Le duc de Clèves. — Il demande la main de Jeanne d'Albret. — Suite des négociations du roi de Navarre avec Charles-Quint. — Contrat de mariage du duc de Clèves et de Jeanne d'Albret. — Diète de Ratisbonne. — Le roi de Navarre demande l'ajournement du mariage de sa fille. — Le duc de Clèves arrive en France. — François Ier visite Jeanne d'Albret à Plessis-Lès-Tours. — Marguerite d'Angoulême oblige sa fille à épouser le duc de Clèves. — Fêtes du mariage célébré à Châtellerault le 14 juin 1541. — Retour du duc de Clèves à Dusseldorf.Parmi les alliés que François Ier s'était donnés en Allemagne, le plus fidèle était Charles d'Egmont, duc de Gueldre. Toujours armé contre Charles-Quint, qui ne lui reconnaissait pas la possession de son duché, en vertu des constitutions de l'empire germanique[1], le duc de Gueldre ne cessait d'inquiéter les électeurs voisins, attachés à la cause impériale. Le 13 octobre 1534, il signa avec le roi de France un traité d'alliance offensive et défensive, par lequel il s'engageait à entretenir sur pied une compagnie de cent, lances, à raison de 22 livres 10 sols tournois par homme d'armes et par mois et 11 livres 5 sols par archer. N'ayant pas d'enfants, il faisait donation au roi de France de ses états après sa mort. En retour, le roi lui promettait une pension annuelle de 30.000 livres, plus un don de 20.000 livres. Le traité devait être ratifié dans le délai d'un à trois ans par les villes de Ruremonde, Nimègue, Arnheim, Zutphen et Groningue[2]. Cette clause fit échouer la convention. Les États refusèrent de faire du duché de Gueldre une province française. Obligé d'abdiquer à la suite de cet échec, Charles d'Egmont fit passer ses états à son neveu Guillaume de la Mark, moyennant une rente annuelle de 37.000 livres d'or de Brabant et un don de 60.000 livres. Cet accord fut ratifié par les États le 27 janvier 1539[3]. Charles d'Egmont mourut peu de temps après. Le nouveau duc, né le 28 juillet 1516, était fils de Jean II, duc de Clèves, et de Maria, duchesse de Juliers. Il avait été élevé par le savant Conrad de Héresbach[4], l'un des docteurs les plus célèbres de l'Allemagne. Bien que par son origine le duc Guillaume appartint à une famille dévouée à la France et que sa mère fût l'ennemie héréditaire de la maison d'Autriche, il ne se montra pas d'abord hostile à la suprématie de Charles-Quint ; il demanda la main d'une de ses nièces, Christine de Danemark, veuve de François-Marie-Sforce, duc de Milan[5]. C'était un essai de réconciliation. En attendant le résultat de ses démarches, en prévision de l'avenir, il s'efforçait de s'établir fortement à l'intérieur de son duché : Et va ledict jeusne duc de Clèves, dit Marie de Hongrie, d'une ville à l'autre, audict pays de Gueldres, s'asseurant et fortifiant son cas le plus qu'il peult et praticquant lighes avec les princes ses voisins[6]. A l'extérieur il cherchait des alliés ; Henri VIII allait épouser sa sœur, Anne de Clèves ; il obtint sa médiation[7]. En même temps il entretenait les relations traditionnelles de sa famille avec la cour de France. Au mois de janvier 1540, tremblant du sort que lui réservait l'empereur, en marche vers les Pays-Bas, il envoya au connétable de Montmorency un messager de confiance, Herman Cruser, docteur en droit[8]. L'ambassade arrivait à propos. Une extrême froideur, causée par les tergiversations de Charles-Quint à l'occasion du Milanais, avait remplacé l'intime amitié des deux rois. Le dépit du jeune duc promettait à la France un allié aussi fidèle que l'avait été son oncle ; le roi apprécia le secours que pouvait apporter à sa politique l'appui de la maison de Clèves, l'une des plus puissantes du nord de l'Allemagne. Il répondit avec empressement à ces avances. Une correspondance active s'engagea d'abord secrètement entre la cour de France et celle de Dusseldorf[9] ; le duc autorisa même le comte d'Oldenbourg à faire une levée d'hommes dans ses états au nom du roi[10]. Mais l'alliance restait précaire tant qu'elle n'était pas cimentée par des actes. L'amitié que l'intérêt du jour avait nouée pouvait être rompue par l'intérêt du lendemain. La situation personnelle du duc permettait de songer à d'autres liens ; il avait vingt-quatre ans, il n'était pas marié et rien ne s'opposait à ce qu'il choisit une femme parmi les princesses de la maison de Valois. Il demanda Jeanne d'Albret, alors âgée de douze ans. Sa prétention n'avait rien d'extraordinaire. Vingt ans auparavant, une sœur du roi de Navarre, Catherine d'Albret, avait failli épouser le duc de Brunswick, prince allemand d'un rang inférieur à celui du duc de Clèves[11]. En 1533 une autre sœur du même prince, Isabeau, avait été proposée à Frédéric de Bavière[12]. Herman Cruser présenta les propositions de son maitre et les pourparlers se poursuivirent mystérieusement[13]. Cependant le voyage de l'empereur à Gand, les difficultés dont on le supposait accablé, l'appui que les princes allemands et la diète marchandaient à sa cause, ouvraient d'autres espérances au duc de Clèves. Le duc de Brunswick, un des princes allemands les plus actifs du parti impérial, cherchait à le retenir du côté de Charles-Quint ; il fut son médiateur auprès du roi Ferdinand, frère de l'empereur, et le roi Ferdinand son médiateur auprès de Charles-Quint[14]. Le duc de Clèves vint lui-même à Gand, au mois d'avril, plaider son procès ; il s'humilia devant son implacable suzerain, et, feignant de reconnaître ses droits, il promit d'abandonner la Gueldre et le comté de Zutphen[15]. Son voyage fit croire à tous les ambassadeurs qu'il obtiendrait, avec la main de la princesse Christine, la reconnaissance de son duché[16]. Charles-Quint fut inflexible. Outre ses premiers griefs contre la maison de Clèves, il reprochait au nouveau duc de s'être mis en possession des états sans attendre l'investiture impériale. Tel était le prétexte ; la vraie raison était l'ancienne union des princes de Gueldre et de la maison de France. Repoussé dans toutes ses tentatives, Guillaume de La Marck revint aux traditions de ses prédécesseurs, c'est-à-dire à l'alliance du roi de France. Les négociations marchèrent rapidement. Au mois d'avril le duc est encore à Bruxelles en solliciteur auprès de la chancellerie impériale. Au mois de mai il a changé d'attitude ; il favorise le double voyage des ambassadeurs de Suède en France, et des ambassadeurs français en Danemark ; il attend l'arrivée de Le Bossut de Longueval, agent secret de François Ier et de la dame d'Étampes, en exprimant le désir de se laisser conduire par ses conseils[17]. Au mois de juin sa détermination était prise. Le 19, il tint un conseil composé de Jean Ghogreff, chancelier de Gueldre, des maréchaux Herman de Wachtendouck et Plattenburg, du docteur Olisleger[18] et des seigneurs de Loe et Hosteden. Le duc voulait éviter avant tout de s'engager à porter les armes contre l'empereur, engagement qui aurait paru un acte de trahison à la diète ; au moins désirait-il réserver les droits particuliers du duché de Gueldre ; mais il autorisait les levées faites dans ses états pour le compte du roi[19]. Deux instructions furent rédigées dans ce sens ; la première, en français, contient, outre la clause ci-dessus, la demande de stipulations particulières qui assurent à la princesse l'héritage de la Navarre ; la seconde, en allemand, destinée sans doute à rester secrète, énumère les points à débattre avec les conseillers du roi[20]. Le 24 juin, le duc envoie ses plénipotentiaires, le chancelier Jean Ghogreff et le maréchal de Wachtendouck, rejoindre à Blois Herman Cruser, avec des lettres de créance adressées au roi et à la reine de Navarre, aux cardinaux du Bellay et de Lorraine, au connétable de Montmorency, au maréchal Annebaut[21], à Longueval et à la dame d'Estampes, à qui le duc fait expressément honneur du succès de ses affaires[22]. Pour obtenir l'assentiment de Henri d'Albret à ce mariage, le roi jura qu'il lui rendrait la Navarre ; il offrit de lever une armée expéditionnaire de 22.000 hommes en Allemagne et une réserve de 7.000 Italiens ou Français. L'empereur devait être attaqué à la fois en Biscaye, en Roussillon et en Italie. Le prince béarnais se laissa prendre à ces promesses. Il s'engagea à payer une partie des troupes du roi en vendant pour 10.000 ou 15.000 écus de ses biens[23]. De concert avec Charles de Coucy, seigneur de Burie, lieutenant en Guyenne, il dressa un état de l'appareil de guerre nécessaire à un corps de 15.000 hommes. Capitaines, soldats, chevaux, armes, vivres, rien ne manque à ce plan de campagne. François e devait fournir 4.000 hommes, ses alliés d'Allemagne 8.000, Henri d'Albret 6.000 hommes de pied, dont 2.000 Italiens et 4.000 Béarnais commandés, les premiers par Tristan de Moneins, les autres par Antoine de Gramont, Montblanc, Thomas, Blaise de Monluc, Monmas, de Luxe, de Domesain, de Vivès, de Poudens, Samsons, Magrint le Basque, Gentil, la Mothe d'Antin[24]. Les plénipotentiaires du duc de Clèves reçurent, pendant leur voyage, avant leur arrivée à Paris, une lettre d'Herman Cruser qui attestait les bonnes dispositions du roi de France. Restait la reine Marguerite, alors absente de la cour, dont l'affection maternelle était plus difficile à soumettre à de simples considérations politiques. Cruser se rendit près d'elle au commencement de juillet pour essayer de la résoudre au sacrifice de sa fille[25]. Les envoyés clévois arrivèrent à Paris le 3 juillet, et le 5 ils eurent une audience du roi. Le lendemain ils entrèrent en conférence avec le chancelier Poyet et le cardinal de Tournon. François Ier promettait à sa nièce une dot de 100.000 couronnes, mais à la condition que les futurs époux renonceraient à l'héritage de Navarre ; cette étrange stipulation ne fut pas acceptée. Quant aux autres clauses matrimoniales, elles furent réservées au roi et à la reine de Navarre. La négociation était énergiquement traversée par le roi d'Angleterre, Henri VIII, qui avait épousé, le 6 janvier 1540, Anne de Clèves, sœur du duc Guillaume, et qui se disposait déjà à la répudier. La crainte que cette infortunée princesse trouvât un appui à la cour de France par le mariage de son frère, le poussa à prendre de singulières précautions ; il écrivit à François Ier, sans y être sollicité par aucune menace d'intervention, qu'il repoussait la sœur du duc de Clèves parce qu'il ne pouvait pas avoir deux femmes à la fois, et qu'auparavant il avait promis fidélité à une dame anglaise, avec laquelle il avait dormi. A cause de cela il n'avait encore eu aucun rapport avec la sœur du duc[26]. Les représentants du roi de France. et du duc de Clèves se mirent promptement d'accord. Le 17, ils signèrent à Anet un traité d'alliance défensive, par lequel les deux princes s'engageaient à se porter mutuellement secours salvo semper jure sacri imperii[27]. Le même jour Jacques de Foix, évêque de Lescar, chancelier de Foix et de Béarn, François Olivier, conseiller du roi et chancelier d'Alençon[28], Jehan Jacques de Mesmes, conseiller du roi et lieutenant civil de la prévôté de Paris, signèrent au nom du roi de Navarre le contrat de mariage de la princesse Jeanne. Les stipulations de cet acte, encore inédit[29], sont assez curieuses pour nous arrêter un moment. Les deux époux promettent de célébrer leur union aussitôt que la princesse sera en âge convenable à poyne de cinquante mil livres tournois payables par celui qui contreviendra à ce présent traicté de mariage. Le prince constitue à sa fille une dot de 100.000 écus d'or, soit 225.000 livres tournois, payables par fraction, mais la plus grosse partie de cette somme ne sera pas due si la princesse hérite du royaume de Navarre. Ici se placent plusieurs causes suspensives qui prouvent que Henri d'Albret n'avait point renoncé à l'espoir d'avoir des héritiers mâles. Le duc de Clèves promet à sa veuve, s'il y a lieu, un douaire de 10.000 écus d'or de rente. Par une stipulation particulière due à l'expresse volonté du roi de France, le duc et la future duchesse de Clèves s'engagent à ne traicter de la querelle du royaume de Navarre sans l'exprès vouloir et consentement du roy très chrestien et de ses successeurs. Cette clause prudente mettait le roi de France à l'abri des dangers de la réconciliation toujours possible du duc de Clèves et de l'empereur. Le contrat de mariage et le traité de paix furent ratifiés par le duc de Clèves le 7 et le 8 août suivant[30]. Restait la principale intéressée, Jeanne d'Albret, qu'on n'avait pas encore consultée. Quelque temps après la signature du contrat, le roi la fit venir à Fontainebleau, et, en présence de la reine Marguerite, il lui proposa de devenir duchesse de Clèves. Jeanne, probablement ignorante des intrigues qui s'agitaient autour d'elle, répondit simplement qu'elle était contente d'épouser le duc[31]. Sur cette déclaration François les se crut le maitre de la situation. La nouvelle du mariage du duc de Clèves arriva à l'empereur au moment où les difficultés se multipliaient autour de lui. Les Pays-Bas s'agitaient sourdement, les princes luthériens menaçaient l'unité de l'empire, Soliman était à la veille d'envahir la Hongrie, le pape et les Vénitiens s'éloignaient chaque jour de l'alliance espagnole, le pape pour se rapprocher de la France, et les Vénitiens du Grand-Turc. Charles-Quint montra une vive irritation de ce qu'il appelait la défection du duc. Un jour, au commencement d'août, oubliant sa réserve habituelle, il interpella publiquement l'ambassadeur de France sur la politique de son maitre. L'ambassadeur, Georges de Selve, évêque de Lavaur, prétendit ne rien savoir, mais il informa le connétable de cette explosion de colère[32]. On ignorait encore l'étendue des engagements signés entre les rois de France, de Navarre et le prince allemand Don Juan Martinez Descurra révélait tous les actes du roi dont il pouvait surprendre le secret au quartier de Henri d'Albret[33], mais ses rapports ne contenaient que des récits d'antichambre. L'empereur demandait des informations authentiques. Les ambassadeurs de Clèves allaient retourner à Dusseldorf ; ils portaient une expédition du traité et des négociations du roi de France avec l'électeur de Saxe. Bonvalot conçut l'idée coupable de les arrêter au passage, malgré le droit des gens. Il informa Granvelle de leur itinéraire ; il conseillait de les saisir à Liège et donnait des indications précises sur leur signalement, leurs serviteurs et leurs équipages[34]. Tout à coup le bruit se répandit que le duc lui-même allait arriver en France. Tel était l'engouement du roi pour son futur neveu, que celui-ci s'était résolu à procéder immédiatement à la cérémonie du mariage. Le trésorier du duché de Clèves avait envoyé des sommes importantes à Anvers et fait acheter plusieurs objets précieux, destinés à être offerts en présent à certains personnages de la cour. La duchesse d'Estampes figure en tête de la liste pour un présent de 5.000 couronnes d'or. Cruser consulta la reine de Navarre sur l'opportunité du voyage de son maitre, sur l'attitude qu'il devait prendre à la cour, et jusque sur les vêtements qu'il devait porter. Marguerite traitait déjà le duc comme son fils et lui en donnait le titre dans ses lettres. Le duc écrivit au roi, à la reine de Navarre et à la dame d'Estampes ; ses lettres font allusion à certaines réserves auxquelles il se soumet d'avance, probablement sur les suites du mariage, que le jeune âge de la princesse d'Albret ne permettait pas de pousser jusqu'au bout[35]. La dignité de la future duchesse de Clèves exigeait que, depuis le jour de son mariage, elle fût servie par des demoiselles d'honneur allemandes. Le duc choisit deux jeunes filles dans sa noblesse rhénane ; mais le chancelier Ghogreff retarda leur départ afin de laisser encore les agents impériaux dans l'incertitude de ce qui avait été résolu à Anet[36]. A la nouvelle du voyage du duc Guillaume, les impériaux formèrent le projet de l'arrêter au passage. Le 19 août, le roi Ferdinand écrit de Vienne à la gouvernante des Pays-Bas, Marie de Hongrie : Me semble que l'on devrait avoir regart à se ruer sus, à son allée ou retour, au duc de Cleves, car il me semble que la bien merité vers Sa Magesté, et que on ne luy pourroit inculper en façon quelconque, et que me semble que, si on fist bonne diligence, seroit bien faisable et pourroit à grand poine eschapper[37]. L'attitude menaçante de l'empereur ou les conseils de la reine de Navarre firent peut-être hésiter le duc de Clèves ; son voyage fut ajourné. Quant aux ambassadeurs, ils ne se laissèrent pas prendre au dépourvu. Le duc, bien averti, avait chargé le maréchal de Plattenburg d'assurer par tous les moyens le retour de ses agents[38] ; et lorsque Ghogreff et Wachtendouck quittèrent la cour, le 5 septembre, ils purent achever leur route sans être surpris[39]. Ce mariage se révélait aux agents impériaux comme le lien d'une alliance politique, et cette alliance comme le prélude de la rupture de la trêve de Nice. Bientôt l'ambassadeur Bonvalot apprit qu'une ligue offensive s'établissait sous le patronage du roi de France entre le roi de Navarre, le duc de Clèves, l'électeur de Saxe, le landgrave de liesse et le roi de Danemark, tous ennemis de son maitre, unis par différents griefs contre lui[40]. L'électeur de Saxe, Jean Frédéric Ier était, après le roi de France, l'âme de l'entreprise. Ses liens de parenté avec le duc de Clèves, l'appui de l'ancienne confédération de Smalkade et ses récentes victoires sur le prince de Brunswick lui donnaient un grand crédit en Allemagne. Guillaume se laissait conduire par ses conseils. Les instructions des ambassadeurs clévois avaient même été revues et retouchées par lui[41]. Le mécontentement du roi au sujet du Milanais s'accentuait tous les jours davantage. A Anet, pendant les négociations du contrat, il leva le masque et dit en public que l'empereur manquait à toutes ses promesses. Bonvalot demanda des explications sur ces paroles ; le cardinal de Tournon les défendit avec énergie, mais le connétable fut moins ferme. Peu de jours après, Bonvalot, entrant à l'improviste dans la chambre du connétable, le trouva en conférence secrète avec le duc de Wurtemberg, autre ennemi de Charles-Quint. A la vue de l'ambassadeur, les deux interlocuteurs se turent, mais leur attitude embarrassée trahit le secret de leurs délibérations. Montmorency avoua qu'il était affligé de la politique qui- semblait prédominer dans les conseils du roi, mais qu'il n'avait plus le pouvoir de la diriger. Son crédit baissait et son découragement perçait malgré lui. Les favoris, attentifs aux paroles du maitre, le chancelier, le cardinal de Tournon, la. duchesse d'Estampes, les trois grandes influences, anathématisaient chaque jour, au conseil, le refus de livrer le Milanais, la dame d'Estampes surtout, qui avait été blessée de l'attitude de l'empereur vis-à-vis d'elle et qui en avait gardé une rancune invincible[42]. Devant les représentants de Charles-Quint le roi dissimulait ; il assura à Granvelle que telles étaient ses dispositions pacifiques qu'il recevrait plus volontiers un coup de bâton de l'empereur que de recommencer la querelle[43]. Il n'était pas encore prêt à déclarer la guerre, mais il armait de toutes ses forces ; il levait des troupes, donnait des gratifications à ses meilleurs capitaines, fortifiait et approvisionnait les villes de Picardie ; il faisait fondre de nouveaux canons en fer et en laiton, pièces d'invention nouvelle, dont on espérait de grands services. Ses finances étaient prospères ; il était près de réunir une somme de 5.000.000 de francs[44]. En attendant la fin de ses préparatifs, il suscitait des difficultés à l'empereur ; il avait attiré à la cour le comte palatin, bien qu'ennemi du duc de Clèves, et avait obtenu, en cas de guerre, la promesse d'un secours de vingt compagnies de lansquenets ; il