LES ORIGINES POLITIQUES DES GUERRES DE RELIGION

LIVRE TROISIÈME. — L'ENTREPRISE DE TOSCANE

CHAPITRE IV. — LA RUINE DES FUORUSCITI.

 

 

La nouvelle du désastre qu'avait subi Piero Strozzi à Marciano se répandit vite dans toute l'Italie. Cosme de Médicis en fit part aux villes de son duché, ainsi qu'aux princes ses amis[1]. De même, le marquis de Marignan, dont les troupes avaient remporté la victoire, s'empressa de l'annoncer partout[2].

A Rome, cet événement fut connu le 3 août[3]. Le pape, jusqu'alors si prudent dans les manifestations de sa politique touchant les affaires de Toscane, ne put cacher plus longtemps ses préférences personnelles : il adressa au duc de Florence des félicitations et fit bonne chère à son ambassadeur[4]. Les grands cardinaux du parti français, du Bellay, d'Armagnac et surtout Farnèse, furent unanimes à blâmer le malheureux Strozzi, vaincu et blessé. Il a commis, dirent-ils, une grave faute, en se laissant entraîner à la bataille, puisqu'il savait que le duc à court d'argent ne pourrait prolonger les hostilités[5]. Et déjà les Farnèse refusaient de livrer aux Siennois le blé de l'Etat de Castro, malgré des promesses antérieures[6].

Parmi les Florentins et les Siennois de Rome, la douleur fut particulièrement vive. Beaucoup de leurs parents ou amis, membre de ces familles réfugiées qui avaient contribué avec tant de passion et souvent d'héroïsme à soutenir la guerre contre le Médicis. étaient morts ou blessés. C'était la fin terrible d'un rêve. Une ombre de tristesse obscurcit, pour longtemps, la vie de ces hommes, riches ou pauvres. Joachim du Bellay, qui se trouvait alors à Rome, a peint, en quelques vers, leur abattement :

Si je descens en banque, un amas et recueil

De nouvelles je treuve,...

De riches Florentins une troppe banie,

Et de pauvres Sienois un lamentable dueil[7].

Dans cette débâcle, seul, le trésorier Dominique du Gabre s'empressa de rassurer les membres du parti français en Italie et de prévenir les défections Menaçantes. De Ferrare, il envoya des lettres aux princes qui inclinaient à la trahison. La routte du sieur Pierre est grande, écrivait-il le 7 août à Octave Farnèse, et y fault avoir regret, mais elle ne sera de si grand ruyne comme l'on pourroit bien penser. Trois mille lansquenets, des Français et de la cavalerie, affirmait-il, étaient rentrés à Sienne, pour y soutenir le siège[8].

Cependant, Piero Strozzi grièvement blessé s'était réfugié à Montalcino : il ne pouvait plus assumer la direction de la guerre. Au reste, les Siennois ne croyaient plus en lui ; son prestige s'était évanoui, sous le coup de la défaite. Les cardinaux français pensèrent alors qu'il convenait de lui donner un successeur, et, pour cette charge, ils choisirent l'ambassadeur Lanssac, qui était très populaire, en attendant que le Roi y pourvût régulièrement.

Justement Lanssac, venant de Sienne, était rentré à Rome, dans les derniers jours de juillet. Le 4 août, obéissant aux instances des Siennois eux-mêmes et de Blaise de Monluc qui, tombé malade, ne pouvait suppléer Strozzi, il reprit la route de Toscane, passa par Viterbe et s'arrêta à Montalcino, pour y visiter le maréchal[9]. De Montalcino, Lanssac voulut partir à pied, accompagné seulement de quelques arquebusiers. Au moment où il allait pénétrer dans Sienne, le 11 août, il fut surpris par une troupe de cavaliers ennemis, qui l'enchaînèrent et l'emmenèrent à Florence[10]. Cosme de Médicis le fit enfermer dans la forteresse de San Miniato et le soumit au régime des criminels de droit commun, malgré l'immunité que lui conféraient ses fonctions diplomatiques et en dépit de l'intervention du cardinal du Bellay[11].

Ce funeste accident aggravait la situation. A Sienne, Blaise de Monluc, lieutenant qui commandait les troupes françaises, souffrait d'une maladie que l'on jugeait mortelle. Le découragement gagnait les soldats. Des signes de trahison apparaissaient. Le cardinal Farnèse devait user d'intimidation pour forcer son frère Octave à vendre aux assiégés les grains de l'Etat de Castro. Après de si beaux espoirs, la fortune accablait le parti français[12].

Dans cette extrémité, les cardinaux représentants du Roi ne savaient plus qui déléguer à Sienne. Le 14 août, ils résolurent de conférer la lieutenance à Roberto Strozzi, le banquier, frère du maréchal ; en annonçant ce choix aux magistrats de la République, ils vantèrent les qualités de Roberto, comme s'ils avaient à s'excuser de mettre à la tète des troupes de défense un autre de ces fuorusciti florentins, que les Siennois accusaient d'être responsables du désastre de Marciano[13]. Cependant, on apprit que Odet de Selve, ambassadeur du Roi à Venise, était en route pour Rome, où il venait remplacer Lanssac. Arrivé, le 29 août, dans la Ville éternelle, De Selve se disposait à gagner Sienne, lorsque Monluc fit savoir qu'il était rétabli et que, par suite, l'envoi du nouveau lieutenant était inutile[14].

 

Au mois d'août 1554, la Reine enceinte se trouvait à Compiègne. Le 14, arriva d'Italie un courrier qui apportait des lettres du maréchal de Brissac et du trésorier du Gabre annonçant le désastre de Marciano. Averti de ne pas effrayer Catherine, le courrier ne fit que passer et poursuivit sa route jusqu'au camp de Picardie, où était alors Henri H. Celui-ci fut aussitôt informé du terrible événement qui ruinait la fortune des Français en Toscane.

Cette nouvelle, que les courtisans ne voulurent pas d'abord accueillir comme vraie, gâta le plaisir qu'avait donné au Roi le succès de ses armes dans le combat de Renty. Confirmée par d'autres lettres, arrivées le 16 août, on la tint cachée à la Reine, de peur de causer à celle-ci une émotion trop forte[15]. Seulement le 19, Henri II envoya du camp un gentilhomme de sa chambre afin d'en informer Catherine de Médicis avec tous les ménagements possibles[16].

Le premier mouvement de la Reine fut de colère et de désespoir. Versant des larmes abondantes, elle s'indigna de l'attitude des troupes italiennes qu'on accusait de s'être enfuies du champ de Marciano et les traita de lâches. Elle se montra aussi fort mécontente qu'on lui eût caché la nouvelle pendant plusieurs jours[17].

Mais, bien qu'elle fût enceinte, Catherine, avec la souple énergie dont elle a donné plus tard tant de preuves, reprit vite la maîtrise de soi. Dans ce deuil, elle ne songea d'abord qu'à son favori, Piero Strozzi, qu'on savait blessé de deux arquebusades. Elle dépêcha son valet de chambre Guérin pour visiter Piero et le réconforter[18]. Pendant ces jours de douleur, elle ne cessa de parler du vaincu de Marciano comme d'un fils, avec l'accent d'une tendresse qui étonna son entourage même[19].

La Reine comprit qu'il importait surtout de sauver Strozzi d'une disgrâce et les fuorusciti du désespoir. Elle ordonna d'expédier aussitôt des lettres aux colonies florentines de Lyon et de Rome pour ranimer leur courage, en leur annonçant que le Roi était décidé à envoyer en Toscane de plus grands secours que jamais[20].

Henri II lui-même, aussitôt qu'il avait appris la défaite de Marciano, avait dépêché en Italie un ancien secrétaire de François Ier, Claude Le Breton, sieur de Villandry, avec mission de visiter le maréchal et de se renseigner exactement sur l'état des forces françaises à Sienne et dans le comté. Villandry arriva, le 29 août, à Montalcino, où il conféra longuement avec Strozzi blessé[21] ; puis il partit pour Rome et y fit son entrée, le 7 septembre[22]. Il séjourna plusieurs semaines dans la Ville éternelle, tâchant vainement d'unir pour la cause commune les énergies des cardinaux français qui se dépensaient en rivalités mauvaises. De même, le Roi avait ordonné à Odet de Selve de se rendre à Rome pour y tenir le lieu de Lanssac, tandis que l'évêque de Lodève, Dominique du Gabre, irait occuper l'ambassade de Venise, tout en conservant ses fonctions de trésorier[23].

Pendant le mois de septembre 1554, les affaires de Toscane retinrent toute l'attention du Conseil royal. Mais alors, comme en tant d'autres occasions, il est bien difficile de saisir la pensée vraie de Henri II ou même de savoir si, parmi des conseillers divers, il écouta les uns plutôt que les autres. Publiquement un grand effort fut annoncé. Le Roi donna des preuves de sa haine ardente contre Cosme de Médicis et, pour mieux montrer son attachement indéfectible aux bannis florentins, il déclara très haut éprouver plus de peine de la blessure de Strozzi que du désastre de Marciano[24]. La nouvelle de la prise de Lanssac et le bruit qu'on répandit de la mort de Piero surexcitèrent les esprits[25]. Henri II s'écria, devant l'ambassadeur de Sienne, qu'en son âme, il prenait la résolution de se venger du duc de Florence. Des provinces les plus reculées du royaume, de Bretagne et de Normandie, le gouvernement faisait porter des grains en Italie pour secourir la ville assiégée et accordait une exemption de taille à ceux qui vendraient leur blé aux représentants de Sienne[26].

Que les sentiments exprimés par le Roi fussent sincères et les mesures qu'il prenait propres à réparer l'infortune passée, on ne peut en douter[27]. Mais, d'autre part, il est bien sûr qu'en ce même temps, Henri II considérait la possibilité d'un accord avec le duc de Florence. Le 13 septembre, il adressait à Hercule d'Este des instructions sans équivoque à ce sujet : J'ay advisé que ne pouvant entreprendre de secourir Syenne si promptement qu'elle en auroit besoing, le meilleur est de s'accommoder à ce qu'il se présente pour éviter de deux maulx le pire, et à ceste cause vous regarderez par quelz moyens, honnestes et raisonnables, l'on pourra traicter et capituler de l'accord[28].

Cette contradiction s'explique si l'on suppose que Henri II ne se montrait belliqueux qu'afin de satisfaire la Reine. Catherine ne faiblissait point. Après avoir envoyé à Piero Strozzi l'assurance que le Roi lui gardait toute sa confiance et toute son affection[29], elle adressa ses exhortations aux Siennois. Pour l'amour égal au vôtre que nous portons à la Patrie, leur écrivait-elle le 29 septembre, soyez assurés qu'auprès du Roi nous agirons en sorte que sa puissance ne vous fera défaut si peu que ce soit dans la conservation de votre Etat et de votre liberté[30].

