HISTOIRE DU PEUPLE D’ISRAËL

TOME TROISIÈME

LIVRE V. — LE ROYAUME DE JUDA SEUL

CHAPITRE V. — FUSION DES DEUX RÉCITS DE L'HISTOIRE SAINTE.

 

 

Les deux royaumes, comme nous l'avons vu, avaient chacun leur rédaction de la primitive histoire des Beni Israël, allant de la création à la division théocratique du pays par Josué. Le plan des deux livres était le même, la religion des deux auteurs la même aussi ; mais l'esprit était sensiblement différent. Le livre du Nord, dit le jéhoviste, avait une ampleur, une naïveté, une façon de concevoir le rôle de Iahvé qui devaient plaire aux iahvéistes pieux, soit de Samarie, soit de Jérusalem. Bien avant la destruction du royaume du Nord, le récit jéhoviste était accepté dans le inonde pieux, mais nullement étroit encore, de Jérusalem. Les belles choses qui s'y trouvaient faisaient passer condamnation sur certaines autres. Beaucoup de parties de ce vieux texte eussent été assurément écrites autrement qu'elles ne le sont, si le livre eût été composé depuis les prédications d'Amos, d'Osée, d'Isaïe. Rien, cependant, dans la haute naïveté du récit, n'était de nature à choquer les piétistes. L'orgueil d'Éphraïm et des tribus du Nord y était sensible, mais ne s'exprimait pas d'une manière trop blessante pour Juda. L'histoire de Joseph, annonçant si clairement la supériorité des Joséphites sur leurs frères, cessait d'être choquante depuis que Joseph n'existait plus. Le Livre de l'Alliance, qui était la seule partie législative du vieux livre israélite, avait bien des préceptes dirigés contre le culte de Jérusalem ; mais rien de tout cela n'était une attaque directe. On pouvait entendre ces parties comme ne se rapportant qu'au temps du séjour au désert. L'erreur critique la plus grave serait de supposer qu'on eût alors quelque idée d'un texte sacré. On croyait qu'il y avait eu des révélations de Iahvé ; les principales étaient censées avoir été faites à Moïse au Sinaï ; mais aucun livre n'avait la prétention de représenter exclusivement ces révélations. Il n'y avait pas un volume qui fût la Thorat Iahvé uniquement et par excellence. On prenait la parole divine de toutes mains, et il est probable que la tradition orale était considérée comme une source bien préférable aux textes écrits. On ne trouve de difficultés à une telle conception que quand on se figure les parties législatives de ces anciens livres, en particulier le Livre de l'Alliance, comme ayant eu force légale dès le moment où le livre était accepté. On s'imaginerait volontiers, par exemple, qu'Ézéchias, adoptant pleinement le iahvéisme, a dû mettre en vigueur les articles contenus dans le petit code qui en est le résumé. Il n'en fut rien sans doute. Plusieurs de ces articles étaient probablement de droit coutumier et mis en pratique comme tels ; mais, jamais avant Josias, ni même avant la captivité, l'État juif ne fut gouverné par une loi absolument théocratique et révélée. Ces codes constituaient des modèles de perfection, dont on espérait que l'État se rapprocherait un jour ; mais les ardents utopistes qui les écrivaient savaient bien que leur œuvre n'allait pas le lendemain s'imposer aux juges, ni créer des arrêts. Les idées s'arrangeaient à cet égard un peu comme chez les peuples chrétiens, lesquels, tout en admettant le Pentateuque comme un Code révélé, ont très rarement été tentés d'appliquer la législation du Pentateuque. Il a fallu la rigoureuse logique du protestantisme écossais pour arriver à viser, dans les considérants de jugements exécutoires, des articles de l'Exode et du Deutéronome comme des articles ayant force de loi.

La meilleure preuve, du reste, qu'aucun texte n'avait encore la prétention de résumer les révélations de Iahvé, c'est qu'à côté du récit que nous appelons jéhoviste, on gardait le récit que nous appelons élohiste, produit d'une rédaction plus moderne. Ce livre présentait le Livre de l'Alliance sous une forme mieux accommodée aux idées hiérosolymitaines, sous la forme du Décalogue. Il ne renfermait rien qui pût blesser les prétentions de Juda, puisqu'il avait été rédigé à Jérusalem. Et pourtant ce livre était moins lu que le récit jéhoviste[1], sans doute parce qu'on le trouvait moins pieux, moins propre à montrer les devoirs étroits d'Israël envers Iahvé. Le nombre des exemplaires devait être extrêmement peu considérable. Le récit élohiste, ayant pour objet principal les généalogies, pouvait n'être contenu que dans un ou deux exemplaires. On lisait peu alors ; la parole remplaçait le livre, et voilà pourquoi la parole affectait des formes si vives, conçues en vue de frapper la mémoire et de s'y imprimer.

