HISTOIRE DES MACCHABÉES

 

 

SECONDE PARTIE — RETOUR DE LA CAPTIVITÉ. CONSTRUCTION DU DEUXIÈME TEMPLE. RUINE DES ACHÉMÉNIDES. CONQUÊTE D’ALEXANDRE LE GRAND. DOMINATION DES LAGIDES ET DES SÉLEUCIDES

 

 

Dans la première année du règne de Cyrus, année qui correspondait à la soixante-dixième comptée à partir du jour où commença la translation du peuple juif en Babylonie, Jéhovah eut pitié de la malheureuse race à laquelle il avait envoyé tant de douleurs et de calamités. Le prophète Jérémie, avant la ruine de Jérusalem, avait prédit qu’après avoir été les esclaves de Nabuchodonosor et de sa postérité, pendant soixante-dix années, les Juifs seraient ramenés dans leur patrie par l’ordre du Tout-Puissant, qu’ils réédifieraient le temple et qu’ils jouiraient de la même félicité qu’autrefois. Toutes ces promesses furent réalisées. L’esprit de Dieu en effet s’empara du cœur de Cyrus, et le força de publier dans l’Asie entière un décret dont voici la teneur : Le roi Cyrus dit : Maintenant que le plus grand des dieux m’a donné l’empire du monde, je crois que ce Dieu est celui qu’adore la nation des Israélites. Ce Dieu en effet, par ses prophéties, a fait connaître mon nom à l’avance et il a prédit que ce serait moi qui rétablirais le temple de Jérusalem, dans le pays des Juifs[1].

Ce décret, évidemment arrangé par Josèphe, n’est pas semblable à celui dont le texte nous a été conservé par le livre d’Esdras ; nous ne pouvons donc nous dispenser de reproduire ce dernier[2].

Ainsi, dit Coresch, roi des Perses ; Jéhovah, Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre, et il m’a ordonné de lui bâtir un temple à Jérusalem, en Jéhouda. Celui d’entre vous qui est de son peuple, que son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem qui est en Jéhouda, et qu’il bâtisse le temple de Jéhovah, Dieu d’Israël ; c’est le Dieu de Jérusalem. Et quiconque restera dans tout endroit qu’il habite, que les gens de son endroit le soutiennent avec de l’argent, de l’or, des richesses et du bétail, en outre du don volontaire pour le temple d’Élohim, qui est à Jérusalem.

Il semble que le dernier paragraphe concerne les indigents qui, faute de moyens pécuniaires pour rentrer en Judée, seraient forcés de rester en Babylonie. Il est fort curieux de retrouver dans le préambule des deux versions distinctes que nous venons de reproduire, presque tous les éléments du protocole habituel des décrets promulgués par les souverains Achéménides. Seulement la mention d’Ormuzd, le Dieu de ces princes, a été laissée de côté, aussi bien dans le texte de Josèphe que dans celui d’Esdras.

Maintenant reprenons le récit de Josèphe : Cyrus avait appris tout cela en lisant le livre des prophéties qu’Isaïe avait rédigées 210 ans auparavant. Celui-ci en effet annonçait que Dieu avait dit : Je veux que Cyrus, que j’ai fait roi de nombreuses et grandes nations, renvoie mon peuple dans son pays, et reconstruise mon temple. Cela fut prédit par Isaïe 140 ans avant la destruction du temple[3].

Cyrus, à la lecture de ce passage, fut saisi d’étonnement, en même temps que du désir d’accomplir ce qui était écrit. Il fit donc venir devant lui les plus illustres des Juifs qui se trouvaient à Babylone, et leur annonça qu’il leur accordait l’autorisation de retourner dans leur patrie et d’y relever les ruines de Jérusalem et du temple ; qu’il les y aiderait de tout son pouvoir, et qu’en conséquence il manderait aux généraux et aux satrapes établis dans le voisinage de la Judée, d’avoir à leur fournir l’or et l’argent nécessaires pour la construction du temple, et de plus, les animaux indispensables pour les sacrifices[4].

Aussitôt que cette permission si ardemment désirée leur fut accordée, les principaux personnages des deux tribus de Juda et de Benjamin, avec les lévites et les prêtres, se mirent en route pour Jérusalem ; mais beaucoup de leurs compagnons restèrent à Babylone, parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs propriétés.

Lorsque les émigrants furent arrivés, tous les amis du roi contribuèrent à l’envi, celui-ci avec de l’or, celui-là avec de l’argent, à la reconstruction du temple. D’autres lui offrirent des troupeaux et des chevaux en grand nombre, si bien que les sacrifices accoutumés recommencèrent comme si Jérusalem était redevenue florissante, comme si l’antique solennité du culte était remise en vigueur.

Cyrus fit plus encore et restitua aux Juifs les vases sacrés que Nabuchodonosor avait emportés à Babylone, après le pillage du temple. Ce fut Mithridate, son trésorier, qu’il chargea du soin de les reporter à Jérusalem, mais avec ordre de les remettre à la garde d’Abassar, chez qui ils devaient rester en dépôt, jusqu’au jour où le temple serait relevé, pour être rendus aux prêtres et aux chefs du peuple, ce jour-là seulement[5].

Sisinès et Sarabasanès[6] étaient les satrapes chargés de l’administration de la Syrie. Le roi Cyrus leur adressa la dépêche suivante :

Cyrus, roi, à Sisinès et à Sarabasanès, salut ! J’ai permis aux Juifs qui habitent mes états de rentrer, s’ils en avaient le désir, dans leur pays, de relever leur ville et de reconstruire à Jérusalem un temple sur l’emplacement de l’ancien. J’y ai envoyé mon trésorier Mithridate, et Zorobabel, prince des Juifs, avec mission d’établir les fondations du temple et d’élever celui-ci, en lui donnant 60 coudées de hauteur et de largeur. Ils y construiront trois maisons en pierre polie, et une en bois du pays ; ils y construiront en outre l’autel sur lequel ils sacrifient à leur Dieu. J’entends que toute la dépense reste à ma charge. J’ai mis entre les mains de Mithridate, mon trésorier, et de Zorobabel, prince de Juifs, tous les vases sacrés que, le roi Nabuchodonosor avait enlevés à l’ancien temple de leur Dieu. Voici le nombre de ces vases[7].

Rafraîchissoirs

d'or

50

id.

d'argent

300

Bassins

d'or

40

id.

d'argent

500

Sceaux

d'or

50

id.

d'argent

500

Vases à libation

d'or

30

id.

d'argent

300

Bouteilles

d'or

30

id.

d'argent

2400

Grands vases

 

1000[8]

Je leur rends tous les privilèges dont jouissaient leurs pères : c’est-à-dire, en bestiaux, vin et huile, une valeur de 205.500 drachmes, et 20.500 artabes[9] de farine de froment. J’ordonne que tout cela soit pris sur les revenus de la Samarie. Les prêtres immoleront ces victimes à Jérusalem, suivant les rites de Moïse, et pendant les cérémonies sacrées, ils prieront pour le Roi et pour sa famille, et demanderont à Dieu que le royaume des Perses n’ait pas de fin. Quiconque n’obéira pas à ces ordres, ou négligera de les exécuter, périra sur la croix, et ses biens seront confisqués au profit du trésor royal.

Le nombre total des Juifs qui rentrèrent de la captivité Jérusalem est de 42.462[10].

Les Juifs emmenés par Chechbasar se mirent immédiatement à l’œuvre. Les fondations du nouveau-temple une fois jetées, la construction de l’édifice fut poussée avec toute l’activité possible. Malheureusement les nations voisines des Juifs étaient loin de voir d’un bon œil des travaux qui annonçaient pour ainsi dire la résurrection, au milieu d’elles, d’un peuple actif et redoutable. Les Cuthéens surtout, que le roi Salmanasar avait établis en Sa-marie, à la place des tribus enlevées de vive force, les Cuthéens sortis de la Perse et de la Médie, avaient hérité de la haine que les sujets des rois d’Israël avaient vouée à ceux des rois de Juda ; aussi ne négligèrent-ils aucune intrigue pour entraver l’œuvre de reconstruction à laquelle on se livrait avec ardeur à Jérusalem. Ils adressèrent aux satrapes du roi et aux chefs qui présidaient aux travaux, mémoire sur mémoire, afin d’obtenir que la ville rivale ne fût pas relevée de ses ruines, et que le temple ne fût pas rebâti. Ces hauts personnages qui étaient largement entachés de la vénalité orientale, se laissèrent aisément corrompre par l’or des Cuthéens, et se chargèrent d’empêcher les Juifs de continuer leur double entreprise avec le zèle qu’ils avaient montré tout d’abord. Des obstacles de toute nature, et impossibles à prévoir, vinrent chaque jour entraver les travaux qui ne marchèrent plus qu’avec une extrême lenteur, lorsqu’ils ne furent pas complètement arrêtés. Cyrus, tout occupé de guerres lointaines, ignorait ce qui se passait à Jérusalem, et ayant dirigé une expédition contre les Massagètes, il y perdit la vie (en 529 av. J.-C.).

Cambyse son fils lui succéda ; à peine était-il sur le trône, qu’il reçut une supplique qui lui était adressée par les Syriens, par les Phéniciens, les Ammonites, les Moabites et les Samaritains ; elle était ainsi conçue : Seigneur, tes serviteurs, Rathymos l’historiographe, Sémélias le grammate, et tous les membres du conseil de Syrie et de Phénicie, exposent ceci : Il est nécessaire, ô Roi, que tu saches que les Juifs déportés autrefois à Babylone, sont rentrés dans notre pays, y rebâtissent leur ville rebelle et méchante, en restaurent les portes et les murailles, et y construisent un temple. Sache bien que s’ils en viennent à bout, ils ne te paieront plus de tribut, n’exécuteront plus tes ordres et seront plus près d’ordonner que d’obéir. En conséquence, pendant qu’ils sont en train de travailler à leur temple, il nous semble bon de te prévenir, ô Roi, et de ne rien négliger pour que tu consultes les archives de tes ancêtres. Tu. y trouveras en effet la preuve, que les Juifs ont toujours été des rebelles, et des ennemis du trône, aussi bien que leur ville qui, pour cette raison, a mérité d’être dévastée. Il nous a paru que c’était notre devoir de t’instruire de ce que peut-être tu ignores : c’est que si cette ville se relève et se fortifie, la route vers la Phénicie et la Syrie te sera désormais fermée[11].

A la lecture de cette dénonciation, Cambyse, qui était d’un naturel emporté, se montra fort irrité, et répondit aussitôt en ces termes : Le roi Cambyse à Rathymos l’historiographe, à Besamos et à Sémélias le grammate, et à tous leurs compagnons, et aux habitants de la Samarie et de la Phénicie, fait savoir ceci : Après lecture de la lettre que vous m’avez adressée, j’ai donné l’ordre de consulter les archives de mes ancêtres. Il y a été trouvé que cette ville a été perpétuellement l’ennemie des rois, et que sa population n’a cessé d’être la cause de séditions et de guerres. Nous avons reconnu que leurs rois avaient été puissants et violents, et avaient levé des impôts sur la Syrie et la Phénicie ; c’est pourquoi j’ai ordonné que les Juifs fussent empêchés de reconstruire leur ville, afin que leur perversité envers les rois ne devienne pas plus grande qu’elle n’a été jusqu’ici[12].

Aussitôt qu’ils eurent en mains la dépêche royale, Rathymos et Sémélias le grammate, et tous leurs collègues, montèrent à chevalet se rendirent en toute hâte à Jérusalem, avec une grande troupe d’hommes armes ; là ils forcèrent les Juifs de suspendre les travaux de réédification de la ville et du temple. Pendant neuf années consécutives, tout fut arrêté ; et l’œuvre resta interrompue jusqu’à la 20 année du règne de Darius, roi des Perses, année dans laquelle Zorobabel vint à Jérusalem. Cambyse en effet resta six ans sur le trône, et après avoir conquis l’Égypte, il vint, au retour de cette expédition, mourir à Damas[13].

Nous venons de raconter en gros, d’après Josèphe, les événements accomplis depuis la 1re année du règne de Cyrus, jusqu’à la 2e de Darius, fils d’Hystaspe. Nous espérons qu’il ne paraîtra pas dénué d’intérêt de reprendre maintenant à l’aide du livre d’Esdras et de celui de Néhémie, le récit de ce qui s’est passé à Jérusalem, depuis la fin da la captivité des 70 ans, et lors de la réédification du temple (529 av. J.-C.). D’ailleurs c’est l’histoire de la nation juive, et non celle des monarques perses, que nous entendons écrire, et à ce titre nous ne saurions nous dispenser de revenir en arrière, et de donner les détails importants que nous avons le bonheur, de posséder, grâce aux écrivains sacrés.

Nous avons vu que le chiffre des exilés revenus en Judée était de 42.360, en outre de 7.337 serviteurs des deux sexes ; une troupe de chanteurs et de chanteuses, composée de 200 personnes, les accompagnait. Ce qui est piquant, c’est de pouvoir fournir le nombre des bêtes de somme de toute espèce, ramenées, par cet immense convoi d’hommes. Ils n’avaient que 736 chevaux, 245 mulets, 435 chameaux et 6.720 ânes[14].

On voit donc que le plus grand nombre des voyageurs marchait à pied, et que, dès lors, il leur a bien fallu deux ou trois mois pour venir de Babylone à Jérusalem. Aussitôt arrivés, le zèle religieux des émigrants se manifesta par les dons volontaires qu’ils offrirent à l’envi pour subvenir aux frais de la reconstruction du temple et au rétablissement du culte. Le trésor public perçut en or 6.100 dariques, en argent 500 mines, et cent robes sacerdotales[15].

Toutefois le premier soin des exilés une fois rentrés en Judée, fut de reprendre possession de leurs anciennes propriétés et chacun, à quelque classe qu’il appartînt, s’en fut habiter la ville dont il était originaire[16].

Le septième mois après le retour (521 av. J.-C.), le peuple entier se réunit à Jérusalem, pour assister à la consécration du nouvel autel des holocaustes, et célébrer la fête des tabernacles.

Le grand prêtre Josaddok, dont Nabuchodonosor avait respecté les jours, après le meurtre de Sareyah son père, ne vivait plus, et c’était Josuë, son fils, qui était rentré à Jérusalem à la tête des exilés, pour reprendre les fonctions de Souverain Pontife, qui lui appartenaient par droit de naissance. Ce Josuë, aidé de ses frères les Cohénim, et de Zorobabel, fils de Schaltiel, avec ses frères, avait relevé l’autel, suivant tontes les prescriptions de Moïse, et à partir de la fête des tabernacles qui tombait le 1er jour du 7e mois après le retour, les sacrifices quotidiens furent rétablis pour continuer sans interruption.

Le nouveau temple n’était pas encore fondé[17] ; mais l’on s’en occupa activement à partir de ce moment, grâce à l’insistance des prophètes Haggée et Zacharie. Des tailleurs de pierre et des charpentiers furent rassemblés, et reçurent une solde en argent. Des Sidoniens et des Tyriens furent engagés aussi, moyennant un salaire en vivres, pour aller chercher au Liban des bois de cèdre, qu’ils devaient amener dans le port de Japho (Jaffa), suivant la teneur de l’édit concédé par Cyrus[18].

Six mois plus tard, Zorobabel et le grand prêtre Josuë, fils de Josaddok, confiaient aux lévites âgés de 20 ans et au-dessus, l’œuvre de reconstruction du temple, à laquelle ils pouvaient seuls prendre âne part effective. Le travail commença et lorsque les fondations furent posées, les cohenim revêtes de leurs ornements sacerdotaux, se réunirent avec leurs trompettes, aux lévites fils d’Assaph, portant leurs cymbales, pour célébrer les louanges de Jéhovah, comme on l’avait fait du temps du roi David. Tous entonnèrent les hymnes d’actions de grâces, auxquelles le peuple répondit par ses acclamations d’allégresse, parce que le temple de Jéhovah était enfin fondé.

Mais tous étaient loin de prendre part à cette joie bruyante ; parmi les prêtres, les lévites et les chefs de famille, il y avait des vieillards, qui avaient vu de leurs yeux l’ancien temple, et qui gémissaient en le comparant, dans leur souvenir ; au temple si pauvre qu’il leur était permis de rebâtir. Heureusement les cris de joie du peuple couvrirent les gémissements intempestifs de ceux qui s’affligeaient.

Les voisins de la Judée, ces ennemis nés du Judaïsme, ne pouvaient voir sans envie la renaissance de Jérusalem. Entraver à tout prix le nouvel essor de la nation revenue de l’exil, fut aussitôt le but qu’ils se proposèrent. Chose étrange ! il paraît certain que la reconstruction du temple fut surtout ce qui excita la jalousie. Les adversaires de Juda et de Benjamin, dit le livre d’Esdras[19], ayant appris que les fils de l’exil bâtissaient un temple à Jéhovah Dieu d’Israël, vinrent trouver Zorobabel et les chefs de famille et leur dirent : Nous bâtirons avec vous ; car autant que vous, nous voulons honorer votre Dieu, puisque c’est à lui que nous offrons des sacrifices, depuis le temps d’Asarhaddon, roi d’Assyrie, qui nous amena ici. Zorobabel, le grand prêtre Josuë et les chefs de famille les éconduisirent en leur répondant : Ce n’est pas votre affaire de bâtir avec nous le temple de notre Dieu ; nous seuls nous construirons le temple de Jéhovah, Dieu d’Israël. C’est l’ordre que nous avons reçu de Cyrus, roi de Perse.

Cette tentative ouverte ayant échoué, les intrigues secrètes recommencèrent. Tout en essayant de l’intimidation, on eut recours aux dénonciations que l’on obtenait à prix d’or des administrateurs du pays. De Cyrus à Darius cette persécution avait été continuelle. Les premiers délateurs soudoyés des Cuthéens, car c’est bien de ceux-ci que partait le coup, furent Baslam, Mithradate et Thobel, qui envoyèrent au roi Artaxerxés[20] (lisez : Cambyse, 529 av. J.-C.) une lettre conçue en écriture et en langue araméennes. Puis ce fut le tour de Réhoum l’historiographe, (Bâal-Thâam), et de Chamsi le grammate, parlant au nom de la nation Cuthéenne transplantée de Médie en Samarie[21].

Leur dépêche a été reproduite plus haut, à propos du récit de Josèphe qui l’a transcrite presque textuellement, en nous en faisant connaître les fâcheuses conséquences. Le récit du livre d’Esdras ne différant en rien d’essentiel de celui de l’historien des Juifs, il serait superflu de le donner de nouveau et nous nous bornerons à en présenter ici la conclusion (IV. v. 24). Alors l’ouvrage du temple de Dieu fut interrompu, jusqu’à la 20 année du règne de Darius, roi de Perse.

Ce fut à cette époque que Tatnaï[22] gouverneur, pour le roi de Perse, de tout le pays au delà de l’Euphrate, et par conséquent de la Judée, accompagné de Chetar-Boznaï, et de quelques autres grands officiers, se rendit à Jérusalem. Probablement les Juifs avaient tenu médiocrement compte de l’interdiction royale, et ils avaient continué l’œuvre de la reconstruction de leurs remparts et de leur temple, mais petitement et sans bruit, avec l’espérance que leur travail passerait inaperçu.

L’arrivée de Tatnaï fut un coup de foudre. — Qui vous adonné l’autorisation de bâtir ce temple et ces murailles, leur dit-il ? — Quel est le nom des hommes qui font faire ces constructions ? Nous ne savons par quels moyens les Juifs réussirent à obtenir que leur œuvre fût continuée, en attendant la décision du roi toujours est-il que les travaux ne furent pas interrompus ; jusqu’à l’arrivée du décret demandé[23].

Probablement la chose se passa comme elle se passe d’ordinaire en Orient. Tatnaï se laissa gagner à prix d’argent, et ferma les yeux, tout en adressant au souverain le rapport dont la teneur suit :

A Darius, le Roi, paix parfaite ! On fait savoir au Roi que nous sommes allés au pays de Juda, au temple du Grand Dieu. Il est construit de lourdes pierres ; le bois est placé dans les murailles, ce travail marche rapidement et réussit en leurs mains. Nous avons interrogé les anciens et nous leur avons dit : Qui vous a donné l’ordre de bâtir ce temple, et de relever ces murailles ? Nous leur avons aussi demandé leurs noms, pour t’en faire part, afin que nous eussions par écrit les noms des hommes qui sont à leur tête. Voici la réponse qu’il nous ont faite, disant : Nous sommes les serviteurs du Dieu du ciel et de la terre, et nous rebâtissons un temple qui avait été bâti il y a bien des années, et qu’un grand roi d’Israël avait élevé et achevé. Toutefois depuis que nos pères ont irrité le Dieu du ciel, il les a livrés en la main de Nabuchodonosor, roi de Babylone ; le Chaldéen, qui a détruit ce temple et exilé le peuple à Babylone. Mais dans la 1er année de Cyrus, roi de Babylone, le roi Cyrus donna l’ordre de rebâtir ce temple de Dieu. Le roi Cyrus retira du palais de Babylone les vases d’or et d’argent du temple de Dieu, et les remit à celui qui se nomme Chechbasar et qu’il a institué gouverneur (ces vases Nabuchodonosor les avait pris au temple de Jérusalem et les avait » apportés au temple de Babylone). Il lui avait dit : Prends ces vases, va, porte-les au temple de Jérusalem ; le temple de Dieu sera rebâti à sa place. Là-dessus Chechbasar vint et posa les fondations du temple de Jérusalem. Depuis lors jusqu’à présent on le bâtit, mais il n’est pas encore achevé. Plaise au Roi qu’on recherche dans les archives royales, là-bas à Babylone, s’il existe l’ordre donné par le roi Cyrus de rebâtir le temple de Dieu à Jérusalem, et que le roi nous fasse connaître sur cela sa volonté[24].

La réponse de Darius ne se fit pas attendre. Par son ordre les archives royales furent consultées, et l’on retrouva à Akhméta, en Médie (Ecbatane, sans doute) un rouleau qui portait le titre de note et contenait ce qui suit :

Dans la 1er année du roi Cyrus, le roi Cyrus a ordonné, au sujet du temple de Dieu, à Jérusalem : Le temple de Dieu sera rebâti, comme lieu de sacrifice, les fondations en seront solides. La hauteur sera de 60 coudées. Il y aura trois salles de lourdes pierres et une de bois, et les dépenses seront supportées par la maison du. Roi. Et les vases d’or et d’argent du temple de Dieu, que Nabuchodonosor a tirés du temple de Jérusalem et transportés à Babylone, seront rendus et replacés au temple de Jérusalem, remis à leur place, et déposés dans le temple de Dieu[25].

Après la transcription de cette note importante, la dépêche de Darius continuait de la manière suivante :

Ainsi donc, vous, Tatnaï, gouverneur du pays au delà du fleuve, Chetar-Boznaï, et vos compagnons, tenez-vous à l’écart ; laissez continuer l’œuvre du temple de Dieu ; que les chefs et les anciens des Juifs, bâtissent ce temple de Dieu à sa place. Voici ce que j’ordonne, touchant la conduite que vous avez à tenir à l’égard des anciens des Juifs, pour la construction de ce temple de Dieu. Les frais leur seront promptement remis sur les revenus royaux d’au delà du fleuve, pour qu’ils n’éprouvent aucun retard. Tout ce dont ils auront besoin, comme jeunes taureaux, béliers et moutons, pour les holocaustes offerts au Dieu du ciel, comme froment, sel, vin et » huile, suivant les prescriptions des prêtres de Jérusalem, leur sera livré, jour par jour, sans faute, afin qu’ils offrent des sacrifices agréables au Dieu du ciel, et qu’ils prient pour la vie du Roi et de ses fils. J’ordonne que quiconque altèrera cet édit, une pièce de bois sera retirée de sa maison et dressée. Il y sera attaché et sa maison sera réduite en cendres, pour ce crime. Que le Dieu qui y a fait résider son nom, renverse tout Roi et tout peuple qui étendra la main pour changer, pour détruire ce temple de Dieu, à Jérusalem. Moi, Darius, j’ai donné un ordre ; qu’il soit promptement exécuté[26].

Tatnaï et Chetar-Boznaï s’empressèrent d’obéir ; à partir de ce moment tout marcha à souhait, et le 3 du mois d’Adar de l’an VI de Darius, le temple. de Jérusalem fut achevé (545 av. J.-C.). L’inauguration fut faite avec une grande solennité : cent taureaux, deux cents béliers, quatre cents moutons et douze boucs, comme victimes expiatoires, y furent immolés[27].

Ce fut beaucoup plus tard, dans la VIIe année du règne d’Artakhsaschtah (c’est certainement d’Artaxerxés II, Mnémon, qu’il s’agit et non de Xerxès, comme le prétend Josèphe), Esdras vint en Judée à la tête d’une troupe nombreuse de Juifs qui regagnaient joyeusement leur patrie. Ils mirent quatre mois à par-courir la longue et pénible route de Babylone à Jérusalem ; car partis le 1er du 1er mois de l’an VII d’Artakhsaschtah, ils n’arrivèrent que le 1er du 5e mois au but de leur voyage[28].

Esdras était porteur d’une lettre du roi, autorisant tous les Juifs répandus dans ses États, à rentrer dans leur pays. Cette lettre l’investissait en outre des pouvoirs nécessaires pour instituer des fonctionnaires et des juges chargés d’administrer ses compatriotes ; et elle l’autorisait à se faire remettre à première réquisition, par les receveurs du tribut établis au delà de l’Euphrate, jusqu’à cent kor[29] de froment, cent bath de vin, cent bath d’huile, et du sel à discrétion. Enfin ce même rescrit royal affranchissait tous ceux qui appartenaient au service du temple, tels que prêtres, lévites, chanteurs, portiers, néthinim (serviteurs des lévites) et autres employés du temple, de toute contribution ou redevance quelconque[30].

Le chapitre VIII du livre d’Esdras donne l’énumération des hommes qui l’accompagnèrent, lors de son retour à Jérusalem. Ils étaient au nombre de 1.854. Il est à remarquer qu’il n’entre pas une seule femme dans cette énumération. Le Roi des Perses, les membres de son conseil, et les grands officiers de sa couronne, avaient fait don volontaire au temple de Jéhovah, de métaux et de vases précieux, destinés au culte, et qu’Esdras fut chargé de transporter à Jérusalem. Le même chapitre VIII en évalue le poids de la manière suivante : six cent cinquante kikar d’argent[31], six cents kikar en vases d’argent et cent kikar d’or, vingt coupes d’or de mille dariques, et deux vases d’airain resplendissant, précieux comme l’or.

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, tout ce monde quitta Babylone le 1er du mois de l’an VII d’Artaxerxés II, et vint camper sur les bords du fleuve Ahouah. Quel est ce fleuve ? Nous l’ignorons. Serait-ce là un nom particulier de l’Euphrate ? c’est possible. Quoi qu’il en soit, le fleuve fut franchi, le 12 du premier mois, et le voyage des émigrants ne fut plus interrompu jusqu’à Jérusalem, où ils immolèrent à Dieu, en actions de grâces, douze taureaux, quatre-vingt-seize béliers, soixante-dix-sept moutons et douze boucs, comme victimes expiatoires[32].

Toute l’allégresse que le succès de son voyage causait, à Esdras, fut promptement dissipée ! Pour lui, le zélé observateur de la loi mosaïque, il y avait une triste nouvelle à apprendre et elle lui arriva bientôt. Les chefs de la nation rentrés avant lui en Judée, vinrent le trouver et l’avertirent que ceux qui étaient revenus de la captivité, les prêtres et les lévites, aussi bien que les hommes du peuple, avaient contracté des alliances prohibées avec des femmes des nations païennes du pays, telles que les Kénâanéens, les Hethéens, les Périzéens, les Jébuséens, les Ammonites, les Moabites, les Égyptiens et les Amorites. A cette révélation, Esdras déchira ses vêtements, s’arracha les cheveux et la barbe, et resta comme anéanti, pendant plusieurs heures, sous le poids de tant d’impiété. Au sacrifice du soir, il sortit de sa torpeur, acheva de déchirer ses habits, et fit à haute voix à Jéhovah la confession du crime commis par ses compatriotes[33].