Le 15 septembre, était arrivé à la Cour Bernardino Buoninsegni, ambassadeur extraordinaire de Sienne, chargé par ses concitoyens de mettre le gouvernement royal au courant des derniers faits de guerre et de l'informer des besoins pressants dont souffrait la République[31]. Secondé par Claudio Tolomei et Eneas Piccolomini, ambassadeurs ordinaires, il insista pour qu'on fournit vite des secours aux assiégés[32]. Son action parut efficace. Il prit congé de la Cour, à la fin du mois, et partit, emportant des promesses qui dépassaient ses demandes : le 20 octobre, il était à Montalcino, d'où il s'empressa de faire connaître aux Siennois les résultats inespérés qu'avaient donnés à sa mission la bonne volonté du Roi et le zèle ardent de la Reine[33].

En effet, il semblait que Henri II obéissait aux instances acharnées de Catherine de Médicis et se disposait à ouvrir en Italie un nouveau crédit à la fortune : il voulait, disait-on, mettre en marche une grande armée, destinée à reprendre la victoire sur les champs ensanglantés dé la Toscane, armée dont le commandement serait confié au maréchal de Saint-André, chef heureux et renommé, qui venait de s'illustrer en Picardie[34]. Mais c'était la dernière flamme d'espoirs trop ambitieux.

 

En Italie, l'épreuve de la défaite avait élargi les fissures créées depuis longtemps par la rivalité profonde qui divisait les chefs du parti français.

Piero Strozzi, un temps accablé par ses blessures et par son infortune, s'efforçait de reprendre pied. Réfugié à Montalcino, il fit preuve d'une énergie étonnante : le 25 août, il voulut se lever et, quelques jours plus tard, il remontait à cheval[35]. Le 17 septembre, Piero, impatient de rétablir l'autorité, le bon ordre et la concorde dans la ville de Sienne désemparée, partit de Montalcino, accompagné d'Odet de Selve, qui l'avait rejoint le 6 de ce mois, et de l'archevêque Francesco Bandini, lequel avait abandonné ses ouailles après le désastre de Marciano. Le lendemain, la petite troupe, mise en désordre par une brusque attaque des Impériaux, entra dans Sienne. Strozzi y séjourna vingt-deux jours, du 18 septembre au 10 octobre[36].

Les lettres de la Reine, la longue visite de Villandry, l'arrivée d'Odet de Selve, le retour de l'ambassadeur Buoninsegni porteur de bonnes nouvelles, enfin la venue du sieur de Saint-Luc, second courrier dépêché de France, avaient ranimé la vie passionnée du maréchal. Dès la fin du mois d'août, il s'était préoccupé de rassembler les débris épars de ses troupes et ses capitaines démoralisés[37]. Mais, défiant et chagrin, comme honteux de sa mauvaise fortune, il agissait avec des craintes secrètes : plus que les coups de l'ennemi, il redoutait les calomnies de ceux qui auraient dû le soutenir.

Une des premières douleurs, la plus amère, dans cette renaissance pénible de sa santé et de ses forces morales, lui fut de sentir peser sur son infortune la joie des hommes qui le haïssaient par rivalité ou jalousie. A ce vaincu, dont la passion s'était montrée, aux jours d'espoirs, si ombrageuse et hautaine, quel crève-cœur dut être l'intuition du plaisir secret qu'éprouvaient maintenant ses adversaires ! Les calomnies ne tardèrent pas à le blesser au point le plus sensible, dans sa renommée. Aussitôt après le désastre de Marciano, Strozzi, prévoyant les mensonges des détracteurs, avait dépêché un courrier au Roi pour se justifier[38]. L'envoyé du maréchal arriva à la Cour en même temps que Nichetto, agent de confiance du cardinal de Ferrare, qui apportait, de la part de son maître, un rapport malveillant sur la conduite du chef des fuorusciti[39].

Hippolyte avait trouvé, dans les revers de Strozzi, l'occasion d'une revanche facile : il n'avait point pardonné à celui qui s'était emparé naguère, à ses dépens, du gouvernement de Sienne. Sous couleur de conseils et de condoléances envoyés au Roi, le cardinal se hâta de diffamer son ancien adversaire[40]. Lorsque l'ambassadeur Odet de Selve avait quitté Venise pour se rendre à Rome, le cardinal l'avait arrêté, le 25 août, à Ferrare, afin de lui exposer ses idées touchant l'affaire de Sienne, lui fournir des renseignements et l'exhorter à se conduire selon des principes contraires à ceux de Strozzi[41]. Villandry lui-même eut sans doute occasion, en passant par Ferrare, de connaître les sentiments malveillants d'Hippolyte d'Este à l'égard de Piero, car il écrivait à Montmorency, le 11 septembre : Je crainctz que l'amityé et intelligence ne sera pas telle entre Messieurs le cardinal de Ferrare et le mareschal Strozzi qu'il seroit nécessaire pour le service du Roy[42].

C'est dans ce même temps que les ennemis du maréchal, informés qu'Alphonse d'Este, neveu d'Hippolyte et beau-frère du duc de Guise, rentrait à la Cour de son père, répandirent le bruit qu'il devait être nommé par Henri II lieutenant militaire en Toscane, au lieu de Strozzi[43]. D'ailleurs, on sut bientôt que le cardinal allait reprendre la surintendance des affaires du Roi en Italie.

Ces nouvelles ainsi que les calomnies furent accueillies, grossies et répétées par les amis de Ferrare et des Guises à la cour de France. D'abord, les adversaires de Strozzi, craignant d'encourir la colère de la Reine, s'étaient tus. Puis, encouragés par quelques dépêches venues de la Péninsule, ils ne tardèrent plus à répandre et à envenimer des propos de brime contre les fuorusciti florentins[44].

Moins déclaré qu'Hippolyte d'Este, Alexandre Farnèse était alors pour Strozzi un ennemi aussi dangereux. Lorsque le pape Jules III avait prié Henri H de confier au cardinal Farnèse la charge intérimaire de protecteur de France à Rome, ce n'était point seulement, comme il l'avait dit, par désir de rendre manifeste et durable sa réconciliation avec les petits-fils de Paul III, mais surtout dans l'espoir qu'Alexandre, connu pour ancien ami de Cosme de Médicis, ferait servir sa nouvelle influence à réconcilier le gouvernement royal avec le duc de Florence[45]. Aussi, avant même que le cardinal Farnèse fit son entrée à Rome, dans les derniers jours de juillet 1554, les Français d'Italie étaient-ils avertis de ses intentions pacifiques, et nous avons vu que le Roi par une lettre avait mis en garde Lanssac et Jean du Bellay.

Pendant tout le mois d'août, Jules III montra au cardinal Farnèse la plus grande faveur et en fit son confident[46]. Les intentions du pape étaient louables : mettre un terme à la guerre de Toscane et, à défaut d'une paix générale, détourner du centre de l'Italie le (lot des armées espagnole et française. Pour atteindre ce but, il conseilla aux représentants de la politique royale, et particulièrement à Farnèse, après la bataille de Marciano, de préparer une réconciliation du duc de Florence avec Henri II et de reprendre les projets de conquête du royaume de Naples. Sa Saincteté, écrivait Alexandre, le 5 août, m'est venue à faire divers comptes du passé, touchant et l'origine et la continuation de ceste guerre, et du debvoir où toujours elle s'est mise, déplorant ceste calamité d'Italie avec moy qui suis de la nation. Entre iceulx propoz m'ayant Sa dicte Saincteté jecté suz ceulx de, la conqueste de Naples, comme estant chose plus facile et plus utile que les aultres, je luy en ay respondu le plus sobrement que j'ay peu, mais parmi iceulx propoz ne luy ay voulu faire bonnes les raisons du duc de Florence quant aux causes de son agression[47].

Au vrai, le cardinal Farnèse poursuivait un dessein bien différent de celui du pape. Il revenait à ses anciens projets sur l'Etat de Sienne et demandait à Henri II d'en confier le gouvernement militaire à Octave, duc de Parme, son frère[48]. La défaite de Strozzi favorisait ces ambitions. En apprenant la déroute de Marciano, Alexandre put triompher en lui-même. N'avait-il pas prédit depuis longtemps que la guerre des fuorusciti finirait mal ? Ne s'était-il pas employé, avant de quitter la France, pour empêcher une rupture définitive entre le Roi et Cosme de Médicis ?

Pourtant, il ne montra pas trop vite ses sentiments. Il reconnut qu'après un tel événement, Henri II ne pouvait plus reculer. Autant j'étais d'avis avant cette mésaventure qu'on traitât avec le duc de Florence, écrivait-il, autant je crois, maintenant que la chose est faite, qu'il serait peu honorable de s'incliner, vu qu'il s'agit d'un prince très inférieur au Roi[49]. Le cardinal affecta même de prendre intérêt à la situation de Piero Strozzi. Il lui adressait des félicitations sur la guérison de ses blessures et l'informait des tentatives d'empoisonnement dont on disait que le maréchal était menacé. De même, il déclarait se réjouir d'apprendre que le Roi conservait à Piero, malgré toute sa mauvaise fortune, la même faveur que s'il eût été vainqueur[50]. Et le cardinal écrivait, d'un ton de condescendance résignée : Nous tâchons de remédier aux affaires de Sienne autant qu'il est possible[51]. Mais ces bonnes paroles recouvraient une perfide compassion : prendre Strozzi en pitié, c'était ruiner son prestige.

Pour se défendre contre les insinuations diverses de la calomnie et prévenir les manœuvres ambitieuses de ses rivaux, le maréchal résolut d'envoyer à la Cour son confident intime, Tomaso del Vecchio. Celui-ci avait suivi son chef sur le champ de bataille de Marciano et participé aux souffrances des fuorusciti après la défaite : mieux que personne, il connaissait l'état de la pauvre République, les ressources et les projets de Strozzi. Il partit de Sienne, aux premiers jours d'octobre, passa par Montalcino et prit la route de France ; il arriva à Paris, vers le 25 du même mois[52]. La visite de Tomaso rendit confiance, pour un temps, aux courtisans. Il affirma que Sienne pourrait tenir contre les Impériaux jusqu'au mois d'avril suivant. Le crédit dont jouissait cet agent dans l'entourage de Catherine de Médicis et auprès du Roi lui-même autorise à supposer que ses discours sauvèrent Strozzi des risques que lui préparait la commisération maligne d'Hippolyte d'Este et du cardinal Farnèse[53].

