HISTOIRE DU PEUPLE D’ISRAËL

TOME DEUXIÈME

LIVRE III. — LE ROYAUME UNIQUE

CHAPITRE VII. — VIEILLESSE DE DAVID. AFFAIBLISSEMENT DE SON POUVOIR.

 

 

L’Orient sémitique n’a jamais su faire une dynastie durable[1], si l’on prend pour échelle de la durée nos uniques et merveilleuses maisons royales du moyen âge, et notamment la première de toutes, la maison capétienne, incarnant la France pendant huit ou neuf cent ans. En Orient, la décadence vient très vite. La floraison d’une dynastie ne compte guère que deux ou trois règnes. L’essai de Méhémet-Ali, que le me siècle a vu naître et mourir, nous donne à cet égard une mesure qui est rarement dépassée. Souvent même le fondateur aperçoit à l’horizon les nuages noirs qui menacent son œuvre. La fin des grands conquérants asiatiques est presque toujours attristée.

David fit à cette loi de l’instabilité orientale une exception apparente. Ses descendants occupèrent le trône quatre siècles, sans solution de continuité démontrable. Mais il faut remarquer que l’œuvre de David était la fusion de Juda et d’Israël, qui ne dura que deux règnes ; en outre, l’avènement de Salomon fut irrégulier, comme nous le verrons. David lui-même, dans sa vieillesse, eut à l’intérieur de singulières difficultés à vaincre. Ceci surprend au premier coup d’œil ; mais on n’en saurait douter. La fin du règne de David vit des défaillances que l’entrée en scène triomphante du jeune roi d’Hébron n’avait nullement fait présager.

La cause de cette faiblesse des dynasties orientales est toujours la même ; c’est la mauvaise constitution de la famille, la polygamie. La polygamie, affaiblissant beaucoup les liens du père au fils, et introduisant dans le palais des rivalités terribles, rend impossibles ces longues successions de mâle en mâle et d’aîné en aîné, qui ont fondé les nationalités européennes. A mesure que David vieillissait, son harem devenait un insupportable nid d’intrigues. Bethsabée, capable de toutes les ruses, était arrivée au rang d’épouse préférée. Dès lors, ce fut chez elle un plan arrêté que Salomon, son fils, serait, après la mort de David, l’unique héritier de la monarchie d’Israël.

Ce monde de jeunes et vigoureux adolescents, que ne retenait aucune loi morale, était comme une atmosphère orageuse où se nouaient et se dénouaient de sombres tragédies. Amnon, le fils aîné de David, semblait destiné au trône, et excitait par là de fortes jalousies. C’était une nature entièrement dominée par l’instinct sexuel. Il devint éperdument amoureux de Thamar, sa sœur, née d’une autre mère, feignit d’être malade pour être soigné de sa main, et, comme elle lui apportait dans l’alcôve le remède qu’elle lui avait préparé, il la saisit, la viola, puis la prit en horreur et la chassa odieusement. Thamar se réfugia chez son frère Absalom[2], et lui demanda vengeance.

David se montra faible et ne punit pas Amnon, parce qu’il l’aimait comme son aîné[3]. Absalom tua Amnon, puis se réfugia chez son grand-père maternel, Talmaï fils d’Ammihour, roi de Gessur[4]. Il V resta trois ans. Absalom était un des plus beaux jeunes hommes qu’on pût voir. De la plante des pieds à la tête, son corps n’avait pas un défaut. Sa chevelure surtout était un miracle. Tous les ans, il la coupait, car elle devenait trop pesante ; ainsi coupée, elle pesait deux cents sicles royaux. Au moral, c’était un tempérament colère, un homme absurde et violent. Dans son exil volontaire de Gessur, il conçut le projet de refaire pour son compte ce que son père avait fait : de prendre l’investiture royale à Hébron, comme David, de chasser ensuite ce dernier de Jérusalem, et de gouverner avec d’autres conseillers, dans le sens voulu par les mécontents du régime établi.

Une telle pensée, en effet, n’aurait pu être conçue même par une tête aussi légère que celle d’Absalom, si elle n’avait trouvé de l’appui dans les dispositions de certaines parties du peuple et surtout de quelques membres de la famille royale. David, en vieillissant, s’affaiblissait[5]. Comme Auguste, il devenait doux et humain, depuis que le crime ne lui était plus nécessaire. La longue royauté de David, d’ailleurs, provoquait de sourdes impatiences. La tribu de Juda, qui l’avait élevé au trône, était froissée des faveurs qu’il accordait aux Benjaminites, anciens partisans de Saül. Quelque étrange que cela paraisse, Juda, qui avait été la force du pouvoir naissant de David, fut l’âme de la révolte d’Absalom. La désaffection, à Hébron et dans la tribu, était générale. Les dépenses que l’on faisait pour Jérusalem rencontraient beaucoup d’opposition, et sans doute les satellites étrangers de David provoquaient l’antipathie qui s’attache, d’ordinaire, ô. ces sortes de milices.

