DEUX QUESTIONS DE CHRONOLOGIE ET D’HISTOIRE ÉCLAIRCIES PAR LES ANNALES D’ASSURBANIPAL

 

FÉLIX ROBIOU

PARIS. - 1878

 

 

I. — ÉTAT DE LA DOUBLE QUESTION.

La concordance entre la date de la défaite d’un roi mède par les Assyriens, énoncée en années d’un roi d’Assyrie, dans la livre de Judith, et la date, en années de la chronologie mède, de la catastrophe de Phraortes, au 1er livre d’Hérodote, concordance signalée par M. de Saulcy dans son grand mémoire de 1849[1] sur la chronologie du nouvel empire assyrien, n’a pas fait disparaître toute difficulté dans les synchronismes de ces divers États. L’attention portée sur les détails du récit hébreu a soulevé de tels embarras que certains savants ont cru y reconnaître une allégorie morale plutôt qu’un document historique. Mais, depuis quelques années, des documents assyriens d’une certaine étendue et d’une importance considérable, se rapportant au milieu du VIIe siècle, ont été publiés et traduits, et, en les étudiant de prés, ainsi que les versions diverses du livre de Judith, j’ai cru trouver la solution de difficultés qui autrement paraissaient inextricables.

C’est le résultat de cette étude que j’apporte aujourd’hui. Bien qu’il s’agisse d’un morceau de l’Écriture sainte, je n’aborderai ici aucune question théologique. Je m’attacherai exclusivement aux variantes relatives aux questions de chronologie et de géographie, que les théologiens déclarent n’être pas de leur ressort.

Le roi d’Assyrie qui combattit le père de Cyaxare et lui enleva la couronne et la vie n’est pas nommé dans Hérodote ; mais l’historien donne au roi mède le nom de Phraortes, none purement aryen et qui a été reconnu, sous sa forme originale de Fravartis, dans l’inscription de Béhistoun[2], comme étant celui d’un chef d’insurrection en Médie, sous le règne de Darius. Le livre de Judith donne au roi vaincu le nom d’Arphaxad, et à son rival celui de Nabuchodonosor. Tout le monde est d’accord sur ce fait que tel n’était point le nom que ce dernier prince portait à Ninive ; la série des Sargonides est aujourd’hui assez bien connue pour qu’on puisse l’affirmer. Quel est celui d’entre eux qu’il faut reconnaître sous celte dénomination, et d’où lui vient-elle ? L’identification de Phraortes et d’Arphaxad est-elle certaine ? Que savons-nous des campagnes de l’armée assyrienne, vers l’époque indiquée ici, dans les pays dont parlent l’auteur hébreu et l’auteur grec ? Telles sont les questions à la fois complexes et connexes que nous avons à étudier,

Si importants et si étendus que soient les documents assyriens récemment publiés, il faut reconnaître que, mutilés pour la plupart, ils ne nous donnent pas l’histoire entière de l’Assyrie au milieu du VIIe siècle : il est encore plusieurs faits importants sur lesquels nous sommes réduits à des inductions ou à des conjectures ; mais du moins la connaissance de faits nombreux noua permettra-t-elle d’établir celles-ci sur un terrain plus solide. D’autre part, il ne faut pas oublier que nous n’avons pins l’original chaldaïque du livre de Judith, original qui existait encore an temps de saint Jérôme, mais dont il signale avec regret les copies négligées et discordantes, qui le laissent plein d’incertitude sur les variantes des textes. Nous aurons donc soin (ce qu’on n’a pas toujours fait) d’avoir constamment sous les yeux la version grecque,-plus étendue en certains passages, beaucoup plus ancienne et composée à une époque oit les manuscrits n’avaient pas été maltraités ainsi ; la préface de saint Jérôme ne résout point d’ailleurs la question de savoir si la version latine est abrégés ou la version grecque paraphrasée, là où elle contient quelques lignes de plus ; l’inverse d’ailleurs se produit aussi. Il dit seulement : Multorum codicum varietatem vitiosissimam amputavi : sola ea quæ intelligentia integra in verbis chaldæsis invenire potui, latinis expressi. La version syriaque aujourd’hui existante, ayant été reconnue pour avoir été faite sur le grec, ne peut avoir l’autorité d’un original oriental. Néanmoins, comme elle pouvait me fournir pour le texte grec lui-même des variantes précieuses, je n’ai point négligé de consulter la traduction latine que donne du syriaque, inaccessible pour moi, la Polyglotte de Walton.

II. — CHRONOLOGIE MÉDIQUE D’HÉRODOTE ; CONJECTURE DE RAWLINSON.

Il y a plus de trente ans[3] qu’a été soulevée, par sir Henry Rawlinson, une question longtemps négligée, mais gui pourtant réclame une réponse. L’illustre assyriologue anglais avait émis l’opinion que le Phraortes d’Hérodote, le roi mède, défait et mis à mort par les Assyriens, peu avant la chute de Ninive, n’était pas Phraortes, fils de Déiokés et père de Byaxare, mais bien Déiokés lui même[4], fils d’un Phraortes, suivant le témoignage formel de l’historien grec, et dont le patronymique Phraaxad agirait été transcrit par Φραόρτης dans son récit, et par Arphaxad dans les manuscrits chaldaïques du livre de Judith, par un copiste juif plus familier avec les noms des ancêtres de sa race qu’avec ceux des princes mèdes[5]. On peut même ajouter, sans y attacher trop d’importance, que la liste de Ctésias paraît concorder avec celle d’Hérodote pour les trois derniers règnes de la Médie indépendante et que, s’il est fait mention, sous l’avant-dernier, d’une guerre acharnée contre les Scythes, le précédent ne paraît terminé par aucune catastrophe.

Pour reprendre la question dans son ensemble, commençons par reconnaître les points fixes de la chronologie mède d’après Hérodote. La chute d’Astyage est maintenant fixée par les chronologistes, à 559 ou 560. L’historien d’Halicarnasse nous dit qu’il régna trente-cinq ans ; Kyaxares, quarante ; Phraortes, vingt-deux ; Déiokés, cinquante-trois[6]. Si ce sont des années pleines, la mort de Phraortes se trouvé reportée par là à 635 ou 634, et celle de Déiokés à 657 ou 658. Si ce sont des années caves, on aura approximativement 632 pour le premier événement, 654 pour le second. M. Fr. Lenormant a fait d’ailleurs observer qu’un texte de Sargon paraît concorder avec le comput d’Hérodote pour reporter aux dernières années du VIIIe siècle le commencement du règne de Déiokés[7].

Or à quoi correspondent ces années finales de Déiokés et de Phraortes, dans les annales de l’Assyrie 4. Il est reconnu aujourd’hui, d’après l’étude combinée des listes de magistrats éponymes pour Ninive et du canon de Ptolémée pour Babylone[8], qu’Assurbanipal (ou, comme le transcrit M. Oppert, Assurbanihabal) fut, en 667, associé au trône par son père Assarbaddon ; très peu après, son frère Samoulsamoukin[9], le Saosduchin de Ptolémée, le Sammughès d’Eusèbe, le fut au gouvernement de Babylone. L’an 654 correspond donc à la treizième ou quatorzième année d’Assurbanipal, et l’an 657-6 à la dixième ou onzième, car on ne peut exiger une correspondance rigoureuse de chiffres, tant qu’on ignore, non seulement si les années des rois mèdes sont pleines ou caves, mais si leur calendrier était d’accord avec celui des Assyriens.

