SOUVENIRS ET ANECDOTES DE L'ÎLE D'ELBE

DEUXIÈME PARTIE. — ANECDOTES DE L'ÎLE D'ELBE

 

CHAPITRE III. — LES FÊTES ET LES DISTRACTIONS IMPÉRIALES. - LA PRINCESSE PAULINE.

 

 

I. — LES FÊTES.

 

La municipalité de Porto-Ferrajo avait bien l'intention de fêter publiquement l'arrivée de l'Empereur ; mais la caisse municipale n'était pas riche, et l'on touchait à la fête de saint Cristino, le patron titulaire du pays. Les Porto-Ferrajais n'auraient pas voulu pour rien au monde supprimer l'hommage annuel qu'ils rendent à leur protecteur céleste. Mais deux dépenses l'une sur l'autre, sans compter celle que l'arrivée de l'Empereur avait déjà occasionnée, c'était beaucoup : on se décida à fêter l'Empereur le jour qu'on fêterait saint Cristino. On fit deux parts pour cette double fête, la part de la religion et la part du plaisir. Le matin l'on chanta une messe solennelle, le soir l'on donna un bal splendide. L'invitation du matin ne faisait mention que de saint Cristino, l'invitation du soir portait la prière d'assister au bal pour solenniser l'arrivée de Sa Majesté l'Empereur, l'auguste souverain. Il n'y avait pas à se tromper.

L'Empereur alla, dans toute la splendeur de sa situation, assister à la messe solennelle : voitures, chambellans, officiers d'ordonnance, troupes sous les armes, rien ne manqua à son cortège du matin et le soir. Pour aller au bal, il y eut de plus les flambeaux. Quelques personnes trouvèrent que, dans ce faste presque prétentieux, il y avait quelque chose de colifichet, et j'avoue que j'étais un peu de cette opinion. Quelques jours après, je reçus une leçon dans une conversation fortuite et je tâchai d'en profiter : l'Empereur, parlant au général Bertrand des nécessités de circonstance qui soumettaient les hommes comme les choses, lui disait : Par exemple, croyez-vous que, l'autre jour, je n'aurais pas payé pour pouvoir aller à pied à l'église, seulement avec vous ou avec le général Drouot ? Et cependant, je me suis fait suivre par une sorte de fracas ridicule : c'est que, dans un pays où le peuple n'a pas le sentiment de la puissance suprême, si, au jour de ses prédilections séculaires, je n'étais pas apparu à ses yeux dans l'éclat qu'il suppose aux souverains, il n'aurait peut-être plus cru à ma souveraineté, et, dans mon intérêt bien entendu, il fallait éviter cela, comme il faudra que je l'évite encore chaque fois que l'occasion s'en présentera.

L'Empereur fut très dévot à la messe ; il fut très gai au bal.

La garde nationale ajouta sa fête à la double fête ; la garde nationale qui avait accueilli la garde impériale avec une fraternité de l'âge d'or, saisit cette circonstance pour lui offrir un banquet, et ce banquet fut la consécration de tous les sentiments nobles et généreux. Citoyens et soldats, soldats et citoyens s'identifièrent d'affection, et jamais réunion d'amitié n'eut un caractère plus virginal. Tout le pays y prit part ; l'Empereur en éprouva une joie extrême. On porta sa santé avec délire. On porta aussi la santé des braves morts au champ d'honneur, ce qui amena une illarité (sic) telle qu'on resta plus d'un quart d'heure sans pouvoir continuer à porter les santés convenues. Mais, en reprenant le cours des santés à porter, le convive qui s'était trompé reprit ; gravement : À la mémoire des braves morts au champ d'honneur ! et l'assemblée, debout, lui répondit par des acclamations brûlantes de patriotisme.

La garde impériale riposta banquet pour banquet : ce n'était pas une nouvelle fête, c'était la suite de la première fête. Toutes les âmes continuèrent à s'entendre, à s'aimer, à se le dire, et les épanchements furent sans réserve. L'Empereur y reçut de nouveaux témoignages d'amour.

On chanta des couplets de circonstance qui finissaient par ce refrain :

Jurons, jurons ensemble

Honneur, fidélité !

et, d'enthousiasme, tout le monde jura honneur, fidélité. Les tables du banquet étaient dressées sur la terrasse de la Porte de mer ; des croisées de ma maison dominaient cette terrasse. J'avais chez moi six canons de bronze du calibre d'une grosse carabine, et qui jusque-là n'avaient servi que d'ornement militaire. Ils n'équivalaient pas même à de petits mortiers. Ma femme, associée de cœur et d'âme à tous les témoignages de nationalité, eut l'heureuse idée de faire à mon insu dresser ces canons en batterie à l'une des croisées, et lorsque le général Cambronne porta la santé de l'Empereur, l'artillerie en miniature mêla son bruit aux cris de joie. Cette surprise, bien appropriée à la fête des preux, la couronna joyeusement, et un vivat général de gratitude salua Mme Pons. Tous les officiers de la garde me témoignaient beaucoup d'affection : il était donc naturel que je portasse un toast ; je le portai ainsi : À la liberté ! Puisse-t-elle devenir au monde moral ce que le soleil est à l'univers physique ! Ce n'étaient pas les habitudes impériales. L'Empire comprenait mieux l'égalité que la liberté : on pourrait même dire que l'Empire ne comprenait que l'égalité. Toutefois, mon toast fut accueilli avec un sentiment d'approbation extrême. La plupart des braves vinrent me presser la main. C'est que le mot de liberté fait vibrer tous les cœurs nobles et généreux.