Les restes de la famille de Saül étaient aussi une cause d’agitation. Un certain Sémeï fils de Géra, qui demeurait à Bahourim, près de Jérusalem, Meribaal lui-même, quoique comblé de bienfaits par David, n’attendaient qu’une occasion. Des parents ou des alliés de David, tels que Amasa, fils d’Abigaïl, sœur de Serouïa, qui était par conséquent cousin germain de Joab, des brouillons comme un certain Ahitofel, de Gilo, n’aspiraient qu’à des nouveautés. Absalom donnait à tous ces mécontentements disséminés un centre de ralliement. Amasa était au plus mal avec Joab. On disait que son père Jitra était un Ismaélite[6], qui n’avait pas été régulièrement marié avec Abigaïl. Ahitofel, grand donneur de conseils, mêlé à toutes les affaires, était particulièrement dangereux.

Joab vit le danger et essaya d’amener un rapprochement entre le père et le fils. La colère du vieux roi ne pouvait être abordée de front. Joab employa une voie détournée. Une femme de Thékoa, à laquelle il avait fait la leçon, prouva au roi qu’un père se punit en punissant son fils. Absalom fut rappelé à Jérusalem ; après de très longues hésitations, la réconciliation fut opérée, grâce aux instances réitérées de Joab.

Mais un esprit agité ne sait pas attendre la fatalité des choses. Absalom voulait être sûr de succéder au trône, et il aspirait à y monter le plus tôt possible. Il se procura un char, des chevaux et cinquante sais qui couraient devant lui. Il se plaçait le matin sur les routes qui conduisent à Jérusalem, s’adressait aux gens qui venaient trouver le roi pour une affaire, dépréciait la justice royale et faisait entendre que, s’il gouvernait, tout irait bien mieux. Beaucoup de gens lui rendaient hommage. L’opinion répandue qu’il serait roi après David lui faisait un parti de tous ceux qui voulaient se donner l’avantage d’avoir été les premiers à saluer le soleil levant.

Résolu à brusquer les événements, Absalom feignit un vœu qu’il avait fait à Iahvé, étant à Gessur, et qu’il ne pouvait accomplir qu’à Hébron ; David le laissa partir. Ces vœux de personnes royales, entraînant d’énormes tueries de bêtes, étaient de grandes Parties de plaisir, où l’on invitait ses amis. Deux cents Jérusalémites sortirent avec Absalom pour participer à ses sacrifices et à ses festins. Absalom se mit alors en révolte ouverte, se fit proclamer à Hébron, et annonça qu’au signal de la trompette, il Serait roi d’Israël. Ahitofel de Gilo (Gilo était un village voisin d’Hébron) se joignit à son parti. L’affaire grossit avec une rapidité inouïe. Entre un souverain près de mourir et un héritier présomptif dont l’avènement paraît certain, l’égoïsme humain n’a pas coutume d’hésiter. Jérusalem même ne fut bientôt plus sûre. David résolut d’en sortir et d’aller chercher un refuge au delà du Jourdain.

La sortie de la ville fut lugubre. Toute la maison du roi le suivit, excepté dix concubines, qui restèrent pour garder le palais. Les Kréti-Pléti et le corps de soldats de Gath qui s’était attaché à David lui demeurèrent fidèles. David fit remarquer à Ittaï le Gattite, leur chef, que des étrangers avaient moins de devoirs envers lui que ses propres sujets. Il l’engagea à rester avec le roi. Les mercenaires philistins voulurent suivre leur maître dans le malheur. Le défilé commença : on sortit par le nord de la ville ; toute la troupe passa le Cédron en versant des larmes, et commença la montée de la colline des Oliviers[7]. Là se plaça, selon des récits peut-être légendaires, une scène touchante. On vit arriver Sadok, Abiathar et la troupe des lévites portant l’arche d’alliance, ce semble, avec l’intention d’accompagner David. Les lévites déposèrent l’arche à terre, jusqu’à ce que tout le peuple fût passé. Mais David dit à Sadok : Fais rentrer l’arche de Dieu dans la ville. Si je trouve faveur aux yeux de Iahvé, il me ramènera et me la fera revoir, ainsi que la tente où elle demeure... Retourne donc en paix à la ville, toi et ton fils Ahimaas, et Jonathan, le fils d’Abiathar. Sadok et Abiathar obéirent et réinstallèrent l’arche dans sa tente, près du palais.

