous devons soupçonner que le nom Arbatis est un altération du nom Acrabatis.

[39] Βοσορράν, c’est certainement Bostra.

[40] 165 av. J.-C. Qu’est-ce-que Mallès ? Chasphoma ? Bosor ? Le livre des Macchabées (I Macchabées, V, v. 24 à 36) nous est ici d’un faible secours, et tous ces noms de lieu, dans le récit sacré, comme dans le récit profane, semblent bien altérés. En effet lorsque l’auteur du Ier livre des Macchabées raconte l’expédition de Judas, il appelle les Nabathéens, Nabuthéens ; mais c’est là sans aucun doute une faute de copiste. Le verset 26 est important ; le voici : Et quia multi ex eis comprehensi sunt in Barasa et Basa, et in Alimis, et in Casphor, et Mageth et Carnaïm, hæ omnes civitates munitæ et magnæ. Au verset 35, la Mallès de Josèphe est remplacée par Maspha ; enfin le verset 36 est ainsi conçu : Inde perrexit et cepit Casbon, et Mageth, et Bosor, et reliquas civitates Galaaditidis. Casbon est très probablement Hesbon, aujourd’hui Hesbân ; mais toutes les autres villes mentionnées, que sont-elles ? on s’y perd.

[41] Carnaïm est sans doute la localité biblique d’Asteroth-Carnaïm.

[42] Antiquités judaïques, XII, VIII, 4. — I Macchabées, V, v. 31 1 44. Le verset 42 nous fournit un curieux détail ; le voici : Ut autem appropinquavit Judas ad torrentem aquæ, statuit, seribas populi secus torrentem, et mandavit eis dicens : Neminem hominum relinqueritis, sed venient omnes in prælium. Judas qui savait payer de sa personne, passa le torrent le premier.

[43] Bethsan, c’est la Beysan de nos jours. Cet itinéraire de Judas nous prouve qu’il aurait remonté vers le nord jusqu’aux limites du pays de Galaad, et qu’il vint traverser le Jourdain au point où se voient aujourd’hui les ruines d’un pont connu des Arabes sous le nom de Djesr-omm-el-Kenâtir, le pont mère des Arches. C’est donc près de ce pont, au sud du lac de Gennézareth, et dans le voisinage même de ce lac, qu’il faut chercher Éphron.

[44] Antiquités judaïques, XII, VIII, 5. — Ούδείς γάρ έν τούτοις τοϊς πολέμοις τών Ιουδαίων άπέθανεν. Ceci est un peu trop fort et plus que difficile à croire ! — Macchabées, V, v. 45 à 54. Cette fois encore l’écrivain sacré donne, à la montagne du temple le nom de Sion v. 54, et ascenderunt in mentem Sion cum lætitia et gaudio, et obtulerunt holocausta, et quod nemo ex eis cecidisset donec reverterentur in pace.

[45] Antiquités judaïques, XII, VIII, 6. — I Macchabées, V, v. 55 à 64. — (165 av. J.-C.).

[46] Antiquités judaïques, XII, VIII, 6. — I Macchabées, V, v. 63 à 68.

[47] Antiquités judaïques, XII, IX, 1. — Cf. Polybe (in excerptis Valesii), 1. — Macchabées, VI, v. 1 à 16.

[48] Antiquités judaïques, XII, IX, 2.

Saint Jérôme (id cap. XI. Danielis) nomme la ville de Tabas en Perse ; mais d’un autre côté Étienne de Byzance cite une Tabæ dans la Pérée et nous pencherions singulièrement pour cette dernière ville, si nous ne lisions au chap. VI. du Ier livre des Macchabées, verset 13 : Cognovi ergo quia propterea invenerunt me mala ista et ecce pereo tristitia magna in terra aliena.

[49] II Macchabées, ch. IX entier.

[50] Chacun sait que c’est une lettre écrite aux Juifs résidant en Égypte, par leurs frères établis à Jérusalem, pour les engager à célébrer, par une fête annuelle, le souvenir de la purification du temple. Cette lettre est datée de l’an 188 (de l’ère des Séleucides, 125 av. J.-C.).

[51] Nanea. C’est la déesse Anaïtis ou Anaæa des Orientaux, assimilée par les Grecs à leur Vénus ou à leur Diane, grâce aux attributs multiples de cette divinité essen tiellement asiatique.

[52] II Macchabées, I, v. 11 à 16.

[53] Ann. Reg. Syriæ, Proleg., pars II, cap. IV.

[54] Néhémie n’est venu à Jérusalem que 137 ans après la célébration de ce premier sacrifice ; l’autel des holocaustes en effet recommença à fonctionner devant Zorobabel, en l’an 521 av. J.-C. et Néhémie n’arriva en Judée, pour la première fois, qu’en 384 av. J.-C.

[55] II Macchabées, I, v, 18 à 36. Les mots Nephthar et Naphi me sont aussi inconnus l’un que l’autre.

[56] II Macchabées, II, v. 1 à 8.

[57] Antiquités judaïques, XII, IX, 2. — I Macchabées, VI, v. 17. — II Macchabées, X, v. 9 et 10.

[58] Antiquités judaïques, XII, IX, 3. — I Macchabées, VI, v. 18 à 30.

[59] Antiquités judaïques, XII, IX, 4. — II Macchabées, X, v. 11 et 12.

[60] II Macchabées, X, v. 12 et 13.

[61] II Macchabées, X, v. 14.

[62] II Macchabées, X, v. 15 à 17.

[63] II Macchabées, X, v. 18 à 23.

[64] II Macchabées, X, v. 24 à 31.

[65] II Macchabées, X, v. 32 à 38.

[66] 70 stades font 12.950 mètres, c’est-à-dire environ 3 lieues. Beth-Zacharia, c’est aujourd’hui Beit-Zakariah, placé à gauche de la route du Bir-ed-Diroueh (devant Bordj-Sour) à Beit-lehem, à un peu plus de moitié route.

[67] Antiquités judaïques, XII, IX, I. — Guerre, I, I, 5. — I Macchabées, VI, v. 31 à 46. Notons, en passant, quelques détails qu’il ne faut pas négliger et que nous fournit ce dernier récit. L’écrivain sacré nomme Beth-Zachara le point où Judas vint camper ; les éléphants, dit-il, furent excités avec du jus de raisin et de mûres. 82 combattants étaient placés sur les tours de bois supportées par chacun de ces animaux, et son cornac en occupait l’intérieur ; l’Éléazar qui se fit écraser en tuant l’éléphant royal, est nommé ici Éléazar filius Saura, mais c’est certainement, dictus Auran, qu’il faut lire.

[68] C’est-à-dire à Djifnah. Guerre, I, I, 5.

[69] Nous avons vu que le 1er livre des Macchabées ne compte que 32 éléphants.

[70] Antiquités judaïques, XII, IX, 5. — I Macchabées, VI, v. 48 à 54. Continuons à signaler les petites différences qui existent entre les deux récits parallèles. Suivant l’écrivain sacré Antiochus vint camper devant le mont Sion. Il fit la paix avec la garnison juive de Bethsura qui se retira vaincue par la famine, è cause de l’année sabbatique ; une garnison grecque fut immédiatement installée dans la place. Le siège du temple fût commencé et toutes les« machines de guerre furent émployées. Les assiégés se construisirent aussi des machines pour répondre à celles des assiégeants, et bien des jours se passèrent ainsi à combattre. Mais la famine se fit aussi sentir dans le temple, dont les défenseurs s’enfuirent pour la plupart, de sorte qu’il n’y resta plus qu’un petit nombre de combattants.

[71] Dans la Guerre judaïque (I, I, 5) nous lisons qu’après la bataille de Beth-Zacharia, Antiochus Eupator marcha sur Jérusalem, et qu’après y être resté quelques jours, il dut se retirer faute de vivres ; il y laissa le nombre de troupes suffisant pour continuer les opérations, et alla avec le reste de son armée hiverner en Syrie (Antiquités judaïques, XII, IX, 6. — I Macchabées, VI, v. 55 à 61). L’écrivain sacré dit nettement que Lysias seul conçut ce projet et convainquit le Roi, tout comme les autres chefs de l’armée.