L'Empereur s'était affligé de ce que la princesse Pauline n'avait pas pu assister à la fête de saint Cristino ; il s'affligeait encore de ce qu'elle n'assisterait pas à la fête de saint Napoléon, il le disait souvent. Il eut même un moment la pensée de faire retarder cette nouvelle manifestation. Mais il comprit la difficulté d'arrêter le mouvement populaire, il laissa faire.

Porto-Ferrajo se lançait dans une voie immense d'affection. Mais c'était pourtant une voie de perdition pour les finances générales de la commune et pour les finances particulières de ses notabilités. Les rentrées de la commune ne couvraient pas, à beaucoup près, les dépenses qu'elle s'imposait. Il fallait donc indubitablement qu'elle recourût aux emprunts publics, onéreux dans tous les pays du monde, plus particulièrement dans les pays pauvres. Il n'y avait pas six familles à Porto-Ferrajo dont la fortune fût au niveau des sommes que coûtait le luxe inusité de leurs femmes. Sans doute, l'Empereur, en occupant des milliers de bras, faisait couler l'or à grands flots, mais il le faisait couler par le travail, et la généralité des personnes de faste ne travaillait pas. Les marchands gagnaient parce qu'ils vendaient haut la main toutes leurs marchandises, bonnes et mauvaises. Les rentiers perdaient parce que le renchérissement de toutes les choses nécessaires à la vie matérielle devenait chaque jour moins en rapport avec l'immobilité de leurs revenus : ils ne pouvaient pas faire faire pour cent francs ce que, avant l'arrivée de l'Empereur, ils faisaient faire pour cinquante francs, tandis que la valeur de leurs rentrées n'avait pas augmenté d'un centime. N'importe, l'on était notabilité ; et pour ne pas déchoir par la mise, on s'exposait à déchoir par la bourse. On avait une belle robe pour la fête du pays ; on n'aurait pas osé la porter une seconde fois au bal de la fête impériale, et l'on cherchait à s'en procurer une plus belle ; ajoutez quelques apparitions aux cercles de la Cour : tout cela conduisait à une catastrophe. L'usure de Porto-Ferrajo aurait fini par dévorer le patrimoine de la bourgeoisie rentière, comme l'usure de Florence dévore les domaines de la vieille noblesse.

Quoi qu'il en soit, l'on se prépara à célébrer dignement la fête de l'Empereur, et la municipalité n'épargna aucune des somptuosités qui pouvaient être à sa portée. On construisit une grande salle en bois sur la place d'Armes, on éleva un arc de triomphe pour un beau feu d'artifice, et l'on organisa une course de chevaux : c'était immense pour la localité.

Enfin le 15 août arriva. Les salves d'artillerie commencèrent les joies de la journée. Le lever de l'Empereur eut vraiment quelque chose d'extraordinaire ; toutes les magistratures populaires de l'île s'y trouvaient, et jamais aux Tuileries l'Empereur ne fut si bien entouré : il semblait le comprendre, ses paroles d'émotion se succédaient, on voyait que sa manière était supérieure à celle du souverain agréant des hommages : c'est que c'était celle de l'homme recevant des sentiments. Tout le monde emporta de nobles souvenirs de ce lever. On alla aussi complimenter Madame Mère : Madame Mère joignit ses vœux aux vœux universels.

Les cérémonies religieuses eurent cet éclat presque mondain qui sert plus à éblouir les yeux qu'à satisfaire le cœur, et dont l'Italie fait un si grand abus que son culte du catholicisme romain ne semble pas le même que celui que l'on exerce en France. L'Empereur se rendit en grand apparat à la messe. La garde nationale et la garde impériale étaient sous les armes formant la haie, et je ne crois pas que la fête eut rien de plus magnifique. La sortie de la messe offrit un spectacle curieux : toutes les toilettes du jour, se disputant un regard de l'Empereur, forcèrent les rangs militaires, prirent leur place, et la perturbation de joyeuseté fut telle qu'on ne songea pas même à battre aux champs.

Il en fut à peu près de même à la course des chevaux : les dames prirent d'assaut toutes les places sur lesquelles l'œil de l'Empereur pouvait planer. Ce divertissement n'était pas ordinaire à Porto-Ferrajo, parce qu'il fallait y faire venir les chevaux du continent. Aussi il fit un grand plaisir, même à l'Empereur.