Le texte latin du livre de Judith paraît placer la catastrophe du roi de Médie à la douzième année du roi de Ninive ; mais, si l’on y regarde de près, on verra que cette douzième année se rapporte à une première campagne plutôt qu’à la prise d’Ecbatane et à la mort du roi. En effet le grec, qui place également cette campagne à la douzième année, reporte à la dix-septième la catastrophe finale, que le latin ne raconte pas[10], et met entre les deux des événements que nous allons étudier. L’explication de cette omission est d’ailleurs facile : le copiste du manuscrit que le traducteur latin a suivi a cru simplement abréger, mais il a fait autre chose et confondu des faits bien distincts, trompé qu’il était par la ressemblance des deux noms géographiques. Le nom de Ragau se trouve inscrit dans deux passages, mais, selon moi, avec des significations bien différentes. Dans le premier (verset 5), il est question d’une plaine sur les limites de Ragau ; dans le second (verset 48), l’auteur nomme des montagnes de ce nom. Ces montagnes, on peut les reconnaître dans la chaîne des monts Elbourz, très voisine de la fameuse ville de Ragae ; tandis que la grande plaine sur les frontières de Ragau peut bien être celle de l’Aracca de Ptolémée[11], située effectivement, comme le fait entendre[12] le verset sixième, dans le voisinage du Tigre et de l’Euphrate, puisqu’elle était bâtie près du premier de ces fleuves, vers l’endroit où le second s’en rapproche beaucoup, pour s’en éloigner de nouveau et se confondre enfin avec lui. Cette Aracca, le géographe la place à peu prés à la latitude d’Orchoé (Warka), dans la partie de la Susiane qui avoisine le Tigre. On pourrait aussi, avec une exactitude linguistique plus grande encore, identifier la plaine de Ragau avec la position de 'Ράγεα que Ptolémée (V. 20, 8, al. 5) place dans la Babylonie maritime, au N.-E. de Térédon ; seulement il faut observer que, si les eaux du Tigre et de l’Euphrate coulent à peu de distance de cette ville, elles y coulent réunies. Quant à l’Hydaspe que le grec nomme encore ici, le latin le transcrit Iadason, ce qui prouve qu’à une époque déjà fort ancienne ce nom avait été maltraité par les copistes, au point de nous laisser entière liberté dans sa lecture véritable : ce pourrait à la rigueur être le Choaspe, affluent du Tigre peu éloigné d’Aracca, sur les frontières de la Susiane ou Élymaïde. Mais la variante du syriaque (et Ulaeum) nous reporte non plus seulement en pleine frontière d’Élam, mais dans la vallée de l’Ulaeus, Ulaï des Assyriens, nommé dans les Annales d’Assurbanipal (p. 130). Une autre variante du syriaque, relative au commencement du même verset, confirme encore la distinction des deux Ragau ; on y lit, en effet (d’après la traduction latine) : fecit Nebucadnesar rex bellum Arphaxad regi in planitie, planitis inquam Duræ, pour l’indication du premier théâtre de la guerre contre Arphaxad, tandis que, dans la seconde, le texte nomme les montagnes de Ragau. Duræ est évidemment un nom oriental pourvu par le traducteur d’une terminaison latine. Or, dans une des guerres d’Assurbanipal contre les Élamites[13], on trouve une localité dont le nom est transcrit Duril par M. Smith, mais peut très certainement aussi se transcrire par Dur-an[14]. Après l’entrée du roi dans cette place, son adversaire se replia sur Suse. Duran était donc plus voisine de la frontière.

Le roi des Mèdes était sans doute le plus puissant des confédérés comprenant les montagnards et les riverains de ces fleuves ; mais rien ne prouve que ai lui ni ses alliés aient éprouvé alors d’échec décisif. Bien au contraire, les messages que le roi d’Assyrie envoie ensuite à diverses contrées[15] ayant manifestement pour objet de sommer ses vassaux de lui envoyer leurs contingents, il y a quelque lieu de penser qu’il craignait pour l’issue de la lutte. De leur côté, ceux-ci, le voyant embarrassé dans une guerre difficile, méprisèrent ses ordres[16], et par le fait il n’obtint que plus tard la soumission des Élamites et des Mèdes ; encore celle-ci fut-elle de courte durée.

III. — SYNCHRONISME D’URTAKI.

Biais, avant d’aborder l’histoire de ces messages et de leurs conséquences, nous trouvons, dans la désignation, si brève qu’elle, soit, des peuples confédérés contre le roi d’Assyrie, une mention qui nous donne déjà un point d’appui pour une discussion chronologique. Nous le trouvons dans un fait raconté avec détails par les Annales d’Assurbanipal, qui vont nous fournir de si abondantes sources d’éclaircissements sur l’objet da présent mémoire. Ces annales ont été conservées en quadruple exemplaire sur des barils ou prismes décagones trouvés en Assyrie. Le prisme A[17] est de beaucoup le mieux conservé ; cependant la comparaison des divers exemplaires est indispensable pour combler les lacunes et relever les variantes. M. Smith a d’ailleurs complété les documents à l’aide d’un certain nombre de tablettes. Voici d’abord le sixième verset du premier chapitre de Judith dans son entier et dans sa triple version.

Elicorum et βασιλεύς proviennent manifestement de fautes de copistes. Le premier est un nom géographique on ethnographique parfaitement inconnu ; le second rendrait la phrase à peu près inintelligible. Il s’agit donc des possessions en plaine d’un roi des Élamites nommé Arioch, Erioch ou Ariuc. On né trouve pas, parmi les princes élamites que nous tout connaître les annales d’Assurbanipal, la transcription exacte de ce nom ; mais, si l’on admet qu’un copiste grec ait omis le petit trait transversal d’un τ, le texte grec et le texte syriaque qui en dérive reproduiront fidèlement le nom du roi Urtaki, le premier adversaire d’Assurbanipal dans cette contrée[18]. Quant aux manuscrits chaldaïques, on admettra difficilement qu’un teth ou un thav aient été remplacés par un iod ; mais rien n’est plus facile que de supposer (dans un nom propre inconnu) la transcription par un iod de la dentale douce daleth. Or, précisément le daleth et le teth babyloniens, vocalisés soit par l’A, soit par l’I, sont reproduites par le même groupe[19]. Il est vrai, le nom du roi Élamite est écrit par les syllabes correspondant au thav (Ur-tak, Ur-ta-ki) ; mais la langue élamite ou susienne étant très différente de l’assyrien, les variantes devaient être fréquentes. Nous en connaissons plusieurs pour ce nom même.

Voici, en peu de mots, ce que le texte assyrien traduit par M. Smith nous apprend de cette guerre : Une multitude d’Élamites avait envahi la province d’Accad et marché vers Babylone, alors étroitement unie à l’empire assyrien, sans y être précisément incorporée. Les Élamites furent, il est vrai, refoulés vers la frontière ; mais leur patrie ne fut réellement envahie à son tour qu’après qu’un certain Téumman se fut placé sur le trône et que la famille d’Urtaki[20] eut cherché, avec un grand nombre d’émigrés, un refuge dans le royaume d’Assurbanipal. Profitant de cette division, il pénétra au cœur du pays et rétablit, à la place de Téumman, vaincu et mis à mort, un fils d’Urtaki nommé Ummanigas[21]. Le classement ethnographique adopté par le rédacteur des Annales peut expliquer comment il n’est point fait ici mention d’une défaite des Mèdes, alliés d’Urtaki.

Ce récit avoue clairement que, même victorieux, les Assyriens n’osèrent pas d’abord s’engager dans les montagnes de la Susiane ; l’auteur parle des terreurs et du désespoir d’Urtaki, mais ajoute que, pendant une année, les deux peuples demeurèrent en présence. Naturellement le roi d’Assyrie dot, pendant cet intervalle, faire appel à ses vassaux pour compléter sa victoire. C’est seulement dans le texte latin[22] qu’une autre explication des faits est brièvement indiquée : Tunc exaltatum est regnum Nabuchodonosor et cor ejus elevatum est ; et misit, etc. Mais le rédacteur du texte abrégé de ce premier chapitre paraît avoir confondu les deux campagnes contre les Mèdes. On ne voit pas que le roi «Assyrie ait obtenu ce concours : ce furent les discordes d’Élam qui lui livrèrent l’avantage dans ce pays. Se croyant en sûreté après avoir donné la couronne à son protégé, il put songer à punir ceux qui lui avaient refusé leur assistance.

IV. — LES PEUPLES DE L’ASIE OCCIDENTALE : L’ÉGYPTE.

Ces peuples auxquels sont envoyés des messages du roi d’Assyrie sont énumérés dans le livre de Judith, et cette énumération concorde d’une manière frappante avec la situation de l’empire de l’Assyrie pendant la première partie du règne d’Assurbanipal. Voici le texte :

La Perse, nommée dans le grec actuel, n’est pas omise seulement dans la Vulgate, mais dans le syriaque, qui représente un manuscrit grec probablement plus ancien. Il est fort douteux qu’Assurbanipal ait prétendu intimer ses ordres à un peuple séparé de lui par les Élamites et déjà peut-être assujettie aux Mèdes. Quelque copiste des temps moyens aura cru impossible l’omission du peuple qui avait lutté contre Alexandre.