Les assistants se sentirent pris d’émulation et jurèrent de chasser de chez eus leurs femmes et leurs enfants qui n’en pouvaient mais ! Toute la nation fut alors convoquée à Jérusalem, le vingtième jour du neuvième mois (c’est-à-dire quatre mois et deux jours après l’arrivée d’Esdras, ce qui semblerait prouver que cette répudiation en masse ne fut pas consentie avec une très grande facilité). L’Assemblée décida qu’une commission, à la tête de laquelle siégerait Esdras lui-même, serait chargée d’une aussi délicate affaire, et il fallut deux mois entiers à cette commission, pour venir à bout de décider les délinquants à rompre leurs mariages illégaux[34].

Maintenant revenons en arrière et empruntons. à Josèphe quelques détails qui nous prouveront que ses récits, sur l’histoire de ce temps, méritent d’être pris en très sérieuse considération.

Josèphe nous raconte qu’après la mort de Cambyse, les Mages usurpèrent le souverain pouvoir qu’ils conservèrent pendant une année entière ; au bout de ce temps, ils furent renversés, et Darius fils d’Hystaspe, reçut la couronne (521 av. J.-C.) par le vote unanime des sept ordres des Perses, όι λεγόμενοι έπτά οίxοι τών Πέρσών[35].

La célèbre inscription trilingue de Behistoun, acquise à la science depuis un petit nombre d’années, nous a conservé une des plus belles pages de l’histoire d’Orient, à cette époque reculée. C’est Darius fils d’Hystaspe, lui-même, qui semble en avoir été le rédacteur, et les faits qu’elle nous révèle ont eu entre autres précieux résultats celui de montrer une fois de plus qu’Hérodote, que l’on a dédaigneusement affublé du titre de Père de la fable, a des droits incontestables au titre beaucoup plus honorable de Père de l’Histoire.

Il n’était pas possible que cette inscription consacrée tout entière à raconter l’histoire de Darius, ne fît pas mention de l’usurpation passagère des Mages ; aussi y voyons-nous sur, une tablette particulière en bas-relief, le chef des Mages terrassé sous le talon de Darius et accompagné d’une légende ainsi conçue : Celui-ci est Gomatah le Mage qui a menti, disant je suis Smartiyah, Roi....

Ce Gomatah, c’est le faux Smerdis, dont le véritable nom, ainsi que nous venons de le dire, était Smartiyah.

Mais continuons à lire Josèphe. Darius pendant qu’il était encore de condition privée, avait conçu le projet ambitieux de s’emparer du trône des Perses, et il avait fait à Dieu le vœu de restituer au temple de Jérusalem tout ce qui pouvait rester encore. de vases sacrés, provenant du pillage de ce temple, s’il réussissait dans ses desseins. Aussitôt qu’il eut reçu la couronne, Zorobabel qui depuis longtemps était lié d’amitié avec le nouveau Roi, et qui avait été un prince des Juifs rentrés dans leur patrie, Zorobabel s’empressa de partir de Jérusalem, et d’apporter ses félicitations à Darius ; celui-ci sensible à cette preuve d’affection, chargea Zorobabel, avec deux autres personnages, de la garde spéciale de sa personne, et il combla des plus grands honneurs son ami qui, du reste, avait compté sur cette bienveillance du souverain[36].

Ici nous nous dispenserons de copier notre historien, et de lui emprunter la longue narration qu’il fait, à propos de la question proposée par le monarque à ses trois satellites, pendant une nuit d’insomnie, qui suivit un immense festin donné dans la 1er année de son règne à tous ses parents, aux grands personnages de sa cour, aux princes des Mèdes, aux satrapes des Perses, aux Toparques qui gouvernaient en son nom, depuis l’Inde jusqu’à l’Éthiopie, et aux généraux d’armée répandus dans les 927 satrapies de son empire immense. La question était celle-ci : Qui a le plus de puissance du vin, de la royauté, des femmes et de la vérité ? Les prérogatives les plus magnifiques étaient réservées à celui des trois qui résoudrait la question, avec le plus de raison et de sagesse[37].

Le lendemain Darius reçut en audience solennelle les réponses qu’il avait provoquées. Des deux premiers, l’un pencha pour le vin, et le second pour la royauté. Lorsque le tour de Zorobabel fut venu, il commença par exalter la puissance des femmes, pour en venir à mettre bien au-dessus de cette puissance, celle de la vérité[38].

Le succès de Zorobabel. fut complet ; tous les assistants s’écrièrent qu’il avait remporté le prix, et Darius enchanté lui dit de lui demander la grâce qu’il voudrait, en outre de toutes les ré-compenses qu’il avait lui-même spontanément promises. Zorobabel saisit l’occasion avec le plus vif empressement, et rappela au roi le vœu par lequel il s’était lié, lorsqu’il aspirait à la royauté.

Tu as promis de relever Jérusalem, d’y rétablir le temple de Jéhovah, et de restituer à ce temple les vases sacrés que Nabuchodonosor en a enlevés. Accomplis fidèlement ton vœu, voilà la grâce que je te demande, pour user de la faculté que tu as daigné m’accorder[39].

Darius se leva, embrassa Zorobabel et lui accorda sur-le-champ sa requête ; l’ordre fut envoyé à tous les Toparques et à tous les satrapes, de faire escorte à Zorobabel et à ses compagnons qui se rendaient à Jérusalem, pour relever cette ville de ses ruines.

Les gouverneurs de la Syrie et de la Phénicie furent chargés, par dépêches expresses, de faire couper dans le Liban et de transporter à Jérusalem, tout le bois de cèdre nécessaire aux constructions. Tous ceux des captifs désireux de retourner à Jérusalem, furent rendus à la liberté, par un décret spécial, qui les exemptait de toute espèce d’impôts. Les Iduméens, les Samaritains, et les Assyriens reçurent l’ordre de remettre entre les mains des Juifs, toutes les bourgades juives qu’ils détenaient, et, qui plus est, de contribuer, pour une somme de cinquante talents, aux frais de la reconstruction du temple. Les Juifs reçurent en outre la faculté de se-livrer à toutes les prescriptions de la loi relative au culte de leurs pères. Tous les ornements sacerdotaux et tout, le mobilier sacré devaient être confectionnés aux frais du trésor royal, aussi bien que les instruments de musique avec lesquels les lévites célébraient les louanges du Très Haut. Les gardiens de la ville et du temple devaient recevoir des apanages en terres, avec les émoluments nécessaires pour subvenir aux besoins de la vie. Enfin ce qui restait à Babylone de vases sacrés provenant de Jérusalem y fut renvoyé. En un mot Darius acheva l’œuvre de réparation que Cyrus avait commencée, dix-sept ans auparavant[40].

Josèphe donne ensuite quelques détails sur la marche de la colonne des émigrants, voyageant sous la protection d’une escorte envoyée par Darius, et se livrant à l’explosion de sa joie, pendant toute la durée du trajet[41].

Puis viennent des chiffres ayant la prétention de nous faire connaître le nombre des Juifs de la tribu de Juda et de Benjamin qui rentrèrent à Jérusalem et dans le pays avoisinant, sous la conduite de Zorobabel. De ces chiffres évidemment empruntés au livre d’Esdras, quelques-uns ont été copiés très exactement, tandis que d’autres semblent n’avoir pu être écrits que par un insensé ! Heureusement nous pouvons nous en prendre aux copistes et exonérer Josèphe de la responsabilité que feraient peser sur sa véracité ces chiffres fabuleux. Ainsi, par exemple, notre historien veut-il’ donner à ses lecteurs le total des membres âgés de plus de douze ans, des tribus de Juda et de Benjamin, qui rentrèrent cette fois en Judée ? il écrit, sans sourciller, qu’il y en avait 462 myriades, et 8.000, c’est-à-dire 4 millions et 628 mille !!!

Le livre d’Esdras (II, v. 64), ainsi que nous l’avons vu, dit 42.360. Les lévites, dit Josèphe, étaient au nombre de 74 ; le livre d’Esdras (II, v. 40) dit 47 ; ici les unités ont remplacé les dizaines et réciproquement ; la masse des femmes et des enfants, dit Josèphe, comptait 40.742 âmes ; le livre d’Esdras n’en parle pas. Puis venaient des gens se prétendant Israélites, mais qui ne pouvaient, généalogie en main, prouver qu’ils avaient raison. Ils étaient au nombre de 662. Le livre d’Esdras (II, v. 60) en compte 652 ; il n’y a donc qu’une dizaine de différence. Parmi les prêtres, dit Josèphe, il y en eut environ 525 qui furent dépouillés du sacerdoce, parce qu’ils ne purent établir l’origine des femmes qu’ils avaient épousées. Le livre d’Esdras (II, v. 61 et 62) parle de ces prêtres déchus, mais sans en donner le nombre. Les serviteurs qui suivaient la colonne étaient au nombre de 7.337 ; le livre d’Esdras (II, v. 65) donne exactement le même chiffre. Les chanteurs étaient au nombre de 245 ; le livre d’Esdras (II, v. 65) dit 200 seulement, et il est évident que Josèphe, pour trouver son chiffre de 245, a copié, dans le verset suivant, le nombre 245 des mulets de la colonne. Voilà, on en conviendra, une singulière confusion ! Les chameaux étaient au nombre dé 435, et les ânes de 5.525, dit Josèphe. Le livre d’Esdras (II, v. 67), compte bien aussi 435 chameaux mais les ânes sont au nombre de 6.720. On voit donc que tous ces chiffres, à bien peu d’exceptions près, sont en complet désaccord[42].

Josèphe termine en disant que le chef du convoi énuméré plus haut, était Zorobabel, fils de Salathiel, qui appartenait à la tribu de Juda et à la descendance de David, et Jésus fils de Josaddok le souverain pontife. En outre de ces deux grands personnages, le peuple s’était donné pour conducteurs Mardochée et Seribaïos qui apportèrent cent mines d’or et 5.000 mines d’argent.. Arrivés au terme de leur voyage, les enfants d’Israël qui avaient voulu rentrer dans leur patrie, habitèrent, les uns Jérusalem, et les autres, les localités desquelles ils étaient originaires[43].

Dans le livre d’Esdras, c’est Zorobabel, fils de Saâlthiel seul qui est considéré comme le chef de la nation retournant en Judée. Il est bien accompagné de Josuë, fils de Josaddok, d’un Mardochée et d’un Serayah, dont le nom pourrait être regardé comme altéré en Séribaïos[44], si nous ne retrouvions, dans la narration du voyage d’Esdras et des convois de captifs qu’il ramena à Jérusalem, un Sérabiah, parmi les Cohenim auxquels. fut confiée par Esdras la mission de rapporter les vases sacrés à Jérusalem[45].

Quant à la masse de métaux précieux apportés, suivant Josèphe, par Mardochée et Séribaïos, il est évident qu’il en faut retrouver la mention à la fois dans le verset 69 du chapitre II d’Esdras ainsi conçu : Ils donnèrent (quelques-uns des chefs de famille), selon leurs moyens, au trésor, pour l’ouvrage, en or, 61.000 dariques d’or, et en argent, 5.000 mines, et 400 robes sacerdotales ; — puis dans les versets 24 à 27 du chapitre VIII d’Esdras, où il est question des douze cohénim auxquels Esdras confia, après les avoir pesés devant eux, les vases sacrés, et l’or et l’argent, c’est-à-dire le trésor de l’émigration. En effet à la tête de ces douze prêtres nous trouvons Sérabiah qui n’est évidemment que le Séribaïos de Josèphe.

Devons-nous en conclure que pour Josèphe qui était prêtre lui-même, et plus rapproché que nous des événements dont il s’agit, les personnages distincts de Zorobabel et d’Esdras, n’en auraient fait réellement qu’un seul et même ? On serait presque tenté de le croire ; de la sorte le livre d’Esdras contiendrait deux versions du même fait, ce qui rendrait compte, jusqu’à un certain point, des confusions étranges que nous avons été déjà forcé de relever, chemin faisant. Hâtons-nous de dire toutefois qu’après avoir exposé ce qui concerne Zorobabel, Josèphe passe à Esdras dont il écrit également l’histoire. Mais n’anticipons pas et revenons à Zorobabel[46].

Josèphe raconte la reconstruction de l’autel des holocaustes, effectuée par Zorobabel et par le grand prêtre Jésus ou Josuë, fils de Josaddok, et la célébration de la fête des tabernacles ; il ajoute que les sacrifices ordinaires furent rétablis, à partir de la nouvelle lune du 7e mois, et que la reconstruction du temple fut commencée ; il termine en disant : Tout cela qui avait été ordonné par Cyrus, ne s’accomplit enfin que par l’ordre de Darius.

Puis vient la reconstruction du temple, commencée à la nouvelle lune du 21, mois de l’année, qui suivit le retour des Juifs conduits par Zorobabel. Tous les lévites âgés de 20 ans et au-dessus, prenaient part au travail, sous la direction de Jésus, avec ses fils et ses frères, et de Zodmiel, frère de Judas, fils d’Aminadab, avec ses enfants[47].

Tous les détails de l’ouvrage et de la consécration sont identiques avec ceux que nous avons donnés plus haut, en nous servant du livre d’Esdras[48].

Toutefois Josèphe prétend, et cela est de son crû, sans doute, que les gémissements de ceux qui déploraient l’infériorité du nouveau temple, en se rappelant l’éclat du premier, couvrit le bruit des trompettes et les cris de joie du peuple[49].

Ici Josèphe a la malencontreuse idée de faire accourir les Samaritains étonnés du bruit des fanfares, et venant s’enquérir de leur cause. Samarie (Sebastieh) est au nord-ouest de Naplouse, à deux grandes journées de marche de Jérusalem ! Certes il aurait fallu que les Samaritains eussent l’oreille. fine ! La conversation donnée au livre d’Esdras entre Zorobabel et les satrapes (IV, v. 2 et 3) est reproduite par Josèphe ; seulement celui-ci met le nom de Salmanasar à la place de celui d’Asarhaddon, et au lieu de mentionner Cyrus seul, dans la réponse de Zorobabel aux Samaritains, il allègue les ordres de Cyrus et de Darius. En cela notre écrivain avait raison, puisqu’il faisait venir Zorobabel à Jérusalem, dans la deuxième année de Darius seulement, ainsi que cela est réellement arrivé[50].

Dans le-chapitre suivant, Josèphe raconte les sollicitations haineuses des Cuthéens, l’intervention de Sisinès, satrape de Syrie et de Phénicie, de Sarabasanes, et de quelques autres grands officiers de la couronne des Perses ; la réponse de Zorobabel et du grand prêtre Jésus ou Josuë ; et, chose curieuse, dans cette réponse, les deux chefs juifs rappellent au satrape, que Cyrus a confié à Zorobabel et à Mithridate les vases sacrés enlevés par Nabuchodonosor, afin qu’ils les restituassent au temple qu’ils allaient reconstruire. Cette mention qui a échappé à Josèphe prouve bien, à notre avis, qu’il régnait dans osa pensée une confusion inextricable sur la rentrée des Juifs à Jérusalem, et, que les premiers convois de captifs, auxquels licence fut accordée de rentrer en Judée, furent bien conduits par Chechbasar et par Zorobabel[51].

Puis vient tout au long la mention de la dépêche de Sisinès à Darius, de la recherche de l’ordre de Cyrus, dans les archives royales, de la rencontre à Ecbatane (έν έxβατάνοις) du livre où était inscrit le décret de Cyrus, et de tous les détails que nous avons empruntés au livre d’Esdras[52].

Il n’y manque rien ; pas même le nom des deux prophètes Haggée et Zacharie qui encourageaient les travailleurs, en leur parlant au nom de Jéhovah[53].

Nous avons, vu dans le livre d’Esdras (VI, v. 13) que le temple fut achevé le 3 du mois d’Adar de l’an VI du règne de Darius (515 av. J.-C.). Il eût été extraordinaire que cette date fût fidèlement reproduite ! nous sommes si bien habitués à la médiocrité des chiffres fournis par l’historien Josèphe, que nous devions nous attendre ici à une inexactitude de plus. On va voir que cette attente n’a pas été trompée.

Le nouveau temple, dit Josèphe, a été achevé en sept ans. Dans l’année IX du règne de Darius, le 23 du douzième mois, qui chez nous se nomme Adar, qui est le Dystros des Macédoniens, l’inauguration du nouveau temple fut célébrée solennellement ; cent taureaux, deux cents béliers, quatre cents moutons et douze boucs d’expiation furent immolés en ce jour. A la date près qui est fausse, les autres détails, comme les nombres des victimes offertes en sacrifice, sont exacts.

Lorsque arriva la fête des Azymes au premier mois qui est notre Nisan et correspond au Xanthicus des Macédoniens, la nation accourut de tous les côtés à Jérusalem, et tous célébrèrent la fête, avec leurs femmes et leurs enfants, après s’être purifiés selon les rites du culte -de leurs pères. La victime nommée spécialement la Pâque, fut immolée le 14 du même mois, et pendant sept jours consécutifs, tous se livrèrent à l’allégresse, sans rien épargner, pour que leurs réjouissances fussent somptueuses ; et en offrant à-Dieu des holocaustes en actions de grâces de ce qu’il les avait ramenés dans leur patrie et leur avait rendu le culte sacré de leurs aïeux[54].

Nous avons, à propos de la reconstruction du temple, une remarque très curieuse à faire. Tout le monde connaît la vision d’Ézéchiel, et la description qu’il fait du temple fantastique qui doit remplacer celui que les Babyloniens ont anéanti. Cette vision est datée du commencement de la vingt-cinquième année de l’exil, du 10 du premier mois, et de la quatorzième année, après la ruine de la ville de Jérusalem (cette année est forcément l’an 574 av. J.-C.). Nous y trouvons trois versets qui ont une extrême importance pour la solution d’une question qui a soulevé une longue polémique ; on devine qu’il s’agit des tom-beaux des rois de Juda. Voici ces trois versets :

Ézéchiel, XLIII, v. 7. Il me dit : fils de l’homme, voici le lieu de mon trône, et le lieu pour la plante de mes pieds, où j’habite, au milieu des enfants d’Israël, pour toujours ; et la maison d’Israël ne profanera plus mon saint nom, ni eux, ni leurs rois par leurs fornications, ni leurs hauts lieux, par les cadavres de leurs rois.

8. En ce qu’ils plaçaient leur seuil près de mon seuil, et leurs poteaux (de portes) près de mes poteaux, et il n’y avait qu’un mur entre moi et eux, et ils ont profané mon saint nom, par les abominations qu’ils ont faites, et je les ai condamnés dans ma colère.

9. Maintenant ils éloigneront de moi leurs fornications, et les cadavres de leurs rois, et j’habiterai toujours au milieu d’eux.

N’est-il pas plus que probable que, jusqu’à la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, les tombeaux de David et de sa dynastie furent sur la montagne sainte ? qu’Ézéchiel, qui prophétisa pendant la captivité, en fit un des plus grands griefs de Jéhovah contre son peuple, et que celui-ci, lorsqu’il revint de Babylone, pour reconstruire son temple auguste, n’eut garde d’oublier le reproche que Dieu lui avait adressé par la bouche d’Ézéchiel ? Dès lors, il n’y a rien non plus que de très vraisemblable à ce que la translation des tombes royales ait été ordonnée et exécutée, bien que pas un mot n’en ait été dit dans les écrits sacrés ou profanes. Mais cela est-il bien étonnant, vu l’extrême pénurie des documents historiques que nous possédons sur ces temps si troublés et si malheureux ? Si une translation des tombeaux ales rois de Juda a été exécutée, certes on a dû les porter le plus loin possible de la montagne du temple. Quel emplacement plus favorable pouvait-on choisir que celui qui est occupé au nord de Jérusalem, et à peu près à 800 mètres des murailles de la ville, par le splendide monument connu sous le nom, de Tombeaux des Rois, Qbour-el-Moloulk, ou Qbour-es-Selathin ? Avec cette hypothèse tout s’explique : le nom et le site du monument, le système de décoration dont il est orné, et le style architectonique qu’il présente, puisqu’il n’aurait pu être commencé au plutôt qu’en 537 av. J.-C., et beaucoup plus probablement en 520 seulement. Quant au silence profond gardé sur cette translation, comme d’un accord unanime, il a pu servir à masquer un fait qu’il était bien difficile de rendre légal, vu le respect profond que la nation entière professait pour les tombeaux en général, vu surtout l’impureté qui frappait de droit, pendant plusieurs jours, quiconque touchait un tombeau, même par mégarde !

Le Talmud nous dit bien que les seuls tombeaux de Jérusalem qui ne furent jamais touchés, sont ceux des rois de Juda et de la prophétesse Houlda. Voici en effet ce que nous lisons à ce su jet dans l’histoire de la Palestine, d’après le Talmud et les autres sources rabbiniques, par M. J. Derembourg (Paris, 1867, pag. 26 et 27) : D’après une autre tradition, Ezra aurait aussi fait emporter hors des murs de Jérusalem, tous les ossements des morts qu’on avait enterrés dans l’intérieur de la ville ; il fit cependant une exception en faveur des tombeaux de la famille royale et de la prophétesse Houlda, et en note : le fait des exhumations ordonnées par Ezra, est raconté dans Tosiphta Négâim, c. VI, et Abot derabbi Nathan, c. XXXV.

Il semble étrange que les savants docteurs qui rédigèrent, sans le coordonner, ce code religieux et civil de la nation judaïque, aient. eu l’idée bizarre de constater par une assertion jetée en passant, le contraire de la vérité ? Ainsi tous les tombeaux anciens, sauf ceux des rois et de la prophétesse Houlda auraient été transportés hors de la ville, par l’ordre d’Esdras. Ceux des rois, qui avaient été plus directement incriminés par Ézéchiel, auraient été laissés en place ? C’est tout simplement invraisemblable. Nous livrons ces considérations à l’appréciation du lecteur.

Mais revenons à l’histoire de Jérusalem. A partir de cette époque, l’ancien royaume de Juda fut constitué en une sorte de république démocratique, mitigée par quelque peu d’autorité réservée à un petit nombre de personnages illustres ; en d’autres termes le pays, devint une république oligarchique, que présidèrent les souverains pontifes ; jusqu’à l’avènement de la famille des Asmonéens.

De Saül, premier roi des Juifs, auquel succéda David, jusqu’à la captivité et à la ruine de Jérusalem, il s’était écoulé 522 ans, 6 mois et 10 jours[55].

Avant la royauté, la nation avait été régie par des juges et des monarques (μόναρχοι), et sous cette autre forme de république, avait passé plus de 500 ans, depuis la mort de Moïse et de Josuë[56].

Les Samaritains étaient loin d’avoir renoncé à leur envie et à leur aversion contre les Juifs ; riches, et forts de leur commune origine avec les Perses, ils essayaient de tous les moyens pour nuire à leurs rivaux détestés. Le décret royal les avait astreints à payer une somme annuelle, pour les sacrifices offerts dans le temple de Jéhovah ; ils s’y refusèrent, et firent si bien que leurs éparques prirent ouvertement leur parti. Les Juifs n’hésitèrent pas, et décidèrent immédiatement d’envoyer à Darius une ambassade, composée de Zorobabel et de quatre autres magistrats de la nation, chargés d’exposer au Roi leurs griefs légitimes contre les Samaritains. Darius les accueillit avec faveur, écouta leurs plaintes et les renvoya dans leur pays, porteurs d’un rescrit adressé aux éparques et au sénat dé la Samarie. Ce rescrit était ainsi conçu : Darius, roi, à Tanganes et Sambabas, éparques des Samaritains, à Sadracas et à Hâbelon, aussi bien qu’à leurs collègues, nos serviteurs en Samarie. Zorobabel, Ananias et Mardochée, envoyés de la nation Juive, vous accusent de les avoir molestés pendant l’édification de leur temple, et de ne leur avoir pas payé la redevance à laquelle je vous ai astreints ; afin de subvenir aux frais du culte. Je veux qu’après lecture de ce rescrit, il soit pris sur le trésor de la Samarie, pour leur être immédiatement remis, tout ce qui, de l’avis de leurs prêtres, sera nécessaire à la célébration du culte ; afin que les sacrifices quotidiens ne soient pas interrompus, et qu’ils ne cessent de prier leur Dieu, pour moi et pour la nation des Perses[57].

Josèphe poursuit ainsi : A la mort de Darius, Xerxès son fils monta sur le trône. Ce prince se montra pendant tout son règne aussi pieux que l’avait été son père. Le grand prêtre était alors Joiakim, fils de Jésus[58].

A Babylone habitait un homme juste et estimé de tous, prêtre du premier rang, et nommé Esdras, qui avait su se concilier l’amitié du roi Xerxès[59]. Il en profita pour obtenir pour lui même et pour ceux de ses coreligionnaires qui voudraient retourner à Jérusalem, la protection efficace du roi des Perses. Nous avons déjà donné les détails de cette nouvelle émigration des Juifs captifs vers leur patrie, d’après l’Écriture ; inutile donc de recommencer le récit, en copiant Josèphe[60].

Un des faits qui concernent Esdras, et dont nous n’avons pas encore parlé, est le suivant que nous trouvons à la fois dans le livre de Néhémie et dans Josèphe.

Lors de la célébration de la fête des Tabernacles, le peuple réuni dans la place qui est devant la porte des eaux, supplia Esdras de lui donner lecture de la loi de Moïse. Cette lecture, commencée à l’aurore, fut continuée jusqu’à midi et les oreilles de tout le peuple étaient attentives aux paroles de la doctrine, dont les lévites, et avec eux Néhémie, donnaient l’explication. Cette explication provoqua, nous ne savons trop pourquoi, un tel attendrissement parmi la foule des auditeurs, que Néhémie dut leur dire que ce n’était pas le cas de gémir, mais bien de se réjouir ; et que c’était un jour de fête qu’il fallait célébrer par de joyeux festins. La recommandation fut accueillie avec empressement, et le lendemain la lecture de la loi fut continuée avec le, même succès. La loi prescrivait de célébrer la fête des Tabernacles, en se construisant des cabanes de branchages d’olivier, de myrte et de palmier. Tout le monde s’empressa d’obéir, et chacun habita, pendant sept jours, le tabernacle verdoyant qu’il s’était préparé. Durant toute cette semaine de réjouissances, la lecture des livres saints fut régulièrement poursuivie.

Esdras réussit de la sorte à amender singulièrement les mœurs de la nation à la tête de laquelle il se trouvait placé. Il avait atteint un grand âge, lorsqu’il s’éteignit, laissant après lui le renom le plus glorieux. Ses funérailles eurent lieu à Jérusalem avec une grande magnificence. A la même époque qu’Esdras mourut le grand prêtre Joiakim, auquel succéda son fils Eliasib[61].

Nous avons maintenant à apprécier la part que prit Néhémie-à la reconstruction de Jérusalem. Néhémie fils de Hakaliah était échanson du roi Artakhchachta (c’est encore Artaxerxés II, Mnémon, qui est désigné ici). Au mois de Kaslew de la 20e année du règne de ce monarque (384 av. J.-C.), pendant qu’il résidait à Suse, Néhémie vit arriver de Judée Hanani, son frère, et quelques autres hommes avec lui. Il s’empressa de s’informer de l’état d’ans lequel les Juifs rentrés se trouvaient à Jérusalem, et il apprit avec douleur qu’ils vivaient dans l’affliction et l’opprobre : que les murailles de la ville étaient toujours en ruine, et que ses portes brûlées lors de la catastrophe qui avait renversé la dynastie de David, n’avaient pas encore été remplacées. Cette triste nouvelle brisa le cœur de Néhémie, qui pendant plusieurs jours ne fit que jeûner et prier, pleurer et se lamenter. Au mois de Nisan suivant, son service l’ayant appelé à la table du Roi, celui-ci, pendant qu’il lui servait du vin, remarqua la douleur empreinte sur son visage, et l’interrogea avec bienveillante sur la cause de son chagrin.