Cette duplicité dans la rédaction d'un livre qui, chaque jour, prenait plus d'autorité, n'était pas, néanmoins, sans de graves inconvénients. Elle avait eu sa raison d'être, à l'époque des deux royaumes ; elle n'en avait plus depuis que la maison d'Israël était réduite à un petit territoire. Si la dispersion des juifs n'avait pas été si grande au moyen âge, certainement les deux Talmuds de Jérusalem et de Babylone seraient arrivés à se réunir en un seul. L'idée de fondre ensemble les deux récits de l'Histoire sainte dut venir de bonne heure. C'est par conjecture que nous rapportons cette opération au règne d'Ézéchias. Nous croyons, cependant, qu'on trouverait difficilement un temps qui réponde mieux que celui-ci à l'état d'esprit où une telle entreprise put être conçue et exécutée[2].

Cette fusion, en effet, exigea des partis si francs, si naïfs, qu'on ne peut guère la concevoir à une époque de scribes pieux, considérant superstitieusement les vieux livres comme écritures sacrées. On ne taille pas avec une telle liberté dans un texte admis comme inspiré. L'anatomie ne s'exerce pas sur des corps saints. Les divergences entre les deux récits étaient très fortes. Les règles que suivit l'unificateur furent à peu près celles-ci : 1° quand les deux récits étaient identiques ou à peu près, n'en mettre qu'un, en sacrifiant les détails secondaires que l'autre pouvait contenir[3] ; 2° quand les deux récits étaient parallèles, sans se toucher tout à fait, ainsi que cela avait lieu pour le déluge, l'histoire d'Ismaël, l'épisode de Dina, enchevêtrer les deux narrations, au risque de produire un texte incohérent, plein de zigzags et de retours ; 3° dans le cas de contradiction formelle, sacrifier nettement un des deux récits ou, quand la possibilité s'en offrait, faire deux histoires avec une[4]. Si l'unificateur avait cru que ses deux textes étaient sacrés, il n'est pas admissible qu'il en eût jeté au rebut des parties si considérables, il n'est pas admissible surtout qu'il eût laissé dans sa rédaction des contradictions aussi fortes que celles qui subsistent, le principe le plus élémentaire de l'esprit humain étant qu'un fait ne peut pas s'être passé de plusieurs manières à la fois.

La méthode de l'unificateur fut celle de la plupart des compilateurs orientaux[5]. Le plus souvent, il ne changeait rien aux mots du texte qu'il copiait. Il visait surtout à utiliser toutes ses retailles, à perdre le moins possible de ses originaux. Les historiens arabes arrivent au même résultat d'une manière plus commode en rapportant successivement les opinions diverses : Il y en a qui disent que... D'autres disent que... et en terminant par la phrase consacrée : Allah alam, Dieu sait mieux ce qu'il en est. Le narrateur biblique ne laisse jamais ouverte l'option entre des partis divers ; mais il place souvent les uns à côté des autres, ou à quelque distance les uns des autres, des détails qui s'excluent ; si bien que de tels récits ne sont réellement intelligibles que si on les imprime sur deux colonnes, ou en distinguant les rédactions par des caractères différents[6]. La précision d'esprit n'existait chez l'unificateur à aucun degré, et il n'était dominé par aucune préoccupation d'art.

L'histoire sainte qui résulta de ces coups de ciseaux et de ces sutures grossières fut une œuvre assurément mal faite et, incohérente, une compilation. Il faut dire que, si l'unificateur avait plus habilement accompli sa fusion, nous ne verrions plus la diversité des sources. Un coup de rabot eût effacé toutes ces inégalités. Le texte nous offrirait une matière parfaitement homogène, sur laquelle la critique n'aurait aucune prise, comme c'est le cas pour l'œuvre si bien ordonnée des historiens grecs. Ces grands artistes regardent comme une faute impardonnable de laisser voir la différence de leurs documents. Dans l'œuvre hébraïque, au contraire, telle que nous l'avons, les morceaux existent à l'état entier et non digéré[7] ; nous pouvons encore les retrouver, puis, jusqu'à un certain, point, les rapprocher et rétablir ainsi les composants primitifs[8]. Les additions et retouches de l'unificateur paraissent s'être bornées à peu de chose ; on les remarque surtout dans l'histoire de Joseph.