[72] Antiquités judaïques, XII, IX, 7. — I Macchabées, VI, v. 61 (163 av. J.-C.).

[73] C’est aujourd’hui Alep.

[74] Antiquités judaïques, XII, IX, 7 — I Macchabées, VI, v. 62.

[75] II Macchabées, XII, v. 3 à 7. La date donnée par le récit sacré à ce terrible événement est l’année des Séleucides 149 (164 av. J.-C.) ; mais cette date parait erronée et Frœlich, entre autres, admet que le supplice de Ménélas n’eut lieu que l’année suivante.

[76] Antiquités judaïques, XII, IX, 7. — I Macchabées, VI, v. 63.

[77] Près du Caire, et vers Abou-Zabel.

[78] Antiquités judaïques, XII, IX, 1. — Guerre, I, 1.

[79] I Macchabées, XII, v. 1 à 7.

[80] 240 stades font un peu plus de 44 kilomètres, c’est-à-dire onze lieues. Iamnia c’est aujourd’hui Iabneh.

[81] 9 stades font 1.665 mètres.

[82] II Macchabées, XII, v. 8 à 12.

[83] Quelle est cette ville de Caspis, avec son lac de près de 400 mètres de longueur ? J’avoue que je ne le devine pas : serait-ce par hasard, Gaza qu’on a désignée ainsi ?

[84] II Macchabées, XII, v. 13 à 16.

[85] Serait-ce le Karak de nos jours ? La distance de 750 stades, soit 45 lieues à peu près, serait assez satisfaisante.

[86] Qu’est-ce encore que cette dénomination de Tubianéens ? nous l’ignorons.

[87] II Macchabées, XII, v. 17 à 18.

[88] Serait-ce encore Carnaïm ? c’est bien probable.

[89] II Macchabées, XII, v. 19 à 22.

[90] Éphton ! encore un lieu inconnu, si ce n’est pas Éphron.

[91] II Macchabées, XII, v. 23 à 28.

[92] C’est Scythopolis, ou Beth-San, Beysan de nos jours. La distances de 28 lieues assignée à Beysan est un peu trop faible.

[93] II Macchabées, XII, v. 29 à 31.

[94] Bannoris, qu’est-ce que ce nom ?

[95] Maresa était à 10 mille d’Éleuthéropolis ou Beit-Djibrin, suivant saint Jérôme.

[96] Odollam ou Adoullam, était encore une localité proche d’Éleuthéropolis (Eusèbe et saint Jérôme).

[97] II Macchabées, XII, v. 32 a 41.

[98] II Macchabées, XII, v. 42 à 46.

[99] II Macchabées, XIII, v. 1 et 2.

[100] On le voit par cette histoire d’éléphant, il y a un souvenir vague de la bataille dans laquelle périt Éléazar Aouran, en tuant l’éléphant royal, dans le défilé de Beth-Zacharis.

[101] II Macchabées, XIII, v. 9 à 18.

[102] Usque ad Gerrenos ; qu’est-ce encore que ces Gerreni ?

[103] II Macchabées, XIII, v. 19 à 26.

[104] Antiquités judaïques, XII, X, I. — I Macchabées, VI, v. 1 à 7. La date de l’évasion de Démérius Soter est ici donnée. C’est l’an 151 de l’ère des Séleucides. — II Macchabées, XIX, v. 1 à 11. Ce chapitre commence ainsi : Sed post triennii tempus cognovit Judas, et qui cum eo erant, Demetrium Seleuci cum multitudine valida et navibus per portum Tripolis ascendisse ad loca opportuna.

Il est dit ensuite qu’Alcimus, grand prêtre repoussé de l’autel, vint trouver Démétrius et lui fit don d’une couronne d’or, d’une palme et de rameaux d’olivier également d’or, qu’il avait probablement volés au temple, sans rien demander au Roi le premier jour. Quelque temps après, il fut mandé par Démétrius, qui voulait le consulter sur l’état des esprits en Judée. Alcimus saisissant l’occasion, s’empressa d’accuser les Assidéens, secte juive dont Judas était le chef, d’éterniser la guerre, et de fomenter des rébellions perpétuelles, pour que le pays ne pût jamais jouir de la tranquillité. II eut l’audace d’ajouter : Moi-même j’ai été dépouillé de la gloire de mes aïeux, je veux dire du souverain pontificat (et cet Alcimus n’était en aucune façon issu de famille pontificale !) et je suis venu ici, d’abord par dévouement pour mon souverain, et ensuite par affection pour mes compatriotes qui souffrent des actes de ces misérables. Tant que Judas vivra, il n’y aura pas de paix à espérer. Naturellement ces perfides paroles enflammèrent la colère du roi Démétrius. Nous devons faire remarquer que l’expression post triennii tempus, dont se sert en débutant l’auteur du Ier livre des Macchabées, est forcément vicieuse, puisque Antiochus Eupator n’a régné que deux ans.

[105] Bethzetho ; dans le passage parallèle du Ier livre des Macchabées, c. VII, au verset 19, le même lieu est nommé Bethzecha. Quelle est la véritable forme de ce nom ? nous l’ignorons.

[106] Antiquités judaïques, XII, X, 2. — I Macchabées, VII, v. 8 à 20 : Il est dit ici que les personnages qui vinrent étourdiment se livrer à Bacchides et à Alcimus étaient une assemblée de docteurs, congregatio scribarum, et des chefs des Assidéens. Bacchides, en quittant Jérusalem, vint camper à Bethzecha. Il s’y saisit de beaucoup de ceux qui s’étaient réfugiés auprès de lui, et de quelques uns des habitants qu’il fit égorger ; leurs cadavres furent jetés dans un puits. — II Macchabées, XIX, v. 12 à 14 ; ici le nom de Bacchides disparait pour faire place à celui de Nicanor, officier chargé des éléphants. Disons une fois de plus que le Ier livre des Macchabées a toujours, l’apparence d’une légende populaire.

[107] Antiquités judaïques, XII, X, 3. — I Macchabées, VII, v. 21 à 25.

[108] Capharsalama m’est inconnu.

[109] Antiquités judaïques, XII, X, 4. — I Macchabées, VII, v. 26 à 32. Ici il est dit que Nicanor perdit près de 5.000 hommes dans la bataille et qu’il s’enfuit in civitatem David. Qu’entend-on ici par la cité de David, si ce n’est la ville de Jérusalem, puisque de son côté Josèphe prétend que Nicanor alla s’enfermer dans Akra ? Cf. II Macchabées, XIV, v. 12 et suiv.

[110] Adasa, Adarsa (I Macchabées, VII, v. 40). 30 stades font 5 kilomètres et demi. J’ignore ce que peut être cette localité.

[111] Antiquités judaïques, XII, X, 5. — Guerre, I, I, 6. — I Macchabées, VIII, v. 33 à 50. Nous avons ici un curieux rapprochement à faire. Le verset 32 se termine par les mots : et fugerunt in civitatem David. 33. Et post hæc verba ascendit Nicanor in montem Sion. La cité de David et le mont Sion étaient donc deux choses tout à fait différentes, pour l’auteur du Ier livre des Macchabées. Le lieu du campement de Judas est ici nommé Adarsa. La poursuite de l’armée syrienne dura toute la journée, et eut lieu depuis Adazer (n’est-ce pas encore Adarsa) jusqu’à Gazara. La tête de Nicanor fut coupée et on la suspendit aux murs de Jérusalem, avec sa main droite, de laquelle il avait menacé le temple.

[112] Dessan. Quelle est cette forteresse ? nous l’ignorons.

[113] II Macchabées, XIV, tout entier.

[114] II Macchabées, XV, entier. Le 13 du mois d’Adar était effectivement le jour fixé pour le massacre général des Juifs. Voyez le livre d’Esther.

[115] Il est difficile de ne pas reconnaître dans ce mal si subit une véritable attaque d’apoplexie ; d’ailleurs le premier livre des Macchabées parle clairement de l’attaque de paralysie dont mourut Alcimus, en l’année 153, le 3e mois (160 av. J.-C.), chap. IX, v. 54 et 55.