Un vent impétueux dérangea le feu d'artifice. J'ai dit que le feu d'artifice représentait un arc de triomphe ; sur le fronton de cet arc de triomphe on lisait : À l'Empereur. Le vent éteignit tous les lampions de la première lettre, de la quatrième, de la neuvième et enfin de la dixième, de telle sorte que les lettres restantes formaient ce mot, le père ; et ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que le père fut la dernière clarté qui cessa de briller. Le peuple fit attention à cela ; l'Empereur fut peuple à cet égard.

L'illumination fut générale dans toute l'étendue du mot ; chacun disputa de goût et d'éclat, il y avait de fort belles illuminations. La mienne remporta le prix : je le dis avec plaisir. J'avais huit croisées de façade. Je fis faire des lettres en bois aussi grandes que les croisées : une ancre d'espérance, aussi en bois, qui avait vingt pieds de long, rompait à angle droit le centre de la ligne horizontale des lettres, et chaque lettre avait au-dessous d'elle une étoile qui l'égalait en largeur ; les huit lettres étaient dominées par une seule lettre, un A ; ces huit lettres formaient le nom de Napoléon. J'avais fait garnir cette charpente de lampions tricolores aussi resserrés que possible. Dès qu'on l'eut éclairée, le public accourut devant ma maison, et il m'honora de ses applaudissements répétés. On prévint l'Empereur : l'Empereur se rendit chez le capitaine du port qui restait en face de chez moi, et il regarda longuement. Le colonel Campbell prétendait que mon allégorie était trop explicite. Je ne savais pourtant rien des projets de l'Empereur ; je ne crois pas même qu'à cette époque l'Empereur eût des projets. Le peuple veilla toute la nuit.

Tandis que le peuple veillait dans les rues, la haute société veillait au bal, et le soleil dispensait sa lumière lorsque les danseurs se séparèrent. L'Empereur alla voir danser, Madame Mère aussi ; tous deux partagèrent la joie commune. La comtesse Bertrand ne parut pas : un malheur de famille la retenait chez elle. Il y eut un acte de juste sévérité exercé contre une femme française ; cette femme avait une mauvaise conduite ; un de ses adorateurs lui avait procuré un billet ; elle s'était rendue au bal la première. On la pria de se retirer ; appuyée qu'elle se croyait par des protecteurs, elle refusa, et alors, usant d'autorité, on la fit sortir ; les protecteurs ne la protégèrent pas.

Entre la fête de saint Cristino et celle de saint Napoléon, il y avait eu, en rade, une fête anglaise qui surprit les Elbois. Le 4 juin, vers midi, je reçus l'invitation suivante : Le capitaine Towers, de la frégate de Sa Majesté Britannique, prie Monsieur et Madame Pons de lui faire l'honneur d'assister à une fête impromptue donnée à l'occasion de la naissance de S. M. le roi Georges, ce jour à cinq heures et demie. Cette invitation me fut apportée par un officier anglais, qui, de la part de son commandant, me pria de vouloir bien lui dire s'il n'y avait personne d'oublié sur une longue liste qu'il me présenta, et que la municipalité lui avait donnée. Il ne pouvait guère y avoir des oublis, car c'était vraiment la levée en masse des personnes présentables. J'y ajoutai pourtant un nom. Cet officier, sa liste à la main, guidé par un valet de ville, alla de porte en porte, et, verbalement, pria tout le monde d'assister à la fête impromptue. Cet officier parlait bien le français, moins bien l'italien ; il avait d'ailleurs des manières distinguées.

J'avoue que ma première impression fut de trouver cette fête blessante. Il me semblait que c'était de mauvais goût que de fêter le souverain vainqueur en présence du souverain vaincu. Je croyais que la rade de Livourne aurait mieux convenu à cette ovation. Je fus consulter le général Drouot. L'Empereur ne lui avait rien fait dire, et il était aussi embarrassé que moi ; il courut chez l'Empereur. L'Empereur regardait la fête anglaise comme une fête de famille, il désirait que j'acceptasse l'invitation, même que j'allasse à bord de la frégate avec ma femme et mes enfants qu'il aurait du plaisir à voir.

Je fus donc avec ma femme et mes enfants à bord de la frégate anglaise. Les Anglais nous accueillirent avec une politesse extrême.

Tous les canons avaient été mis dans la cale. L'entrepont formait une vaste salle à manger. La table tenait toute la longueur que la frégate avait pu permettre de lui donner. Sur le pont, avec des voiles et des drapeaux, l'on était parvenu à constituer un beau salon dansant, dans lequel le capitaine Towers avait fait élever un trône pour l'Empereur. La frégate était complètement pavoisée : le pavillon elbois tenait la première place.