La Cilicie et Damas, le Liban et l’Antiliban représentent des contrées soumises par Sargon, le fondateur de la dynastie. Le Carmel, Galaad, la haute Galilée, la plaine d’Esdrelon, la Samarie, correspondent à l’ancien royaume d’Israël, colonisé par Assarhaddon. Nous aurons bientôt à rechercher quelle était en ce moment la condition du royaume de Jérusalem[23]. La Cadès du grec et du syriaque est apparemment celle d’Idumée ; je ne sais ce que représente le mot Χελλοΰς.

Mais ce sont surtout les détails donnés sur l’Égypte qui paraissent dater le message et qui constatent une connaissance précise et certaine des faits. Les prismes d’Assurbanipal racontent sa guerre contre Tearco, le Taharqa du quatrième livre des Rois et des documents hiéroglyphiques. Or voici comment se trouvait alors partagée l’Égypte, flottant, selon l’impression du moment, entre l’Éthiopien et l’Assyrien : 1° royaume de Memphis et de Saïs, appartenant alors, comme le disent et Assurbanipal et Manéthon, à Néchao Ier, le père du fameux Psammétik ; 2° royaume de Tanis ; 3° royaume de Natho ; 4° royaume de Pa-Sept ; 5° royaume d’Athribis ; 6° royaume de Khenensu (l’Héracléopolis des Grecs) ; 7° royaume de Zar ; 8° royaume de Natho (canton alors subdivisé) ; 9° royaume de Sébennyte ; 10° royaume de Bindad (Mendes) ; 11° royaume de Bu(baste) ; 12° et 13° illisibles ; 14° royaume de Pa-Sept (subdivisé comme Natho) ; 15° royaume de Pa-Chnut ; 16° royaume de Siyaut (la Lycopolis des Grecs, aujourd’hui Syout) ; 17° royaume de Chemmis (Panopolis) ; 18° royaume de Thinis ; 19° royaume de Ni (Thèbes)[24].

C’est là ce morcellement de l’Égypte dont parlent avec détails les monuments des deux nations et spécialement la stèle de Pianchi, quelque peu antérieurs aux événements qui nous occupent ; morcellement dont Hérodote a eu quelque vague notion, mais dont il était loin de connaître l’importance et la durée. Les rois assyriens se faisaient les protecteurs, tantôt de gré, tantôt de force, de ces petits États contre la dynastie éthiopienne qui régnait habituellement à Thèbes ; mais ils n’ont jamais dépassé les limites de l’Éthiopie proprement dite ; et c’est ce qu’exprime très exactement le livré de Judith en arrêtant aux frontières de ce royaume les réclamations du roi d’Assyrie. On avait d’abord, il est vrai, confondu avec Méroé le Miluhkhi des textes assyriens, auquel les princes ninivites étendaient leur domination temporaire sur l’Égypte ; mais M. de Rougé a démontré, dans sa leçon (inédite) du 24 janvier 1870, que cette assimilation est impossible, le Miluhkhi étant, d’après un des récits dont nous parlons[25], au nord et non pas au sud de No (Thèbes) selon le savant professeur, ce pays, s’il ne désigne pas la presqu’île du Sinaï, doit représenter la région marécageuse de Maréa ou peut-être la Cyrénaïque. M. Oppert a, lui aussi, abandonné l’identification avec Méroé[26]. Mais Thèbes est nommée parmi les villes dont le roi assyrien réclame l’assistance ; il la prit en effet deux fois, sur Tahraqa et sur Urdamané[27].

Le royaume de Memphis et Saïs, dont la dynastie finit bientôt par absorber toutes les autres et les avait absorbées déjà peut-être quand le livre de Judith fut écrit, y est naturellement désigné. On peut se demander si la Tanis du texte grec est la Tanis de la basse Égypte ou la Thinis de la haute : toutes deux avaient alors des dynasties. Ramessès et Gessen sont évidemment choisis par le rédacteur hébreu d’après un souvenir dois Genèse pour désigner une partie de la basse Égypte, celle apparemment qui se trouve an sud de Tanis et qui correspond aux quatrième, septième, dixième, onzième et quatorzième États de la liste assyrienne. Quant à Τάφνας, il était naturel de l’identifier au Δαφναί des Grecs ; mais comme le syriaque transcrit Tachpsis et que la forme réelle est fort incertaine, on se demande si ce n’est pas plutôt le Pachnuti des Assyriens. En égyptien To, pays, et Pa, demeure, conviennent également à des dénominations topographiques : M. de Rougé[28] n’identifiait à aucun nom égyptien connu la forme assyrienne Pa-Chnuti ; il reconnaissait seulement dans nuti, la dernière partie de ce mot, la prononciation des bas temps pour le mut nuter, divin.

Quoi qu’il en soit, il est clair que le message est adressé, en Égypte, non à un seul État, mais à plusieurs. Ce démembrement existait déjà vers la fin du VIIIe siècle, ainsi qu’il résulte du texte de Pianchi. Il existait encore pendant les premières années d’Assurbanipal, comme on le voit non seulement par les prismes de ce prince, mais par la chronologie égyptienne, laquelle devient certaine et précise tout justement à cette époque, à cause de la série des Apis qui relie, sans solution de continuité, la fin de la dynastie éthiopienne à l’invasion de Cambyse. Psammétik devient roi de Saïs en 665, troisième ou quatrième année d’Assurbanipal, et celui-ci, remporte successivement des succès écrasants sur Tahraqa et sur Urdamané, beau-fils de ce dernier. Les Assyriens avaient cruellement traité la basse Egypte, lorsque, par haine de leur domination, elle avait rappelé les Éthiopiens, pour ne pas dire les Thébains, puisque, nous le savons aujourd’hui, la vingt-cinquième dynastie était d’origine thébaine ; mais les petites dynasties de l’Égypte inférieure ne furent pas anéanties : nous les retrouvons dans la dodécarchie d’Hérodote et de Diodore. Celui-ci[29] compte dix-huit années entre la retraite des Éthiopiens et l’avènement de Psammétik comme roi unique. Or, Psammétik n’était pas encore roi, lors de la première campagne de notre récit (entre 667 et 665)[30], et l’on ne peut guère placer la campagne contre Urdamané avant 664 ; la fia du morcellement de l’Égypte pourrait donc être rapportée à M ou environ. Flous verrons tout à l’heure que le message royal. doit être quelque peu antérieur à.647, mais pas de beaucoup ; il appartient donc, selon toute vraisemblance, à l’une des dernières années du règne des dynastes, mais il appartient certainement à cette période-là.

V. — PREMIÈES MARCHES D’HOLOPHERNE ; SYNCHRONISME LYDIEN.

Le roide Ninive vent se venger du mépris qu’ont fait dosa puissance les peuples occidentaux. Il envoie contre eux Holopherne, général suprême de ses troupes, avec ordre de lui soumettre ces nations[31], à la suite d’un conseil tenu la treizième année de son règne, selon le texte latin, la dix-huitième selon le texte grec, la vingt-huitième d’après le syriaque. La première de ces dates correspond à l’an 650 on environ, la seconde à 656, la troisième à 635, et les événements qui suivent vont nous permettre de faire un choix entre ces chiffres. Avant d’alter plus loin, il convient de rappeler que la forme iranienne du nom d’Holopherne (Urafrâna) a choqué un savant critique, aussi bien que le langage qu’il tient aux étrangers, langage impie aux yeux de tous les croyants, contrastant beaucoup avec le ton religieux qu’emploient les rois d’Assyrie (et Assurbanipal tout le premier) en parlant de tours divinités. Les deux faits pourtant peuvent s’expliquer l’un par l’autre. Dans les premiers temps de son règne ; Assurbanipal avait en à guerroyer dans le pays de Mannaï, c’est-à-dire de Van, en Arménie, canton où depuis longtemps déjà une tribu aryenne s’était fixée, quand le grand peuple aryen que les Grecs ont nommé Άρμένιοι vint remplacer une domination anarienne dans la région qui porte aujourd’hui le nom d’Arménie. La soumission fut complète. Épouvanté par les dévastations de l’armée assyrienne, le peuple de ce pays se souleva contre son roi ; les propres serviteurs de celui-ci le massacrèrent ; son fils lui succéda, mais se soumit et reconnut, dit le vainqueur, le pouvoir des dieux d’Assyrie. Il envoya même son fils rendre hommage au souverain de Ninive, et sa fille au harem royal[32]. Quoi d’étonnant des lors si, parmi les vaincus, un ambitieux a su gagner la faveur du maître et, brillant soldat de fortune, n’a plus connu d’autre patrie que les camps et la cour du roi, d’autre dieu que son ambition et son épée ? Or, si le texte latin dit un peu plus loin : præceperat enim illi Nabuchodonosor rex ut omnes deos terræ exterminaret, videlicet ut ipse solus diceretur deus ab his nationibus quæ potuissent Holofernis potentia subjugari[33], le grec plus simplifié[34]. Rien là n’implique, de la part du roi, le mépris des dieux d’Assyrie.

