LA CONQUÊTE D'ALGER

 

CHAPITRE III. — LES ARMEMENTS.

 

 

I. Le comte de Bourmont et le baron d'Haussez. - Essai d'intervention de Méhémet-Ali. - L'expédition est décidée. - Le vice-amiral Duperré. - Composition de l'armée expéditionnaire. — II. Discussion diplomatique avec l'Angleterre. - Négociation à Tunis.

 

I

M. Deval, son attitude à Alger, ses mérites ou ses torts, la mesure de l'offense et la mesure de la réparation, tous ces problèmes depuis deux ans agités, débattus, controversés à Paris, allaient être désormais relégués au second plan. Un seul grand fait, certain, éclatant, incontestable, dominait tout, s'imposait à tous le 3 août, en pleine lumière, devant les grands espaces du ciel et de la mer, sous les yeux de cinquante mille témoins émus et frémissants, aux cris d'une foule qui se rendait, par ses applaudissements, complice de l'attentat, le dey Hussein avait outragé le pavillon français et le pavillon parlementaire, l'honneur d'une grande nation et le droit de toutes les nations.

Les deux ministres par qui devait s'exercer l'action vengeresse de la France, le comte de Bourmont et le baron d'Haussez, parfaitement d'accord, dès le premier moment s'étaient promis le mutuel concours de la guerre et de la marine. Déjà, sous le précédent ministère, une commission mixte avait étudié avec soin le projet d'une expédition militaire et maritime contre Alger. Tout en s'inspirant du beau rapport de M. de Clermont-Tonnerre, dont les principes étaient la base nécessaire de ses travaux, la commission avait pénétré plus avant dans le détail, serré de plus près les questions, réglé plus exactement l'effectif, le matériel, la dépense, et, par cette exactitude même, réduit, contre toute attente, de cinquante millions à trente les frais extraordinaires de l'expédition.

Tandis que MM. de Bourmont et d'Haussez, adoptant à peu de chose près l'œuvre de la commission de 828, se tenaient prêts à mettre ses conclusions en pratique, le prince de Polignac, président du conseil et ministre des affaires étrangères, se laissait un peu légèrement surprendre par une proposition séduisante à première vue, mais qui avait le grave inconvénient de confier à des mains étrangères le soin de venger l'honneur et les intérêts de la France. Le pacha d'Égypte, Méhémet-Ali, était un habile politique. Dans le conflit soulevé par l'insurrection des Grecs, il avait eu l'art de satisfaire à ses devoirs envers le sultan son suzerain, et cependant de se ménager auprès des grandes puissances de l'Europe. En France particulièrement, il, comptait déjà de nombreux amis ; on vantait la renaissance de l'Egypte sous une main qui savait assouplir l'islamisme et le plier aux formes de la civilisation chrétienne et surtout française. Pourquoi ces bienfaits ne seraient-ils pas étendus à la Barbarie tout entière ? Au mois d'octobre, M. de Polignac reçut d'Alexandrie une dépêche par laquelle M. Drovetti, consul général de France, l'informait que Méhémet-Ali se chargerait volontiers de soumettre les trois Régences barbaresque et de les gouverner aux mêmes conditions que l'Égypte, c'est-à-dire à titre de vassal et de tributaire du sultan, si de son côté la France voulait bien, pour prix de ses services, lui faire une avance de vingt millions remboursables en dix ans, et lui abandonner, mais sans retour, quatre de ses vaisseaux de ligne. En même temps que cette dépêche était arrivé un Français, le marquis de Livron, général au service du pacha d'Égypte, et envoyé par lui pour soutenir ses propositions. Elles furent accueillies en principe ; dès le 12 octobre, le général Guilleminot, ambassadeur de France à Constantinople, fut invité à demander au sultan un firman destiné à autoriser le pacha dans son entreprise. Peu de temps après, un officier français, le capitaine Huder, partit pour Alexandrie ; les instructions dont il était porteur réduisaient à dix millions l'avance demandée par Méhémet-Ali ; quant aux vaisseaux de ligne, le gouvernement français consentait seulement à les lui prêter. Lorsque le pacha, qui prétendait les avoir en toute propriété, donna pour raison qu'il ne pouvait se présenter devant des musulmans sous pavillon chrétien, il lui fut répondu que jamais, de l'aveu du roi, des bâtiments sur lesquels avait flotté le pavillon français n'en porteraient d'autre. Difficile et traînante à Alexandrie, la négociation à Constantinople tourna court. Le sultan Mahmoud refusa net le firman qu'on lui 'demandait, en disant que l'expédition projetée par le pacha d'Egypte « était une de ces entreprises que la Porte ne pouvait avouer ». Cependant M. de Polignac était résolu à passer outre ; il lui plut de prendre cette réponse pour un consentement tacite, et il n'hésita pas, le 16 janvier 1830, à donner officiellement part de ses projets aux grandes puissances de l'Europe. Sauf à Saint-Pétersbourg, où la confidence en avait déjà été faite, la communication française ne rencontra qu'un accueil froid et réservé, plus froid à Londres que partout ailleurs.