avait signé un traité particulier avec l'électeur de Saxe et envoyé un agent à la diète d'Haguenau, tenue par les princes protestants d'Allemagne. En Italie il avait gagné le comte de la Mirandole et négociait un mariage entre François d'Aumale, plus tard duc de Guise, et une princesse de la maison de Médicis, nièce du pape[45]. Henri VIII, en répudiant Anne de Clèves, avait rompu avec le duc, frère de l'infortunée princesse ; le roi n'épargnait rien pour les réconcilier[46]. Le roi de Navarre n'avait pas renoncé au mariage de sa fille avec le prince d'Espagne. Trop faible pour s'éloigner ouvertement de François Ier, trop avisé pour abandonner l'alliance française avant de connaître les conditions de Charles-Quint, il bornait sa politique à gagner du temps. Le contrat de sa fille était signé, mais le mariage pouvait se retarder. A la fin de juillet 1540, Henri d'Albret suivit le roi en Normandie par une chaleur étouffante et une sécheresse qui amenèrent une épidémie à la cour. Il tomba malade, et resta à Caudebec avec le duc d'Orléans, malade comme lui[47]. A peine rétabli, il reprit les négociations interrompues depuis le passage de l'empereur. Don Juan Martinez Descurra servit encore une fois d'intermédiaire. Sa qualité de Navarrais lui permettait de passer sans exciter de soupçons de là maison d'Albret à celle de Bonvalot. Au commencement d'août, à Caudebec, ils eurent ensemble un premier entretien. Le Béarnais offrait sa fille à l'infant d'Espagne et proposait de la faire enlever aussitôt que les stipulations matrimoniales seraient arrêtées. Descurra développa avec chaleur les avantages de cette union qui devait satisfaire les deux parties contractantes, d'une part en mettant fin à l'usurpation coupable de Ferdinand le Catholique, de l'autre en ménageant à l'héritière de la Navarre un brillant avenir. Mais l'ambassadeur répondit que son maitre ne voulait point mécontenter le roi de France. En vain Descurra lui rappela et les tendances belliqueuses du roi et les accords négociés en Allemagne ; Bonvalot ne sortit pas de sa réserve. L'agent lui proposa alors une entrevue avec le roi de Navarre. Il fut convenu que la rencontre aurait lieu dans la campagne, près de Watteville, le 9 août, à L heures du soir. Au jour dit, le prince et l'ambassadeur, presque seuls, s'y trouvèrent comme par hasard. Le prince s'épancha d'abord en plaintes contre le roi qui songeait à le dépouiller du Béarn ; il parla des avantages que l'empereur et lui trouvaient dans une alliance commune, de la possibilité de faire sortir sa fille de France, des accords avec le duc de Clèves qu'il n'avait signés que contre son gré ; faute de s'unir, l'empereur et le roi de Navarre pouvaient devenir victimes d'un prince entreprenant, fécond en ressources, qui préparait sourdement la ruine de Charles-Quint en Italie et la dislocation de l'empire par ses menées en Allemagne. L'ambassadeur écouta froidement ses confidences ; il protesta des intentions pacifiques de son maitre et demanda la preuve des ligues fomentées au sein de l'empire. Henri d'Albret lui recommanda le secret le plus absolu, même vis-à-vis de la reine de Navarre, sa femme, qu'il voulait tenir en dehors des négociations. Deux jours après, Descurra revint auprès de Bonvalot. Il apportait des renseignements nouveaux. Le mi avait promis au duc de Clèves un secours de 100.000 ducats d'or et cent hommes d'armes pour soutenir la guerre contre l'empereur. Il pressa vivement l'ambassadeur. Suivant lui la princesse de Navarre était aussi facile à enlever que le traité à conclure. Elle suivait la cour. Le prince pouvait la laisser aux environs de Rouen ou sur les bords de la Seine, par exemple au château de Pont-de-l'Arche ; il la séparerait ainsi de sa mère, obligée de suivre le roi. Il quitterait alors la cour sous prétexte de faire une levée d'hommes et d'argent pour le duc de Clèves, passerait en Normandie, enlèverait la princesse et se transporterait rapidement par mer en lieu sûr, soit hors de France, soit à bord de la flotte impériale. Henri devait retourner à Pau en automne et désirait s'aboucher avec l'empereur lui-même en Espagne, en tout cas il sollicitait une réponse avant son départ, au moins sur le point principal de la négociation, le mariage de l'infant Philippe[48]. Les avantages qu'il offrait à l'empereur étaient si séduisants qu'il se croyait en droit de demander une. large compensation. Il envoya à l'ambassadeur un projet de traité en seize articles contenant l'énoncé de ses exigences. Cette importante pièce est perdue, mais elle est analysée avec assez de détails dans une dépêche postérieure de Bonvalot. Les articles 1 et 2 sont relatifs au mariage de la princesse. Les articles 3 et 4 stipulent pour le prince une pension de 30.000 écus et pour sa fille la jouissance du royaume de Navarre, si elle lui survit. Les articles 5, 6, 7 et 8 lui restituent la Navarre espagnole ; il sera indemnisé par une rente de la dépossession depuis 1512. Les articles 9, 10, 11, 12, 13 et 14 obligent l'empereur à des garanties vis-à-vis de son nouvel allié, et à des concessions de biens en Espagne en retour de ceux dont la maison d'Albret peut être privée en France. L'article 15 traite du passage de Jeanne en Espagne après son évasion. L'article 16 établit l'urgence d'une réponse de l'empereur[49]. Sept jours après sa première lettre, inquiet de n'avoir reçu aucune réponse, Bonvalot écrit de nouveau : Descurra, dit-il, insiste sur l'importance des accords passés avec les dissidents allemands ; quant à l'enlèvement de la princesse, la réflexion lui a montré les chances hasardeuses d'un voyage par eau ; la distance de Pont-de-l'Arche à la pleine mer exige trois jours entiers de navigation ; il donne la préférence à la voie de terre. Jeanne se trouvait en ce moment avec sa mère dans un château près d'Abbeville. Quelques hommes résolus, montés sur de bons chevaux et guidés par les gens du roi de Navarre, pourraient la faire passer. en Flandre. Quinze jours après, Bonvalot écrit à l'empereur qu'il est urgent de prendre une décision, et que l'enlèvement deviendra chaque jour plus difficile à mesure que la cour de France s'éloignera des frontières du Nord[50]. Le génie de Charles-Quint se mouvait mal à l'aise au milieu des affaires qui exigeaient une prompte solution. Ce grand homme, opiniâtre dans ses desseins, doué d'une fermeté qui lassait ses ennemis, poussait jusqu'au défaut la lenteur et la circonspection naturelles à la race flamande. A la guerre, en Italie et en Allemagne, et deux fois en Provence, il avait échoué par une prudence exagérée. Toujours tiraillé entre sa pénétration et ses larges vues, il était si frappé des arguments pour et contre qu'il ne pouvait se résoudre ; il se créait des fantômes et cherchait à les combattre ; il perdait le temps à discuter avec lui-même. Aussi quand il avait tout prévu, tout combiné, quand il s'était tout dit, l'heure d'agir était souvent passée. Dans ses relations avec la maison d'Albret, il voyait clairement les avantages que son héritier pouvait tirer de la bonne volonté du roi de Navarre, et il ne se hâtait pas d'accepter le mariage proposé. Pendant l'automne de cette même année 1540, il recommande sans hésitation à son fils, dans un codicille daté du 28 octobre, la princesse d'Albret comme digne de monter sur le trône d'Espagne[51], et son ambassadeur le presse en vain de se décider à ce mariage. Au lieu de prendre une résolution et de l'exécuter avec la promptitude qu'exige toute conspiration, il envoya le projet de traité de Descurra au conseil d'État d'Espagne, assemblée consultative, composée de vieux courtisans dont on ne pouvait attendre aucune hardiesse. Le Conseil s'exagéra à distance les difficultés de l'évasion de la princesse et trouva exorbitante la restitution de la Navarre. Il ne croyait pas à la discrétion du prince d'Albret vis-à-vis de Marguerite, et à celle de Marguerite vis-à-vis du roi ; il voyait donc des embûches dans toutes les propositions. Bonvalot montrait plus d'intelligence des intérêts de l'Espagne en insistant sur la bonne foi du Béarnais[52]. Avant tout désireux de ne pas se compromettre, le Conseil opina pour qu'aucune résolution ne fût prise avant le retour de Charles-Quint à Madrid. En attendant, l'ambassadeur devait répondre que l'empereur ne voilait pas porter atteinte à l'alliance française, et autres défaites dont le roi de Navarre connaissait la valeur[53]. La négociation freina pendant quelques mois. Les lettres se succédaient en vain. L'empereur acceptait en principe le mariage de Jeanne avec son fils, mais il n'avait pas même envoyé à son représentant en France d'instruction pour discuter les conditions proposées par Descurra. Dans un second projet de traité remis à Bonvalot le 27 décembre 1540, le prince renouvela ses demandes ; la plus importante, celle sur laquelle il n'admettait aucun accommodement, était la restitution de la Navarre en entier, avec toutes ses places fortes, et l'indemnité pour la dépossession qu'il subissait depuis 1512. Cette clause était aussi celle qui déplaisait le plus au petit-fils de Ferdinand le Catholique. Rendre la Navarre, c'était avouer qu'on avait eu tort de la prendre, et, si le prince d'Albret s'entendait avec le roi de France, c'était introduire l'ennemi au cœur de l'Espagne. Il y avait un point accessoire que Descurra débattait avec un zèle ardent, la rétrocession de l'évêché de Pampelune et de l'abbaye d'Irach ; à son ardeur l'ambassadeur croyait reconnaître que l'espion s'attribuait ces bénéfices à lui-même[54]. Au mois de février l'empereur imagina de nouveaux subterfuges pour excuser sa lenteur. Descurra était à Fontainebleau. Bonvalot le fit venir à Melun et lui confia que l'empereur s'était engagé avec le roi à ne traiter du mariage de l'infant qu'après le 21 mai 1541, époque où il devait accomplir sa quatorzième année Descurra prit cette ouverture pour une nouvelle défaite ; Bonvalot écrit qu'il le vit très-fort estonné et changer de visage et qu'il se ressentoit extremement de ceste réponse de dilation, disant que ledict seigneur d'Albret avoit tousjours bien preveu que l'intention de Vostre Magesté estoit de gagner temps et riens conclurre. La cour était à Blois. Descurra partit en toute hâte et revint à Melun le 15 février. Le prince d'Albret consentait à ce dernier ajournement. Il désire singulierement, écrit Bonvalot, l'effect de ce mariage et délibere de mener Madame sa fille jusques à Angolesmes, ne faisant doubte la tirer de ce royaulme quand il sera besoing[55]. Le roi de France, après son voyage en Normandie, était venu passer l'automne à Fontainebleau avec le roi, la reine et la princesse de Navarre. Le 8 septembre, par une déclaration particulière, il concéda aux enfants à venir du duc de Clèves et de Jeanne d'Albret, bien que princes étrangers, le droit de recueillir et de posséder des terres en France. Le 10 il signa le traité d'alliance. Il reçut bientôt de graves nouvelles. Le bruit se répandait en Italie que l'empereur, au lieu de remettre le Milanais au roi de France, en avait disposé par acte en faveur de son fils, comme pour s'interdire à lui-même toute condescendance vis-à-vis des prétentions de son rival. Cette donation était une bravade ou une réponse aux excitations de la politique française en Allemagne ; longtemps la cour refusa d'y croire. Cependant des rapports certains confirmèrent le bruit public ; l'acte de donation lui-même fut signé le 10 octobre[56]. Le roi, prévenu d'avance, l'accueillit sans émotion ; il ne publia ni protestation ni réserve ; mais les actes remplacèrent les paroles. Le comte Christophe d'Oldenbourg reçut des ordres et des sommes d'argent pour étendre ses levées d'hommes dans le duché de Clèves et dans l'Allemagne rhénane ; il s'acquitta si ouvertement de sa mission, il rassembla, il arma tant de troupes que le duc de Clèves, qui voilait attendre au moins jusqu'à la fin de l'hiver pour entrer en campagne, fut obligé de demander au roi de désavouer ce plénipotentiaire trop zélé ; le sire de Serain, ambassadeur de France à Dusseldorf, enrôla au nom du roi le comte de Redburg, capitaine célèbre dans les années du nord ; François Ier ouvrit des négociations avec les rois de Suède, de Danemark, les électeurs de liesse et de Saxe, l'électeur de Cologne, le duc de Wurtemberg, l'évêque de Munster[57], avec tous les princes protestants et même avec le Grand-Turc. Ne luy chaut avec qui il s'allie, écrit le sire de Vaux, représentant, auprès de la cour de France, de la reine de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas[58]. On apprit bientôt à la cour par un secrétaire d'État, nommé Ramon, la nouvelle de la prochaine invasion de la Hongrie par Soliman Le sultan s'avançait avec une armée formidable et menaçait de pousser sa marche jusqu'au cœur de l'Allemagne. Il allait publier un moleste où il déclarait que ce n'était pas la chrétienté qu'il voulait combattre, mais seulement la maison d'Autriche. Il pressait le roi de commencer la guerre et lui offrait 2.000.000 d'or pour entrer en campagne. Instruit de sa préférence pour le duc d'Orléans, son troisième fils, il promettait à ce jeune prince la cou-Pâle de Hongrie, quand elle serait conquise, et s'engageait à obtenir l'assentiment des magnats[59]. Le roi, craignant une attaque des impériaux en Italie, répondit qu'il voulait demeurer fidèle à la Crève de Nice. Ainsi les deux grands rivaux, chacun de leur côté, protestaient de leurs intentions pacifiques. Les événements invitaient François Ier et le duc de Clèves à resserrer leur alliance. Le 16 janvier, le secrétaire Frotté, au nom de la reine Marguerite, invita le duc à venir à Fontainebleau. Le duc n'avait pas espéré recueillir si promptement le fruit de son alliance. Il se hâta d'envoyer deux messagers, Jean Dorinck et Antoine[60], et se disposa à les suivre. Le 18 février, ses conseillers écrivent à l'ambassadeur Cruser que leur maître partira la semaine prochaine, et qu'il apportera les présents promis aux principaux courtisans. Le duc mettait sa confiance en la reine de Navarre et se laissait guider par ses conseils. Il touchait au comble de ses vœux ; tout semblait préparé pour la célébration du mariage. Mais à ce point de la négociation, on voit poindre un peu d'hésitation dans les correspondances ; les agents français font allusion à certaines réserves, sans doute celles. qu'imposait le jeune âge de la princesse ; le duc de son côté se plaint de malentendus. A la fin de février, il reçoit de Cruser une communication embarrassée qui conclut à un ajournement du voyage[61]. En même temps le roi quittait Fontainebleau pour aller à Blois ; Jeanne de Navarre rentrait au château de Plessis-Lès-Tours, et le prince d'Albret, accompagné de Marguerite d'Angoulême, prenait le chemin du Béarn. Ils partirent de Tours le 2 mars. Descurra les accompagna jusqu'à Châtellerault et revint à Amboise auprès de l'ambassadeur d'Espagne[62]. Ces nouvelles arrivées coup sur coup firent craindre au duc un changement dans les dispositions du roi. Son dépit fut très-vif. Il envoya à la cour deux nouveaux messagers, Alexandre de Drimborn et Pierre de Aldenhowe, chargés de transmettre ses plaintes. Mais le mariage n'était qu'ajourné. Jeanne était tombée malade. Dorinck revint à Arnheim et donna au duc Guillaume des explications satisfaisantes. Une lettre des ambassadeurs clévois au maréchal de Wachtendouck et au chancelier Olisleger dissipa les derniers nuages. Le roi, toujours bienveillant pour le duc de Clèves, le convoquait à Amboise pour les fêtes de Pâques ; la présence de la reine de Navarre à la cour, à l'époque de l'arrivée de son gendre, était au moins incertaine, mais son absence ne devait rien modifier aux engagements signés à Anet. Cette réponse fut soumise à l'électeur de Saxe, comme au conseiller naturel du duc de Clèves[63]. La correspondance échangée entre les deux cours pendant le mois de mars fut extrêmement amicale. Un des capitaines allemands engagés par le roi, le comte d'Oldenburg, continuait à enrôler des lansquenets dans le duché de Gueldre. Cette levée prématurée compromettait le duc vis-à-vis de la diète ; Cruser obtint du roi le désaveu du comte. L'invitation au duc de venir à Amboise, au temps de Pâques, afin de faire sa cour au roi, fut réitérée. Le roi et la reine de Navarre devaient arriver immédiatement après lui. François Ier s'engagea sur l'honneur avec Cruser à lever tous les obstacles qui s'opposeraient au mariage ; il montrait même plus d'empressement que le duc, au moins sur les dates. Il envoya à Arnheim le Bossut de Longueval, son valet de chambre, favori de la duchesse d'Estampes, un des agents secrets qu'il employait dans les missions délicates. Il fit étudier la route la plus sûre et conseilla au duc celle de Trèves et de Metz de préférence à toutes les autres[64]. A la fin de mars on attendait le duc de Clèves à la cour[65]. Le roi envoya deux gentilshommes au roi de Navarre pour lui annoncer l'arrivée prochaine du duc et lui réclamer l'exécution des promesses souscrites à Anet[66]. Le contrat de mariage signé à Anet équivalait pour le duc de Clèves à une déclaration de guerre à Charles-Quint. Guillaume se rendait compte de la portée de cet acte, et, sans se faire illusion sur la clémence impériale, il travaillait à se créer des amis à la diète. L'Allemagne était alors déchirée par les deux grands partis, les catholiques et les luthériens. Convaincu que l'unité de l'empire pouvait sombrer au milieu de ces querelles, l'empereur avait résolu, malgré l'opposition du pape, de réunir en une sorte de Concile national, sous le nom de diète, es tenants des deux opinions, de provoquer une profession de foi générale, si l'on pouvait se mettre d'accord, et de l'imposer, les armes à la main, à toute l'Allemagne ; la même assemblée, transformée en cour de justice, devait trancher quelques affaires litigieuses, notamment celle de la souveraineté du duché de Gueldres. Une réunion préparatoire, tenue à Haguenau en 1540, essaya de délimiter le programme des matières à discuter, mais les docteurs ne purent se mettre d'accord, même sur la nomenclature des points contestés ; ils se transportèrent à Smalkade, puis à Spire. Enfin la conférence s'ouvrit solennellement à Worms le 28 octobre 1540, sous la présidence du chancelier Perrenot de Granvelle. L'illustre Melanchton d'un côté, et Jean Eckius de l'autre, y remplirent le rôle principal. Dès les premières séances les théologiens dissidents s'égarèrent dans des arguties sans bonne foi et sans fin ; certaines questions d'ambition personnelle, des rivalités inavouées entre les princes compliquèrent la dispute ; il parut bientôt évident que la diète de Worms n'amènerait aucun résultat. Le duc de Clèves, qui ne s'inquiétait que de politique, s'appliqua par d'habiles concessions à ménager les deux partis. Dans les questions les plus épineuses, celle du mariage des prêtres et celle de la communion sous les deux espèces, il prit une position intermédiaire. Nous renonçons à exposer par quelles subtilités théologiques ses ambassadeurs justifiaient leur système. Le crédit du roi de France, dont le duc semblait être le porte-voix, donnait de l'autorité à ses représentants. De la cour de France, la reine Marguerite, toujours passionnée pour la controverse religieuse, suivait les conférences ; elle écrivait à son futur gendre des lettres empreintes d'un tel mysticisme que Cruser conseilla de les traduire en latin et de les communiquer aux princes protestants, afin de les convaincre de son attachement à leur cause. Ces petites habiletés réussirent assez bien au duc de Clèves. Plusieurs réformateurs entrèrent en correspondance avec la reine de Navarre. L'influence de cette princesse servit à son gendre ; les protestants s'habituèrent à le considérer comme leur médiateur auprès du roi. Les relations de