Où se dirigent d’abord les pas d’Holopherne ? quels sont ces peuples de Phut et de Lud qui, d’après le grec et le syriaque, paraissent éprouver les premiers effets de la colère du roi, et chez lesquels l’armée, partant de Ninive, arrive en passant au pied d’une montagne, à gauche de la haute Cilicie, et en pénétrant dans les montagnes[35] ?

Dans la traduction d’un document chaldaïque, la gauche représente apparemment te nord ; c’est donc vers le centre ou l’ouest de l’Asie Mineure que se portent les Assyriens, en laissant au sud tes montagnes de Cilicie, c’est-à-dire l’Amanus et le Taurus oriental. Ils pénètrent alors dans une région montagneuse, et en effet, en suivant cette direction, les massifs de la Pisidie se présentaient devant eux. L’omission de la sifflante par les copistes, assez négligents, nous l’avons vu, suffit pour transformer en Phut le nom de cette contrée ; celui de Lud représentant la Lydie, la concordance géographique est complète, et la marche de l’armée fort claire. Quant à la prise de Méloth, mentionnée seulement par la Vulgate[36], elle peut, comme le pense Ménochius, représenter Mélitène en Cappadoce, ville appelée Mélite par Pline. Elle pourrait à la rigueur aussi représenter Milet ; mais on se demanderait, en ce cas ; comment l’invasion de l’Asie Mineure n’aurait point laissé de souvenir parmi les Grecs, on en eût laissé si peu que ni Hérodote ni les fragments d’aucun écrivain gréco-asiatique ne nous l’eussent conservé[37]. D’ailleurs il semble, par la liaison des deux versets, que cette ville de Méloth est plutôt dans le voisinage ou les flancs des monts Angé, dans lesquels on peut reconnaître le massif central de la Cappadoce, dont le mont Argée des temps classiques est le pic principal.

Mais arrêtons-nous à l’invasion de la Lydie, qui pourra nous offrir des synchronismes intéressants, rappelés déjà par M. Smith dans la Zeitschrift für ägptische Sprach und Alterthumskunde de janvier 1869, au sujet des Annales d’Assurbanipal, qui vont nous fournir ici un nouveau commentaire du récit que nous étudions.

Les marbres de Paros, disait-il, placent en 605 l’avènement du père de Crésus ; et Eusèbe s’accorde avec eux pour la durée de son règne. Or les deux rois qui le séparent de Gygès ont respectivement trente-huit et quinze ans dans le canon d’Eusèbe, trente-sept et cinq ans dans le texte de son Histoire, ce qui reporte la mort de Gygès lui-même à 658 ou 647. Il a donc été contemporain au moins des premières années d’Assurbanipal[38].

En effet, les Annales de celui-ci parlent d’une invasion qui le vengea, dit-il, de la défection de Gygès (Gu[ug]gu), roi de Lydie (Luuddi), pays maritime, contrée éloignée dort les rois mes pères n’avaient pas entendu prononcer le nom. Cette invasion fut celle des Gimir(ra)aï, évidemment les Kimmériens d’Hérodote, qui, selon l’historien d’Halicarnasse, n’eut lieu que sous le règne suivant, mais que le texte assyrien fait remonter plus haut : il raconte que Gygès avait fait hommage au roi de Ninive de deux de leurs chefs prisonniers ; mais qu’ensuite, Gygès ayant fait contre Assurbanipal alliance avec l’Égypte, Assur vengea son adorateur par la main des Gimirraï, qui dévastèrent le pays et réduisirent ainsi le successeur de Gygès à renouveler son hommage envers Ninive[39].

Assurbanipal le considérait donc comme son vassal ; il dut être compris dans la réclamation des contingents et dans l’arrêt lancé par le roi de Ninive contre ces vassaux rebelles. Le texte grec de Judith parle d’ailleurs de dévastations en Lydie, mais nullement de conquête, ce qui explique le silence d’Hérodote concernant celle invasion, momentanément désastreuse, mais passagère et qui eut des effets moins durables que celle des Kimmériens. Si d’ailleurs elle eut lieu la treizième ou quatorzième année d’Assurbanipal (vers 654), cette date peut correspondre à la quatrième ou cinquième année d’Ardys, ce qui concorde assez bien avec l’ensemble des faits. Il est vrai, les Annales ne racontent pas cette guerre, bien qu’elles parlent, nous le verrons, de faits postérieurs ; mais, les armées assyriennes n’ayant pas séjourné en Asie Mineure et n’y ayant pas fait de conquête, cette course put n’être considérée que comme un simple prélude des évènements de Babylonie, d’Arabie et de Syrie dont nous allons prochainement parler. Il en fut apparemment de même du pillage effectué aux dépens des fils de Tharsis, que Ménochius identifie avec vraisemblance avec les habitants du pays de Tarse en Cilicie. Du reste, si la Vulgate les nomme ainsi, le grec les remplace par les fils de Rhases, et le syriaque par les fils de Thiras et de Ramesis, noms qui, plus ou moins exactement transcrits, représentent celui du texte grec et celui du texte latin. Ramesis sera, si l’on veut, Ramith, au sud du mont Casino, dans la Syrie septentrionale.

VI. — GUERRE DE BABYLONIE

Nous arrivons à l’un des passages du livre de Judith qui ont paru le plus répugner à son caractère historique, et pourtant c’est ce passage qui, une fois la lumière projetée sur ce récit par la découverte des Annales d’Assurbanipal, va au contraire nous fournir un des points de repère les plus assures dans l’ordre des faits historiques et chronologiques. Après avoir pénétré jusqu’au désert des Ismaélites, l’armée longe, puis passe (c’est-à-dire repasse) l’Euphrate, va dévaster la Mésopotamie et s’avance jusqu’à la mer, qui ne peut ici être que le golfe persique[40]. Voici le texte avec ses variantes d’orthographe, car il n’y en a guère d’autres ici :

Cette expédition au delà de l’Euphrate n’était nullement prévue du lecteur, à en juger d’après le récit des causes de la guerre ; j’ajoute qu’elle ne l’était ni da roi ni de l’armée, lors du départ de celle-ci, et qu’elle interrompit très péniblement les plans d’Assurbanipal ; nous savons aujourd’hui comment et pourquoi, car il a bien voulu nous en instruire en détail ; écoutons-le :

Saulmugina, mon jeune frère, qui ne conservait point ma faveur, fit révolter contre ma main le peuple d’Accad, de la Chaldée[41], d’Aram[42] (A-ru-mu) et la côte de la mer depuis Aqaba jusqu’à Babsalimit, mes tributaires. Et Ummanigas le fugitif, qui avait pris le joug de mon autorité, que j’avais investi du royaume d’Élam, fit révolter les rois de Guti, de Marta et de Miluhkhi, qui tenaient mes mains par le commandement d’Assur et de Beltis, et ils mirent leurs visages avec lui[43]. C’est dans le récit de cette défection que l’un trouve un fait pouvant servir d’explication au nom de Nabuchodonosor, donné au prince assyrien par le narrateur hébreu, qui probablement avait vécu à Babylone, pendant la captivité. M. Smith cite plusieurs exemples de rois assyriens de la même période qui ont porté, en certaines circonstances ; un nom différent de celui sous lequel ils sont connus : ainsi Sennachérib dit que son fils Assur-ah-iddina (Assarhaddon) a reçu de lui le nom de Assur-ebil-mukin-pal, et Assurbanipal lui-même porte, sur une tablette du Musée britannique (K., 195), le nom de Sin-inadina-pal. Or une autre tablette (K., 2, 631) nous apprend qu’au moment de sa rupture avec son frère, Saulmugina ouvrit les trésors de Bel à Babylone, de Nebo à Borsippa et de Nergal à Kutha, et les envoya au roi d’Élam, évidemment pour s’assurer son alliance. Le roi de Ninive, qui plus d’une fois témoigne se piété envers Mérodach, le grand dieu de Babylone, put fort bien !s’attribuer le rôle de vengeur de Nébo, lui faire hommage de son succès, et prendre, chez les Babyloniens, après sa victoire, le titre de Naba-Nudur-usur, Nébo a donné le diadème, qui est le nom significatif du vainqueur de Jérusalem.