Le comte de Bourmont et le baron d'Haussez n'avaient jamais partagé ni approuvé les vues du prince de Polignac. Ils avaient toujours été d'avis l'un et l'autre que la France devait faire ses affaires elle-même et prendre Alger d'abord. « La justice de la cause de Votre Majesté et l'intimité de ses relations avec les cours de l'Europe, disait au roi M. de Bourmont dans un rapport du mois de décembre 1829, ne permettent pas de penser qu'elle rencontre de leur part la moindre opposition dans cette circonstance. Il ne pourrait y avoir lieu à contestation qu'à l'égard de l'usage qu'on ferait de la conquête ; mais quelles que soient plus tard les combinaisons politiques de l'Europe, Alger, étant au pouvoir de la France, pourrait être échangé avantageusement pour quelque partie du territoire plus à notre convenance, ou enfin cette conquête pourrait être cédée à Méhémet-Ali, qui en obtiendrait la possession au moyen de payements successifs, ou bien encore en nous offrant des avantages dans les relations commerciales qu'il cherche à entretenir avec la France. » Quand il fut bien constaté que le plan favori de M. de Polignac, éludé à Constantinople, vu à Londres avec méfiance, avec froideur partout, n'avait même pas, pour se faire accepter en France, le mérite d'un succès diplomatique, les ministres de la guerre et de la marine eurent moins de peine à convaincre d'illusion le ministre des affaires étrangères.

Le 31 janvier, dans une séance décisive, le conseil se prononça pour l'envoi immédiat d'une expédition française contre Alger ; mais, en même temps, et.par ménagement pour M. de Polignac, il fut décidé que les projets de Méhémet-Ali sur Tunis et Tripoli continueraient d'être encouragés, et que la France y concourrait par un subside de huit millions une fois donnés. Même réduite à ce point, l'idée d'une alliance entre la France et le pacha d'Egypte effrayait le sultan et mécontentait les puissances qui redoutaient l'ambition de son vassal. C'était Méhémet-Ali qui avait fait les premières avances ce fut lui qui se retira le premier. La France n'essaya pas de le retenir ; il lui convenait mieux d'être seule, libre de ses mouvements et toute à la vengeance qu'elle avait à tirer d'Alger.

Elle s'y préparait vaillamment. Le 31 janvier, l'expédition avait été résolue ; cinq jours après, une dépêche appelait de Brest à Paris le vice-amiral Duperré. C'était à lui qu'était destiné le commandement en chef de la flotte. Un tel choix, fait dans les rangs de l'opposition, surprit également les amis du cabinet et ses adversaires ; mais il n'en était que plus significatif, car il montrait comment les rivalités de parti devaient céder à l'intérêt national.

Si le baron d'Haussez n'avait pas eu, sur les plans qu'il étudiait depuis six mois des convictions fortes, jamais il ne les aurait fait triompher ; toute la haute marine y était contraire. Quelques-uns allaient jusqu'à nier radicalement qu'il fût possible, à moins de sacrifier une partie de l'expédition, de débarquer 30.000 hommes sur la côte d'Afrique ; ceux qui blâmaient cette opinion trop absolue s'accordaient au moins à déclarer que les préparatifs ne seraient jamais achevés pour la saison favorable. C'était l'avis du vice-amiral Duperré lui-même il crut de son devoir de s'en expliquer loyalement avec le ministre. Un petit nombre d'officiers de marine, jeunes encore, mais à qui le blocus d'Alger avait donné une connaissance des lieux et pour ainsi dire une compétence au-dessus de leur âge et de leur grade, le commandant Dupetit-Thouars en première ligne, appuyaient énergiquement le baron d'Haussez. Il prit courage à les entendre, et pour réponse aux objections du vice-amiral Duperré, il lui remit, le 12 mars, une lettre du roi qui l'envoyait à Toulon presser, avec toute l'autorité d'un préfet maritime, l'organisation de la flotte qu'il devait avoir l'honneur de commander en chef. De huit mois que l'administration de la marine avait demandés d'abord pour les préparatifs, elle s'était déjà réduite à six ; le ministre lui en donna trois. Sa confiance étonna, puis gagna les plus incrédules à Toulon, dans tous les arsenaux et ports de guerre, on travaillait sans relâche, et l'amiral Duperré, revenu promptement de ses doutes, put se féliciter avec le ministre des progrès qu'il avait à lui signaler tous les jours.

L'activité n'était pas moins grande au ministère de la guerre. Dès le 0 février, le roi avait appelé au commandement du génie et de l'artillerie dans le corps expéditionnaire les maréchaux de camp Valazé et de La Hitte. Ils avaient, chacun dans son arme, de grands apprêts de matériel à ordonner. Le 21, tous les autres officiers généraux, sauf le commandant en chef, étaient choisis.