D'ailleurs, les desseins de ce dernier soulevaient, à Rome même, l'opposition acharnée du cardinal du Bellay. Pour détourner le Roi de confier à Octave Farnèse la lieutenance militaire en Toscane, du Bellay n'hésitait pas à prédire la trahison d'Alexandre et de sa famille. Je croy, Monseigneur, écrivait-il au connétable, que vous sçavez bien à quel homme nous avons icy à faire. Je trouveroye fort dangereux qu'on se mist si avant en ses mains que de donner à son frère la charge qu'il demande, et si ne vouldrois-je pas estre seuretté pour sa belle-sœur [Marguerite] qu'en son absence elle ne laissast soubz main entrer l'Empereur en Parme. Plust à Dieu que son filz fust en France ![54]

A l'automne de 1554, les trois cardinaux représentants du parti français dans la Ville éternelle, Farnèse, du Bellay et d'Armagnac, furent pris d'une extravagante fureur de jalousie et de haine mutuelles : lamentable comédie, que rendait plus triste le spectacle voisin des misères de Sienne[55]. Dans une lettre adressée au secrétaire Beauregard, Villandry montre en peu de mots quelle était alors, sous la direction de ces trois princes d'Eglise, l'incohérence de la politique française à Rome. Je ne scay pas, écrivait-il, comment M. de Selve se y conduira. Bien vous asseureray-je que si vous l'obligez à prendre sur toutes choses l'advis de ce triumvirat, il se trouvera bien empesché, et il le sera encores davantaige s'il a à se conduire avec l'adviz de l'ung d'entre eulx seullement... Si Monsieur le cardinal de Ferrare est une foiz icy, je croy que l'on tombera de fiebvre en chault mal[56]. Strozzi ne pouvait donc compter ni sur la bienveillance ni moins encore sur le secours des représentants du Roi à Rome. Il avait le double souci de réparer, lui souffrant encore de ses blessures, les ruines causées par la défaite de Marciano et de défendre au loin, dans les Conseils de Henri II, son honneur et sa renommée, que minaient ses adversaires politiques.

Des Siennois eux-mêmes pouvait-il espérer une collaboration dévouée ? Dans cette République, où réapparaissaient, envenimées par la misère générale, toutes les dissensions séculaires, déjà se levait la plus dangereuse résistance aux desseins du maréchal.

 

Dès son arrivée à Sienne, nous l'avons dit, Piero s'était heurté à la défiance d'une certaine partie de la population, de celle qui n'aimait point être dirigée par d'autres Italiens. Cette défiance, au reste justifiée par la couleur nouvelle que les bannis de Florence donnèrent à la guerre de Sienne, resta discrète tant que l'espoir d'une victoire éclatante nourrit d'une ardeur commune les Siennois et les fuorusciti. Mais le désastre de Marciano fit craquer ce vernis de concorde et mit au jour toutes les fissures.

Un événement qui se passa dans les derniers jours du mois d'août lrifi4, offrit aux Siennois, excités par les douleurs et les humiliations de la défaite, l'occasion de montrer leurs rancunes profondes. Le Florentin Gianino Zeti avait obtenu de Piero Strozzi, qui était son ami, le poste de gouverneur de Monteriggioni, petite ville située à quelques milles de Sienne et dont la garnison formait l'avant-garde des troupes de la République contre l'ennemi. Le 29 août, Zeti, acheté par des émissaires de Cosme de Médicis et du marquis de Marignan, livra la place aux Espagnols. En vain essaya-t-il de se disculper : sa trahison fut prouvée. Alors, le peuple de Sienne, en proie à la fureur, voulut chasser tous les Florentins qui se trouvaient dans la cité et le comté, et Bartolomeo Cavalcanti, le réformateur politique qu'avait amené jadis Hippolyte d'Este, faillit être massacré à cause de son origine florentine[57]. La perte de Monteriggioni, écrivait-il à Octave Farnèse le 1er septembre, survenue par la trahison de Gianino Zeti, a mis le peuple de la cité à l'extrême du désespoir et a augmenté sa haine contre Piero Strozzi et tous ceux de notre nation, de sorte qu'hier peu s'en fallut qu'une révolution n'éclatât[58]. Les magistrats ne purent apaiser l'émeute qu'en sacrifiant le Florentin Vincenzo de Nobili, sergent major, qui s'enfuit à Montalcino auprès de son chef[59].

Les Siennois avaient de sérieuses raisons pour suspecter les intentions de Piero Strozzi. Le gouvernement de la République reçut avis, quelque temps après la bataille de Marciano, que le maréchal visait à conserver seulement les territoires de Montalcino, Porto-Ercole, Grosseto et Chiusi, — bande de pays indépendante et restreinte, dont la possession, plus facile à défendre, offrait des avantages suffisants, à cause de l'importance navale du littoral —, en laissant tomber aux mains de l'ennemi la ville même de Sienne. Le peuple cria à la trahison : ce projet menaçait non seulement la liberté de la cité, mais encore l'unité de la République. C'était de tous points de vue une forfaiture : les Siennois n'avaient accepté la protection du roi de France que comme garantie de leur propre indépendance et de l'intégrité de leur territoire. Strozzi, en sacrifiant à des besoins stratégiques et aux intérêts prétendus de la politique française le cœur même et partant la vie de la République, violait brutalement le pacte de protection. Ainsi, les passions diverses, après un an de communauté ardente, se séparaient, sous le coup de la défaite, et chacun tirait vers son profit particulier. Les documents permettent de croire que le souvenir de la tyrannie espagnole et la crainte des représailles impériales empêchèrent, seuls, les Siennois de quitter, à ce moment, le parti de la France[60].

C'est dans les premières semaines de septembre 1554 que se manifesta le plus vivement l'excitation des esprits. Le 1er, les magistrats dépêchèrent à Rome un gentilhomme pour dire aux agents royaux que la République ne voulait plus être aux mains de Strozzi[61]. Le maréchal lui-même s'émut des grondements de révolte, dont le bruit venait jusqu'à Montalcino : il fit représenter aux Siennois qu'il avait agi et agissait au mieux et selon ses facultés, mais qu'il était mal servi[62]. Bartolomeo Cavalcanti jugeait, au 6 septembre, la situation comme à peu près désespérée : Le fait que Piero Strozzi, écrivait-il, demande aux magistrats de mettre hors de la ville les femmes, les enfants et les vieillards des familles citadines a provoqué une telle émotion que le peuple est sur le point de faire une révolution. Les citoyens n'ont qu'une voix pour crier qu'ils ne veulent pas envoyer leurs filles au b... L'on parle du seigneur Piero brutissimamente. En somme, ces gens ne peuvent plus entendre nommer ni lui ni personne de notre nation, et les choses vont très mal[63]. Dans le comté, le mécontentement n'était pas moindre qu'à Sienne même. Sans cesse arrivaient à Montalcino des ambassadeurs, envoyés par les habitants de la campagne, pour dépeindre à Strozzi le désordre de ses troupes qui pillaient les villages amis comme les ennemis, tandis que la disette commençait à sévir, les vendanges ayant été sans fruits[64]. Piero trouvait devant lui des plaintes unanimes et, pour ainsi dire, un reproche universel.

Les représentants du Roi à Rome n'étaient guère, il est vrai, plus populaires auprès des Siennois que le chef malheureux des fuorusciti florentins. Jean du Bellay, le seul de ces représentants qui voulût quelque bien à Strozzi, accueillait de mauvaise grâce les doléances que lui transmettaient les envoyés de la République. Dans l'affaire des bouches inutiles qui avait soulevé si violemment l'indignation du peuple, du Bellay prit parti pour le maréchal, et, quand les magistrats se décidèrent, à la fin de septembre, à exécuter ces dures prescriptions, il les exhorta, en les félicitant, à suivre désormais avec une docilité plus confiante les ordres du lieutenant[65]. Les Siennois, en effet, croyant deviner dans l'attitude de Strozzi et celle des cardinaux le dessein de sacrifier leur cité à la conservation de la Maremme, s'adressaient directement à Henri II et le suppliaient de ne pas abandonner ses protégés. Ils lui peignaient leurs misères et les périls qui menaçaient la République sous des couleurs excessives. Au début d'octobre, du Bellay déclara à l'évêque de Pienza, ambassadeur de Sienne à Rome, qu'il lui déplaisait qu'on inquiétât le souverain, sans user de son entremise, et que, d'ailleurs, quant à l'état des assiégés, il savait fort bien que leurs besoins étaient moindres que leurs plaintes[66].

Telle était, à l'intérieur même du corps menacé, la dissolution des éléments de résistance. Mais la nécessité pressante de faire front à l'ennemi rétablit d'apparence l'unité morale entre les Siennois et les représentants du Roi. L'action de Blaise de Monluc, qui commandait les troupes de la cité, fut assez efficace pour atténuer le mal causé par ces dissensions ; son exemple d'énergie et de bravoure rendit aux citoyens l'amour des armes françaises.

 

Un des signes les plus saillants de l'anarchie qu'avait provoquée, dans le camp français de Toscane, le désastre de Marciano, fut que les fuorusciti commencèrent de se tenir pour suspects les uns les autres. Cette défiance parut vive surtout entre les partisans de Strozzi et les Napolitains. Les derniers n'oubliaient pas que l'entreprise de Sienne avait été décidée jadis au détriment de celle de Naples. Devant les mauvais résultats qu'on avait obtenus, ils ne cachaient plus leur désapprobation. On apprit à Rome, au début de novembre, que Strozzi et le duc de Somma s'étant rencontrés à Grosseto, les deux chefs avaient échangé des injures et des coups de poing. Ce fut une stupeur dans la Ville éternelle[67].

Le maréchal, exaspéré par la malchance, les soupçons et sans doute aussi par la souffrance physique, incriminait les Français mêmes qui servaient sous ses ordres. Lorsque Blaise de Monluc voulut remercier le marquis de Marignan de la courtoisie qu'il lui avait montrée durant sa maladie, Strozzi, prévenu, adressa au capitaine gascon des lettres injurieuses l'accusant de complaisance envers l'ennemi[68].

On peut croire que, dans ces conditions, Piero, peu soutenu par les agents du Roi à Rome, détesté par les Siennois, fut de plus mal servi par ses subordonnés. Ceux-ci, qui combattaient afin de sauver leur honneur militaire, ne firent rien pour relever le prestige d'un chef qu'ils n'aimaient pas, soucieux seulement de n'être pas compris dans sa disgrâce ou son impopularité. Strozzi, du reste, ne savait pas cacher sa pensée : il déclarait un jour à l'ambassadeur Buoninsegni, comme pour confirmer les bruits fâcheux dont on chargeait sa réputation, que, dans le cas que Sienne fût prise ou capitulât, il maintiendrait cependant l'occupation de Grosseto et de Porto-Ercole, qui étaient, disait-il, terres de conquête. Or les Siennois, qu'ils fussent sous le joug impérial ou sous la protection du Roi, entendaient ne pas laisser démembrer leur comté. La cité, écrivait Cavalcanti, le 20 novembre, est au dernier degré du désespoir et tous crient contre Strozzi[69].