Dans ma sixième expédition, je rassemblai mon armée ; je dirigeai sa marche contre Saulmugina. J’assiégeai et je pris lui et une partie de ses combattants dans Sippara, Babylone, Borsippa et Kutha.

Le narrateur raconte ensuite comment, avec l’aide de l’Assyrie, Tammaritu remplaça Ummanigas sur le trône d’Élam[44], et il reprend un peu plus loin : En ces jours, le peuple d’Accad, qui était uni à Saulmugina et parlait mal, fut atteint par la famine ; ils mangèrent pour se nourrir la chair de leurs fils et de leurs filles... Assur, Sin, Schamas, Vol[45], Bel, Naha, Ischtar de Ninive, la reine divine de Kitmuri, Ischtar d’Arbel, Ninip, Nergal et Nusku marchaient devant moi et détruisaient mes ennemis ; Saulmugina, mon frère rebelle qui me faisait la guerre, fut jeté par eux (ses soldats ?) dans un feu ardent et perdit la vie. Et les gens qui s’étaient laissé entraîner par Saulmugina, mon frère rebelle, et commettaient ces crimes.... ne brûlèrent pas avec Saulmugina, leur seigneur ;.... ils avaient fui et cherché un refuge. Le coup inévitable des grands dieux, mes seigneurs, les abattit. Aucun coupable ne put échapper à mes mains. Le roi accorda cependant une amnistie partielle et reçut la soumission de tout le pays[46]. Dans un autre récit, conservé plus loin et se rapportant à la guerre d’Arabie, on lit que, lors du soulèvement simultané d’Élam et de Babylone, Saulmugina avait reçu des secours d’Arabes, mais que, les voyant défaits, voyant leurs débris contraints de sortir de Babylone, où ils s’étaient repliés et où ils avaient souffert la famine la plus affreuse, jusqu’à se dévorer les uns les autres, Saulmugina se rendit à son frère, qui lui accorda une autre principauté[47]. Il y eut donc deux guerres de Babylonie, dont la première, celle à laquelle Saulmugina survécut, fut entreprise avec l’aide d’une partie de l’Arabie. Or c’était précisément un peuple arabe «Holopherne attaquait quand il fut rappelé au delà de l’Euphrate de la manière que nous avons vue. Le nom d’Arbonaï que porte, dans la version grecque, un torrent bordé par plusieurs villes rebelles ne se réfère, ce me semble, à aucun nom géographique connu. Le nom de Jabok (du syriaque) appartient à un affluent du Jourdain et n’est introduit là que par la naïveté d’un copiste. Mais la Vulgate, et surtout une variante du grec nous donnent indirectement la solution du problème. Le nom de Mambré peut-être, et certainement celui d’Abron, est, on n’en peut douter, altéré de celui de Chabur, le Χαβόρας des Grecs, affluent de l’Euphrate en Mésopotamie et qui, au temps de Xénophon[48], formait dans ce pays la limite de deux régions. C’est même à peine si Abron, avec sa terminaison sémitique, est une altération de Chabur, nom que porta encore aujourd’hui cette rivière : c’est ainsi que l’on a identifié l’égyptien Khalbu à Khalbon (Alep). Le Chabur pouvait être alors la frontière de la Babylonie, et, en fait, toutes les villes que nomment les Annales d’Assurbanipal, dans le récit de cette guerre, étaient au midi du Chabur. Le syriaque désigne expressément la Mésopotamie méridionale.

L’obstination du narrateur assyrien à s’attacher, non à l’ordre chronologique, mais à l’ordre ethnographique, met une certaine confusion dans les dates des expéditions contre Islam et Babylone. La sixième campagne, qui coûte la vie à Saulmugina, est placée, par bon numéro d’ordre et par la suite du récit, avant la neuvième à laquelle il survit. Mais le canon de Ptolémée nous donne ici un point fixe et certain. Le Saosduchin de son canon a régné dans Babylone pendant vingt ans après Assarhaddon. C’est donc vers 647 que cette ville fut soumise par Assurbanipal, et il parait que les deux défaites de Saulmugina se suivirent de près, car Ptolémée ne distingue pas deux règnes du même prince. Si donc les campagnes d’Holopherne ont commencé dans la treizième ou quatorzième année du roi de Ninive, selon le texte latin (654-3), la soumission de Babylone pourrait appartenir à la septième année de la guerre ; si elles ont commencé la dix-huitième seulement (649), nous serions arrivés à la troisième année des hostilités ; mais nous ignorons combien dura la guerre même de Babylonie : la liste des éponymies d’Assurbanipal s’arrête après la troisième, et nous ne trouvons après celle-là que des noms isolés d’éponymes.

Cependant un passage des Annales, mal traduit d’abord par M. Smith, puis déclaré par lui inintelligible, enfin éclairci par M. Oppert[49], permet de serrer d’un peu plus prés cette question de chronologie. Voici la traduction littérale donnée par l’illustre professeur :

Ainsi une éclipse de soleil arrivée au mois du dieu Duz (le Thammuz des Syriens) retarda de trois jours les opérations militaires. Or, dit M. Oppert, a deux éclipses solaires seules de toute cette époque peuvent entrer en discussion : celle du 7 juin 651 et, ce qui est plus probable encore, celle du fil juin 661. n La seconde de ces data appartient à la sixième on septième année d’Assurbanipal ; la première à la seizième ou dix-septième. Or il s’agit ici d’une campagne contre Téumman, deuxième guerre d’Elymaïde. Ce règne a précédé celui d’Ummanigas, allié de Saulmugina dans sa guerre contre Ninive, mais a suivi celui d’Urtaki. Si donc, comme nous l’avons conclu, ce dernier a combattu contre les Assyriens dans la douzième ou treizième année d’Assurbanipal, l’éclipse doit être celle de 651 ; il reste encore un temps suffisant pour placer les événements qui séparent cette campagne de la prise de Babylone en 647.

VII. — GUERRES DANS LE SUD-OUEST DE L’ASIE

La grande expédition d’Occident, interrompue par les événements de Babylonie, reprit son cours, et nous pouvons la suivre dans les récits parallèles du livre de Judith et des Annales d’Assurbanipal.

Or, dans ce morceau des Annales où le rédacteur mentionne le concours que Saulmugina avait trouvé chez des Arabes, il raconte les faits que résument les versets précédents. Il ne parle pas, il est vrai, des frontières de Cilicie, que l’armée longea probablement après avoir repassé l’Euphrate à l’un des passages ordinaires de Thapsac ou de Carchémis[50] : l’ordre ethnographique le conduisait à supprimer cette circonstance. Mais le nom de Japhet, très inattendu dans ce récit, s’explique assez naturellement, comme terme géographique, par l’extrême affinité des muettes labiales et du M : c’est la ville de Hamath en Syrie, que l’on trouve en effet, en marchant au sud, après avoir quitté les frontières de la Cilicie[51]. De plus, dans le récit des Annales[52], l’armée assyrienne, qui marche contre le roi d’Arabie Uaiteh, pénètre d’abord dans les pays d’AzarAN[53], chez la tribu de Hirataqa, dans Udumi, c’est-à-dire, comme le transcrit M. Smith, dans Édom (l’Idumée) ; puis dans le voisinage de Yabrud, dans Bit-Ammani (c’est-à-dire dans le pays Ammonite), dans le district de Hauran (Haurina), dans Moab (Muhaaba), dans Sabarri, dans Harge et dans le district de Zohab (?) (Zubite).