voisinage et de parenté achevèrent de les lier à la cause du jeune prince ; et Granvelle put informer secrètement son maitre que le duc Guillaume serait soutenu par la majorité de la diète, même contre l'empereur[67]. Ces tendances reconnues, Charles-Quint sentit qu'il ne pourrait tirer aucun parti de l'assemblée de Worms. Au commencement de janvier il lui ordonna de se dissoudre ; il convoqua les princes à une nouvelle diète à Ratisbonne, sous sa présidence, pour le printemps suivant. Le duc reçut une citation menaçante : Vous savez comme et par quelz indheuz et inexcusables moyens avez injustement occuppé et detenez de vostre auctarité privée, contre toute raison et équicté, et les constitutions, droits et loir du Saint Empire et au contempnement de la supériorité et preheminence d'icelluy, et à nostre trop grand et intollérable préjudice les duchés de Gueldres et comtés de Zutphen.... Et combien que vostre debvoir vous oblige d'estre à ladicte diete, à laquelle avez esté expressement mandé, néant-moins dabondant vous ordonnons de comparoir personnellement pour cestuy particulier afthire en dedans quarante jours pour terme peremptoire[68]. Les États du duché de Gueldres et du comté de Zutphen furent également convoqués à la diète de Ratisbonne pour nous accepter, écrit Charles-Quint, tenir et recevoir pour vostre vray droicturier et legitime seigneur, tel que fumes et devons estre[69]. Les États et le duc envoyèrent, chacun de leur côté, une députation à la diète[70] ; Guillaume même faisait grand bruit de ses préparatifs pour s'y rendre en personne et laissait croire aux impériaux qu'il comparaîtrait à la barre en accusé, prêt à se soumettre à l'arrêt de ses juges. Tout à coup, le 11 avril, le docteur Olisleger, chef de son conseil, se présenta à l'improviste à la chambre des États de Dusseldorf et donna lecture d'une déclaration inattendue : le duc, malheureusement assuré, dit-il, de n'obtenir en mariage la nièce de l'empereur, Christine de Milan, qu'au prix de la renonciation au duché de Gueldres, informait l'assemblée qu'il avait signé des conventions matrimoniales avec la princesse de Navarre sous le bon plaisir du roi de France et qu'il se rendait à la cour pour l'épouser[71]. Le même jour il part de Dusseldorf, où était sa mère, prend la route de France en poste, déguisé, suivi seulement de trois seigneurs, Jean de Ryfferscheidt, François de Manderscheidt, Wyrich de Oberstein[72]. Le 20 il arrive à Paris et se loge secrètement à l'abbaye Saint-Germain, qui appartenait au cardinal de Tournon. Sa maison, qui l'avait suivi en désordre, ne le rejoignit qu'au bout de quelques jours ; elle se composait de seigneurs, d'écuyers et de pages, formant une suite de 70 chevaux. Le duc déjouait par ce hardi voyage l'attente des estafiers impériaux postés sur sa route. Il s'était fait précéder de lettres à Cruser et au roi de France ; il avait envoyé un messager au roi et à la reine de Navarre ; chacun lui souhaita la bienvenue. François Ier lui envoya de Chenonceaux, pour lui faire honneur, le duc de Nevers, capitaine des cent gentilshommes de sa maison, et le Bossut de Longueval[73]. Le roi et la reine de Navarre n'étaient pas encore arrivés à la cour. Le duc s'excusa de les avoir précédés. Quelques jours se passèrent en fêtes de réception ; Guillaume visita le château de Fontainebleau. Marguerite le félicita de sa prochaine entrevue avec le roi dont je suis merveilleusement ayse, écrit-elle, tant pour la joye que je crois que vous mirés de voir le dist seigneur que pour celle que je say qu'il aura de vous voir pour la bonne afecsion qu'il vous a toursjours portée. Elle était malade et se ménageait peut-être de nouveaux subterfuges, mais elle les exprimait dans des termes d'une affection si vive que le duc ne pouvait s'en offenser : Et quant à ma maladie, elle ne sauroit entre si grande quelle seust passer le desir que jay destre le plus toust quil me sers possible devers le Roy ou j'espere de vous voir[74]. Le duc recevait comme il convient ces chaleureux messages, mais il attendait avec impatience le retour des gentilshommes expédiés en Béarn à la fin de mars par le roi. Enfin arriva la réponse de Henri d'Albret. Le roi de Navarre avait quitté la cour mécontent du roi[75] ; sa réponse était la conséquence de son dépit. Fidèle à son système d'atermoiement, il disait que sa fille était trop jeune pour se marier, qu'elle était maigre et faible et qu'avant deux ans il ne consentirait pas à la donner à un époux[76]. Marguerite trouvait de nouveaux prétextes ; elle écrivait que Henri d'Albret avait fait une chute grave et qu'il allait se rendre, au mois de mai, aux eaux de Cauterets où il se fait tous les jours des cures merveilleuses. Elle-même se disposait à l'y rejoindre pour le garder d'ennuyer et faire pour luy ses affaires ; car, tant que l'on est aux baings, il faut vivre coure ung enfant. Elle cherchait à détourner l'attention du roi par de nouveaux projets et lui parlait, comme d'un vœu des Espagnols, du mariage de la princesse Marguerite avec l'infant, fils de Charles-Quint[77]. Elle était malade et ne pouvait se mettre en route. Il mest tombé ung caterre sur la mytié du cors, écrit-elle au duc, quy me contraint demeurer au list ; mes jespere par laydé du gant medecin que jen eschaperé, combien que jusques ycy ny vois gueres damendemant..... Au mieux que les medecins me prommettent, c'est que, apres avoir pris les baings naturelz, qui sont en ce païs, ilz esperent que je gueriray, y sera la fin de may[78].... Le duc, qui ne se laissait pas distraire de son but par les délices de la cour de Fontainebleau, écrivait des lettres pleines de doléances sur la maladie du mi et de la reine de Navarre, mais où perçait, au milieu des compliments, le vif désir d'atteindre enfin le but de son voyage. Marguerite parut piquée ; elle se plaignit de l'estrangetté, dit-elle, que depuis le moys de fevrier j'ay trouvé en votre embassadeur ; car, au lieu de guaigner le Roy de Navarre a trouver bon ce maryage, il a fait tout le contraire, comme sy par force vous pretandiés devoir notre fille sans chercher notre amytié ny alience. Cruser avait dit que son maitre n'avait nul souci des parents de la princesse puisqu'il ne tenait sa femme que du roi. Le duc, informé de ces propos, se hâta de faire amende honorable par une lettre solennelle datée de Fontainebleau, du 30 avril[79]. Ces lenteurs, ces prétextes ressemblaient à une fin de non-recevoir. Guillaume rappela au roi ses engagements[80]. François Ier, piqué dans son honneur de gentilhomme, envoya un nouveau message au roi de Navarre pour presser son arrivée à la cour. Le prince trouva de nouvelles occasions de délai dans l'appui de ses sujets. Les États de Béarn étaient rassemblés ; il leur soumit les propositions du roi de France. Les États protestèrent, et Remi d'Albret répondit à François Ier que ses sujets verraient avec plaisir l'héritière du Béarn, leur reine future, épouser un des fils de France, mais qu'ils s'opposaient, au nom de leurs privilèges, au mariage arrêté pour elle avec un prince allemand. Un gentilhomme navarrais, le sire de Beda, porta à Amboise, avec la lettre de son maître, la protestation des trois États. Cette pièce, conservée aux archives du département des Basses-Pyrénées, mérite une attention particulière en ce qu'elle jette un jour nouveau sur les relations réciproques des rois de Navarre et de leurs sujets. Les États remercient le roi de se soumettre aux anciennes
coutumes, celle de les consulter sur le mariage des princes destinés à porter
la couronne de Béarn ; ils reconnaissent la grandeur du duc de Clèves, ses
droits éventuels au trône impérial, mais ils rappellent que le plus grand des
biens pour eux est davoyr leur roy, prince et
seigneur pres d'eulx, que, plus le duc de Clèves sera grand et
puissant en Allemagne, moins il pourra résider en Béarn ; ils ont besoin
d'appui et d'alliance et ne peuvent attendre ni alliance ni appui d'un prince
du nord de l'Allemagne, séparé de la Navarre par la largeur du royaume de
France. Par ces motifs les États conseillent de nouvelles alliances avec la
maison de France, à l'exclusion des princes étrangers. Ici la remontrance
contient ces belles déclarations, qui donnent une grande idée du peuple qui
les signe et de la maison royale à qui elles sont adressées : Et s'il vous plaist, Sire, suivre ceste voye, prenés de noz biens tout ce qu'il vous plaira, car
vos dictz subjects se sont sy bien trouvés, ayant, vous et vos dicta
predecesseurs, alliance en France, que, pour l'entretenyr, ils n'y
vouldroient espargner leurs personnes et biens[81]. Le roi reçut fort mal la requête du sire de Beda. Il dit que le duc de Clèves était un grand et noble prince[82], que Jeanne lui était promise, que les anciens privilèges du Béarn étaient sans valeur dans les questions particulières aux membres de la famille royale, qu'il n'avait jamais consulté ses sujets sur le mariage de ses enfants et que Henri d'Albret jouissait de la même indépendance. Vous direz au roi de Navarre, mon frère, qu'il a déjà promis au duc de Clèves la main de sa fille ; ce qui est promis doit se tenir ; s'il s'y refusait, le duc de Clèves, qui est homme de bien, aurait le droit de l'exiger ; et, s'il m'y force, moi-même je marierai sa fille, non comme princesse de Navarre, mais comme fille de la maison d'Albret[83]. Le sire de Beda revint à Pau avec ces paroles menaçantes. Le roi de France était tout-puissant. Suzerain du Béarn, capable de tout sacrifier aux convenances de sa politique, il pouvait disposer de la princesse sans l'aveu de son père ; les coutumes féodales autorisaient cette dérogation aux lois de l'autorité paternelle. Le prince répondit noblement à ce message ; il rappela au roi les services qu'il avait rendus à la couronne de France, son emprisonnement à Pavie et les périlleuses aventures au prix desquelles il avait reconquis sa liberté ; malgré ces preuves de dévouement, il avait été sacrifié dans tous les traités signés avec l'Espagne ; il comparait son alliance, d'autant plus méconnue qu'elle était plus fidèle, à celle du duc de Clèves, qui n'avait encore rien fait pour mériter les faveurs du roi. Quant au contrat, le roi connaissait bien la valeur de ces stipulations que la politique noue et dénoue à son gré ; que, si le duc de Clèves voulait prendre l'engagement au sérieux, le roi de Navarre offrait de payer les 50.000 livres ; moyennant ce dédit, il était libre de reprendre sa parole. Les représentations de Henri d'Albret ne touchèrent pas François Ier. Soliman allait entrer en campagne ; le roi croyait à la ruine prochaine de son rival ; il sacrifiait tout à l'alliance d'un prince allemand qu'il se flattait d'opposer aux partisans de la maison d'Autriche. Il répondit qu'il ne voulait pas manquer de parole au duc de Clèves, qu'il marierait la princesse Jeanne malgré l'opposition de son père, etc. Le roi de Navarre céda enfin ; pour mieux cacher sa rancune il résolut de ne point aller à la cour et d'y envoyer la reine seule. Marguerite, pendant la durée de ces négociations, ne cessait de verser des larmes. La dure insistance de son frère, la crainte de perdre sa fille affaiblirent sa santé ; elle retomba malade. Sa douleur et sa faiblesse s'aggravaient des reproches de Henri d'Albret. Ne pleurez pas, Madame, lui disait-il, car vous êtes la cause de ces malheurs ; sans vous je me serais arrangé de telle façon que les choses ne seraient pas arrivées à ce point[84]. Marguerite avouait que le prince avait raison, que sa condescendance pour les désirs de François Ier avait causé les maux de la maison d'Albret ; mais pourquoi récriminer ? Le passé était sans remède ; il fallait en trouver un pour l'avenir ; elle inventa de faire faire devant témoins à la jeune princesse une protestation ainsi conçue : Je proteste dès à présent devant vous que je ne veux pas, que je n'ai pas la volonté de me marier avec le duc de Clèves et je jure dès à présent de n'être jamais sa femme. Et si par hazard je promettais d'être son épouse et sa femme, ce sera parce que je crains que le roi ne fasse du mal au roi, mon père. Je fais cette protestation devant vous pour que vous soyez témoins ; je signe cette écriture et protestation et je vous prie de la signer comme témoins[85]. Cette idée plut au prince, mais il dit à sa femme : A quoi sert cet acte ? Vous avertirez le s roi comme vous en avez l'habitude[86]. Il se méfiait de Marguerite et de sa grande faiblesse : Sire, dit-elle, je vous jure de ne jamais le révéler au roi ni à personne du monde ; je vous donne cette parole et cette assurance ; et je vous supplie de faire dresser la protestation. Je m'arrangerai avec le roi et avec le duc de Clèves de façon à ne célébrer que les fiançailles. Cela fait, nous pourrons marier notre fille dans trois ou quatre ans avec le duc d'Orléans. En attendant, aussitôt qu'elle sera fiancée, je la ramènerai en Béarn. J'arrangerai ce voyage avec le duc lui-même et je me servirai de lui pour obtenir du roi l'autorisation de la conduire au milieu de ses futurs sujets[87]. Ces paroles pouvaient rassurer le roi de Navarre. Cependant il dit à la reine : Qu'il soit ainsi fait puisque vous le voulez ; mais apprenez que si le roi en a connaissance, je m'en prendrai à vous, et je vous réserve en ce cas une aussi mauvaise vieillesse que nulle femme l'aura jamais eue[88]. Avant de se rendre à la cour, Marguerite envoya un agent secret au château de Plessis-Lès-Tours. La protestation fut dressée en présence de la princesse, de la dame Aymée de Lafayette, sa gouvernante, de la vicomtesse de Lavedan, fille de la dame de Lafayette, et du vicomte de Lavedan, son gendre[89]. Au moment où la reine Marguerite allait quitter Pau, arriva un gentilhomme du duc de Clèves, chargé d'une mission nouvelle. Le duc écrivait qu'il connaissait la violence que le roi de France imposait à sa sœur, qu'il ne voulait pas épouser la princesse malgré son père et sa mère. Quant à lui, il reprendrait sans regret le chemin de ses États, pourvu que le roi de Navarre jurât de lui donner sa fille dans deux ans. Cette proposition faisait entrer les négociations dans une phase nouvelle. Henri aurait pu promettre, sauf à ne pas tenir, manière d'agir fort usitée en tout temps, mais surtout au XVIe siècle. Il aima mieux répondre avec franchise. Il écrivit qu'en refusant Jeanne au duc de Clèves, il agissait en ami du duché de Gueldres aussi bien que du Béarn. Dans l'état de rivalité où vivaient Charles-Quint et François Ier, il était dangereux pour deux petits princes de nouer par un mariage une alliance indissoluble ; les deux souverains de France et d'Espagne pouvaient se réconcilier, et, en ce cas, quelle pouvait être la destinée du duché de Gueldres et du Béarn ? moyennant une compensation quelconque, en Italie par exemple, François Ier livrerait sans scrupule ses alliés à l'Empereur. La guerre était proche ; le roi de France s'y préparait sans relâche ; il aurait besoin d'alliés ; il paierait alors bien cher le concours des petites puissances, mais ni le Béarn ni la Gueldre n'obtiendraient rien de lui s'il les trouvait déjà liés au sort de la France. Il importait donc à chaque prince de réserver l'avenir et de ne pas immobiliser sa politique. Enfin Henri d'Albret offrait au duc de Clèves les 50.000 livres stipulées dans le contrat titre de dédit. Ainsi il refusait d'engager, même par un serment, le sort de sa fille ; il voulait garder sa liberté et laisser aux circonstances le soin de le conseiller. Suivant Descurra il dit à Marguerite qu'il ne voulait pas promettre ce qu'il ne pensait pas tenir[90]. On aime à retrouver cette droiture dans la conduite du grand-père de Henri IV. Le mariage de Jeanne trouvait peu d'approbateurs en Béarn. Cependant, tel était le dévouement des sujets de la maison d'Albret, que plusieurs assemblées provinciales votèrent des dons en faveur de la princesse. La vicomté de Lomagne donna 1.000 écus ; la vicomté de Brullois, 800 écus ; Lectoure, 1.000 ; le comté d'Armagnac, 1.000 écus d'or ; le comté de Fezensac, 2.000 ; Auvillars, 500 ; les quatre vallées d'Aure, de Magnoac, de Nestes et de Barousse, seigneuries de la Bigorre, 1.000 livres tournois[91]. Les fiefs patrimoniaux de la reine Marguerite, beaucoup plus riches, se montrèrent très-généreux. Les États du comté de Rodez se réunirent au mois de mai et votèrent une forte subvention[92]. Le tiers-état de Berry offrit à lui seul 40.000 livres tournois. Les dépenses eurent bientôt absorbé cette somme ; un marchand de drap de Lyon, Claude Regnault, reçut à lui seul un mandat de 15.300 livres sur la donation des États du Berry[93]. Les États du Béarn, qui s'étaient opposés au mariage, attendirent qu'il fût célébré. Le 27 janvier 1541 (1542), ils votèrent, pour comport du mariage de Madame la princesse, la somme de 12.000 écus, payables la moitié pour la fête de Saint-Jean-Baptiste, l'autre moitié à la fête de Pâques[94]. Après un séjour de quelques jours à Paris et à Fontainebleau, le duc de Clèves partit pour Amboise ; le 29 avril, il s'arrêta à Melun ; le 30 à Fontainebleau ; le 1er mai à Étampes ; le 3 à Orléans. Sa marche était celle d'un prince du sang ; les villes et les seigneurs lui faisaient une réception triomphante. A Orléans, il coucha dans l'hôtel de Saint-Aignan, que Charles-Quint avait habité l'année précédente, et goûta comme lui aux fruits et au vin du pays. Il toucha la somme de 4.984 livres, en vertu du traité du 10 septembre 1540, pour l'entretien d'une compagnie de 50 hommes d'armes destinés au service du roi de France[95]. Le 4 mai, il descendit la Loire jusqu'à Blois, et le 5 il arriva à Amboise avec le duc de Nevers et Longueval. Le roi, accompagné du dauphin et du duc d'Orléans, des cardinaux et des seigneurs, le reçut avec solennité dans une des salles du château. Les tètes commencèrent le jour même ; le 6, le 7, le 8 firent marqués par des bals, des banquets, des tournois, des jeux, destinés à frapper l'esprit des seigneurs allemands et à leur laisser le souvenir de la brillante cour des Valois[96]. Le 9 mai, la cour se transporta par eau à Tours. Dans l'après-midi, François Ier conduisit le prince au château de Plessis-Lès-Tours, auprès de Jeanne d'Albret, mais il jugea prudent d'avertir la princesse et de s'assurer par lui-même de ses dispositions. Après le Biner, le roi conseilla au duc de visiter la ville de Tours, qui passait alors, comme aujourd'hui, pour une des plus belles villes de France. De son côté, il se rendit au château et annonça à Jeanne d'Albret l'arrivée du duc de Clèves ; il lui dicta ce qu'elle aurait à répondre et loua beaucoup le duc et sa valeur. La princesse était malade ; elle écouta paisiblement son oncle et répondit avec finesse qu'elle savait bien que le roi aimait trop sa nièce pour la donner au duc de Clèves, que pour elle, elle aimait trop le roi pour accepter la main d'un prince étranger, parce qu'elle perdrait ainsi toute occasion de voir le roi[97]. Jamais peut-être courtisan ne sut cacher un refus sous un prétexte plus flatteur. Jeanne avait déjà signé une protestation ; on lui avait aussi inspiré ses réponses ; et le roi, qui venait au château de Plessis-Lès-Tours avec l'intention de lui faire le bec, avait été prévenu par de plus diligents que lui. Les sentiments exprimés par la princesse ne pouvaient étonner personne. Dans la famille de Marguerite d'Angoulême, François re n'était pas seulement un frère aimé, c'était un dieu. Sa mère, Louise de Savoie, avait passé sa vie dans l'adoration de son fils ; elle avait inspiré ce culte à sa fille Marguerite. Ses lettres, ses écrits sont pleins de flatteries, de déclarations de dévouement, recouvertes des hyperboles les plus outrées. Il paraissait donc tout naturel à la cour.de placer son idéal dans la vue du roi, comme dans la vue de Dieu[98]. Le roi ne parut pas étonné de la passion de sa nièce pour lui ; elle lui semblait toute naturelle. Il répondit qu'elle et le duc de Clèves ne quitteraient jamais la cour de France. Puis vinrent der nouveaux éloges du duc. Jeanne d'Albret accorda que le duc possédait toutes les perfections ; mais elle déclara qu'elle ne voulait pas l'épouser. Mors s'engagea le dialogue suivant que nous traduisons de l'espagnol et que nous rapportons sans aucun changement : Le Roi : Vous m'avez dit à Fontainebleau, devant votre mère, que vous étiez contente de vous marier avec le duc de Clèves. Pourquoi refusez-vous maintenant ? Qui vous a conseillé de refuser ? Jeanne d'Albret : Quand je