C'est dans ces circonstances que rentra en scène le cardinal de Ferrare, le pire adversaire de Strozzi, son ancien rival à Sienne.

A son départ de Toscane, en juin 1554, Hippolyte d'Este avait été prié par le Roi de retourner à Rome, une fois ses affaires terminées à Ferrare : Henri II espérait que le cardinal, reprenant l'exercice de sa charge de protecteur, fournirait une aide efficace aux tentatives des diplomates français pour séduire Jules III et l'entraîner à la guerre. Mais l'orgueilleux prélat déclina le rôle qui lui était offert et allégua que sa santé ne se pourrait accommoder des grandes chaleurs de Rome[70]. En réalité, Hippolyte, vivement offensé de l'envoi de Strozzi à Sienne, ne voulait point paraître accepter une compensation. Le cardinal Farnèse, nous l'avons dit, reçut alors mission d'exercer l'intérim de la Protection.

Au début du mois d'août, Henri II, qui n'accordait aucune confiance à Farnèse et qui jugeait insuffisante l'activité de Jean du Bellay, fit de nouvelles offres au cardinal de Ferrare. Le désastre de Marciano, où s'écroula le rêve des fuorusciti, était, pour Hippolyte, comme une revanche de la fortune et une satisfaction donnée à son ressentiment. Aussi accepta-t-il de retourner à Rome, tout en posant des conditions. Ces conditions étaient que le Roi éloignât de la Ville éternelle les cardinaux Farnèse et du Bellay, avec lesquels Hippolyte refusait d'entrer en relations, et y envoyât le cardinal de Tournon, son ami, qui lui servirait de collaborateur. Ce sont ces conditions que le secrétaire Nichetto vint apporter à la Cour, vers le 25 août, en même temps que des renseignements mauvais sur les opérations militaires de Strozzi en Toscane. La malveillance d'Hippolyte visait en particulier Alexandre Farnèse, qu'il accusait d'avoir ruiné la prépondérance du parti français à Rome par ses querelles personnelles avec les cardinaux Sermonetta, Verallo, Crispo et San Giorgio. Au vrai, Ferrare escomptait le succès d'un conclave que tout le monde jugeait prochain, et voulait par avance éloigner l'homme dont les intrigues pouvaient compromettre, ainsi que déjà l'avait prouvé l'élection de 1550, ses ambitions pontificales[71].

Il est probable que Henri II donna quelques assurances à Hippolyte d'Este. De fait, l'ambassadeur siennois, Bernardino Buoninsegni, qui partit de la Cour à la fin de septembre, reçut mission de passer par Ferrare et, d'y annoncer au cardinal que le Roi le créait surintendant général des affaires de France en Italie avec résidence à Rome[72]. Hippolyte en fut informé dès le début d'octobre, mais il attendit, pour se mettre en route, l'arrivée de ses agents Nichetto et Scipion Piovene, qui devaient lui apporter l'expédition officielle[73].

Le 3 novembre, le Roi fit savoir aux princes, ses alliés et protégés, la nomination du cardinal : J'envoie mon cousin le cardinal de Ferrare résider à Rome, auprès de Nostre Sainct-Père le Pape, avec la superintendance de mes affaires d'Italye[74]. Hippolyte d'Este rentrait en grâce d'une manière solennelle, investi de pouvoirs que les circonstances rendaient plus étendus et plus effectifs que ceux qu'il avait jamais possédés. Ce fait marque un regain de l'influence des Guises, qui vont diriger, pour longtemps, la politique italienne du Roi Très Chrétien.

Le 7 décembre 1551, Hippolyte d'Este fit son entrée à Rome, entouré de prélats et de courtisans : plus de trois ans s'étaient écoulés depuis le jour où fuyant la colère de Jules III, au mois de juillet 1551, il avait quitté la Ville éternelle. Le cardinal Sermonetta, par une marque de déférence rare, se rendit au-devant de lui jusqu'à la porte de la cité[75]. Les deux princes de l'Eglise, amis anciens, poursuivirent dès lors une action commune et, sous couleur de diriger les affaires françaises, préparèrent les voies de leur ambition en vue du conclave que permettait d'espérer la mauvaise santé du pontife régnant[76]. Quant au cardinal Farnèse, frustré de sa charge de protecteur intérimaire, il montra aussitôt le désir de se retirer en Avignon, mais Henri II lui donna ordre de rester à Rome. Jean du Bellay, tout en demeurant lui aussi près du pape, perdit la plus grande part de son influence, brouillé avec Ferrare et même avec l'ambassadeur Odet de Selve[77].

La première pensée du cardinal de Ferrare, en arrivant à Rome, investi d'un pouvoir général de surintendance, fut de faire sentir son autorité en Toscane, où se jouait alors l'acte le plus important de la guerre italique. Le Roi s'était abstenu de fixer les rapports d'Hippolyte avec Piero Strozzi. Mais le cardinal entendit bien imposer sa suprématie au rival, naguère si orgueilleux, aujourd'hui humilié, sur lequel la fortune lui offrait l'occasion de prendre une revanche. Il dépêcha sans tarder à Montalcino son secrétaire Nichetto pour communiquer à Strozzi le texte de ses lettres de provision. Dans les instructions remises à Nichetto, Hippolyte formulait, en termes du reste courtois, le souhait que Piero voulût bien se soumettre à la volonté du Roi et incliner son autorité devant celle du protecteur rentré en charge[78].

Strozzi accueillit très froidement le message que lui adressait son ancien adversaire. Le 27 décembre, il lui répondit en faisant des réserves sur le sens que le cardinal prétendait lire dans les lettres du Roi : Nous prions Sa Seigneurie Illustrissime, déclarait le maréchal, de prendre garde à ne pas s'immiscer dans notre charge, attendu qu'un tel procédé ne pourrait passer sans léser notre honneur et semblerait indiquer que le Roi eût diminué notre autorité, laquelle nous croyons devoir maintenir en ce qui touche les choses militaires, comme nous l'avons fait jusqu'aujourd'hui ![79] C'était ranimer la vieille querelle, née à Sienne en janvier 1554.

Le cardinal, soit par prudence, soit par inclination à se désintéresser des choses de Sienne, eut le bon esprit de ne pas montrer trop d'irritation. Seulement il accabla son rival de protestations ironiques. Quels sont donc vos sentiments à mon égard, lui écrivait-il, de vous qui prenez occasion de ma dignité pour montrer une telle défiance que de croire que je veuille entreprendre sur le domaine de votre charge : par quoi Votre Excellence laisse paraître non seulement le peu de crédit qu'elle fait à mon amitié, mais encore la fâcheuse opinion qu'elle a de moi. Et il terminait, non sans hauteur : Je pense jouir d'assez d'autorité pour bien accomplir moi-même tout ce qui est compris dans la charge que m'a confiée Sa Majesté[80].

A l'heure où la république de Sienne subissait l'épreuve dernière qui devait l'abattre et anéantir du même coup tous les espoirs enclos dans l'entreprise de Toscane, telle que l'avaient réalisée l'audace de la politique royale et les passions des bannis florentins, on voyait ainsi les Italiens que le Très Chrétien avait placés dans la Péninsule pour y représenter sa puissance, se vouer aux disputes personnelles, aux querelles de vanité. Ces hommes, divisés en nations, en partis et en factions, apportaient encore, au sein des groupements réduits, comme par une sorte de vice naturel à leur race, la fureur des jalousies et .des rivalités.

 

Au surplus, la politique royale perdait, dans le même temps, cette ardeur désordonnée mais vigoureuse, qui l'avait soutenue pendant deux ans par l'espoir de grands triomphes. Tout s'apaisait, languissait, s'obscurcissait.

Le Roi ne voyait plus clair dans les affaires d'Italie. Son esprit, trop étroit pour comprendre l'ensemble du problème, était alors tout troublé par les avis et les poussées contradictoires que lui donnaient ses agents désunis. Même les renseignements, qu'on lui envoyait d'Italie, ne s'accordaient plus, dénaturés par des intermédiaires passionnés, du Bellay, Hippolyte d'Este, Strozzi. Des lettres qui arrivaient de Rome ou de Toscane, on ne pouvait tirer une indication précise et suivie. Henri II s'en plaignit amèrement[81]. C'est pourquoi, en dépit des grandes promesses naguère consenties aux envoyés de Sienne, l'effort du gouvernement royal, au déclin de l'année 1554, se porte plutôt sur le Piémont, où Brissac conduit avec méthode et succès une guerre victorieuse. Et il ne faut point s'étonner si les négociations d'une paix générale s'engagent, quelques mois plus tard, avec facilité[82].

L'impression fâcheuse qu'avait produite à la Cour le désastre de Marciano, refoulée un temps grâce à l'énergie de la Reine, avait cheminé lentement dans les esprits et réapparaissait plus vive. On constatait quels grands sacrifices pécuniaires avaient coûtés l'entreprise de Toscane et combien précaires étaient les résultats obtenus. Montmorency, que la haine des Guises avait poussé dans le parti et comme au service des fuorusciti, se ressaisissait et voyait avec crainte le royaume menacé d'une ruine financière. Maintenant que la coalition se désorganisait, les fruits de cette alliance, où chacun avait cherché la satisfaction d'intérêts divergents, apparaissaient misérables dans la défaite et l'appauvrissement. Parmi les courtisans, écrivait alors un agent des Farnèse, on entend une telle lamentation sur les dépenses faites en Italie que si le Roi avait perdu la moitié de son Etat, les plaintes ne seraient pas plus grandes[83].

Strozzi, vaincu, brouillon et chagrin, devint le bouc émissaire de tous les partis. Il s'efforça vainement de justifier sa gestion financière, en accusant de Malversation les trésoriers et même les lieutenants qui avaient dirigé avant lui les affaires de Toscane[84]. Il fit représenter au Roi les mauvaises dispositions et l'indiscipline des Siennois, — de ce peuple léger, dans lequel, en tin de compte, on ne trouve aucune constance[85].