Là est l'essentielle différence de l'épos hébreu et de l'épos grec. Les Grecs eurent du génie jusque dans la compilation. Leur Homère, malgré plus d'un hiatus, est un prodige d'harmonie. L'Histoire sainte des Hébreux renferme des pages admirables ; mais la lecture suivie en est très pénible. Le moyen âge sera dans le vrai en y taillant des sujets pour des images et des moralités. Les deux composants étaient deux chefs-d'œuvre de récit simple et naturel ; le texte unifié est une marqueterie, un raboutage de découpures mal jointes, un tas de diamants taillés pour un autre arrangement.

Pour dresser une Histoire sainte qui pût remplacer avec avantage les deux récits parallèles, l'unificateur n'avait-il pas quelques autres documents, dont il ait cru devoir tenir compte dans son œuvre d'harmonisation ? Nous avons vu que le jéhoviste, en composant son livre, eut devant les yeux des écrits plus anciens, les Légendes patriarcales des tribus du Nord et le Iasar ou Livre des guerres de Iahvé. Il est presque certain que l'unificateur, et en général, les lettrés d'Ézéchias possédaient encore ces deux livres, en d'autres termes, que la rédaction jéhoviste n'avait pas fait disparaître ses sources, ainsi que cela est arrivé si souvent en histoire. Nous en aurons bientôt la preuve pour le Iasar. Quant aux Légendes patriarcales du Nord, on est presque obligé d'admettre que l'unificateur les avait entre les mains en même temps que la rédaction jéhoviste.

Un fait bien remarquable, en effet, c'est que l'unificateur, dans plusieurs cas, paraît reproduire le texte des Légendes patriarcales du Nord, même quand il a reproduit le texte jéhoviste. Les légendes du Nord, par exemple, présentaient un récit cher aux conteurs d'histoires patriarcales. Abraham, chez Abimélek, roi de Gérare, était amené à faire passer sa femme pour sa sœur. Ce sujet avait fourni au jéhoviste deux récits distincts, l'un mis sur le compte d'Abraham en Égypte, l'autre mis sur le compte d'Isaac à Gérare. L'unificateur a emprunté au jéhoviste ces deux récits[9] ; mais cela ne lui a point suffi. Au chapitre XX de la Genèse, il nous a conservé le texte primitif des Légendes du Nord. La même observation peut être faite à propos de plusieurs autres épisodes, en particulier en ce qui concerne le sacrifice d'Isaac, l'économie politique de Joseph, les légendes sur Ismaël, sur Caleb, sur la famille de Moïse. On peut admettre également que, dans la section dite des Nombres[10] certains passages du Iasar ou du Livre des guerres de Iahvé, qu'avait négligés le jéhoviste, ont été repris par l'unificateur. Le rôle de celui-ci, en un mot, n'a pas uniquement consisté à fondre deux textes ensemble ; sa tâche a été plus compliquée : voulant en finir avec les rédactions plus anciennes, il a tenu à transcrire dans sa rédaction tout ce qui lui paraissait intéressant. Il savait que le livre des Légendes du Nord ne survivrait pas à l'emploi qu'il en faisait ; il a voulu l'épuiser en quelque sorte[11].

C'est la loi de l'historiographie orientale, en effet, qu'un livre tue son prédécesseur. Les sources d'une compilation survivent rarement à la compilation même. Un livre, en Orient, ne se recopie guère tel qu'il est. On le met au courant en y ajoutant ce que l'on sait ou croit savoir d'ailleurs. L'individualité du livre historique n'existe pas en Orient ; on tient au fond, non à la forme ; on ne se fait nul scrupule de mêler les auteurs et les styles. On veut être complet, voilà tout.

Le volume qui sortit de ce travail d'unification formait à peu près la moitié de l'Hexateuque actuel. Il y manquait le Deutéronome, tout l'ensemble des lois lévitiques et plusieurs récits de la vie de Moïse faisant double emploi avec les récits déjà adoptés par l'unificateur, et que plus tard on emprunta aux Vies des prophètes. Les plus belles parties du nouveau livre et les plus développées étaient prises au récit jéhoviste. C'est grâce à la préférence que leur a donnée l'unificateur que ces vieux récits d'Israël ont passé à la postérité et ont été l'objet de l'admiration de tous les siècles. Le texte élohiste, cependant, obtint sur un point le triomphe le plus complet. Nous ignorons ce qu'était, dans le jéhoviste, le récit de la création. Il était sans doute moins beau et moins complet que celui de l'élohiste. C'est ce qui décida l'unificateur à commencer son ouvrage par la page solennelle qui servait de début à l'élohiste : Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Pour toute l'histoire des origines de l'humanité, l'unificateur garde le cadre de l'élohiste, en y insérant de longs morceaux du jéhoviste, si bien que l'on peut dire que les premières pages de l'élohiste ; jusqu'à l'entrée en scène d'Abraham, nous ont été conservées entières. Les six premiers fragments élohistes, en effet, mis à la suite les uns des autres, font une narration continue, ce qui n'a pas lieu pour les fragments jéhovistes ; on sent entre ceux-ci des lacunes considérables. Il semble que, dans l'esprit de l'unificateur, la rédaction élohiste avait une certaine primauté, comme rédaction particulièrement juive et hiérosolymitaine ; son plan était de la compléter au moyen de l'autre rédaction. Seulement, il est arrivé que les suppléments ont dépassé en étendue et en importance le texte qu'il s'agissait d'amplifier.