répondis à Votre Majesté à Fontainebleau que je l'épouserais avec plaisir, je
ne prévoyais pas tous les dommages qui pourraient arriver à mon père. Si
Votre Majesté veut me marier, mariez-moi en France. Plutôt que d'épouser le
duc de Clèves, j'entrerai au couvent. Le Roi : Je vois bien que vous êtes avisée de ce que vous devez dire. Qui vous a raconté ce dommage qui advient à votre père ? Jeanne d'Albret : C'est un gentilhomme envoyé à Votre Majesté par les sujets de mon père. Le Roi : Vous ferez, ma fille, ce que le roi et la reine, vos parents, vous ordonneront ; et, ce que vous avez promis, vous le tiendrez. Jeanne d'Albret : Sire, le roi, mon père, ne m'ordonnera d'épouser le duc de Clèves que pour obéir à Votre Majesté. Le Roi : Oui, ils le feront, et ce mariage se fera malgré qui que ce soit, et, si vous ne voulez pas épouser le duc, je ne vous parlerai plus. La princesse se mit à pleurer et s'écria à haute voix, au grand effroi de tous ceux qui étaient dans sa chambre : Je me jetterai dans un puits plutôt que de me marier avec le duc de Clèves. A ces mots le roi se leva furieux et dit à Aymée de Lafayette, gouvernante de la princesse : Ah ! Madame, Madame, je vous reconnais bien. Vous avez bien instruit ma nièce, mais vos efforts ne réussiront pas. La dame de Lafayette, terrifiée, répondit : Je ne sais pas pourquoi Votre Majesté est en colère contre moi. Le Roi éclata : Assez ! Assez ! Je jure Dieu que j'en ferai couper des têtes. La dame de Lafayette : Je supplie Votre Majesté de me dire pourquoi elle est si irritée contre moi. Le Roi : Parce que vous avez conseillé à ma nièce de refuser d'épouser le duc de Clèves. La dame de Lafayette : Jamais de la vie je n'ai dit cela. Ce que je lui ai conseillé, c'est d'obéir à tous les désirs de Votre Majesté, du roi, son père, et de la reine, sa mère. Je supplie Votre Majesté de lui demander si je lui ai donné d'autres conseils. Le Roi : Ça lui convient et ça se fera. Puis s'adressant au vicomte de Lavedan, gendre de la dame de Lafayette, il ajouta : Monsieur le vicomte, je jure Dieu de vous faire punir. Je n'ai fait aucune offense à Votre Majesté, répondit le vicomte de Lavedan, j'ai plutôt été un bon sujet et un bon serviteur et si quelqu'un veut déposer autre chose contre moi, je répondrai comme il convient avec la permission de Votre Majesté. Allez, allez, dit le roi, je connais bien votre cuirasse. Le roi faisait allusion aux protecteurs ordinaires du sire de Lavedan. Ce gentilhomme descendait de Charles de Bourbon, fils naturel de Jean II, sixième duc de Bourbon, connétable de France, et avait toujours trouvé un appui dans cette maison[99] Après cette scène violente, pleine de menaces, le roi se retira dans une chambre qui lui était réservée pendant ses visites au château. Le duc de Clèves entra et fit une visite d'un quart d'heure. Notre annaliste, si prodigue de détails sur l'entrevue du roi et de la princesse, ne nous fait rien connaître ni de l'attitude du duc de Clèves ni de l'effet produit sur Jeanne d'Albret. Pendant ce temps le roi monta en litière et se dirigea vers le château de la Bourdaisière, situé à quatre lieues de là. Deux heures après, le duc de Clèves était auprès de lui. Après le départ du roi, le cardinal de Tournon entra chez la princesse afin de la sermonner un peu. Il parla à la dame de Lafayette et au vicomte de Lavedan et leur défendit, au nom du roi, de ne rien révéler de ce qui venait de se passer à Remi d'Albret et à Marguerite. Et il vous promet, Madame, dit-il à Jeanne, que si vous révélez ce qu'il vous a dit il vous fera enfermer dans une tour. Et pour vous autres, dit-il en s'adressant à la gouvernante et au vicomte, la peine de mort[100]. La princesse répondit avec fermeté qu'elle était prête à suivre tous les ordres du roi, mais qu'elle aimerait mieux mourir que d'épouser le duc de Clèves[101]. La gouvernante reprocha au cardinal sa servilité et son égoïsme : Monsieur le cardinal, le roi et la reine de Navarre vous ont placé dans l'état où vous êtes et Votre Seigneurie a quelque influence sur le roi. Dans de telles nécessités on connaît les bons serviteurs et les bons amis. Je supplie Votre Seigneurie de conseiller au roi de ne point marier, pour plaire à un duc d'Allemagne, cette enfant malgré son père et sa mère. Le cardinal répondit sèchement : Je suis serviteur du roi et de la reine de Navarre dans les choses qui ne déplaisent point au roi. Mais, ne vous abusez pas. Le roi est déterminé à marier la princesse avec le duc de Clèves et il le fera. Le lendemain matin le maréchal Annebaut vint au château de Plessis-Lès-Tours. Claude d'Annebaut était le favori du roi ; il avait de la sagesse, de la prudence et jouissait d'une grande considération à la cour ; ce n'en était pas moins un singulier porteur de représentations, car, suivant Brantôme, il était bègue. Il demanda à la princesse si elle avait changé d'idée depuis la veille. Jeanne répondit que, si dans l'origine elle avait paru médiocrement disposée à épouser le duc de Clèves, maintenant elle baissait ce mariage et qu'on la tuerait plutôt que d'obtenir son consentement[102]. Annebaut ne fit aucun effort pour modifier sa résolution, mais il dit à la dame de Lafayette et au vicomte de Lavedan : Je suis votre ami et je regretterais qu'il vous arrivât quelque malheur ; je veux donc vous avertir : Si vous ne faites pas que la princesse accepte la main du duc de Clèves, je vous assure, moi, que le roi vous fera du mal. La gouvernante répondit : Le roi peut faire de nous tout ce qu'il voudra, mais ce n'est pas notre faute si la princesse, notre maîtresse, a dit au roi qu'elle ne voulait pas se marier. Nous ne lui avons pas conseillé. Nous lui avons toujours entendu dire qu'elle ne voulait pas se marier avec le duc de Clèves, qu'elle ne l'épouserait jamais. Telle fut la réponse qu'obtint l'amiral La dame de Lafayette et le vicomte de Lavedan n'étaient pas sans inquiétude sur les effets de la colère du roi. Malgré les ordres du cardinal de Tournon, le vicomte de Lavedan prit la poste et se rendit en Béarn, afin de raconter au roi et à la. reine de Navarre la visite, les propositions et les menaces de François Ier. Ce fut probablement dans cette circonstance que la jeune princesse, qui montrait déjà la fermeté et la finesse d'une grande reine, écrivit à François Olivier, chancelier d'Alençon, plus tard chancelier de France, un des conseillers les plus écoutés de Marguerite d'Angoulême, cette lettre charmante où elle rait un appel suprême à son influence[103] : Mon compere, j'ay esté bien marrie de ne vous avoir point veu, corne pourrez cognoistre en voyant les lettres que je vous escry par Gaulcheri. Et si j'eusse parlé à vous j'eusse esté très ayse de vous dire de bouche ce que je ne vos puis escripre, corne à œlluy en qui je me Be du tout. Mon cousin, le vicomte de Lavedan, vous dira l'honneur et bonne chers qu'il a pieu au Roy me tire. Et ne vous ferés plus longue lettre, fors vous prier me faire entendre de vos nouvelles et de celles de ma coumere et de vos enfeu, corne à celle qui ne suera jamais sactisfete jusque à ce que le moyen ce soit offert de vous povoir reconnoistre la bonne volunté que jay congrue et de plus en plus congnois qu'avés envers moy, ce que je vous asseure, mon compare, que toute ma vie seray d'ausy bon tueur que je me recomande bien fort à vous, priant Dieu vous donner sa grade. La toute votre bonne commere et amye, Jeanne DE NAVARRE. Deux jours avant la visite du roi au château de Plessis-Lès-Tours, l'ambassadeur d'Espagne avait reçu une lettre de l'empereur au sujet du mariage de Jeanne. Henri d'Albret était à Pau ; Descurra fut désigné pour la lui apporter. Avant de se mettre en route il arrêta, de concert avec Bonvalot, la forme de la protestation que la princesse devait signer si le roi exigeait absolument qu'elle épousât le duc. Cet acte devait être dressé après les fiançailles. Descurra rencontra près de Bordeaux Henri d'Albret, déjà en route pour Amboise, et lui remit la lettre de Charles-Quint. Malheureusement elle n'était pas plus concluante que les précédentes. Le roi de Navarre se plaignit de ces hésitations ; depuis huit mois il attendait de jour en jour ; encore, après de tels délais, l'empereur ne donnait-il pas de réponse définitive. Descurra palliait de son mieux les tergiversations de son maitre ; l'attaque de Soliman, la diète impériale, la sourde opposition des princes allemands lui fournissaient toujours des arguments. L'insistance du roi de France auprès de sa. nièce justifiait les lenteurs de la politique impériale ; l'alliance des deux maisons d'Espagne et de Navarre deviendrait impossible si le duc de Clèves épousait la princesse d'Albret. L'attitude de François Ier était pleine de menaces. N'oserait-il pas, en apprenant l'accord de l'empereur et du roi de Navarre, envahir le Béarn sans que l'Espagne pût le secourir ? Sans doute l'enlèvement de la princesse et sa retraite à Navarreins la mettrait à l'abri des obsessions du roi de France ; mais cet enlèvement était difficile. Par ces motifs le conseil d'Espagne était d'avis d'attendre ; si le prince d'Albret pouvait empêcher le mariage de sa fille et la mettre hors de la portée du roi, on lui offrirait, quand le moment serait venu, un accord tellement avantageux que toute son ambition en serait satisfaite. Henri d'Albret répondit qu'il aurait préféré des propositions formelles à des offres aussi vagues. Si l'empereur lui avait promis tel ou tel avantage à son retour en Espagne, il aurait pu prendre patience ; mais on ne paraissait occupé que d'entretenir ses illusions. Il se plaignait des agents impériaux et de Descurra lui-même. Notre annaliste traite négligemment les imputations portées contre les autres, mais il réfute avec énergie celles qui sont dirigées contre lui, de crainte sans doute de les voir admises par les ministres d'Espagne. Il parle aussi du mécontentement de Henri d'Albret vis-à-vis de Granvelle et accole sans fausse honte son nom obscur au nom de l'illustre chancelier. Pendant ces entretiens le vicomte de Lavedan arriva. On tint un nouveau conseil près de Bordeaux. Les graves nouvelles apportées de Plessis-Lès-Tours ne laissaient plus au roi et à la reine de Navarre un instant à perdre. Le prince désirait empêcher le mariage ou au moins ramener sa fille à Pau après la cérémonie religieuse afin de procéder juridiquement à une protestation publique. Il envoya Descurra en Espagne et lui donna des instructions pour discuter la négociation ; il demandait que l'empereur désignât à son tour un procureur fondé, par exemple le vice-roi de la Navarre. Le prince et son plénipotentiaire se séparèrent le 13 mai à Saint-André, près de Bordeaux. Le lendemain arriva à Saint-André Me Victor de Brodeau[104], chancelier de Navarre ; il venait de la cour et apportait des nouvelles inattendues. Le dessein du roi de marier Jeanne avec le duc. de Clèves trouvait peu d'approbateurs. Le cardinal de Lorraine blâmait ce projet. C'est une imprudence, disait-il ; si le duc, devenu roi de Navarre, s'allie un jour à l'empereur, le roi de France sera entouré d'ennemis d'autant plus redoutables qu'ils occuperont les principales entrées du royaume au nord et au sud ; c'est aussi un acte blâmable, car il n'est pas permis de marier une fille sans l'autorisation de son père et de sa mère. La duchesse d'Estampes et l'amiral Annebaut partageaient l'avis du cardinal. Le roi tenait à son idée : Je suis obligé, disait-il, de marier le duc avec ma fille ou avec la princesse de Navarre, parce que ce ne serait pas bien que de congédier le duc mécontent. Les trois conseillers lui répondaient qu'il valait mieux donner à ce prince Marguerite de France, sa propre fille, alors âgée de dix-sept ans, qu'une enfant de douze ans. Il fallait réserver Jeanne d'Albret pour un des fils du roi, pour le dauphin, si Catherine de Médicis venait à mourir, ou pour le duc d'Orléans. Peut-être la volonté de François le, contrariée par celle de ses favoris, allait-elle changer. Le roi et la reine de Navarre partirent dans cette illusion. Ici malheureusement se termine le récit de Descurra ; les sources auxquelles nous allons puiser ne sont pas moins authentiques, mais elles sont beaucoup moins abondantes. Le roi et la reine de Navarre avaient conçu de fausses espérances ; François e tenait-au duc de Clèves avec l'obstination d'un enfant gâté. A mesure qu'ils approchaient de la cour, Henri et Marguerite étaient plus exactement informés des dispositions du roi. Ils ne pouvaient rien gagner à heurter de front les résolutions d'un prince absolu, doué d'une volonté impérieuse et que la contradiction irritait jusqu'à la violence ; il était plus habile de paraître résigné à lui obéir. Rien n'était compromis par cette condescendance ; le contrat stipulait que le mariage ne serait pas consommé, et, dans ce cas, d'après l'avis des canonistes et de l'abbé de Saint-Vincent, ambassadeur d'Espagne, une protestation de la princesse suffire à annuler le lien matrimonial[105]. Cette résolution prise, le ton des correspondances se modifie légèrement. Le duc complimente Henri d'Albret et Marguerite sur le rétablissement de leur santé ; Marguerite le félicite de l'heureux succès de son voyage et lui fait part de ses étapes ; des messagers de confiance, chargés d'une négociation mystérieuse, vont et viennent d'une cour à l'autre ; le duc accepte toutes les réserves qu'on lui demande et le roi de Navarre le comble de promesses ; le plus parfait accord règne en apparence entre les parties[106]. Marguerite se fait précéder d'une lettre, où elle se déclare, elle et son mari, les plus obéissants serviteurs du roi. Elle blâme la résistance de Jeanne d'Albret ; elle en demande pardon au roi, saichant, dit-elle, que vostre coustume est plus d'escuzer les faultes que de les pugnir, principalement où le sens deffault, comme il l'a fait à ma pauvre fille. En même temps elle flatte François Ier et revient sur la prétendue adoration de Jeanne pour son oncle : elle s'escuze envers nous qu'elle est plus privée de vous que de nous-mêmes. Enfin Henri et Marguerite éprouvent un tel chagrin du dépit du roi qu'ils en mourront : Par quoy, Monseigneur, s'il vous plest que le père, la mère et la fille vivent en vostre service, il vous plera doncques leur redonner la vie par la seureté de vostre grace, car aultrement ceux qui en ont desiré la fin la voiront bientoust[107]. Enfin elle supplie le roi de renoncer à toute hésitation et de conclure ce mariage[108]. Avec sa lettre Marguerite envoya en avant un de ses familiers, Nicolas Dangu, évêque de Séez, pour faire entendre au rois par le menu comme tout est passé. Au duc de Clèves, Marguerite adressait de chaudes félicitations sur son arrivée, lonneur et le bon recueil, dit-elle, que vous hont fait le Roy, Messieurs et Mesdames, quy ma esté taies grain plesir, veu que vous y trouvés a votre contentement, ce que je vous hay toursjours assuré. Quant à elle, elle prenait sa part de l'allégresse générale et se bâtait d'arriver à la cour : Et pour avoir part à cete joye je me haste le plus que je puis de retrouver le Roy, comme vous dira Monseigneur de Céez, ce porteur, lequel je vous prye croire comme moy mesmes[109]. Ces derniers mots révèlent peut-être une mission confidentielle. Le duc se louait sans arrière-pensée du bon accueil du roi ; il admirait très-haut les magnificences de la cour de France et accablait son royal hôte de pesantes flatteries, de flatteries allemandes. Les jours qui suivirent sa visite à Plessis-lès-Tours furent remplis par des parties de chasse et des fêtes. Le 10 mai la cour était à Chenonceaux, le 11 à Loches, le 20 à Châtellerault[110]. Le roi et la reine de Navarre s'avançaient du côté du Midi à petites journées. Le duc leur écrivit par un de ses gentilshommes qu'il se ferait un honneur d'aller au-devant d'eux. Marguerite déclina vainement cet excès de prévenance ; elle remercia son futur gendre de la paine, dit-elle, que vous prenés de nous envoier visiter, quy est bien acés dans que vous y viengnés en personne, ce que vous ne devés pas faire, mès dimanche au plus tard nous serons à Chastellerault. A cette nouvelle le duc monta à cheval et alla à la rencontre du roi et de la reine de Navarre jusqu'à Poitiers[111]. Le lendemain ils firent ensemble une entrée solennelle à Châtellerault où les attendaient des fêtes brillantes. Pendant que les architectes et les peintres décoraient le château, le roi se logea dans une maison de campagne, nommée la Berlandière, voisine de la ville[112]. Le jeudi, 9 juin, il y donna une première fête. La reine, la dauphine, le roi et la reine de Navarre, Marguerite de France et Jeanne d'Albret y assistaient. Un grand théâtre, garni de galeries, avait été élevé en pleine forêt. Princes et seigneurs, princesses et dames arrivèrent audit theatre à l'armonie et doué bruit des clairons et trompettes ; et, lesdites dames logées èsdites galleries de natus relie verdure et tout mis en bon ordre, mesdicts seigneurs le Daulphin, le duc d'Orléans et le duc de Clèves commencent à courir les ungs après les aultres la bague, laquelle estoit suspendue à l'un des bouts dudit theatre. Tous portoient sur leurs heaulmes grands et beaux plumards, chescun selon s sa livrée... Après avoir fini le jeu de la bague, se combatirent à l'espée l'ung contre l'autre, et se donnerent de grans coups, tant de taille que de revers, que aussi des pommeaux d'espée sur les heaulmes, tant que le feu en sailloyt et les espées rompoyent en plusieurs pieces. Le dimanche, 12 juin, le roi rassembla au château de Chitré, qui appartenait au capitaine La Roche du Maine, la compagnie d'ordonnance de François de Bourbon, sire d'Estouteville, comte de Saint-Paul. Au XVe siècle les soldats n'étaient pas assujettis à l'uniforme, mais les grands seigneurs tenaient à honneur de donner à leurs gens d'armes une tenue magnifique à leurs couleurs. Les hommes d'armes, les archers et les pages de la compagnie d'Estouteville étaient vêtus de velours, l'enseigne de velours incarnat et blanc, les chevaux bardés de fer. Le roi était accompagné des ducs de Clèves et d'Orléans, de Marguerite de France, de la duchesse d'Estampes, du sire d'Estouteville et de Jacques d'Escars, son lieutenant[113]. Jeanne d'Albret paraissait dans ces fêtes, mais elle
n'avait pas capitulé devant les volontés du roi. La raison d'État, les
nécessités de la politique n'avaient pu être invoquées auprès d'une jeune
fille de treize ans ; on épuisa sans succès les autres moyens de persuasion ;
les ministres du roi perdirent leur rhétorique et la dame de Lafayette ses
conseils affectueux. On espérait que Marguerite arriverait à vaincre
l'obstination de sa fille ; cette espérance fut bientôt déçue. Le roi et la
reine de Navarre avaient eu la sagesse de condescendre au mariage de leur
fille à la condition que ce mariage se bornerait à une cérémonie d'apparat et
sans suites, à un engagement pourvu de causes de nullité et facile à rompre ;
mais comme il était impossible, à cause de son jeune âge, de mettre la
princesse dans la confidence de cette comédie, elle éprouva un grand trouble
quand elle se vit abandonnée en apparence aux convoitises du duc Guillaume.