Ce serait une tâche probablement impossible à remplir que d’identifier tous ces districts à des localités, soit de la géographie des temps classiques, soit de la géographie moderne. Disons seulement que l’Auranite forme, avec les pays d’Ammon et de Moab, une ligne à l’est du Jourdain et de la mer Morte, ligne que suit une armée venant du nord vers l’Idumée, et qui, pressée d’arriver en Arabie pour châtier, nous l’avons vu, une provocation récente avant de se venger d’un acte de désobéissance plus ancien, ne veut pas embarrasser sa marche de la résistance qu’elle pourrait trouver dans les montagnes de la Palestine.

Cette marche n’est énoncée dans le livre de Judith que par son point de départ et par son terme ; mais les Arabes (A-ri-bi)[54] d’Uaiteh doivent être les Madianites du texte juif, qui habitaient sur le bord de la mer Rouge, prés du golfe d’Akaba ; d’autant plus qu’Uaiteh[55] épouvanté s’enfuit chez les Nabatéens, qui vivaient aussi dans le voisinage du même golfe. Après une digression sur les événements de Babylonie, auxquels avaient pris part les secours envoyés par Uaiteh[56], vient l’histoire d’une guerre contre les Nabatéens eux-mêmes[57], suivie de la soumission des peuples d’Arabie[58]. Un autre prisme nous fait connaître la soumission, la révolte et le châtiment du pays de Hédar[59]. Mais ces derniers événements sont postérieurs à l’épisode de Judith, car Assurbanipal fait prendre à son armée, marchant contre les Nabatéens et venant d’au delà du Tigre, la route de Damas (Di-mas-qa, le Damascus des Latins), où elle ne’ trouve pas de résistance, tandis que nous avons vu la soumission du pays de Damas opérée au retour de la première expédition d’Arabie[60]. Les rois de Syrie et de Moab sont d’ailleurs fidèles au roi de Ninive contre celui de Kédar[61].

VIII. — CAMPAGNE DE JUDÉE

Il va de soi-même que les Annales d’Assurbanipal ne disent pas un seul mot de la campagne de Judée. Un échec complet (qui même, en ce qui concernait le général, avait son côté ridicule) ne pouvait être indiqué dans un récit officiel ; cela eût été contraire à l’usage universel des peuples orientaux et nu particulier des Assyriens. Mais je ne puis omettre cette occasion de signaler au lecteur la désignation de la position de Béthulie, Habituellement ignorée ou, qui pis est, très faussement désignée jusqu’ici. Cette rectification est due au savant explorateur de la Palestine, M. Victor Guérin. Il l’a exposée devant l’Académie des inscriptions dans l’été de 1874, et a bien voulu me transmettre, en vue de la présente publication, le résultat de ses recherches.

Béthulie, en grec Βετυλούα, en latin Bethulia, n’est citée que dans té livre de Judith. Des divers passages où elle est mentionnée dans ce livre, il résulte qu’elle était située sur une montagne, non loin de Dothaïm et dans le voisinage de la grande plaine d’Esdrelon ; elle commandait les défilés qui de cette plaine donnaient accès dans la contrée montagneuse de la Samarie, puis de la Judée. Désespérant de pouvoir s’emparer de cette ville par la force, à cause de l’escarpement de la montagne dont elle couronnait le sommet, Holopherne chercha à la réduire par la famine et principalement par la soif, en occupant par des postes les sources qui se trouvaient au pied de la hauteur et où les habitants s’approvisionnaient d’eau[62].

M. Guérin réfute ensuite en peu de mots les identifications proposées avec Djebel Foureïdis, au sud de Jérusalem[63], Safed, an nord de la plaine d’Esdrelon, et Beit-Elfa, sur les dernières pentes du Gelboe, position qui ne commande aucun défilé, n’est pas voisine de Dothaïm et n’occupe point le sommet d’une montagne ; et il ajoute :

Une quatrième opinion enfin, à laquelle je me rattache, place Béthulie à Sanour. Ce village, en effet, est situé sur une montagne rocheuse, escarpée de presque tous les côtés et d’un accès difficile. II est dans le voisinage de Tell-Dothan, jadis Dothaïm, et de la plaine d’Esdrelon. L’armée d’Holopherne, après avoir traversé cette plaine, devait nécessairement, pour se rendre en Samarie, puis en Judée, passer au pied de la forteresse qu’a remplacée le village moderne de Sanour. Tout m’incline donc à penser qu’aucun site ne convient mieux que celui-là aux données du livre de Judith, relativement à l’emplacement de Béthulie.

C’est là une topographie qui n’a rien de fantastique. Il ne faut d’ailleurs nullement s’étonner de voir, au VIIe siècle, des Juifs en possession d’un pays situé en dehors des limites da royaume de Juda. Les colonies établies par Assarhaddon ne paraissent point s’être substituées à la totalité de l’ancienne population israélite, et rien ne fait entendre que Josias fût hors de son royaume quand il combattit les Égyptiens à Mageddo.

Mais il reste à reconnaître à quelle période de l’histoire des Juifs appartient cet épisode, aucun règne des rois de Juda n’y étant spécifié. Nous avons reconnu qu’il doit être un peu postérieur à la soumission de Babylone, ou tout au moins à la première campagne de Babylonie ; en d’antres termes, voisin de 647. La prise et la ruine de Jérusalem par Nabuchodonosor étant fixée à 586 ou 587, si l’on ajoute à ce chiffre les durées des règnes précédents, fournies avec une concordance parfaite par le quatrième livre des Rois[64] et par le second livre des Paralipomènes[65], on reconnaîtra que le règne de Manassès se termine vers 640, après avoir duré cinquante-cinq ans, tandis que la minorité de Josias, dans laquelle on a voulu aussi placer ce récit, ne commence que deux ans plus tard. Or Manassès ayant été captif des Assyriens et conduit à Babylone[66], probablement par Assarbaddon, l’interrègne de fait que fait ressortir le silence complet du narrateur sur le rôle de la dynastie royale doit correspondre à l’une des années de la captivité de ce prince. Le nom du grand-prêtre est Ioakim dans le grec, Eliachim dans la Vulgate ; or cette dernière forme correspond, par ses éléments linguistiques essentiels, à la forme היקלח, nom d’un grand-prêtre contemporain de la dix-huitième année de Josias[67] ; seul ce grand-prêtre, dans la généalogie donnée par les Paralipomènes, remplit cette condition parmi les héritiers de Lévi, tout au moins jusqu’à la ruine du temple de Salomon[68] ; le même pontife pouvait fort bien avoir exercé l’autorité pendant quelques-unes des années de Manassès, surtout s’il s’agit d’une année peu éloignée des dernières de ce règne, comme il résulte d’ailleurs des considérations chronologiques que nous avons exposées.

IX. — LA CATASTROPHE DE PHRAORTES

Revenons enfin au point de départ de cette dissertation : ces éclaircissements Ruas permettent-ils de nous décider pour ou contre l’opinion de Rawlinson concernant Phraortes ? La seule campagne de Médie dont parlent les Annales d’Assurbanipal y est mentionnée très sommairement : on se borne à dire que Birizhadri, un chef de Médie (Madaï), Sarati et Pariza, fils de Gog, (et) un chef des Sabi (Scythes, les Çaka des inscriptions perses), ayant rejeté la domination d’Assurbanipal, celui-ci prit soixante-dix de leurs villes fortifiées, enleva leurs dépouilles, les fit eux-mêmes captifs et les emmena à Ninive. Des tributaires habitant à ilim miri, ayant exterminé de nuit l’armée d’Iludaria, préfet de Lubdu, la tète du coupable fut portée dans la capitale de l’Assyrie[69].

La grande catastrophe n’est donc pas mentionnée ; les prismes doivent avoir été rédigés avant ce mémorable événement. Ceci exclut la date finale de Déiokés (vers 656) et même toutes les dates antérieures à 647. D’un antre côté, comment retarder jusqu’à la fin du règne de Phraortes (vers 634) un événement que le livre de Judith semble placer avant les campagnes d’Holopherne ? Ce ne sont plus les prismes qui nous fourniront la réponse à cette contradiction apparente ; c’est un monument épigraphique découvert à Warka, l’ancienne Uruk (Όρχόη), monument cité par M. Smith, à la page 324 de sa publication, et par M. Oppert, dans l’article du. Journal asiatique dont nous avons déjà en occasion de faire usage ; là il est question d’une vingtième année d’Assurbanipal, que Ji. Oppert regarde comme une vingtième année babylonienne, se rapportant à la période qui suit la conquête : MM. Smith et Oppert sont d’accord pour identifier à ce prince le Chinaladan, ou plutôt Isinaladan (Asur-edil-ilani ?) qui, dans le canon de Ptolémée, succède pour Babylone au règne de Saosduchin.