[116] Antiquités judaïques, XII, X, 6.

[117] Remarquons qu’ici Alcimus est dit avoir été grand prêtre pendant trois années, et qu’au livre XII (X, 6) c’est quatre années de durée qui sont attribuées au pontificat d’Alcimus.

[118] Antiquités judaïques, XII, X, 6. — I Macchabées, VIII, v. 1 à 32. — Ce chapitre est assez curieux par les détails qu’il donne, en passant, sur la composition du Sénat, où siégeaient 320 sénateurs qui délibéraient chaque jour. Il parle d’un magistrat unique élu chaque année, pour exercer le pouvoir souverain. Il y a ici une erreur, puisque les consuls annuels étaient au nombre de deux. Les ambassadeurs des Juifs sont nommés Eupolème, fils de Jean, fils de Jacob et Jason, fils d’Éléazar. Le traité qu’ils obtinrent du Sénat fut gravé sur deux tables d’airain, dont l’une fut envoyée à Jérusalem, pour qu’elle servit aux Juifs de titre à la paix et à l’amitié conclues avec les Romains.

[119] I Macchabées, X, v. 23 à 32.

[120] Arbela, c’est l’Irbil de nos jours. Les grottes dont il est ici question sont les mêmes qui plus tard furent attaquées par Hérode. Ces grottes sont bien connues aujourd’hui.

[121] Nous avons déjà dit plus haut que cette localité nous était inconnue.

[122] S’il n’y avait eu que 1.000 hommes avec Judas comment presque tous ayant fui, en serait-il resté 800 ? Il y a là incontestablement une incorrection due à quelque erreur de copiste.

[123] Antiquités judaïques, XII, XI, I. — I Macchabées, IX, v. 1 à 10. L’écrivain sacré prétend qu’Alcimus accompagnait Bacchides. Ils prirent la route de Galgala (est-ce la localité de ce nom placée près de Jéricho ? c’est possible, mais bien douteux ?) Ils vinrent camper à Masaleth qui est à Arbelles (Masaleth est peut-être le nom des cavernes d’Arbella). Ils s’en rendirent maîtres, après un grand massacre ; et le 1er du mois de l’an 152 (161 av. J.-C.) ils se mirent en marche sur Jérusalem. Ils arrivèrent ainsi à Berean (il faut probablement lire ici Bethsan), avec 20.000 hommes d’infanterie et 2.000 cavaliers. Judas avait pris position avec 3.000 hommes à Laisa (Laisa ce serait Banias ; or ces marches des deux années ne s’accordent guère). Presque tous les soldats de Judas l’abandonnèrent, à l’exception de 800 hommes. Le reste est conforme au récit de Josèphe qui s’est certainement servi du Ier livre des Macchabées.

[124] Aza, Άζά. Dans le Ier livre des Macchabées on lit Azôt ; mais ce doit être une erreur, car Azôt était bien loin de Laisa ou Banias, à dix journées de marche au moins ! C’est peut-être Azor qu’il faut lire.

[125] Antiquités judaïques, XII, XI, 2 — Guerre, I, I, 6. — On le voit, Josèphe persiste à dire que Judas a été revêtu de la dignité de grand prêtre. — I Macchabées, IX, v. 11 à 22. Ici la poursuite de l’aile droite a eu lieu : usque ad montem Azoti. De plus, l’expression dont se sert l’écrivain sacré, à propos de la remise du corps de Judas à ses frères, est : Et tulerunt (Jonathas et Siméon) Judam fratrem suum, et sepelierunt eum. Cela n’implique rien de contradictoire avec le récit de Josèphe.

[126] Son véritable nom judaïque s’écrivait Jonathan, ou mieux Iehounathan.

[127] Antiquités judaïques, XII, I, 1. — Macchabées, IX, v. 23 à 31.

[128] Έπί τό ύδορ τό xαλούμενον λάxxον Άσφάρ. Antiquités judaïques, XIII, I, 2. — I Macchabées, v. 32. Ici il est dit que Jonathas, et ses partisans se réfugièrent dans le désert de Thecua, au bord de Lac Aphar. Une fois de plus il est clair que Josèphe a copié le livre des Macchabées, sans oser substituer le nom Asphaltite au nom Aphar, qu’il s’est contenté de changer d’instinct en Asphar. Thecua est aujourd’hui Tekouâ, au sud-ouest du Djebel Foureïdis, et à une lieue environ.

[129] Antiquités judaïques, XIII, I, 2. — I Macchabées, IX, v.12 à 37. Il est dit ici que Bacchides et son armée traversèrent le Jourdain, pendant la célébration du sabbat. Les Nabathéens sont encore cette fois nommés Nabuthéens, et l’écrivain sacré dit que la mission de Jean était d’obtenir d’eux des vivres pour la petite armée juive. Les bandits qui se saisirent de Jean sont appelés les fils de Jambri, de Madaba.

[130] Antiquités judaïques, XIII, I, 3. — Macchabées, IX, v. 43 1 50. Le verset 45 est bien singulier : Ecce bellum ex adverso, aquæ verso Jordanis hinc et inde, et ripæ, et paludes, et saltus, et non est locus divertendi. Cela ne peut s’expliquer qu’en admettant que les Juifs étaient acculés dans une sorte de presqu’île du Jourdain. Nous lisons ensuite (v. 48) : Et desiliit Jonathas et qui cum eo erant in Jordanem, et transnataverunt, ad eos Jordanem. 49. Et ceciderunt de parte Bacchidis die illa mille viri ; et reversi sunt in Jerusalem.

[131] Pour Jéricho, Emmaüs, Bethorou et Bethela, pas d’incertitudes ; il s’agit d’Er-Riha, d’Amouas, de Beit-hour-el-Fotigah, et de Beitin. Quant à Tamnatha, c’est probablement la Timnah où était le tombeau de Josué, aujourd’hui Tibneh ; Pharathô c’est peut-être Ephrath ; Tokhoa, c’est sans doute la Tekoûa biblique aujourd’hui Tekouâ, comme alors ; et Gazara c’est Gezerah.

[132] Antiquités judaïques, XIII, I, 3. — I Macchabées, IX, v. 50 à 53. Les localités fortitîées par l’ordre de Bacchides sont nommées ici : Jéricho, Emmaüs, Beth-Horon, Beth-el, Tamatha, Phara et Thopo. Ces trois derniers noms sont entièrement altérés. Il est dit que Bethsoura, Gazara et la citadelle (de Jérusalem sans doute) furent abondamment pourvues de soldats et de vivres.

[133] Antiquités judaïques, XIII, I, 4 et 5. — I Macchabées, IX, v. 37 et 42. On lit ici : Quia filii Jambri facerent nuptias magnas et ducerent sponsam ex Madaba, filiam unius de magnis principibus Chanâan, cum ambition magna ; et ecce tumultus et apparalus multus ; et sponsus processit, et amici ejus et fratres ejus, obviam illis, cum tympanis et musicis et armis multis.

[134] Antiquités judaïques, XIII, I, 5. — I Macchabées, IX, v. 57 à 61.

[135] I Macchabées, IX, v. 54 à 57.

[136] Bethalaga, bourgade du désert, n’est très probablement que Bethagla de l’Écriture sainte, c’est-à-dire l’endroit nommé aujourd’hui Qasr-Adjlah et Ayn-Adjlah, placé à environ deux lieues au sud est de Jéricho, entre Er-riha et la mer Morte. Là se voit aujourd’hui le couvent ruiné qui porte encore le nom de Qasr-Adjlah et une source, autour de laquelle on ramasse à foison des gros cubes de mosaïque, bien qu’il n’existe sur le sol aucune ruine apparente, autre que celle du couvent de moyen âge, dont il vint d’être question. Probablement la ruine nommée Qasr-el-Yalhoud, et placée prés de là, représente la forteresse dont il s’agit.