Son anxiété nous est révélée par les termes mêmes d'une de ses protestations
autographes. Je ne sais à quy avoir recours que à
Dieu quand je vois que mes père et mère m'ont délaissée, lesquels sçavent
bien ce que leur ay dict et que jamais n'aymeroie le duc de Clèves et n'en
veulx point. Abandonnée par tout le monde, Jeanne ne s'abandonna pas
elle-même. Cet exil dans les froides contrées du Nord, au milieu de
populations inconnues, cet époux, dont la langue et les coutumes lui étaient
étrangères, séduisaient peu son imagination. Pour réduire ce caractère si
ferme, les prières, les menaces furent inutiles ; on employa la violence. On
épouvanta la jeune princesse ; on lui dit qu'elle serait cause de la perte et destruction de ses père et mère et de
leur maison. Bien plus, la reine fit fouetter
sa fille par la dame de Lafayette. L'infortunée jeune fille fut tellement fessée et maltraitée qu'elle croyait qu'on la feroit mourir[114].
Ce fut à ce prix que Marguerite obtint le consentement de sa fille. Le 4 3 juin, à sept heures du soir, le roi fit une rentrée solennelle à Châtellerault avec toute sa cour. La nuit tombait et servait de prétexte à de nouvelles magnificences. La façade du château était illuminée. Un vaste pavillon, garni de tapisseries et de lustres, élevé à l'entrée du palais, formait un arc de triomphe. Partout, au milieu des lumières, dans les tentures, sur les murs, s'étalaient les armes du roi, celles du duc de Clèves et de la maison d'Albret. Le roi avait décidé que les fiançailles seraient célébrées le jour même. La fête commença par un bal. Le duc de Clèves s'y distingua. Marguerite et la princesse de Navarre n'y assistèrent pas. Ce même jour, peut-être pendant la durée du bal, tandis
que le duc de Clèves étalait ses grâces tudesques devant les dames de la cour
de France, Jeanne écrivit de sa propre main une protestation contre son
mariage[115].
Cet acte porte, outre la signature de la princesse, celle de J. d'Arros[116]
(ou d'Arras), de Francisque Navarre,
médecin attaché à la petite cour de Plessis-lès-Tours, et d'Arnaul Duquesne.
Après avoir énuméré les violences que nous avons racontées : Je désavoue, dit la princesse, le mariage que l'on veult faire de moy au duc de Clèves...
tout ce que je y pourrai s faire ou dire par
cy-après, dont l'on pourroit dire que je y auroie consenti... Pour ce, je proteste derechief que, s'il advient que je
soye fiancée ou mariée audit duc de Clesves, en quelque sorte ou manière que
ce soist ou puist advenir, ce sera ou aura esté contre mon cueur et ma
volonté... Reprenons le récit de notre chroniqueur : Le bal et danses finies, entrèrent le roy et royne de Navarre, madame la princesse ; leur fille, avec grand c nombre de princes, seigneurs, princesses, dames c et damoiselles, et, eulx entrez, le roy print par les mains ledict duc de Clèves et princesse de Navarre, sa niepce, et, après avoir parlé avec eulx par quelque espace de temps, les présenta au révérendissime cardinal de Tournon qui les fiança ; et pour la mémoire, eulx fiancez, le roy leur donna quelques legers et amoreulx coups sur leurs espaulles ainsi qu'on a accoustumé faire en telz actes. Adonc chescun se resjouyt... Le chancelier Olisleger ajoute les détails suivants : Jeanne était conduite par le roi, le duc par le dauphin. Le cardinal de Tournon demanda au duc s'il voulait épouser la princesse d'Albret et à la princesse si elle acceptait le duc ; tous deux répondirent affirmativement et le duc embrassa sa fiancée[117]. Suivant l'historien Bordenave, Jeanne d'Albret resta muette au moment où le prélat lui demandait son consentement ; mais comme le prélat réitérait sa question, elle lui répondit vivement à la troisième fois : Ne me pressez pas. Il assure tenir le fait de la bouche de Jeanne d'Albret elle-même[118]. Le lendemain mardi, 14 juin, était le jour du mariage. Le matin, avant l'heure fixée pour la cérémonie, Jeanne dressa une nouvelle protestation : Moi, Jehanne de Navarre... et que voyez et cognoissez que je suis constraincte et forcée, tant par la royne, ma mere, que par ma gouvernante, au faict du mariage poursuyvi du duc de Clesves et de moy, et que aussi voyez comme l'on veult, contre mon vouloir, faire quelque solempnité de mariaige, que je dis et déclaire que je persevere en madite protestation faite devant vous le jour des prétendues fiançailles entre ledit duc de Clesves et moy et ès autres protestations que j'en ay par cy-devant faites, tant de parolles que par escript, et que ladite solempnité et toutes autres choses qui y seront faites seront contre mon vouloir et qu'elles sont nulles, comme falotes ou consenties par force ou contrainte, nous appelant aussi à tesmoings et priant de signer la présente avec moy, espérant, avec l'ayde de Dieu, qu'elle me servira quelquefois[119]. La seconde protestation porte comme la première les signatures de Jehanne de Navarre, J. d'Arros, Francisque Navarre et Arnaul Duquesse. Furent-elles dressées à l'insu de François Ier ? Il y a si peu de franchise dans la politique de ce prince qu'on ne peut percer le mystère. Il est possible qu'elles aient été autorisées par le roi comme un acte de précaution pour le cas où sa politique, qui commandait aujourd'hui l'exécution de ce mariage, commanderait plus tard de le dissoudre. D'un autre côté, les circonstances accessoires, le choix des signataires, serviteurs obscurs de la maison de Navarre, l'absence de témoins importants, le style de la pièce, qui accuse une grande inexpérience, le soin de faire écrire la princesse elle-même, indiquent qu'elle agissait dans le plus grand secret et qu'on redoutait de faire des confidences. Pendant la matinée, on avait dressé dans le pavillon, où avait eu lieu le bal de la nuit précédente, ung autel riche, paré de drap d'or, auquel estoyent les armories du duc de Clèves et princesse de Navarre ; et devant ledit autel estoyt ung riche ciel ou poisle de velours cramoisy et drap d'or. Le roi fit son entrée à onze heures, suivi de la cour ; Marguerite conduisait sa fille ; les princes et le dauphin accompagnaient le duc de Clèves. Les ambassadeurs du pape, d'Angleterre, de Portugal, de Venise, de Saxe, de Ferrare et de Mantoue assistaient à la cérémonie. François de Bonvalot, expressément invité, s'était excusé sous un prétexte[120]. La princesse de Navarre portait une couronne d'or, un manteau de satin violet cramoisi fourré d'hermine, et deux jupes d'argent et d'or, galonnées de pierres précieuses. A son entrée le duc la salua et lui passa au doigt une bague en diamant. Soit qu'elle fût accablée sous le poids de sa toilette, soit qu'elle voulût protester jusqu'à la dernière heure, elle refusa de marcher à l'autel. Le roi commanda alors au connétable de Montmorency de prendre sa petite niepce au col et de la porter à l'autel. La cour vit avec stupéfaction le premier dignitaire du royaume s'acquitter d'une mission si fort au-dessous de son rang. La reine de Navarre, qui n'aimait pas le connétable, assistait à l'humiliation de son ennemi. Voilà, dit-elle, celuy qui me vouloit ruiner autour du roy, mon frère, qui maintenant sert à porter ma fille à l'église. Le connétable, fin courtisan, prévit alors sa disgrâce ; il se tourna vers ses amis et leur dit : C'est fait désormais de ma faveur ; adieu lui dis[121]. Les nouveaux époux, assistés, la princesse par sa mère, le duc par le dauphin, prirent place sous le dais de velours cramoisi et la messe fut célébrée par l'évêque de Sisteron. Fut chouse melodieuse d'ouyr la musique durant ladicte messe[122]. Après la cérémonie un héraut d'armes cria largesse de la part du duc de Clèves et jeta à la foule quantité d'or et d'argent, lequel fut fort bien acceuilly par aulcuns. On servit le dîner dans une salle du château entièrement tendue de drap d'or et les hérauts d'armes montrèrent aux convives de magnifiques vases d'argent doré donnés par le roi aux nouveaux époux. Jeanne était assise au milieu de la première table ; à sa droite elle avait les ambassadeurs, excepté celui de Portugal, qui s'était retiré après la cérémonie religieuse, et celui de l'empereur, qui n'avait pas paru ; à sa gauche, la reine de France, la dauphine, la reine de Navarre, le duc de Clèves, la princesse de la Roche-sur-Yon. Le roi présidait la seconde table ; à sa droite étaient la duchesse de Nevers, le cardinal de Lorraine, la comtesse de Vertus, le cardinal de Ferrare ; à sa gauche la duchesse d'Estampes, mademoiselle de Macé, la dauphine, Diane de Poitiers, et le duc d'Orléans ; en face de lui le roi de Navarre. Après le dîner, le bal. Après le bal, le souper ample, somptueux et magnifique ; après le souper un nouveau bal. Les danses furent interrompues par une série de momeries, mascarades conduites par des seigneurs déguisés, plusieurs de la façon la plus inattendue. La première momerie se composait de seigneurs vêtus en crieurs d'oublies ; ceux de la seconde portaient des horloges et des ailes ; on vit successivement des rabbins, des Turcs, des autruches, des Cordeliers, etc. L'entrée de chaque nouvelle recrue de danseurs ranimait le bal qui se prolongea fort avant dans la nuit. Le jeune âge de Jeanne d'Albret ne permettait pas de la
laisser aux bras de son époux. Le mariage ne fut donc pas consommé. Cependant
François Ier exigea que le duc de Clèves entrât devant témoins dans le lit de
la jeune princesse. Voici dans quels termes Bordenave, l'historiographe de Jeanne
d'Albret, raconte ce fait : Le soir, l'espous fut
mené en la chambre et au lict de l'espousée, auquel il mit l'un pié seulement
en la présence de l'oncle et des père et mère de la fille et de tous les plus
grands seigneurs et dames de la cour, qui ne bougèrent de là qu'ils n'eurent
mis dehors le povre espous pour aller coucher ailleurs ; ainsi il n'eut de
tout ce mariage que du vent[123]... Le docteur Olisleger donne d'autres détails, que nous traduisons complètement, malgré leur naïveté tout allemande : Dans la chambre, qui est de coustume celle du roy, le duc et la princesse, dans leur chemise, l'un près de l'autre, dans le lit ont couché. Alors le roi a fait sortir tout le monde, excepté le roi et la reine de Navarre, madame d'Estampes, la grande maîtresse de cour, Louis, Monseigneur de Nevers et deux gentilshommes du duc. Le roi a tiré les rideaux et s'est mis dans l'embrasure de la fenêtre avec les autres, en tenant des propos joyeux jusqu'à une heure du matin. Ensuite on a repris Mon- seigneur le duc, et le roi et la reine de Navarre l'ont conduit dans sa chambre. Le roi a pris le duc sous le bras et l'a appelé mon fils. Lorsque le roi se fut couché, le roi et la reine de Navarre vinrent près du lit du duc et causèrent longtemps et amicalement avec lui[124]. Le lendemain le duc envoya à la princesse de splendides présents, un collier en diamants, une ceinture de pierres précieuses, des bracelets et des bagues. Les fêtes recommencèrent. Le dauphin, le duc d'Orléans entrèrent aux lices et rompirent plusieurs lances. Le surlendemain était le jour de la Fige-Dieu ; le roi assista à la procession avec les princes de sa maison ; le dauphin, le roi de Navarre, les ducs de Clèves et d'Orléans tenaient le dais. Le roi signa un édit portant création d'un maitre de chaque métier en l'honneur des nouveaux époux[125]. Les jours suivants furent employés à de nouvelles réjouissances, à des tournois, à des bals et surtout à des festins dont le souvenir devait rester cher à un prince allemand. Clément Marot était un des assistants à ces fêtes[126]. Le vendredi, 17 juin, le dauphin donna un grand festin dans les bois près de Châtellerault ; le dauphin, le duc d'Orléans, son frère, le duc de Nevers, le comte d'Aumale, fils du duc de Guise, avaient fait élever en pleine forêt quatre perrons peints à leurs couleurs et où pendait leur écu. Ce jeu, inspiré par les récits de l'Amadis de Gaule, avait pour objet de défier les chevaliers errants. Le perron du dauphin, plus tard Henri II, portait les couleurs de Diane de Poitiers, les bandes blanches et noires, insignes des veuves que la belle Diane n'avait jamais quittés. Ces vers de Marot étaient gravés à côté de l'écu du prince : Bons chevaliers errans, qui désirez honneur, Voyez le mien perron où maintiens loyaulté De tons parfaits amans, et soustiens le bonheur De celle qui conserve en vertu sa beaulté : Par quoy je veulz blasmer de grand deloyaulté Celluy qui ne vouldra donner ceste asseurance Qu'au demorant du monde on peuh trouver bonté, Qu'on deust autant priser que sa moindre science[127]. D'autres vers du même poète couvraient les côtés du perron : Ici est le perron D'amour loyale et bonne Où maint coup d'esperon Et de glaive se donne. Unq chevalier royal Y a dressé sa tente Et sert de cœur loyal Une dame excellente, Dont le nom gracieux N'est jà besoin d'escrire : Il est écrit aux cieux Et de nuit se peut lire. Cest endroict de forest Nul chevalier ne passe, Sans confesser qu'elle est Des dames l'outrepasse. S'il en doubte ou débat, Poinct ne suit qu'il présume S'en aller sans combat ; C'est du lieu la coutume[128]. Plusieurs chevaliers errants se présentèrent pour courre
la lance ; le dauphin resta vainqueur de tous ses adversaires : Princes et seigneurs feirent merveilles de bien chocquer
et ruer de grands coups, fendre les escuz, briser les lances, rompre les
espées, faulser les harnoys et enfoncer les heaulmes ; et se montrèrent fort
bons chevaliers, bien adextres et rudes au combat. Monsieur le dauphin et
ceulx de son party les receurent très vaillamment, où fut faict ung
chamailliz fort aspre... et monstroyent bien
par les grans coups qui se donnoyent la grand prouesse qui estoyt en eulx.