Strozzi accusait les Siennois trop à la légère. Ils avaient, pour dire juste, quelque droit de se plaindre. Instrument au service des bannis florentins qui avaient rêvé de détrôner Cosme de Médicis, la République pouvait estimer qu'on avait fait bon marché de sa sécurité. Si graves que fussent les divisions intérieures qui gênaient le gouvernement de leur cité, les Siennois avaient donné de belles preuves de courage et de désintéressement. Aussi, quand vint le mois de février 1555, après cinq mois d'un siège dont Blaise de Monluc a dépeint les tragiques moments, résolurent-ils d'entrer en négociation avec le duc de Florence pour sauver, avant la chute définitive, les suprêmes garanties de leur liberté. L'ambassadeur Ambrogio Nuti fut envoyé auprès de Cosme. A la nouvelle de cette démarche, qui avait été résolue à son insu, Piero Strozzi laissa libre cours à sa fureur, accusant les magistrats de la République de duplicité et de trahison[86]. Ce fut pour lui une nouvelle occasion d'incriminer aussi Monluc, auquel il reprochait d'être trop indépendant, de ne pas l'informer des affaires de la cité et de montrer une fâcheuse condescendance à l'égard des Siennois. Peu s'en fallut qu'il ne le rendît responsable de la sinistre résolution des assiégés[87].

La mauvaise humeur de Strozzi ne manquait pas d'aliments. Il voyait approcher l'heure où triompherait l'ennemi de toute sa vie, Cosme de Médicis. Les Français l'accablaient, et déjà il pouvait pressentir la défaveur prochaine dont le chargerait son maître d'adoption. En effet, le Roi laissait paraître des signes de mécontentement. Montmorency, le premier, fit entendre au maréchal qu'il se détachait de ses projets et n'approuvait plus sa conduite. Je supplie Votre Excellence, écrivait au connétable Piero désespéré, de suspendre son jugement jusqu'à ce que je puisse me justifier[88].

Bientôt on accusa le chef des fuorusciti, par des imputations contradictoires, de désirer la ruine de Sienne pour s'approprier les forteresses du comté. Ses rivaux, en particulier le cardinal de Ferrare, répandaient ces calomnies afin d'expliquer, à son déshonneur, la situation dans laquelle s'abîmait peu à peu la défense de Sienne. Strozzi répondait aux attaques avec une ironie amère. Il plaira à Votre Excellence, écrivait-il encore à Montmorency, de convaincre le Roi qu'il est mal que je sois sacrifié ainsi à la légère, car on peut trouver facilement un autre moyen d'excuser la perte de Sienne[89].

Henri II commençait de traiter rudement ce condottiere malheureux, qu'il avait naguère comblé de ses faveurs, aux passions duquel il avait uni ses propres désirs de vengeance contre Cosme de Médicis et ses rêves de conquête. Il lui adressa des reproches injurieux : dans une lettre que reçut le maréchal, aux premiers jours de mars, le Roi lui rappelait sèchement qu'il l'avait envoyé en Toscane, non pour y briguer des avantages personnels, mais pour y prendre soin des affaires françaises. Cette parole, répondit Strozzi, m'a blessé plus que toutes mes infortunes : car je croyais avoir prouvé la pureté de mes intentions[90].

Pourtant, l'énergie violente du terrible fuoruscito se manifestait encore par quelques sursauts. La passion n'était pas éteinte en lui, mais brûlait toujours de l'espoir de restaurer la liberté florentine. Au mois de février 1554, tandis qu'on ne songeait qu'à sauver l'honneur des armes, il proposait sérieusement de tenter un coup de main sur Lucques, grenier de la Toscane et clef de Florence[91]. Plus tard, il s'abandonnait à un dernier espoir, en apprenant que les Bentivogli cherchaient à soulever le peuple de Bologne en faveur des Français[92]. Lorsque Jules III mourut, le 23 mars 1555, Piero, croyant ranimer le courage des Siennois, leur promit une intervention des troupes royales qui auraient forcé le conclave à élire un pape dévoué aux intérêts français[93]. Mais Cosme de Médicis intercepta les lettres du maréchal et les envoya au Sacré-Collège, comme preuve des desseins malhonnêtes de cet homme qui voulait violenter le conclave et le contraindre à faire un pape à sa guise, chose de grand scandale et de détestable exemple[94].

On sait que, le 17 avril 1555, fut signée la capitulation de Sienne par le duc de Florence, don Francesco de Toledo et huit plénipotentiaires de la cité. Le texte officiel portait un article qui exceptait de la capitulation, comme rebelles à l'Empereur et au duc, les fuorusciti de Florence, partisans de Strozzi[95].

Les Siennois sortis de leur ville avec Monluc, le 21 avril, organisèrent, sous le nom de république retirée à Montaicino, un gouvernement indépendant dans la Toscane méridionale. Soutenus par quelques troupes françaises, ils se maintinrent péniblement dans les principales places de cette région montagneuse qui s'appuie à la nier et que coupent les vallées de l'Ombrone et de l'Orcia, dominées par le Monte-Amiata.

 

Des ruines de l'entreprise de Toscane, un parti sortait indemne, celui qui avait pour chefs, en France, les Guises et, en Italie, le cardinal de Ferrare. Par suite de l'alliance extraordinaire de Montmorency avec les fuorusciti, ce parti avait été frustré de l'influence que la victoire de Metz promettait à la maison de Lorraine et de la direction des affaires de Toscane. Au jour de la débâcle, il trouvait sa responsabilité dégagée.

Aussi l'année 1555 marque-t-elle, pour les Guises, le début d'une période de progrès ascendant qui durera jusqu'au déclin de l'année 1558.

L'homme qui bénéficia tout de suite de la réaction contre Montmorency et les bannis florentins fut Hippolyte d'Este. Il obtint sans peine la disgrâce définitive de ses rivaux, compétiteurs à la tiare ou au gouvernement des affaires françaises. A Strozzi lui-même le Roi reprocha surtout sa conduite irrespectueuse envers le cardinal[96].

Bien plus, dans les deux conclaves qui animèrent la ville de Rome, au printemps de cette année 1555, Henri II montra un entêtement aveugle à soutenir la candidature du cardinal de Ferrare, bien que l'opposition du Sacré-Collège fût absolue et dirimante. Pour les Guises, l'élection d'Hippolyte devait être, non seulement une satisfaction prestigieuse à l'orgueil de leur famille, mais encore la condition principale d'une grande fortune italienne, de cette conquête de Naples dont ils n'avaient point quitté le rêve[97]. Quand l'agent des Farnèse, Montemerlo, à la suite du premier conclave, vint notifier au Roi l'assomption du cardinal de Sainte-Croix, Marcello Cervini, ce fut, parmi les courtisans des Lorrains, une vive déception ; on ne manqua pas de calomnier le nouveau pape, créature du duc de Florence, dont il était né vassal[98]. Mais la mort de ce pontife vénérable et religieux rouvrit bientôt le champ aux ambitions de la famille de Guise. L'avènement de Paul IV mit à la tête de l'Eglise un homme dont la politique devait favoriser ces ambitions.

En tout cas, rien ne pouvait plus empêcher les Lorrains d'acquérir la première influence, dans les Conseils de Henri II.

La ruine des fuorusciti était complète. Au mois de juin 1555, la prise de Porto-Ercole par les Impériaux abattit définitivement la situation militaire et morale de Piero Strozzi[99]. Le maréchal quitta la Toscane et s'embarqua pour la France, avec le dessein de venir se justifier auprès du Roi. De Toulon, le 30 juin, il dépêchait à la Cour Flaminio de Stabia, son beau-frère. Le maréchal attribuait alors tous ses ennuis à la mauvaise fortune[100].

Mais Piero apprit bientôt que l'humeur de Henri II lui était définitivement hostile. Il avait demandé humblement à continuer, sur mer, son service : le Roi fit répondre sèchement que c'était assez qu'il eût ruiné une entreprise de terre, sans compromettre encore le sort de la flotte[101]. Sous l'inspiration du cardinal de Ferrare, les Guises poursuivaient Strozzi d'une haine violente et la communiquaient au souverain[102]. Il parut bien que cette disgrâce atteignait, avec Strozzi, tous les bannis florentins[103].

Parmi ces difficultés, dont le dénouement pouvait être fatal à sa fortune et à sa vie même, le maréchal trouva quelques défenseurs puissants. La Reine l'aimait toujours. Femme de patiente énergie, elle unit ses efforts à ceux de Montmorency : ancien allié des fuorusciti, le connétable ne pouvait abandonner Strozzi aux représailles des Guises devenus agressifs, sans se léser lui-même. Tous deux firent une démarche auprès de Henri II. Catherine voulait obtenir que le Roi appelât Piero à la Cour : sa demande fut repoussée. Enfin, le 20 juillet, après avoir usé de tous les arguments, elle reçut demi-satisfaction : Henri II déclara que Strozzi serait libre d'aller où il voudrait et même de venir à la Cour[104]. Le maréchal accourut à Saint-Germain, mais, lorsqu'il se présenta devant le Roi, il trouva un homme dur et silencieux. Catherine et Montmorency conseillèrent au malheureux fuoruscito de se retirer et d'attendre, dans l'effacement, la venue de circonstances meilleures. Strozzi quitta la Cour, dans les premiers jours d'août 1555[105]. C'était la disgrâce sans remède, où furent entraînés les serviteurs du maréchal et, parmi eux, son âme, Tomaso del Vecchio[106].

Pour comprendre mieux la ruine des bannis florentins, il faut imaginer, dans le temps qu'ils étaient disgraciés, leur misère matérielle et leur désudion. Beaucoup d'entre eux avaient jeté leur fortune dans la grande guerre de Toscane, et la défaite, en coupant brusquement leurs espérances, avait aussi détruit leurs richesses. Les fuorusciti de vieille date, qui s'étaient établis depuis longtemps à l'étranger, se trouvaient touchés moins gravement que les marchands dont la passion s'était réveillée plus tard sous le choc des événements de 1551. Parmi les chefs, Bindo Altoviti, patriarche de la nation florentine de Rome, et son fils qui était archevêque de Florence, virent leurs biens temporels et ecclésiastiques confisqués par Cosme de Médicis, et furent contraints de solliciter du Roi une compensation[107].

Quant à la détresse morale de ceux qui s'étaient unis à Piero Strozzi dans la poursuite d'un rêve glorieux, à jamais brisé par la fortune, elle fut la conséquence nécessaire de cette lamentable débâcle. Un agent du duc de Florence écrivait à son maitre, le 27 juin 1555, en termes où il est permis de lire autre chose qu'une flatterie : Les sujets florentins de Votre Excellence, qui ont suivi Piero Strozzi, aujourd'hui non seulement sont instruits de son ambition inquiète, mais se repentent de lui avoir donné tant de confiance. Celui qui considère les événements de l'année passée, la mort du prieur de Capoue, les faits présents, doit avouer que Dieu châtie en ce monde les hommes qui nourrissent de tristes pensées, mus par une ambition méchante et sans raison[108].