David monta, dit-on, la pente des Oliviers nu-pieds et la tête voilée. Tous ceux qui l’accompagnaient pleuraient en montant. A ce moment, David apprit la trahison d’Ahitofel. Ce fut pour lui le coup le plus grave. Ahitofel avait la réputation d’un sage, que l’on consultait comme Iahvé lui-même[8]. David arriva au sommet, à l’endroit où l’on adorait Dieu[9]. Là, il rencontra Housaï, homme prudent, qui se disposait à le suivre ; mais le vieux roi, fidèle à sa politique de renard, voulut qu’il rentrât dans la ville pour assister aux conseils d’Absalom et d’Ahitofel, et lui rapporter ce qui se dirait, par l’intermédiaire de Sadok et d’Abiathar.

David, alors, traversa toutes les épreuves de la mauvaise fortune, trompé par les uns, injurié par les autres. Les Saülides avaient leurs propriétés sur le versant du mont des Oliviers, près de la route que suivaient les fugitifs. Des rancunes qui se dissimulaient depuis trente ans se crurent libres d’éclater. A Bahourim, Sémeï se mit à accabler d’injures le roi détrôné et à lui jeter des pierres. Abisaï voulait tuer cet insolent ; David montra une patience admirable. La conduite de Meribaal fut équivoque. Lorsqu’on eut un peu dépassé le sommet du mont des Oliviers, l’intendant Siba, qui souffrait impatiemment la position subordonnée qui lui avait été faite, vint dénoncer son maître, faisant remarquer à David que Meribaal n’était pas sorti de Jérusalem avec les fidèles, sans doute parce qu’il espérait rentrer en possession de la royauté de son père. David crut, un peu précipitamment, à ces insinuations, et donna en toute propriété à Siba les biens de Meribaal.

Absalom entrait dans Jérusalem, comme David contournait les derniers sommets du mont des Oliviers. Ahitofel l’accompagnait, et était en quelque sorte son ministre dirigeant. Le premier conseil qu’il donna au pauvre égaré fut de violer les concubines que son père avait laissées pour garder le palais. La prise de possession du harem du souverain vaincu était la marque qu’on succédait à son pouvoir. On dressa donc une tente pour Absalom sur la plateforme[10], et le jeune fou coucha avec les concubines de son père, à la face de tout Israël. Ahitofel, en conseillant cet acte odieux, établissait une haine à mort entre le père et le fils, et fermait la porte à une réconciliation dont il eût payé les frais. Son second conseil — et celui-ci était assez politique, — fut de poursuivre David sans délai. Housaï était présent au conseil ; il avertit Sadok et Abiathar de l’avis qui venait de prévaloir[11]. Jonathan et Ahimaas étaient postés près de la fontaine dite En-Rogel[12]. Une servante alla les informer, et ils coururent apprendre l’état des choses à David. Celui-ci passa le Jourdain au plus vite avec toute sa troupe, et gagna Mahanaïm.

Absalom avait pris pour sar-saba son oncle, Amasa fils d’Abigaïl. Il passa le Jourdain, peu après David. Le théâtre de la guerre fut ainsi le pays de Galaad. David, à Mahanaïru, était entouré de marques d’attention et de respect. Des provisions et même des délicatesses lui venaient de Lodebar, de Roglim et de Rabbath-Ammon. Un certain Barzillaï le Galaadite surtout, homme très vieux et très sage, se fit remarquer par son empressement. Les petits jeunes prêtres, Ahimaas et Jonathan, allaient, et venaient, espionnant, portant les nouvelles[13]. Les prêtres s’abstenaient de verser le sang ; mais ils avaient d’autres moyens de se rendre utiles.

David retrouva, dans ces circonstances difficiles, toute son habileté stratégique. Il divisa sa troupe en corps de mille et en corps de cent hommes, donna le commandement d’un tiers à Joab, d’un autre tiers à Abisaï, d’un autre tiers à Ittaï le Gattite. Il voulut aller à la bataille ; on l’en empêcha. Il resta à la porte de la ville, avec des réserves qui devaient donner en cas de danger. Il recommanda, dit-on, de tout faire pour sauver la vie d’Absalom.