Mais de nouveaux spectacles attendaient le duc de Clèves à travers cette
forêt, enchantée comme la forêt d'Amide. Après le perron du dauphin se
trouvait un ermitage décoré d'emblèmes et de feuillage, d'où sortirent, au
moment du passage de la cour, deux ermites à barbe blanche, tenant ung asne sur lequel estoyt ung singe qui faisoit bonne
mine. Sous cette plaisanterie, digne de Rabelais, se cache peut-être
une flatterie à l'adresse des tendances luthériennes du duc de Clèves. Plus loin était le perron du duc d'Orléans, qui portait ces vers charmants de Marot : Voicy le val des constans amoreulx Où tient le parc l'amant chevalleureux, Oui n'ayma, n'ayme et n'aymera que une. D'icy passer n'aura licence aulcune Nul chevalier, tant soit preux et vaillant, Si ferme amour est en luy détaillant. S'il est loyal et veult que tel se trouve, Il luy convient lever pour son espreuve Ce marbre noir : et si pour luy trop poise Chercher affleura son adventure voise. La lice qui touchait au perron fut le théâtre de nouveaux combats. Le duc d'Orléans feist merveilles de bien jouxter, et à la rencontre furent brisées lances et escutz. Le perron du duc de Nevers n'avait pas de devise, mais celui du sire d'Aumale portait ces mots : nunc et semper vivat et ces vers de Marot : C'est pour la souvenance d'une Que je porte ceste devise, Disant que nul est soubs la lune Où tant de valeur soit comprise. A bon droict telle je la prise, Et de tous doibt entre estimée, Qu'il n'en est point, tant soit exquise, Qui soit si digne d'astre aymée. Si quelque ung, d'audace importune, Le contraire me veut débattre, Fault qu'il essaye la fortune Avecques moy de se combattre. Le soir le roi alla coucher au château de la Berlaudière et la cour revint à Châtellerault. Un terrible accident attrista l'un de ces tournois. Gaspard de Saulx-Tavannes, lieutenant de la compagnie d'ordonnance du duc d'Orléans, un des jouteurs les plus hardis, reçut un coup de lance dans la tête à la hauteur de l'œil ; il eut le courage d'arracher de ses propres mains le fer de la plaie. Dans la journée une partie de la cour le visita à son logis. A la nouvelle que le duc, son capitaine, était à la porte, Tavannes, malgré sa faiblesse, se lève, met l'épée à la main et se présente sous les armes[129]. La cour admira son héroïsme. Par une triste coïncidence, le 29 juin 1559, Tavannes était un des juges du tournoi où le roi Henri II perdit la vie, d'une blessure presque semblable. Des actes importants firent signés au milieu des fêtes. Le 1er juin, à Châtellerault, le roi rendit un édit fatal à la prospérité des provinces de l'ouest ; il supprima les greniers à sel et décida que l'impôt de la gabelle serait levé directement sur les marais salants, au moment de la récolte. Cet impôt frappait d'entraves l'unique industrie des gouvernements limitrophes de la mer. Il fut la cause d'un soulèvement qui commença en 1542 à la Rochelle, se renouvela en 1547, coûta la vie à Tristan de Moneins, gouverneur de Bordeaux, et qui ne put être étouffé que dans des flots de sang. On attribua cette charge nouvelle aux dépenses du mariage du duc de Clèves, et cette triste union reçut de son impopularité le surnom de noces salées[130]. Le 11 juin, le duc Guillaume et Jeanne d'Albret signèrent un acte notarié par lequel ils s'engageaient à ne rien aliéner des états de Navarre, de Béarn, de Bigorre et de Foix, sans l'autorisation expresse du rot, même en faveur du dernier survivant ou par institution contractuelle en faveur des enfants[131]. Restait l'alliance entre le roi de France et le duc de Clèves qui n'avait encore été l'objet que d'engagements conçus en termes généraux. Les plénipotentiaires des deux princes tinrent plusieurs conférences. Le 18 juin, le cardinal de Tournon et le maréchal Annebaut se concertèrent avec le chancelier Ghogreff et l'ambassadeur Cruser sur une action commune contre l'empereur. Le 19, ils eurent une seconde conférence, à laquelle assistèrent le maréchal de Wachtendouck et Gilbert Bayard, secrétaire du roi. Le roi ne voulait pas commencer la guerre, mais il était résolu à soutenir le duc contre son ennemi. Les ambassadeurs clévois ne croyaient pas à une attaque de l'empereur à cause du bon droit de leur mettre, et surtout à cause de l'appui que les princes allemands lui avaient promis. Cependant ils faisaient des réserves. Les duchés de Gueldre, de Julliers et de Clèves, disaient-ils, tiennent à la fois des Pays-Bas et de l'Allemagne, et les deux pays sont également intéressés à maintenir leur indépendance. En outre, le duc possède des forts inexpugnables, de l'artillerie, des capitaines, des armements capables de repousser une invasion imprévue. L'argent seul lui manque et, quel que soit le dévouement de ses sujets, il est à craindre que leurs ressources soient vite épuisées. Si le duc est attaqué subitement, il suffira à la première résistance ; ce sera le devoir de ses alliés de lui porter secours en attaquant l'empereur de plusieurs côtés, en obligeant l'ennemi à diviser ses forces. Les ambassadeurs clévois proposaient donc aux ministres du roi d'étendre la portée de l'alliance défensive à tous les cas où l'un des deux princes serait attaqué par les impériaux. Ces propositions ne contentaient pas François Ier ; il ne négociait pas avec les princes allemands depuis vingt ans, il n'avait pas donné sa nièce au duc de Clèves uniquement pour acquérir le droit d'user les forces de la France à son profit ; il voulait transformer l'alliance défensive en une alliance offensive, capable de briser le sceptre impérial entre les mains de Charles-Quint. Le cardinal de Tournon exposa les exigences du roi, mais les plénipotentiaires du duc refusèrent de s'engager au-delà d'une garantie défensive et réciproque ; ils devaient, dirent-ils, consulter les États des duchés ; la négociation finit là, malgré les instances du cardinal, et fut ajournée à des conférences ultérieures[132]. Le dimanche, 19 juin, le roi présida à de nouveaux tournois ; le roi de Navarre, le dauphin, le duc d'Or Mans, le duc de Clèves, le roi lui-même, y prirent part. Ce fut le dernier jour de fête. Le 20, le duc prit congé de la cour. Le bruit s'était répandu en Allemagne que François In le retenait prisonnier, en gage des droits qu'il prétendait tirer, sur la Gueldre, du traité du 13 octobre 1534, et qu'il ne lui rendrait le duché que comme dot de Jeanne d'Albret[133]. Un de ses conseillers, Karl Harst, ambassadeur en Angleterre, avait envoyé, le 4 juin, de Londres, à Dusseldorf, pour demander la vérité et proposer tout un plan d'évasion hors du royaume de France. Karl Harst croyait que Charles-Quint et François Ier s'entendaient contre son maitre. Olisleger, en réponse, lui envoya le récit des fêtes de Châtellerault[134]. Le 22 juin, le duc Guillaume s'arrêta à Loches, le 25 à Orléans. Il y reçut d'importantes nouvelles de Ratisbonne. L'empereur avait saisi la diète de la prétendue rébellion de son vassal ; Granvelle présenta un mémoire où les réserves du suzerain étaient compendieusement établies, au nom de l'ancien droit germa. : nique. Charles-Quint déclara lui-même qu'il avait mandé le duc à Ratisbonne, mais que, au lieu d'obéir, Guillaume s'était retiré en France. Les ambassadeurs de Clèves ripostèrent au mémoire du chancelier ; ils offraient de donner des explications équitables coram paribus et soumettaient la cause de leur maitre à l'arrêt de la diète, mais l'empereur refusa de les laisser discuter. Cependant la diète était favorable au jeune prince et plusieurs assistants, notamment le duc de Brunswick et le landgrave de Hesse, voulurent intercéder en sa faveur. Charles-Quint, voyant que la majorité se dessinait contre lui, signifia à l'assemblée qu'il aviserait seul. L'échec de cette accusation combla de joie le duc de Clèves ; il envoya ces bonnes nouvelles au roi, à la reine de Navarre, au cardinal de Tournon, en leur recommandant le secret[135]. Le 26, le duc arriva à Arthenay, le 27 à Angerville, le 28
à Montléry ; le 29, il fit une entrée triomphante à Paris, et alla loger dans
l'hôtel du maréchal Annebaut, près la rue Saint-Antoine. Le 30, il prit
possession de son siège au parlement comme époux d'une file de France. Il se
présenta à la cour, accompagné du duc de Nevers et de l'évêque de Séez. Les
conseillers Louis du Bellay, François Disque, Jacques le Roux et Jean Rennequin
le reçurent à la porte de la Sainte-Chapelle. Le prince dit qu'il venait faire la révérence à la cour, comme l'honneur luy
appartenoit. Il fut complimenté par François de Monthelon, président,
plus tard chancelier de France, et prit place à son rang. Une cause fut
appelée et plaidée devant lui, mais on remarqua qu'au moment de rendre
l'arrêt le président négligea de lui demander son opinion[136].
Le même soir il visita le château de Vincennes. La satisfaction qu'il
éprouvait de la brillante réception que lui avaient faite les villes, le roi
et la ville de Paris, lui dictait des lettres de remerciement. Le 30 juin, il
en écrivit une au roi, et le lendemain au roi, à la reine et à la princesse
de Navarre. Marguerite encourageait ses espérances : Le
roi, dit-elle, a esté fort ayse de ce que
tousd ses subjects vous montrent, par l'onneur qu'ilz vous hont faict en la
vile de Paris, l'amour qu'il vous porte, laquelle, je vous asseure, croist
tous les jours, et souvent regrette votre absance[137]. Le 1er juillet, le duc de Clèves repartit pour l'Allemagne ; il s'arrêta à Saint-Denis, visita les tombeaux des rois de France et coucha à Nantouillet, résidence du chancelier Duprat, le 2 à La Ferté-Milon, le 3 au château de La Fère, appartenant à Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, où il remarqua une volière et une ménagerie, composées d'animaux rares, le 4 à Reims, à l'abbaye de Saint-Remy ; l'abbé, le cardinal de Lenoncourt, lui fit une réception solennelle. Le 5, de Pont-Faverger, il renvoya le duc de Nevers, son écuyer d'honneur, avec de nouvelles lettres de remerciaient au roi de France, au dauphin, au roi, à la reine et à la princesse de Navarre. Le 6, il passa à Sedan, où le gouverneur, Jean de Horst, lui donna, sur la traversée des Pays-Bas, des renseignements qui le décidèrent à reculer jusqu'à Metz. Il y arriva le 9 juillet[138]. A Metz commençaient les difficultés du voyage. Le duc avait obtenu facilement un sauf-conduit du duc de Lorraine, mais il était à craindre que, sur ses terres, l'empereur n'et semé la route d'embuscades. Le bruit s'en était répandu en Prame et en Allemagne ; Guillaume avait demandé un sauf-conduit et une escorte à la reine de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas ; elle avait répondu avec des réticences qui laissaient le champ ouvert à toutes les interprétations, et n'avait pas envoyé l'escorte. Malgré la vigilance du duc et de sa mère, les agents impériaux s'étaient créé des intelligences aux portes mêmes de Dusseldorf, dans les états héréditaires de Clèves. Les éclaireurs du roi signalaient des mouvements de troupes de mauvais augure dans les garnisons espagnoles. François Ier avait donné au duc de Guise, gouverneur de Champagne, des pleins pouvoirs pour assurer le retour du duc de Clèves, au besoin pour lever des troupes et former un cortège. Mais ces précautions étaient incomplètes ; le passage des Pays-Bas restait plein de dangers. La cour avait les yeux fixés sur le héros de cet aventureux voyage. Le roi demandait des nouvelles à tous ses agents. La reine Marguerite envoya un messager au duc et écrivit au chancelier Ghogreff : Le desir que j'ay de sçavoir comme se porte monsieur mon filz me faict luy envoyer ce porteur exprès. Je vous prye que par luy vous m'escripvez bien au long, tant de la disposition de sa personne que de la façon de son voyage, par ou il sera passé et quels sauf-conduictz luy auront esté octroieez, que du bon traictement que luy aura esté fait, et de quy, a celle fin que j'en sçaiche bon gré a quy j'en seray tenue. Jeanne d'Albret écrivit à son époux pour la première fois et lui adressa une lettre pleine de grâce, où, après avoir parlé de sa faiblesse, elle promet que de bonnes nouvelles la remettront en santé : car il n'y a medecine au monde, dit-elle, quy puisse tant servir a ma santé que de savoir que la votre est bonne[139]. Les craintes furent vaines. Le 12, après une marche forcée de trois jours, le prince arriva à Trèves et fut très-bien reçu par l'électeur ; il apprit là que l'empereur avait prononcé devant témoins des menaces contre lui. Il renvoya à la cour son ambassadeur Cruser afin d'en informer le roi. Le lendemain il s'embarqua sur la Moselle jusqu'à Coblentz, descendit le Rhin et arriva le 16 juillet à Dusseldorf[140]. Le mariage de Jeanne d'Albret et du duc de Clèves avait été l'occasion d'une révolution éclatante à la cour. Le roi, s'abandonnant de plus en plus à l'empire de la duchesse d'Estampes, chassait successivement ses ministres, ses serviteurs, ses compagnons de jeunesse, à mesure qu'ils arrivaient à inspirer de l'ombrage à la favorite. Tel était le crédit de la belle Anne, que les ambassadeurs la recherchaient comme l'arbitre de la paix et de la guerre. La reine de France, Léonor de Castille, princesse flamande douce et sympathique, qui traversa en étrangère les vingt dernières années de ce brillant règne, s'humiliait elle-même devant cette puissance. Une lettre d'elle au grand commandeur de Léon parle des bonnes dispositions du roi pour la paix, de celles de madame d'Estampes, ce qui est le point capita, et conseille aux agents impériaux de ménager l'altière duchesse[141]. Quels aveux pour une sœur de Charles-Quint ! Et cependant la fidélité de la dame d'Estampes est contestée par les contemporains aussi bien en amour qu'en politique ; Le Bossut de Longueval, celui même que nous avons vu employé auprès du duc de Clèves, passait pour son amant[142] ; la reine Marguerite, dans ses lettres, fait des allusions à ses infidélités. Suivant Vincent Carloix, elle trahissait encore le roi en révélant des secrets politiques : elle avait donné aux agents impériaux la clef du chiffre de la correspondance du duc de Guise[143] ; dans une autre circonstance que nous exposons plus loin, elle dénonça les dispositions militaires du roi de Navarre. Mais la passion du roi allait jusqu'à l'aveuglement. Il affichait ses amours sans souci de la présence de la reine ; pendant les fêtes du mariage de la fille du maréchal Annebaut, à travers ses folies luxueuses, il ne parut occupé que de sa maîtresse, au grand scandale de l'ambassadeur de Charles-Quint. Les courtisans disaient par moquerie que l'estoile de Venus écrasoit l'estoile de Mars[144]. Voici dans quels termes le représentant des Pays-Bas, en avril 1541, signalait les diverses influences qui se partageaient la faveur du roi : Madame d'Estampes a plus de crédit que jamais. Monsieur le connétable la complète et luy faict la cour, mais son crédit diminue chaque jour. II a eu de grosses paroles contre le chancelier jusques à démentir. Le chancelier lui dict qu'il avait du papier dans ses coffres pour le payer comptant et pour luy dire faire quelque jour un mauvais tour. On présuppose qu'il n'en ira point moins que l'amiral... Le chancelier gouverne tout. Après luy le cardinal de Tournon et Monsieur de Annebaut sont ceulx qui ont le plus de crédit[145]. En donnant ces informations à la reine de Hongrie, de Vaux se montrait prophète. L'année précédente le connétable et la dame d'Estampes, réunis par leur intérêt commun, avaient obtenu la disgrâce et l'emprisonnement de l'amiral Philippe de Chabot Brion[146]. Mais Montmorency ne jouit pas longtemps de son triomphe. Il était l'ami du dauphin, l'adorateur du soleil levant et par conséquent suspect au roi, le courtisan de Diane de Poitiers et par conséquent l'ennemi de la duchesse d'Estampes[147]. Son insistance à se porter garant des promesses de Charles-Quint, lorsque l'empereur avait traversé la France, faisait dire à ses ennemis qu'il s'était vendu au grand ennemi du roi. La dame d'Estampes avait dit : C'est un grand coquin ; il a trompé le roy en disant que l'empereur lui donneroit de suite le Milanais quand il savoit le contraire[148]. Il osait contrecarrer la politique de son maître en Allemagne. La reine Marguerite l'accusait de travailler, de concert avec le chancelier Poyet et le cardinal du Bellay, à détacher du duc de Clèves les princes protestants. L'attitude de Montmorency donnait prise à ces attaques. Soit qu'il se Mt laissé gagner par l'empereur, comme l'assurait la dame d'Estampes, soit plutôt qu'il espérât raffermir son crédit par un service éclatant, il envoya au mois d'octobre le duc de Wurtemberg à la diète avec des instructions contraires aux lettres du roi. Cette démarche imprudente mit le comble à sa défaveur. Le roi le désavoua publiquement et recommanda expressément à ses alliés protestants de faire arriver leurs ambassadeurs auprès de lui et non auprès du connétable, qui cherchait à les attirer à Paris. Cruser, informé de ces tiraillements par la reine Marguerite, se hâta d'avertir le chancelier Ghogreff que le connétable avait perdu la confiance du roi[149]. Mais sa disgrâce n'alla pas jusqu'à la privation des biens ; il put recueillir les terres que le sire de Châteaubriand, soupçonné d'avoir fait périr sa femme, lui avait promises par donation pour étouffer les poursuites[150]. Il parut même à la cour ; mais le roi le tenait hors de ses conseils. On ne trouve pas une seule trace de son action politique dans les lettres échangées entre les cours de France et de Dusseldorf pendant le printemps de 1544. Ce silence est significatif. Enfin, le lendemain des fêtes de Châtellerault, le connétable reçut l'ordre de se retirer à Chantilly[151]. Malgré l'appui de ses amis et surtout du dauphin, il ne put jamais rentrer en grâce avant la mort de François Ier. La chute du connétable remit en faveur l'amiral Philippe de Chabot Brion. Il fut réintégré dans ses biens en avril 1544 ; par le crédit de madame d'Estampes suivant les uns, ou suivant les autres par les intrigues de sa jeune femme, dont la beauté avait attiré les regards du roi. Aussitôt rentré à la cour, il se hâta de réaliser le tiers ou le quart de sa fortune et de la faire passer en Bourgogne, dans les états impériaux, à l'abri des confiscations futures. Si l'on en croit les lettres de de Vaux, qui le vit après son retour, il prêtait volontiers l'oreille aux agents impériaux et, si on l'eust volu praticquer, on l'eust gainé aisément[152]. Le chancelier Poyet, devenu l'ennemi du connétable après avoir été longtemps son complice, fut disgracié à son tour. Sa faveur ne tenait qu'à sa servilité. Le roi, toujours appauvri par ses guerres continuelles, ses prodigalités, ses bâtisses et ses maîtresses, demandait chaque jour de nouvelles ressources. Poyet le servait avec une fertilité d'esprit et une audace sans limites. Ministre sans conscience et sans pudeur, il inventait des ventes d'offices, des gabelles, renouvelait les tailles plusieurs fois sous des noms différents, vendait la justice, créait des droits fiscaux, rançonnait les solliciteurs des trois états, pressurait les villes et les communautés religieuses ; il n'avait d'égards que pour les favoris du roi. Ses exactions s'ajoutaient aux impôts et augmentaient le poids des charges publiques ; il était devenu l'objet de l'exécration générale. Au commencement de 1541, le bruit se répandit que, sur sa proposition, les gentilshommes allaient être assujettis aux tailles, et les biens nobles dépouillés des moulins sur rivière. Grande émotion à la cour. Mais comment faire parvenir au roi les plaintes de sa noblesse ? personne n'osait parler au maitre. On s'avisa d'un moyen détourné ; un seigneur laissa tomber sans être vu dans la chambre de la dame d'Estampes une lettre supposée de l'empereur à son ambassadeur, qui traçait un tableau du mécontentement général[153]. La lettre passa sous les yeux du roi et, jointe à d'autres plaintes, fut l'acte d'accusation du chancelier. En outre Poyet avait déplu à la dame d'Estampes[154]. Cependant il ne fut arrêté que le 1er août 1542 ; dégradé après une longue détention, il fut condamné le 24 avril 1545 à d'énormes amendes[155]. La disgrâce du connétable et du chancelier, correspondant avec un changement de la politique royale, décida l'empereur à changer aussi son ambassadeur en France. Jusqu'à cette date ce poste avait été occupé par François de Bonvalot, beau-frère de Granvelle, abbé de Saint-Vincent et de Luxeuil, plus tard archevêque de Besançon. Il eut pour successeur Jean de Saint-Mauris, autre beau-frère de Granvelle. La dernière lettre de Bonvalot est du 8 août 1541, la première de Saint-Mauris du 28 août[156]. Les gages du nouvel ambassadeur furent fixés à six ducats par jour ; ils firent portés à huit après le traité de Crespy, dont cinq payables par le trésor d'Espagne et trois par le trésor des Flandres[157]. |
[1] Commentaires de Chartes-Quint publiés par M. Kervyn de Lettenhove, p. 55. — Ferreras, Hist. gén. d'Esp., trad. de Vaquette d'Hermilly, t. X, p. 221.