— Comment ne serais-je pas affligé, dit Néhémie, quand la ville où sont les tombeaux de mes pères est dévastée, et a ses portes consumées parle feu ? — Que demandes-tu ? — S’il semble bon au Roi, et si ton serviteur est agréable à tes yeux, envoie-moi en Judée, à la ville où sont les tombeaux de mes pères, pour que je la rebâtisse. — Soit, répondit le roi, combien de temps resteras-tu absent ? — Néhémie fixa l’époque de son retour, et le Roi consentit à son voyage. Il fit plus encore et remit à Néhémie des lettres adressées aux satrapes de l’autre côté du neuve, pour qu’ils eussent à veiller à la sécurité du voyageur, et une autre destinée à Assaph, gardien des forêts royales, qui devait fournir à Néhémie tous les bois de construction dont il aurait besoin. Néhémie, sous, la protection d’une escorte de cavalerie, se mit en route pour Jérusalem, où il arriva sans encombre[62].

La haine des nations voisines n’était qu’assoupie ; la nouvelle de l’arrivée de Néhémie avec les lettres royales l’autorisant à relever les murailles de Jérusalem, la réveilla incontinent. L’homme qui se mit à la tête de la résistance aux ordres royaux, fut un personnage nommé Sanaballète le Khoronéen (il était donc Moabite d’origine, puisque Khoron ou Khoronaïm était une ville du pays de Moab). Il était secondé par un certain Tobiah que Néhémie appelle l’Aabed (le serviteur) Ammonite[63].

Tous les deux voyaient avec un profond dépit la venue d’un homme qui pouvait faire renaître la prospérité des enfants d’Israël[64].

Nous verrons plus tard comment ils s’y prirent pour entraver le zèle de Néhémie.

Celui-ci quine voulait agir qu’avec une extrême prudence, fit d’abord mystère de la mission dont il était chargé, et commença par visiter de nuit, accompagné d’un Arès petit nombre d’hommes, l’enceinte de la malheureuse Jérusalem[65].

Dès qu’il fut bien édifié sur l’étendue de la tâche qu’il s’était, volontairement imposée, Néhémie réunit les prêtres, les grands, les magistrats et le peuple, et il leur apprit enfin ce qu’il était venu faire : — C’est une honte pour nous, que notre ville soit dévastée et ses portes brûlées ! Allons ! rebâtissons les murailles de Jérusalem, et secouons l’opprobre qui pèse sur nous. — Tous s’écrièrent, levons-nous et bâtissons ! Et l’œuvre de réparation fut immédiatement commencée[66].

Aussitôt que Sanaballète le Khoronéen et Tobiah, l’Aabed-Ammonite, auxquels s’était rallié un Cheikh arabe nommé Djesm, l’eurent appris, ils crurent n’avoir besoin que du sarcasme et de l’intimidation pour forcer les Juifs à rentrer dans l’inaction. — Que faites-vous donc, leur dirent-ils ? Vous révoltez-vous contre le Roi ? — Néhémie se chargea de lui répondre et il le fit de la manière suivante. — C’est le Dieu du ciel qui nous protègera nous, ses serviteurs ; nous nous lèverons et nous bâtirons ; quant à vous, vous n’avez rien à voir à ce qui se passe à. Jérusalem[67].

L’étendue des murailles avait été mesurée avec soin ; elle fut partagée en lots, dont la remise en état fut confiée au peuple. Les habitants de Jérusalem étaient répartis par rue, dans les chantiers de travail, et ceux de la campagne, par village[68].

Comme Eliasib, le grand prêtre, aidé de ses frères, fut chargé de remettre en état fa porte des Brebis (aujourd’hui le Bab-Setty-Maryam) et la muraille jusqu’à la tour d’Hananeël, il est indiscutable que les travaux dirigés par Néhémie n’eurent lieu qu’après la mort du grand prêtre Joiakim, père d’Eliasib[69].

On comprend que la fière réponse de Néhémie ait produit un tout autre effet que celui de calmer Sanaballète et ses adhérents. Après le dédain, ce fut le tour de la colère. Devant toutes les troupes réunies à Samarie, Sanaballète s’exprima ainsi : Voyez ce que font ces misérables Juifs ! Leur permettra-t-on de continuer ? Leur laisserons-nous terminer l’œuvre, et rendre leurs sacrifices possibles ? Souffrirons-nous qu’ils tirent de la poussière les pierres de leurs murailles dévastées par le feu ? Tobiah l’Ammonite était présent. — Hé ! qu’ils bâtissent ! s’écria-t-il, le premier chacal qui s’élancera contre leur muraille la renversera !

Toutefois, le travail se poursuivait avec persévérance ; la construction était arrivée à la moitié de sa hauteur ; le peuple alors reprit confiance, et se sentit plus d’ardeur à l’ouvrage[70].

Bientôt cependant Sanaballète et Tobiah réussirent à ameuter contre les Juifs les Arabes, les Ammonites et les Asdodéens ; ils résolurent de venir s’opposer les armes à la main, à la continuation des travaux. Néhémie prit rapidement son parti et s’apprêta à, repousser la force par la force. Des postes d’observation furent disposés, le peuple entier fut maintenu en armes, et pendant que la moitié des hommes valides veillait, prête à combattre, l’autre moitié travaillait, mais l’épée au flanc. Néhémie, accompagné d’un trompette, se portait sans cesse d’un point à l’autre, .après avoir donné à tous pour consigne d’accourir là où la trompette signalerait l’apparition de l’ennemi. Pendant la nuit, on montait la garde sur tous les points de l’enceinte, et durant tout le temps qu’on se sentit menacé à Jérusalem, personne ne quitta ses vêtements, ni le jour, ni la nuit, si ce n’était pour se baigner[71].

Il paraît constant que le mauvais vouloir de ces turbulents voisins se fit jour à plusieurs reprises, et tenta même de recourir à l’assassinat de Néhémie[72].

Plus tard, la disette devint grande, par surcroît de malheur, et une pareille situation souleva des murmures, surtout parmi les femmes et parmi les gens du peuple. Néhémie, indigné de cette tendance au découragement, leur adressa une verte remontrance, et en même temps fit honte aux riches de l’âpreté avec laquelle ils profitaient de la misère publique, pour s’emparer par des prêts d’argent, devenus nécessaires, des biens que les pauvres se voyaient forcés d’aliéner, afin de se procurer de quoi vivre. Rendez à ces malheureux, s’écria-t-il, leurs champs, leurs vignes, leurs oliviers et leurs maisons, et donnez-leur en pur don de l’argent, du blé et de l’huile, ou Dieu vous enverra le châtiment que vous méritez. Ces paroles touchèrent le cœur de ces usuriers avides et il fut fait ainsi que le voulait Néhémie.

Cette circonstance doit se rapporter à une époque éloignée de plusieurs années de celle où les murailles de Jérusalem furent relevées, puisque, dans son discours, Néhémie s’écria : Le roi Artakhchachtha, depuis la 20e jusqu’à la 32e année de son règne, m’a mis à votre tête ; voilà douze ans que je vous gouverne, et pendant ces douze ans, ni moi, ni mes frères nous n’avons touché les appointements de gouverneur[73], tandis que tous les gouverneurs qui m’ont précédé ont lourdement pesé sur le peuple, se faisant donner et leurs vivres en pain et en vin, et une solde de 40 sicles. Pendant toute la durée de la reconstruction de vos murailles, qu’ai-je fait ? Chaque jour j’ai tenu table ouverte et nourri cent cinquante personnes ; chaque jour je leur offrais un bœuf, six beaux moutons, des poules, et tous les dix jours, du vin en abondance, et jamais je n’ai réclamé le revenu de ma charge, parce que le peuple n’était déjà que trop dans la misère ![74]

Les réparations des murailles furent achevées le 25 du mois d’Éloul ; toutes les brèches avaient été fermées, et l’œuvre s’était accomplie en cinquante-deux jours[75].

Lorsque tout fut terminé à souhait, Néhémie décida que les portes de la ville resteraient toujours fermées et verrouillées jusqu’à ce que le soleil fût déjà haut. Le peuple devait à tour de rôle monter la garde, chacun dans son quartier ; malheureusement la ville était grande, tandis que la population était trop faible ; aussi les maisons d’habitation n’étaient-elles pas encore rebâties[76].

Il fallait aviser à modifier ce fâcheux état de choses, et Néhémie y réussit de la manière suivante. Comme les grands demeuraient seuls à Jérusalem, il fut décidé qu’un homme sur dix, parmi les habitants des campagnes, serait désigné par le sort pour venir s’établir dans la ville, en outre de ceux qui s’y rendraient volontairement. Josèphe, de son côté, rappelle ce fait de bonne administration, en disant que Néhémie, lorsqu’il vit la population trop faible, exhorta les prêtres et les lévites répandus dans les bourgades des environs, à les abandonner pour venir habiter la ville, où il leur faisait construire des maisons à ses frais. Les agriculteurs furent en outre astreints à apporter à Jérusalem la dîme de leurs récoltes, afin que les prêtres et les lévites, voyant leur existence assurée, ne songeassent jamais à déserter le service du temple[77].

Lorsque les murailles de Jérusalem furent remises en état de, bonne défense, on en célébra solennellement l’inauguration, et toute la population du pays vint assister à cette fête[78].

Le livre de Néhémie ne parle que d’une journée de réjouissances en cette occasion, tandis que Josèphe en mentionne huit.

Il paraît certain qu’après la reconstruction des murailles de Jérusalem, Néhémie retourna en Mésopotamie, car plus loin[79] il dit : Et pendant tout cela je n’étais point à Jérusalem, car en l’an XXXII d’Artakhchachtha, roi de Babel, je vins à Jérusalem, après avoir obtenu la permission du roi.

Que s’était-il passé pendant l’absence de Néhémie, et même avant qu’il ne quittât la Judée, pour retourner auprès du Roi ? Voyant l’inutilité de leurs protestations et de leur résistance, les ennemis des Juifs avaient fini par renoncer à la violence, et s’étaient rapprochés le plus qu’ils avaient pu d’une race que protégeaient trop manifestement leur dieu et leur souverain. Dés relations suivies et étroites furent établies entre Tobiah l’Ammonite et les grands de Jérusalem ; ainsi cet homme devint le gendre de Chekhaniah-ben-Arakh, et son fils épousa la fille dé Meschoulam-ben-Barakiah[80].

Qu’étaient ces deux personnages ? Le verset 30 du chapitre III de Néhémie nous apprend que Meschoulam-ben-Barakiah était prêtre. Quant à Chekhaniah nous ne savons qu’une chose, c’est qu’il était des fils d’Arakh, une des plus grandes familles de Jérusalem (Esdras II, v. 5 et Néhémie VII, v. 10) ; au chapitre XII de Néhémie. nous trouvons mentionné un prêtre du nom de Chekhaniah ; c’est très probablement notre personnage. Eliasib le grand prêtre lui-même était allié à Tobiah, pour lequel il avait fait"installer un grand appartement dans les dépendances du temple.

Lorsqu’il revint à Jérusalem en 372 av. J.-C., Néhémie fut indigné de cette profanation ; et fit jeter dehors le mobilier de Tobiah[81].

On comprend que ce procédé expéditif dut rallumer les haines. Ce n’est pas là, du reste, le seul sacrilège que’ Néhémie eut à réprimer. A peine de retour il s’aperçut que le jour du sabbat n’était plus sanctifié, et que l’on apportait et vendait à Jérusalem toutes les denrées possibles. Des marchands de Tyr venaient à jour fixe s’installer dans la ville, et y tenaient boutique ouverte, pendant le sabbat. Pour obvier à ces infractions de la loi, Néhémie ordonna de fermer les portes de la ville au coucher du soleil, la veille du sabbat ; et de ne les rouvrir que lorsque la journée sainte serait finie. De la sorte les marchands qui se présentèrent comme de coutume durent passer la nuit hors de Jérusalem. Lorsque cela leur fut arrivé une ou deux fois, Néhémie leur fit demander pourquoi ils passaient la nuit devant les mu-railles, et il les avertit que s’ils y revenaient, ils porterait la main sur eux ; ils le tinrent pour dit et ne reparurent plus[82].

Le pire était que bon nombre de Juifs épousaient des femmes d’Asdod, d’Ammon, et de Moab, et que leurs enfants ne parlaient plus la langue judaïque. Néhémie exaspéré les invectiva, les maudit, les battit et les prit aux cheveux, en leur disant : Je vous défends de donner de vos filles à leurs fils, et de prendre de leurs filles pour vos fils et pour vous[83].

Il y avait un exemple à faire pour arrêter ce mal, et Néhémie n’y manqua pas. L’un des fils du grand prêtre Joiada-ben-Éliasib, avait épousé la fille de Sanabellète le Khoronéen ; il fut chassé de Jérusalem[84]. Plus loin nous verrons ce qu’il en advint.

Néhémie mourut à un âge très avancé ; c’était un homme bon, et juste, ardemment épris de la gloire de sa race. Il a légué à celle-ci un monument éternel de son patriotisme, dans les’ mu-railles de Jérusalem[85].

A la mort de Xerxès (lisez d’Artaxerxés II, Mnamon), son fils auquel les Grecs ont donné le nom d’Artaxerxés (III, Ochus) lui succéda. Nous n’avons pas le dessein de reproduire ici, d’après Josèphe, les détails que nous donne le livre d’Esther[86]. Histoire ou roman[87] peu nous importe, puisque nous n’avons d’autre but que de raconter ce qui concerne particulièrement les Juifs rentrés en Judée. Nous nous bornerons donc à protester de toutes nos forces contre l’authenticité de l’édit que Josèphe prête au roi des Perses, et par lequel celui-ci commande à tous ses officiers de prêter assistance à l’égorgement d’une partie de ses sujets par l’autre. C’est insensé ! c’est d’invention ridicule ! Et Esther, cette douce reine, à qui l’on fait demander comme grâce spéciale, le jour même où elle apprend de la bouche du Roi que 7.500 personnes ont été massacrées par ses coreligionnaires, dans toute l’étendue de l’empire, que les Juifs soient autorisés à profiter du lendemain encore, pour achever cette boucherie, et que, pour couronner, l’œuvre, les dix fils d’Aman soient crucifiés !!! Tout cela est impossible ! Tout cela est d’invention ! ou tout cela est odieux !

Mais revenons à Jérusalem.

A la mort du grand prêtre Éliasib, son fils Joiada lui succéda. Il eut lui-même pour successeur son fils Jokhanan[88].

Sous le pontificat de ce dernier il se passa un fait sans précédents, et qui fut l’origine d’une véritable catastrophe. Bagoses, général en chef de l’armée d’Artaxerxés III, était lié d’amitié avec Jésus, frère de Jokhanan, et il lui promit de lui faire obtenir la grande prêtrise. Plein de confiance dans cette imprudente promesse, Jésus eut une altercation avec son frère, dans l’enceinte même du Naos, et il lui dit des paroles tellement offensantes, que celui-ci transporté de fureur le tua de sa main. C’était un fratricide sans exemple, d’autant plus odieux que le meurtrier, lorsqu’il le commit, était dans l’exercice de ses fonctions sacerdotales. Le châtiment divin ne se fit pas attendre ; car le temple fut profané, et le peuple entier rendu à la servitude. En effet dès que Bagoses fut informé de ce forfait, il accourut au temple et apostropha les Juifs en ces termes : Misérables, est-il vrai que vous ayez osé commettre un assassinat dans votre sanctuaire ? et il s’efforça d’y pénétrer. Tous alors voulurent lui barrer le passage : — Arrière ! leur cria-t-il, qui aurait l’audace de dire que je suis moins pur que celui qui s’est souillé d’un meurtre dans l’enceinte du Naos ? Arrière ! — et il entra profanant ainsi, le saint des saints. Puis Bagoses poursuivant son but, condamna les Juifs à payer pendant sept années une amende de 50 drachmes d’argent, par tête d’agneau qui serait immolé flans les sacrifices de chaque jour[89].

Après la mort de Jokhanan, son frère Iaddoua, que Josèphe appelle Iaddous, fut revêtu du souverain Pontificat. Iaddoua avait un frère nommé Manassès, marié à Nicaso, fille de Sanaballète, le satrape de la Samarie. Ce Sanaballète qui est évidemment le même que le Khoronéen Sanaballète dont Néhémie signale à plusieurs reprises le mauvais vouloir contre les Juifs, avait été envoyé en Samarie par le roi Darius III, pour gouverner cette province avec le titre de Satrape. Il était Cuthéen et compatriote des Samaritains, dit Josèphe ; et en cela Josèphe commet une erreur, puisqu’il était Moabite, ainsi que nous l’avons déjà remarqué ; à moins toutefois qu’il ne fût originaire de l’une des deux Beit-horon, de la tribu de Benjamin. Quoi qu’il en soit, Sanaballète sachant que Jérusalem était une ville illustre, et que ses Rois avaient causé jadis de graves soucis aux Assyriens et aux habitants de la Cœlésyrie, espéra, par un mariage, se concilier la bienveillance de toute l’a nation juive et il donna de grand cœur sa fille à Manassès, frère du grand prêtre[90].

Le retour imprévu de Néhémie à Jérusalem renversa tous ces projets.

Néhémie indigné de l’alliance contractée, malgré la loi, par un frère du grand-prêtre avec une étrangère, n’hésita pas et expulsa de la ville le gendre de Sanaballète[91].

Vers cette époque, Philippe, roi de Macédoine, fut assassiné à Ægée par Pausanias, qui était de la nation des Orestiens (336 av. J.-C.). Son fils Alexandre qui lui succéda, franchit l’Hellespont, rencontra l’armée de Darius Codoman, sur le Granique, et la mit en pleine déroute. De là le conquérant porta ses armées victorieuses en Lydie, en Ionie, en Carie et en Pamphylie[92].

C’est ici seulement que Josèphe raconte l’expulsion de Manassès, et il le fait en ces termes : Les grands de Jérusalem (à la tête desquels sans doute, nous devons placer Néhémie, ainsi que le prouve le verset que nous avons mentionné ci-dessus) s’indignèrent de ce que le frère du grand prêtre Iaddous avait pris pour femme une étrangère. Cette alliance, en effet, leur semblait un précédent détestable, que ne manqueraient pas d’invoquer tous ceux qui, à propos de mariage, auraient le désir d’enfreindre la loi. N’étaient-ce pas ces mariages prohibés qui, jadis, les avaient jetés dans la captivité, et avaient attiré toutes les cala-mités sur la nation ? Ils signifièrent donc à Manassès d’opter, c’est-à-dire de répudier sa femme, ou de renoncer au sacerdoce. Le grand prêtre lui-même s’indigna comme le peuple, et inter-dit à son frère d’approcher de l’autel.

Manassès courut auprès de son beau-père Sanaballète, et lui déclara que quelque amour qu’il eût pour sa femme Nicaso, il ne se résignerait jamais à se dépouiller pour elle du sacerdoce qui, parmi son peuple, était la plus grande des dignités et un honneur héréditaire dans sa famille. Sanaballète s’empressa de lui promettre que non seulement il lui conserverait le sacerdoce, mais encore qu’il saurait bien lui donner une dignité pontificale égale à celle du grand prêtre de Jérusalem. — Garde ma fille pour femme, lui dit-il, et je te ferai le souverain réel de tous les pays que je commande, et je ferai bâtir sur le mont Garizim, la plus haute des montagnes de la Samarie, un temple qui sera semblable à celui de Jérusalem. Je m’engage formellement à obtenir du roi Darius l’autorisation de le construire. — Il n’en fallait pas plus pour satisfaire la vanité et l’ambition de Manassès ; il ne quitta plus son beau-père, et attendit que le roi Darius lui confiât le souverain pontificat, et l’investît de l’autorité de Sanaballète qui était très avancé en âge. Un grand nombre de prêtres et d’enfants d’Israël qui avaient contracté des unions prohibées, comme celle de Manassès, s’empressèrent de quitter Jérusalem, et de venir se ranger autour du futur grand prêtre, dont le beau-père, par égard pour Manassès, les combla de présents de toute nature, leur distribuant des habitations et de grandes sommes d’argent[93].

Darius effrayé des progrès rapides d’Alexandre, après la bataille du Granique, rassembla en toute hâte une nouvelle et puissante armée et courut au-devant du conquérant, pour l’arrêter avant qu’il n’eût envahi l’Asie entière.

L’armée des Perses à la tête de laquelle Darius s’était mis en personne, passa l’Euphrate, franchit le Taurus et descendit en Cilicie, pour livrer bataille aux Macédoniens. Sanaballète ravi de la venue de son souverain, renouvela toutes ses promesses à Manassès, en lui jurant qu’elles seraient accomplies de point en point, aussitôt que Darius aurait remporté la victoire qui ne pouvait lui échapper. Il croyait, en effet, comme du reste le faisaient tous les Perses, que les Macédoniens effrayés de la multitude de leurs adversaires n’oseraient tenter le sort d’une bataille. Il en arriva tout autrement ! Darius fut battu ; la plus grande partie de son armée périt, et le Roi dont la femme et les enfants tombèrent entre les mains de l’ennemi, s’enfuit honteusement vers la Perse. Cette victoire, ouvrait la Syrie à Alexandre, il s’y précipita, prit Damas et Sidon, et vint mettre le siège devant Tyr (330 av. J.-C.).

Pendant qu’il était arrêté devant cette ville, Alexandre écrivit au grand prêtre des Juifs, pour lui enjoindre de lui envoyer des auxiliaires et des vivres ; de lui payer désormais à lui-même le tribut .qu’il payait naguère à Darius, et de mériter, ainsi l’amitié des Macédoniens, ce dont il n’aurait pas à se repentir. Le grand prêtre répondit aux envoyés du roi de Macédoine, qu’il avait fait à Darius le serment de ne jamais porter les armes contre lui,.et que jamais il ne violerait ce serment. A la réception de cette réponse royale, Alexandre entra en fureur ; il ne voulait pas s’éloigner de Tyr qui était sur le point de tomber ; mais il jura que, dès qu’il en aurait fini avec cette ville, il marcherait sur Jérusalem et apprendrait à tous, par l’exemple du grand prêtre, à bien choisir les souverains auxquels il fallait prêter serment de fidélité.

En effet, Tyr ne tarda pas à succomber, et de là Alexandre se porta sur Gaza, dont le gouverneur militaire, nommé Babemès, se vit assiégé à son tour[94].

Qu’avait fait le satrape Sanaballète, à la nouvelle des désastres subis par la monarchie perse ? Il s’était montré le plus digne émule des Asiatiques, dont la perfidie était justement proverbiale, et il avait trahi le Roi son maître, sans hésitation comme sans vergogne, aussitôt que le moment lui avait paru favorable. Pendant qu’Alexandre était arrêté devant les murs de Tyr, Sanaballète, à la tête de huit mille hommes choisis parmi les troupes qu’il avait sous ses ordres, vint se présenter au roi de Macédoine, et lui offrit la soumission de la province dont il était gouverneur, en lui déclarant que c’était avec bonheur qu’il désertait le service de Darius pour passer au sien. Comme Alexandre recevait ces ouvertures avec une joie qu’il ne cherchait pas à dissimuler, Sanaballète, plein de confiance, aborda le sujet qui lui tenait au cœur, et dit au conquérant qu’il avait pour gendre Manassès, frère de Iaddous, le grand prêtre de Jérusalem ; qu’un grand nombre de Juifs l’avaient suivi. en Samarie, et que tous avaient l’ardent désir de construire un temple à leur Dieu, dans les limites de son gouvernement. Il fit ressortir adroitement ce que l’exécution de ce projet aurait d’avantageux pour Alexandre, puisque les forces de la nation juive se trouveraient ainsi divisées, et que, par conséquent, il n’y aurait plus à compter avec un peuple uni, mais à gouverner sans embarras un peuple désormais incapable de fomenter des rébellions, comme ils n’avaient cessé de le faire sous le sceptre des rois d’Assyrie. Alexandre s’empressa d’acquiescer au plan de Sanaballète, qui fit toute diligence pour construire le temple projeté[95], et y établit Manassès grand prêtre, comptant bien que de là rejaillirait un grand honneur sur les enfants de sa fille. Nous avons déjà dit que Sanaballète était un vieillard. Après son entrevue avec Alexandre, sept mois encore furent employés au siège de Tyr, et deux à celui de Gaza. Cette dernière ville venait d’être prise lorsque Sanaballète mourut[96].

Lorsque Gaza fut prise, Alexandre se disposa à marcher sur Jérusalem. A cette nouvelle, la perplexité et l’appréhension du grand prêtre Iaddous devinrent très grandes. Comment faire pour calmer l’irritation du roi de Macédoine, dont il avait profondément blessé l’orgueil, par la belle et honorable réponse qu’il lui avait adressée quelques mois auparavant ? Des prières publiques furent ordonnées, pour conjurer l’orage qui menaçait la ville sainte, et le grand prêtre, pendant qu’il officiait, supplia le Tout-Puissant de détourner de son peuple les dangers qu’il n’était que trop facile de prévoir. La cérémonie achevée, Iaddous s’endormit et vit en songe Jéhovah qui lui disait de se rassurer, d’ouvrir les portes de la ville, de faire revêtir à tout le peuple des robes blanches, de prendre lui-même les ornements pontificaux, et de se porter ainsi, sans crainte, au-devant des Macédoniens, parce que la protection divine ne lui ferait pas dé-faut. Le grand prêtre se réveilla plein de joie, et fit publier sur l’heure l’ordre providentiel qu’il avait reçu en songe : Toutes les prescriptions de cet ordre mystérieux furent préparées en hâte, et l’on attendit l’arrivée d’Alexandre[97].

Lorsqu’on fut averti de l’approche des Macédoniens, Iaddous sortit de la ville à la tête du corps sacerdotal et de la foule du peuple. Ce cortège, qui présentait un appareil imposant et bien différent de celui des pompes de toutes les autres nations, s’avança jusqu’au lieu que l’on appelle Sapha. Ce nom signifie en grec lieu d’observation (Σxοπή) ; de là, en effet, on voyait à merveille la ville et le temple[98].

Nous sommes quelque peu embarrassés pour déterminer avec précision le point que Josèphe veut désigner ici ; dans plusieurs pages des écrits de cet historien, nous trouvons mentionné le Scopus, sommet de la colline qui est à 1.300 mètres au nord de Jérusalem, et d’où la ville et le temple. se voient parfaitement, tandis qu’à la hauteur du village actuel de Chafat, s’il est vrai qu’on aperçoive encore, et pour la dernière fois, les murailles de Jérusalem, lorsqu’on se dirige vers Naplouse, on ne les aperçoit guère. La traduction Σxοπή que notre auteur donne du mot Σαφά ne pourrait-elle pas nous induire à penser que l’entrevue du grand prêtre et d’Alexandre eut effectivement lieu sur le Scopus ? Aujourd’hui que j’ai de nouveau étudié ce fait sur place, je ne doute plus guère, et je crois, malgré ce que l’existence du village actuel de Chafat a d’attrayant pour l’identification de ce village avec la Σαφά de Josèphe, que c’est bien du plateau du Scopus qu’il s’agit en réalité dans le récit qui nous occupe.

Les Phéniciens et les Chaldéens qui. étaient à la suite d’Alexandre s’attendaient, grâce à l’irritation du roi, au pillage de Jérusalem et au massacre du grand prêtre ; à l’avance ils s’en faisaient fête ; mais leur calcul fut déjoué de la manière la plus inattendue.