[137] Antiquités judaïques, XIII, I, 5. — I Macchabées, IX, v.62 à 64. Au lieu de Bethalaga l’écrivain cite Beth-Bessen, comme la place de refuge de Jonathas. D’où sort ce nom de Beth-Bessen, d’une bourgade située dans le désert ? Nous l’ignorons. Le texte sacré dit ici : Et extruxit diruta ejus, et firmaverunt eam. C’était donc une place demantelée, qu’il était assez facile de remettre promptement en état de défense. Bacchides vint asseoir son camp desuper Beth-Bessen, au-dessus de la placé à assiéger. Dans l’attaque opérée la nuit par Jonathas, Odares et ses frères, et les fils de Phaseron, furent massacrés dans leurs tentes. La colère de Bacchides ne se borna pas à des reproches, et un grand nombre de transfuges furent encore une fois punis de mort.

[138] C’est évidemment Makhmas qui est placée au nord-est de Jérusalem, et à quelques lieues à peine.

[139] Antiquités judaïques, XIII, I, 6. — I Macchabées, IX, v. 70 à 73.

[140] Antiquités judaïques, XIII, II, 1. — I Macchabées, X, v. 1.

[141] Antiquités judaïques, XIII, II, 1. — I Macchabées, X, v. 2 à 14 ; au verset 11 nous lisons : Et dixit facientibus opera ut extruerent muros, et montem Sion in circuitu, lapidibus quadratis, ad munitionem ; et ita fecerunt.

Puis plus bas, v. 14 : Tantum in Bethsura remanserunt aliqui ex his qui reliquerant legem et præcepta Dei ; erat enim hæc eis ad refugium.

[142] Antiquités judaïques, XIII, II, 2. — I Macchabées, X, v. 15 à 20.

[143] Antiquités judaïques, XIII, II, 3.

[144] I Macchabées, X, v. 21.

[145] Antiquités judaïques, XIII, II, 3. — I Macchabées, X, v. 22 à 45. Le teneur de la lettre de Démétrius est à peu près identique dans les deux versions ; seulement aux versets 34 et 35 nous lisons ceci qui nous paraît plus complet : Et omnes dies solemnes, et sabbatha, et neomeniæ, et dies decreti, et tres dies post diem solemnem, sint omnes immunitatis et remissionis omnibus Judæis qui sunt in regno meoet nemo habebit potestatem agere aliquid et movere negotia contra aliquem illorum in onnzi causa.

Puis au verset 39 : Ptolemaïda et confines ejus quas dedi donum sanctis qui sunt in Jerusalem, ad necessarios suintas sanctorum. — Il est dit ensuite : 40. Et ego dabo singulos annis quindecim millia siclorum argenti de rationibus Regis, quæ ine contingunt…. 42. Et super hæc quinque millia siclorum argenti, quæ accipiebant de sanctorum ratione per singulos annos, et hæc ad sacerdotes pertineant qui ministerio funguntur. Comparons un peu les chiffres stipulés dans les deux versions ; d’un côté nous trouvons 15.000 et 10.000 drachmes ; de l’autre 15.000 et 5.000 sicles d’argent. Si 5.000 sicles équivalent à 10.000 drachmes, ces sicles d’argent sont évidemment des didrachmes ; mais alors comment. 15.000 de ces sicles pourraient-ils faire plus de 30.000 drachmes ? De quelque manière qu’on s’y prenne, il faudra toujours que, relativement aux premières sommes énoncées, le sicle d’argent équivale à 10 drachmes. Nous ne nous chargeons pas de comprendre, ni encore moins d’expliquer ce désaccord entre les deux textes, numismatiquement parlant.

[146] Antiquités judaïques, XIII, II, 4. — I Macchabées, X, v. 48 à 50.

[147] Justin, l. 35, c. 2.

[148] Voici le passage d’Isaïe (XIX, v. 18 et 20) auquel Josèphe fait allusion :

18. En ce jour il y aura en Égypte cinq villes qui parleront la langue de Kenâan, et qui jureront par Jéhovah Sebaouth ; on nommera l’une ville de Fleresse (a).

19. En ce jour là il y aura un autel pour Jéhovah au milieu du pays d’Égypte, et une stèle près de sa frontière (consacrée) à Jéhovah.

(a) Ce nom est curieux en ce que םדת (au lieu de םרת) signifie soleil, et rappelle Héliopolis, et que l’arabe héras ou heres, signifiant Liov dévorant, rappellerait Léontopolis. Ces rapprochements sont bizarres.

[149] Antiquités judaïques, XIII, III, 1 à 3 — (150 av. J.-C.).

[150] Antiquités judaïques, XIII, III, 4.

[151] Antiquités judaïques, XIII, IV, I. — I Macchabées, X, v. 52 à 53. Nous tirons, du récit emprunté au livre des Macchabées, un renseignement important ; c’est la date de la Pète nuptiale qui est l’an 162 de l’ère de Grecs ; ce qui revient ainsi que l’a fait remarquer Frœlich, à un moment précédant le, printemps de l’année julienne correspondante à l’an 163 de l’ère des Séleucides (150 av. J.-C.). Le texte sacré donne la teneur des lettres échangées par les rois Alexandre et Ptolémée ; toutefois il parait fort probable que ces dépêches ne sont reproduites qu’en substance, et qu’elles ont été singulièrement écourtées, pour tenir le moins de place possible dans un récit aussi serré.

[152] Antiquités judaïques, XIII, IV, 2. — I Macchabées, X, v. 59 à 95. Le verset 61 nous donne l’explication de la proclamation faite à propos de Jonathan. La voici : Et convenerunt adversus eum viri pestilentes ex Israël, viri iniqui, interpellantes adversus eum ; et non intendit ad eos Rex.

C’est alors que le Roi fit prendre à Jonathas la pourpre royale, le mit sur le trône à son côté, et lui fit parcourir la ville, escorté par les grands de sa cour, et revêtu des insignes de la souveraineté (150 av. J.-C.).

[153] Antiquités judaïques, XIII, IV, 3. — I Macchabées, X, v. 67 3 73. Le verset 70 est très explicite et très net. Tu solus resistis nobis, écrit Appollonius à Jonathas ; ego autem factus sum in derisum et in opprobrium propterea, quia tu potestatem adversus nos exerces in montibus ; puis le verset 71 n’est pas moins énergique : Interroga et disce quis sum ego et cæteri qui auxilio mihi sunt, qui et dicunt quia non potest stare pes vester ante faciem nostram, quia bis in fugam conversi sunt partes tui (il faut évidemment lire ici patres tui ?) in terra sua.

[154] Antiquités judaïques, XIII, IV, 4. — Accaron est placé, par saint Jérôme, entre Azot et Iamnia vers l’orient, c’est aujourd’hui Akir, à un peu moins de deux lieues, au sud-sud-ouest de Ramleh. — I Macchabées, X, v. 74 a 89. Le verset 83 est ainsi conçu : Et qui dipersi sunt per canipum, fugerant in Azotum et intraverant in Beth-Dagon idolum suum, ut ibi se liberarent.

Il semble que l’écrivain sacré ait voulu distinguer une localité du nom de Beth-Dagon ; et, de fait, entre Ramleh et Jaffa, on aperçoit un mauvais village perché sur une petite éminence, et qui porte le nom de Beit-Dedjan. Serait-ce par hasard la Beth-Dagon du livre des Macchabées ? c’est fort possible. Le cadeau d’Alexandre à Jonathan est désigné ici sous le nom de fibulam auream, tandis que Josèphe se sert des mots : πόρπην χρυσέαν ; or le vrai sens de πόρπη est agrafe, équivalent de fibula.

[155] Antiquités judaïques, XIII, IV, 5. Le fleuve Éleuthèrus, c’est le Nahr-el-Barid de nos jours, qui coule devant les ruines d’Orthosia (Aydh-Artouz).

[156] I Macchabées, IX, v. 1 à 7.

[157] Il y a nécessairement une erreur ici, et ce ne peut être à Ptolémaïs que Ptolémée faillit être assassiné, puisque le fleuve Éleuthèrus est bien loin de là, au nord.

[158] Antiquités judaïques, XIII, IV, 6.

