Pendant que les deux rois se préparaient, à Jezraël, à recommencer la lutte, une conspiration militaire, dont le chef était Jéhu, fils de Nimsi, éclata dans l’armée qui était restée autour de Ramoth-Galaad. Il ne parait pas douteux que ce mouvement n’ait eu pour excitateurs les prophètes. Leur haine contre la dynastie d’Achab était à son comble ; la mort de Joram était probablement prévue ; il s’agissait d’empêcher qu’aucun des nombreux fils ou petits-fils d’Achab qui étaient à Samarie ne fût proclamé. Selon certains récits, le prophète Élisée aurait envoyé un de ses disciples, un fils de prophète, à Ramoth pour y verser l’huile sur la tête de Jéhu[1]. Ailleurs, c’est Élie lui-même qui désigne Jéhu pour l’onction sainte[2]. Partout où entrent Élie et Élisée, la fable entre avec eux. Élisée cependant pouvait vivre encore, et le récit qui lui attribue une part dans l’avènement de la nouvelle dynastie paraît avoir sa part de vérité[3]. Jéhu, sûr de la connivence des officiers de l’armée de Ramoth-Galaad, partit pour Jezraël et fit en toute hâte sur son char les huit ou neuf lieues qui l’en séparaient. Aucun bruit de la’ conspiration n’était arrivé en cette ville. Ce fut, la sentinelle de la tour qui signala l’approche du’ danger. Les deux rois sortirent sur leurs chars, et, au moment où Joram d’Israël criait à son allié : Trahison, Ochozias ! Jéhu banda son arc et frappa le souverain d’Israël, en pleine poitrine, d’une flèche qui lui traversa le corps. Joram s’affaissa et mourut sur-le-champ. S’il n’y avait eu dans la conspiration que le fait d’un militaire déloyal, voulant se défaire de son maître pour régner à sa place, Jéhu se fût arrêté après l’heureux coup de flèche qui lui assurait le trône d’Israël. Ce qui montre bien que la haine des prophètes contre la maison d’Achab se cachait derrière l’ambition de Jéhu, c’est que celui-ci, qui pourtant ne pouvait aspirer à la royauté de Jérusalem, voulut à tout prix tuer Ochozias. Après la mort de son cousin, près de Jezraël, Ochozias s’enfuit vers le Carmel. Il fut blessé sur la hauteur de Gour, qui est du côté de Ibleam, et mourut à Megiddo. On amena son corps dans son char à Jérusalem, et on l’ensevelit dans la sépulture ordinaire des rois de Juda. Jéhu, après l’assassinat des deux rois, entra dans Jezraël. Jézabel, qui savait la mort de sou fils, fut héroïque de fierté. Elle se fit mettre du fard aux yeux, se para la tête et se mit ainsi à une des fenêtres du palais. Quand Jéhu entra monté sur son char dans la cour, elle lui cria : Comment se porte Zimri, l’assassin de son maître ? Jéhu regarda aux fenêtres, en criant : Qui est pour moi ? Qui ? Ses yeux se rencontrèrent d’une façon significative avec ceux de deux ou trois eunuques qui étaient près de leur maîtresse. Il leur cria : Jetez-la en bas. Ce fut vite fait ; le sang jaillit contre les murs et sur l’équipage. Jéhu fit piétiner la vieille reine par les chevaux de son char. Jéhu entra dans le palais, mangea et but. Puis il dit : Occupez-vous de cette maudite, et donnez-lui la sépulture ; car elle est fille de roi. On alla chercher le cadavre ; mais on ne trouva que le crâne, les pieds et les paumes des mains. Le reste avait été réduit en fumier par les chevaux. Jéhu se préoccupait naturellement des survivants nombreux de la famille d’Achab qui étaient à Samarie. Entre fils et petits-fils, cela faisait soixante-dix personnes. Il écrivit aux principaux de la ville une lettre hypocrite : ... Or donc, quand cette lettre vous parviendra, puisque vous avez entre les mains les fils de votre maître et ses chars et ses chevaux, une ville fortifiée et l’arsenal, choisissez parmi les fils de votre maître le meilleur et le plus convenable, et mettez-le sur le trône de son père, et puis battez-vous pour la maison de votre maître. La cruauté sournoise qui faisait le caractère de Jéhu donnait à cette lettre un accent terrible. Le préfet du palais, le préfet de la ville, les anciens et les omenim ou pédagogues des jeunes princes envoyèrent faire leur soumission. Jéhu leur écrivit une .seconde lettre : Si vraiment vous êtes pour moi et que