Alexandre apercevant de loin cette multitude en robes blanches, précédée du corps sacerdotal en tuniqués de lin, et du pontife en robe violette rehaussée d’or, ayant sur la tête la tiare ornée de là plaque d’or sur laquelle était inscrit le nom de Jéhovah, s’avança seul, s’inclina devant ce nom ineffable, et salua le premier le grand prêtre. Les Juifs alors acclamèrent Alexandre d’une voix unanime, et l’entourèrent, à la grande stupéfaction des princes de la Syrie et de tous ceux qui accompagnaient le conquérant. Tous se figuraient que leur maître venait de perdre la raison. Parménion seul osa s’approcher et interroger Alexandre, lui demandant comment il se pouvait que, lorsque tout le monde se prosternait devant lui, il s’inclinât lui-même devant le grand prêtre des Juifs ! Ce n’est pas devant cet homme, répondit Alexandre, que je me suis incliné, mais devant le Dieu dont il a l’insigne honneur d’être le pontife. Cet homme, je l’ai vu en songe, dans le même appareil, à Dium en Macédoine, et lorsque j’étais tout occupé de mes projets de conquête en Asie. Il m’exhorta à ne pas hésiter et à franchir résolument l’Hellespont ; qu’il guiderait lui-même mes armées et me livrerait l’empire des Perses ; aussi, n’ayant jamais vu un autre que lui dans cet appareil, et me trouvant tout à coup en face de celui-ci, mon rêve et ses encouragements me sont revenus à l’esprit ; maintenant je ne doute plus que mon expédition commencée par un ordre divin, n’ait un plein succès. Je renverserai Darius ; j’anéantirai la puissance des Perses, et tous les projets que j’ai conçus s’accompliront.

Lorsqu’il eut adressé ces paroles à Parménion, Alexandre prit la main du pontife et marcha vers Jérusalem. Tous les autres prêtres lui faisaient cortège.

Aussitôt entré dans la ville sainte, il monta au temple et sacrifia au Dieu qui y était adoré, en suivant les prescriptions du grand prêtre qu’il traita avec la plus grande déférence, ainsi que tous les membres du corps sacerdotal.

On lui montra le livre de Daniel, dans lequel il était prédit que les Grecs détruiraient l’empire des Perses[99], et Alexandre, convaincu qu’il était le vainqueur prédestiné dont la venue était signalée par le prophète, se sentit plein de joie et congédia la multitude.

Le lendemain, le peuple, convoqué par son ordre, fut autorisé à formuler toutes les grâces qu’il désirait obtenir de lui. Le souverain pontife réclama pour les Juifs la faculté de vivre sous les lois de leurs pères, et l’exemption du tribut annuel chaque septième année. Tout cela fut accordé sans discussion. Alors on supplia Alexandre d’accorder de même aux Juifs établis en Babylonie et en Médie, le droit de vivre sous leurs propres lois. Le roi, s’engagea avec empressement à exaucer ce vœu. Comme il ajouta que, s’il s’en trouvait parmi eux<,qui voulussent le suivre et prendre part à la guerre qui allait commencer, sous la condition formelle de ne rien changer à leurs coutumes, il était prêt à les accueillir dans les rangs de ses soldats, un grand nombre d’hommes s’enrôla sur l’heure, avec un véritable enthousiasme[100].

Nous ne savons dans quel but l’on a révoqué en doute l’authenticité du récit que nous venons de reproduire d’après Josèphe, ou plutôt nous ne voulons pas deviner quelle a été l’arrière-pensée qui a motivé ces dénégations. Nous nous contenterons donc de déclarer nettement que nous avons eu beau chercher, et que nous n’avons pu trouver une seule bonne raison pour douter de la réalité de ce fait intéressant.

Pour nous donc la venue d’Alexandre le Grand à Jérusalem, sous le pontificat de Iaddoua est un fait avéré, dont nous ne prendrons pas la peine de discuter la valeur.

Nous appuyant sur ce fait de l’autonomie concédée solennellement aux Juifs par Alexandre, nous avons essayé de fixer l’époque à laquelle furent émises les magnifiques monnaies judaïques d’argent, connues de tous les numismates, sous le nom de sicles et de demi-sicles. Cette attribution a soulevé l’incrédulité de tous ceux qui tranchent volontiers les questions, sans avoir pour, le faire la compétence nécessaire. Ils ont prétendu faire descendre ces monnaies jusqu’à Simon l’Asmonéen, ce qui, pour tout numismate exercé, est d’une impossibilité flagrante. A ceux-là, nous disons aujourd’hui : — Vous prétendez que nous nous sommes trompé en voyant, dans les sicles et les demi-sicles d’argent, des monnaies émises par le grand prêtre Iaddoua, après la visite d’Alexandre à Jérusalem ; vous avez raison, nous nous sommés trompé ; ces monnaies sont plus anciennes encore, et elles ont été frappées sous l’autorité des rois Archéménides ; telle est aujourd’hui la seule concession que nous puissions faire. Quant à voir dans ces belles monnaies l’œuvre de Simon l’Asmonéen, c’est une autre affaire, vous ne nous y amènerez jamais, et nous vous mettons au défi de jamais fournir la preuve de cette classification insensée.

Au reste, il ne serait peut-être pas impossible de justifier cette nouvelle thèse, et en voici les moyens : nous lisons dans Josèphe (Antiquités Judaïques, XIV, VII, 2) ήμίν δέ δημόσια χρήματα ούχ έστιν, ή τά τού Θεοΰ. Chez nous il n’y a pas de trésor public, si ce n’est celui qui appartient à Dieu. Les sicles et les demi-sicles étaient donc exclusivement destinés à être versés dans le trésor du temple ; et c’était avec ces monnaies, que les Juifs payaient annuellement la capitation sacrée. Lorsque Esdras vint à Jérusalem,.dans l’année VII du règne d’Artaxerxés Mnémon (397 ans av. J.-C.), le firman royal dont il était muni portait ceci (Esdras, VII), v. 14 : Puisque tu es envoyé par le Roi, et par ses sept conseillers, pour visiter le pays de Juda et Jérusalem ; selon la loi de ton Dieu, que tuas en main, — 15. et pour porter l’argent et l’or que le Roi et ses conseillers ont volontairement donnés au Dieu, d’Israël qui réside à Jérusalem16. Et tout l’argent et l’or que tu trouveras dans le pays de Babylone, avec les dons que le peuple et les prêtres font volontairement au temple de Dieu, à Jérusalem. — 17. Tu achèteras donc promptement, avec cet argent, des taureaux, des béliers, des moutons, les offrandes et les libations qui y sont attachées, et tu les sacrifieras sur l’autel du temple de Dieu, à Jérusalem, — et ce qu’il plaira à toi et à tes frères de faire avec le reste de l’argent et de l’or, agissez selon la volonté de votre Dieu. — Nous le demandons ; est-il impossible que le reste de l’argent disponible ait été employé à la fabrication des sicles et des demi-sicles consacrés, et cela par l’ordre même d’Esdras ? et la disparition de cette fabrication à la cinquième année, n’indiquerait-elle pas qu’en cette année la ressource métallique était épuisée ? Nous demandons pardon au lecteur de cette digression qui n’était pas indifférente pour nous, et nous revenons au récit des événements.

Alexandre, après avoir ainsi réglé les affaires de la nation juive, repartit et traversa, avec son armée, les villes du voisinage. Par-tout il fut accueilli avec le même empressement, et les mêmes démonstrations de dévouement. Les Samaritains avaient alors Sichem pour capitale, et cette ville située au pied du mont Gazim[101] comptait parmi ses habitants une foule de Juifs qui avaient déserté Jérusalem. Ces Samaritains sachant que les Juifs avaient été si bien’ traités par Alexandre, n’hésitèrent pas à revendiquer pour leur compté la nationalité judaïque, bien entendu afin d’en tirer les bénéfices ! Ici Josèphe ajouté une remarque fort instructive sur la moralité de cette race asiatique.

Les Samaritains ont l’habitude, dit-il, de se déclarer d’une tout autre race que les Juifs (et en cela ils sont dans le vrai), toutes les fois que les affaires des Juifs vont mal ! mais les juifs viennent-ils à jouir d’une position un peu avantageuse, les Samaritains ne perdent pas de temps pour se rattacher à eux, et ils prétendent qu’ils sont du même sang, parce qu’ils descendent directement d’Éphraïm et de Manassès, enfants de Joseph. L’occasion était donc belle de jouer une fois de plus cette vieille comédie, et ils accoururent en grande pompe au-devant du roi de Macédoine, jusque près de Jérusalem. Comme Alexandre les remerciait de cette marque de déférence, les Sichémites, s’unissant aux auxiliaires que Sanaballète avait fournis à l’armée, conjurèrent, le roi d’honorer dé sa présence leur ville et leur temple. Alexandre leur promit de les visiter, mais à son retour ! Ils lui demandèrent alors de les exempter du tribut de la septième année, parce que, dans cette année-là ils ne faisaient pas de récolte. — Qui êtes-vous pour m’adresser cette requête ? répondit le roi. Ils alléguèrent alors qu’ils étaient Hébreux, et qu’on les appelait les Sidoniens de Sichem. — Mais enfin êtes-vous Juifs ? — Ils furent forcés de dire : Non. — Ce que vous demandez pour vous, c’est aux Juifs et aux Juifs seuls, que je l’ai accordé ; cependant quand je reviendrai, et que je saurai clairement qui vous êtes, je verrai ce que j’aurai à faire. — Là-dessus, il congédia les Sichémites. Quant aux soldats de Sanaballète, il les amena en Égypte, avec la promesse de leur distribuer des terres dans ce pays. Et, de fait, peu de temps après, il les installa à poste fixe dans la Thébaïde, dont il leur confia la garde[102].

Il ne peut entrer dans notre plan de raconter même brièvement les campagnes d’Alexandre ; nous abrégerons donc en disant simplement que, lorsque Alexandre mourut, ses généraux se partagèrent ses vastes États.

Le temple du mont Garizim resta debout, et devint le sanctuaire des Samaritains. Si, à Jérusalem, quelque Juif se trouvait accusé d’avoir transgressé la loi sur la pureté des aliments, sur la célébration du sabbat, ou sur quelque autre prescription du même genre, il ne manquait pas. de se réfugier chez les Sichémites, en criant à l’injustice.

Vers cette époque, le grand prêtre Iaddoua vint à mourir, et son fils, Onias Ier, lui succéda dans le souverain pontificat[103].

Comme Onias Ier n’est pas nommé dans la généalogie des grands prêtres successifs, donnée au chapitre XII du livre de Néhémie, nous sommes en droit d’affirmer qu’à tout le moins ce chapitre a été rédigé du vivant de Iaddoua, et avant l’accession d’Onias Ier à la grande prêtrise.

Après avoir renversé le trône des Achéménides et s’être emparé de leur empire, Alexandre mourut à la fleur de l’âge (324 av. J.-C.). Il n’avait régné que douze ans.

Ses vastes États furent dépecés à leur tour, et ses généraux se les partagèrent. Antigone se saisit de l’Asie, Séleucus de Babylone, et Ptolémée, fils de Lagus, de l’Égypte, comme des vautours s’acharnant sur un cadavre. Tous ces chefs de dynastie se détestaient et se faisaient la guerre, afin d’avoir leur part plus grosse. Ces discussions armées devinrent la cause la plus grande des calamités qui pesèrent sur les populations, et la Syrie entière se vit ravagée par Ptolémée, fils de Lagus, dont le surnom de Soter (sauveur) semblait impliquer une odieuse dérision.

Pour arrondir ses États, tous les moyens étaient bons, et Jérusalem elle-même se trouva asservie par ruse et par trahison (319 ans av. J.-C.). Entré, en effet, dans cette ville un jour de sabbat, sous le prétexte d’y offrir un sacrifice au Dieu que l’on y adorait, Ptolémée, en qui les Juifs étaient loin de soupçonner un ennemi, l’accueillirent avec bienveillance ; d’ailleurs, la journée qu’il avait habilement choisie était un de ces jours entièrement consacrés au repos et à l’inaction ; une fois introduit dans la place, le roi d’Égypte s’en déclara le maître ; et la traita avec la plus grande dureté.

Ici Josèphe, à l’appui de son dire, cite le témoignage d’Agatharchides de Cnide, ainsi conçu : Il est une nation qu’on appelle les Juifs, habitant Jérusalem, ville grande et bien fortifiée, et qui ont subi le joug des Ptolémées, parce qu’ils n’ont pas voulu avoir recours aux armes ; dominés par une superstition malencontreuse, ils ont mieux aimé se courber sous la plus cruelle tyrannie, que de résister à la force.

Ptolémée enleva une foule de captifs aux montagnes de la Judée, aux alentours de Jérusalem, à Samarie, au Garizim, et il les transporta tous en Égypte. Pour lui, les Hiérosolymitains étaient les plus fidèles observateurs de la foi jurée ; il le savait, par la réponse qu’ils avaient faite aux envoyés d’Alexandre, après la défaite de Darius ; il en plaça donc un grand nombre dans les places fortes, les mit à Alexandrie sur le pied d’égalité avec les Macédoniens, et les força de jurer qu’ils resteraient fidèles serviteurs des descendants de celui qui leur avait confié la garde de cette province. Il faut ajouter, du reste, que bon nombre de Juifs, attirés soit par la beauté du climat et par la richesse du sol, soit par la libéralité de Ptolémée, émigrèrent en Égypte.

Quant à ceux qui restèrent dans leur patrie, avec la ferme volonté d’y vivre sous les lois de leurs pères, ils eurent bien sou-vent de vifs et sanglants démêlés avec les Samaritains, au sujet de leurs temples. Les habitants de Jérusalem soutenaient que le leur était le plus saint et le seul dans lequel pussent être adressés les sacrifices à Jéhovah ; les Samaritains, de leur côté, prétendaient que le seul sanctuaire légitime existait sur le mont Garizim[104].

Ptolémée Soter régna quarante ans et eut pour successeur Ptolémée Philadelphe (284 ans av. J.-C.), qui resta trente-neuf ans sur le trône. Ce fut ce monarque qui fit exécuter la traduction des livres saints des Juifs et qui rendit la liberté aux Hiérosolymitains, amenés en servitude en Égypte, au nombre de 120,000. Voici ce. qui motiva cet acte de clémence. Démétrius de Phalères, qui était le bibliothécaire du roi, était animé du désir de recueillir, si faire se pouvait, tous les livres du monde entier. Achetant à tout prix et partout tout ce qui en ce gente passait pour être agréable ou utile, il rivalisait de zèle pour l’enrichissement de la bibliothèque avec le Roi lui-même, qui était amateur passionné des livres. Ptolémée lui demandant un jour combien il avait déjà réuni de milliers de volumes, Démétrius lui répondit qu’ils étaient au nombre de deux cent mille, et qu’avant longtemps ils dépasseraient cinq cent mille. Il ajouta qu’il avait appris qu’il existait chez les Juifs un certain nombre de livres relatifs à leurs institutions, dignes d’être étudiés et de figurer dans la bibliothèque royale. Mais, dit-il, ces livres sont écrits en lettres et en idiome judaïques, et les traduire en grec serait une œuvre très longue et très laborieuse[105]. Leur écriture paraît, en effet, ressembler à celle des Syriens et représenter les mêmes consonances ; mais elle n’en est pas moins d’une nature particulière. Du reste, rien n’empêche, ô Roi ! que tu les fasses traduire ; tu es assez riche pour cela, et de la sorte tu les auras dans ta bibliothèque.

Ptolémée, convaincu que Démétrius lui donnait un bon conseil dans l’intérêt de sa collection, s’empressa d’écrire à ce sujet au grand prêtre des Juifs[106].

Déjà, depuis longtemps, un des amis les plus intimes du roi, nommé Aristée, dont la retenue était très appréciée du souverain, avait formé le projet de conjurer son maître de rendre la liberté à tous les Juifs qui existaient dans ses États. Croyant le moment opportun, puisque le roi lui-même réclamait un service du grand prêtre, il s’entendit avec Sosibios de Tarente et Andréas, tous deux chefs des gardes du roi, et sollicita leur appui. Une fois assuré qu’ils lui viendraient en aide, Aristée alla trou-ver Ptolémée, et lui présenta sa requête avec une très grande adresse et une véritable force de logique.

Il insista d’autant plus pour obtenir la liberté des Juifs, qu’il n’appartenait pas à leur nation, et qu’il n’avait de commun avec eux que le désir ardent de reconnaître les bienfaits du Dieu qui avait créé tous les hommes sans distinction de race[107].

Le roi regardant Aristée en riant, lui dit : Combien crois-tu qu’il y ait de milliers de ces captifs dont tu réclames la liberté ? Andréas, qui était présent, lui répondit qu’il y en avait un peu plus de cent mille, et le roi se tournant vers Aristée lui dit : Ce n’est pas un petit cadeau que tu me demandes ! Sosibios et les autres officiers présents à cette scène prirent alors la parole, et représentèrent au Roi qu’un pareil acte de munificence était digne de Dieu et de lui, et le Roi n’hésita plus. Un édit spécial fut immédiatement rédigé et promulgué. Dans l’espace de sept jours il ne restait plus un seul esclave juif dans les États de Ptolémée. Leur libération coûta au trésor plus de 460 talents[108].

Ce fut après avoir accompli ce grand acte de réparation, que Ptolémée Philadelphe demanda à Démétrius de Phalères un mémoire sur les livres sacrés des Juifs, qu’il voulait à tout prix posséder. Josèphe nous a conservé avec un soin religieux et le mémoire de Démétrius, et toute la correspondance dont il fut l’origine ; on peut recourir à son livre pour étudier ces documents précieux qu’il n’entre pas dans notre cadre de reproduire in extenso. Nous nous contenterons d’en extraire certains pas-sages qui ont pour nous l’avantage de jeter quelque lumière sur l’écriture et la langue judaïques à cette époque, ou, pour mieux dire, à l’époque où les copies qu’il était possible de se procurer, pendant le règne de Ptolémée Philadelphe ; avaient été confectionnées ; à moins que l’on n’admette ; comme nous le faisons nous-mêmes, que l’écriture dans laquelle étaient conçues les copies des livrés saints, était une écriture immuable et qu’il eût été sacrilège de modifier.

Dans le mémoire adressé par Démétrius de Phalères à son souverain, nous trouvons cette phrase : Ces livres étant écrits en caractères hébraïques et dans la langue nationale des Juifs, nous ne pouvons les comprendre. L’illustre bibliothécaire concluait en engageant le roi à demander au grand prêtre de lui envoyer six anciens, choisis dans chaque tribu, comme les plus savants interprètes de la loi, et de leur confier la traduction des livres précieux qu’il s’agissait d’obtenir[109].

Après avoir pris connaissance du mémoire de Démétrius et l’avoir approuvé, Ptolémée donna l’ordre d’écrire dans ce sens au grand prêtre Éléazar, et de lui annoncer en même temps la libération de ses compatriotes qui étaient naguère esclaves en Égypte.

A la mort du grand prêtre Onias Ier, sons fils Siméon Ier lui avait succédé. Celui-ci mourut en laissant un fils du nom d’Onias ; mais ce fut Éléazar, frère de Siméon, qui s’empara du souverain pontificat[110].

C’est donc à Éléazar que frit adressée la dépêche royale : Elle était confiée à Andréas et à Aristée qui devaient s’entendre avec le grand prêtre sur les moyens d’exécution, et qui étaient porteurs d’une somme de 100 talents et de cadeaux splendides, offerts au temple par le roi Ptolémée. Ces cadeaux consistaient en cinquante talents d’or, destinés à la fabrication des vases sacrés, et en une quantité inestimable de pierres précieuses de toute nature[111].

La réponse d’Éléazar ne se fit pas attendre. Elle annonçait à Ptolémée que le choix des six docteurs à prendre par tribu était effectué, et il demandait que, la traduction des livres une fois achevée, le texte lui fût renvoyé[112].

Cette lettre accusait réception de 20 vases d’or, de 30 d’argent, de 5 aiguières dont 2 en or, et de la table de proposition, dont le roi d’Égypte gratifiait le temple de Jérusalem. Cette table était une merveille d’art dont Josèphe donne longuement une description, qui malheureusement n’est pas toujours très claire[113].

Les bassins des deux aiguières d’or contenaient chacun deux vases. Au reste la description de ces vases magnifiques constitue le paragraphe 9 du même chapitre, où est décrite la table de proposition.

Aussitôt que les envoyés, du Roi, Andréas et Aristée, furent arrivés à Alexandrie, accompagnés des docteurs chargés de la traduction des livres saints, Ptolémée les fit tous mander au Palais, en congédiant, contre l’usage, tous ceux à qui des audiences avaient été accordées pour ce jour-là ! D’habitude les gens qui avaient à entretenir le Roi d’affaires quelconques, étaient reçus le 50 jour après qu’ils en avaient fait la demande : les ambassadeurs ne l’étaient qu’au bout d’un mois seulement.

Les docteurs juifs étaient porteurs des présents du grand prêtre et des livres de la loi, écrits en lettres d’or ; ce furent ces premiers que le Roi demanda sur-le-champ à voir. On les débarrassa de leurs enveloppes, et Ptolémée admira longtemps la ténuité des feuilles et l’art extrême avec lequel elles étaient reliées ensemble, de façon à dissimuler les commissures ; puis il dit aux docteurs qu’il leur devait à eux une grande reconnaissance, une plus grande à celui qui les avait envoyés, mais une bien plus grande à Dieu, dont il avait les lois sous les yeux. A ces mots, les docteurs et tous les assistants répondirent par des acclamations qui firent venir des larmes de joie aux yeux du Roi. Il ordonna de remettre les livres sacrés entre les mains de ceux, qui étaient chargés de leur garde, et embrassant ensuite ces personnages, il leur dit qu’il était naturel qu’il leur expliquât d’abord la mission qu’il avait entendu leur confier, se réservant de leur demander plus tard les renseignements qu’il désirerait. Il leur affirma que le jour de leur arrivée resterait un jour de fête pour lui, et que chaque année, tant qu’il vivrait, l’anniversaire de ce jour serait célébré solennellement. Cet engagement du reste était d’autant plus facile à tenir pour Ptolémée, que le hasard voulut que ce jour fût aussi l’anniversaire d’une grande victoire navale qu’il avait remportée sur Antigone.

Tous les docteurs juifs devinrent, pour ce jour-là, les convives du Roi, et ils furent logés par son ordre, dans les plus splendides appartements du palais[114].

Enfin une somme de trois talents fut donnée en gratification à chacun d’eux. Ici Josèphe raconte en détail les honneurs dont furent comblés les docteurs juifs ; pendant douze jours consécutifs ils restèrent les hôtes du Roi qui se plaisait à traiter avec eux les questions de la plus haute philosophie ; trois autres jours furent ensuite consacrés au repos. Au bout de ce temps, Démétrius de Phalères leur fit longer l’heptastade et la digue qui conduisait à l’île ; puis franchir le pont, et les conduisant à la partie nord de l’île, les y établit dans une maison construite au bord de lamer, et tout à fait propre à la méditation, grâce à son isolement. Tout ce dont ils déclarèrent avoir besoin ; pour effectuer la traduction de la loi sacrée, leur fut fourni, et Démétrius les pria de se mettre à l’œuvre. Les docteurs, remplis d’un saint zèle, commencèrent avec ardeur le travail qu’ils avaient à faire. Chaque jour ils s’en occupaient exclusivement, jusqu’à la 9e heure (3 heures de l’après-midi) puis ils se livraient aux soins de leurs personnes, et se mettaient à table, le plus souvent en face des mets préparés pour le Roi lui-même, et que celui-ci avait l’attention de leur faire porter. Chaque matin ils se rendaient en corps au palais, pour présenter leur hommage à Ptolémée ; puis ils rentraient, et après s’être lavé les mains à la mer, et avoir fait leurs ablutions, ils se remettaient à l’ouvrage. Tout fut terminé en 72 jours, au bout desquels Démétrius convoqua tous les Juifs d’Alexandrie, pour assister en ce même lieu, à la lecture qu’il fit, devant les interprètes eux-mêmes de leur traduction de la loi. L’assemblée entière rendit hommage à sa fidélité, loua l’excellente idée qu’avait eue Démétrius de leur soumettre cette œuvre, mais le prièrent de la faire examiner par leurs rabbins. Tous furent unanimes, y compris les traducteurs, pour demander que le texte de cette traduction une fois contrôlé de la sorte, fût mis à l’abri de toute altération future. Cette révision eut lieu, et s’accomplit avec un soin extrême, et le texte grec de la loi sacrée des Juifs, fut désormais fixé pour toujours[115].

Ptolémée fut ravi de l’heureux succès de cette entreprise, et se faisant lire la loi, admira le génie et la profonde sagesse du législateur. Il eut alors à ce sujet une conversation avec Démétrius, et lui demanda comment il se faisait qu’une loi aussi admirable fût restée, jusque-là, lettre close pour les historiens et les poètes. Démétrius lui répondit que le caractère divin et auguste de cette loi avait toujours empêché d’y toucher, et que ceux qui avaient osé entreprendre quelque chose de semblable, en avaient toujours été punis providentiellement ; ainsi, par exemple, Théopompe, qui s’était proposé d’écrire quelque chose sur ce sujet, avait perdu la raison pendant plus de trente jours ; dans un intervalle lucide, il avait supplié Dieu de lui pardonner le sacrilège qu’il regardait comme la cause de son mal, un songe lui en ayant donné l’assurance. Enfin, aussitôt qu’il eut renoncé à ce travail, il avait recouvré la raison. Démétrius parla aussi au roi du poète lyrique Théodecte, qui ayant formé le projet d’utiliser dans une de ses œuvres, ce qui se trouvait dans les livres sacrés des Juifs, avait immédiatement été attaqué de la maladie des yeux nommée glaucoma ; mais dès qu’il avait reconnu et déploré la cause de son mal, Dieu lui avait fait grâce, en permettant sa guérison[116].

Il semble que ces confidences auraient dû causer quelque inquiétude à Ptolémée ; il n’en fut rien, heureusement pour lui. Lorsque la traduction des livres saints eut été remise à Démétrius de Phalères, le roi lui ordonna d’en prendre un soin extrême, afin que rien ne pût les altérer ; puis il invita les docteurs à revenir souvent de Judée vers lui, afin qu’il pût, par ses largesses, leur témoigner toute sa reconnaissance. Enfin, il les congédia, après les avoir gratifiés chacun de trois magnifiques vêtements, de. deux talents d’or, d’une coupe de la valeur d’un talent, et d’une riche couverture. Il les chargea de porter de sa part au grand prêtre Éléazar, dix lits, à pieds d’argent, avec toute leur garniture, et une coupe de la valeur de trente talents ; plus dix robes ; de la pourpre, une couronne splendide, et cent pièces de toile de byssus. A toutes ces richesses étaient joints des ustensiles que Josèphe nomme φιάλας, τρύβλια et σπονδεϊα, et deux bassins, le tout destiné au service du temple. Une lettre accompagnait ces présents, et elle priait le grand prêtre d’autoriser à partir ceux des traducteurs des livres saints qui lui demande-raient la permission de venir en Égypte. Il avait, en effet, le plus grand désir de s’entretenir souvent avec des hommes aussi instruits ; et son plus grand bonheur serait toujours de mettre ses richesses à leur service[117].

On nous blâmera peut-être d’avoir aussi largement parlé d’un événement en apparence peu important ; contre ce blâme nous protestons avec énergie, et nous le repoussons de toutes nos forces. Qu’on y songe ! il s’agit des livres saints, de ces livrés qui ont été et qui sont toujours la base de la foi judaïque et de la foi chrétienne ; il s’agit de la traduction des septante, de l’un des monuments les plus vénérables élevés par l’esprit humain la gloire du maître unique de toutes choses, et nous pourrions regretter un seul instant d’avoir raconté l’histoire de cette illustre version des septante ? Non, certes, il n’en saurait être ainsi ! Cette histoire, d’ailleurs, qui la sait donc si bien ? Qui donc oserait dire qu’il est inutile pour lui de la relire ? Que beaucoup de gens d’étude sachent en gros que Ptolémée Philadelphe a fait traduire par soixante-dix docteurs les livres saints des Juifs, j’en demeure d’accord ; mais qu’il soit superflu de rappeler de quelle profonde vénération ces livres furent entourés par un roi puissant et par un savant, tels que Ptolémée Philadelphe et Démétrius de Phalères, voilà ce que je n’accorderai jamais. Tous les deux ces hommes étaient grecs et païens ; tous les deux ils ont rendu le plus éclatant hommage à l’incomparable valeur de ces livres, et nous, chrétiens, nous regretterions de nous en être occupés pendant les quelques instants qu’il a fallu dépenser pour écrire ou pour lire les pages qui précèdent ? Non ! je ne puis admettre cela ; car le supposer possible, ce serait faire injure à l’intelligence de ceux qui prennent la peine de me lire.