L'Empereur arriva : tout l'état-major alla le recevoir à l'échelle. On ne pouvait pas le saluer avec l'artillerie, parce qu'il n'y avait plus de canons montés, mais l'équipage, rangé sur les vergues, lui adressa trois hourras bien nourris, et l'Empereur, le regardant, ôta son chapeau. Il passa ensuite sur le gaillard d'arrière : là, tout le monde se rangea en cercle, et l'Empereur, comme s'il était chez lui, la main gauche dans son gousset, selon son usage, répéta à l'avenant les questions insignifiantes qu'il faisait presque toujours en pareille circonstance. Il ne cherchait pas à fatiguer son esprit par des à-propos particulièrement applicables à chacune des personnes qu'il interrogeait : ce n'était pas son moment d'éclat. Lorsque le cercle fut rompu, l'Empereur demanda un interprète, et il alla parler à des matelots, surtout à un contremaître qu'il avait entretenu plusieurs fois pendant sa traversée de Fréjus à l'île d'Elbe. Il semblait que tout l'équipage était avide de le revoir : la figure de ces braves gens exprimait le contraire de la perversité de leur gouvernement. Le capitaine Towers était dans une admiration sincère pour l'Empereur : il le suivait sans cesse d'un regard plein de respect et d'intérêt, il avait une de ces figures ouvertes qui inspirent de la confiance.

J'en étais encore à ma grande brouillerie avec l'Empereur. Je ne l'approchai pas. Il vint à moi, il me demanda ma femme et mes enfants, je me hâtai de les lui présenter. Il loua beaucoup ma femme de la manière remarquable dont elle remplissait ses devoirs maternels, qu'il appela de saints devoirs. Il avait déjà dit au général Drouot que ma femme était un noble modèle des bonnes mères. Il s'amusa beaucoup à faire jaser ma fille aînée, qui, toute petitote (sic), ne pouvant en aucune manière comprendre la grandeur du personnage qui s'occupait d'elle, lui disait des choses enfantines que l'Empereur trouvait aimables, parce qu'elles étaient ingénues et qu'elles lui prêtaient à rire : cet amusement dura assez pour que tout le monde en fît la remarque. Ma fille cadette n'était pas encore en état de bien répondre. J'étais fort aise de la distinction impériale dont ma fille aînée jouissait, parce qu'elle me prouvait que l'Empereur, qui semblait m'en vouloir, n'en voulait pas du moins aux êtres que je rapprochais le plus de mon cœur. J'eus aussi mon moment de faveur, suite naturelle de celle dont ma famille venait d'être honorée. L'Empereur me fit signe d'aller à lui : Vous ne vouliez pas venir ici ? — Je ne croyais pas devoir y venir. — Pourquoi ? — Parce qu'il ne me semblait pas séant que l'on affectât de fêter sous vos yeux le prince qui a le plus contribué à vos malheurs. — C'est un devoir pour les Anglais de célébrer cette fête partout où leur service les appelle. — Le service de ceux-ci les appelle au moins autant à Livourne qu'à Porto-Ferrajo, puisqu'ils sont les trois quarts du temps à Livourne, où ils étaient hier encore. — C'est vrai. — Ensuite ils viennent nous dire que c'est un impromptu ; oui, un impromptu prémédité ! du drap noir cousu avec du fil blanc ! — Comme tout ce que font les Anglais. Le capitaine Towers n'est pour rien dans cette combinaison, c'est une idée du colonel Campbell. Le colonel Campbell est l'âme damnée de son gouvernement, son mandat est de me nuire. Il cherche à me nuire, il m'a plusieurs fois ennuyé. Ne vous engage-t-il plus à rentrer en France ? — Non, Sire, et bien lui en vaut, car la patience a un terme. — Gardez-vous bien de la perdre ! C'est dans mon intérêt que vous devez la garder. On ne manquerait pas de me susciter une affaire générale en vengeance d'une affaire particulière. Le gouvernement anglais ne cherche qu'à me perdre : il ne me pardonnera jamais d'avoir été le Français le plus acharné à briser sa suprématie. Ce n'était pas la haine qui me faisait agir, c'était le devoir, c'était l'amour de la patrie. Aussi tous les Anglais de bonne foi m'honorent. Si j'allais en Angleterre, le gouvernement anglais aurait peur de mon influence, et il me ferait partir.

J'aurais payé beaucoup pour pouvoir prolonger cet entretien, mais l'Empereur s'aperçut qu'il retardait le repas. Il me dit : Je commence à être un embarras, et il est temps que je m'en aille. Dès qu'il fut levé pour partir, le capitaine Towers vint lui faire une demande à voix basse, et l'Empereur lui répondit hautement : Madame Pons !

Les mêmes hourras accompagnèrent l'Empereur à son départ : il répondit par le même salut.

