LA GUERRE ENTRE LOUIS XIII ET MARIE DE MÉDICIS

1619-1620

 

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

 

 

Nous les renvoyons toutes à une publication postérieure, sauf les deux suivantes :

 

IV

État général (Extrait de Marillac)

... Q'un chacun des grands fera levée du nombre d'hommes qui leur sera prescrit ;

Qu'à chacun d'eux la Reyne avancera la moitié de l'argent de ladite levée dans la fin du mois ;

Que toutte ladite levée sera establie en garnisons de villes et grands bourgs fermez dans la fin du moys, e là nourrie par estapes pour le soulagement du peuple ;

Que nulle assemblée levée ne se fera à la campagne, mais aux seules garnisons qui leur seront ordonnées, et ce par rendez-vous en plusieurs fois ;

Que nul ne mettra ses trouppes en campagne sans ordre de Sa Majesté ;

Que chacun sera tenu et sera licentié toutesfois et quantes elle leur mandera et leur fournira l'aultre moitié de l'armement sans leur permettre de se retirer en gros à battre le plat pays ;

Que cela ainsi mis en garnison [ce dernier mot raturé, sic) de tous costés, Sa Majesté envoyera ses remonstrances au Roy et aux Parlements .signées d'elle et d'eux ou d'elle seule selon qu'il sera jugé le meilleur par tous les alliez ;

Que lesdites Remonstrances seront formées sur leurs mémoires et résolues par leurs advis avant que de les envoyer ;

Que si les remonstrances sont reçues, et ce qu'elle y aura demandé pour le Roy, pour l'Estat, pour elle et pour ses amis, exécuté, touttes lesdites levées seront licentiées.

Que sy la réponse aux remontrances est remise à un traité, il y sera député par l'advis et le choix commun de tous les alliez, sans que les garnisons se rompent,

Que sy lesdites Remonstrances sont refusées, et par deux fois, car Sa Majesté veut par amour et par respect, qu'elles soient réitérées, touttes les levées susd. seront tirées des garnisons et mises en campagne.

Qu'au mesme temps de l'envoy des remonstrances, tous les deniers des provinces ou les alliez auront pouvoir, seront réservez comme pour le service du Roy, et arrestez ès mains des Receveurs généraux et particuliers, sans qu'il en puisse estre pris, sinon par ceux que Sa Majesté, par l'advis des gouverneurs, commettra à la distribution d'iceux, et lesquelz ne pourront aussy rien distribuer que par les ordonnances de Sa Majesté ou de celuy a qui par l'advis des alliez, elle en commettra la surintendance.

Que de tels deniers, en cas d'insuffisance, sinon de ceux que Sa Majesté fournira, il sera payé une monstre à toutes les trouppes le jour qu'elles se trouveront au premier rendez-vous de campagne, ou le jour quelles seront licentiées sans aucun service, en cas que cela arrive, afin quelles ayent moyen de se retirer avec contentement dans leurs maisons et sans fouler le peuple.

Que du jour que lesdites trouppes seront tirées de garnison pour servir, on en fera des corps ainsi qu'il s'en suit :

Au delà de Loire quatre, assavoir ou par MM. de Montmorency et de Chastillon en Languedoc, ou par Mons. du Mayne en Guyenne, ou par MM. de Rohan et d'Espernon en hault Poitou, et un soubs Mons. de Nemours par plusieurs particuliers en Bourbonnais et en Auvergne.

Au delà de Loire, trois assavoir un pour la Royne, soubs la charge de Mons. le Comte en Anjou, un pour MM. de Bouillon, de la Valette, et Prince de Joinville soubs le cardinal de Guise en Champagne, et un en Normandie pour Mons. de Longueville auquel les Picards se joindront.

Que les trois corps de Poitou, de Languedoc en Guyenne, s'assembleront en corps d'armée soubs le commandement général de Mons. du Mayne à tel lieu qu'il sera ordonné.

Que, pour ne laisser point les Provinces dégarnies, Mons. d'Espernon passera en Guyenne avez pouvoir en l'absence de Mons. du Mayne, Mons. de Rohan demeurera dans le Poitou, la Xaintonge et le Limousin avec semblable pouvoir, et en Languedoc. Mons. de Montmorency et Mons. de Chastillon a leur choix, et tous avez deux mil hommes de pied et deux cents chevaux entretenuz pour chacque département.

Que de Languedoc Mons. de Montmorency fera marcher deux canons avez leur atirail et munitions, Mons. du Mayne six de Bordeaux pour servir ladite armée :

Que Mons. de Nemours recueillera des trouppes d'Auvergne avec les siennes dans le Bourbonnais, pour aller recevoir Mons. le prince de Piémont aux environs de Mascon, et le conduire à Chastillon sur Seyne ;

Que le corps de Champagne ne se mettra point aux champs qu'il ne voye ou l'armée du Roy eslongnée, ou celle du prince de Piedemont proche, ou quelque notable avantage à prendre ;

Que chacun fera sçavoir de quelles places et villes de retraite il pourra fournir, de quels passages et ponts il pourra estre maitre, et quels deniers se pourront trouver dans sa province ;