vous vouliez être mes sujets, prenez les têtes des fils de votre maître, et venez me voir à Jezraël demain à pareille heure[4]. Les soixante-dix jeunes princes étaient chez les notables de la ville, qui les élevaient. Chacun de ces estimables bourgeois prit son pensionnaire royal et lui coupa la tête. Puis on mit les têtes dans des paniers, et on les envoya à Jezraël. Jéhu donna ordre de les ranger sur deux piles à l’entrée du palais. Le lendemain matin, il sortit, prit place à la porte et dit au peuple : Vous êtes justes. C’est vrai, j’ai conspiré contre mon maître, et je l’ai tué. Mais tous ceux-ci, qui les a tués ? Reconnaissez donc que pas une parole de Iahvé ne tombe à terre... Quand on est persuadé que le malheureux est nécessairement un disgracié de Dieu, le fait accompli est toujours facile à légitimer. De Jezraël, Jéhu se rendit à Samarie, qui, malgré l’importance acquise par Jezraël, restait la capitale du royaume. A l’endroit du chemin qui s’appelait Équed ha-roïm, il rencontra une troupe de frères d’Ochozias de Juda, qui venaient de Jérusalem à Jezraël voir les princes de leur famille. Ils ignoraient les sanglantes catastrophes qui s’étaient passées. Jéhu fit saisir la bande entière composée de quarante-deux personnes. Tous furent égorgés et jetés dans une citerne à Équed ha-roïm. Une rencontre plus singulière qu’il fit, dit-on, à ce moment, fut celle de Jonadab, fils de Rékab, qui venait au-devant de lui. Jéhu le salua et lui dit : Ton cœur est-il d’accord avec le mien, comme le mien l’est avec le tien ? — Oui, répondit Jonadab. — Eh bien, si cela est, donne-moi ta main. Et il la lui donna, et Jéhu le fit monter sur son char et lui dit : Viens avec moi, et tu verras mon zèle pour Iahvé. Et il l’emmena sur son char. Et, étant arrivé à Samarie, Jéhu fit mourir ce qui restait de la famille d’Achab, jusqu’à ce qu’il eût tout exterminé, selon la parole de Iahvé dite à Élie. Les Rékabites, en effet, paraissent avoir été en rapports directs avec l’école d’Élie. Ainsi, fort de l’appui de tous les piétistes, Jéhu, dont les sentiments personnels restent dans l’ombre, procéda à de terribles épurations. Le narrateur théocrate, selon lequel ces massacres sont hautement louables et valent à Jéhu la plus enviée des récompenses, celle de faire dynastie[5], les a sûrement exagérés, croyant par là relever son héros. Il paraît bien cependant que Jéhu porta en tout ceci la perfidie cruelle qui fait de lui, dans l’histoire, un des précurseurs de Philippe II. Selon le récit qui nous est parvenu, il convoqua une grande panégyre pour une fête à Baal, et, quand les adorateurs et prêtres de ce Dieu furent réunis dans les cours du temple à Samarie, il fit tout massacrer par les soldats de sa garde. Puis la troupe envahit le temple de Baal, en tira les cippes sacrés, les masséboth en bois, et les brûla. Le temple fut démoli et converti en latrines publiques[6]. Jonadab fils de Rékab assista, dit-on, à toutes ces violences, à côté de Jéhu[7]. Dans le vieux iahvéisme grossier, le vaincu a toujours tort, la défaite est toujours un châtiment de Iahvé. A partir de ces sanglantes catastrophes, on trouva que tout ce qui était arrivé à la maison d’Achab était juste et avait été prédit par les prophètes. C’était la punition des goûts profanes de ces princes, de leurs alliances étrangères, de leur peu d’égards et même, disait-on, de leurs violences envers les hommes de Dieu. On se rappela l’histoire de ce Naboth dont Achab avait exproprié la vigne, pour agrandir sa résidence de Jezraël, et que Jézabel avait, dit-on, fait périr par son astuce. On rapprocha les lieux, on crut que le corps de Joram avait été jeté sur le champ de ce Naboth. On cita des paroles des prophètes et en particulier d’Élie, annonçant que l’on verrait Achab, Jézabel et toute leur race périr misérablement, que les chiens lécheraient leur sang, se disputeraient les lambeaux de leur chair. Les prophètes étaient victorieux sur toute la ligne. Iahvé triomphait avec eux. Ces révolutions terribles de Jezraël et de Samarie purent se passer assez rapidement pour qu’on n’en ait été informé