Sans doute, un peu plus tard, Strozzi, aidé par l'avènement des Carafa, ses amis, à la tête de l'Eglise, pourra reprendre un peu de l'influence ou de la faveur perdue. Mais, autour de lui, son parti restera disloqué, sans forces, sans âme et même sans foi, quels que puissent être les retours de la fortune. La carrière historique des bannis florentins est bien finie.

Pour le moment, les Guises n'ont pas à craindre davantage l'activité de Montmorency. Après tant de déceptions, le connétable était las. Au hasard des circonstances, dans la lutte tragique et ancienne qu'il soutenait contre ses rivaux, il s'était allié au plus dangereux parti de guerre qui eût jamais entraîné la politique royale. Mais cette expérience ne lui avait donné que des fruits amers et des risques. L'imprudent ministre avait pu sauver à temps, il est vrai, son crédit, en dégageant sa propre responsabilité de celle des fuorusciti. Pourtant, il ne pouvait se défendre du repentir. Aussi, pendant toute l'année 1555, le voyons-nous se consacrer aux négociations de la paix générale. Plus qu'un expédient pour réparer les ruines du passé, la paix lui parut le seul moyen efficace d'arrêter la marche ascendante des Guises, auxquels une guerre nouvelle pouvait donner, avec la victoire sur l'ennemi, la primauté définitive dans les Conseils de Henri II.

Le terrain était donc libre devant la maison de Lorraine. Même les débris du passé n'arrêtaient plus guère le regard. La Cour ne portait plus d'attention aux affaires de Toscane, et les adversaires de Strozzi s'efforçaient d'en distraire le Roi. C'était, pour eux, comme une vengeance dirigée contre tout ce qui touchait à cette entreprise néfaste. La haine du cardinal de Ferrare, écrivait alors Tiburtio, ne s'adresse pas tant à Strozzi qu'aux choses de Toscane, lesquelles il voudrait voir en ruines, par dépit d'avoir été frustré jadis de leur direction[109].

La plupart des Siennois eux-mêmes ne s'étaient-ils pas détachés sans regret du parti de la France ? Les magistrats de la cité, quelques jours après la capitulation, avaient adressé aux représentants de Henri II à Rome une demande en restitution des terres du comté, qu'occupaient encore les troupes royales, et cette demande était rédigée dans les mêmes termes que celle envoyée à même fin, trois ans plus tôt, aux Espagnols chassés de Sienne[110]. On avait trompé ces protégés qui s'étaient mis sous l'égide du Roi ; ils répondaient aujourd'hui par l'indifférence. D'ailleurs, leur demande ne fut pas exaucée. Montalcino et la Maremme restèrent aux mains des Français : c'était une base utile pour les grands desseins que préparait la maison de Guise. Il est juste d'ajouter qu'à Montalcino même et en France se réfugièrent un certain nombre de Siennois fidèles. Henri II ne les abandonna pas tout à fait, mais aux uns et aux autres c'est plus de la pitié que de l'intérêt qu'il donna. Ainsi, le 7 mai 1555, Antonio Tolomei, frère de l'ambassadeur Claudio, fut nommé contrôleur tenant le grand livre de raison en la maison du poids à Lyon, pour le droit de cinq pour cent qui se lève sur les draps de soie. Preuve rétrospective de ce qu'avait été naguère la grande affection du roi de France pour la fière république de Sienne[111].

Sûrs d'eux-mêmes, les Guises se disposaient donc à s'emparer de la politique française en Italie, où personne ne les gênait plus. L'été et la fin de l'année 1555 marquent la préparation diplomatique des mouvements qu'ils projettent de déterminer dans la Péninsule. Dès le 7 mars de cette année, était arrivé à Rome, pour y succéder à l'ambassadeur Odet de Selve, un robin, créature de Diane de Poitiers et des Lorrains, Jean de Saint-Marcel, seigneur d'Avanson[112]. Il devait bientôt négocier un projet d'alliance belliqueuse de la France avec Paul IV Carafa.

Mais le royaume, Henri II lui-même étaient à bout de souffle. Après un si grand effort, commencé jadis par les glorieuses campagnes des années 1551 et 1552 et qui s'achevait dans la tristesse du désastre de Sienne, le repos était nécessaire. Au surplus, Montmorency désireux, nous l'avons dit, d'entraver l'élan de ses rivaux, préparait la paix.

 

Ainsi finit dans une ruine lamentable l'entreprise de Toscane, que le souvenir des récits de Monluc a fait nommer improprement la guerre de Sienne, mais qui fut surtout une guerre florentine[113].

Parmi les évolutions nombreuses, dont le milieu du XVIe siècle marque l'achèvement, c'est un fait des plus importants et jusqu'aujourd'hui des moins spécifiés. Dans l'histoire de l'Italie, la date de 1555 clôt vraiment le moyen âge et ouvre l'ère moderne. Le foyer ardent de Toscane qui, pendant plusieurs siècles, a communiqué sa flamme à toutes les révolutions de la Péninsule, va s'éteindre sous la domination de Cosme Ier, monarque qui deviendra bientôt grand-duc. Sienne, où vivait la faction la plus rebelle à cette monarchie, est définitivement soumise. Dans cette Italie qui avait offert jusqu'alors au regard des politiques et des voyageurs de nombreuses républiques municipales, indépendantes, diverses de goûts, de mœurs et de types, s'opère, sous la tyrannie des Médicis, le premier groupement de territoires qui ne relèvent ni du Saint-Siège ni de l'étranger. Ferrare dépend de l'Église, Parme de même, Gênes et Venise ne sont que des cités marchandes, le reste obéit au pape, aux Espagnols et aux Français : Florence constitue, à partir de la chute de Sienne, le premier Etat national qui figure comme puissance territoriale tout à fait indépendante. Par l'écrasement des fuorusciti, condottieri révoltés qui ont rempli le moyen âge et la renaissance des éclats de leur fureur, Florence obtient cette stabilité politique, caractère des monarchies modernes.

Pour le roi de France, l'entreprise de Toscane fut une expérience douloureuse. Les hommes du XVIe siècle ont eu l'imagination active. Jamais, sauf peut-être au début de l'expédition de Charles VIII, les Valois n'ont suivi plus aveuglément les mirages d'outremonts. Mais le réveil a été pénible, et de la grande fresque héroïque que Henri II avait rêvé de peindre, en restaurant la liberté de Florence, il n'est plus resté, après deux ans de travail passionné, qu'une polychromie fanée et misérable. Pour donner à cette leçon toutes ses conséquences, il faudra une épreuve plus tragique encore et plus proche, il faudra surtout que les esprits reçoivent d'événements d'ordre religieux une secousse qui les détourne de l'Italie.

 

 

 



[1] Arch. commun. de San Gimignano, Delib. 1553-1554, 5 août ; reg. orig.

[2] Le cardinal Farnèse à Montmorency, 1554, 4 août, Rome : ... Le marquis de Marignan, par une lettre que j'ay présentement veue, dict avoir veu deux mil quatre cens tant Lansquenetz, Suysses que Grisons mortz et toute la cavallerye deffaicte, le sr Pierre fuyant avec peu de gentz. (Bibl. Nat., ms. fr. 20442, fol. 13 ; orig.).

[3] Le cardinal del Monte à Cosme de Médicis, 1554, 3 août, Rome (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3273, fol. 517 ; orig.).

[4] A. Serristori au duc de Florence, 1554, 20 août, Rome (Arch. et loc. cit., fol. 572 ; orig.). — Cf. R. ANCEL, Nonciatures de Paul IV, I, 1, p. 84.

[5] L'évêque de Pienza au Reggimento de Sienne 1554, 4 août, Rome (Arch. d'Etat de Sienne, Lett. al Reggimento, XXXIII, 66 ; orig.).

[6] Vinc. Buoncambi à Octave Farnèse, 1554, 4 août, Rome (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 260, fasc. 7 ; orig.).

[7] Œuvres, éd. Marty-Laveaux, t. II, p. 207 (Regrets).

[8] D. du Gabre à Octave Farnèse, 1554, 7 août, Ferrare (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 260, fasc. 5 ; orig.).

[9] Jean du Bellay à Montmorency, 1554, 2 août, Rome : Estant icy maintenant M. de Lansac qui y retourna de Siene dès le partement du sr de Bordeaulx... (Bibl. Nat., ms. fr. 20447, fol. 133-137 ; orig.). — Le cardinal Farnèse à Octave, 1534, 4 août, Rome (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 1197 ; orig.). — Vinc. Buoncambi à Octave Farnèse, 1554, 4 août, Rome (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 260, fasc. 7 ; orig.). — Les cardinaux Farnèse et du Bellay, 1554, 5 août, Rome : Mons. l'ambassadeur a prins la poste pour s'aller jeter en Siene et d'autant plus voulentiers l'en avons enhorté que la cité le requiert fort et le sr de Monluc de plus en plus le demande, se trouvant encore mal disposé. (Bibl. Nat., ms. fr. 20447, fol. 142-143 ; orig.).

[10] Vinc. Buoncambi à Octave Farnèse, 1554, 15 août, Rome (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 260, fasc. 7 : orig.).

[11] Le cardinal du Bellay au duc de Florence, 1554, 16 août, Rome : J'envoye Blandin ce porteur pour visiter de ma part M. de Lansac et sçavoir s'il a afaire de chose que je puisse, tant pour l'amitié qui est entre luy et moy que pour le lieu qu'il tient icy envers Nostre Sainct Père. Pour tous bons respectz, je désireroys fort qu'il feust bientost de retour, mais principalement pour me sentir en ceste négociation aulcunement grevé de son absence. S'il aura de payer ranczon. je vous vouldroye bien supplyer que vostre auctorité servist à la faire modérer à ses facultéz par colluy qui sera son maistre. (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3722 ; orig.). — Sueur, secrétaire de Lanssac, à Montmorency, 1554, 2 octobre, Rome : ... Depuis qu'il fut prisonnier et conduict Florence, on le mena tout droit hors de la ville dans une forteresse appelée Sainct Miniat, où il n'a encores parlé ny au duc ny à personne quelconque, si n'est aux Espagnolz qui sont à sa garde ou quelques ungs apostéz du dict duc pour luy venir donner ennuy... Longs détails sur cette captivité et les mauvais traitements infligés à Lanssac. (Bibl. Nat., ms. fr. 20442, fol. 29 ; orig.).

[12] Vinc. Buoncambi à Octave Farnèse, 1554, 18 août, Rome (Arch. de Naples. Carte Farnes., fascio 260, fasc. 7 ; orig.).

[13] Les cardinaux du Bellay et Farnèse au Reggimento, 1554, 14 août, Rome (Arch. d'Etat de Sienne, Lett. al Reggimento, XXXIII, orig.).