Lorsqu'on dut se mettre à table, le capitaine Towers, chef visible de cette fête, alla prendre Mme Pons, lui donna le bras et la fit placer à sa droite ; il lui fit aussi les honneurs du bal. Cette préférence était certainement due à l'indication de l'Empereur. Le repas fut somptueux ; il y avait une immensité de plats ; toutefois, il y avait peu dans chaque plat. Ainsi, un poulet rôti faisait deux plats.

Le bal suivit le repas, il couronna la fête.

Ma fille aînée en était encore aux jours de la première enfance, mais les leçons de père et mère étaient incessantes, et ce tout petit enfant en profitait. De retour à la maison, sa mère lui demanda si elle était contente d'avoir vu l'Empereur : Oui, répondit-elle, mais je crois, que je l'ai trop salué, et j'en suis fâchée ! Cette réponse était de quelques années plus vieille que ma fille. Lorsque je fus dans les bonnes grâces de l'Empereur, je lui racontai cette petite anecdote, et il me dit gaiement : Ah ! monsieur le républicain, il y a votre couleur dans ces paroles naissantes ! Je ne m'en défendis point.

Cette fête eut cependant un revers de médaille, fort indifférent sans doute pour la société britannique : deux officiers anglais, entrés dans la vigne du Seigneur, voulurent cependant danser quand même, et, par leurs inconvenances de déraison, sans pourtant avoir l'intention d'offenser, ils contraignirent plusieurs dames à se retirer, particulièrement la femme de l'intendant, quoiqu'elle aimât beaucoup la danse. Il est incompréhensible qu'un peuple qui a presque atteint au plus haut degré de la civilisation ne puisse pas se guérir à tout jamais de cette maladie dégradante. Un officier supérieur a, dans une grande réunion à la cour de Florence, pour ainsi dire en présence du souverain, de la souveraine, fait ce qu'un soldat abruti n'oserait pas à la caserne faire en présence de ses camarades, et les compatriotes de cet officier supérieur ne l'ont puni qu'en riant de son oubli ! La philosophie philanthropique qui, en Angleterre, est si riche de bonnes institutions, ne pourrait-elle pas ajouter à sa gloire en inventant un moyen assuré d'éteindre cette odiosité (sic), ou au moins de l'empêcher de se montrer en spectacle dans tous les pays du monde ?

 

II. — PAULINE BORGHÈSE. — LE CARNAVAL.

 

La princesse Pauline était un complément d'intimité indispensable pour l'Empereur : elle avait toutes les qualités d'un ange consolateur. La présence du Roi de Rome était la seule qui aurait été plus précieuse que celle de la princesse Pauline. Sans doute Madame Mère, que l'Empereur aimait si tendrement, lui procurait de douces jouissances, mais Madame Mère n'était pas toujours là, et d'ailleurs ses habitudes de vieillesse ne pouvaient pas marcher ensemble avec les habitudes viriles de l'Empereur. C'était même à cause de cela que Madame Mère avait voulu avoir sa maison à part. La princesse Pauline, au contraire, ne considérait en rien pour rien les habitudes de l'Empereur ; et si l'Empereur avait eu l'habitude de la battre, résignée à supporter les coups, elle aurait dit : Il me fait mal, mais laissons-le faire, puisque cela lui est agréable ! Je répète ses propres expressions dans un moment où elle expliquait son dévouement fraternel. Elle était douce, affectueuse, bienveillante, et sa gaieté donnait de l'animation à tout ce qui l'entourait. On pouvait la considérer comme le trésor le plus précieux du palais impérial, l'Empereur à part, cela s'entend.

L'Empereur alla au-devant de la princesse Pauline : tout Porto-Ferrajo était sur les pas de l'Empereur. La première fois la princesse Pauline n'avait fait que paraître et disparaître ; maintenant elle venait pour ne plus s'en aller. C'était l'Empereur qui l'avait dit : chacun le répétait, et cela doublait le plaisir de cette heureuse arrivée.

Tous les soins de tendresse que l'Empereur avait eus pour sa mère, il les eut pour sa sœur, et le peuple, dans sa justice distributive, disait que l'on ne pouvait pas être ni meilleur fils ni meilleur frère. Un vivat universel accueillit la princesse Pauline ; ce vivat la suivit au palais impérial, où Madame Mère l'attendait. Rien n'est comparable au bonheur de semblables réceptions ; aucune manifestation officielle ne peut avoir une telle puissance. Les cœurs ne vibrent pas par ordre.

Porto-Ferrajo illumina. Personne ne le lui avait dit. Cette spontanéité fit plaisir à l'Empereur : elle toucha la princesse.

L'Empereur mit la princesse Pauline en possession de l'appartement qu'il avait lui-même fait préparer pour l'impératrice.