à Jérusalem qu’après leur accomplissement. A la nouvelle simultanée de la mort de son fils, de son neveu et de presque tous les princes des deux familles royales, Athalie fit comme Jézabel. Elle s’arma d’esprit royal, et fit face au danger avec une audace extraordinaire. Mais, en se parant de faux cheveux et se peignant les yeux avec le kohol, Jézabel savait qu’elle allait à la mort. La situation d’Athalie à Jérusalem était loin d’être aussi désespérée. En partant pour l’expédition de Ramoth-Galaad, Ochozias lui avait laissé la régence ; le pouvoir était entre ses mains quand les funestes nouvelles arrivèrent. Les princes frères d’Ochozias avaient été tués par Jéhu. Il restait néanmoins de la race de David (sans parler de collatéraux éloignés, rentrés dans la vie privée) quelques enfants d’Ochozias trop jeunes pour régner. L’idée d’une royauté féminine était tout à fait en dehors de l’esprit israélite. Le peuple de Juda avait, d’ailleurs, un tel attachement pour la famille de David, qu’il dut s’attacher avec obstination aux enfants en qui le droit légitime vivait encore. Athalie fut reconnue pour régente, pendant la minorité des princes ses petits-fils. C’était une femme d’une vraie capacité, qui avait exercé une grande partie du pouvoir sous Joram et sous Ochozias. Elle régna, pendant sept ans, à Jérusalem. Le pays lui fut évidemment favorable[8]. Loin de détester la famille d’Omri, les Hiérosolymites étaient habitués depuis longtemps à la considérer comme l’alliée fidèle de la maison de David. Les difficultés du gouvernement d’Athalie vinrent des femmes de la famille royale et surtout de Joséba, fille du roi Joram et sœur d’Ochozias. Athalie eût été un miracle en son temps si elle n’eût fait servir le crime à ses fins politiques. Les jeunes princes, grandissant, étaient une menace journalière pour ce pouvoir auquel elle ne pouvait plus renoncer. Elle l’exerçait en réalité depuis douze ans ; elle avait de quarante à quarante-deux ans. Une abdication à cet âge eût été pour elle un supplice, et, vu les haines qu’elle avait amassées contre elle, un trop certain arrêt de mort. On parla d’assassinat de quelques-uns des jeunes princes ; on prétendait qu’Athalie faisait successivement disparaître ceux qui approchaient de leur majorité. On se racontait avec horreur une grande scène de meurtre qui aurait eu lieu dans la chambre des lits, sorte de nursery du palais. On arrivait parfois à se demander s’il restait encore des fils d’Ochozias. Les massacres de Jéhu avaient habitué l’imagination populaire à rêver partout des scènes analogues. L’opinion était inquiète et prête à accueillir tous les bruits mystérieux. Or, un jour, Joséba, d’accord peut-être avec Joïada, le chef des prêtres qui demeuraient dans les appentis du temple, démasqua une intrigue savamment préparée. Elle annonça qu’elle avait sauvé de la mort un enfant nommé Joas, que sou frère Ochozias avait eu d’une Bersabéenne nommée Cibia, et qu’elle l’avait caché dans les logements qui entouraient le temple. Joïada, le commandant des gardes[9], assembla les capitaines des Carim et des racim dans le temple, et, après les avoir engagés par les serments les plus terribles, il leur montra l’enfant qui représentait la race de David. Les capitaines le reconnurent. Joïada le militaire convint alors avec eux d’une habile manœuvre, qui devait les faire trouver massés au temple, en sortant du palais, sans exciter les soupçons d’Athalie. La garde descendante n’avait pas coutume d’emporter ses armes ; on y suppléa au moyen des armes votives du temple. Au moment solennel, on dévoila la scène préparée. Le petit roi apparut au peuple entre l’autel des sacrifices et le temple, la couronne en tête. On le proclama, on l’oignit, on battit des mains ; on cria Vive le roi ! et les trompettes sonnèrent[10]. Athalie accourut au bruit en criant : Trahison ! trahison ! Tout le monde s’écarta d’elle. On la frappa de l’épée, sous la porte du passage couvert par lequel on introduisait les chevaux dans le palais. On mena ensuite le petit roi au palais et on l’intronisa. La populace, toujours favorable aux