Nous venons de voir ce que Ptolémée Philadelphe fit en faveur de la nation judaïque. Il ne fut pas seul à payer par des bien-faits les services qu’elle lui avait rendus ; car les rois d’Asie, de leur côté, surent se montrer reconnaissants envers les Juifs qui avaient combattu sous leurs drapeaux. Ainsi, Séleucus Nicator leur conféra le droit de cité dans les villes qu’il fonda en Asie et dans la Syrie inférieure, aussi bien que dans Antioche, devenue la capitale de ses États. Ce droit les mettait sur un pied, d’égalité complète avec les Grecs et les Macédoniens établis dans ces mêmes villes[118].

Pendant le règne d’Antiochus III, dit le Grand (223 à 187 av. J.-C.) les Juifs et les habitants de la Cœlésyrie virent leurs terres dévastées à plusieurs reprises, et eurent à subir de véritables calamités. Antiochus en effet guerroya constamment contre Ptolémée Philopator (221 à 204 av. J.-C.), et contre son fils Ptolémée Épiphane (204 à 181 av. J.-C.). Presque toujours ce fût en Judée et en Cœlésyrie, que la guerre fut portée. Que ce fût l’un ou l’autre des deux adversaires qui favorisât le sort des armes, les malheureux habitants du théâtre de cette guerre sans fin, en supportèrent tout le poids. Placés en effet entre l’enclume et le marteau, tous les coups étaient pour eux. Lorsque Ptolémée fut vaincu, Antiochus s’empara de la Judée (219 av. J.-C.). Après la mort de Philopator (204 av. J.-C.), Épiphane jaloux de venger la défaite de son père, leva une puissante armée, dont il confia le commandement à Scopas. Cette armée reprit la Judée et presque toute la Cœlésyrie (203 et 202 av. J.-C.). Plus tard Antiochus III battit Scopas vers les sources du Jourdain, et détruisit en grande partie l’armée de ce général (198 av. J.-C.). Antiochus, par suite de cette victoire, recouvra la Cœlésyrie et la Samarie, et les Juifs s’empressèrent de lui offrir leur soumission. Ils ouvrirent à Antiochus les portes de Jérusalem, lui fournirent en abondance tout ce dont son armée et ses éléphants avaient besoin, et, lorsqu’il assiégea dans la citadelle, (έν τή άxρα τών Ιερόσολυμων, 198 av. J.-C.) la garnison que Scopas y avait laissée, ils lui prêtèrent, avec une grande bravoure, le secours de leurs armes. Antiochus pour récompenser la conduite des Juifs à son égard, écrivit pour les généraux de son armée et pour ses amis, un manifeste dans lequel, il reconnaissait publiquement les services que la population de Jérusalem lui avait rendus, et faisait connaître les grâces par lesquelles il entendait s’acquitter envers eux.

Josèphe cite ici, pour garant de sa véracité, le témoignage de Polybe le Mégalopolitain, au XVIe livre duquel il emprunte les passages suivants : Scopas, général en chef des armées de Ptolémée, marchant vers les provinces d’en haut (du Nord) soumit pendant l’hiver, la nation des Juifs.

Puis : Ce Scopas ayant été vaincu par Antiochus, ce monarque reprit la Batanée, la Samarie, Abila et Gadara ; peu après les Juifs qui habitaient autour du Hiéron, connu sous le nom » de Jérusalem, se rendirent à lui[119].

Voici maintenant la teneur de l’édit ou manifeste, dont nous avons parlé tout à l’heure.

Le Roi Antiochus à Ptolémée[120]. Salut !

Considérant que les Juifs, aussitôt que nous avons eu franchi leurs frontières, nous ont donné les preuves palpables de leur bienveillance à notre égard, et nous ont splendidement accueilli dans leur ville, en se portant, avec tout leur sénat au-devant de nous ; qu’ils ont abondamment pourvu à l’entretien de notre armée et de nos éléphants ; qu’ils ont vaillamment » aidé à enlever la citadelle occupée par une garnison égyptienne, il nous a paru bon de les récompenser, de relever, de repeupler leurs villes abattues par des événements fâcheux qui sont dans les éventualités humaines, en y rappelant les populations. dispersées. En premier lieu, nous avons décidé de leur accorder, comme témoignage de notre piété, les animaux à immoler, le vin, l’huile et l’encens nécessaires au culte, jusqu’à concurrence de 20.000 pièces d’argent, plus six artabes de farine consacrée suivant la coutume du pays, 1460 médimnes de froment et 375 médimnes de sel. Nous voulons que tout cela soit fourni conformément à notre ordre ; que, de plus, la construction du Hiéron et des portiques soit achevée, aussi bien que celle de tout autre édifice qui sera reconnu nécessaire. Les matériaux seront apportés de la Judée même, et, s’il le faut, des autres provinces et du Liban, sans qu’aucun droit soit réclamé. Nous entendons qu’il en soit de même pour tout ce qui est plus spécialement destiné au service du temple. Nous voulons que » tous les hommes de cette nation vivent sous les lois mêmes de leur pays, que leur sénat, leurs prêtres, les scribes du temple et les chantres sacrés, soient exemptés de la capitation, aussi bien que de l’impôt dû à la couronne, et de tout autre tribut ; et, afin que la ville se repeuple plus promptement, nous accordons à tous ceux qui l’habitent aujourd’hui, ou qui viendront s’y établir, jusqu’au mois d’Hyperberetæus prochain, une indemnité de trois années ; bien plus, pour l’avenir, nous les affranchissons du tiers des impôts, afin qu’ils puissent sortir de leur misère présente. Enfin nous rendons la liberté à » tous ceux qui, arrachés de leur pays, ont été réduits en esclavage, à eux et à leurs enfants, et nous ordonnons que leurs biens leur soient restitués[121].

Antiochus ne se contenta pas de ces privilèges ; il fit publier, relativement au temple, dans toute l’étendue de ses États, un décret qui contenait les prescriptions suivantes :

Il est interdit à tout étranger de franchir le péribole du Hiéron, où les Juifs eux-mêmes ne sont admis qu’à l’état de pureté. Il est défendu d’introduire dans Jérusalem de la chair de cheval, de mulet, d’âne sauvage ou non, de léopard, de renard, de lièvre, en un mot de tout animal dont la chair est interdite aux Juifs. Il est également défendu d’apporter les peaux de ces animaux dans la ville, et d’en conserver de vivants. On ne pourra élever d’autres animaux, que ceux que la » loi des Juifs déclare propres aux sacrifices et agréables à Dieu. Quiconque aura transgressé ces défenses payera aux prêtres une amende de 3.000 drachmes d’argent.

Dans une autre circonstance, le Roi Antiochus donna à la race juive le témoignage le plus éclatant de sa confiance en elle. Il avait été informé de tentatives insurrectionnelles commises en Lydie et en Phrygie ; afin de couper le mal dans sa racine, il écrivit à Zeuxis, l’un de ses généraux, et de ses amis les plus intimes, dé transporter immédiatement de Babylone, sur les points où il y avait quelque chose à craindre, 2.000 familles juives, avec tout ce qu’elles possédaient, de les y installer le mieux possible, de leur construire des habitations, de leur distribuer des terres, et de les exempter de tout tribut pendant dix années, à la charge, pour eux, de réprimer tout désordre qui viendrait à surgir[122].

Évidemment si le Roi n’eût pas eu une confiance absolue dans le dévouement et la bravoure des colons juifs qu’il transplantait à pareille distance, jamais idée aussi coûteuse ne lui fût venue à l’esprit.

Un peu plus tard, Antiochus III, las de guerroyer sans doute, fit un traité d’alliance avec Ptolémée Épiphane, traité dont la durée était assurée par le mariage de Cléopâtre, fille d’Antiochus, avec le roi d’Égypte. La dot qu’elle apporta à son royal époux se composait de la Syrie, de la Samarie, de la Judée et de la Phénicie. Les tributs perçus sur ces provinces devaient toutefois être partagés entre les deux monarques. Dans chaque pays, de grands personnages affermaient la perception de tous les impôts, et payaient aux deux rois la somme qui leur restait due, après déduction de tous les frais de recouvrement.

A cette époque, les Samaritains, se sentant un peu libres de leurs mouvements, donnèrent une fois de plus carrière à leur haine contre les Juifs ; ils dévastaient leurs terres et s’emparaient même des personnes, toutes les fois qu’ils le pouvaient. Cela eut lieu sous la grande prêtrise d’Onias. Lorsque Éléazar était mort (vers 267 av. J.-C.), son oncle Manassès avait hérité de la dignité de souverain pontife, et, après celui-ci, Onias II, fils de Siméon II, avait pris la tiare (vers 240 av. J.-C.). Ce Siméon était neveu d’Éléazar, ainsi que nous l’avons déjà dit. A Onias II succéda Siméon II (vers 226 av. J.-C.), qui, à son tour, eut Onias III pour successeur. Cet Onias III qui était d’une avarice sordide, refusa de payer au Roi l’impôt dont ses prédécesseurs avaient jusque-là allégé le peuple, c’est-à-dire une somme annuelle de vingt talents (193 av. J.-C.). Cette vilenie irrita au plus haut point Ptolémée Épiphane. Il envoya à Jérusalem un chargé d’affaires, porteur de reproches et de menaces pour le grand prêtre. Si l’impôt n’était pas immédiatement payé, une colonie militaire serait envoyée en Judée, et les terres de ses habitants seraient distribuées aux soldats.

A cette nouvelle, la consternation fut générale parmi les Juifs. Quant à Onias III, il n’en tint aucun compte, tant son avarice était grande[123].

Il y avait un jeune homme du nom de Josèphe, jouissant déjà à Jérusalem d’une grande réputation de justice et de maturité, malgré son jeune âge. Il était-fils de la sœur du grand prêtre Onias III et d’un personnage nommé Tobie[124]. Au moment où l’envoyé de Ptolémée Épiphane vint se heurter contre le stupide entêtement du grand prêtre, Joseph était absent de Jérusalem, et se trouvait dans la bourgade nommée Phikhola, de laquelle il était originaire. Sa mère l’informa de ce qui venait de se passer, et il accourut à Jérusalem. Aussitôt arrivé, il alla trouver son oncle Onias, et lui reprocha, en termes très vifs, le mépris qu’il faisait du salut de ses concitoyens, et l’orage qu’il attirait sur la nation, en se refusant à payer l’argent au prix duquel on lui avait donné l’administration du peuple et la dignité de grand prêtre. Joseph ajouta que s’il était assez cupide pour aimer mieux voir sa patrie en péril, et ses concitoyens exposés à toutes les indignités, que de payer ce qu’il devait légitimement, il lui conseil-lait d’aller se présenter devant le Roi, et de le supplier de lui faire remise, sinon de la somme entière, du moins d’une partie de cette dette. — Que m’importe à moi le principat, répondit Onias ? la grande prêtrise elle-même, si la chose était possible, je m’en débarrasserais à l’instant ! Non certes ! je n’irai pas trouver le Roi ! Je ne me soucie en aucune façon de ce qui arrivera !...

Joseph alors lui demanda s’il l’autorisait à aller se présenter devant Ptolémée, comme envoyé de la nation. — Tu iras si cela te convient, répondit Onias, ce n’est pas moi qui t’en empêcherai. — Aussitôt qu’il fût assuré de l’assentiment du grand prêtre, Joseph courut au temple, convoqua le peuple, l’engagea à se rassurer et à bannir toute crainte née de l’obstination de son oncle Onias. Chassez toute appréhension, leur dit-il ; je pars pour l’Égypte, et je me charge d’empêcher le Roi de vous faire aucun mal. — La multitude répondit par de joyeuses acclamations et par des actions de grâces.

Joseph descendit aussitôt du temple, courut chercher l’envoyé de Ptolémée, en fit son hôte, le combla de présents et d’honneurs, lui offrit pendant plusieurs jours de splendides festins, et lui fit prendre les devants, l’assurant qu’il le suivrait de près.

Joseph était d’autant plus disposé à aller se présenter devant le Roi, que l’envoyé de celui-ci lui avait, par ses paroles et par ses promesses, inspiré une très grande confiance. Ravi tout à la fois de la réception, des cadeaux et de l’austérité des mœurs de son hôte, ce personnage s’était engagé à lui faire obtenir de Ptolémée tout ce qu’il lui demanderait[125].

De retour en Égypte, l’envoyé fit connaître au Roi, son maître, les ignobles sentiments du grand prêtre Onias, et exalta les mérites de Joseph, qui allait arriver très prochainement, pour plaider auprès de lui la cause du peuple innocent dont cet Onias était le chef. Il s’étendit avec une si grande complaisance sur les vertus du jeune homme, en parla avec tant d’éloges, qu’il parvint à lui concilier la bienveillance du Roi et de la reine Cléopâtre, avant même que Joseph ne se fût montré. Pendant ce temps-là, Joseph avait emprunté une forte somme d’argent des amis qu’il avait à Samarie ; il avait fait tous ses préparatifs de voyage, s’était procuré les vêtements, la vaisselle et les bêtes de charge nécessaires, consacrant à ces acquisitions une somme de vingt mille drachmes. Aussitôt qu’il fut prêt, il se mit en route pour Alexandrie. Au même moment, partaient des villes de Syrie et de Phénicie, des personnages qui allaient prendre part à l’enchère des impôts ; chaque année, en effet, le Roi avait l’habitude de vendre la : perception des impôts aux plus riches habitants de chaque cité. Ces hommes rencontrèrent Joseph en chemin, et ne manquèrent pas de faire des gorgées chaudes sur la chétive apparence de ses équipages et sur sa misérable condition. Celui-ci ne fit pas mine de s’en apercevoir et continua son chemin. Arrivé à Alexandrie, il apprit que le Roi avait été à Memphis, et il courut au-devant de lui. D’aventure, Ptolémée se promenait en char aveu la reine, et avec Athénion, son ami (c’était lui qui avait été envoyé par le roi à Jérusalem, et qui avait été si bien accueilli par Joseph). Du plus loin qu’il aperçut Joseph, Athénion le fit remarquer au roi. — Voilà, lui dit-il, celui dont je vous ai tant parlé à mon retour de Jérusalem ; voilà ce jeune .homme si bon et si généreux ! — Ptolémée fit arrêter, salua Joseph le premier et l’engagea à monter dans son char. Dès qu’il eut pris place, Ptolémée l’interrogea sur la conduite d’Onias.

Que le Roi pardonne à sa vieillesse, répondit-il ; le Roi ne peut ignorer que l’humanité est ainsi faite, que le vieillard et l’enfant ont les mêmes idées et les mêmes défauts ; mais de nous, hommes jeunes, le Roi obtiendra tout et n’aura jamais à se plaindre.

Le Roi touché de la grâce et de l’urbanité du jeune homme, se prit immédiatement d’affection pour lui, comme s’il le con-naissait de longue date ; il exigea qu’il vînt s’établir au palais et qu’il s’assît tous les jours à sa table.

Lorsque Ptolémée rentra à Alexandrie, les personnages syriens dont nous avons parlé tout à l’heure, furent stupéfaits de la faveur dont jouissait Joseph, et le virent, dès lors, du plus mauvais œil[126].

Le jour de l’enchère des impôts étant venu, ces hommes qui s’étaient entendus entre eux, offrirent huit mille talents des revenus de là Cœlésyrie, de la Phénicie, de la Judée et de la Samarie. Survint alors Joseph qui leur dit : — Vous êtes tous des fripons, et vous vous êtes concertés pour faire au Roi, une offre aussi misérable ; moi je lui offre le double de ce que vous osez lui proposer, et les biens des coupables de lèse-majesté lui seront intégralement réservés.

D’habitude, en effet, le produit de la confiscation de ces biens était affermé avec les impôts. Le Roi charmé de ces paroles, dit aussitôt à Joseph qu’il lui adjugeait très volontiers le tout, puis-qu’il augmentait aussi notablement les revenus de sa couronne. — Mais quelles garanties peux-tu me donner ?Je vous donnerai, ô Roi, répondit-il gaiement, des garants bons et probes, en qui vous aurez pleine confiance. — Qui donc sera-ce ?Vous, ô Roi et la Reine votre épouse.

Ptolémée se mit à rire, adjugea la perception des impôts à Joseph, sans exiger de lui aucune garantie effective, ce qui ne manqua pas de causer un vif désappointement aux fermiers habituels qui regagnèrent, non sans confusion, chacun sa ville[127].

Joseph pria le Roi de lui confier deux mille hommes d’infanterie, pour se faire respecter dans les villes qui seraient tentées de faire quelque résistance ; il les obtint, et après avoir emprunté 500 talents aux amis du Roi qui étaient à Alexandrie, il regagna la Syrie. La première ville dans laquelle Joseph se présenta fut Ascalon. Aussitôt arrivé, il exigea le tribut. Les Ascalonites déclarèrent qu’ils ne payeraient rien, et l’accablèrent d’injures. Que fit alors Joseph ? Il s’empara d’une vingtaine des plus riches habitants et les fit mettre à mort. Tous leurs biens furent confisqués, et il en tira 100 talents qu’il fit passer immédiatement au Roi, en lui rendant compte de ce qu’il venait de faire. Ptolémée enchanté des façons expéditives de son percepteur, approuva tout ce qui s’était passé, et donna carte blanche à Joseph.

Naturellement le bruit de ce qui venait d’arriver à Ascalon, se répandit avec rapidité dans la Syrie entière, et toutes les populations furent frappées de terreur. L’exemple des Ascalonites mis à mort, était bien fait pour donner du zèle aux plus récalcitrants. Aussi les portes de toutes les villes furent-elles ouvertes à Joseph qui perçut désormais les tributs sans le moindre inconvénient. Les Scythopolitains seuls[128] poussés par une sorte de vertige, répondirent par des invectives aux sommations de Joseph, et refusèrent de payer les tributs qu’il avaient toujours acquittés sans retard jusque alors. Leurs chefs furent aussitôt saisis, décapités et leurs biens envoyés au Roi.

On pense bien que Joseph ne faisait pas tout cela par pur désintéressement. En très peu de temps, il devint possesseur d’une immense fortune, dont il se servit fort habilement pour mieux asseoir l’autorité dont il était revêtu. Le plus sage à son avis était de conserver aussi longtemps que possible la charge qui l’avait enrichi, et pour y parvenir, il usa largement de ce qu’il avait acquis déjà. En conséquence, de magnifiques présents furent secrètement envoyés au Roi, à, la Reine, à leurs amis, et à tous les personnages influents de la cour, pour payer leur bienveillance[129].

Le calcul n’était pas mauvais, et Joseph resta pendant plusieurs années fermier des impôts[130].

Il eut sept fils d’une même femme, et de la fille de Solymios, son frère, il en eut un huitième qui reçut le nom de Hyrcan. Nous allons dire par suite de quelles circonstances Joseph était devenu l’époux de sa nièce. Il avait fait un voyage à Alexandrie, accompagné de son frère, et de la fille de celui-ci, qu’il se proposait de marier à quelque noble, Juif résidant en Égypte. Un jour qu’il était assis à la table du Roi, des danseuses furent introduites, et l’une d’elles était si charmante, qu’il en devint éperdument épris. Il fit la confidence de sa passion à son frère, et le supplia de l’aider à la satisfaire, et à cacher une liaison que la loi religieuse des Juifs condamnait expressément. Ici, je me vois forcé d’employer le latin, pour raconter un trait de mœurs ignoble. Frater libenter pollicitus se voluntatis ejus ministrum fore, filiam suam ornatam noctu ad eum deduxit, et in lectum ejus collocavit. Josephus vero pro ebrietate ignorans quid ageretur, cum fratris filia congreditur, et quum hoc sæpiuscule fecisset, vehementius eam deperibat, fratri etiam fatebatur se de vita periclitari ex amore saltatriculæ, ni forte rex vellet eam sibi concedere. Quum autem frater eum hortaretur ne animo esset anxio et sollicito, atque licere ei muliere amata frui, eamque uxorem habere dixisset, et quid factum fuerit ei operuisset, quod maluerit filiæ suæ injuriam fieri, quam ipsum pati tale in sese dedecus admittere, Josephus, collaudata ejus fraterna benevolentia, filiam ipsius sibi matrimonio junxit, filiumque ex ea genuit, nomine Hyrcanum, ut jam ante diximus.

Dès l’âge de treize ans, Hyrcan le plus jeune des fils de Joseph, montrait les plus heureuses dispositions et une énergie extraordinaire ; aussi ses frères étaient-ils extrêmement jaloux d’un enfant dont les merveilleuses qualités natives justifiaient, en quelque sorte, l’envie qu’ils lui portaient. Joseph voulant s’assurer de la valeur morale de ses fils, et savoir au juste lequel d’entre eux était le plus heureusement doué, confia leur éducation à des précepteurs du plus grand mérite. Aucun de ses enfants, à l’exception du seul Hyrcan, ne profita des leçons qui leur étaient données. Tous se montrèrent si insoumis ; si légers et si paresseux, qu’ils rentrèrent dans leur famille aussi ignorants et inexpérimentés qu’ils en étaient sortis.

Aussi Joseph se laissa-t-il aller, tout naturellement, à considérer Hyrcan comme le seul fils digne de lui, et à lui témoigner une préférence marquée, dont ses frères s’irritèrent au plus haut point[131].

Vers cette époque, eut lieu le couronnement de Ptolémée Épiphane, et tous les grands personnages de la Syrie et des pays soumis à l’Égypte ; se mirent en devoir, de se rendre à Alexandrie, pour y célébrer en grande pompe l’intronisation du jeune Roi. Joseph n’était plus d’âge à faire un voyage aussi fatigant, et il demanda à ses fils lequel d’entre eux irait le représenter à cette solennité. Les sept aînés s’en excusèrent, sur ce qu’ils n’étaient pas gens à parader dans les cours, et ils conseillèrent à leur père de confier ce soin à Hyrcan. Joseph fit appeler celui-ci et lui proposa d’entreprendre le voyage, si toutefois il se sentait capable de faire bonne figure devant le souverain. Hyrcan s’y engagea, et dit qu’il était prêt à partir, sans qu’il fût besoin de mettre grand argent à sa disposition ; qu’il vivrait économiquement, et que 10.000 drachmes lui suffiraient amplement. Le père fut charmé de cette modération, à laquelle il ne s’attendait pas. Peu après Hyrcan reparut devant Joseph, et lui conseilla de ne pas envoyer de Judée les présents destinés au Roi, mais de lui donner une lettre de crédit sur son banquier d’Alexandrie, afin qu’il pût en obtenir l’argent nécessaire pour ache-ter là ce qu’il trouverait de plus précieux et de plus beau. Le père se figurant que semblable dépense ne dépasserait guère dix talents, remit à Hyrcan une lettre de crédit adressée à un certain Arion, dépositaire et administrateur de tous les fonds qu’il possédait à Alexandrie. Ces fonds constituaient une somme énorme d’au moins 3.000 talents. Joseph, en effet, expédiait à Alexandrie toutes les sommes perçues par ses soins en Syrie, et lorsque arrivait le jour où les revenus de la couronne devaient être versés entre les mains du Roi, Arion recevait l’ordre d’opérer ce versement. Hyrcan muni de la lettre qu’il avait réclamée de son père, se mit en route. Il avait à peine quitté Jérusalem que ses frères écrivaient à tous les amis de Ptolémée, pour les pousser à faire assassiner Hyrcan[132].

Dès son arrivée à Alexandrie, celui-ci courut chez Arion et lui présenta la lettre de crédit signée de. la main de son père. Arion qui se figurait qu’il ne réclamerait qu’une dizaine de talents, ou une douzaine, au plus, s’enquit de la somme dont il avait besoin. — De mille talents ! répondit le jeune homme. — A cette requête inattendue, Arion s’emporta et jeta les hauts cris. — Malheureux, lui dit-il, quelle vie entends-tu donc mener ici ? Oublies-tu que c’est à force de sagesse et de labeurs incessants, que ton père a réuni cet argent que tu prétends dissiper en folies ? Ton devoir est de suivre son exemple. Je ne te donnerai que dix talents, et encore faudra-t-il que, sur cet argent, tu payes les présents destinés au Roi. Hyrcan s’emporta à son tour, s’empara d’Arion et le retint prisonnier. La femme d’Arion qui savait que son mari jouissait d’une grande considération auprès de la Reine, court se jeter aux pieds de Cléopâtre (mère du nouveau roi) et la supplie de châtier l’arrogance du jeune homme. Cléopâtre va tout conter à son fils. Ptolémée fait sur l’heure avertir Hyrcan qu’il est fort étonné qu’étant envoyé par son père, il se soit permis de ne pas se rendre directement au Palais, et surtout de faire arrêter l’homme de confiance de son père ; qu’il lui enjoint en conséquence de venir sans aucun délai lui rendre compte de sa conduite.

Hyrcan, si ce que l’on raconte est vrai, répondit à l’envoyé : — Allez dire à votre maître, qu’il existe une loi à laquelle le Roi lui-même est soumis, et qui lui interdit de faire un sacrifice d’actions de grâces pour la naissance d’un fils, avant d’être entré dans le temple, et d’avoir sacrifié à Dieu. C’était pour une raison analogue, que je ne me suis pas présenté devant Sa Majesté ; car j’attendais, pour le faire, que j’eusse entre les mains des présents dignes d’être offerts au bienfaiteur de mon père. Quant au serviteur contre lequel j’ai sévi, je l’ai puni de sa désobéissance ; peu importe, d’ailleurs, qu’un maître soit grand ou petit, du moment qu’il est le maître ! Si nous tolérions de pareilles licences, le Roi verrait bientôt lui-même ses sujets lui manquer de respect.

Lorsque cette fière réponse fut apportée à Ptolémée ; il se mit à rire et admira l’énergie et le bon sens de l’enfant[133].

Arion dès qu’il apprit dans quelles dispositions était le Roi, sentit qu’il n’avait plus à compter sur l’appui de personne, et il s’exécuta. Hyrcan toucha ses mille talents, rendit aussitôt la liberté au banquier, et, au bout de six jours, vint présenter ses hommages au Roi et à la Reine. Tous les deux l’accueillirent avec bienveillance, et le reçurent à leur table, pour faire honneur au nom de son père.

Hyrcan s’aboucha ensuite avec les marchands d’esclaves, fit emplette de 100 jeunes garçons et de 100 jeunes filles, qu’il paya . 200 talents. Ayant été peu après invité à la table du Roi, avec les plus grands personnages du pays, les officiers chargés de distribuer, les places, suivant la dignité de chacun, ne manquèrent pas de lui assigner la plus infime, qui leur semblait bonne pour un enfant auquel ils ne pensaient devoir aucune considération. Hyrcan ne dit mot. Pendant le festin, tous ses voisins, par plaisanterie, s’amusèrent à accumuler devant lui les os dont ils avaient mangé la chair, de telle sorte que la table en était couverte. Hyrcan ne dit mot encore. Alors, à l’instigation des convives, Tryphon, le bouffon du Roi, vint se placer devant Ptolémée et lui dit : Vois-tu, Roi, tous les os sont devant Hyrcan. Hé bien ! son père en fait de même pour la Syrie entière. Il l’a dépouillée, comme ce garçon a dépouillé ces os. Tout le monde se mit à rire, avec le Roi lui-même, de cette impertinence de Tryphon. Puis Ptolémée demanda à son jeune convive comment il se faisait qu’il y eût tant d’os devant lui. Il n’y a là rien d’étonnant, Seigneur, répondit-il ; l’habitude des chiens est de dévorer les os avec la chair, ainsi que l’ont fait tout ces hauts personnages ; ce disant il lui montra du doigt ses compagnons de table ; regardez ; il n’y a pas un os devant eux ; les hommes au contraire mangent la chair et rejettent les os ; moi qui suis un homme, j’ai fait ainsi. Le Roi frappé de cette réponse ordonna à tous les assistants d’y applaudir, et déclara que la leçon était bonne et méritée. Le lendemain Hyrcan faisait visite à tous les amis du Roi,. à tous les grands officiers du palais ; il eut soin d’interroger en cachette leurs serviteurs, afin de savoir quels étaient les présents qu’ils comptaient offrir au Roi, pour célébrer le jour de son couronnement. Il apprit ainsi que quelques-uns d’entre eux donneraient jusqu’à douze talents ; mais que tous, en définitive, ne feraient que ce que leur position leur permettrait de faire. Hyrcan alors affecta un grand chagrin et déplora l’impossibilité où il se trouvait de faire les choses si grandement. Il n’avait, ajoutait-il piteusement, que cinq talents à sa disposition. Les serviteurs ne manquèrent pas de rapporter cela à leurs maîtres, et chacun de se réjouir à l’avancé de l’humiliation que Hyrcan allait subir, et du mépris que le Roi concevrait pour ce petit misérable. Au jour solennel, les plus magnifiques allèrent jusqu’à vingt talents ; pas un ne dépassa cette somme. Lorsque le tour de Hyrcan fut venu, on vit paraître les cent jeunes garçons et les cent jeunes filles qu’il avait achetés ; chacun d’eux étant porteur d’un talent. Les garçons furent offerts au Roi, et les jeunes filles à la reine Cléopâtre.