L'intérieur du palais impérial se ressentit de la présence de la princesse Pauline. Il y avait quelques soirées dansantes : elles étaient agréables, parce que l'étiquette n'y mettait pas le veto glacial des grandes soirées. On avait organisé deux ou trois comédies pour les jouer dans une pièce qu'on avait transformée en théâtre du palais. La jeunesse la plus gaie fournissait de droit les acteurs les plus facétieux. Ces messieurs n'étaient pas parfaits, mais ils étaient agréables, ils faisaient rire, et il n'en fallait pas davantage. L'Empereur ne se préoccupait pas trop de ces amusements ; il en laissait la direction suprême à sa sœur, pour laquelle c'était une grande affaire.

Toutefois, avant de se démettre de la surintendance des plaisirs, l'Empereur avait voulu diriger lui-même la célébration d'une fête qu'il donnait à l'occasion du retour de cette sœur chérie. L'Empereur présidait à tout ; rien n'échappait à son regard ; il avait à la fois la galanterie d'un chevalier et la noblesse d'un souverain. Je me trompe : il avait toute la tendresse d'un père au milieu de ses enfants, toute l'affection d'un ami entouré de ses amis. Lorsqu'il entra dans la salle de danse, il s'attendait peut-être que l'orchestre jouerait : Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille ? et au lieu de cet air d'amour, on joua : Allons, enfants de la patrie... L'Empereur s'arrêta, il écouta ; il se tourna vers moi et il me dit : On croirait que c'est vous qui dirigez la musique. L'Empereur riait, mais en riant il disait à peu près la vérité, car c'était moi qui avais fait jouer la Marseillaise. Le chef d'orchestre, Gaudiano, qui me connaissait plus que les alentours de l'Empereur, était venu me consulter pour savoir par où il devait commencer, et je lui avais répondu : Par le commencement : Amour sacré de la patrie... ! Gaudiano était un patriote, il m'avait cru sur parole. L'Empereur dit deux fois que la Marseillaise avait été le plus grand général de la République. Il dit une fois que les miracles de la Marseillaise étaient une chose inouïe. L'Empereur prit place sur un fauteuil auquel on avait voulu, je crois, donner la forme d'un trône. L'étiquette voulait qu'on ne passât pas devant l'Empereur sans le saluer : la princesse Pauline suivait ponctuellement cette étiquette. La femme de l'intendant voulut être encore plus ponctuelle : elle passa et repassa tant de fois devant l'Empereur, toujours en le saluant profondément, que l'Empereur finit par faire des signes d'impatience. La société s'autorisa de ces signes d'impatience pour rire tout à son aise. L'Empereur s'en aperçut ; il se leva, fit le tour de la salle, et lorsqu'il fut à la femme de l'intendant, il l'entretint avec beaucoup de bienveillance ; les rires cessèrent. Le bal se prolongea avant dans la nuit ; il était tard lorsque l'Empereur se retira.

L'Empereur reprit les habitudes de son cercle quotidien, qu'il laissait cependant embellir, chaque fois que cela lui plaisait, à sa sœur, et il n'était pas rare que sa sœur se plût à cet embellissement.

À côté du cercle de l'Empereur, il y avait quelquefois le cercle de la princesse Pauline, et ce n'était pas le moins agréable. Chez elle, la princesse Pauline avait ses franches coudées, et elle en profitait pour multiplier les plaisirs. C'était son empire, et l'Empereur trouvait toujours quelque prétexte pour aller la visiter. Ces visites faisaient le bonheur de la princesse Pauline : elle le disait avec une naïveté charmante.

La princesse Pauline était celle des sœurs de l'Empereur qui avait le moins de talents, mais ses sœurs étaient bien moins remarquables pour le cœur. Les deux sœurs aînées de la princesse Pauline n'auraient pas donné un centime pour servir l'Empereur, et la princesse Pauline aurait sacrifié sa vie seulement pour lui éviter des chagrins. L'Empereur ne fut pas heureux dans ces (sic) deux sœurs, mais il le fut dans ses trois belles-sœurs, la femme du roi Joseph, la femme du roi Louis, la femme du roi Jérôme, et dans la femme de son fils adoptif, le prince Eugène. La reine d'Espagne, Marie-Julie, fut digne dans la prospérité comme dans l'adversité, et, sur le trône ou dans l'exil, sa vie fut un enchaînement honorable de bonté et de bienfaisance ; la reine de Hollande, Hortense, qui se montra supérieure à toutes les vicissitudes humaines et dont le nom dans l'infortune est devenu un nom national, Hortense, qui fit de ses enfants des princes citoyens, et qui sur la terre d'exil passa à l'éternité en faisant des vœux pour la France ; la reine de Westphalie, Frédérique-Catherine, dont l'autorité paternelle força la main, et dont ensuite on voulut forcer les sentiments d'honneur : née sur les marches du trône, alors qu'elle fut descendue du trône elle refusa de reconnaître à la puissance souveraine le droit de briser le lien conjugal, et, libre alors de sa volonté, elle resta fidèle au serment qu'elle n'aurait pas fait, si, à l'époque où elle le fit, elle avait été maîtresse de ne pas le faire ; la princesse Auguste-Amélie de Bavière, femme du prince Eugène, belle d'âme, parfaite de cœur, et qu'une couronne n'aurait pas grandie, car elle était au moins au niveau de toutes les couronnes.