coups d’État où on la convie à prendre part, témoigna beaucoup de joie. Ainsi, à quelques années de distance, le iahvéisme remportait deux victoires décisives. A Jérusalem, la force du sentiment légitimiste rétablissait l’ancienne dynastie, devenue sainte. En Israël, le prophétisme renversait une dynastie qu’il jugeait lui être ennemie. Le sort en est jeté. Le parti profane de la civilisation et du progrès, déjà vaincu après la mort de Salomon, l’est de nouveau par l’anéantissement de la maison d’Achab. Un peuple ne joue jamais deux rôles à la fois. Dès 850 ou 860, il est écrit qu’Israël ne sera pas un peuple comme un autre. La royauté est vaincue. Ce peuple sera médiocre dans l’ordre temporel ; mais, dans l’ordre religieux, il sera sans pareil. L’avenir ici n’est pas aux rois sages, aux politiques sensés ; il est aux visionnaires, aux utopistes, aux démocrates inspirés, commandant les révolutions, faisant et défaisant les dynasties. La haine, la barbarie souillent trop profondément ce terrible prophétisme du temps des Omrides, pour qu’on ne répugne pas, au premier abord, à placer parmi les précurseurs de Jésus des espèces d’enragés, que l’agadiste a cru relever en leur prêtant des actes abominables de vengeance et de cruauté. Dans la lutte de ces énergumènes avec la royauté, c’est en général la royauté qui a raison. Leurs conseils sont toujours les plus implacables et les moins pratiques. Pas de quartier pour l’ennemi ; pas d’alliance avec les goïm[11] ; droit de la guerre poussé à ses conséquences les plus féroces. Tuer tout sans miséricorde, leur paraît l’idéal du guerrier de Iahvé[12]. Épargner le vaincu, obéir à un sentiment d’humanité est le dernier des crimes. En lisant ces hideuses histoires, on est souvent amené à se dire : Heureusement, ce n’est pas vrai ; ces récits ont été rédigés tardivement par des frénétiques qui ont cru faire honneur à leurs ancêtres en leur prêtant des atrocités. Un texte de législation idéale à peu près contemporain de l’école d’Élie, et peut-être provoqué par cette école, prononce le hérem, c’est-à-dire l’excommunication entraînant la peine de mort, contre l’Israélite qui sacrifie à un autre dieu que Iahvé[13]. Presque toutes les républiques antiques, fondées sur la famille et sur des sacra nationaux, curent de ces anathèmes. Celui qui n’admettait Pas le culte (le la cité dont il faisait partie s’excluait par là même de cette cité. Mais la crise qui s’accomplissait en Israël amenait des conséquences toutes nouvelles. Le culte de Iahvé en venait à impliquer une croyance et une morale, une foule de choses enfin qui n’étaient ni nationales ni municipales. Ainsi le hérem sémitique devint un principe de persécution, de fanatisme. Le dieu national d’Israël sera le Dieu absolu ; son culte ne se bornera pas à d’inoffensives panathénées ; l’imposer, ce sera imposer un dogme, c’est-à-dire la chose du monde la moins susceptible d’être commandée. Ce peuple est voué au fanatisme, cela est clair ; mais le fanatisme, entre ses mains, ne sera pas purement destructeur, à la façon de l’islam. Par un miracle dont il n’y a qu’un autre exemple, la Réforme du XVIe siècle, le fanatisme juif aboutira nu jour à la chose libérale par excellence, à la religion d’un Dieu commun à tout le genre humain. Le fanatisme, en effet, peut avoir des conséquences très diverses selon le motif qui l’inspire. Il y a une différence sensible entre le fanatisme sacerdotal et le fanatisme d’illuminés laïques. Le protestantisme, qui, à l’origine, impliqua des éléments assez analogues à ceux du prophétisme israélite, est devenu, avec le temps, quelque chose de libéral, tandis que le fanatisme catholique, tel qu’on le voit dans Philippe II et dans Pie V, n’a fait que du mal et ne s’est jamais transformé. L’inspiration individuelle ne crée rien d’aussi dangereux qu’une Église infaillible, une papauté. Les farouches voyants d’Israël furent des émancipateurs sans le vouloir ; car ils combattirent la pire des tyrannies, la connivence des foules ignorantes avec un sacerdoce avili. |
[1] II Rois, IX, 2 et suiv., source relativement historique.