L'infanterie de l'armée comprenait trois divisions, chaque division trois brigades, et chaque brigade deux régiments à deux bataillons. Au moment de tenter une entreprise où le ciel, la terre, l'ennemi, tout était nouveau, où les plus aguerris, malgré leur expérience, allaient entrer en lutte avec l'inconnu, le ministre avait voulu grouper sous la main d'un seul chef un moindre nombre de soldats, afin de resserrer dans un cercle plus étroit l'action plus énergique du commandement et de la discipline. C'est pourquoi le nombre des brigades avait été porté de six à neuf, et chaque brigade réduite à quatre bataillons, au lieu de six qu'elle aurait dû compter.

Trois lieutenants généraux, le baron Berthezène, le comte de Loverdo et le duc Des Cars, étaient nommés au commandement des divisions. Une certaine intention politique avait influé sur ces nominations ; comme pour l'expédition d'Espagne/le gouvernement s'était préoccupé d'unir et de fondre les divers éléments de la haute armée ainsi représentée dans ces types Berthezène, un pur divisionnaire de l'Empire ; Loverdo, de même origine, mais compromis dans la cause des Bourbons en 1815 ; le duc Des Cars, un royaliste de vieille roche. Les maréchaux de camp Poret de Morvan, Achard et Clouet pour la première division de Damrémont, Monck d'Uzer et Collomb d'Arcine pour la seconde ; Bertier de Sauvigny, Hurel et de Montlivault pour la troisième, commandaient les brigades. Les importantes fonctions de chef d'état-major général étaient dévolues au lieutenant général Desprez ; celles de sous-chef, au maréchal de camp Tholozé. Enfin, le baron Denniée, avec le titre d'intendant général, avait la direction des services administratifs.

La tête de l'armée ainsi constituée, on s'occupa, sans perdre un moment, de lui faire un corps et des membres. Le choix des régiments destinés à passer en Afrique n'eut rien d'arbitraire les services rendus en Espagne et en Morée, les qualités acquises et prouvées dans les camps d'instruction furent les titres les plus sérieux à la ~référence du ministre ; mais il dut tenir compte aussi des emplacements occupés par les corps et de leur distance au lieu d'embarquement ; la promptitude et la facilité des communications avaient, dans le problème à résoudre, une valeur qu'il n'était pas permis de négliger.

Les régiments désignés, soit d'infanterie de ligne, soit d'infanterie légère, devaient avoir, grand et petit état-major compris, un effectif de 60 officiers et de 1,654 sous-officiers et soldats. Comme le complet, sur le pied de paix, n'était pour l'infanterie de ligne que de 1,300 hommes, le ministre décida que les hommes en congé d'un an seraient rappelés immédiatement et dirigés, non pas sur leurs anciens corps, mais sur ceux des régiments expéditionnaires qui se trouveraient les plus voisins de leur résidence. Quant à l'infanterie légère dont l'effectif, réduit par les exigences du budget, n'était alors que de 900 hommes, il n'était pas possible de lui demander, par régiment, plus d'un bataillon de guerre. Le ministre décida que quatre de ces bataillons, empruntés à quatre corps différents, seraient associés deux à deux pour former un premier et un deuxième régiment de marche d'infanterie légère.

Ces deux régiments et seize autres d'infanterie de ligne devaient donner trente-six bataillons de force égale et parfaitement composés car les chefs de corps avaient reçu l’ordre de n'y admettre que des hommes de choix, afin de réduire d'autant le chiffre des non-valeurs pendant la campagne. Il était prescrit aux lieutenants-généraux commandant les divisions territoriales de rendre compte au ministre, tous les cinq jours, de l'état des régiments expéditionnaires compris dans leurs arrondissements respectifs, en entrant dans les plus grands détails sur l'organisation des bataillons, l'habillement, l'équipement et l'armement des hommes.

Dans le projet émané de la commission de 1828, la cavalerie figurait pour une brigade de huit escadrons. Préoccupé de la pénurie probable des fourrages, M. de Bourmont se contenta d'organiser, sous le nom de chasseurs de l'armée d'Afrique, un seul régiment de marche formé de trois escadrons, dont un de lanciers. L'effectif n'allait guère au-delà de 500 chevaux.

Au lieu d'être répartie entre les divisions de l'armée, l'artillerie de campagne, composée de quatre batteries montées et d'une batterie de montagne, devait former, sous la main du général en chef, une masse dont il dirigerait l'emploi.