Une espèce de monomanie dominait l'excellent naturel de la princesse Pauline : elle voulait toujours être ou paraître malade. Le seul défaut qu'elle trouvât à son frère était celui de la contrarier à cet égard, et, en effet, l'Empereur se plaisait souvent à lui dire que ses maladies étaient des rêves. La princesse Pauline avait une mauvaise santé, mais elle s'était habituée à exagérer ses incommodités passagères. Le 1er janvier, j'allai lui souhaiter la bonne année, que je lui souhaitai de bon cœur, car je l'aimais sincèrement. Après le compliment, elle me demanda comment je trouvais son teint. Je répondis : Comme le matin je trouvais celui des roses. Cela lui donna un peu de bouderie, elle imaginait que c'était mal à moi de la contrarier ce jour-là, puis elle se mit à rire de sa susceptibilité. Une autre fois, je la trouvai allant à la promenade en chaise à porteurs ; je m'approchai pour lui présenter mon hommage. Elle me dit : Vous voyez bien que je suis souffrante, puisque l'Empereur m'a engagée à prendre le grand air. Pour prendre le grand air, la bonne princesse n'avait qu'à se mettre à l'une de ses croisées, car son appartement était exposé à tous les airs, et c'est peut-être ce que l'Empereur avait voulu lui faire entendre. Mais le désir de se rendre intéressante n'allait pas jusqu'à la faire renoncer à la danse qui lui nuisait ou qui pouvait lui nuire, et, eût-elle été plus malade encore, elle aurait dansé sans cesse si l'Empereur n'y avait mis bon ordre. Le capitaine Loubers était son danseur officiel. La princesse Pauline n'aurait pas joui de son plaisir particulier si elle n'avait été assurée qu'il était entouré d'un plaisir général : c'était une pâte humaine de perfection. Je cite un seul trait de son caractère : elle s'habillait pour paraître au cercle dansant de l'Empereur ; sa femme de chambre, jeune demoiselle corse, la mécontenta dans son service, et, impatientée, elle lui donna un soufflet. Arrivée au bal, elle était inquiète ; ses yeux se portaient avec anxiété vers une porte où les premiers serviteurs de l'Empereur avaient la permission de se placer pour voir les divertissements. La princesse faisait partie d'une contredanse, mais son regard était toujours fixé sur la porte. Tout à coup, quittant la contredanse, elle courut à la porte et elle y embrassa vivement une jeune personne à laquelle elle dit hautement avec émotion : Pardonne-moi, cela ne m'arrivera plus. C'était la femme de chambre.

Aucune famille porto-ferrajaise ne donnait des soirées : c'était presque impossible en présence des soirées de l'Empereur. La princesse Pauline me pressait de recevoir ; mais j'étais trop petitement logé à Porto-Ferrajo, et je recevais à Rio-Marine : l'élite des braves y venait, je tâchais de lui rendre mon hospitalité agréable. La vérité est qu'elle s'en contentait ; car c'était toujours à qui rirait le plus. La princesse Pauline voulait s'associer à cette gaieté de bon aloi ; elle me le disait souvent, mais l'Empereur ne voulait pas que, dans la mauvaise saison, elle s'exposât à franchir les monts, et l'Empereur commandait.

Lorsque le carnaval fut arrivé, la princesse Pauline usa de toute son influence pour que le théâtre donnât plus de vie aux divertissements nocturnes, et le théâtre répondit aux intentions de cette princesse avec d'autant plus d'empressement qu'on était persuadé que la princesse ne cherchait qu'à distraire l'Empereur : ce qui était vrai.

Depuis quelque temps, l'Empereur était plus rêveur que de coutume, sans cependant être sombre. La princesse Pauline s'inquiétait ; le général Drouot m'en avait parlé plusieurs fois. L'Empereur se prêtait de la meilleure grâce du monde à tout ce que sa sœur faisait pour lui être agréable ; d'ailleurs, il n'aimait l'isolement que pour travailler sans distraction. Pendant la durée du carnaval, il alla plus fréquemment aux représentations théâtrales, et il assista même à un bal masqué. Ce bal eut cela de remarquable, outre la présence de l'Empereur, que la princesse Pauline y alla travestie en Napolitaine, mise avec un goût exquis, une grâce enchanteresse, et paraissant encore plus jolie que jamais. Son triomphe fut complet. Tout le monde était sincèrement émerveillé. L'Empereur lui-même comptait parmi les admirateurs.