Hyrcan ne se contenta pas d’avoir fait au roi un aussi somptueux présent que tous les assistants admirèrent ; il crut prudent de répartir un grand nombre de talents entre les amis et les serviteurs du Roi ; c’était, pensait-il, se garer contre leur mauvais vouloir, et il avait raison ; car nous avons déjà dit que ses frères leur avaient écrit, afin d’obtenir d’eux qu’ils le fissent disparaître. Ptolémée ravi, dit au jeune homme qu’il était prêt à lui accorder tout ce qu’il lui demanderait. Hyrcan réclama uniquement de ses bontés qu’il voulût bien écrire en sa faveur à son père et à ses frères. Non seulement le Roi fit ce que Hyrcan désirait de lui, mais il le combla de riches cadeaux, ensuite de quoi il le congédia.

La renommée eut bientôt instruit les frères de Hyrcan de la réception que le Roi lui avait faite, et ils apprirent en même temps qu’il était en route pour revenir. Ils s’empressèrent de marcher à sa rencontre, pour s’en défaire, avec l’assentiment de Joseph leur père ; celui-ci, en effet, était si furieux des dépenses que son fils avait faites, qu’il ne s’inquiétait plus guère de son sort. Toutefois Joseph dissimulait autant qu’il le pouvait son ressentiment, par crainte du Roi.

Un combat eut lieu entre Hyrcan, avec sa suite, et ses frères. Deux d’entre eux y perdirent la vie, avec un grand nombre de leurs affidés. Les survivants s’enfuirent à Jérusalem, auprès de leur père. Hyrcan continua son chemin, vint se présenter devant la ville, se vit repoussé par tout le monde, prit peur et se réfugia de l’autre côté du Jourdain, où il s’établit et sut forcer les Arabes à lui payer un tribut[134].

A cette époque, régnait en Asie Séleucus IV Philopator, fils d’Antiochus III le Grand. Joseph, père d’Hyrcan, vint alors à mourir. C’était un homme bon et magnanime, dit Josèphe (qui oublie que, quelques lignes plus haut, il a raconté que cet excellent homme s’était fait le complice de ses fils aînés qui s’apprêtaient à assassiner leur frère Hyrcan). Ce Joseph qui avait rendu quelque éclat à la nation judaïque, avait été, ainsi que nous l’avons déjà dit, fermier des impôts de la Syrie, de la Phénicie et de la Samarie, pendant bien des années. Il fut suivi de près au tombeau par son oncle Onias III.

C’est à ce souverain pontife que le roide Lacédémone, Aréus, adressa une très singulière lettre que nous allons reproduire en passant.

Aréus, roi de Lacédémone, à Onias, salut ! Nous venons de » lire un écrit dans lequel il est dit que les Juifs et les Lacédémoniens ont la même origine, et qu’ils descendent tous de la famille d’Abraham. Il est donc convenable, puisque vous êtes nos frères, que vous nous fassiez savoir si vous désirez quelque chose de nous ; nous agirons de même à votre égard. Ce qui vous appartient, nous le regardons comme à nous, et ce que nous possédons est à vous. Démotelès, qui vous remettra cette lettre, est porteur de nos instructions. L’écriture est carrée ; l’empreinte du sceau est un aigle tenant un serpent[135].

Que faut-il penser de cette étrange dépêche ? Devons-nous la considérer comme authentique ? Nous ne savons. Avons-nous besoin de faire remarquer cette première conséquence que le Roi de Lacédémone s’empresse de déduire de la prétendue parenté qu’il invoque : Nous regardons comme à nous ce qui vous appartient ? Fort bien ! Nous doutons fort que les Juifs aient accueilli avec empressement les tendresses de ces excellents cousins, à la légitimité desquels ils ne croyaient guère, très probablement. Josèphe a oublié de nous le dire.

La mort de Joseph, le fermier des impôts (vers 176 av. J.-C.), donna naissance à de grandes dissensions parmi le peuple de Jérusalem, à cause de ses fils. Les plus âgés, qui avaient déclaré la guerre à leur frère puîné Hyrcan, avaient l’adhésion de la plus grande partie de la population, et celle d’un puissant personnage, Siméon le Benjaminite, préfet du temple, à cause de la parente qui les unissait à lui[136].

Hyrcan dut se résigner à ne plus revenir à Jérusalem. Il alla, donc, comme nous l’avons déjà dit, s’établir de l’autre côté du Jourdain, et y guerroya constamment contre les Arabes, aux-quels il tua beaucoup de monde, et enleva beaucoup de captifs.

Il bâtit une puissante forteresse (βάριν ίσχυράν) de pierres blanches jusqu’au toit, et y fit sculpter de très grands animaux. Il l’entoura d’un large et profond étang. Dans le flanc de la montagne placée en face, il creusa les roches proéminentes et y ouvrit des grottes de plusieurs stades de longueur. Dans ces grottes, il établit des salles pour les festins, d’autres pour l’habitation. Il y introduisit aussi des eaux jaillissantes en grande abondance, qui servaient autant à l’agrément qu’à la décoration de ce singulier palais. Les grottes furent munies d’entrées assez étroites pour qu’il ne fût possible qu’à un seul homme de les franchir à la fois. C’était une précaution prise contre la possibilité d’un siège qu’il aurait à subir de la part de ses frères. Il bâtit également de grands palais qu’il orna de jardins spacieux. Lorsqu’il eut terminé cette œuvre grandiose, il lui donna le nom de Tyr. Ce lieu se trouve entre l’Arabie et la Judée, de l’autre côté du Jourdain, non loin de l’Essebonitide.

Hyrcan fut maître de cette contrée pendant les sept années que Séleucus passa sur le trône de Syrie. A la mort de celui-ci (176 av. J.-C.) son frère, Antiochus Épiphane, prit la couronne. Vers la même époque, mourut aussi le roi d’Égypte, Ptolémée Épiphane (181 av. J.-C.), qui laissait deux fils encore jeunes, dont l’aîné était surnommé Philométor, et le plus jeune Physcon. Hyrcan s’effraya de la puissance d’Antiochus, sachant bien que s’il tombait entre ses mains, il serait envoyé au supplice, en punition de tout le mal qu’il avait fait aux Arabes. Il aima mieux, se réfugier dans le suicide, et Antiochus se saisit immédiatement de tout ce qui lui avait appartenu.

Le moyen adopté par Hyrcan pour se mettre à l’abri était efficace, nous en convenons facilement ; mais, franchement, il nous paraît quelque peu ridicule. Nous avons en France un nom grotesque pour ceux qui prennent des précautions aussi radicales.

Rechercher sur place les palais et les forteresses attribués à Hyrcan, et décrits si minutieusement par Josèphe, c’était, sans contredit, se proposer un beau problème de géographie et d’archéologie à la fois. Depuis quelques années, ce problème intéressant est résolu, et le lecteur nous permettra d’en dire quelques mots. En 1818, MM. Irby et Mangles accomplissaient, avec un courage et un bonheur incomparables, un grand voyage d’exploration, sur la rive orientale du Jourdain. Ils visitèrent, chemin faisant, de très belles ruines connues des Arabes sous le nom d’Aaraq-el-Emyr (les Roches escarpées de l’Émyr) et ils n’hésitèrent pas à y reconnaître les monuments indiqués par Josèphe. Seulement ces messieurs n’y regardèrent pas d’assez près pour ne pas commettre une grosse erreur sur la condition du Hyrcan dont il s’agissait, car ils en ont fait le grand prêtre Hyrcan, frère du roi Aristobule ; mais passons.

Depuis lors, les monuments d’Aaraq-el-Emyr ont été revus par MM. Waddington et Melchior de Vogüé, en 1861, par nous-même, en novembre 1863, et quelques mois après, par M. le duc de Luynes. Ces explorations successives ont produit de très précieux résultats, et aujourd’hui ces merveilleuses ruines sont parfaitement connues.

Pour notre part, nous en avons rapporté un plan topographique très complet, des photographies et une ample collection de dessins levés et cotés avec le plus grand soin. De l’étude de ces documents divers, il résulte, de la manière la plus évidente, que Josèphe a décrit sur ouï-dire ce qu’il n’avait jamais vu, que la prétendue forteresse de Hyrcan est un temple inachevé, dont la construction remonte au moins aux temps de la domination des Perses ; que Hyrcan est venu s’établir dans le temple abandonné, et s’y construire une espèce de refuge militaire, dont les débris sont reconnaissables ; qu’il a utilisé de son mieux le terrain et les matériaux qu’il avait sous la main, en se gardant bien, lui Juif, placé à la tête d’une troupe de Juifs, de bâtir un édifice sur lequel il aurait, au mépris de la loi de ses pères, fait sculpter des images d’animaux. Il y a donc à prendre et à laisser dans le récit de Josèphe : cela est incontestable.

Nous venons de dire que ces belles ruines représentent des monuments datant au moins de l’époque des souverains Achéminides. Cherchons s’il ne serait pas possible d’y retrouver la. trace d’un autre personnage historique que Hyrcan.

Parmi les Adouans, à la tribu desquels le pays environnant appartient, le temple porte le nom de Qasr-el-Aabed (palais de l’Aabed ; Aabed est généralement le nom que l’on donne aux esclaves noirs) ; le fond de l’étang aujourd’hui desséché qui enveloppe, sur trois côtés, le temple, se nomme Meydan-El-Aabed (l’hippodrome de l’Aabed).

L’un des ennemis acharnés des Juifs et de leur chef Néhémie, était Tobiah l’Aabed. D’où lui vient ce titre d’Aabed ? Nous l’ignorons. Mais puisqu’il a fait trembler, les Juifs et, plus tard, pu contracter des alliances entre les membres de sa famille et celles du grand prêtre de Jérusalem, à coup sûr ce n’était pas un esclave. Y aurait-il quelque rapport entre l’Aabed du livre de Néhémie et l’Aabed de la tradition arabe ? C’est fort possible ; mais il y a mieux ! A la porte d’entrée de deux des cavernes taillées dans le roc qui. domine le plateau d’Aaraq-el-Emyr, on lit deux fois un mot sémitique écrit en très gros et très beaux caractères, à moitié phéniciens, à moitié hébreux.

Ce mot j’avais pensé devoir le lire : חיבדע Aaragiah. M. le Dr Lévy de Breslau, a, de son côté, donné sans hésitation la-transcription Tobiah. Je suis aujourd’hui convaincu de l’exactitude de la leçon proposée par le savant professeur, et nous avons dans la présence de ce nom, répété deux fois, là justification la plus heureuse de l’hypothèse qui ferait attribuer à Tobiah, l’Aabed-Ammonite du livre de Néhémie, la construction du beau temple d’Aaraq-el-Emyr.

Mais en voilà assez sur ce point d’archéologie pure,, revenons aux événements historiques et reprenons le récit de Josèphe.

Au commencement du règne d’Antiochus Épiphane (176 av. J.-C.) le grand prêtre Onias III, étant venu à mourir, le Roi conféra le Pontificat à Jésus, frère du titulaire défunt. Celui-ci en effet n’avait laissé qu’un fils du nom d’Onias, qui était encore en bas âge. Jésus ne jouit pas longtemps de la faveur du prince ; et celui-ci irrité, (nous ne savons pour quel motif) contre le grand prêtre, le destitua, et transmit la dignité pontificale à son plus jeune frère ; nommé Onias. Ainsi le grand prêtre Siméon II avait laissé trois fils qui successivement portèrent la tiare.

Jésus par suite de la fatale tendance qui poussait les Juifs à se gréciser, que l’on me pardonne cette expression, changea son nom contre celui de Jason, et son frère Onias en fit autant, en prenant le nom de Ménélas.

La discorde s’étant glissée entre le grand prêtre Jason et son frère Ménélas, la multitude prit parti pour l’un ou pour l’autre, et de là naquirent des troubles sérieux. Les fils de Tobie (quel était ce Tobie ? s’agirait-il de la descendance de Tobiah l’Ammonite ?) se rangèrent du côté de Ménélas ; mais la majorité de la population prit chaudement la défense de Jason. Ménélas et les fils de Tobie durent céder devant le nombre ; ils se réfugièrent auprès d’Antiochus, et lui déclarèrent que leur ferme intention était d’abjurer la foi de leurs pères, et d’adopter les mœurs des Grecs et du Roi. Ils supplièrent donc celui-ci de les autoriser à établir un gymnase à Jérusalem. Antiochus s’empressa d’accepter et leur accorda ce qu’ils demandaient. Ils prirent immédiatement les coutumes des gentils et s’évertuèrent à cacher les traces de leur circoncision, afin qu’on les prît pour des Grecs, lorsqu’ils se dépouilleraient de leurs vêtements, pour se livrer aux exercices du gymnase[137].

Antiochus dans les premières années de son règne vit tout » lui réussir à souhait. Nous avons dit que le roi d’Égypte, Ptolémée Épiphane, avait laissé pour héritiers deux princes en-» tore fort jeunes, Ptolémée Philométor[138] et Ptolémée Physcon. Le Roi de Syrie méprisant d’aussi débiles adversaires, résolut de s’emparer de l’Égypte. Il arriva donc à Peluse avec une puissante armée, s’empara par ruse de Ptolémée Philométor et envahit l’Égypte. Maître de Memphis et du pays environnant, Antiochus marcha sur Alexandrie, pour faire le siège de cette capitale, et se saisir du Ptolémée qui y exerçait encore l’autorité royale.

Mais cette expédition ne fut pas heureuse pour le Roi de Syrie ; il fut repoussé de devant Alexandrie : toute l’Égypte se souleva contre lui, le refoula hors du territoire, et il reçut des Romains l’ordre humiliant de s’abstenir désormais de tentatives sur l’Égypte[139].

Antiochus forcé de se retirer devant les fières injonctions d’un peuple dont le nom était redoutable, Antiochus tourna ses forces contre Jérusalem. Il vint se présenter devant cette ville, et les partisans nombreux qu’il y entretenait rendirent toute défense impossible ; les portes lui furent ouvertes, et il occupa la place sans coup férir. Une fois maître de la capitale des Juifs, Antiochus fit mettre à mort bon nombre de citoyens des deux partis qui divisaient la population, s’appropria des sommes énormes, et, une fois gorgé, s’en retourna à Antioche. Cela se passait en l’an 143 de l’ère des Séleucides[140].

Deux ans après (145 de l’ère des Séleucides), le 25 du mois de Khasleu (Apellæus des Macédoniens), dans la 153e olympiade, Antiochus reparaissait à la tête d’une grande armée devant les murs de Jérusalem, déclarait qu’il n’avait aucune intention hostile, et était admis dans la place. Son unique but était dé piller le temple, dont il avait naguère visité le trésor, et admiré le riche mobilier. Pour arriver à ses fins, il trahit la foi jurée, et n’épargna même pas ceux qui l’avaient introduit dans la place.

Les vases consacrés à Dieu, les candélabres d’or, l’autel d’or, les tables, les encensoirs, tout fut saisi et enlevé ; le trésor secret fut vidé ; les voiles sacrés eux-mêmes ne furent pas épargnés et cette inique spoliation jeta les Juifs dans la consternation. Non content de cela, Antiochus interdit la célébration des sacrifices quotidiens ; la ville entière fut mise au pillage, et ses habitants furent massacrés ou emmenés en captivité, avec leurs femmes et leurs enfants. Le nombre des captifs fut d’environ dix mille. Les plus beaux édifices furent livrés au feu, les murailles furent démantelées, et la forteresse nommée Acra fut bâtie dans la ville inférieure. Cette forteresse était très élevée et dominait le temple. Lorsqu’elle fut munie de solides murailles et de tours, elle reçut une garnison de Macédoniens. A cette garnison étaient mêlés une foule d’impies et de méchants, sortis des rangs du peuple juif, et leur présence fut à partir de ce moment une véritable calamité pour les citoyens honnêtes et paisibles. Le Roi fit établir un autre autel à la grecque, au-dessus de l’autel des holocaustes, et il y sacrifia des porcs ; ce qui était une horrible profanation. Il prétendit contraindre les malheureux Juifs à déserter. le culte du Dieu de leurs pères, pour passer à celui des dieux qu’il adorait. Des sanctuaires de ces dieux furent bâtis dans toutes les villes, dans toutes les bourgades, et des autels y furent installés, sur lesquels chaque jour on devait immoler des porcs. La circoncision fut défendue sous les peines les plus graves ; enfin Antiochus institua partout des officiers chargés spécialement de veiller à la pleine exécution de ses ordres.

Parmi les Juifs, il s’en trouva un grand nombre qui, poussés par la crainte, ou même de leur propre mouvement, obéirent à ces honteuses prescriptions.

Mais les plus grands personnages et les gens de cœur méprisaient ces ordres insensés, préférant les châtiments et la mort même, à l’abandon de la foi de leurs pères ; aussi la persécution était-elle infatigable et chaque jour comptait de nouvelles victimes. On lacérait, à coups de fouets, les corps de ces malheureux, on les mutilait et on les crucifiait vivants encore. Les mères des enfants que l’on avait osé circoncire étaient étranglées, et l’on pendait les enfants au cou des pères crucifiés. Toute maison où l’on découvrait les livres sacrés était rasée, et ses habitants étaient envoyés au supplice[141].

Maintenant que nous avons reproduit le récit de Josèphe touchant les événements qui remplirent les premières années du règne d’Antiochus IV, nous ne pouvons nous dispenser de mettre sous les yeux du lecteur, ce que nous trouvons, touchant les mêmes événements, et dans les livres des Macchabées, et dans les écrits des auteurs profanes autres que l’historien des Juifs. Nous verrons en effet que ce double résumé a le mérite non seulement de compléter la série des faits, mais encore de rectifier un assez grand nombre des assertions de Josèphe.

Lorsqu’en 189 av. J.-C., Antiochus III défait par les Romains, l’année précédente, près de Magnésie du Sipyle, conclut la paix avec le peuple-roi, il dut se résigner à subir les conditions les plus dures dont voici les principales : Il évacuerait toute la portion de l’Asie située en deçà du Taurus, payerait immédiate-ment une somme de 1.500 talents, et 1.000 autres talents, pendant douze ans ; livrerait 400 talents, et du blé à Eumène, roi de Pargame ; livrerait Hannibal, Thoas, roi d’Étolie, et d’autres personnages ; remettrait ses éléphants et sa flotte de guerre entre les mains des Romains, enfin enverrait à Rome 20 otages au choix des vainqueurs.

Eumène fut alors gratifié de quelques-unes des provinces asiatiques enlevées à Antiochus. Hannibal s’enfuit en Crète, et L. Scipion qui, après sa victoire, avait imposé cet humiliant traité à Antiochus III, rentra à Rome, où il obtint les honneurs du triomphe, avec le surnom d’Asiatique.

Au nombre des otages exigés par les Romains, se trouvait Antiochus, fils du roi vaincu, c’est-à-dire le prince qui régna plus tard en prenant les titres de Dieu Épiphane : celui-ci partit pour Rome en 188 av. J.-C.

L’année suivante (187 av. J.-C.), Antiochus III, partant pour l’Orient, délégua la couronne à son. fils Séleucus. Une fois arrivé en Élymaïs, il tenta de piller nuitamment le temple de Jupiter-Élyméen , ou Baal, et il fut massacré par les défenseurs de ce temple.

Antiochus III le Grand avait régné trente-six ans, et il mourut à l’âge de cinquante-deux ans. Il avait eu cinq fils Antiochus, mort avant lui, Séleucus, Antiochos IV, Ardyes et Mithridate ; quatre filles : Laodicée, Cléopâtre et Antiochis ; le nom de la quatrième ne nous est pas connu.

Séleucus IV Philopator hérita sans obstacle de la couronne de son père. Il épousa sa sœur Laodicée, déjà veuve de son frère aîné Antiochus, et en eut un fils nommé Démétrius, qui régna plus tard sous le nom de Soter.

Jérusalem jouissait alors d’un calme auquel elle n’était guère habituée. Le grand prêtre Onias III, en avançant en âge, était revenu aux sentiments d’une piété exemplaire, et il avait su par sa conduite se concilier à lui-même et à son peuple la bienveillance des rois de Syrie et d’Égypte. Ainsi, par exemple, Séleucus IV Philopator fournissait, sur son trésor particulier, toutes les sommes nécessaires aux frais du culte ; c’est ce que nous apprend le 2e livre des Macchabées[142].

Malheureusement un traître ne devait pas tarder à attirer un orage sur la ville sainte.

Un certain Simon, de la tribu de Benjamin, était alors préfet du temple (præpositus Templi constitutus. II Mac., III, 4), et en toutes circonstances, il se montrait l’ennemi déclaré du grand prêtre Onias ; se sentant trop faible à lui seul pour lutter avec avantage contre le souverain pontife, il imagina le moyen suivant de lui porter un coup funeste ; il se rendit auprès d’Appollonius, fils de Thraseas, qui était alors préfet de Cœlésyrie et de Phénicie, et lui dénonça l’existence, à Jérusalem, d’un trésor public immense, qui n’avait rien de commun avec le trésor chargé de subvenir aux frais des sacrifices,. et qu’il serait, par conséquent ; très facile de faire tomber entre les mains du Roi. Appollonius courut révéler à son maître cette découverte inespérée, et celui-ci chargea immédiatement Héliodore, intendant général de ses finances, d’aller, s’emparer du trésor en question.

Héliodore se mit immédiatement en route, sous le prétexte d’inspecter les villes de la Cœlésyrie et de la Phénicie, mais en réalité pour exécuter l’ordre du Roi. Arrivé à Jérusalem, où le grand prêtre le reçut avec la plus grande distinction, il s’ouvrit à lui sur la nature de sa mission, et le somma de lui dire si ce que l’on avait appris au Roi était vrai.

Onias lui répondit que le trésor en question existait, mais qu’il ne contenait que des dépôts, et les apanages des veuves et des orphelins. Il ajouta qu’une partie des sommes qui y étaient renfermées appartenaient à Hyrcan, fils de Tobie, le personnage le plus considérable de la nation ; qu’en somme, le trésor en question contenait 400 talents d’argent et 200 talents d’or ; mais qu’il était absolument impossible de dépouiller de leurs biens les gens qui les avaient confiés au temple, à ce sanctuaire vénéré dans le monde entier.

Héliodore allégua l’ordre formel qu’il avait-reçu de son maître et déclara que quelle que fût l’origine de ce trésor, il devait s’en saisir et le remettre au Roi.

Au jour dit, Héliodore se présenta au temple pour exécuter son mandat. Le peuple entier était en proie à la plus vive indignation. Les prêtres, revêtus de leurs ornements sacerdotaux, se jetèrent au-devant de l’autel, invoquant la protection divine. Le pontife, pâle et profondément ému, protestait par sa présence contre le sacrilège qui, allait s’accomplir. La foule était énorme et ne dissimulait pas son indignation. Ici l’auteur du livre des Macchabées nous fournit un détail intéressant de plus (Liv. II, ch. III, v. 19 et 20). Il dit que les vierges recluses accouraient au-devant d’Onias, les unes regardant ce qui se passait, par-dessus les murailles, les autres par les fenêtres ; toutes élevaient les mains vers le ciel, et invoquaient son intervention. Il y avait donc à cette époque une communauté de vierges cloîtrées établie dans l’enceinte du temple.

Ici intervient là scène qui mit fin à la tentative du pauvre Héliodore. Aussitôt qu’il eut pénétré dans la chambre du trésor, un terrible cavalier, couvert d’armes d’or, se précipita sur lui, pendant que deux autres personnages à pied, mais à l’aspect resplendissant de gloire, le rouaient de coups, de droite et de gauche. L’obscurité se fit alors autour d’eux : les deux personnages mystérieux relevèrent Héliodore qui était tombé, à terre, le replacèrent sur la chaise, qui l’avait apporté, et le jetèrent, sans plus de ménagement, hors du trésor. Pendant tout le temps que dura cette scène qu’il n’avait certes pas prévue, Héliodore ne reçut aucune assistance des nombreux coureurs et satellites qui l’avaient accompagné. Il en conclut à la réalité d’un châtiment divin et s’évanouit de terreur. Le peuple, témoin de ce fait inattendu, criait au miracle, et les amis d’Héliodore supplièrent le grand prêtre Onias d’intervenir auprès du Tout-Puissant ; pour que celui qui venait d’être frappé fût rendu à la vie. Onias, comprenant que le Roi ne manquerait pas de soupçonner que son envoyé avait été victime d’un guet-apens, s’empressa d’offrir un sacrifice pour le salut d’Héliodore. Pendant que le grand prêtre était en oraisons, le Grec reprit connaissance, et vit à ses côtés les deux mêmes jeunes hommes qui l’avaient si rudement traité et qui lui dirent : Rends grâces au grand prêtre Onias ; car c’est à son intervention seule que tu dois la vie. Toi qui as été affligé par notre Dieu, rends devant tous témoignage du pouvoir et de la grandeur de ce Dieu. A ces mots, ils disparurent. Héliodore, ravi d’en être quitte à si bon marché, immola une victime au Dieu des Juifs, fit vœu de lui offrir des dons magnifiques, remercia Onias, et rassemblant en hâte son escorte, repartit sur l’heure.

Lorsque Héliodore eut raconté au Roi sa pitoyable aventure, celui-ci lui demanda son avis sur le choix d’une autre personne à charger de la commission dont il n’avait pu s’acquitter lui-même. — Sire, répartit Héliodore, si vous avez quelque ennemi, quelque traître auprès de vous, envoyez-le là-bas ; et, s’il en revient, il reviendra battu de main de maître, je vous en réponds (II Macchabées, III, v. 4.à 40). Miracle ou guet-apens burlesque, le trésor du temple n’en fut pas moins sauvé.

J’ai déjà, dans un autre travail (Étude chronologique des livres d’Esdras et de Néhémie, p. 103), relevé l’erreur palpable qui se trouve dans le récit que je viens de reproduire. Le personnage qui y est nommé Hyrcan, fils de Tobie, ne peut être que Joseph, fils de Tobie, frère de Hyrcan, et collecteur du tribut pour le roi d’Égypte. De plus, dans la narration de Josèphe relative à la querelle des fils du collecteur du tribut, nous voyons figurer un grand prêtre Siméon, qui ne peut être que Siméon le Benjaminite, préfet du temple, et ennemi juré du grand prêtre Onias III, qui était en fonctions à cette époque.

En l’an 181 av. J.-C., le roi d’Égypte, Ptolémée Épiphane, vint à mourir, et son fils Ptolémée Philométor lui succéda. Ce fut ce roi qui témoigna la plus grande bienveillance aux Juifs et leur confia les charges, principales de son empire. Ainsi que nous l’avons déjà dit, il mit à la tête de son armée, Dosithée, qui était prêtre de la lignée de Lévi, et Onias, fils du grand prêtre Onias III[143].