Trente pièces de 24 et vingt de 16, approvisionnées, les premières à 1.000 coups, les autres à 800 douze canons de 12, douze obusiers de huit pouces et huit mortiers de dix pouces, tous approvisionnés également à 500 coups, formaient l'équipage de siège, au service duquel étaient affectées dix batteries de canonniers à pied. En y ajoutant une compagnie de pontonniers, une d'ouvriers et un escadron du train des parcs, on arrivait, pour le personnel de l'artillerie, état-major compris, à un effectif de 106 officiers, de 2.268 hommes et de 1.337 chevaux. Sans qu'il soit besoin d'entrer dans tous les détails du matériel, il suffira de noter qu'indépendamment de l'armement de campagne et de siège dont on vient de parler, l'artillerie emportait encore 150 fusils de rempart, 500 fusées à la Congrève avec leurs chevalets, 100.000 sacs à terre, et des réserves d'approvisionnement qui n'allaient pas à moins de 72.000 gargousses, de 5.000.000 de cartouches d'infanterie et de 285.000 kilogrammes de poudre.

Le personnel du génie comprenait, outre l'état-major, six compagnies de sapeurs, deux de mineurs et une demi-compagnie de conducteurs, soit pour l'effectif total 63 officiers, 1.280 hommes et 170 chevaux. Dans l'énorme matériel accumulé par le génie pour les besoins d'une campagne dont le siège d'Alger devait être le fait capital, on se contentera d'indiquer 27.000 outils de pionniers, 200.000 sacs à terre, 1,500mètrescubes de bois de construction ou de sciage, 4.000 palissades, 4.000 chevaux de frise portatifs, etc. Les services administratifs n'étaient pas organisés avec moins de prévoyance. Il avait été réglé que l'armée emporterait avec elle pour deux mois de vivres, et qu'un approvisionnement d'égale importance la suivrait presque aussitôt. Quant au mode de fourniture, deux systèmes étaient en présence la régie pour le compte et par les agents de l'État, ou l'entreprise privée avec libre concurrence. Le premier avait de tels inconvénients qu'il était condamné d'avance ; le second n'offrait pas autant de sécurité qu'il était nécessaire ; car il y avait des exemples que des adjudicataires, surpris par une hausse imprévue des denrées, avaient tout à coup manqué à leur engagement et préféré le sacrifice de leur cautionnement à l'exécution d'un marché devenu pour eux une cause évidente de ruine. Entre les deux, le ministre adopta le système intermédiaire des achats par commission. Le 85 février 1830, il signa avec la maison Seillière un traité par lequel cette maison s'engageait, moyennant une commission de deux pour cent sur toutes ses dépenses régulièrement justifiées, et l'intérêt légal de ses avances, à livrer au prix d'achat, sur les points et dans les délais fixés par l'administration, toutes les denrées qui lui seraient demandées en telle quantité qu'il serait nécessaire. Une première commande fut faite deux jours après au commissionnaire, afin qu'il eût à réunir à Marseille, avant le 25 avril, l'approvisionnement de deux mois que l'armée devait emporter avec elle et qui était calculé sur une moyenne de 40.000 rations de vivres et de 4.000 rations de fourrage par jour[1].

Le service des hôpitaux était abondamment pourvu ; la pharmacie centrale de Paris avait reçu l'ordre de préparer une grande quantité de médicaments qu'elle expédiait à mesure sur Marseille à la disposition du pharmacien en chef de l'armée. A la suite de négociations ouvertes par le ministre des affaires étrangères avec le gouvernement espagnol, l'administration française fut autorisée à établir dans le lazaret de Mahon un hôpital pour 2.000 malades et blessés. C'était un établissement permanent et salubre, sur lequel il serait facile d'évacuer les hôpitaux provisoires que l'intendant général Denniée se proposait d'installer en Afrique sous des hangars mobiles, couverts en toile imperméable, capables de contenir 150 lits et même le double au besoin. Outre le personnel médical attaché aux différents corps de l'armée, le service des hôpitaux comptait 370 officiers de santé, 102 officiers d'administration et autres.

Toute la prévoyance humaine appliquée à la conservation des hommes ne saurait les garantir contre les blessures, mais elle peut jusqu'à un certain point leur épargner des maladies. Des vivres sains, de bons habits, de bonnes chaussures sont les meilleurs de tous les préservatifs pour la santé des troupes en campagne. On savait qu'en Afrique à de chaudes journées succèdent des nuits très-humides et très-fraîches ; chaque homme reçut pour le jour une coiffe de shako en étoffe blanche, pour la nuit une ceinture de laine ; un approvisionnement de sacs de campement, de couvertures, et 4.800 tentes furent réunis par les soins de l'administration. Pour le service des transports, 128 caissons à deux roues, autant à quatre roues, les premiers construits d'après un modèle nouveau et sur l'ordre exprès de M. Denniée, au total 256 voitures, 626 mulets de bât et 654 chevaux de trait qui, grâce à certaines dispositions de leur harnachement, pouvaient être employés comme sommiers, étaient affectés au train des équipages militaires, avec un personnel de 26 officiers et de 825 hommes.