[14] Vinc. Buoncambi à Octave Farnèse, 1554, 29 août, Rome (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 40o, fasc. 2 ; orig.).

[15] Le cav. Tiburtio au cardinal Farnèse, 1554, 22 août, Compiègne (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 709, fasc. T ; orig.). — S. Gualterio au cardinal del Monte, 1554, 14, 15, 16, 20 août, Compiègne, publ. p. R. ANCEL, Nonciatures de Paul IV, I, 1, pp. 90-93.

[16] Giov. Cappello au doge de Venise, 15 54, 21 août, Compiègne (Arch. d'Etat de Venise, Dispacci, Franza, filza 1a : orig.).

[17] Lettres supra cit., surtout celle du cav. Tiburtio.

[18] Le cav. Tiburtio au cardinal Farnèse, 1554, 25 août, Compiègne (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 709, fasc. T ; orig.). — Le 24 mai 1555, de Fontainebleau, Catherine de Médicis recommande à la duchesse de Mantoue Gerin, mon varlet de chambre. (Arch. d'Etat de Mantoue, Francia ; orig.).

[19] Le cav. Tiburtio au cardinal Farnèse, 1554, 3 septembre, Compiègne (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 709, fasc. T ; orig.).

[20] Gualterio à Del Monte, 1554, août, Compiègne, publ. p. ANCEL, op. cit., I, 1, p. 92.

[21] G. Benvoglienti aux Huit de Sienne, 1554, 30 août, Montalcino (Arch. d'Etat de Sienne, Lettere ail Otto sopra la guerra, VIII, 18 ; orig.).

[22] A. Serristori au duc de Florence, 1534, 8 septembre, Rome (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3273, fol. 626 ; orig.). — Cf. P. COURTEAULT, Blaise de Monluc, pp. 254-255 ; R. ANCEL, op. cit.. I, 1, p. 93, n. 1 ; RIBIER, Lettres et Mémoires d'Estat, t. II, p. 542.

[23] Henri II au duc de Ferrare, 1554, 5 septembre : Je faiz mon compte de vous envoyer dedans peu de jours mon cousin, Monsieur le prince vostre filz. Ayant escript au sr de Selve à Venise qu'il s'en aille à Romme résider mon ambassadeur, et en son lieu s'en yra audict Venise l'évesque de Lodesve, lequel estant là ne lairra de faire ce qu'il faut auprès de vous, car il yra et viendra de l'ung à l'aultre toutes et quantes foiz que besoin sera. (Arch. d'Etat de Modène, Enrico II ; orig.).

[24] Gualterio à Del Monte, 1554, 30 août-1er septembre, Compiègne, publ. p. ANCEL, op. cit., I, 1, pp. 105-107.

[25] Gualterio, 3 septembre (Ibidem, p. 110).

[26] Détails donnés par Giov. Cappello au doge de Venise, 1554, 4 septembre, Compiègne (Arch. d'Etat de Venise, Dispacci, Franza. filza 1a ; orig.).

[27] Henri II au duc de Mantoue, 1554, 22 octobre, Paris (Arch. d'Etat de Mantoue, Carteggio, Francia ; orig.).

[28] Henri II au duc de Ferrare, 1554, 13 septembre, Villers-Cotterêts (Arch. d'Etat de Modène, Enrico II ; orig.). Lettres du même, 1554, 28 octobre et 12 novembre (Ibidem ; orig.).

[29] Fr. Franchino à Octave Farnèse, 1554, 4 septembre, Rome (Arch. d'Etat de Parme, Carteggio Farnes., Roma ; orig.).

[30] Lettre italienne publ. p. G. BAGUENAULT DE PUCHESSE, Lettres de Catherine de Médicis, t. X, p. 13.

[31] MONTALVO, Relazione, éd. Banchi, pp. 221-227.

[32] Gualterio à Del Monte, 1554, 18 septembre, La Ferté-Milon, publ. p. R. ANCEL, op. cit., I, 1, p. 123.

[33] Bern. Buoninsegni aux Huit de Sienne, 1551, 20 octobre, Montalcino (Arch. d'Etat de Sienne, Lett. ali Otto sopra la guerra, VIII, 84 ; orig.). — On disait que le Roi avait emprunté deux cent mille écus qu'il enverrait à Sienne. Lettre de Franchino supra cit.

[34] Gualterio à Del Monte, 1554, 27 octobre, Paris, publ. p. ANCEL, op. cit., I, 1, p. 151.

[35] Girol. Benvoglienti aux Huit, 1554, 25-31 août, Montalcino (Arch. d'Etat de Sienne. Lettere ali Otto, VIII, 15 et 19 ; orig.).

[36] Girol. Benvoglienti, 30 août-7 septembre. Montalcino (Arch. et loc. cit., VIII, 18 et 30 ; orig.). — Pour les épisodes militaires et le détail des faits du siège de Sienne, voyez ap. P. COURTEAULT, Blaise de Monluc historien, pp. 256 et sqq., un récit précis auquel il n'y a rien à ajouter.

[37] Lettres de Benvoglienti supra cit., et Sforza Cervara au cardinal Farnèse, 1554, 30 août, Castro (Arch. d'Etat de Naples. Carte Farnes., fascio 401, fasc. 2 : orig.).

[38] Gualterio à Del Monte, 1554, 24 août, Compiègne, publ. p. R. ANCEL, op. cit., I, 1, pp. 100-101. Cf. Discours de Piero Strozzi sur la perte de la bataille de Marciano (Bibl. Nat., coll. Dupuy, t. D, fol. 34-87).

[39] Le cav. Tiburtio au cardinal Farnèse, 1554, 25 août, Compiègne (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 709, fasc. T ; orig.).

[40] Giov. Cappello au doge de Venise, 1554, 28 août, Compiègne (Arch. d'Etat de Venise. Dispacci, Franza, filza 1a ; orig.).

[41] Le cardinal de Ferrare au Reggimento de Sienne. 1554, 25 août, Ferrare (Arch. d'Etat de Sienne, Lett. al Reggimento, XXXIV, 26 ; orig.).

[42] Villandry à Montmorency, 1554, 11 septembre, Rome (Bibl. Nat., ms. fr. 20442, fol. 16 ; orig.).

[43] Girol. Benvoglienti aux Huit, 1554, 26 septembre, Montalcino (Arch. de Sienne, Lettere ali Otto, VIII, 54 ; orig.).

[44] Giov. Cappello au doge de Venise, 1534, 28 août, Compiègne (Arch. d'Etat de Venise, Dispacci, Franza, filza 1a ; orig.).

[45] Jean du Bellay à Montmorency, 1554, 22 août, Rome (Bibl. Nat., ms. fr. 20447, fol. 177 ; orig.).

[46] Gir. Benvoglienti aux Huit, 1754, 30 août, Montalcino (Arch. de Sienne, Lett. ali Otto, VIII, 18 ; orig.).

[47] Le cardinal Farnèse au Roi, 1554, 5 août. Rome (Bibl. Nat., ms. fr. 20447, fol. orig.). — Jean du Bellay à Montmorency, 1554, 9 août, Rome : Je veoy les praticques qui se font de rentrer suz les mesmes partiz qui se concepvoient par entre le pape et le duc de Florence, avant le veoiaige de Viterbe... voulans jecter le cardinal Farnaize en ce filé. Hyer luy en fut donné en grand assault, ayant esté invité du pape à sa vigne et entretenu tout le jour avec infinys allarmes sur ce propoz. Et derechef le pape le convie d'aller raisynner aujourd'hui avec luy bien au long... Napples n'est pas jeu de peu de tables, et qui trop embrasse peu estrainct, et c'est belle chose quant les forces d'ung prince sont unyes... (Bibl. Nat., ms. fr. 20447, fol. 154-155 ; orig.).

[48] J. du Bellay à Montmorency, 1554, 2-5 août, Rome (Bibl. Nat., ms. fr., 20447, fol. 113-147 ;orig.).

[49] Le cardinal Farnèse au cav. Tiburtio, 1554, septembre, Rome (AN. CARO, Lettere scritte al nome del cardinale Farnèse, t. II, pp. 140-141).

[50] Le cardinal Farnèse à Piero Strozzi, 1354, 23 septembre, Rome (AN. CARO, Lettere scritte al nome del cardinale Farnèse, t. II, p. 140).

[51] Le cardinal Farnèse à Marguerite d'Autriche, 1534, 22 septembre, Rome (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 400, fasc. 1 ; orig.).

[52] Girol. Benvoglienti aux Huit de Sienne, 1554, 4-7 octobre, Montalcino (Arch. d'Etat de Sienne, Lettere ali Otto, VIII, 62 et 66 : orig.).

[53] Gualterio au cardinal del Monte, 1554, 27 octobre, Paris, publ. p. R. ANCEL, op. cit., I, p. 151.

[54] Jean du Bellay à Montmorency, 1554, 5 août, Rome (Bibl. Nat., ms. fr. 20447, fol. 147 ; orig.).

[55] Voyez surtout Bibl. Nat., ms. fr. 20442-20447 : lettres des agents du Roi à Rome.

[56] Villandry à Beauregard, 1554, 17 octobre, Rome (Bibl. Nat., ms. fr. 20442, fol 42 ; orig.). — Le 23 septembre, Villandry écrivait au même Beauregard, de Rome : Puisque j'ay à demourer icy quelque temps, ne y aiant mesmement point d'ambassadeur pour ce que M. de Selves est enfermé dedans Siene, je suis contrainct pour le service du Roy, afin qu'il n'advienne quelque désordre, de me laisser aller à escrire plusieurs particularitez... [Raconte les querelles des cardinaux Farnèse et du Bellay]. Le seul moien de pourveoir à ce qu'il n'advienne désordre et inconvénient aux afférez du Roy est de lever Farnèse d'icy..., soit soubz timbre de la venue de M. le cardinal de Ferrare icy, qui a la superintendence des affèrez, ou aultres. Mais souvenez-vous, s'il vous plaist, que il fault tenir ung moien pour ne le malcontenter ou perdre... Et quant il y en viendra ung aultre en son lieu, je ne sçay que ce sera, car Mons. d'Armaignac desjà se trouve bien empesché à vivre avec le dict sr du Bellay, et à l'ouyr parler [du Bellay], non pas seullement en secret avec moy, mais avec le dict d'Armaignac, Boucher et aultres, il semble qu'il n'y ait icy fidèle serviteur du Roy que luy. (Bibl. et ms. cit., fol. 20-21 ; orig.).

[57] Montemerlo à Hier. Curti0, 1554, 12 septembre, Venise (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 271, fasc. 9 : orig.).

[58] Bart. Cavalcanti à Octave Farnèse, 1554, 1er septembre, Sienne (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 7541, fasc. C ; orig.).