[159] Antiquités judaïques, XIII, IV, 7. — I Macchabées, XI, v. 8 à 14. Le verset 8 est ainsi conçu : Rex autem Ptolemæus obtinuit donainium civitatum usque Seleuciam maritimam, et cogitabat in Alexandrum consilia mala. Nous trouvons ici (verset 10) dans la lettre citée comme écrite par Ptolémée à Démétrius : Pœnitet enim me quod dederim illi filiam meam ; quæsivit enim me occidere...

Si le fait allégué ainsi par Ptolémée n’était qu’un subterfuge, il est clair que Josèphe s’en est emparé pour noircir Alexandre, en blanchissant Ptolémée. Nous le répétons une fois de plus, ces deux princes se valaient très probablement.

[160] Antiquités judaïques, XIII, IV, 8. — I Macchabées, XI, v. 14 à 18. C’est le récit du livre des Macchabées qui nous donne la forme Zabdiel du nom porté par le roi des Arabes. Il nous apprend, de plus, que le roi Ptolémée mourut le troisième jour après l’arrivée de la tête d’Alexandre.

[161] Άφερειμά ou Άφαίρεμά, n’est probablement qu’Aphraïm, situé du côté de Megiddo (el Ledjoun) : Λύδδα, c’est El Loud, et Ραμαθά, peut-être Ramleh ?

[162] (145 av. J.-C.) Antiquités judaïques, XIII, IV, 9. — I Macchabées, XI, v.49. 38. Ce récit commence par constater que Démétrius prit la couronne en l’an 166 de l’ère des Séleucides (146 av. J.-C.). Ici la question des trois toparchies n’est pas très claire ; voici en conséquence la teneur du verset 28 : Et postulavit Jonathas a Rege ut inimunem faceret Judæam, et tres toparchias, et Samariam, et confines ejus ; et promisit ci trecenta talenta. Le verset 34 relatif aux toparchies concédées, cite bien trois villes, mais n’en nomme que deux. Le voici : Statuimus ergo illis omnes fines Judææ, et tres civitates Lydiam (lisez : Lyddam) et Ramatham ; quæ additæ sunt Judææ ex samaria, et omnes confines earum sequestrari omnibus sacrificantibus in hierosolymis. Tout le reste est entièrement conforme au récit de Josèphe, et a été évidemment copié par celui-ci.

[163] Antiquités judaïques, XIII, IV, 11. — I Macchabées, XI, v. 39 et 40 : — Ici le roi des Arabes est nommé Emalchual. Ce nom est manifestement estropié.

[164] Antiquités judaïques, XIII, V, 2. — I Macchabées, XI, v. 41 à 44.

[165] Antiquités judaïques, XIII, V, 3. — I Macchabées, XI, v. 45 a 52. L’écrivain sacré nous dit que les insurgés étaient au nombre de 120.000, et que les Juifs en tuèrent 100.000. Il est clair qu’il y a là exagération flagrante ; mais nous y sommes un peu habitués. — (145 avant J.-C.).

[166] Antiquités judaïques, XIII, V, 3. — I Macchabées, XI, v. 53.

[167] Antiquités judaïques, XIII, V, 3. — I Macchabées, v. 54 à 57 (144 av. J.-C.).

[168] Antiquités judaïques, XIII, V, 4. — I Macchabées, XI, v. 57159. Le texte sacré est ici assez curieux pour que je croie devoir le reproduire : 57.... Constituo tibi sacerdotium et constituo te super quatuor civitates, ut sis de amicis Regis ; 58. et misit illi vasa aurea in ministerium, et dedit ei potestatem bibendi in auro, et esse in purpura et habere fibulam auream. — (144 av. J.-C.).

[169] Antiquités judaïques, XIII, V, 4.

[170] Antiquités judaïques, XIII, V, 5. — I Macchabées, XI, v. 60 à 62. — (144 av. J.-C.).

[171] Antiquités judaïques, XIII, V, 6. — I Macchabées, XI, v. 63 à 66. Le verset 63 qui contient les mots : Ira cades, quæ est in Galilæa, ne nous peut laisser l’ombre d’un doute sur la localité dont il s’agit, La Κέδαρα de Josèphe, et la Cadès du livre des Macchabées, c’est la Kadès de nos jours.

[172] Antiquités judaïques, XIII, V, 7. — I Macchabées, XI, v. 67 à 74. — Il ne sera pas hors de propos de transcrire textuellement ici quelques-uns des versets de texte sacré, 67. Et Jonathas et castra ejus applicuerunt ad aquam Genesar, et ante lucem vigilaverunt in campo Asor... 70. Et fugerunt qui erant ex parte Ionathæ omnes, et nemo relictus est eis, nisi Mathathias filius Absalomi, èt Judas filius Calphi principes militiæ exercitus. 71. Et scidit Jonathas vestimenta sua et posuit terrain in capite suo, et oravit. 74. Et ceciderunt de alienigenis in die illa, tria millia virorum, et reversus est Jonathas in Jérusalem.

Remarquons d’abord le nom Judas, filius Calphi ; ce nom est certainement plus admissible que celui que nous ont transmis les copistes successifs de Josèphe. Fils de Chapsœos n’a pas en effet le moins du monde la physionomie d’un nom hébraïque ; mais là n’est pas la conséquence importante que j’entends tirer du récit sacré. Il nous dit qu’ayant assis son camp sur les bords du lac de Génesar (c’est-à-dire du lac de Gennésareth) le prince juif se trouvait avant le point du jour dans la plaine d’Asor.Quelques heures de marche avaient donc suffi à l’armée juive pour franchir la distance qui séparait le lac de Gennésareth de la plaine d’Aser. D’où provenait le nom de cette plaine ? incontestablement du site même de la fameuse Aser biblique, le םיונח שאך de l’Écriture : dès lors il n’y a plus pour moi de doute possible toucha nt l’emplacement de cette ville immense ; elle était bien en réalité au point où j’en ai le premier signalé les ruines, c’est-à-dire au point où se trouve actuellement le Souqel-Khan. De la pointe nord du lac de Gennésareth au Souq-el-Khan, en allant passer le Jourdain au Djesr-benat-Iakoub, et en longeant, les marécages qui bordent la rive orientale du lac Samachonite ou Merom (Bahr-el-Houleh), il n’y a pas plus de six à sept heures de chemin ; cette distance pouvait donc être franchie aisément dans la nuit parles troupes de Jonathas. En suivant cette voie, il évitait le passage assez peu facile de la chaîne de hauteurs qui sépare le bassin du lac de Gennésareth du bassin du lac Samachonite ; il s’avançait constamment -en plaine, mais il avait l’inconvénient de longer le pied de hauteurs boisées, où les Syriens, prévenus à temps par leurs espions avaient sans doute disposé leur embuscade. Il est clair en effet que Jonathas ne s’attendait pas à se trouver au point du jour en face de l’ennemi, qu’il supposait dans son camp de Kadès. C’est très probablement dans le voisinage du Tell-el-Qadhi, que la bataille eut lieu. Quoi qu’il en soit le texte important que je viens d’emprunter au Ier livre des Macchabées semble me donner pleinement raison, et démontre que la fameuse Aser était bien au point où j’ai cru devoir la placer, en signalant les ruines si étranges et si éminemment antiques qui y couvrent une immense étendue de terrain.

[173] Antiquités judaïques, XIII, V, 8.

[174] Antiquités judaïques, XIII, V, 8. — Guerre, II, 1. — I Macchabées, XII, v. 1 à 23.

Dans le récit sacré, le Roi de Sparte qui avait écrit au grand prêtre Onias est nommé Darius, c’est évidemment une erreur ; mais il y a autre chose encore : le livre des Macchabées auquel Josèphe a presque textuellement emprunté le texte de la lettre de Jonathas aux Spartiates, nous fait connaître celui de la réponse dont Josèphe n’a pas cru devoir tenir compte, et pour cause, le voici : 19. Et hoc rescriptum est epistoarum quod misit Onias. 20. Rex Spartiatarum Onias Jonathæ sacerdoti magno, salutem. 21. Inventum est in scripturis de Spartialis et Judæis, quoniam sunt fratres et quod sunt de genere Abraham ; 22. Et nunc ex quo hæc cognovimus, bene facitis scribentes nobis de pace vestra. 23. Sed et nos rescripsimus vobis : Pecora nostra, et possessiones nostræ, vestræ sunt, et vestræ, nostræ. Mandavimus itaque hæc nunciari vobis.