La partie législative était représentée, dans le texte unifié, par le Livre de l'Alliance conservé intégralement, et par le Décalogue tel qu'il est dans l'Exode. Il n'est sûrement pas impossible que quelques-unes des prescriptions amenées par la formule : Et Dieu dit à Moïse... qui maintenant font partie des prescriptions lévitiques, existassent dès lors. Il est probable que le temple eut de bonne heure des règlements écrits, le code des lépreux[12], la liste des choses impures[13], peut-être le code des sacrifices[14], les articles sur les offrandes, les vœux, les impuretés légales ; mais ces petits codes formaient des livrets à part, non fondus dans l'Histoire sainte ; ils n'ont été réunis que plus tard, sans doute après la captivité, pour former l'ensemble des lois qu'on peut appeler lévitiques[15]. En somme, les quinze premiers chapitres du Lévitique, en y ajoutant le vingt-septième chapitre[16], peuvent fort bien avoir existé, au moins pour le fond, du temps de l'ancien temple. Plus tard, on aura repris ces prescriptions sacerdotales en les adaptant au temps de la restauration et en les faussant par de singulières hypothèses, telles que les villes lévitiques, l'ohel moëd.

Les esprits animés d'un sentiment religieux élevé, comme Isaïe, n'étaient nullement portés vers les pratiques rituelles. Mais tout le monde n'était pas dans ce cas. La piété pousse d'ordinaire aux scrupules et aux observances. Quand les railleurs, pour se moquer des prophètes, allaient répétant sur leur passage d'un ton nasillard : Qav laqav, sav lasav[17], règles sur règles, lois sur lois, ils marquaient bien le commencement de la casuistique rituelle, qui plus tard devait dévorer Israël. Un dicton sans cesse répété était celui-ci :

De Sion sortira la Thora,

Et la parole de Iahvé de Jérusalem[18].

Le mot d'ordre des prophètes était Iahvé mehoqeqénou, Iahvé est notre législateur[19]. L'esprit qui se traduira dans cent ans par le Deutéronome était déjà en germe dans l'école d'Isaïe. Outre le Livre de l'Alliance, dont quelques parties avaient vieilli, et le Décalogue, toujours jeune, il y avait peut-être des petites Thora, si l'on peut s'exprimer ainsi, telles que le Psaume XV[20], où l'on énumérait en quelques lignes excellentes les devoirs du serviteur de Iahvé. Isaïe affectionnait ces sortes de résumés[21]. Il n'y avait pas, pour ces commandements de Dieu, de texte consacré, de rédaction unique ; mais le fond était bien toujours le même, et, quand on parlait de la Loi de Dieu, tout le monde savait de quoi il s'agissait. On verra plus tard comment ce noyau législatif prit d'énormes développements, et comment, grâce à des additions successives, le livre des légendes sacrées, étant devenu principalement un livre de lois, arriva, par une syllepse hardie, à s'appeler la Thora.