S’il en est ainsi, l’an 634 non seulement appartient encore à Assurbanipal, mais correspond à la treizième ou quatorzième année de son règne babylonien, et 638 à la quinzième ou seizième[70]. Si nous admettons que ce comput était celui du document original qui a servi à l’auteur du livre de Judith, en ce qui concerne la mort d’Arphaxad (Phraortes), on ne doit pas être surpris que, ne connaissant pas la différence des deux ères royales ; un copiste[71] ait transposé ce fait immédiatement après les premières hostilités du roi mède contre Ninive, puisque celles-ci appartenaient à la douzième année du règne ninivite.

Mais l’épisode de Birizbadri a-t-il quelque rapport avec les événements qui nous ont occupés ? L’on ne peut ici énoncer que de très douteuses conjectures ; il faut les énoncer cependant : quand on traite une question nouvelle ou avec des documents nouveaux, tous les éléments possibles de solution doivent être indiqués.

Birizhadri est écrit avec cette orthographe :

Or si, comme nous l’apprend Hérodote (v. supra), Phraortes était petit-fils d’un autre Phraortes, qui, père du grand Déiokés, pouvait être considéré comme l’auteur de la dynastie, et si, comme le pense Rawlinson, la forme Phraazad est le patronymique dérivé de Fravartis ou Fraurtish (véritable forme du nom de Phraortes), le nom transcrit, abstraction faite de la dernière syllabe, représente réellement le personnage en question désigné par son nom patronymique : le B n’est qu’un F adouci, et l’I était pour les Assyriens l’objet d’une préférence marquée, dans la transcription des noms étrangers. Ainsi[72], en Égypte, Neko est transcrit par Niku, Sésonkh par Susiinqu, T’aha (Ταχως) par Tiha, et, parmi les noms de lieu, Mennofré (Memphis) par Mi-im-pi, Hanensu par Hininsi, Pa-bai-neb-Tat (Mendès) par Bindidi, No (Thèbes) par Ni[73]. Pour l’Asie, non seulement on écrivait avec la finale I, Zurri (Tsour, Tyr), Yaudi (Juda), Guubli (Gebal, Byblos), Aruadi (Arvad, Aradus), mais Haziti pour  le nom si connu de Gaza et Siilluu pour Soli (Σολοί), en Cypre[74]. De plus, on pourrait même éviter l’hypothèse d’un patronymique douteux et conserver, pour la première partie du nom, la lecture Friva au lieu de Friz[75], si l’on suppose un seul trait omis par le copiste, iz au lieu de va. Mais on, peut même se dispenser complètement de supposer le patronymique, et la finale ri, si réellement la transcription supposée est exacte, peut fort bien s’expliquer ainsi : Fravartis (et non plus Fraazad) est un nom mythologique ; il signifie le férouër. Si quelque indice annonçait cette particularité dans l’orthographe médique, le scribe assyrien a pu croire qu’il devait trouver là le nom d’une divinité sémitique et, par une simple métathèse, transformer en Haidri (Hadar, en assyrien Hidri, nom d’une divinité syrienne) la dernière partie da nom de Fravartis ou Fraazad. Mais, encore une fois, ce ne serait là que l’explication du fait, si l’on voulait admettre que le chef mède en question était le fils de Déiokés, ce qui n’est qu’une conjecture très incertaine. Une campagne contre un peuple mède antérieure de beaucoup à celle que raconte Hérodote et seule antérieure à la rédaction des prismes peut s’admettre parfaitement.

X. — CONCLUSION

De cette étude résultent donc une nouvelle confirmation de l’exactitude d’Hérodote, sur un point où elle avait été récemment mise en doute, et l’établissement d’une chronologie, approximative quant à certains détails, mais parfaitement logique et concordante, pour les histoires parallèles de Ninive, de Babylone, de la Médie, de la Susiane, de la Judée et de l’Égypte. Il en résulte aussi la solution de nombreuses et graves difficultés touchant le caractère historique du livre de Judith, caractère en faveur duquel paraissaient protester et la forme littéraire de la narration et la tradition tant juive que chrétienne, mais qui devait être établi sur de nouveaux arguments, quand, pour la première fois, la science pénétrait au fond de l’histoire générale de l’Orient à cette époque. Assurément tous les faits de ce récit ne se retrouvent pas, et ne devaient pas se retrouver, dans les documents assyriens, égyptiens et grecs ; mais tous s’expliquent par des faits maintenant connus, et surtout concordent avec une histoire d’ensemble dont toutes les grandes lignes sont désormais affirmées. Il serait impossible de concevoir qu’un récit allégorique représentât un ensemble de faits connus d ailleurs, appartenant à des histoires diverses et se rapportant tous à cette époque, unique dans l’histoire politique du monde, qui réunit en un petit nombre d’années : 1° le morcellement politique de l’Égypte et la domination incertaine de l’Assyrie dans ce pays ; 2° une guerre ayant pour objectif un roi élamite déterminé, 3° une vengeance exercée par Ninive contre la Lydie ; 4° une invasion de la Babylonie par les Assyriens ; 5° une expédition assyrienne en Syrie et en Arabie ; 6° une lutte acharnée des Assyriens contre les Mèdes ; tous faits établis par des documents étrangers appartenant à ce même règne assyrien auquel la condition de la Judée décrite dans le livre de Judith rapporte aisément ce fait de l’histoire nationale. Le titre de la présente dissertation est donc justifié, et, si le cadre en comporte encore des lacunes, on peut compter que les traits dus à des découvertes futures ne le déplaceront pas.

 

 

 



[1] Mém. de l’Acad, des Inscript., XIX, 1.

[2] Par M. Oppert, leçons (inédites) des 19 mars et 14 mai 1866, et 18 février 1867.

[3] The Journal of the Royal Geographical Society of London, vol. X, 1841 ; Memoir of the site Altropatenian Ecbatana, by H. C. Rawlinson. Voy. p.141-142.

[4] Rawlinson n’est pas le premier qui ait eu cette pensée. Voy. la Bible dite de Vence, VI, p. 144.

[5] L’auteur propose la dégradation phonétique suivante : Phraazad = Arphazad = Arphaxad. Il rappelle ainsi que les grandes fortifications d’Ecbatane sont attribuées à Déiokés par Hérodote, et au roi vaincu par les Assyriens dans le livra de Judith (I, 1-2 du texte grec ; le latin lui fait bâtir la ville elle-même).

[6] L. I, chap.130, 106, 102.

[7] Première Lettre assyriologique, p. 56-9.

[8] Voy. Oppert, Mémoire sur les rapports de l’Égypte et de l’Assyrie, p. 44.

[9] M. Smith transcrit : Sanlmugina, dans sa publication de l’Histoire d’Assurbanipal. M. Oppert, dans le mémoire cité, a écrit ce nom tel que je le donné dans le texte ; il l’a corrigé dans le Journal asiatique, en Samul-masad-yukin (janv. 1172, note des p. 110-11).

[10] Tous ces passages sont contenus dans le 1er chapitre.

[11] L. VI, chap. 3, § 4.

[12] Et non pas dit expressément ; mais, quand il le dirait, toute difficulté sérieuse me parait écartée avec la confusion des deux Ragau.

[13] History of Assurbanipal (v. infra), p. 127.

[14] Nom de la divinité, lu il en langue assyrienne, et an dans celle pour laquelle a été composée l’écriture cunéiforme assyrienne. Suivant la règle générale, les deux prononciations coexistaient en assyrien.

[15] Voy. Judith, I, 7-12.

[16] Tout ceci résulte clairement du texte grec, au 11e verset.

[17] Ainsi désigné par M. Smith dans sa publication ; et par M. Oppert dans le mémoire cité.

[18] History of Assurbanipal, p. 100-100. Ce nom est aussi écrit Urtak et Urtagu (v. p.100).

[19] Voy. le tableau des syllabiques ninivites et babyloniens, dans la Grammaire assyrienne de M. Ménaut ; ces groupes se trouvent aux pages 11 et 12.

[20] Ou peut-être Uryaki.