En 177 av. J.-C., Séleucus IV rappela en Syrie son frère Antiochus qui, depuis 189 av. J.-C., résidait à Rome, en qualité d’otage, et à sa place il dut envoyer son propre fils Démétrius[144]. Nul doute que le gouvernement soupçonneux de Rome n’ait exigé cette permutation. Une fois le prince Démétrius arrivé à Rome (il n’avait alors que dix ans), Antiochus prit. la route de son pays.. Arrivé à Athènes, il apprit la mort de son frère, le roi Séleucus IV, assassiné par le même Héliodore, préfet du trésor, dont nous avons raconté plus haut la malheureuse expédition à Jérusalem. Aussitôt instruit de cet événement qui lui donnait la couronne, Antiochos prit le titre de roi, avec le surnom orgueilleux de Dieu Épiphane (176-av. J.-C.).

Siméon le Benjaminite, après avoir échoué dans sa première tentative contre Onias ; ne se tint pas pour battu. Sûr de l’appui d’Appollonius, préfet de Phénicie, il né cessait de tourmenter le grand prêtre qui, de guerre lasse et fatigué d’une lutte sans répit, se décida à porter ses plaintes au pied du trône. Il se mit donc en route pour aller trouver le roi Séleucus ; mais il s’y prit trop tard, car lorsqu’il arriva à Antioche, le malheureux Roi venait d’être assassiné.

Voici quelles étaient les perfidies nouvelles dont Siméon le Benjaminite avait poursuivi le- grand prêtre. Il eut l’effronterie d’affirmer que c’était Onias lui-même qui avait appelé Héliodore ; quelques affidés de Siméon osèrent même commettre des meurtres sur des amis du grand prêtre. Celui-ci comprit alors que le Roi seul pouvait mettre un terme à de pareils méfaits, puisque le préfet de Cœlésyrie et de Phénicie, Appollonius, se montrait ouvertement le protecteur de Siméon. Onias partit donc un mois trop tard, ainsi que nous venons de le dire[145].

Après la mort de Séleucus IV, Jésus ou Jason, frère d’Onias, conçut la coupable pensée de supplanter son frère et de se faire adjuger le pontificat. Il vint donc se présenter devant le nouveau Roi, Antiochus IV Épiphane, et lui promit trois cents talents d’argent, plus un tribut annuel de quatre-vingts talents, s’il lui accordait le principat ; il lui offrit encore une somme de cent cinquante talents, s’il lui accordait le droit d’élever un gymnase à Jérusalem, pour l’éducation à la grecque de la jeunesse juive ; et de faire inscrire au nombre des citoyens d’Antioche, toits les habitants de la ville sainte. Antiochus n’eut garde de refuser. Onias III fut déposé, et Jason se mit immédiatement à l’œuvre (175 av. J.-C.). Tous les anciens privilèges accordés au peuple juif par la bienveillance du Roi ; furent abolis,. et les abominables innovations qu’il avait rêvées furent mises en vigueur, au mépris des droits des citoyens. Le gymnase fut aussitôt établi au pied des murailles de la citadelle, et les plus illustres des jeunes éphèbes furent placés dans les lupanars. A partir de ce moment, les prêtres commencèrent à ne plus paraître à l’autel ; désertant le temple et les sacrifices, on les vit se livrer à l’envi à la palestre et aux exercices gymnastiques, et ne plus montrer de zèle que pour acquérir la vaine renommée à laquelle aspiraient les Grecs, persécuteurs de leur race[146].

L’année suivante (174 av. J.-C.), des jeux quinquennaux, en l’honneur d’Hercule, allaient se célébrer à Tyr, où le roi Antiochus s’était rendu. Jason osa envoyer au roi trois cents didrachmes d’argent, destinés à payer un sacrifice à Hercule. Les hommes que le grand prêtre avait chargés de porter cette somme, tout pervertis qu’ils fussent, eurent honte de la mission impie qu’ils avaient acceptée, et supplièrent le Roi d’employer cette somme à quelque autre dépense que le sacrifice à Hercule ; Antiochus eut la pudeur de destiner cet argent à la construction des trirèmes royales, par égard pour les postulants[147].

A cette époque, Antiochus Épiphane envoya Appollonius, fils de Mnesthæus, préfet de Cœlésyrie, à Rome, avec le tribut et des présents magnifiques ; il réussit de la sorte à se faire reconnaître roi et allié des Romains (173 av. J.-C.).

Dans cette même année, Cléopâtre, fille d’Antiochus III et mère de Ptolémée Philométor, vint à mourir. Aussitôt Antiochus Épiphane revendiqua la Cœlésyrie et la Phénicie, et refusa de reconnaître les droits du roi d’Égypte à tout revenu perçu sur ces provinces, à titre de dot de sa mère. Ptolémée Philométor avait déjà célébré les fêtes de son intronisation, lorsque Appollonius, à son retour de Rome, fut-envoyé à Alexandrie, en qua-lité d’ambassadeur, pour traiter cette grave question d’intérêts. Appollonius trouva naturellement le nouveau Roi fort mal disposé à accueillir les étranges prétentions d’Antiochus, et celui-ci se disposa à les soutenir par les armes. Il se rendit, par Joppé, à Jérusalem, où Jason lui fit la plus somptueuse réception, et il partit de là pour l’Égypte, à la tête de son armée[148].

Il y avait déjà trois ans que Jason jouissait du souverain pontificat, lorsqu’il eut la malencontreuse idée d’envoyer auprès du Roi, son frère Ménélas, porteur d’une somme considérable qu’il devait lui remettre, en prenant ses ordres sur quelques sujets importants[149].

Ménélas, en digne frère de Jason, n’eut rien de plus pressé que de promettre à Antiochus trois cents talents de plus que n’en avait payé Jason, s’il voulait dépouiller celui-ci de la tiare, pour la faire passer sur sa tête. Il n’en fallait pas tant pour acheter la faveur royale ; Ménélas reçut l’investiture qu’il sollicitait, et ce misérable courut à Jérusalem chasser, à son tour, Jason qui avait supplanté criminellement son frère Onias, trois ans auparavant. Jason dut fuir et se réfugier en Ammonitide[150].

Lorsqu’il fallut tenir les engagements qu’il avait pris avec le roi ; Ménélas se vit dans l’impossibilité de le faire. La citadelle de Jérusalem était alors occupée par le grec Sostrate qui suffisait amplement pour pressurer et ruiner le peuple ; c’était lui en effet à qui appartenait la perception des impôts. Il exigea donc la remise de la somme promise, et Ménélas eut la maladresse de se plaindre de ce que Sostrate l’empêchait d’exécuter l’engagement qu’il avait souscrit. Tous les deux furent appelés devant le Roi, pour expliquer leur conduite ; naturellement le Juif eut tort, et Antiochus convaincu qu’il avait été pris pour dupe, dépouilla Ménélas du Pontificat, pour le transmettre à son frère Lysimaque. Quant à Sostrate il fut promu au gouvernement de l’île de Chypre[151]. En partant pour comparaître devant le Roi, tous les deux avaient naturellement délégué leurs pouvoirs à des lieutenants ; Ménélas, avait précisément choisi Lysimaque, son futur successeur, et Sostrate avait remis le gouvernement de la citadelle à Cratès.

Au moment où cela se passait une révolte éclatait à Tarse et à Mallus. Antiochus Épiphane avait fait aux peuples de ces deux .cités, l’injure de les donner en présent à une concubine ; ils ne se courbèrent pas servilement sous le coup ignoble qui les frappait, et ils se mirent en rébellion ouverte. Le roi n’hésita pas à marcher contre eux en personne, pour les réduire à l’obéissance, et en partant il remit les rênes du gouvernement entre les mains d’un de ses fidèles, nommé Andronic[152].

Ménélas profita du moment pour commettre un horrible sacrilège. Aidé par son frère Lysimaque, il vola sans pudeur un certain nombre de vases d’or destinés au service du temple ; il en offrit quelques-uns en présent au régent Andronic, et fit vendre les autres à son profit, à Tyr et dans les villes voisines. Onias le grand prêtre déposé, informé de ce crime, résolut d’en obtenir la répression, et pour agir en toute sécurité, il accourût à Daphné, célèbre asile situé près d’Antioche, où s’élevait un magnifique temple d’Apollon. Le dessein d’Onias ne pouvait rester secret pour Ménélas qui recourut à un crime de plus pour se tirer d’affaire. Il vint trouver Andronic dont il avait d’avance payé la complicité, et le supplia de le débarrasser de son dénonciateur. Le Grec n’avait plus rien à. refuser à son corrupteur ; il vint donc à Daphné, tendit la main à Onias, et lui affirma par serment qu’il n’avait rien à craindre, et qu’il pouvait, en toute sécurité, sortir de l’asile qu’il avait choisi. Malgré sa défiance, Onias se laissa persuader, et, à peine avait-il franchi les limites de l’asile, qu’il tomba percé de coups[153].

L’indignation fut générale, non seulement parmi les Juifs, mais encore parmi les Grecs eux-mêmes ; aussi lorsque le Roi fut revenu de Cilicie, il reçut des deux nations, une accusation formelle contre le meurtrier d’Onias. Antiochus Épiphane, tout peu porté qu’il était à l’attendrissement sur les malheurs des Juifs, ne put s’empêcher de verser des larmes, en se rappelant la conduite digne et réservée du pontife si lâchement assassiné ; il fit plus encore et se décida à punir d’une manière éclatante le meurtre. qui lui était dénoncé. Par son ordre Andronic fut immédiatement arrêté, dépouillé de la pourpre et ignominieuse-ment traîné par les carrefours d’Antioche, puis on le conduisit au lieu même où Onias avait péri, et là il fut mis à mort par la main du bourreau[154].

Cependant Lysimaque, poussé par les funestes conseils de son frère Ménélas, imaginait chaque jour quelque nouveau sacrilège. Le riche mobilier du temple disparaissait, petit à petit ; si bien que le peuple finit par se révolter contre ces pillards éhontés, contre ces pontifes impies : une sédition furieuse éclata. Lysimaque disposait d’une troupe de trois mille soldats ; commandés par un homme de sa trempe, et du même âge que lui. Il les lança sur les insurgés qui, s’armant de pierres et de vigoureux bâtons, et jetant de la cendre à poignées au visage de Lysimaque, eurent promptement raison de la force armée ; beaucoup furent tués ou blessés, et tous finirent par prendre la fuite. Lysimaque, singulière prédestination, chercha un refuge dans la chambre du trésor, où il fut massacré[155].

Un fait important avait précédé la mort de Lysimaque. La population de Jérusalem, irritée contre ce misérable, avait pensé qu’il était de son devoir de dénoncer hautement sa conduite au Roi : celui-ci étant venu sur ces entrefaites à Tyr, trois personnages choisis parmi les plus marquants du Sénat judaïque, furent délégués auprès du souverain, pour lui exposer les griefs de la nation. Ménélas, effrayé de l’issue probable du procès qui lui était intenté, suborna un certain Ptolémée Macer, fils de Dorymène, et ancien préfet de l’Égypte, qui avait naguère pris le parti d’Antiochus Épiphane, dont il était devenu le confident et l’ami. Il avait alors été mis à là tête de la Cœlésyrie et de la Phénicie, et il jouissait d’un crédit immense auprès de son maître. Le choix de Ménélas était donc judicieux, et son or lui gagna facilement l’appui de Ptolémée. Celui-ci vint trouver Antiochus, prenant le frais dans l’atrium de son palais, et réussit à lui persuader d’absoudre Ménélas. Absoudre Ménélas, c’était condamner les accusateurs, mais peu importait. Les trois malheureux qui avaient porté la parole au nom du peuple juif, payèrent de leur tête le courage qu’ils avaient eu de se charger d’une accusation qui eût été admise partout et par tous. Cette sentence inique révolta les Tyriens eux-mêmes qui firent avec générosité les frais des funérailles des suppliciés. Quant à Ménélas, l’acquittement qu’il avait obtenu à prix d’or ne lui fut que de peu de secours ; car peu après il périt misérablement, ainsi que nous l’avons dit tout à l’heure[156].

Dès l’année 173 avant J.-C., Antiochus Épiphane, comme nous l’avons déjà raconté plus haut, avait profité de la mort de Cléopâtre pour signifier au roi d’Égypte, Ptolémée Philométor, qu’il n’avait plus à compter sur le revenu assigné jadis en dot à sa mère, sur les tributs annuels de la Cœlésyrie et de la Phénicie. La guerre avait éclaté, à la suite de cette injuste prétention du roi de Syrie, et en 171 avant J.-C. Antiochus avait, à la tête de son armée, franchi les frontières de l’Égypte. Les Égyptiens avaient été mis en déroute entre Péluse et le mont Casius. Antiochus avait alors envahi l’Égypte, tout en affichant les plus grands égards pour le Roi vaincu, dont il prétendait n’être que le protecteur. Ce fut à ce moment que le Ptolémée Macer, auquel nous venons de voir jouer un rôle odieux, se déclara lé partisan dévoué d’Antiochus. L’Égypte toutefois ne subissait qu’avec impatience le joug que le monarque syrien lui avait imposé, et celui-ci pour affermir son autorité usurpée, se prépara à envahir une seconde fois en armes les états du prince dont il s’obstinait sans vergogne à se déclarer le protecteur (170 avant J.-C.).

L’armée de Ptolémée Philométor fut encore une fois défaite ; ce pauvre prince s’enfuit et se cacha ; puis Antiochus redevenu maître des villes de l’Égypte, y fit un immense butin[157].

Au moment où Antiochus Épiphane se préparait à enter en campagne pour cette seconde expédition contre l’Égypte, Jérusalem pendant quarante jours consécutifs fut effrayée par d’étranges prodiges. Chaque jour on voyait dans les airs des combats fantastiques, se renouvelant sans cesse tant que durait la lumière du soleil[158].

Chacun commentait et expliquait à sa façon ces apparitions extraordinaires, mais tous étaient d’accord pour souhaiter qu’elles ne fussent pas l’annonce de grands malheurs prochains pour la cité.

Un beau jour sans que personne pût deviner d’où venait la nouvelle, le bruit se répandit dans tout le pays que le roi Antiochus était mort. Nous avons dit que le grand prêtre destitué, Jason, s’était réfugié dans l’Ammonitide ; trompé .lui-même par l’annonce de la mort du Roi, il jugea le moment opportun pour ressaisir le pouvoir dont il avait été dépouillé, et réunissant en hâte un millier d’aventuriers prêts à partager sa fortune, il se rua sur Jérusalem. Vainement les habitants firent mine de courir aux murailles ; ils n’eurent pas le courage nécessaire pour repousser les assaillants ; la ville entière fut bientôt envahie, et Ménélas se réfugia dans la citadelle. Jason sans se préoccuper de ce que ses adversaires du moment étaient ses amis et ses proches, et à tout le moins ses concitoyens, était disposé à ne faire grâce à personne. Mais l’événement tourna à sa confusion ; las de fuir, les Juifs se comptèrent, et comprenant qu’ils n’avaient affaire qu’à une poignée de malfaiteurs, ils revinrent à la charge avec succès, et rejetèrent hors de la ville Jason qui dut regagner au plus vite l’Ammonitide[159].

Il ne tarda pas à reconnaître qu’il n’y était plus en sûreté ; en effet Arétas, roi des Arabes, lui barra le passage ; fuyant alors de bourgade en bourgade, repoussé partout, comme un objet d’exécration, il chercha vainement un asile en Égypte, d’où il, fut honteusement expulsé, et se vit réduit à choisir un dernier refuge à Lacédémone, où il comptait être admis, sur je ne sais quels droits de parenté existant, à ce que l’on disait, entre les Lacédémoniens et les Juifs. Il n’y fut pas mieux reçu et finit par y mourir misérablement[160].

Antiochus ne tarda pas à apprendre ce qui venait de se passer à Jérusalem ; furieux de ce que les Juifs s’étaient réjouis à la fausse nouvelle de sa mort, il prit prétexte de la tentative de Jason, pour crier à la rébellion, et il quitta en hâte l’Égypte, pour fondre sur Jérusalem. Cette malheureuse ville fut envahie incontinent, et le plus affreux massacre commença par l’ordre exprès du roi. Les soldats, ivres de sang, n’épargnèrent ni le sexe, ni l’âge. Pendant trois jours entiers le carnage ne cessa pas un instant ; 80.000 personnes furent égorgées, 40.000 prisonniers furent chargés de chaînes et réduits en esclavage[161].

Antiochus pénétra en furieux dans l’enceinte sacrée du temple ; il enleva l’autel d’or, le chandelier sacré, la table de proposition, les vases à libation, les fioles et les mortiers d’or, le voile sacré, les couronnes, et tout l’or qui décorait l’entrée du sanctuaire. En un mot, il prit l’argent, l’or, tout ce qui avait une valeur intrinsèque, ainsi que le trésor secret. Lorsqu’il n’eut plus rien à piller, Antiochus charmé du succès de son expédition, regagna, sa capitale. Un détail odieux nous est donné à ce sujet par le 2ème livre des Macchabées[162] (verset 15), c’est que le roi de Syrie fut guidé par le grand prêtre Ménélas en personne, lorsqu’il consomma la ruine du temple. Une somme de 1.800 talents était, de ce coup, tombée entre les mains du roi profanateur, dont l’orgueil effréné fut exalté outre mesure par ce facile succès.

Josèphe[163] affirme que Jérusalem fut prise sans avoir fait de résistance, et que les partisans d’Antiochus lui ouvrirent les portes de la ville. Ce récit n’a rien qui contrarie celui du livre des Macchabées, et nous sommes tout disposé à croire que le roi de Syrie fut traîtreusement introduit dans la place, sans que personne tentât sérieusement de la défendre[164].

L’an 169 avant J.-C., Ptolémée Philométor recommença la guerre contre Antiochus, toujours pour soutenir ses prétentions sur la Cœlésyrie. Une fois de plus le sort des armes lui fut contraire, et le roi de Syrie, pour recouvrer un peu de popularité parmi les Égyptiens, eut la sagesse de se montrer généreux envers les vaincus. Le calcul était bon sans doute ; puisqu’il rentra pour ainsi dire en possession de l’Égypte.

Ce pays fut en cette même année bouleversé par plusieurs révolutions consécutives. Ainsi les Alexandrins déclarèrent Philométor déchu de la royauté qu’ils confièrent à son frère Ptolémée Évergète ; puis, peu après, ils partagèrent le pouvoir souverain entre les deux frères ; mais ce nouvel état de choses n’eut qu’une durée éphémère : Philométor, dont le caractère était méprisé, fut de nouveau dépouillé de la pourpre royale.

Pour Antiochus l’occasion était belle de se poser de nouveau en protecteur du Roi déchu, et il s’empressa de la saisir. Il arriva donc devant Péluse, à la tête d’une flotte puissante qui défit la flotte Égyptienne ; après ce premier succès, Antiochus marcha sur Alexandrie dont il entreprit le siège ; il rencontra devant cette place une résistance tellement énergique, qu’il dut évacuer l’Égypte, dont il ne garda que Péluse, où une forte garnison syrienne fut laissée.

Ce fut alors que les Égyptiens, las de repousser les invasions d’Antiochus, implorèrent contre lui la protection des Romains. Leur requête fut accueillie avec empressement par le Sénat, et en 168 av. J.-C., C. Popilius Lænas, C. Decimius, et C. Hostilius arrivèrent en Égypte pour signifier à, Antiochus d’avoir à cesser ses agressions contre un État qu’ils étaient chargés d’administrer et de protéger. Le premier résultat obtenu par les ambassadeurs romains fut la réconciliation de Philométor et d’Évergète, qui recommencèrent à régner en commun. Antiochus n’était pas homme â ‘accepter un pareil affront sans entrer en fureur, et plus que jamais il se prépara à marcher contre l’Égypte.

Il était déjà arrivé en Cœlésyrie, à la tête de l’armée destinée à cette expédition, lorsque des ambassadeurs de Philométor et d’Évergète se présentèrent devant lui, pour demander la paix. Antiochus y mit pour condition que les rois égyptiens lui livreraient en toute propriété l’île de Chypre et Péluse.

Ces graves préoccupations n’avaient pas fait perdre de vue à Antiochus les malheureux Juifs. Après le pillage et la profanation du temple, il avait laissé à Jérusalem pour gouverneur un Phrygien nommé Philippe, dont la cruauté n’avait d’égale que celle du Roi. Il avait établi au Garizim, Andronic et Ménélas, l’ennemi le plus acharné de ses concitoyens.

Du reste il semblait. avoir pris à tâche d’amoindrir une race qu’il abhorrait. En 168 av. J.-C., ce fou furieux, car il est véritablement impossible de le qualifier autrement, envoya à Jérusalem Apollonius, préfet du tribut, à la tête de 22.000 hommes, avec ordre de mettre à mort tous les hommes arrivés à l’âge de puberté ; les femmes et les enfants devaient être épargnés, mais vendus comme esclaves. Apollonius digne serviteur d’un pareil maître, entra à Jérusalem, en protestant de ses intentions pacifiques. Il attendait la venue du jour du sabbat, pendant lequel il était assuré à l’avance de ne rencontrer aucune espèce de résistance ; dès que ce jour néfaste fut arrivé, les troupes syriennes prirent les armes et le massacre, l’incendie et le pillage commencèrent. Les murailles de la ville furent entamées par de larges brèches[165].

Ceci se passait deux ans après le pillage du temple[166] ; la ruine de Jérusalem et du culte judaïque s’accomplit donc en deux fois.

Nous avons déjà dit, à plusieurs reprises, comment les Samaritains s’ingéniaient à profiter de la bonne ou de la mauvaise fortune des Juifs ; dès qu’ils virent toutes les calamités que venait de faire peser sur eux la démence d’Antiochus Épiphane, ils ne perdirent pas de temps pour décliner toute espèce de relation de parenté avec les victimes ; ils crièrent bien haut qu’ils n’étaient qu’une colonie de Mèdes et de Perses, et que leur temple du Garizim n’avait rien de commun avec le Dieu adoré à Jérusalem. Une députation fut immédiatement envoyée par eux à Antiochus ; elle portait au roi une dépêche ainsi conçue. A toi, Roi Antiochus, Dieu Épiphane, les Sidoniens habitants de Sichem soumettent respectueusement les considérations suivantes. Nos pères terrifiés par les fréquentes pestilences dont ce pays fut frappé coup sur coup, eurent la faiblesse d’accepter une superstition surannée, et d’adopter la coutume de célébrer le jour que les Juifs appellent sabbat. Construisant alors un temple, sur le sommet du mont Garizim, ils prirent l’habitude d’y offrir des sacrifices solennels à un Dieu qui n’a pas de nom. Maintenant qu’il a semblé bon à ta Majesté de traiter les Juifs comme ils le méritaient par leur perversité, les ministres du Roi nous croyant unis aux Juifs par les liens du sang, supposent naturellement que nous sommes complices de leurs méfaits ; ils s’apprêtent à nous infliger le même châtiment ; cependant il est rendu manifesté par le contenu des archives publiques, que nous sommes Sidoniens d’origine. Nous te supplions donc, toi, notre bienfaiteur et notre protecteur, de mander à Appollonius, préfet du pays, et à Nicanor, procurateur des affaires d’État, de ne nous molester en rien, sous le prétexte que nous sommes affiliés aux Juifs, tandis que nous sommes si complètement séparés d’eux, et par nos mœurs et par notre origine ; que, de plus, ils nous permettent de consacrer à Jupiter hellénien notre temple innommé. Cela fait, nous serions débarrassés de toute crainte, et nous livrant avec calme à nos travaux, nous pourrions te payer des impôts plus considérables.

A la réception de cette requête, Antiochus s’empressa d’expédier la dépêche suivante : Le roi Antiochus à Nicanor. Les Sidoniens, habitants de Sichem, nous ont adressé la requête ci-jointe ; leurs envoyés nous ont représenté en séance du conseil royal, que les méfaits dont les Juifs sont coupables leur étaient complètement étrangers, et que leur ferme volonté était d’adopter les lois grecques et de vivre sous l’empire de ces lois. En conséquence, nous les absolvons de toute culpabilité, et nous voulons que, suivant leur requête, leur temple soit conservé sous le nom de Jupiter hellénien.

Une dépêche identique fut adressée à Appollonius ; comme l’autre elle était datée du 18 du mois hecatombæon de l’année 146 de l’ère des Séleucides (167 av. J.-C.)[167].

Maintenant revenons quelque, peu ; en arrière. Nous avons dit qu’Antiochus Épiphane,, au mépris des injonctions du Sénat romain, avait marché contre l’Égypte. Au moment où il allait occuper Péluse, il trouva en face de lui les ambassadeurs romains lui apportant l’ordre de s’abstenir de toute agression contre l’Égypte. Comme il tergiversait et cherchait des raisons pour résister, Popilius Lænas traça, avec le bâton de vigne qu’il tenait à la main, un cercle étroit autour d’Antiochus, et lui défendit de franchir ce cercle, avant d’avoir répondu aux injonctions du Sénat. Malgré son exaspération, le Roi ne se sentit pas assez fort pour s’affranchir d’un ordre aussi brutalement donné ; il dut s’incliner devant cet ordre et reprendre avec son armée la route de la Syrie.

Ce fut vraisemblablement après avoir subi cette suprême humiliation, qu’Antiochus fit peser sur tous ses sujets la rage qui lui mordait le cœur. Il promulgua un décret qui, de tous les peuples soumis à ses ordres, n’en faisait plus qu’un. Chaque nation devait renoncer à ses lois particulières, pour adopter exclusivement la loi grecque.               .

Tous les gentils s’empressèrent d’obéir, et parmi les enfants d’Israël eux-mêmes, il y en eut beaucoup qui se courbèrent honteusement sous l’ordre du maître, sacrifièrent aux idoles et souillèrent le sabbat.

Des autels et des temples aux faux dieux furent élevés dans la Judée ; partout fut envoyé l’ordre d’immoler des porcs, et l’autel des holocaustes lui-même reçut cette horrible souillure ; la circoncision fut sévèrement prohibée enfin il fut décrété que quiconque refuserait d’obéir aux ordres du Roi serait mis à mort.

Ce fut le 15 du mois de khaslew de l’an 145 des Séleucides (168 av. J.-C.) que, par l’ordre d’Antiochus, une statue de Jupiter olympien fut établie sur l’autel de Jéhovah. Les livres saints furent saisis partout, l’acérés et brûlés. Le 25 du même mois eut lieu le premier sacrifice impie célébré sur l’autel élevé contre celui de Jéhovah. Le verset 62 du chap. 1 du IIe livre des Macchabées donne le 25 du mois de khaslew, sans mentionner l’année qui, au verset 57, est dite 145.

Les femmes qui pratiquaient la circoncision de leurs enfants étaient mises à mort, et les enfants eux-mêmes étaient pendus dans la maison de leurs parents[168].

Nous voudrions ne pas nous appesantir davantage sur les horribles détails que d’ailleurs nous avons déjà donnés en copiant le récit de Josèphe ; mais nous trouvons dans le IIe livre des Macchabées, quelques faits de plus, qu’il ne nous est pas permis de passer sous silence, et que nous allons analyser le plus brièvement possible.

Un vieillard d’Antioche, nommé Philippe, fut chargé par le roi Antiochus du soin d’accomplir la ruine du culte judaïque. Ce fut cet homme qui souilla le temple du Très-Haut et lui imposa le nom de temple de Jupiter olympien ; de même qu’il imposa au temple du Garizim le nom de Jupiter hospitalier : Διός ξενέου. Plus de sabbat, plus de fêtes solennelles ; mais célébration obligatoire pour tous du jour de naissance d’Antiochus Épiphane. Chacun à cette cérémonie devait être couronné de lierre en l’honneur de Bacchus.

Deux femmes dénoncées pour avoir circoncis leurs nouveau-nés, furent traînées par tous les carrefours de Jérusalem, avec leur enfant suspendu à leurs seins, puis précipitées du haut des murailles de la ville.

Quelques Juifs fidèles qui s’étaient cachés dans des cavernes, pour célébrer le saint jour du sabbat, furent dénoncés à Philippe qui les fit brûler vifs, ces malheureux n’ayant rien tenté pour se sauver, à cause de la sainteté du jour[169].