[2] Bibl. nat., f. fr., vol. 2979, f. 123. Copie du temps.
[3] Dumont, Corps diplomatique, t. IV, 2e partie, p. 160.
[4] Conrad de Héresbach, né le 2 août 1496, mort le 14 octobre 1578, devint en 1523 gouverneur du prince Guillaume et plus tard son conseiller intime, fonctions qu'il garda plus de quarante ans. Il remplit aussi des fonctions diplomatiques. Il a laissé des commentaires sur Hérodote, Thucydide, Strabon, les psaumes de David et des traités de grammaire, le tout en latin.
[5] Papiers d'État de Granvelle, t. II., p. 559, dans la Coll. des doc. inédits ; instruction de Charles-Quint datée du 5 nov. 1539.
[6] Lettre de Marguerite d'Autriche à l'empereur (Lens, Correspondance de Charles-Quint, t. II, p. 295).
[7] Mémoires de Ribier, t. I, p. 497 et 500.
[8] Mémoires de Ribier, t. I, p. 494.
[9] Ces documents sont conservés aux archives de Dusseldorf et forment un recueil factice relié avec une pagination suivie (Julich-Berg, n° 17).
[10] Lettre de François Ier à Guillaume de Clèves du 25 mars 1540 (Julich-Berg, n° 17, f. 36).
[11] Archives de Pau, E. 562.
[12] Instruction du roi de Navarre au s. d'Izernay, envoyé vers le prince Frédéric de Bavière, datée du 6 février 1532 (1533) (Bibl. nat., f. fr., vol. 3015, f. 18).
[13] Lettre de Frotté, secrétaire de la reine de Navarre, au duc de Clèves, du 26 mars 1540 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 37).
[14] Lettre du roi Ferdinand au duc de Clèves du 2 avril 1540 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 41).
[15] Lettre de Charles-Quint au duc de Clèves (Archives de Bruxelles, Correspondance de Charles-Quint avec Marie de Hongrie, f. 7, copie authentiquée).
[16] Lettre de Boisrigant, ambassadeur en Suisse, au connétable, du 16 avril 1540 (Mémoires de Ribier, t. I, p. 518). — Lettre à l'archevêque de Séville (Gachard, Troubles de Gand, p. 681).
[17] Minute du 10 mai 1540 (Julich-Berg, n° 17, f. 30 et 31).
[18] Henri Bars, dit Olisleger, était le fils d'un presseur d'huile à Wesel ; il fit ses études en 1511 à Cologne, où il obtint une chaire de droit. Il alla à la cour de Clèves, épousa une fille naturelle de Jean III et fut nommé, après Jean Ghogreff, chancelier du duché. Il acquit une grande influence, et, après la révolte de Munster, il dirigea les négociations religieuses avec Cologne. Jusqu'à sa mort (1575) il fut un adversaire du parti impérial. (Wolten, Conrad de Heresbach et la cour de Clèves en son temps, Elberfeld, 1867, in-8°.) Il a écrit un récit du voyage du duc de Clèves en France qui a été publié par M. le docteur Harless dans le tome Ier de Zeitschrift des Bergischen Geschichtsverein.
[19] Délibération du conseil du duc de Clèves datée du 19 juin1540 (Julich-Berg, n° 17, f. 45 et 47).
[20] Instructions du duc de Clèves à ses ambassadeurs, du 21 juin 1540 (Julich-Berg, n° 17, f. 82 et 47).
[21] Claude d'Annebaut, baron de Retz, d'une ancienne famille de Normandie, maréchal de France en 1538, amiral en 1543, mourut en 1552.
[22] Lettres du duc de Clèves au roi, au cardinal de Lorraine, à la reine de Navarre, au cardinal du Bellay, à Frotté, au roi de Navarre, au chancelier, à Le Bossut de Longueval, au maréchal Annebaut, à la duchesse d'Estampes, aux ambassadeurs de Clèves en France, les unes sans date, les autres datées du 21 juin 1540 ; pleins pouvoirs du duc à ses ambassadeurs datés du 21 juin (Julich-Berg, n° 17, f. 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 78, 125). La lettre adressée au connétable est conservée à Paris (Bibl. nat., f. fr., vol. 3005, f. 423). Les pouvoirs des ambassadeurs, en latin, sont imprimés dans les Mémoires de Ribier, t. I, p. 529.
[23] Lettre de Bonvalot à l'empereur du 5 août 1540 (Arch. nat., K. 1485, n° 17).
[24] Cette pièce n'est ni signée ni datée, mais il s'en trouve une copie dans une suite de lettres adressées au roi (f. fr., vol. 3127, f. 100) et une autre dans les archives de la maison d'Albret à Pau (E. 572). Elle nous paraît donc avoir toute l'authenticité désirable.
[25] Lettre de Cruser à Ghogreff, du 2 juillet 1540 (Julich-Berg, n° 16, pièce 2).
[26] Lettre des plénipotentiaires au duc, du 14 juillet 1540 (Julich-Berg, n° 17, f. 97 et 102).
[27] Lacomblet, Urkundenbuch für die Geschichte des Niederrheins, t. IV, 2e partie, p. 667. Ce traité fut ratifié par le roi le 10 septembre (ibid., p. 668). Il est imprimé aussi dans le Corps diplomatique de Dumont, t. VIII, p. 196.
[28] François Olivier, né en 1493, avocat, conseiller du roi, maitre des requêtes, président à mortier, chancelier d'Alençon et enfin deux fois chancelier de France sous Henri II et sous François II. Il mourut en 1560.
[29] Nous publions aux Pièces justificatives ce contrat de mariage d'après l'original, conservé aux Archives de Pau (E. 572). Un éditeur moderne le cite comme imprimé par Léonard (Recueil de traités, t. II, p. 468) sans s'être aperçu que le contrat reproduit par Léonard est celui de Jeanne d'Albret et du duc de Vendôme.
[30] La ratification du traité est imprimée dans Mémoires de Ribier, t. I, p. 538. — La ratification du contrat de mariage, signée du duc et scellée de son sceau, est jointe à l'original du contrat (Arch. de Pau, E. 572).
[31] El rey le dijo : Vos me disisteis en Fontenebleo, en presencia de vuestra madre que vos erais contenta de casar con el duque. (Rapport de Descurra, Arch. nat., K. 1492, n° 14.)
[32] Lettre de Gruger au chancelier Ghogreff du 13 août 1540 (Julich-Berg, n° 17, f. 142).
[33] Lettres de Bonvalot à l'empereur des 5, 10 et 21 août 1540 (Arch. nat., K. 1485, n° 17, 18 et 20).
[34] Résumés de chancellerie, d'août et septembre 1540 (Arch. nat., K. 1485, n° 22 et 66).
[35] Lettres des conseillers du duc de Clèves et du duc lui-même du 8 août 1540 (Julich-Berg, n° 17, f. 132, 417, 418, 419 et 420). — Lettre de Marguerite à Ghogreff (ibid., f. 43). Cette lettre est imprimée aux Pièces justificatives.
[36] Lettre du chancelier Ghogreff au docteur Olisleger du 15 août 1540 (Julich-Berg, n° 17, f. 32).
[37] Lettre de l'archiduc Ferdinand à Marie de Hongrie du 19 août 1540 (Arch. de Bruxelles, Lettres de l'archiduc Ferdinand, f. 189).
[38] Lettres du duc et de ses conseillers du 14 et du 23 juillet 1540 (Julich-Berg, n° 17, f. 102, 104 et 106).
[39] Résumée de chancellerie de septembre 1540 (Arch. nat., K. 1485, n° 22 et 66).
[40] Lettres de Bonvalot à l'empereur du 5 août et 10 août (Arch. nat., K. 1485, n° 17 et 18).
[41] Lettre des conseillers du duc du 8 juillet 1540 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 48).
[42] Lettre de Bonvalot du 10 août 1540 (Arch. nat., K. 1485, n° 18). Il est à regretter que l'ambassadeur ne nous donne pas de détails sur les causes de cette rancune. — Ainsi tombe l'historiette de la bague de prix que l'empereur aurait laissée tomber aux pieds de la belle duchesse.
[43] Lettres de Bonvalot à l'empereur du 5 août, 10 août, 21 août et 4 septembre (Arch. nat., K. 1485, n° 17, 18, 20 et 23).
[44] Lettres de Bonvalot à l'empereur des 5 et 10 août (Arch. nat., K. 1485, n° 17 et 18).
[45] Lettres de Bonvalot à l'empereur des 5 et 21 août et 4 septembre (Arch. nat., K. 1485, n° 17, 20 et 21).
[46] Lettre de Cruser au chancelier Ghogreff, du 1er septembre 1540 ; de Dorinck à Ghogreff, du 27 septembre ; du duc de Clèves à Ghogreff, du 27 septembre ; des conseillers du duc à Cruser, du 48 octobre ; de Cruser à Ghogreff, du 9 octobre ; de Vergerius à la reine de Navarre, du 18 décembre ; de l'évêque de Montpellier à la reine de Navarre, du 12 décembre ; des conseillers du duc à Cruser, du 16 décembre (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 47, fol. 147, 154, 461, 163, 165, 168, 170, 173).
[47] Lettre de Bonvalot à l'empereur du 5 août 1540 (Arch. nat., K. 1485, n° 17).
[48] Lettre de Bonvalot à l'empereur du 14 août 1540 (Arch. nat., K. 1485, n° 19).
[49] Lettre de Bonvalot à l'empereur, sans date, mais que nous croyons de la fin de 1540 (Arch. nat., K. 1485, n° 27).
[50] Lettres de Bonvalot à l'empereur du 21 août, des 4 et 5 septembre 1540 (Arch. nat., S. 1485, n° 20, 21 et 22).
[51] Papiers d'État du cardinal Granvelle, t. II, p. 601.
[52] Lettres de Bonvalot à l'empereur du 21 août, des 4 et 5 septembre 1540 (Arch. nat., K. 1485, n° 20, 21 et 22).
[53] Lettre de Charles-Quint à Bonvalot, sans date (automne 1540) (Arch. nat., K. 1485, n° 8).
[54] Mémoire de Bonvalot à l'empereur, sans date (février 1541) (Arch. nat., K. 1485, n° 27).
[55] Lettre de Bonvalot à l'empereur du 16 février 1541 (Arch. nat., K. 1485, n° 28). Cette lettre est en français.
[56] L'original de cet acte de donation est conservé aux archives royales d'Espagne, à Simancas. Il porte un sceau d'or (Gachard, Correspondance de Philippe II, t. I, p. 33, note).
[57] Déclaration du 8 et du 10 septembre 1540 ; lettre de Cruser à Ghogreff, du 9 octobre ; de l'évêque de Montpellier à la reine de Navarre, du 12 décembre ; du cardinal de Tournon au duc, du 15 janvier 1541 ; de Barnabé de Vore à la reine de Navarre, du 25 janvier 1541 ; du roi au s. de Bernin ; du duc à Ghogreff, du 18 février ; des conseillers du duc à Wachtendouck et à Olisleger et à Ghogreff, du 25 février ; de Cruser à Ghogreff, du 25 mars et du 30 mars ; d'Olisleger à Ghogreff, du 11 mars (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, fol. 123, 161, 165, 170, 176, 180, 469, 470, 181, 190, 200, 209, 211, 214 ; — Ibid., n° 16 1/2, pièce 1).
[58] Lettre du s. de Vaux du 8 avril 1541 (Arch. de Bruxelles, Correspond. de Charles-Quint avec Marie de Hongrie, f. 34).
[59] Lettre de l'évêque de Montpellier, ambassadeur à Venise, à la reine Marguerite, du 12 décembre 1540 ; lettre de Cruser à Ghogreff (Arch. de Dusseldorf ; Julich-Berg, n° 17, f. 170 et 209).
[60] Ce personnage n'est pas autrement nommé dans la lettre de créance du duc de Clèves, datée du 18 février (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, fol. 184).
[61] Lettre de Frotté au duc du 16 janv. 1541, du duc à Ghogreff du 18 février 1541, de Ghogreff à Olisleger du 22 février 1541, des conseillers du duc à Olisleger, s. d., autre lettre à Ghogreff du 23 février 1541 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 177, 181, 187, 190, 195).
[62] A la suite du mariage de Jeanne d'Albret avec le duc de Clèves, Descurra adressa à l'empereur un mémoire détaillé où les moindres circonstances sont rapportées. C'est ce mémoire qui nous a servi de guide dans le récit qui va suivre. Il est écrit en espagnol. Il est conservé aux Archives nationales, K. 1492, n° 14.
[63] Lettre des conseillers du duc à Ghogreff du 25 février 1541, et à Olisleger du 27 février (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 200 et 205).
[64] Lettres d'Olisleger à Ghogreff du 11 mars 1541 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 16, f. 1). Lettres de Cruser à Ghogreff du 25 mars et du 30 mars (Ibid., n° 17, f. 209, 216, 214 et 211).
[65] Lettre du s. de Vaux du 8 avril 1541.
[66] Rapport de Descurra.
[67] Lettre de Vergerius à la reine de Navarre du 18 décembre 1540 ; lettre de Cruser au duc de Clèves du 15 janvier 1541 ; lettre du cardinal de Tournon au duc du 15 janvier 1541 ; lettre de Barnabé de Vote à la reine de Navarre du 25 janvier 1541 (Archives de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 168, 174, 176, 180).
[68] Lettres de l'empereur au duc de Clèves (Arch. de Bruxelles, Correspondance de Charles-Quint avec Marie de Hongrie, f. 3, copie authentiquée). Ces lettres sont imprimées aux Pièces justificatives.
[69] Lettre de l'empereur aux États du duché de Gueldres et comté de Zutphen (ibid., f. 7, copie authentiquée).
[70] Acte de nomination des députés du duc de Clèves (Lacomblet, Urkundenbuch für die Geschichte des Niederrheins, t. IV, 2e partie, p. 669).
[71] Mémoire daté du 11 avril 1541 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 16, pièce 15).
[72] Zeitschrift des Bergischen Geschichtsvereins, t. I, p. 1. M. le docteur Marielle, archiviste d'état à Dusseldorf, a publié dans ce recueil une chronique du voyage du duc Guillaume en France, rédigée par le docteur Olisleger.
[73] Lettres des conseillers du duc, du duc de Clèves, du roi, du duc de Nevers, du roi de Navarre, du cardinal de Tournon et autres, écrites du 10 au 25 avril 1541 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 218, 438, 220, 439, 455, 458, 221, 222, 223, 224, 227 et 249).
[74] Lettre à Ghogreff sans date ni signature ; lettre de la reine de Navarre au duc, sans date (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 227 et 459). Cette dernière lettre est imprimée aux Pièces justificatives.
[75] Lettre du s. de Vaux à la reine de Hongrie du 8 avril 1541 (Arch. de Bruxelles, Correspondance de Charles-Quint avec Marie de Hongrie, f. 34, copie authentiquée).
[76] El principe respondio que su hija era de tierna edad para casar tan presto y que de aqui a dos annos se podria casar y nos autes porque en muguna manera se sufria poder dormir ella con hombre por estar muy flaca y debilitada. (Rapport de Descurra.)
[77] Lettres de Marguerite d'Angoulême, édit. de la Soc. de l'hist. de France, t. II, p. 188. Il est plusieurs fois question de ce mariage dans les Mémoires de Ribier, dans les Papiers d'État de Granvelle, et dans les lettres inédites de Bonvalot que nous avons déjà analysées.
[78] Lettre de Marguerite au duc de Clèves (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 432). Cette lettre est imprimée aux Pièces justificatives.
[79] Lettres du duc au roi de Navarre, au roi de France, au cardinal de Tournon, à la reine de Navarre et réponse de Marguerite écrites du 25 au 30 avril 1541 (Archives de Düsseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 225, 247, 248, 432, 431). La lettre de Marguerite est imprimée aux Pièces justificatives.
[80] El duque de Cleves envio a decir al rey que el era venido con confianza de casas con su sobrina como el le tenia ofrecido, y le suplicaba que en ello no hubiese falta porque sobre su palabra y seguro habia venido. (Rapport de Descurra.)
[81] Nous publions aux Pièces justificatives la remontrance des États de Béarn, d'après une copie du temps conservée aux Archives de Pau (E. 572).
[82] .... gran y valerosa persona... (Rapport de Descurra.)
[83] Y vos le direis al rey de Navarra, mi hermano, que el y a tiene prometido al duque de Cleves de caser su hija con el y lo prometido ha de cumplir. Y cuando el no lo quisiese hacer, el duque estan hombre de bien que se lo demandara ; y si mucho me hace yo casare a su hija no como à a la princesse de Navarra, sino como hija de Albret. (Rapport de Descurra.)
[84] No lloreis, senora, que vos sois causa de todos estos males ; sino fuera por vos yo me remediaria antes que en esto vimeran las cosas. (Rapport de Descurra.)
[85] Protesto desde ahora ante vos otros que no quiero ni tango voluntad de casarme con el duque de Cleves y juro desde ahora de no ser muger suya. Y si por caso prometiese yo de ser su esposa y muger, sera por el temor que tango que el rey al rey, my padre, le hara mal. Y esta protestacion hago ante vos otros para que seais testigos ; y firmo esta escritura y protestacion y ruego à vos otros que le firmeis por testigos. (Rapport de Descurra.)
[86] Que aprovedia que se baga eso y despues vos aviserais como habeis acostumbrado. (Rapport de Descurra.)