Rien que la-présence du nom Onias appliqué à un roi de Lacédémone, contemporain de Jonathas, doit nous faire tenir pour plus que suspecte la réponse que Josèphe n’a eu garde de citer.

[175] Antiquités judaïques, XIII, V, 9. — I Macchabées, XII, v. 24 à 30.

[176] Antiquités judaïques, XIII, V, 9. — I Macchabées, XII, v. 31 à 32. — S’agit-il bien ici comme le dit Josèphe, des Nabathéens, le texte sacré parle des Arabes qui vocabantur Zabadæi ; puis il dit : et venit Damascum et perambulabat omneni regionem illam. De Damas à Pétra, capitale des Nabathéens, il y a si loin qu’il serait difficile d’admettre que les Nabathéens se trouvassent dans le voisinage de Damas, si nous ne savions qu’un de leurs Rois, Arétas, avait été, précisément Roi de Damas ; le nom de Nabathéens pouvait donc continuer à être appliqué aux tribus arabes du voisinage qui avaient fait partie du royaume de cet Arétas. Tout bien considéré donc, c’est probablement Josèphe qui a raison et le nom Zabadæi du livre des Macchabées, implique une mauvaise leçon.

[177] Antiquités judaïques, XIII, V, 11. — I Macchabées, v. 33 et 34.

[178] Antiquités judaïques, XIII, V, 11. — I Macchabées, XII, v. 35 et 36. Le livre des Macchabées seul nous donne quelques détails, malheureusement fort succincts, sur les travaux exécutés par Jonathas et par Siméon : deux versets contiennent ces détails ; les voici (I Macchabées, XII) :

38. Et conveneruntut ædificarent civitatem, et cecidit murus qui erat super Torrentem, ab ortu solis, et reparavit eum, qui vocatur Caphethetha.

39. Et Simon ædificavit Adiada in Sephela, et munivit eam, et imposuit portas et seras.

De la teneur de ces versets, il résulte que le mur oriental du Haram-ech-Cherif a dû être remaniée par l’ordre de Jonathas. Qu’est-ce que le mur nommé Caphethetha ? J’avoue humblement que je l’ignore et que je ne sais pas mieux ce que signifie ce nom, si toutefois il nous a été transmis correctement. Passons maintenant à ce qui concerne Adiada in Sephela. Le mot Sephela, חלפש, tiré du radical לפש, être abattu, abaissé, signifie en hébreu terrain bas, plaine. C’était sous cette dénomination qu’était connue toute la plaine qui s’étend le long de la mer, depuis Jaffa jusqu’à Gaza. C’est donc là que se trouvait l’Adiada du livre des Macchabées, et dont le nom était certainement Adida plutôt que Adiada. Dans la Guerre judaïque, aussi bien que dans ses Antiquités, Josèphe parle à plusieurs reprises deAdida, où Vespasien fut amené par ses opérations militaires contre Jérusalem, et établit une garnison (xαί έν Άδιδοις στράτοπεδα) ; c’était certainement la même localité qui, dansle livre d’Esdras (II, v. 33) et dans celui de Néhémie (XI, v. 34) est nommé ךיךח, et se trouve mentionné parmi les villes de la tribu de Benjamin. Elle était donc tout à fait au nord de la Sephela ; c’est aujourd’hui El-Hadith, située à environ une lieue à l’est d’El-Loudd, au point même où cesse la plaine, et où le terrain commence à s’élever sensiblement.

[179] Antiquités judaïques, XIII, V, 11. — I Macchabées, XIV, v. 1 3 3 (143 av. J.-C.).

[180] Antiquités judaïques, XIII, VI, 1. — I Macchabées, XII, v. 39 1 45.

[181] Antiquités judaïques, XIII, VI, 2. — Guerre, I, II, 1. — I Macchabées, XII, v. 49 à 51. — Au verset 49 il est dit que la rencontre eut lieu in campo magno, c’est-à-dire dans la plaine de Jézraël, ou d’Esdrelon. — (143 av. J.-C.).

[182] Antiquités judaïques, XIII, VI, 2. — I Macchabées, XII, v. 52 à 54. et XIII, v. 1 à 6.

[183] Antiquités judaïques, XIII, VI, 3. — I Macchabées, XIII, v. 7 à 11.

[184] Antiquités judaïques, XIII, VI, 4. — I Macchabées, XIII, v. 12 à 20. Dans le verset 13, Adida est nommée Addus, et dans le verset 20, on lit Ador au lieu d’Adora. — (143 av. J.-C.).

[185] Antiquités judaïques, XIII, VI, 5. — Guerre, I, II, 1. — I Macchabées, XIII, v.23 à 30. Quelques circonstances sont à noter dans ce dernier récit. Ainsi au verset 28, il est dit que la garnison d’Akra fit demander à Tryphon de venir en hâte à son secours, per desertum et mitteret illis alimoniam.

22. Erat autem nix mulla valde, et non venit in Galaaditim.

23. Et cum appropinquasset Bascannam, occidit Jonathan, et filios ejus illic. Basca, ou Bascanna, m’est complètement inconnue. La description que l’écrivain sacré donne du monument sépulcral des Macchabées mérite d’étre transcrite ; la voici :

27. Et ædificavit Simon super sepulcrum patris sui, et fratrum suorum ædificium altum visu, lapide polito, retro et ante.

28. Et statuit septem pyramidas, unam contra unam, patri et matri, et quatuor fratribus.

29. Et his circumposuit columnas magnas et super columnas arma ad memoriam æternam : juxta arma naves sculptas quæ viderentur ab omnibus hominibus navigantibus mare.

30. Hoc est sepulcrum quod fecit in Modin, usque in hunc diem.

La gloire d’avoir retrouvé et signalé le premier les restes de cet illustre monument, appartient tout entière à M. Victor Guérin, l’infatigable explorateur de la Terre Sainte. Je croirais commettre une mauvaise action, si j’en disais plus long sur ce sujet qu’il n’appartient de traiter à fond qu’à M. Guérin seul. Puisqu’il a été à la peine, il n’est que trop juste qu’il soit à l’honneur.

[186] Antiquités judaïques, XIII, VI, 6. — I Macchabées, XIII, v. 41. Anno centesimo septuagesimo ablatum est jugum gentium ab Israël.

[187] Antiquités judaïques, XIII, VI, 6. — I Macchabées, XIII, v. 42. La teneur de ce verset diffère notablement de la phrase de Josèphe ; le voici : Et cœpit populus Israël scribere in tabuli et gestis publicis : anno primo sub Simone summo sacerdote, magno duce et principe Judæorum.

[188] Antiquités judaïques, XIII, VI, 6. — Guerre, I, II, 2. — I Macchabées, XIII, v. 43 à 54. Le récit sacré diffère tellement de celui de Josèphe, qu’il ne m’est pas permis de le passer sous silence. Je le transmis donc intégralement :

43. In diebus illis applicuit Simon ad Gazam, et circumdedit eam castris ; et fecit machinas, et applicuit ad civitatem, et percussit turrem unam, et comprehendit eam.

44. Et eruperunt qui erant intra machinam, in civitatem, et factus est motus magnus in civitate.

45. Et ascenderunt qui erant in civitate, cum uxoribus et filiis supra murum, scissis tunicis suis, et clamaverunt voce magna, postulantes a Simon dextras sibidari.

46. Et dixerunt : Non nobis reddas secundum malitias nostras, sed secundum misericordias tuas, et serviemus tibi.

47. Et flexus Simon non debellavit eos ; ejecit tamen eos de civitate, et mundavit ædes in quibus erant simulachra, et tum intravit in eam cum hymnis, benedicens dominum.