Que la distribution des principaux offices et charges de l'armée et des provinces demeurera au choix de la Reyne, et que chacun promettra d'agréer ce qu'elle en ordonnera ;

Que Mons. le Comte ne sortira point de la Cour sinon après touttes ces conditions resçeues et arrestées, et sortant viendra droict où sera Sa Majesté ;

Que Mons. le Grand Prieur se jettera en personne dans Caen, pour la conservation de la ville et du chasteau et que Mons. de Matignon et les trouppes de Normandie se recognoistront en l'absence de Mons. de Longueville ;

Que Mons. le maréchal de Brissac ira en Bretagne menager le Parlement et empescher les desseins contraires de MM. de Vendosme et de Montbazon, tant aux villes qu'à la campagne, car alors Mons. de Vendosme n'avait pas parlé clairement ;

Que les aliez demeureront dans la cour, avertiront soigneusement des mouvements et des desseins qui s'y trouveront, et feront valloir les intentions de la Reyne auprez du Roy ;

Que chacun envoyera touttes les semaines un courrier à la Reyne, pour donner les advis nécessaires, et recevoir les ordres de Sa Majesté ;

Ensuitte estoit l'estat des trouppes que la Reyne jugeait à propos que chacun des grands levàt, et à quoy elle les prioit de se reduire, et considerer que leur dessein ne tendant qu'au salut du Roy et de l'Estat, le soulagement du peuple estoit nécessaire ;

Que de cet ordre seul l'entretenement des forces se pouvoit espérer, que les grandes armées estoient les plus longues à mettre ensemble, les plus difficiles à exploiter et a payer, et souvent du plus mauvais effest, et qu'eux tous avoient interest notable à la conservation du pays ; vu que chacun en avoit à soi en propre une très bonne partie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Pour toutes lesquelles levées Sa Majesté promettoit de fournir l'argent, à sçavoir moitié en délivrant les commissions, et l'autre moitié au rendez vous premier, ou au lieutenant suyvant l'ordre susdit. Et ce au prix de huict cens francs pour cent hommes de pied, et douze mil pour cent chevaux.

 

XII

Extraits du récit, par Marillac, du combat des Ponts-de-Cé

Dans la prairie qui va à Sorges sur une ligne droite depuis l'entrée de l'Authion dans Loire jusques à l'angle du fauxbourg estoit tiré un long retranchement, à la tète duquel et au milieu, il avoit une redoute.

Cette ligne avoit plus de trois cent toises et six pieds de terre relevée, que le soldat y estoit decouvert jusques au genouil, son fossé n'estoit encore que tracé sans prôfondeur ni largeur considérable.

Derrière ce retrancheMent estoient les régimens de Mons. de Rets, du baron de Sainte-Gemmes ; de Boisguérin et du baron de Cholet, dans le fauxbourg asscavoir sur tous les terres pleins qui l'environnaient du costé de la prairie à la teste de la grande rue, à couvert d'une forte barricade qui en formoit l'avenue dans un cimetière clos de murs élevés, dans l'angle qui flanquoit le retranchement. Estant logé aveq avantage le régiment du marquis de Toilarsay complet de douze cens hommes, soubs les soins particuliers de son père.

Sur le pont entre le chasteau et le fauxbourg, estoient encore les cinq canons envoyés d'Angers, et non sur une plate forme dans le chasteau et dans la ville, le vicomte de Bettencourt aveq sa garnison redoublée et non plus sur les avenues du fauxbourg et de l'eau, le régiment de. Carmen, les compagnies de gendarmes de Retz et de Bellay.

A Sainte-Gemmes, Mons. de Vendosme aveq quelque noblesse se promenait dans la prairie.

A cette disposition, il ne se pouvoit trouver rien à dire que la posture du canon, la faiblesse du retranchement et la confusion en laquelle les soldats y estoient placez...

Mons. de Vendosme trouva bon que Marillac retirât de dessus la ligne des redoutes ce qu'il y avoit des soldats de trop et en fit former par La Ferté six bataillons qu'il plaça dans le centre du retranchement derrière, et que des autres régiments qu'il avoit amené d'Angers, il avançât trois bataillons dans la prairie par où le retranchement se devoit aborder jusques à un coude qui faisoit un grand fossé derrière lequel il logea double rang de mousqueterie et à la main droitte les deux petites trouppes de cavalerie qu'il avoit amenées.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

[Approche des royalistes.] Marillac se chargea d'aller jusques à leur vette et chercher des nouvelles certaines se confiant en la cognoissance qu'il avoit du pays, il ne voulut aveq luy que La Ferté et un des siens, Mons. de Retz pour tous y vint faire le quatriesme.