[87] Senor, yo os prometo mi fe que yo jamu lo diga al rey ni a persona del mundo ; y os doy tal palabra y seguridad. Y os suplico que se haga la protestacion. Y yo hare con el rey y el claque que no haya con su mano de matrimonio sino solo desposar. Y hecha esta diligencia, la padremos casar con el duque de Orliens de aqui à tres o cuatro anos. Y ahora luego que fuere disposada yo hare que mi hija venge a Bearne. Y esto negociare con el mismo duque que hable al rey para que venge nuestra hija a ver a nuestrœ subditos. (Rapport de Descurra.)
[88] Sea asi puesque asi quereis ; mas sabed que si de esto hiciere sentimiento el rey, yo la tomo sobre vos ; y os prometo que sera en tan mala veyez para vos como nunca fus para muger. (Rapport de Descurra.)
[89] Cette première protestation ne nous est connue que par le rapport de Descurra ; elle ne doit pas âtre confondue avec celles que Jeanne signa plus tard ; mais le premier acte d'opposition qui soit arrivé jusqu'à nous, daté de la veille des fiançailles, mentionne des protestations antérieures.
[90] Mas no quiso et principe jurar que casaria su hija con el. Dijo a su muger que no queria prometer cosa que no tenia voluntad de emplir. (Rapport de Descurra.)
[91] Archives de Pau, E. 572. Tous ces dons sont du mois d'avril ou de mai 1541.
[92] Lettres de commission du roi de Navarre du 21 avril 1541 (Bibl. nat., coll. Doat, vol. 235, f. 53).
[93] Registres de Jean de Frotté, trésorier de la reine de Navarre, cités par M. le comte de Laferrière dans son livre Marguerite d'Angoulême, p. 24.
[94] Archives de Pau, C. 681 ; tome III des Établissements de Béarn, f. 184, v°.
[95] Mémoire de M. le docteur Harless dans le tome I de Zeitschrift des Bergischen Geschichtsvereins.
[96] Chronique du docteur Olisleger dans le t. I de Zeitschrift des Bergischen Geschichtsvereins.
[97] La princessa entendido lo que el rey le dijo, respondlo que besaba las manos de su Senoria por la merced que le habia hecho de venir à verla y que ella siempre habia conocido muy entera voluntad de su senoria que no cause con el duque de Cleves por que si con el casaba nunca le versa mas elle a el, y que pues tanto le queria no consintiese que elle fuese tan lejos del rey de Francia. (Rapport de Descurra.)
[98] La malheureuse Marguerite ne prévoyait pas les conséquences qu'on tirerait un jour de cette petite faiblesse. On a imaginé de nos jours que cette noble princesse avait eu des relations coupables avec son frère. Cette calomnie traînait dans des romans en quête de scandales quand M. Génin, éditeur des lettres de Marguerite, lui donna l'autorité de son nom. Après avoir soutenu dans la préface du premier volume que rien n'était plus pur que la mémoire de la reine de Navarre, il a essayé de prouver dans la préface du second qu'elle était coupable. Ce n'est pas le lieu de réfuter cet odieux paradoxe. Il faut lire la démonstration de M. Génin pour mesurer à quelles erreurs le désir de faire du bruit peut entraîner un homme distingué. Vingt écrivains, doués de sens critique à défaut même d'érudition, ont défendu la reine de Navarre. Mais la calomnie est-elle bien morte ? Un mot, disait Augustin Thierry, peut engendrer une erreur ; il faut un volume pour la détruire.
Nous ne citerons que les principaux parmi les contemporains, ceux qui ont eu pour principal objectif la personne de la reine Marguerite, car il serait trop long d'énumérer les historiens qui ont traité ce sujet accessoirement et réduit, en passant, à leur juste valeur les affirmations de M. Gouin. Voyez Le Semeur, journal protestant, 1842 (articles attribués à M. Ch. Louandre) ; M. Crenin essaya de répondre à la démonstration de ce journal, mais battu par la logique de son adversaire, il recula prudemment et écrivit au Semeur qu'il n'avait voulu que protéger sa mémoire (de Marguerite) contre l'art des futurs commentateurs. La Revue Chrétienne, mars, avril et mai 1861 ; la Revue des Deux-Mondes, 1er août 1862 (article de M. de Lomenie) ; la Revue Moderne, 1er août 1866 (article de M. Franck) ; Leroux de Lincy, introduction de son édition de l'Heptameron ; Dargaud, Histoire de la liberté religieuse ; comte de Laferrière, Marguerite d'Angoulême ; etc., etc.
[99] Le vicomte de Lavedan était seigneur de la vicomté de Lavedan et usufruitier des quatre vallées en Bigorre (article de M. Bascle de Lagreze dans la Revue de Gascogne, t. XI, 209). Après le mariage de Jeanne d'Albret avec le duc de Vendôme il passa dans la maison de la reine Marguerite et devint chambellan de son conseil aux gages de 400 livres tournois par an. (État de la maison de la reine de Navarre pour l'année 1849, Archives de Pau, B. 5.)
[100] Rapport de Descurra.
[101] La princesa le dijo que haria todo lo que su Senoria le enviaba a mandar, mas mayor merced le haria en quitarle la vida que no casarla con el duque de Cleves. (Rapport de Descurra.)
[102] Al otro dia de manans vino et marechal Enebaut ; y dijo a la princesa que et rey le enviaba à mandar que le hiciese saber si se habia mudado del pensamiento que tenta et dia antes despues que vio al duque de Cleves. Respondio ella que si antes no le agradaba de casar con et duque de Cleves, que entames lo aborrecia, y que dijese a su senoria que antes que se casase con et se mataria. (Rapport de Descurra.)
[103] Bibl. nat., f. fr., vol. 3189, f. 2. Lettre autographe. Elle n'est point datée. Elle porte pour suscription A mon compère monsieur le chancelier d'Alençon. Cette lettre est imprimée dans le recueil que M. le marquis de Rochambeau a publié pour la Société de l'Histoire de France.
[104] Vers les années 1540 et 1541 il y eut deux Brodeau au service de la maison d'Albret. Le premier, Victor de Brodeau, seigneur de la Chassetière, valet de chambre et secrétaire de François Ier, puis de la reine Marguerite, était de Tours. II est qualifié de chancelier dans le rapport de Descurra et dans une lettre de Henri d'Albret (Lettres de Marguerite d'Angoulême, édit. de la Soc. de l'Hist. de France, t. I, p. 300, note). Brodeau était l'ami de Marot qui lui a souvent dédié des vers ; il en faisait aussi. On a de lui les Louanges de Jésus-Christ, poème en vers de dix syllabes. Il mourut, d'après des documents cités par M. le comte de La Ferrière, dans le cours de l'année 1540 (Marguerite d'Angoulême, p. 26, note).
Le second, Victor de Brodeau, n'est qualifié que de secrétaire aux gages de 400 livres tournois dans un état de la maison de Marguerite de 1549 (ibid., p. 177). Enfin Nicolas de Bordenave dans son Histoire de Béarn et Navarre, sous la date de 1559, lui donne le titre de secrétaire d'État d'Antoine de Bourbon devenu roi de Navarre (édit. de la Soc. de l'Hist. de France, p. 64).
[105] Rapport de Descurra.
[106] Lettres du duc de Clèves au roi et à la reine de Navarre et réponses au duc de Clèves, écrites du 7 au 17 mai 1541 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 434 à437). La lettre de Marguerite est imprimée aux Pièces justificatives.
[107] Lettres de Marguerite d'Angoulême, édit de la Soc. de l'Hist. de France, t II, p. 176. Cette lettre, dont l'original est sans date, a été mal datée par l'éditeur. Au lieu d'appartenir à l'année 1540, elle ne peut être que du mois de mai 1541.
[108] Lettres de Marguerite d'Angoulême, édit de la Soc. de l'Hist. de France, t. II, p. 237.
[109] Lettre de Marguerite au duc de Clèves, sans date (Arch. de Düsseldorf, Julich-Berg, ne 17, f. 437). Cette lettre est imprimée aux Pièces Justificatives.
[110] Récit du chancelier Olisleger dans le t. I de Zeitschrift des Bergischen Geschichtsvereins. — Autres récits des compagnons de voyage du duc de Clèves conservés aux archives de Dusseldorf (Julich-Berg, n° 16, pièces 11, 12, 13 et 14).
[111] Récit du chancelier Olisleger dans le t. I de Zeitschrift des Bergischen Geschichtsvereins. — Autres récits conservés aux archives de Dusseldorf (Julich-Berg, n° 16, pièces 11, 12, 13 et 14). — Lettre de Marguerite au duc de Clèves, sans date (Ibid., n° 17, f. 437). Nous publions cette lettre aux Pièces justificatives.
[112] Chronique du roy Françoys premier, publiée par M. Guiffrey, in-8°, p. 385. — Tout ce qui suit est extrait de cette intéressante chronique.
[113] Journal de Guillaume le Riche, avocat du roy à Saint-Maixent, publié à Saint-Maixent par M. de la Fontenelle de Vaudoré, in-8°, 1848.
[114] Protestation autographe conservée aux Archives de Pau, E. 678. Elle est imprimée dans les Papiers d'État du cardinal Granvelle et dans les Lettres de Marguerite. Nous reparlerons de cette pièce importante.
[115] Il y a un peu d'obscurité sur le jour exact de la première et de la seconde protestation de Jeanne d'Albret. Dans le préambule de l'acte d'opposition reçu à Tours, le 5 avril 1545, Jeanne date sa première protestation du jour precedent lesdites pretendues fiancailles et solempnités, et la seconde du jour même. A la fin du même acte, elle déclare que la première est du jour de certaines prétendues fiansailles entre le duc de Clèves et moy et la seconde du lendemain desdites fiansailles.
La contradiction est évidente, mais elle doit reposer sur une faute de copiste ou d'impression. En effet la première protestation est du jour des fiançailles, car il est parlé de la cérémonie comme d'une chose future, la seconde du lendemain, car il n'y est plus parlé des fiançailles, mais seulement du mariage. La vérité est donc dans la seconde déclaration de la princesse Jeanne, celle qui se trouve à la fin de l'acte du 5 avril 1545. Cet acte et les deux protestations de Jeanne sont imprimés dans les Papiers d'État de Granvelle, t. III, p. 112, et dans les Lettres de Marguerite d'Angoulême, t. II, p. 290.
[116] M. Weiss et M. Genin, qui ont publié cette pièce, ont imprimé Arras. Cette version est acceptable, mais il nous parait plus probable qu'il faut lire Arros, nom d'une famille béarnaise très-employée à la cour de Navarre. L'original de la protestation, que nous avons vu aux Archives de Pau, ne dissipe pas nos doutes ; les lettres sont mal formées ; on peut lire indifféremment Arras ou Arros.
[117] Chronique du docteur Olisleger dans le t. I de Zeitschrift des Bergischen Geschichtsvereins.
[118] Bordenave, Histoire de Béarn et Navarre, p. 89, édit. de la Soc. de l'Hist. de France. L'auteur, historiographe de la maison d'Albret, vivait à la cour de Navarre et écrivait sous les yeux de la reine Jeanne.
[119] Deuxième protestation autographe de Jeanne d'Albret, conservée aux Archives de Pau, B. 572. Elle a été imprimée comme la première dans les Papiers d'État du cardinal Granvelle, t. III, p. 112, et dans les Lettres de Marguerite d'Angoulême, t. II, p. 289, édit. de la Soc. de l'Hist. de France.
[120] Excusaverat vero honeste se (Pontani Historia Gelricæ, 1639, in-fol., p. 819). — Récit du docteur Olisleger.
[121] Brantôme (Dames illustres, vie de Marguerite, reine de Navarre). — Marguerite, dit Brantôme, détestoit le connetable parce qu'il l'avoit signalée au roi comme l'une des Huguenotes les plus endurcies du royaume.
[122] Chronique du roy Françoys premier, publiée par N. Guiffrey, p. 369.
[123] Bordenave, Histoire de Béarn et Navarre, p. 39, édit. de la Soc. de l'Hist. de France.
[124] Récit du docteur Olisleger dans le t. I de Zeitschrift des Bergischen Geschichtsvereins.
[125] Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, t. XII, p. 758.
[126] Clément Marot était entré en 1518 an service de la reine Marguerite ; il y avait même fait entrer sa fille (comptes de la reine de Navarre, Arch. de Pau, B. 5).
[127] L'éditeur de la Chronique du roy Françoys premier observe que ce huitain figure dans l'édition des œuvres de Marot de 1549 comme attaché au perron du duc de Nevers.
[128] Œuvres de Marot, Lyon, 1649, t. I, p. 467.
[129] Mémoires de Saulx-Tavannes, ann. 1541 (édit. du Panth. litt., p. 96).
[130] Journal de Guillaume le Riche, avocat du roi à Saint-Maixent, publié par M. de la Fontenelle de Vaudoré, in-80, 4848. L'ordonnance de François Ier, datée du 1er juin 1544, fut imprimée dans le Recueil des anciennes lois d'Isambert, t. p. 745.
[131] Acte daté du 11 juin (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 47, f. 238).
[132] Rapport détaillé des conseillers dévoie, en allemand (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 234 à 237).
[133] Pontani historia gelricæ, 1639, in-folio, p. 849.
[134] Lettre de Karl Harst du 4 juin 1541 et réponse datée du 27 juin (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 16, pièces 9 et 10).
[135] Trois lettres du duc datées du 25 juin 1541 ; deux lettres adressées à Cruser (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 442, 443, 250, 257 et 354).
[136] Extrait des registres du parlement (Bibl. nat., coll. Clairambault, vol. 50, f. 7259).
[137] Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 243, 446 et 450. Lettre de Marguerite au duc de Clèves, sans date (ibid., f. 428). Cette lettre est imprimée aux Pièces Justificatives.
[138] Récit du chancelier Olisleger dans le t. I de Zeitschrift des Bergischen Geschichtswereins. — Lettres du duc de Clèves du 5 juillet 1541 (Arch. de Dusseldorf, n° 17, f. 451).
[139] Sauf-conduit donné par le duc de Lorraine au duc de Clèves, du ?A juin 1531 ; lettre de Ghogreff au duc de Nevers du 27 juin ; du duc de Nevers à Ghogreff, du 26 juin ; du duc Guillaume au roi, du 30 juin ; du duc de Lorraine au roi, du 24 juin ; du roi au s. de Jamets, du 3 juillet ; du roi au duc, du 3 juillet ; des conseillers du duc à Olisleger, du 4 juillet ; de la reine de Navarre à Ghogreff, du 7 juillet ; du duc au roi et à la reine de Navarre, du ter juillet ; de Jeanne de Navarre au duc, sans date (Archives de Dusseldorf (Julich-Berg, n° 17, f. 240, 241, 242, 243, 251, 252, 253, 254, 446, 465, 449 ; — et n° 16 1/2, pièce 2). Les lettres de Jeanne d'Albret et de la reine de Navarre sont imprimées aux Pièces justificatives.
[140] Lettre du duc à la reine de Navarre du 12 juillet 1541 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 454). — Récit du docteur Olisleger.
[141] Lettre autographe de la reine Léonor sans date (Arch. nat., K. 1485, ne 48).
[142] Dans l'enquête dressée contre la dame d'Estampes, à la requête de son mari, après la mort de François Ier, il est fait quelques allusions aux relations de Longueval avec elle (f. fr., vol. 2831, f. 211).
[143] V. Carloix, Mémoires sur Vieilleville, liv. II, chap. II ; sic Belcarius. — Cette accusation peut être contestée. Dans la nombreuse correspondance des ambassadeurs espagnols, conservée aux archives, il n'y a trace que d'une seule révélation de la dame d'Estampes aux agents impériaux (K. 1486, n° 50). Voyez plus loin. — Enfin dans le procès intenté à la duchesse en 1556 par son mari, où Henri II et tous les ennemis de la maîtresse de François Ier furent appelés à déposer, il n'est fait aucune allusion à ses trahisons (f. fr., vol. 2831, f. 211). — Quant à sa fidélité en amour, nous devons avouer que nous n'avons aucun renseignement certain.
[144] Lettre de Saint-Mauris sans date (Arch. nat., K. 1486, n° 14).
[145] Lettre du s. de Vaux du 8 avril 1541 (Arch. de Bruxelles, Corresp. de Charles V avec Marie de Hongrie, p. 34).
[146] Chabot de Brion fut jugé par une commission présidée par le chancelier Poyet et convaincu de nombreuses conçussions. L'arrêt de condamnation est daté de Fontainebleau et du 8 février 1540. Cet arrêt énumère avec détails tous les chefs de l'accusation et contient presque un traité dogmatique des devoirs d'administration générale, telle qu'on l'entendait alors. Il est imprimé dans le Recueil des anciennes lois françaises, t. XII, p. 721.
[147] On a attribué à bien des causes différentes la disgrâce du connétable ; nous donnons ici la version de Brantôme, t. p. 346, édit. de la Soc. de l'Hist. de France. L'éclatant rétablissement du connétable dans ses charges après l'avènement de Henri H prouverait que l'hypothèse de Brantôme est la mieux fondée. Ajoutez que la faveur du connétable avait déjà subi des éclipses avant que le roi sût à quoi s'en tenir sur la mauvaise foi de Charles-Quint. (Lettre de Montejean au connétable, du 12 avril 1540, dans les Mémoires de Ribier, t. I, p. 516.) Voyez cependant les Mémoires de Martin du Bellay (édit. du Panth. litt., p. 694) et ceux de Gaspard de Saulx-Tavannes (Ibid., p. 95).
[148] Lettres de Bonvalot à l'empereur du 5 août, 10 août et 4 septembre (Arch. nat., K. 1485, n° 17, 18 et 23).
[149] Lettres de Cruser et de Dorinck du 1er, du 27 septembre et du 9 octobre 1540 (Julich-Berg, n° 17, f. 147, 154 et 185).
[150] Plusieurs contemporains font allusion à cette affaire ; Vincent Carloix est celui qui donne le plus de détails (Mémoires de Vieilleville, liv. I, chap. 30, 31 et 32).
[151] Brantôme, Vie de Montmorency. Il était à Chantilly le 29 juillet 1541 (Bibl. nat., f. f., vol. 17357, f. 9).
[152] Lettre de de Vaux du 8 avril 1541 (Arch. de Bruxelles, Corresp. de Charles V avec Marie de Hongrie, p. 34).
[153] Lettre de de Vaux du 8 avril 1541.
[154] Lettres de Saint-Mauris de 1545 (Arch. nat., K. 1485, n° 86).
[155] Les pièces du procès de Poyet sont conservées dans le fonds français, à la Bibliothèque nationale, vol. 2962. — Voyez aussi une lettre qu'il écrivit au roi après son emprisonnement (f. fr., vol. 2980, f. 55). — L'arrêt de condamnation du chancelier Poyet est motivé en partie sur ce que le chancelier avait altéré de sa main la minute de l'arrêt de condamnation de Chabot.
[156] C'est par erreur que l'éditeur des Papiers d'État de Granvelle dit que Saint-Mauris ne fut nommé ambassadeur en France qu'au mois de novembre 1544 (t. III, p. 30, note). Voyez les documents Indiqués dans la note suivante.
[157] Arch. nat., K. 1485, n° 32, 33 et 71.