48. Et ejecta ab ea omni immunditate, collocavit in ea viros qui legem facerent, et munivit eam, et fecit sibi habitationem.

49. Qui autem erant in arce Jerusalem prohibebantur egredi et ingredi regionem et emere, et vendere ; et usurierunt valde, et multi ex eis fame perierunt.

50. Et clamaverunt ad Simonem ut dextras acciperet, et dedit illis, et ejecit eos inde, et mundavit arceni a contaminationibus.

51. Et intraverunt in eam tertia et vicesima die secundi mensis, anno centesimo septuagesimo primo, cum laude et ramis palmarum, citharis et cyaniris et cymbalis, et nablis, et hymnis, et canticis, quia contritus est inimicus magnus ex Israël.

52. Et constituit ut omnibus annis agerentur dies hi eum lætitia.

53. Et munivit montem templi, qui erat secus arana, et habitavit ibi ipse, et qui eum cum eo erant.

54. Et vidit Simon Johannem filium suum, quod fortis vir prælii esset, et posuit ducem virtutum universarum ; et habitavit in Gazaris.

De ce récit il semblerait résulter que c’est Gaza qui fut assiégée par Siméon ; mais c’est une erreur, c’est bien de Gazara qu’il s’agit, ainsi que le prouvent les versets 48 et 54. Du reste, Josèphe ne s’y est pas trompé, et c’est bien Gazara qu’il mentionne ; on remarquera que le livre des Macchabées ne parle pas de la destruction d’Akra et de la colline de ce nom.

[189] Antiquités judaïques, XIII, VII, I, 1. — Macchabées, XIII, v. 31 et 32. — Le P. Frœlich pense que le jeune Antiochus Dyonisus n’a regné que deux ans et non quatre, ainsi que le prétend Josèphe, mais nous connaissons des monnaies de ce prince de quatre années différentes ΖΞΡ, ΗΞΡ, ΘΞΡ et ΟΡ (167, 168, 169 et 170 de l’ère des Séleucides, 145, 144, 143 et 142 av. J.-C.) Le Ier livre des Macchabées (XIII, 1) dit que ce fut en l’an 172 de l’ère des Séleucides que Démétrius entreprit sa désastreuse campagne contre Arsace ; ce serait donc en l’année 142 av. J.-C. ; mais ces dates de Josèphe sont absolument fausses, et doivent être rejetées.

[190] Antiquités judaïques, XIII, VII, 2 — Guerre, I, II, 2. — I Macchabées, XV, v. 10 à 14. Il faut reconnaître qu’à partir du XIVe chapitre, le Ier livre des Macchabées embrouille les faits, et ne peut plus guère nous servir de guide.

[191] I Macchabées, XV, v. 10 à 14. Au verset suivant, reprend le récit de l’ambassade de Numénius, envoyé auprès du Sénat romain par Siméon ; plus loin nous reviendrons en détail sur cette ambassade.

[192] Macchabées, X, 25 à 27. — Guerre, I, II, 2. Josèphe nous dit ici que Siméon ne put satisfaire l’avidité du Roi.

[193] I Macchabées, XV, v. 1 à 9.

[194] Macchabées, XV, v. 28 à 31.

[195] Macchabées, XV, v. 32 à 36.

[196] Antiquités judaïques, XIII, VII, 3. — Guerre, I, II, 2. Ici Josèphe dit que ce fut après la victoire remportée sur Cendébée, que Siméon fut fait Souverain Pontife ; il ajoute qu’il réussit à délivrer les Juifs du joug des Macédoniens, après une sujétion de 170 ans.

[197] C’est sans doute le torrent qui coule la saison des pluies dans l’Ouad-Atâlaah, et qui va se jeter dans le Nahr-el-Aoudjeh, près de son embouchure, au nord de Jaffa.

[198] Évidemment la mention du Cédron implique ici une forte bévue des copistes. Il s’agit assurément d’une place forte dont le nom ressemblait à celui du Cedron ; mais quelle peut être cette place ? je l’ignore : ne serait-ce pas, par hazard, El-Atroun ? Je suis bien tenté de le croire ; car alors le récit deviendrait compréhensible, et les fortifications antiques de la position d’el-Atroun ou Lâtroun, qui commandait si bien l’entrée des défilés conduisant à Jérusalem, auraient leur raison d’être, historiquement parlant.

[199] I Macchabée, XIV, v. 20 à 23.

[200] Qu’est ce mot Asaramel. Je suis bien tenté de croire que ce n’est que le nom de Jérusalem affreusement estropié. En effet la deuxième et la troisième lettre nous donnent la syllabe SA ; les trois dernières lettres lues de droite à gauche, nous donnent LEM et il nous reste ARA qui se rapproche assez de IERV. — Quoiqu’il en soit le mot Asaraniel qui ne se trouve que là, tient indubitablement la place du nom de Jérusalem.

[201] I Macchabées, XIV, v. 24 à 49.

[202] I Macchabées, XV, v. 15 à 24.

[203] Antiquités judaïques, XIII, VI, 4. — Guerre, I, II, 3. — (135 ans av. J.-C., vers le mois de février.)

[204] Ce doit être un nom estropié. En quittant Jéricho pour remonter à Jérusalem, on laisse à sa gauche, sur la pente de la montagne, une ruine assez étendue d’une forteresse qui porte actuellement le nom de Kharbet-Kakoun. A notre avis, c’est bien là qu’est le Dagon de Josèphe. Un copiste familiarisé d’ailleurs avec le nom de la divinité philistine, aura trouvé tout naturel de le substituer à celui d’une localité qu’il ne connaissait pas.

[205] Guerre, I, II, 3. Nous avons vu, dans le livre des Macchabées, que les deux frères de Hyrcan avaient été égorgés au même moment que leur père ; nous nous en tenons donc au récit de l’écrivain sacré, et nous pensons que Josèphe a voulu dramatiser sa narration.

[206] Antiquités judaïques, XII, VIII, 1. — Guerre, I, II, 4. Philadelphie c’est Rabbat-Ammon, l’Amman de nos jours, dont j’ai visité et décrit ailleurs les ruines splendides (Voyez mon Voyage en Terre sainte, t. I).

[207] Antiquités judaïques, XIII, VIII, 2.

[208] Antiquités judaïques, XIII, VIII, 3. — Guerre, I, II, 5 (135 av. J.-C).

[209] Antiquités judaïques, XIII, VIII, 4. — Guerre, V, II, 5. Le Lycus dont il s’agit dans ce passage ne doit pas ôtre confondu avec le Lycus qui coule près de Beyrouth, c’est-à-dire le Nahr-el-Kelb de nos jours ; c’est du Lycus, rivière d’Assyrie, que Josèphe entend par ici, (130 av.-J.-C.). J’ai fidèlement copié le récit de Josèphe qui prétend qu’Antiochus perdit la vie dans la bataille contre Arsace ; mais je m’empresse de faire observer ici que les monuments numismatiques démentent absolument cette assertion de l’historien des Juifs. Il esteertain, en effet, qu’il existe des monnaies d’Antiochus frappées dans les trois années qui suivirent sa défaite. Comme ce n’est pas l’histoire des Séleucides que nous écrivons, il nous suffit de signaler ce fait, déjà prouvé par Frœlich.

[210] Antiquités judaïques, XIII, 1X, I. — Guerre, I, II, 6. Ici nous lisons Σαμαίαν. Qu’est-ce que Samega, dans la Guerre judaïque, Samæa ? Ne faut-il pas y voir le nom altéré de Samarie ? Je le crois. Quant au temple du Garizim, dont j’ai pu étudier les beaux restes à deux reprises, il mérite, à juste titre, l’attention des archéologues. Plusieurs voyageurs se sont évertués à le méconnaitre ; mais l’un d’eux et des plus savants, feu le duc de Luynes, avait été frappé du caractère imposant de ces restes vénérables, et je me rappellè avec reconnaissance les paroles qu’il me dit à leur sujet, au moment de son retour ; les voici textuellement : Quant au temple du Garizim, je ne m’explique pas comment on a pu avoir l’idée de vous en contester l’attribution et la découverte.