[21] History of Assurbanipal, p. 102-6 (prisme B), 110-12 (C) ; cf. 127-38.

[22] Judith, I, 7.

[23] Lui donner le nom de terre de Jessé, Jessé étant la tige de la maison régnante, est une locution bien assyrienne : les Assyriens appelaient le royaume d’Israël, maison de Homri. Voy. Lenormant, Lettres assyriol., I, p. 56.

[24] Voy. Oppert, Mémoire sur les rapports de l’Égypte et de l’Assyrie, p. 55-7. L’orthographe assyrienne est ici corrigée, tant d’après l’auteur du mémoire que d’après les travaux de M. de Rougé.

[25] V. la p. 74 du mémoire cité (p. 586 du VIIIe volume des Mémoires présentée par divers savants à l’Académie des inscriptions).

[26] Leçon (inédite) du 20 mai 1873.

[27] Voy. Oppert, p. 68, 75, 81 et 83.

[28] Leçon (inédite) du 10 janvier 1870.

[29] I, 66.

[30] Nous avons trouvé le nom de son père dans la liste assyrienne ; quant à là mention de Psammétik lui-même, que M. Smith avait cru trouver dans ces Annales à l’occasion des affaires de Lydie, et qu’il pensait appartenir alors au souverain de l’Égypte entière, M. Oppert a réfuté cette erreur. Il n’est question dans ce passage ni du nom de Psammétik, ni d’une grande monarchie égyptienne, mais bien de dynastes multiples. (Journal asiat., janv. 1873, p. 112)

[31] En leur demandant la terre et l’eau, suivant la formule asiatique, qui fut plus tard intimée aux Grecs (voy. Hérodote, VII, 133, et Judith, II, 5, da texte grec).

[32] Prismes A, 3e col., et B, 3e col. (p. 84-8 et 95-7 de Smith).

[33] Judith, III, 13.

[34] III. Les instructions du roi (II, 5-6) ne contiennent même pas l’ordre de le faire adorer.

[35] La Vulgate dit seulement : Venite ad magnnos montes Ange, qui sunt a sinistre Ciliciæ, nocenditque omnia castella eorum et obtinuit omnens munitionem (II, 12).

[36] II, 13.

[37] Il faut pourtant remarquer que toute cette période est perdue dans l’ouvrage de Diodore de Sicile, ou l’on devrait, plutôt encore que chez Hérodote, trouver la mention de ces faits.

[38] D’après Hérodote (I, 10, 25), il s’écoule cent dix-huit ans de la mort de Gygès à l’avènement de Crésus (Ardys 49 ans, Sadyatte 12, Alyatte 67).

[39] Hist. of Assurb., p. 64-8, 71-4 (prismes A, col. III, B, col. III, et une tablette) ; Hérodote, I, 15-16. Hérodote dit (16) que l’invasion ne prolongea jusqu’au règne d’Alyatte.

[40] Judith, II, 13 (grec et latin).

[41] Smith transcrit Kal-du. Il est clair que les Chaldéens dépendaient du roi de Babylone.

[42] Il ne s’agit pas ici des Araméens de Syrie, mais de l’Aram des Fleuves dont parle la Genèse (XXIV, 10 ; XXVIII, 31), le pays des Aramu dont parlent les inscriptions des Sargonides (voy. Oppert, Expéd. en Mésopot., I, 338, et Annales de philosophie chrétienne, septembre 1882). On retrouve le même peuple dans la Syrie, à gauche de l’Euphrate, que mentionne Xénophon (Anabase, I, 4).

[43] Hist. of Assurb., p. 154-5, 157 (prisme A, col. IV). M. Smith traduit assez témérairement Cuti, Martu et Miluhkhe par Arabie, Syrie et Éthiopie. Nous avons parlé plus haut du pays de Miluhkhe.

[44] Hist. of Assurb., p. 158.

[45] Ou plutôt Ben (transcription de M. Oppert, Journ. asiat., ubi supra).

[46] Hist. of Assurb., p. 162-5, 168-9 ; et 183, 186.

[47] Hist. of Assurb., p. 257-8, 262-4 (prisme A, col. VII et VIII).

[48] Anabase, I, 4-5. Voy. mon Itinéraire des Dix mille, p. 21-2 (Bibliothèque de l’École des hautes études, 14e fascicule).

[49] Journal asiatique, janvier 1872, p.112. Voy. Hist. of Assurban., p. 118.

[50] C’est-à-dire Mabog ou Bambyce (Hiéropolis). Voy. Maspero, ubi supra, p.12-15 ; et 31-36.

[51] Ou du territoire de Kiliza, peu éloigné de Carchémis. Voy. la première carte de la brochure de M. Maspero.

[52] P. 258-9 (prisme A, col. VII).

[53] La syllabe finale AN ou IL commençant par une voyelle et suivant immédiatement une consonne, il y a lieu de penser que l’on a ici un groupe idéographique ; l’orthographe régulière serait, non pas A-za-ar-an, mais A-za-ar-ran.

[54] Hist. of Assarb., p. 260 (prisme A, col. VIII).

[55] Hist. of Assarb., p. 242-41 et 257-8.

[56] A moins toutefois que les pages 257-62 ne se rapportent è aine première expédition, contemporaine des premiers événements de Babylonie. Mais le fait d’une digression explicative, mal liée au corps du récit, ne serait pas en désaccord avec l’ensemble de la rédaction de ces Annales.

[57] History of Assurb., p. 264-73.

[58] History of Assurb., 277-82 (prisme A, col. IX).

[59] History of Assurb., p. 283.9 (prisme B, col. VII-VIII, et tablette K, 2808 du British Museum).

[60] Judith, II, 17.

[61] Dans le livre de Judith, les chefs de Moab et d’Ammon sont considérés par Holopherne comme des vassaux pendant la campagne de Judée (V, 9 ; et VI, 5, VII, 8-10, du texte grec). Les Édomites paraissent aussi subjugués (VII, 8, 10) ; nous avons vu le même fait rappelé dans les Annales d’Assurbanipal. Quant aux peuples énumérés au dix-huitième verset du texte grec (v. supra), Tyr et Ascalon étaient considérés comme vassaux d’après celui des Annales (v. Smith, p. 31-2).

[62] Holopherne suit le conseil des chefs alliés (VII, 9) et le manque d’eau réduit la ville au désespoir (10-16). Voy. aussi, dans la Vulgate le passage correspondant.

[63] IV, R., XXIII, 15-20.

[64] XXI, 8, 19 ; XXII, 1 ; XXIII, 31, 36 ; XXIV, 8, 18.

[65] XXXIII, 1, 28 ; XXXIV, 1, 9-22 ; XXXVI, 2, 5, 9, 11.

[66] II Paralip., XXXIII, 11, sq. Cette captivité explique parfaitement la demande de contingent dont nous avons parlé plus haut. D’après les coutumes assyriennes, elle ne supposait pas du tout ipso facto la réduction de la Judée en province.

[67] IV, R., XXII, 4 ; cf. 8, 12, 14 ; XXIII, 4. L’altération du copiste est une des moins graves parmi celles des noms propres que nous avons vues dans le présent mémoire.

[68] I Paralip., VI.

[69] Hist. of Assurb., 97-9 (prisme B, col. III (fin) et IV (init.)).

[70] La dix-septième année, comptée à partir de 647, serait 631-30, mais une différence d’un an s’explique d’une façon très satisfaisante par l’ignorance complète où nous sommes du point de départ de l’année mède. D’ailleurs Assurbanipal a pu compter comme sienne la dernière année de son frère.

[71] Indépendamment de l’inspiration de l’auteur, on peut dire que cette erreur eût été presque impossible lors de la rédaction de cette histoire, à une époque voisine des faits.

[72] Voy. Hist. of Assurb., p. 20-21, de Rougé, leçon (inédite) du 14 Janvier 1890 ; Oppert, Mémoire sur les rapports de l’Ég. et de l’Ass., p. 55-7.

[73] Voy. Hist. of Assurb., p. 20-21, de Rougé, leçon (inédite) du 14 Janvier 1890 ; Oppert, Mémoire sur les rapports de l’Ég. et de l’Ass., p. 55-7.

[74] Hist. of Assurb., p. 81-2.

[75] La transcription exacte de fri en fra est impossible en assyrien ; il faut insérer une voyelle.