[2] I Rois, XIX, 10, source agadique.
[3] Si ailleurs le fait est attribué à Élie, c’est que la biographie d’Élie n’est souvent qu’un décalque de celle d’Élisée. Il n’est même pas impossible que ces deux biographies légendaires n’en aient d’abord fait qu’une, dont le héros, dans certaines rédactions, s’appelait Éliah et dans d’autres Élisa. En tout cas, les deux récits, I Rois, XIX, 16 et II Rois, IX, 2, ne viennent pas de la même source.
[4] Ce récit n’a rien que de conforme aux mœurs du temps et de l’Orient. Ce qui peut faire douter de l’exactitude des détails, c’est que, plus bas, X, 17, les massacres de princes ont lieu après l’entrée de Jéhu à Samarie.
[5] II Rois, X, 30.
[6] Si cela est vrai, il faut supposer que les sanctuaires païens se rebâtirent. Amos, VIII, 11.
[7] II Rois, X, 23.
[8] Ce qui concerne Mathan et le temple de Baal à Jérusalem, parait une fable. II Rois, XI, 18.
[9] Au verset 4 du chapitre XI, Joïada n’est pas prêtre ; il agit en commandant des gardes. Un prêtre n’eût pas eu le droit de convoquer l’armée et de donner des ordres, comme si Athalie n’eût pas eu de sar-saba. A partir du verset 9, Joïada est prêtre. On sent ici la duplicité de source. Dans un premier récit, Joïada était le chef des Carim ; dans un autre récit, on trouva commode de le faire prêtre. Cette transformation était d’autant plus facile que, dans la suite de l’histoire de Joas, on trouvait un Joïada hac-cohen (XII, 8 et suiv., partie bien plus historique). La prétendue ingratitude de Joas envers son sauveur disparaît ainsi. Il est remarquable que le nom de Joïada ne figure pas dans la liste des grands prêtres du livre des Chroniques (I Chron., V, 30 et suiv.).
[10] Le récit de la conspiration qui renversa Athalie, tel qu’on le lit au chapitre XI du IIe livre des Rois, est plein d’anachronismes. Il a sûrement été écrit ou du moins amené à sa forme actuelle après la captivité. Ce qui est dit de la Thora et du pacte (versets 12, 17) est sûrement postérieur au Deutéronome (Deutéronome, XVII, 18 et suiv.). L’organisation du temple, avec un grand prêtre et un personnel nombreux, nous reporte aux temps du triomphe de Josué fils de Josadaq sur Zorobabel. Les réunions au temple et la cérémonie religieuse qui aurait eu lieu le jour du sabbat (v. 7) sont des prolepses évidentes. Les armes de David (v. 10) prêtent également à l’objection. Toute cette histoire, dans le livre des Rois, est combinée en vue de montrer la conservation miraculeuse de la maison de David par les prêtres et par le temple. — Le livre des Chroniques donna au récit une couleur encore plus cléricale. On maria Joïada et Joséha, devenue Josabeth. Tout le coup d’État fut l’œuvre des lévites ; le temple fut conçu sur le modèle de ce qu’il devint à l’époque de la plus pure théocratie.
[11] L’emploi de ce mot, qui veut dire les nations, avec la nuance de païens, remonte au prophétisme du IXe siècle.
[12] I Rois, XX, 35-43. Comparez, dans l’histoire de Saül, l’épisode d’Agag, tiré des mêmes sources.
[13] Exode, XXII, 19 (Livre de l’Alliance).