Les services administratifs en général, dirigés par 12 sous-intendants et adjoints, avaient un effectif de 12 officiers et de 808 ouvriers d'administration.

Un grand prévôt, 6 officiers et 125 hommes de gendarmerie constituaient la force publique de l'armée. Quelques employés des postes et du trésor, ceux-ci sous la direction de M. Firino, payeur générât, un chef et des ouvriers lithographes, même un aérostier, le sieur Margat, qui s'était engagé à fournir, pour aider aux observations militaires, un ballon de vingt pieds de diamètre[2], formaient avec les interprètes, dont il reste à parler, le personnel des services auxiliaires. Après avoir eu d'abord la pensée de chercher dans les débris du corps attaché à l'ancienne garde impériale un escadron ou une compagnie de mameluks, le ministre de la guerre avait dû se borner à choisir, parmi ceux qui se trouvaient encore en état de faire campagne, un personnel réduit de vingt-cinq interprètes. Ainsi constituée dans ses éléments essentiels, mais encore épars, l'armée attendait, pour s'organiser et prendre corps, les ordres de rassemblement. Ils furent donnés le 20 mars, et quatre jours après le mouvement commença. Ceux des régiments expéditionnaires qui tenaient garnison dans le centre et dans le nord de la France furent dirigés sur Chalon-sur-Saône ou sur Lyon, afin d'y être embarqués et transportés par eau jusqu'à Avignon. A la fin du mois d'avril, toutes les troupes occupaient les cantonnements qui leur avaient été assignés la première division d'infanterie entre Toulon et Draguignan ; la deuxième entre Toulon et Aix ; la troisième à Aix même et aux environs ; la cavalerie, le train d'artillerie, le train des équipages militaires à Tarascon et sur les bords du Rhône ; les batteries de campagne aux portes de Toulon, où étaient déjà réunis l'équipage de siège et le matériel ; les mineurs et les sapeurs du génie à Arles, sauf un détachement de cent hommes employés à construire dans les ateliers de Roquemaure et d'Aramon un certain nombre de blockhaus qu'on voulait avoir tout prêts en débarquant en Afrique.

Quelques soins qu'il eût apportés à la composition des corps, au bon choix et au bien-être des hommes, le ministre de la guerre ne s'était pas dissimulé que, même avant les fatigues et les dangers d'un siège, l'effectif aurait à subir des pertes qu'il n'évaluait pas à moins d'un vingtième pour la seule marche des troupes de leur garnison au lieu d'embarquement. Aussi avait-il fait agréer au roi, le 7 avril, la proposition de former et de réunir, dans la 8e division militaire, une réserve qui se tiendrait prête à embarquer au ~premier ordre, et qui serait composée d'une division d'infanterie, de quatre batteries de campagne et de deux compagnies du génie, soit 8,500 hommes environ, officiers compris. Ce fut le lieutenant général vicomte de Fezensac qui eut le commandement de cette division de réserve.

Cependant on s'étonnait à bon droit que le roi n'eût pas encore désigné l'homme de guerre qui devait mener la grande entreprise. Le 20 avril, le Moniteur apprit au public que depuis neuf jours l'armée avait un général en chef c'était le ministre de la guerre, le comte de Bourmont lui-même. Membre d'un cabinet qui, dans l'expédition d'Alger, poursuivait un succès politique, M. de Bourmont y poursuivait d'abord un succès personnel. D'autres, par une ambition noble, par un pur amour de la gloire, pouvaient aspirer au commandement d'une armée française ; pour lui, c'était une nécessité fatale, un besoin d'expiation qui le poussait à y prétendre ; la tache de sa vie ne pouvait s'effacer que sous l'éclat d'un triomphe militaire. Si l'on ne peut pas justement dire que ce fût un intérêt pareil, c'était au moins un sentiment du même ordre qui animait le plus redoutable, le plus obstiné de ses compétiteurs au commandement, le maréchal Marmont, duc de Raguse. Avec l'appui du Dauphin, M. de Bourmont l'emporta.

Deux ordonnances, l'une du 11 avril, l'autre du 18, nommèrent le ministre de la guerre général en chef de l'armée d'Afrique, et le président du conseil ministre de la guerre par intérim. Un sous-secrétaire d'État, le vicomte de Champagny, devait assister dans ses fonctions provisoires le prince de Polignac. Le 19, le générai en chef quitta Paris pour aller prendre possession de son commandement.