Le carnaval parcourut sa carrière. La garde impériale, qui l'avait aimé pendant sa vie, se chargea de faire les honneurs de son convoi funèbre, et elle s'en acquitta à merveille ; beaucoup de jeunes gens du pays s'associèrent à ce deuil facétieux. Le pauvre carnaval fut donc solennellement enterré. Le commandant Mallet conduisait le cortège ; habillé en Sultan, monté sur le cheval blanc de l'Empereur, richement couvert des cachemires de la princesse Pauline, il était fier comme Artaban, et il y avait vraiment de quoi l'être. À côté de lui, était le capitaine des lanciers polonais, Schultz, qui représentait Don Quichotte, et qui le représentait à s'y méprendre. C'était naturel : le capitaine Schultz avait cinq pieds neuf pouces, il était mince, et son cheval était l'haridelle (sic) la plus haridelle de l'île d'Elbe ; le costume répondait parfaitement au cavalier et au coursier ; c'était en tout point le héros de Michel Cervantès. Il y avait beaucoup d'autres beaux costumes. Et cette cérémonie avait lieu quelques jours avant notre départ !

 

III. — LE THÉÂTRE.

 

L'Empereur comprit bientôt qu'il fallait des amusements à ses braves : les amusements nocturnes lui parurent les plus essentiels. Il décida que l'on ferait de suite un théâtre. On chercha un local ; l'autorité administrative indiqua l'église de Saint-François. L'Empereur hésita un moment, il craignait la réprobation des consciences religieuses timorées. Les magistrats municipaux le rassurèrent : depuis longtemps cette église servait de magasin militaire ; elle avait déjà été employée pour les besoins de la cité. Le clergé lui-même ne fit entendre aucune plainte ; personne donc ne cria au sacrilège, loin de là. Une députation des premières notabilités alla remercier l'Empereur de ce qu'il dotait Porto-Ferrajo d'un édifice qui lui était absolument nécessaire ; mais l'édifice seul ne suffisait pas. La transformation en salle de spectacle devait être dispendieuse, les accessoires pour monter la scène pouvaient aussi s'élever à une somme importante, et la bourse de l'Empereur n'était plus intarissable. D'ailleurs, l'Empereur donnait sa part en donnant un bâtiment que l'on considérait comme sa propriété, quoique à vrai dire cela fût un peu douteux, à moins que l'État ne comptât pour rien dans la souveraineté de l'île d'Elbe. L'Empereur décida que les loges du théâtre à construire seraient par anticipation vendues aux prix que fixerait plus tard l'assemblée des acheteurs réunis en société, et dans un clin d'œil la vente fut consommée : il n'y eut pas de loges pour tous ceux qui en voulurent. On avait cru que le premier rang devait être destiné aux plus hauts fonctionnaires et aux grandes familles : cet arrangement d'amour-propre éprouva quelque obstacle dès son accomplissement. Il y eut des jaloux, par conséquent des critiques, ce qui de part et d'autre avait quelque chose de ridicule. Nous étions tous de la même hauteur et de la même grandeur : l'Empereur nous nivelait.

Ainsi le théâtre de Saint-François eut une foule de propriétaires, ce qui arrive souvent en Italie. Les propriétaires s'organisèrent ; ils donnèrent à leur organisation le titre d'Accademia dei fortunati, Académie des fortunés. L'Académie décida que l'inscription suivante serait mise sur le frontispice du bâtiment : A noi la sorte. L'Empereur alla au-devant de tout ce qui pouvait être agréable aux académiciens ; il se prêta à toutes leurs fantaisies, qui d'ailleurs n'avaient pour but que de lui plaire.

Chaque sociétaire fit sa propre affaire de l'affaire commune ; tous se donnèrent une tâche à remplir. Aussi architectes, maçons, mécaniciens, décorateurs, peintres, menuisiers, serruriers, tout marcha de front, les arts et les métiers, et dans moins de trois mois le théâtre fut livré au public. On aurait cru que l'Empereur en avait l'entreprise, tant il surveillait l'exécution. Ce monument pouvait et devait être considéré comme un petit chef-d'œuvre.

Le peintre, artiste piémontais, se surpassa sur la toile d'avant-scène, et son œuvre méritait d'être conservée. Elle représentait Apollon banni du ciel gardant les troupeaux chez Admète, et heureux, instruisant les bergers. L'auteur de cette allégorie fit aussi un beau portrait de l'Empereur en pied. Ce portrait a disparu, je ne sais pourquoi, car publiquement le gouvernement toscan ne l'avait pas proscrit, et personne parmi les gens de bien ne pouvait avoir intérêt à le faire disparaître. C'était un portrait remarquable.

L'inauguration du théâtre eut beaucoup de similitude avec les fêtes de famille. L'Empereur y prit part plutôt en père qu'en souverain.

Les comédiens étaient arrivés à point nommé. Leur troupe ne tenait pas un premier rang, peut-être même un second, mais elle faisait passer les veillées en compagnie, et cela comptait pour beaucoup dans une vie d'ostracisme.

Nous en étions encore à la lune de miel, je veux dire aux jours où l'Empereur n'avait pas décidé ce qu'il ferait ; ses opérations semblaient être empreintes de stabilité.