Le combat se livra dans ce qu’on appelait Iaar Ephraïm, la forêt d’Ephraïm, vaste espace boisé situé au nord-ouest de Mahanaïm. La victoire des généraux de David fut complète. La forêt fut fatale aux fuyards ; les rebelles s’embrouillèrent dans les massifs et furent massacrés. Absalom voulut s’engager avec sa mule dans un fourré de chênes ; il se prit dans les branches ; la mule s’échappa ; il fut tué.

On jeta son corps dans un trou, et on accumula dessus un grand tas de pierres. Un autre monument à la porte de Jérusalem, dans la vallée du Cédron, porta longtemps le nom d’Absalom. Plusieurs années avant sa révolte, comme il n’avait pas d’enfant, il voulut avoir un cippe pour perpétuer son nom, près de la ville où il avait vécu[14], et il se fit de son vivant un iad, qui exista longtemps après sa mort[15].

Pour la vingtième fois, David fut désolé d’une mort qui le tirait d’embarras, et les récits furent arrangés de façon qu’il n’en fût pas responsable. Toute l’armée défila devant le vieux roi, assis au milieu de la porte de Mahanaïm, et la royauté d’Israël fut sauvée ; ajoutons : la destinée d’Israël. En effet, si le règne du fondateur de Jérusalem eût fini d’une aussi triste manière, David n’eût pas été le personnage légendaire qu’il est devenu, et, d’un autre côté, Iahvé n’eût pas été le dieu fidèle envers ses fidèles, le dieu entre tous qu’il vaut le mieux servir ; car il est un dieu sûr.

Quand Ahitofel et les rebelles maîtres de Jérusalem apprirent la victoire de David, ils se débandèrent. Ahitofel revint à Gilo, mit ordre à ses affaires, s’étrangla et fut enterré dans le tombeau de ses pères. L’ensemble des tribus, ce qu’on appelait Israël, ne s’obstina pas dans la révolte. La tribu de Juda, qui était la plus coupable, fut plus difficile à ramener. Ce fut l’œuvre des prêtres Sadok et Abiathar. Amasa fut maintenu dans son commandement militaire. Le politique David sembla quelque temps réserver ses faveurs pour ceux qui l’avaient trahi ; il était sûr des autres. Cela causa plus d’un mécontentement. La masse de la tribu de Juda accourut au-devant de l’armée royale, quand elle repassa le Jourdain, à Galgal. Semeï de Babourim vint avec mille Benjaminites demander grâce ; tous furent pardonnés.

Le cas de Meribaal était embarrassant. Ce malheureux vint de Jérusalem trouver le vainqueur, affectant de n’avoir ni fait sa barbe, ni nettoyé ses habits depuis le départ du roi. Siba, cependant, continuait à le charger. David hésitait. Il partagea les biens de Saül entre Meribaal et Siba. Meribaal n’accepta pas cette solution injurieuse. On ne sait ce qu’il devint. Il ne paraît pas, en tout cas, avoir retrouvé les faveurs que David lui avait accordées.

Barzillaï le Galaadite était aussi descendu de Roglim et vint passer le Jourdain avec le roi, pour l’accompagner jusqu’à l’antre bord. C’était lui qui avait fourni des provisions au roi pendant son séjour à Mahanaïm. Et le roi dit à Barzillaï : Viens avec moi de l’autre côté du Jourdain : je pourvoirai à tes besoins chez moi, à Jérusalem. Mais Barzillaï répondit : Combien d’années ai-je donc encore à vivre, pour aller avec le roi à Jérusalem ? J’ai quatre-vingts ans, à l’heure qu’il est. Je ne discerne plus l’agréable du désagréable ; je ne sens plus ce que je mange ni ce que je bois ; je n’entendrais plus la voix des chanteurs et des chanteuses... Laisse-moi donc repartir, pour que je meure dans mon endroit, près du tombeau de mon père et de ma mère. Voici, par exemple, ton serviteur Kimeham[16], qui pourra passer le Jourdain avec le roi mon maître ; traite-le comme il te plaira. Alors le roi dit : Ce sera donc Kimeham qui viendra avec moi. Toute la troupe passa ensuite le Jourdain. Quand le roi eut passé aussi, il embrassa Barzillaï, et, lui fit ses adieux. Puis le roi marcha vers Gilgal, et Kimeham l’accompagna.

Éphraïm et les tribus voisines n’avaient pas pris part, comme nous l’avons vu, à la révolte d’Absalom. Ces tribus restaient indifférentes au conflit qui n’était, à leurs yeux, qu’une querelle domestique. Mais l’empressement des Judaïses à rétablir le roi qu’eux-mêmes avaient déposé les blessa profondément. Ce fut comme, si les Parisiens, après avoir chassé Charles X, en juillet 1830, se fussent avisés de le rétablir, sans consulter la province. On se plaignit vivement que Juda réglât tout par son caprice. Nous avons dix parts du roi, disaient les mécontents ; David nous appartient plus qu’à vous. La discussion fut très vive. Le feu allumé par Absalom était évidemment mal éteint.