 

II

Le choix de M. de Bourmont et son départ eurent pour effet de raviver entre les cabinets de Paris et de Londres une discussion qui, entamée sur un ton de politesse froide, s'échauffait par degrés et menaçait de tourner à l'aigre. Lorsque l'Angleterre avait d'abord manifesté des inquiétudes au sujet d'une alliance entre la France et le pacha d'Égypte, elle s'était contentée d'engager la France à vider elle-même son différend. Mais quand le gouvernement français eut décidé d'agir et commencé ses préparatifs, le comte d'Aberdeen, principal secrétaire d'État des affaires étrangères, chargea, le 5 mars, l'ambassadeur anglais à Paris de provoquer des explications sur les armements de la France. Il comprenait et approuvait même, disait-il, que la France voulût tirer satisfaction des injures qu'elle avait reçues de la régence d'Alger ; mais les forces considérables que l'on s'apprêtait à embarquer, les formidables préparatifs qui se faisaient, lui donnaient à craindre qu'il ne s'agît plutôt de la destruction de la régence que d'un simple châtiment à lui infliger. Huit jours après, le 13 mars, le prince de Polignac c écrivit à tous les représentants du roi dans les cours étrangères une dépêche en forme de note circulaire, destinée à communiquer à toute l'Europe chrétienne les explications qu'il ne convenait pas de donner à l'Angleterre seule.

« Le roi, y était-il dit, ne bornant plus ses desseins à obtenir la réparation des griefs particuliers de la France, a résolu de faire tourner au profit de la chrétienté tout entière l'expédition dont il a ordonné les préparatifs, et il a adopté pour but et pour prix de ses efforts la destruction définitive de la piraterie, l'abolition absolue de l'esclavage des chrétiens, la suppression du tribut que les puissances chrétiennes payent à la régence. Tel sera, si la Providence seconde les armes du roi, le résultat de l'entreprise dont les préparatifs se font en ce moment dans les ports de France. Sa Majesté est résolue à la poursuivre par le développement de tous les moyens qui seront nécessaires pour en assurer le succès, et si, dans la lutte qui va s'engager, il arrivait que le gouvernement même existant à Alger vint à se dissoudre, alors le roi, dont les vues, dans cette grave question, sont toutes désintéressées, se concerterait avec ses alliés pour arrêter le nouvel ordre de choses qui, pour le plus grand avantage de la chrétienté, devrait remplacer le régime détruit, et qui serait le plus propre à assurer le triple but que Sa Majesté s'est proposé d'atteindre. »

Ces explications, en ce qui concernait les causes et l'objet général de la guerre, furent acceptées a Londres ; mais la satisfaction du gouvernement anglais eût été plus complète si la France, disait-il, avait explicitement renoncé à toutes vues d'occupation territoriale ou d'agrandissement. A quoi M. de Polignac répondit qu'en effet la conduite de la France était parfaitement désintéressée, et qu'il en donnait volontiers l'assurance. L'Angleterre insista ; elle voulait une déclaration positive. C'était au moment où M. de Bourmont venait de partir pour l'armée. 11 avait quitté Paris le 19 avril ; le 24, le roi ordonnait à M. de Polignac de répondre au gouvernement britannique « qu'il ne prendrait aucun engagement contraire à sa dignité et à l'intérêt de la France ; que son unique objet, en ce moment, était de punir l'insolent pirate qui avait osé le provoquer ; mais que si la Providence lui accordait de tels succès que les États de son ennemi tombassent en son pouvoir, alors il aviserait aux déterminations qu'exigeraient l'honneur de sa couronne et les, intérêts de son royaume ; qu'au reste, tout ce qu'il pouvait accorder à ses alliés dès à présent, c'était l'assurance qu'il prendrait leur avis et qu'il ne déciderait rien qu'après avoir pesé leurs observations et les convenances européennes ». Les exigences de l'Angleterre allaient croissant ; elle se déclarait mal satisfaite, presque offensée. « L'affaire, écrivait le 4 mai lord Aberdeen, l'affaire, en vérité, commence à prendre un mauvais aspect et à faire naitre des doutes et des soupçons que le gouvernement de Sa Majesté ne désire assurément pas voir se confirmer. » Résolu à ne pas resserrer le dialogue entre la France et l'Angleterre, M. de Polignac adressa, le 13 mai, à l'Europe, de nouvelles communications dont l'Angleterre n'avait qu'à prendre sa juste part. Il y était dit qu'au moment où la flotte française allait prendre la mer, le roi désirait s'expliquer de nouveau avec ses alliés. « Deux intérêts, continuait le ministre, ont motivé les armements qui se sont faits dans nos ports. L'un concerne plus particulièrement la France c'est. de venger l'honneur de notre pavillon, d'obtenir le redressement des griefs qui ont été la cause immédiate des hostilités, d'assurer nos possessions contre les agressions et les violences dont elles ont été si souvent l'objet, et de nous faire donner une indemnité pécuniaire qui puisse, autant que' l'état d'Alger le permettra, diminuer pour nous les dépenses d'une guerre que nous n'avons pas provoquée. L'autre, qui touche la chrétienté tout entière, embrasse l'abolition de l'esclavage, celle de la piraterie et celle des tributs que l'Europe paye encore à la régence d'Alger. Le roi est fermement résolu à ne pas poser les armes et à ne pas rappeler ses troupes d'Alger que ce double but n'ait été atteint et suffisamment assuré ; et c'est pour s'entendre sur les moyens d'y parvenir. en ce qui concerne les intérêts de l'Europe, que Sa Majesté a fait annoncer à ses alliés, le 12 mars dernier, son désir de se concerter avec eux, dans le cas où le gouvernement actuellement existant à Alger viendrait à se dissoudre au milieu de la lutte qui va s'engager. On rechercherait alors en commun quel serait l'ordre de choses nouveau qu'il serait convenable d'établir dans cette contrée, pour le plus grand avantage de la chrétienté. Sa Majesté doit, dès ce moment, donner l'assurance à ses alliés qu'elle se présenterait à ces délibérations prête à fournir toutes les explications qu'ils pourraient encore désirer, disposée à prendre en considération tous les droits et tous les intérêts, exempte elle-même de tout engagement antérieur, libre d'accepter toute proposition qui serait jugée propre à assurer le résultat indiqué, et dégagée de tout sentiment d'intérêt personne). » Le 3 juin, nouvelle insistance de l'Angleterre ; elle reprochait à la dernière circulaire française de ne contenir, pas plus que les précédentes, aucun engagement, aucune sûreté pour l'avenir, rien, en un mot, qui garantît à la nation anglaise que la France ne garderait pas Alger. Pour toute réponse, le prince de Polignac se borna, par un billet sec et laconique, à se référer aux communications que le roi venait de faire à ses alliés et qui « ne demandaient aucun nouveau développement ». Dès lors la discussion fut sinon close, du moins interrompue.