On peut admettre que le vieux livre, du temps d'Ézéchias, se terminait par le cantique censé de Moïse qui occupe aujourd'hui le chapitre XXXII du Deutéronome, morceau dont la rhétorique rappelle celle des prophètes de l'époque classique. Une seule pensée y domine : le bonheur ou le malheur d'Israël seront toujours en proportion de sa fidélité à la loi de Iahvé. Ce morceau semble originaire du royaume du Nord, et on croit en retrouver l'écho dans Osée et Isaïe. Il est douteux, cependant, qu'il figurât dans le jéhoviste. C'est un exemple, et il y en eut sans doute beaucoup d'autres, de ces pièces sporadiques que l'unificateur employa concurremment avec les documents plus étendus. La science ne peut avoir la prétention, en ces matières difficiles, d'indiquer autre chose que les lignes générales. On doit l'indulgence aux savants qui les premiers ont usé leurs yeux à ce travail. Les déchiffreurs des rouleaux d'Herculanum n'eurent pas une tâche plus difficile. Dans ces petits blocs calcinés, toutes les lettres étaient visibles ; mais les pages se compénétraient, à tel point soudées et collées ensemble, qu'on ne pouvait affirmer si telle lettre appartenait à une page ou à une autre. D'habiles opérations de dévidement ont introduit le discernement dans ce qui ne paraissait que confusion. On reproche quelquefois aux hypothèses modernes sur la composition de l'Hexateuque d'être trop compliquées. Ce qui est bien probable, c'est qu'elles ne le sont pas assez, et qu'il y eut dans la réalité une foule de circonstances particulières qui nous échappent. Les hypothèses simples sont presque toujours les hypothèses fausses, et, si nous voyions les faits tels qu'ils se sont passés, nous reconnaîtrions que, sur une foule de points, nous avions conçu les choses comme plus régulières qu'elles ne le furent en réalité.

 

 

 



[1] Les prophètes, le Deutéronome en font peu d'usage ; on ne peut dire cependant qu'ils l'ignorent. Ézéchiel fait usage du Xe chapitre (élohiste) de la Genèse.

[2] Pour prendre les formules en usage dans certaines écoles, R avait B entre les mains ; or B se perdit bien avant la captivité ; donc il travaillait à une époque ancienne.

[3] Ainsi le récit de la mort des patriarches est presque toujours pris à l'élohiste. En suivant ses procédés ordinaires, sujets à beaucoup de répétitions, l'auteur fût arrivé à faire mourir deux fois ses personnages. Plus d'une fois, on sent qu'une chose qui ne se trouve plus que dans le jéhoviste avait eu aussi sa place dans l'élohiste.

[4] Ainsi les nombreuses alliances des patriarches avec Iahvé, les consécrations de Bethel, revenant sans cesse. On remarquera l'analogie de ces procédés avec ceux qui présidèrent à la rédaction des Évangiles, surtout de l'Évangile dit de Saint-Matthieu. Voir Hist. des orig. du christ., t. V, p. 173 et suiv.

[5] On peut aussi la comparer au procédé de Tillemont, moins les manchettes et les crochets.

[6] Voyez aussi l'essai de MM. Kautzsch et Socin (Fribourg en Brisgau, 1888).

[7] Il en est de même dans quelques compilations grecques de basse époque, par exemple dans la Chronique d'Antioche de Jean Malalas.

[8] Toutes les compilations orientales sont dans ce cas. Le dernier venu absorbe ses devanciers, sans se les assimiler ; si bien que la compilation la plus récente a toujours dans son ventre, si l'on peut s'exprimer de la sorte, les morceaux des ouvrages antérieurs à l'état cru. Ainsi Mar Ibas Cadina est tout entier dans Moïse de Khorène ; Tabari a été mangé par ceux qui l'ont suivi ; Firdoussi a absorbé les livres des Rois antérieurs ; une fois il a eu l'honnêteté d'en avertir.

[9] Genèse, ch. XII et XXVI.

[10] Ch. XXI.

[11] Cela est surtout sensible dans les récits sur Jacob, Genèse, XXX, XXXI. Pour Ismaël, notez Genèse, XXI, 8-21.

[12] Le Deutéronome, XXIV, 8, se réfère à un code des lépreux, qui se trouve en effet dans le Lévitique, XIII, XIV.

[13] Des deux listes de choses impures données dans le Lévitique, XI, et dans le Deutéronome, XIV, celle du Lévitique est la plus ancienne, la plus naïve. Il est admissible qu'en de pareilles listes, on ait retranché des défenses qui pouvaient faire sourire ; il l'est moins qu'on ait ajouté des animaux infects dont personne, à une époque un peu civilisée, ne pouvait être tenté de manger.

[14] Lévitique, I-VII. On croit remarquer, cependant, que ce petit traité des sacrifices présente un état de culte postérieur à celui qui résulte du Deutéronome.

[15] Ces Pandectes s'étendent éparses de Exode, XXIV, à Nombres, XX, englobant le Lévitique entier. Plusieurs chapitres de cette partie du Pentateuque sont anciens ; mais de grandes additions ont été faites lors de la restauration du culte après la captivité.

[16] Tous les passages où le Deutéronome parait s'appuyer sur des textes lévitiques antérieurs se trouvent dans ces chapitres.

[17] Isaïe, XXVIII, 10.

[18] Isaïe, II, 3, et Michée, IV, 3.

[19] Isaïe, XXXIII, 22.

[20] Comparez Ps. CI.

[21] Isaïe, XXXIII, 15.