[59] Lettres de Cavalcanti, 1554, septembre (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 7541, fasc. C ; orig.). D. du Gabre à Octave Farnèse, 1554, 4 septembre, Ferrare : Nous avons icy quelque advis que Gianin Zetti a rendu Monteragion, de sorte qu'il ne se fault plus guières fier en la vaillance de ces foruciz. (Arch. d'Etat de Parme, Ferrara ; orig.). Du Cabre traduisait évidemment les sentiments de la Cour de Ferrare et en particulier ceux du cardinal Hippolyte d'Este. — Au printemps de 1556, Zeti, désireux de rentrer au service de la France, demanda, par l'intermédiaire de Piero Strozzi, son ami, à se justifier de l'accusation de trahison. Piero Strozzi à Octave Farnèse, 1556, 6 mai, Rome (Arch. de Parme, Roma ; orig.).

[60] Lettres de Cavalcanti, 1554, septembre (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 7541, fasc. C ; orig.).

[61] Lettres de Cavalcanti, 1554, septembre (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 7541, fasc. C ; orig.).

[62] Girol. Benvoglienti aux Huit de Sienne, 1554, 5 septembre, Montalcino (Arch. d'Etat de Sienne, Lettere ali Otto, VIII, 27 ; orig.).

[63] Bart. Cavalcanti à Octave Farnèse, 1554, 6 septembre, Sienne (Arch. d'Etat de Naples. Carte Farnes., fascio 752, fast. C : orig.).

[64] Gir. Benvoglienti aux Huit, 1554, 7 septembre, Montalcino (Arch. de Sienne, Lettere ali Otto, VIII, 30 ; orig.).

[65] L'évêque de Pienza au Reggimento, 1554, 30 septembre, Rome (Arch. de Sienne, Lettere al Reggimento, XXXV, 14 ; orig.).

[66] L'évêque de Pienza, 1554, 3 octobre, Rome (Arch. et loc. cit., XXXV, 23 ; orig.).

[67] Vinc. Buoncambi à Octave Farnèse, 1554, 7 novembre, Rome (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 260, fasc. 7 ; orig.).

[68] Bart. Cavalcanti à Octave Farnèse, 1554, 20 novembre, Sienne (Arch. de Naples, Carte Farnes., fasc. 260, fascic. 4 : chiffré).

[69] Bart. Cavalcanti à Octave Farnèse, 1554. 20 novembre, Sienne (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 260, fasc. 4 ; orig. chif.).

[70] SAUZÉ, Correspondance de Lanssac, p. 417.

[71] Le cav. Tiburtio au cardinal Farnèse, 1534. 25 août, Compiègne (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 704. fasc. T : orig.). A. Serristori au duc de Florence, 1554, 3 octobre, Rome (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3273, fol. 677 ; orig.).

[72] Bern. Buoninsegni aux Huit de Sienne, 1554, 21 octobre. Montalcino (Arch. d'Etat de Sienne, Lettere ali Otto, VIII. 88 : orig.).

[73] Bern. Buoninsegni aux Huit de Sienne, 1554, 21 octobre. Montalcino (Arch. d'Etat de Sienne, Lettere ali Otto, VIII. 88 : orig.). — Cf. Gualterio au cardinal del Monte, 1354, 18 septembre, La Ferté-Milon, publ. p. R. ANCEL, Nonciatures de Paul IV, I, 1, p. 124.

[74] Henri II à Octave Farnèse, 1554, 3 novembre, Paris (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 183, fasc. 3 ; orig.).

[75] Vinc. Buoncambi à Octave Farnèse, 1554, 8 décembre, Rome (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 269, fasc. 7 ; orig.). — A. Serristori au duc de Florence, 1554, 8 décembre, Rome (Arch. d'EAU de Florence, Mediceo, 3273. fol. 793 ; orig.).

[76] Le cardinal de Ferrare à Henri II, 1554, 18 décembre, Rome (Bibl. Nat., ms. fr. 20442, fol. 64 ; copie).

[77] O. de Selve à Montmorency, 1555, 16 janvier, Rome (Bibl. Nat., ms. fr. 20442, fol. 73 ; orig.). — J. Grandi et l'abbé Rossetto au duc de Ferrare, 1555, 12 janvier, Rome  (Arch. d'Etat de Modène, Roma ; orig.).

[78] Instructions du cardinal de Ferrare à Nichetto, 1554, décembre, Rome (Bibl. de l'Université de Bologne, ms. ital. 2440, fol. 127 et sqq. ; copie du XVIe s.).

[79] P. Strozzi au cardinal de Ferrare, 1554, 27 décembre (Bibl. de l'Univ. de Bologne, ms. ital. 2440, fol. 130-131 ; cop. XVIe s.).

[80] Ms. cit., fol. 133-134.

[81] A. Serristori au duc de Florence. 1554, 17 novembre, Rome (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3273, fol. 759 ; orig.). — Cf. R. ANCEL, Nonciatures de Paul IV, I, 1, p. 167.

[82] A. Serristori au duc de Florence. 1554, 17 novembre, Rome (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3273, fol. 759 ; orig.). — Cf. R. ANCEL, Nonciatures de Paul IV, I, 1, p. 167.

[83] Avis déchiffré, début de 1555 (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 265, fasc. 13 ; orig.).

[84] Instructions de P. Strozzi à son secrétaire Jules envoyé au Roi (Arch. Vatic., Varia Politicorum, XIII, fol. 134 ; copie XVIe s.).

[85] Instructions de P. Strozzi à son secrétaire Jules envoyé au Roi (Arch. Vatic., Varia Politicorum, XIII, fol. 134 ; copie XVIe s.).

[86] P. Strozzi au cardinal du Bellay, 1555, 25 février, Montalcino (Arch. Vatic., Varia Politic., XIII, fol. 151-153 ; copie s.).

[87] P. Strozzi à Blaise de Monluc, 1555, 25 février, Montalcino (Arch. et loc. cit., XIII, fol. 149-150 ; copie XVIe s.).

[88] P. Strozzi à Montmorency, 1555, 27 février, Montalcino (Arch. et loc. cit., XIII, fol. 154 ; copie XVIe s.).

[89] P. Strozzi à Montmorency, 1555, 5 mars, Montalcino (Arch. Vatic., Varia Politic., XIII, fol. 175 ; copie XVIe s.).

[90] Arch. Vatic., Varia Politic., XIII, fol. 176 ; copie du XVIe siècle.

[91] Instructions de P. Strozzi à son secrétaire Jules (Arch. Vatic., Varia Politic., XIII, fol. 140-141).

[92] L'archevêque Sauli au cardinal del Monte, 1555, 23 mars, Bologne (Arch. Vatic., Bologna, 1. fol. 458 ; orig.).

[93] P. Strozzi au Reggimento de Sienne, 1555, 25 mars, Montalcino (Arch. Vatic., Principi, 15, fol. 20 orig. chiffré).

[94] Le duc de Florence au Sacré-Collège, 1555, 6 avril, Florence (Arch. Vatic., Principi. 15 fol. 64 : orig.).

[95] Voyez P. COURTEAULT, Blaise de Monluc historien, pp. 290-291. Dans cet ouvrage remarquable, dont l'existence nous dispensait d'insister sur l'histoire du siège de Sienne, on trouvera toutes les références bibliographiques, qu'il eût été superflu de redonner ici.

[96] Lettres supra cit.

[97] Giac. Soranzo au doge de Venise, 1555, 23 mai, Melun (Arch. d'Etat de Venise, Dispacci, Franza. filza 1a ; orig.).

[98] Tiburtio au cardinal Farnèse, 1555, 29 avril, Fontainebleau (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 709, fasc. T ; orig.). — Cf. le cardinal Farnèse à Henri II (A. CARO, Lettere scrute al nome del cardinal Farnese, t. II, pp. 160-161).

[99] Piero Strozzi à Henri II, 1355, 15 juin, Civita-Vecchia, (Bibl. Nat., ms. fr. 20445, fol. 549 ; orig.). — Le marquis de Marignan à Charles-Quint, 1555, 18 juin, Civita-Vecchia (Arch. roy. de Simancas, Estado, 1415, n° 167 ; orig.). — A la suite de la chute de Porto-Ercole, Piero Strozzi fut accusé nettement, auprès du roi, de trahison et de prévarication. Giulio Grandi précisait ces accusations, dans une lettre au duc de Ferrare, 1555, 22 juin, Rome (Arch. d'Etat de Modène, Roma orig.). — Cf. R. ANCEL, Nonciatures de Paul IV, I, 1, p. 241.

[100] P. Strozzi à Henri II, 1555, 30 juin, Toulon (Bibl. Nat., ms. fr. 20455, fol. 315 : orig.).

[101] Le cav. Tiburtio à Octave Farnèse. 1555, 10 juillet, Paris (Arch. de Naples. Carte Farnes., fascio 262, fasc. 1 ; orig. chiffré).

[102] Giac. Soranzo au doge de Venise, 1555, 17 juillet. Poissy (Arch. d'Etat de Venise, Dispacci. Franza, filza 1a ; orig.).

[103] Lettre de Tiburtio supr. cit. — Cf. Avvisi de Villafranca. 1555, juillet (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 2835 : orig.). Lettres de Porto-Ercole au duc de Florence, 1555, mai-juillet (Mediceo, 1861 : orig.).

[104] Giac. Soranzo au doge de Venise, 1555, 21 juillet, Poissy (Arch. de Venise, Dispacci. Franza, filza 1a ; orig.).

[105] Giac. Soranzo, 1555, 6 août, Paris (Arch. cit. ; orig.).

[106] Tiburtio au cardinal Farnèse, 1555, 9 octobre, Gonesse (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 709, fasc. T : orig.).

[107] P. Strozzi à Montmorency, 1555, 7 mars, Montalcino (Bibl. Nat., ms. fr. 20455, fol. 95 ; orig.).

[108] Adam Centurione au duc de Florence, 1555, 27 juin, Gênes (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 9835 ; orig.).

[109] Tiburtio à Octave Farnèse, 1555, 10 juillet, Paris (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 262, fasc. 1 ; orig.).

[110] Arch. d'État de Sienne. Consigli. CCLII, fol. 4 ; reg. orig.

[111] 1555, 7 mai, Fontainebleau (Arch. dép. du Rhône, B, sénéchaussée. Livre du Roi 1532-1559, fol. 290 v° : insin.).

[112] A. Serristori au duc de Florence, 1555, 7 mars, Rome (Arch. d'Etat de Florence. Mediceo, 3273, fol. 889 ; orig.). — Cf. R. ANCEL, Nonciatures de Paul IV, I, 1, p. 165.

[113] Le Roi lui-même, dans ses lettres, dit la guerre de Tuscane.