[211] Antiquités judaïques, XIII, IX, I. — Guerre, I, II, 6. Ici nous lisons Άδωρεόν xαί Μάρισσαν (129 ou 128 av. J.-C.).

[212] Antiquités judaïques, XIII, IX, 2.

[213] Antiquités judaïques, XIII, IX, 3. C’est en 129 av. J.-C., qu’Alexandre Zébina envahit la Syrie, à la tête des troupes égyptiennes ; et c’est en 122 av.J.-C. que cet Alexandre fut mis à mort, par l’ordre d’Antiochus Grypus, si nous en croyons Justin. Dans ce cas, l’assertion de Josèphe qui prétend que ce prince mourut les armes à la main, dans un combat, n’aurait aucune valeur.

[214] Antiochus le Cyzicène était fils d’Antiocbus Soter, qui avait péri dans la guerre, contre les Parthes ; celui-ci était frère de Démétrius, le père de Grypus ; tous les deux avaient été tour à tour mari de Cléopàtre, ainsi que nous l’avons raconté plus haut.

[215] Antiquités judaïques, XIII, X, 1.

[216] Antiquités judaïques, XIII, X, 2. — Guerre, I, II, 7. Ici Josèphe donne à Antiochus le surnom d’Aspendien, d’Aspendus ville de Pamphylie.

[217] Antiquités judaïques, XIII, X, 3. — Guerre, I, II, 7 (109 av. J.-C.).

[218] Antiquités judaïques, XIII, X, 3.

[219] Antiquités judaïques, XIII, X, 4.

[220] Antiquités judaïques, XIII, X, 5.

[221] Antiquités judaïques, XIII, X, 6. — Guerre, I, II, 8.

[222] Antiquités judaïques, XIII, X, 7. — Guerre, I, II, 8. Ici Josèphe donne à Hyrcan 33 ans de règne. Il parait néanmoins certain que le principat de Hyrcan ne dura que 29 ans au plus, puisqu’il mourut en l’an 107 av. J.-C., après avoir remplacé son père Siméon en l’an 135 av. J.-C.

[223] Antiquités judaïques, XIII, XI, 1. — Guerre, I, III, 1. Ici Josèphe ne compte plus que 471 ans entre la fin de la captivité de Babylone, et la prise de la couronne pour Aristobule.

[224] Antiquités judaïques, XIII, XI, 2. — Guerre, I, III, 3.

[225] Antiquités judaïques, XIII, XI, 1. — Guerre, I, III, 3.

[226] Antiquités judaïques, XIII, XI, 2. — Guerre, I, III, 3.

[227] Antiquités judaïques, XIII, XI, 2. — Guerre, I, III, 4.

[228] Antiquités judaïques, XIII, XI, 2. — Guerre, I, III, 5.

[229] Antiquités judaïques, XIII, XI, 3. — Guerre, I, III, 6 (105 av. J.-C.).

[230] Antiquités judaïques, XIII, XI, 3.

[231] Antiquités judaïques, XIII, XII, 1. — Guerre, I, IV, 1 (105 av. J.-C.).

[232] Antiquités judaïques, XIII, XII, 1.

[233] Antiquités judaïques, XIII, XII, 2.

[234] Antiquités judaïques, XIII, XII, 4 — Antiquités judaïques, I, IV, 2. Je ne devine pas ce que peut être cette ville d’Asokhis, qui était voisine de Sepphoris.

[235] Antiquités judaïques, XIII, XIII, 5.

[236] Antiquités judaïques, XIII, XII, 6 — (104. av. J.-C.).

[237] Antiquités judaïques, XIII, XIII, 1.

[238] Antiquités judaïques, XIII, XIII, 2.

[239] Antiquités judaïques, XIII, XIII, 3. — Guerre, I, IV, 2.

[240] Antiquités judaïques, XIII, XIII, 3. — (97. av. J.-C.).

[241] Antiquités judaïques, XIII, XIII, 4. — (94 av J.-C.).

[242] Antiquités judaïques, XIII, XIII, 4. — (94 av. J.-C.).

[243] 92 av. J.-C.

[244] Ce fait, rapporté par Josèphe, parait controuvé. Qu’était-ce en effet que cette Laodicé, reine des Galaadites ? Personne ne saurait dire.

[245] Antiquités judaïques, XIII, XIII, 5. — Guerre, I, IV, 3.

[246] Antiquités judaïques, XIII, XIII, 5. — Guerre, I, IV, 4. (90 av J.-C.)

[247] Antiquités judaïques, XIII, XIV, 1. — Guerre, I, IV, 5. Dans ce passage de la Guerre des Juifs Josèphe donne à l’armée d’Alexandre 1.000 cavaliers et 8.000 fantassins mercenaires que vinrent rejoindre 10.000 Juifs, amis du Roi. (89 av. J.-C.)

[248] Antiquités judaïques, XIII, XIV, 2. — Guerre, I, IV, 6. Ici Bethema est appelé Bémésélis (87 av. J.-C.)

[249] Antiquités judaïques, XII, XIV, 3. — (87 av J.-C.)

[250] Antiquités judaïques, XIII, XV, 1. — Guerre, I, IV, 7 — (85 av. J .-C.). Quelle est la Cana dont il est question ? C’est très probablement la Cana voisine de Tyr, si la bataille contre les Arabes a eu lieu de ce coté-ci de la mer Morte.

[251] Antiquités judaïques, XIII, XV, 2. — Guerre, I, IV, 5. 82 av. J.-C.

[252] Antiquités judaïques, XIII, XV, 2. — Guerre, I, IV, 8. — Ici les noms de Dium et d’Essa sont remplacés par ceux de Pella et de Gérasa, ce qui est, sans aucun doute, la bonne leçon. Dium, Gérasa, Gamala, et Gaulan ou Golan de la Batanée, sont des villes bien déterminées. Quant à Séleucie, il est bien évident qu’il ne peut être question ici de l’illustre Séleucie située au delà d’Antioche, mais bien de la Séleucie qui se trouvait dans le voisinage du lac Samachonite (Bahr-el-Houleh).

[253] Antiquités judaïques, XIII, XV, 4. — 80 av. J.-C. La vallée Cilicienne dont ce nom ne se pré-sente qu’ici, que je sache, est fort difficile à identifier. Pour ma part, je ne me reconnais pas capable d’en fixer la position. Frœlich (Annales, V, p. 116) dit en en parlant, au sujet du passage de Josèphe où nous sommes arrivés : Aulonem Cilicium, cive potius vallem Cillitarum, et son explication ne me paraît pas plus claire que la dénomination transmise par Josèphe.

[254] Guerre, I, IV, 8. Ici Josèphe ne parle plus de l’intempérance d’Alexandre. Il dit qu’il tomba malade d’une fièvre quarte, aussitôt qu’il cessa de faire la guerre ; il crut qu’il s’en débarrasserait en recommençant à guerroyer. Les fatigues de sa nouvelle expédition étaient au-dessus de ce qui lui restait de forces, et il en mourut. Il avait régné 27 ans.

[255] Antiquités judaïques, XIII, XV, 5. — Guerre, I, V, 1. — (78 av. J.-C.).

[256] Antiquités judaïques, XIII, XVI, 1 et 6. — Guerre, I, V, 2.

[257] Antiquités judaïques, XIII, XVI, 1. — (78 av. J.-C.).

[258] Antiquités judaïques, XIII, XVI, 2. — Guerre, I, V, 1 et 2.

[259] Antiquités judaïques, XIII, XVI, 2. — Guerre, I, V, 3.

[260] Antiquités judaïques, XIII, XVI, 3. — Guerre, I, V, 3. (71 av. J.-C.)

[261] Antiquités judaïques, XIII, XVI, 4. — Guerre, I, V, 3. 70 av. J.-C.

[262] Antiquités judaïques, XIII, XVI, 5. — Guerre, I, V, 4. (70 av. J.-C.).

[263] Antiquités judaïques, XIII, XVI, 5. — Guerre, I, V, 4. (70 av. J.-C.).

[264] Antiquités judaïques, XIII, XIV, 6. — Guerre, I, V, 4.