Cependant il est certain que le gouvernement du roi Charles X n'avait encore aucun parti pris sur ce qu'il ferait d'Alger, Une lettre écrite, le 20 avril, par M. de Polignac au comte de Rayneval, ambassadeur de France à Vienne, donne sur ces incertitudes le plus curieux et le plus complet témoignage. « La seule résolution que le roi ait arrêtée à ce sujet, disait le ministre des affaires étrangères, est de ne quitter cette contrée qu'en y laissant un ordre de choses qui préserve à jamais l'Europe du triple fléau de l'esclavage des chrétiens, de la piraterie et de l'exigence pécuniaire des deys. Telles sont les intentions que Sa Majesté a déjà fait connaître à ses alliés. Elle se propose de les leur répéter, lorsque ses troupes seront dans Alger, en invitant chacun d'eux à lui faire connaître quelle destination il pense que l'on doive donner à ce pays. Voici les différents systèmes que nous avons eu à examiner jusqu'à ce jour :

« 1° Nous retirer après avoir fait une paix qui oblige le dey à nous accorder les trois points indiqués plus haut, et qui de plus mette à couvert nos intérêts particuliers, par la stipulation d'une indemnité de guerre de cinquante millions et la cession de Bone pour garantir la sûreté de nos établissements.

« 2° Enlever à la capitale de cette régence les moyens de défense qui l'ont encouragée jusqu'à présent à braver l'Europe ; ainsi raser les forts, enlever les canons, mais laisser, du reste, le gouvernement tel qu'il est, en lui imposant les conditions ci-dessus.

« 3° Pour rendre plus certaine encore l'impuissance des Algériens à l'avenir, combler leur port après avoir détruit les fortifications du môle et de la ville.

« 4° Reconduire les milices turques en Asie, et établir à la place du dey un prince maure ou arabe, avec un gouvernement national.

« 5° Après avoir détruit la régence, faire d'Alger un simple pachalik, à la nomination du sultan.

« 6° Donner Alger à l'ordre de Malte.

« 7° Garder Alger et coloniser la côte ; nous avons quelque sujet de penser que la Russie et la Prusse inclineraient vers l'adoption de ce parti.

« 8° Partager tout le pays entre les puissances de la Méditerranée, de manière qu'en partant de l'est et allant à l'ouest, l'Autriche aurait Bone, la Sardaigne Stora, la Toscane Djidjelli, Naples Bougie, la France Alger, le Portugal Tenez, l'Angleterre Arzeu, l'Espagne Oran. »

Entre tous ces partis, ou plutôt avant d'en choisir aucun, le gouvernement croyait que le mieux était d'attendre et de laisser d'abord faire le comte de Bourmont.