Un Benjaminite nommé Séba fils de Bikri, sembla tout remettre en question. Il sonna de la trompette en criant :

Nous n’avons rien de commun avec David,

Rien à faire avec le fils d’Isaï.

Chacun à ses tentes, ô Israël !

C’était un appel à la dissolution du royaume fondé avec tant de peine. Les tribus se retirèrent en effet, et plusieurs suivirent Séba. Les Judaïtes seuls reconduisirent David à Jérusalem. Le harem souillé par son fils lui fit horreur. Il fit placer les dix concubines dans un lieu de détention, où on les nourrit jusqu’à la fin de leurs jours comme des veuves.

Il s’agissait de réduire Séba fils de Bikri. La principale difficulté de David était de faire marcher d’accord ses fidèles et ceux des rebelles à qui il avait accordé l’aman. Joab et Amasa, surtout, étaient à l’état de rivalité ouverte. Le vieux roi ne savait que devenir. Il chargea Amasa de lever en trois jours les hommes de Juda. L’essai de mobilisation fut mal exécuté ; David alors donna l’ordre à Joab de sortir de Jérusalem avec les Kréti-Pléti et les gibborim, pour combattre Séba. Joab et Amasa se rencontrèrent près de la grande pierre qui est à Gabaon. Ils affectèrent l’un pour l’autre la plus tendre amitié ; Joab s’avança pour baiser la barbe d’Amasa, et en même temps il lui perça le ventre de son épée. Les entrailles se répandirent à terre. Amasa se roulait dans son sang au milieu du chemin. Tout le monde s’arrêtait pour le regarder. On le tira dans un champ, on jeta un manteau sur lui, et, il expira. Sa troupe se joignit presque tout entière à celle de Joab, pour se mettre à la poursuite de Séba.

Séba recula jusqu’à l’extrémité du pays d’Israël, et se renferma dans Abel-Beth-Maaka, au nord du lac Houlé. Joab fit le siège de cette petite place. Les habitants, voyant les malheurs que les rebelles allaient attirer sur eux, coupèrent la tête de Séba et la jetèrent à Joab par-dessus le mur. Alors chacun des hommes qui composaient l’armée rentra chez lui, et Joab revint à Jérusalem.

Amasa, qui aurait pu être une si grande gêne pour David, avait encore disparu de ce monde sans que David y fût directement pour rien. C’était Joab seul qui était responsable de l’assassinat. Nous verrons bientôt comment David se fit sur Joab l’exécuteur de la justice divine, pour un crime dont il avait touché les fruits.

 

 

 



[1] La dynastie ottomane, qui tranche si fortement sur les dynasties musulmanes, doit sa solidité non à l’islamisme, mais à ce fond de fidélité tartare que rien n’a encore pu ébranler.

[2] Tout l’épisode de la révolte d’Absalom (II Samuel, XIII-XX) frappe par son unité et l’artifice savant de la narration, qui rappelle les historiens grecs. Il V a de l’arrangement dans les faits, mais sûrement un grand fond historique.

[3] II Samuel, XIII, 21, d’après le grec.

[4] II Samuel, XIII, 37. Les difficultés topographiques sur Gessur sont presque insolubles.

[5] Nul doute que l’épisode de la révolte d’Absalom ne doive être placé vers la fin de la vie de David.

[6] Ismaélite est la bonne leçon. Comparez le nom arabe Jétro. Si ce personnage eût été israélite, il se fit appelé Jitr, Jéter.

[7] A peu près la route actuelle, sortant de la ville par la porte Saint-Étienne et passant par Gethsémani.

[8] II Samuel, XVI, 23.

[9] II Samuel, XV, 32. Vers l’endroit prétendu de l’Ascension.

[10] Cf. II Samuel, XII, 8.

[11] II Samuel, XVII. Le récit est légèrement contradictoire.

[12] Aujourd’hui Bir Eyoub ou Puits de Néhémie.

[13] II Samuel, XVIII, 17.

[14] Comparez Isaïe, LVI, 5.

[15] Inutile de dire que ce iad n’avait rien de commun avec le tombeau asmonéen ou hérodien de la vallée du Cédron, qu’on appelle Tombeau d’Absalom.

[16] C’était le fils de Barzillaï.