On voulut forcer un certain Éléazar, l’un des plus illustres docteurs de la loi, de manger de la chair de porc. Il aima mieux marcher au supplice que d’obéir. Ses amis tentèrent vainement de le décider à faire semblant d’avaler cette chair impure ; il préféra la mort à un subterfuge indigne de lui, et de quatre-vingt-dix années d’une vie exemplaire[170].

Tout le chapitre 7 du IIe livre des Macchabées est consacré au récit du martyre d’une mère et de ses sept fils, récit que Josèphe lui-même nous a conservé dans un chapitre spécial ; mais nous aimons mieux y renvoyer le lecteur, que de continuer plus longtemps à transcrire de semblables monstruosités.

Nous voici enfin arrivés au réveil de la nation ; la mesuré dé ses misères avait été comblée, et Dieu permit qu’une race de héros surgit du sein de cette nation si cruellement éprouvée, pour lui rendre tout son éclat et toute sa gloire.

 

 

 

 



[1] Antiquités Judaïques, XI, I. Il est clair qu’ici le décret, prêté à Cyrus par Josèphe, fait allusion à la prophétie d’Isaïe ; nous ne le devinerions pas d’ailleurs que notre historien, dans le paragraphe qui suit, ne laisserait à ce sujet aucun. doute dans notre esprit.

[2] Esdras, v. 1 à 4.

[3] Voici la teneur des versets mêmes d’Isaïe. XLIV, v. 28. C’est moi Jéhovah qui dis de Coresch, c’est mon pasteur ; il accomplira toutes mes intentions et dira de Jérusalem, qu’elle soit bâtie ! du temple, qu’il soit fondé !

XLV, v. 1. Ainsi dit Jéhovah à son messie, à Coresch que je soutiens par sa droite pour abaisser devant lui les nations, etc. 4. En faveur de mon serviteur Jacob et d’Israël mon élu, je t’ai appelé par ton nom, je t’ai dénommé avant que tu ne m’eusses connu.

5. Je suis Jéhovah et nul autre ; hors moi, il n’y a pas de Dieu ; je t’ai armé avant que tu ne me connusses.

[4] Antiquités Judaïques, XI, I, 2.

[5] Antiquités Judaïques, XI, I, 3. — Esdras, I, V, 5 à 11. L’Abassar dont parle Josèphe, n’est autre que le prince Juif Cheschbasar, mentionné au verset 8 d’Esdras ; les versets 9 et suivants contiennent la curieuse énumération des vases sacrés rendus au culte de Jéhovah : c’étaient : 30 coupes d’or, 1.000 coupes d’argent, 29 couteaux, 30 bassins d’or, 410 bassins d’argent, 1.000 autres vases. — Tous les vases d’or et d’argent, ajoute l’écrivain sacré (verset 11), étaient au nombre de 5.400.

[6] Ce Sisinès et ce Sarabasanès ont des noms bien voisins de ceux de Tatnaï et de Chetarboznaï dont nous aurons à parler plus loin. Il y a certainement là quelque confusion imputable à Josèphe, plutôt qu’au rédacteur du livre d’Esdras.

[7] Il paraît assez étrange qu’une semblable énumération soit intercalée dans un décret royal.

[8] Le nombre total de ces ustensiles sacrés est 5.400, et il est très curieux de retrouver ici un total précisément égal à celui que nous fournit, sans justification, le verset 11 du ch. I d’Esdras.

[9] L’artabe est une mesure équivalente à 55 litres.

[10] Antiquités Judaïques, XI, I, 3. Le livre d’Esdras, au chapitre II, verset 64, donne pour ce même nombre le chiffre 42.360 ; mais la différence est insignifiante. Le verset 2 du même chapitre nous donne la liste des dix chefs de la nation revenus avec Zorobabel ; c’étaient : Jesoua, Néhémie, Séraiah, Reahiah, Mardochée, Bilsan, Masphar, Bidjoui, Nahoum et Baânah. Au verset 65, les serviteurs et les servantes sont évalués au chiffre de 7.337. L’énumération précitée se retrouve dans le livre de Néhémie (VII, v. 6 à 69), mais avec quelques variantes dans les chiffres de détail, et dans les noms des individus ; ainsi par exemple les chefs de la nation revenus avec Zorobabel y sont appelés comme il suit :

7. Ceux qui sont venus avec Zorobabel sont : Jésouâ, Néhémiah, Azariâh, Râamiah, Nahman, Mardochée, Bilsan, Maspharat, Binoui, Nahoum, Baânah.

Le IIe livre des Chroniques (XXXV) contient, à propos du retour de la captivité, les versets suivants qui sont d’accord avec le passage parallèle d’Esdras.

20. Il (Nabuchodonosor) emmena en captivité ceux que le glaive avait laissés de reste ; ils servirent d’esclaves à lui et à ses enfants, jusqu’à l’avènement du royaume des Perses.

21. Afin d’accomplir la parole de Dieu, par Jérémie, jusqu’à ce que le pays eut acquitté ses sabbats, tout le temps de sa désolation, il chôma jusqu’à l’accomplissement de 70 ans.

22. Et dans la première année du roi Coresch (Cyrus), roi de Perse, pour accomplir la parole de Jéhovah, proférée par la bouche de Jérémie, Jéhovah réveilla l’esprit de Coresch, roi de Perse : Jéhovah, Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre, et il m’a commandé de lui bâtir une maison à Jérusalem, en Juda. Qui parmi vous se trouve être de son peuple, que Jéhovah, son Dieu soit avec lui, et qu’il monte.

Toutefois le prophète Jérémie est bien celui que concerne le verset 21. C’est Isaïe, et non plus Jérémie, qui devrait être mentionné dans le verset 22. Quant au verset 23, il est la copie à peu près textuelle des versets 2 et 3 du premier chapitre d’Esdras.

[11] Antiquités Judaïques, XI. II. L — Esdras IV, v. 1 à 16. La teneur de la dénonciation est à peu prés identique avec celle que nous fournit Josèphe, mais les noms des rédacteurs sont : Héhoum, Baal-Thaâm (le maître du goût) et Chamsi le grammate ; de plus, c’est au roi Artaxerxés, אתששחתךא, qu’elle est adressée. Il semble que la version de Josèphe soit plus vraisemblable, quant au nom du monarque dont il est question, car aucun des trois rois du nom d’Artaxerxés ne peut figurer ici. Je l’ai démontré ailleurs. (Cf. mon étude chronologique des livres d’Esdras et de Néhémie.)

[12] Antiquités Judaïques, XI. II. 2. — Esdras, IV, v. 18 à 22. Josèphe fait ici des mots Bâa1-Thaam constituant le titre officiel de Réhoum, un personnage distinct, nous ne doutons pas que ce ne soit à tort.

[13] Antiquités Judaïques, XI, II, 2. — Esdras, IV, v. 23 et 24. L’interruption des travaux de Jérusalem eut donc lieu vers 530 ou 529 av. J.-C.

[14] Esdras, II, v. 65 à 67.

[15] Esdras, I, v. 68 et 69. Cette énumération de dons volontaires se retrouve, avec des variantes importantes, dans le livre de Néhémie (VII, v. 70 à 72). Ainsi Néhémie lui-même aurait donné, en or 1.000 dariques, 50 bassins et 130 tuniques sacerdotales ; nous verrons que tout cela n’eut lieu que beaucoup plus tard. D’autres chefs de famille donnèrent 20.000 dariques, et 2.200 mines d’argent ; enfin le reste du peuple aurait donné 20.000 dariques d’or, 2.000 mines d’argent et 67 tuniques sacerdotales.

[16] Esdras, II, v. 70.

[17] Esdras, III, v. 1 à 6. (720 av. J.-C.)

[18] Esdras, III, v. 7, et V, v. 1 et 2.

[19] Esdras, IV, v. 1 et suivants.

[20] Esdras, IV, v. 7. Il doit y avoir ici ainsi que nous l’avons déjà dit, une erreur de nom, c’est à Cambyse et non à un Artaxerxés, que ces dépêches furent adressées.

[21] Esdras, IV, v. 10. Dans ce verset, il est dit que ces Cuthéens furent envoyés en Samarie par le grand et magnifique Asnafar (ךפנםא). Est-ce le nom d’un Satrape de Salmanasar ? Est-ce un surnom de Salmanasar lui-même ? nous l’ignorons.

[22] Nous avons déjà fait observer que le Sisinès et le Sarabasanès de Josèphe ne pouvaient être que le Tatnaï et le Chetar-Boznaï du livre d’Esdras.

[23] Esdras, V, v. 3 à 5. (520 av. J.-C.).

[24] Esdras, V, v. 7 à 17.

[25] Esdras, VI, v. 1 à 5.

[26] Esdras, VI, v. 6 à 12 (520 av. J.-C.).

[27] Esdras, VI, v. 13 à 22.

[28] Esdras, VII, v. 1 à 9 (397 av. J.-C.).

[29] Kor ; c’est une mesure hébraïque de la capacité du bath, équivalant à 180 litres 88.

[30] Esdras, VII, v. 12 à 26.

[31] Le Kikar pesait 18,088 grammes. Esdras, VIII, v. 1 à 27.

[32] Esdras, VIII, v. 28 à 36 (397 av. J.-C.).

[33] Esdras, IX, v. 1 à 15 (397 av. J.-C.).

[34] Esdras, X, v. 1 à 44. (397 av. J-C.)

[35] Antiquités Judaïques, XI, III, 1.

[36] Antiquités Judaïques, XI, III, 1.

[37] Antiquités Judaïques, XI, III, 2.

[38] Antiquités Judaïques, XI, III, 3 à 6.

[39] Antiquités Judaïques, XI, III, 7.

[40] Antiquités Judaïques, XI, III, 8.

[41] Antiquités Judaïques, XI, III, 9.

[42] Antiquités Judaïques, XI, III, 10.

[43] Antiquités Judaïques, XI, III, 10.

[44] Esdras II, v. 2.

[45] Esdras VIII, v. 25.

[46] Antiquités Judaïques, VIII, IV, 1. — Esdras III, v. 1 à 7.

[47] Tous ces noms, ou à peu près, sont estropiés. Si en effet nous lisons le verset 9 du chapitre III d’Esdras, nous trouvons que les chefs du travail de reconstruction du temple, étaient Josué, ses fils et ses frères, Kadmiel et ses fils, fils de Juda, pour présider aux travailleurs dans la maison de Dieu, les fils de Henadad, leurs fils et leurs frères les lévites.

[48] Esdras III, v. 8 à 10.

[49] Antiquités Judaïques, VIII, IV, 2.

[50] Antiquités Judaïques, VIII, IV, 3.

[51] Antiquités Judaïques, XI, IV, 4. — Il est vrai que nous avons vu plus haut Josèphe dire que Zorobabel, en apprenant l’élévation au trône de Darius, fils d’Hystaspe, partit de Jérusalem pour accourir lui rendre hommage. Zorobabel aurait-il donc ramené deux con-vois de captifs libérés à Jérusalem ? La première fois, sous Cyrus en 537 avant J.-C. et le second en520, sous Darius, fils d’Hystaspe ? Cela est parfaitement possible, et nous aurions ainsi la clef de cette déplorable confusion qui nous poursuit sans cesse. Notons que dans ce passage, le Chechbasar du livre d’Esdras est nommé Abassar.

[52] Antiquités Judaïques, XI, IV, 6 à 7.

[53] Esdras V, v. 1 à 2. — Antiquités Judaïques, XI, IV, 7.

[54] Antiquités Judaïques, IV, 7. — Esdras VI, v.15 à 17.

[55] Nous sommes vraiment las de retrouver toujours ces 6 mois et 10 jours qui n’ont aucune raison d’être.

[56] Antiquités Judaïques, XI, IV, 8. Nous ne perdrons pas notre temps à analyser ces nouveaux chiffres, qu’il serait probablement fort difficile de justifier ou de combattre. La période des juges est d’ailleurs impossible à préciser chronologiquement.

[57] Antiquités Judaïques, XI, IV, 9.

[58] Antiquités Judaïques, XI, V, I. Voici la généalogie des grands prêtres, descendants directs de Serayah qui fut mis à mort, à la prise de Jérusalem, en 588 av. J.-C.

Josaddok,

Jeschoua (Jésu ou Josué),

Joiakim,

Eliasib,

Joiada,

Jonathan (lisez Jokhanan),

Jaddoua,

(Néhémie, XII, v. 10 et 11).

[59] Nous avons vu, dans le livre d’Esdras, le roi protecteur d’Esdras nommé Artakhchachtah ; cela doit être vrai, et il s’agit d’Artaxerxés II, Mnémon ; Josèphe est cette fois encore dans le faux.

[60] Antiquités Judaïques, XI, V, 1 à 4. (397 av. J.-C.)

[61] Néhémie VIII, v. 1 à 8. — Antiquités Judaïques, XI, V, 5. S’il faut en croire Josèphe, la porte des eaux était la porte orientale du Naos, puisqu’il décrit ainsi le lieu de réunion du peuple assemblé pour entendre la lecture de la loi : άνελθόντες είς τό άνεμένον τοΰ ναοϋ πρός τήν πύλην τήν έπί τήν άνατολήν άποβλέπουσαν.

Je crois qu’il y a ici une confusion et que la porte des eaux du texte de Néhémie, est une porte du Hieron (la triple porte aujourd’hui murée), tandis que la porte désignée par Josèphe est une porte du Naos.

[62] Néhémie I entier et II, v. 1 à 9. — Antiquités Judaïques, XI, V, 6. Dans ce passage le nom du satrape placé à la tête de la Samarie et de la Phénicie est Adaios ; de plus l’année du règne de Xerxès dans laquelle Néhémie arriva à Jérusalem, est dite la 25e, au paragraphe 7 (Antiquités Judaïques, XI, V).

[63] Que peut être cet Aabed, ינםאה ךבעה. Il est assez singulier que le beau monument ammonite d’Aaraq-el-Emyr, s’appelle toujours dans le pays Qasr-el-Aabed. La résidence de Tobiah l’ammonite, aurait-elle été là par hasard ? Ce serait bien possible ; nous aurons lieu de revenir plus tard sur ce curieux sujet.

[64] Néhémie II, v. 10.

[65] Néhémie II, v. 11 à 15.

[66] Néhémie II, v. 16 à 18 (384 av. J.-C.).

[67] Néhémie II, v. 19 et 20. — Antiquités Judaïques, XI, V, 7 et 8.

[68] Antiquités Judaïques, XI, V, 7. — Néhémie III, v. 1 à 32.

[69] Néhémie III, v. 1.

[70] Néhémie III, v. 33 à 38.

[71] Néhémie IV, v. 1 à 17. — Antiquités Judaïques, XI, V, 8.

[72] Néhémie VI, v. 1 à 14. — Antiquités Judaïques, XI, V, 8.

[73] Le mot dont se sert Néhémie pour rendre l’idée de gouverneur est toujours החפ. C’est là très probablement l’origine du titre Pacha (372 av. J.-C.).

[74] Néhémie V, v. 1 à 19.

[75] Néhémie VI, v. 15. Josèphe, Antiquités Judaïques, XI, V, 8, prétend que le travail demanda 2 ans et 4 mois, et ne fut terminé que dans le 9e mois de la XXVIIIe année du règne de Xerxès. Plus haut (paragraphe 7) il dit, ainsi que nous l’avons déjà vu, que le départ de Néhémie pour Jérusalem eut lieu dans la XXVe année du règne de Xerxès. Josèphe est donc bien d’accord avec lui-même sur ce point ; mais comme il est en désaccord formel avec l’Écriture sainte et avec la chronologie, nous nous en tenons prudemment à ces dernières.

[76] Néhémie VII, v. 1 à 4.

[77] Néhémie, X, v. 35 à 40. — Antiquités Judaïques, XI, V, 8.

[78] Néhémie, XII, v. 27 à 43. Nous trouvons au verset 36 les mots : Et Esdras le docteur était devant eux, en parlant d’un des deux chœurs qui marchaient au-devant l’un de l’autre, sur les murailles ; Esdras vivait donc encore à ce moment. — Antiquités Judaïques, XI, V, 8.

[79] Néhémie, X, III, v. 6. (384 av. J.-C.).

[80] Néhémie, VI, v. 16 à 49.

[81] Néhémie, XIII, v. 4 et 5 et 7 à 9.

[82] Néhémie, XIII, v. 15 à 22.

[83] Néhémie, XIII, v. 23 à 27.

[84] Néhémie, XIII, v. 28.

[85] Antiquités Judaïques, XI, v. 8.

[86] Antiquités Judaïques, XI. VI, 1 à 3.

[87] M. J. Oppert a traité ce sujet avec beaucoup de talent et d’érudition ; il conclut à la réalité des faits de l’histoire d’Esther, de Mardochée et d’Aman. Son travail est inséré dans les Annales de Philosophie chrétienne, numéro de janvier 1864. Notons toutefois que l’histoire d’Esther, contrairement à l’avis de Josèphe, est placée avec toute apparence de raison sous le règne de Xerxès, par M. Oppert.

[88] Antiquités Judaïques, XI, VII, I. Les noms de ces deux souverains pontifes sont altérés dans le livre de Josèphe : Joiada y devient Judas et Jokhanan, Jean. Ce dernier est le pontife dont le tombeau est si souvent mentionné, à propos des travaux du siège de Jérusalem par Titus. Nous trouvons une fois dans le livre de Néhémie le nom Jonathan substitué par erreur à celui de Jokhanan.

[89] Antiquités Judaïques, XI, VII, 1.

[90] Antiquités Judaïques, XI, VII, 2.

[91] Néhémie, XIII, v. 28. Il est dit dans ce verset que le gendre de Sanaballète était un des fils de Joïada, fils d’Éliasib.

[92] Antiquités Judaïques, XI, VIII, 1.

[93] Antiquités Judaïques, XI, VIII, 2.

[94] Antiquités Judaïques, XI, VIII, 3.

[95] Nous aurons plus tard l’occasion de parler en détail du temple élevé par Sanaballète, sur le sommet du Garizim.

[96] Antiquités Judaïques, XI, VIII, 4 (329 av. J.-C.).

[97] Antiquités Judaïques, XI, VIII, 4.

[98] Antiquités Judaïques, XI, VIII, 5. Ce nom s’est :sans doute conservé dans celui de la Chafat moderne, qui est à peu près à 4 kilomètres au nord de Jérusalem, à gauche de la route de Naplouse.

[99] Il est certainement fait ici allusion à ce que nous lisions dans le livre de Daniel, VIII, v.16 à 27, et notamment aux deux versets suivants. 20. Le bélier que tu as vu, pourvu de cornes, désigne les rois de Médie et de Perse. — 21. Le bouc chevelu, le roi  de Ioun (Ionie, Grèce), et la grande corne qui est entre ses yeux, le premier roi. — La (corne) brisée à la place de laquelle se sont élevées quatre autres, (signifie) que quatre empires s’élèveront de la nation, mais non avec sa force, etc. Quelle que soit l’époque que l’on prétende assigner à la rédaction du livre de Daniel, pour Josèphe ce livre existait au moment où Alexandre vint à Jérusalem.

[100] Antiquités Judaïques, XI, VIII, 5.

[101] Πρός τώ Γαριζείν όρει, signifie littéralement, en face du mont Garizim.

[102] Antiquités Judaïques, XI, VIII, 6.

[103] Antiquités Judaïques, XI, VIII, 7 (327 av. J.-C.).

[104] Antiquités Judaïques, XII, I, 1.

[105] Antiquités Judaïques, XII, II, 1. Les Juifs avaient donc à cette époque une écriture et un langage à eux. Leur écriture ressemblait à tell- des Syriens ; représentait les même sons, mais n’en avait pas moins une nature particulière. — Ce renseignement est fort intéressant.

[106] Antiquités Judaïques, XII, II, 1. C’était alors Éléazar, frère d’Onias Ier, et successeur de Siméon Ier.

[107] Antiquités Judaïques, XII, II, 12 (284 ans av. J.-C.).

[108] Antiquités Judaïques, XII, II, 2 (284 ans av. J.-C.).

[109] Antiquités Judaïques, XII, II, 3.

[110] Antiquités Judaïques, XII, II, 4.

[111] Antiquités Judaïques, XII, II, 4.

[112] Antiquités Judaïques, XII, II, 5.

[113] Antiquités Judaïques, XII, II, 7 et 8.

[114] Antiquités Judaïques, XII, II, 10.

[115] Antiquités Judaïques, XII, II, 11 et 12 (277 ans av. J.-C.).

[116] Antiquités Judaïques, X, II, 11, 13.

[117] Antiquités Judaïques, XII, II, 14.

[118] Antiquités Judaïques, XII, III, 1.

[119] Antiquités Judaïques, XII, III, 3.

[120] Il va sans dire que le Ptolémée dont il s’agit, ne saurait être confondu avec le roi d’Égypte.

[121] Antiquités Judaïques, XII, III, 3. (194 av. J.-C.).

[122] Antiquités Judaïques, XII, III, 4.

[123] Antiquités Judaïques, XIII, IV, 1. C’est grâce à l’étude approfondie des livres d’Esdras et de Néhémie, comparés aux écrits de Josèphe, que nous avons pu remettre dans leur ordre naturel les faits relatés dans ce paragraphe.

[124] Nous trouvons dans la Guerre Judaïque (I, I, 1) un passage fort curieux concernant ces personnages et l’état de la nation juive à cette époque ; le voici : Une lutte s’étant engagée entre les grands, à l’époque où Antiochus Épiphane disputait la Syrie entière à Ptolémée VI, (chez les Juifs, en effet, on se disputait avec acharnement la suprématie, chacun des grands personnages se refusant de céder le pas à un de ses égaux), il arriva que l’un des prêtres, nommé Onias, parvint à dominer tous les autres, et il chassa alors les enfants de Tobie de Jérusalem. Ceux-ci se réfugièrent auprès d’Antiochus et poussèrent ce prince à leur confier une armée pour envahir la Syrie. — Après avoir résumé brièvement les récits de la victoire d’Antiochus, Josèphe ajoute, en nommant le père au lieu du fils, que le Pontife Onias se réfugia en Égypte auprès du roi Ptolémée, et reçut de ce monarque l’autorisation de construire, dans le nome Héliopolitain, une petite ville et un temple analogue à celui de Jérusalem. Je le répète, il y a ici confusion de personnages.

[125] Antiquités Judaïques, XII, IV, 2.

[126] Antiquités Judaïques, XII, IV, 3.

[127] Antiquités Judaïques, XII, IV, 4 (193 av. J.-C.).

[128] Scythopolis, c’est la Bethsan de l’écriture sainte, la Beysan de nos jours.

[129] Antiquités Judaïques, XII, IV, 5.

[130] Le chiffre de 22 ans est ici allégué par l’historien des Juifs ; est-il exact ? cela est plus que douteux : c’est en 193, que Joseph fut nommé percepteur du tribut ; c’est en 176 très vraisemblablement que ce personnage est mort. De 193 à 176 il ne est écoulé que dix sept ans. Il y a donc impossibilité à ce que pendant 22 ans, Joseph ait exercé les devoirs de sa charge. Il y a mieux encore ; puisque ce n’est qu’à partir de l’année 193 que le roi d’Égypte Ptolémée Épiphane, a pu avoir des droits sur un tribut payé par la Syrie et la Judée, le percepteur de ce tribut, mort en 176, n’a pu le percevoir pendant 22 ans.

[131] Antiquités Judaïques, XII, IV, 6.

[132] Antiquités Judaïques, XII, IV, 7 (183 av. J.-C.).

[133] Antiquités Judaïques, XII, IV, 8.

[134] Antiquités Judaïques, XII, IV, 9 (vers 183 av. J.-C.).

[135] Antiquités Judaïques, XII, IV, 10.

[136] Josèphe cite ici le grand prêtre Siméon comme parent des fils aînés de Joseph le percepteur du tribut ; c’est très certainement par erreur (Voir notre étude chronologique des livres d’Esdras et de Néhémie).

[137] Antiquités Judaïques, XII, V, 1. — Cf. Guerre, I, I, 1.

[138] Nous lisons dans Josèphe (contre Apion, livre 2) que Ptolémée Philométor avait une telle confiance dans les Juifs, qu’il en mit deux à la tète de ses armées, Dosithée qui était d’origine lévitique, et Onias fils du grand prêtre Onias III.

[139] Antiquités Judaïques, XII, V, 2 (168 av. J.-C.).

[140] Antiquités Judaïques, XII, V, 3 (163 av. J.-C.).

[141] Antiquités Judaïques, XII, V, 4.

[142] Lib. II Macchabées, ch. 3. Voici le texte : 1. Igitur cum sancta civitas habitaretur in omni pace, leges adhuc optime custodirentur, propter Oniæ pontifacis pietatem, et animos odio habentes mala, 2. Fiebat ut et ipsi reges et principes locum summo honore dignum ducerent et templum maximis muneribus illustrarent. 3. Ita ut Seleucus Asiæ rex, de reditibus suis præstaret omnes sumtus ad ministerium sacrificiorum pertinentes (186 av. J.-C.).

[143] Josèphe, Lib. 2 Contra Apionem.

[144] I Macchabées, I, v. 11.

[145] II Macchabées, IV, v. 1 à 6.

[146] I Macchabées, I, v. 12 à 16. II Macchabées, IV, v. 7 à 17.

[147] II. Macchabées, IV, v. 18 à 20.

[148] II Macchabées, IV, v. 21 et 22.

[149] Macchabées, IV, v. 23. (172 av. J.-C.).

[150] II Macchabées, IV, v.24 à 26. — Antiquités Judaïques, XII. 5. J’ai analysé plus haut ce passage de Josèphe, et je me contenterai de dire ici qu’au livre XV, II, 1, Josèphe rappelle la destitution inique d’Onias III.

[151] II Macchabées, IV, v. 27 à 29 (171 av. J.-C.).

[152] II Macchabées, IV, v. 30 et 31.

[153] II Macchabées, IV, v. 34.

[154] II Macchabées, IV, v.35. à 38.

[155] II Macchabées, IV, v. 39 à 42 (170 av. J.-C.).

[156] II Macchabées, IV, v. 43 à 50 (170 av. J.-C.).

[157] I Macchabées, I, v. 17 à 20.

[158] II Macchabées, V, v. 1 à 4.

[159] II Macchabées, V, v. 5 à 7 (170 av. J.-C.).

[160] II Macchabées, V, v. 8 à 10.

[161] II Macchabées, V, v. 11 à 14.

[162] I Macchabées, I, v. 23 à 29. — II Macchabées, V, v. 15 à 21.

[163] Antiquités Judaïques, XII, v. 3.

[164] Il faut évidemment mettre au rang des fables les plus ridicules le récit que nous trouvons dans Photius (Bibliot. cod. 244) au sujet de la profanation du sanctuaire de Jérusalem par Antiochus Épiphane. Il s’agit d’un fragment de Diodore de Sicile, qui affirmerait que le roi de Syrie en franchissant le seuil de ce sanctuaire, si pur de toute souillure, se serait trouvé en face de la statue d’un homme à l’apparence barbare, monté sur un âne, et tenant un livre à la main. De pareilles platitudes n’ont pas besoin de réfutation.

[165] II Macchabées, V, v. 24 à 26.

[166] I Macchabées, v.1-30 ; Antiquités Judaïques, XII, V, 4. Dans ce passage Josèphe nous donne la date de cet affreux événement. C’est le 25 du mois de Khaslew (apellæus des Grecs) de l’an 145 de l’ère des Séleucides, (coïncidant avec l’an 168 av. J.-C.), dans la 153e olympiade. C’est ù ce moment seulement que Josèphe rapporte le pillage du temple, lequel avait eu réellement lieu deux années auparavant ; du reste nous avons reproduit plus haut le récit de cet événement, emprunté à l’historien des Juifs.

[167] Antiquités Judaïques, XII, V, 5 Dans le texte de Josèphe le chiffre cent de la date a été omise ; mais rien n’est plus évident que la nécessité de rétablir ce chiffre. La ruine du culte judaïque a donc en réalité précédé de quelques mois la supplique des Samaritains.

[168] I Macchabées, I, v. 43 à 67.

[169] II Macchabées, VI, v. 1 à 11.

[170] II Macchabées, VI, v. 18 à 31.