Le général en chef avait, ; pour sa part, des occupations, sinon des embarras diplomatiques. Était-il possible qu'on eût oublié à Tripoli et à Tunis les menaçants projets conçus, avec l'assentiment de la France, par le pacha d'Égypte et à peine abandonnés de la veille ? De Tripoli M. de Bourmont ne s'inquiétait guère, mais il lui importait beaucoup d'être exactement renseigné sur ce qui se passait à Tunis. L'Angleterre se flattait d'y pouvoir tourner les esprits contre la France, et peut-être y eût-elle réussi, malgré l'habile défense du consul général français, M. de Lesseps, si la jalousie notoire et traditionnelle des chefs barbaresques entre eux et la maladroite conduite du dey Hussein n'avaient entraîné dans un sens tout contraire les ressentiments du bey de Tunis. En effet, pour décider celui-ci à joindre ses armes aux siennes, Hussein n'avait imaginé rien de mieux que de le menacer, en cas de refus, d'une invasion prochaine et d'une complète extermination. Le bey fut profondément irrité M. de Lesseps commença de le ramener vers la France ; des agents spécialement envoyés par M. de Bourmont achevèrent de le convaincre, et le 6 mai, le général en chef pouvait faire transmettre au prince de Polignac, par son chef d'état-major, les meilleures nouvelles de Tunis. Le bey montrait les dispositions les plus favorables, et pourvu que sa bonne volonté, discrètement ménagée, ne le compromît pas avec ses sujets musulmans, il consentait de bonne grâce à favoriser,1e ravitaillement de l'armée française.

Outre le bey de Tunis, les agents de M. de Bourmont ne désespéraient pas de gagner le bey de Constantine, ou tout au moins les cheiks des principales tribus situées dans son beylik. Des proclamations, préparées dès le mois de mars au ministère de la guerre et traduites en arabe, avaient été répandues en Algérie. La plus importante était conçue en ces termes :

« Aux Coulouglis et Arabes du gouvernement d'Alger.

« Nos amis ! L'armée française se dirige vers Alger pour combattre et chasser de ce pays vos ennemis, les Turcs, qui vous vexent et prennent vos biens, vos récoltes, vos troupeaux, et dont le sabre est toujours suspendu sur vos têtes.

« L'armée française ne vient pas pour s'emparer de votre pays et s'y établir ; non, nous vous l'assurons. Elle vient pour rendre ces contrées à leurs anciens maîtres.

« Unissez-vous à nous pour chasser ces étrangers et redevenir ce que vous étiez autrefois, libres et possesseurs du pays dans lequel vous êtes nés.

« Les Français agiront de concert avec vous. Ils agissent de concert avec vos frères les Égyptiens, qui ne cessent de penser à nous et de nous regretter, et qui, trente ans après que nous sommes sortis de leur pays, envoient leurs enfants en France pour étudier et apprendre les arts.

« Nous protégerons vos propriétés et votre religion, parce que, en France, le roi victorieux et juste protège toutes les religions.

« Si vous n'avez pas foi en nos paroles ou en la force de notre armée, si enfin vous avez quelque doute, restez éloignés de nous, mais ne vous mêlez pas aux Turcs, vos ennemis et les nôtres. Demeurez dans vos habitations. Les Français n'ont besoin de personne que d'eux-mêmes pour vaincre les Turcs et les chasser de votre pays. Les Français seront toujours vos amis et alliés.

« Si vous voulez 'venir au milieu de nous et vous mêler à nous, vous serez les bienvenus, et nous serons charmés de vous voir. Si vous voulez nous apporter des provisions, des fourrages, nous amener des bœufs, des moutons, etc., nous payerons tout comptant. Si vous avez quelque crainte, désignez-nous quelque endroit ; nous y enverrons nos hommes sans armes, avec de l'argent en abondance, en toute confiance. Ceux qui apporteront des provisions les vendront.

« Salut ! Restez nos amis et nos alliés, fidèles à votre Intérêt et au nôtre[3]. »

Évoqués comme un glorieux et utile exemple, les souvenirs de l'expédition d'Egypte avaient inspiré cette proclamation. Le public français resta quelque temps sans la connaître ; mais quand les journaux s'en furent emparés, en y ajoutant des commentaires plus ou moins favorables, elle donna quelque souci au gouvernement. Des ordres furent envoyés pour en arrêter la publication ; il était trop tard ; depuis plus d'un mois, la proclamation était entre les mains des Arabes, et l'armée, dont elle annonçait la venue, s'apprêtait à descendre sur la terre d'Afrique.

 

 

 



[1] Une deuxième et une troisième commande furent faites le 4 mars et le 21 août. En résumé, les fournitures faites pendant cinq mois par la maison Seillière s'élevèrent à la somme de 8.175.412 fr. 66 centimes.

[2] Il ne fut sans doute pas donné suite à ce projet ; dans l'expédition même, on ne vit nulle part ni l’aérostier ni l'aérostat.

[3] L'un des agents envoyés par M. de Bourmont à Tunis, M. d'Aubignosc, écrivait, le 30 avril, au prince de Polignac

« Les proclamations font merveille. Le chargé d'affaires du Maroc à Tunis, parvenu à peine à la cinquième ou sixième ligne, s'écria : « La vérité est une ; elle est là tout entière ! » La lecture achevée, on lui demanda quel effet il en éprouvait : « Une sueur froide de contentement, répondit-il. — Vous la trouvez donc bonne ? — Divine c'est la parole de Dieu. — Sera-t-elle comprise ? — Qui peut en douter ? »