Cependant, l'armée du Roy... parvenue à un carrefour du grand chemin qui va de Sorges à Angers... fut séparée en deux corps, l'un composé de dix compagnies des gardes, du Piedmont, de Picardie, Champagne et Navarre, des compagnies de chevau-légers de Contnan, Heures et Loppes soubz la conduitte du marquis de Tresnel, Créquy, Bassompierre et Nerestang, maréchaux de camp, fut envoyée vers les Ponts-de-Cé, et l'aultre par Mons. le prince et le maréchal de Praslin où le Roy estoit en personne et toutte sa cour, dix compagnies des gardes, les Suissés, Piedmont, Chupes. Et Estissac aveq le reste de la cavalerie fut mené droit à Angers, niais tous deux en dessein de se faire veoir ce jour-là seulement, et sans rien entreprendre, bien que Mons. le Prince, qui prévoyoit et craignoit surtout un accommodement, car Mons. le Grand estoit auprès du Roy pour cela, pressoit autant qu'il pouvoit dengager quelque attacque jusques mesmes à la commander à Nerestang secrètement et à quelque prix que ce peust estre, quoyque contre la résolution prise au Conseil devant le Roy.

A la suitte du corps qui alloit au Pont-de-Cé, furent envoyez deux canons, et le reste à laultre, le Conseil et la Cour prirent le chemin de Brain, et le Roy en cette compagnie marcha jusques au carefour de la justice de Saint-Aubin où il fit alte.

La malheureuse cavalerie estoit sur la contrescarpe de la ville bruslée du soleil, et hors de place à pouvoir servir. Nul n'a jamais pu scavoir pourquoi le nombre qui en avoit esté ordonné pour le Pont-de-Cé n'y alla point, Mons. le Grand Prieur estoit à leur teste, mais il recevoit l'ordre du maréchal de Boisdauphin.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

[Apparition, déployement confus et marche rapide des royalistes vers les Ponts-de-Cé.] Et partant parce qu'en Mons. de Retz et en ses trouppes consistoit la principale deffense du retranchement, Marillac le pria de s'y en retourner, de donner advis à Mons. de Vendosme de ce qu'il avoit veu, et de luy envoyer les deux petites trouppes de cavalerie qu'il avoit laissé dans la prairie avec la compagnie de gendarmes s'il estoit possible, affin de pouvoir faire quelque charge aux enfants perdus des ennemys à la sortye du chemin avant que leurs bataillons pussent estre formez, et au moins retarder en quelque sorte leur diligence, car ils marchoient au grand pas.

Mons. de Retz sur le visage de qui paroissoit tout le contraire de ce qu'il fit depuis... l'embrassa et luy promit non seulement tout ce qu'il désiroit, mais encore de revenir en personne combattre avec luy, puis à toute bride s'en alla joindre Mons. de Vendosme qui aveq Mons. de Nemours et toutte la noblesse estoient à la teste de la prairie avancez attendant des nouvelles, il leur fit sa relation très au long, mais à l'envoi de trouppes que Marillac demandoit Mons. de Vendosme s'opposa, disant qu'il avoit ordre de la Reyne de ne rien entreprendre sur les ennemys jusqu'à ce qu'elle eût des nouvelles de Mons. le Grand qui estoit allé vers le Roy.

A cette parole le miserable duc de Retz, qui déjà sur de semblables deffenses que Mons. de Vendosme avoit envoyé faire à Marillac par le chemin s'estoit mis en oppinion qu'on traittoit de la paix, sortit hors de soy mesme, et aveq blasphème et transports... disant que puisqu'il n'avoit pu eviter l'affront de veoir traitter la paix sans luy, il vouboit y fuir la honte de la voir faire... tourna la teste droit au retranchement, sans ecouter ny explication ny conseil, et comme s'il eust eu à injure les prieres et les remonstrances de ses amys qui se pendent a ses genouils, à tambour battant et enseignes deployées, il en arrache [au retranchement] son regiment, celui de Sainte-Gemme, et la compagnie de Vendosme... et il passa les ponts en ordre d'une file si longue que les ennemys en peurent bien veoir la moitié.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le retranchement demeura degarny de seize cens hommes de pied, et de six vingt hommes d'armes.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

[Arrivée des royalistes au bord de la plaine, s'étendant en avant du retranchement.] Cette pleine estoit un espace de champs labourez et de prairies que le grand chemin de Sorges coupoit par le milieu, les deux costez en estoient tout ouverts, et la teste environ mil pas de là, se formoit aveq sinq ou six maisons nommées les petites maisons rouges, qui avoient un double rang de saules à la main gauche jusques à la rivière d'Authion, et une forte haye à la droitte, d'où la ville, le fauxbourg et les retranchemens se pouvoient voir.

Marillac, pour tenir [les royalistes] en jalousie de ces petites maisons, faisoit teste entre eux et elles en trois petits escadrons... Mais averty que les deux bataillons [de la prairie] avoient esté retirez par ordre de Mons. de Vendosme pour remplir le vuide que Mons. de Retz y avoit laissé, et contraint par la demarche de ce grand corps, il les abbandonna, et prit un poste dans la prairie, d'où à la faveur d'un coude de haye garni de mousqueterie, il couvroit à ses ennemys le chemin du retranchement, et fit avancer le long d'un fossé qui dudit coude aloit droit aux petites maisons cinquante mousquetaires.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

[Dès l'évacuation, par Marillac, des Maisons-Rouges, les royalistes descendirent dans la plaine]. L'aisle gauche de cette bataille enfin se presenta toutte dans la prairie en quatre bataillons de mousquets et quatre de picquets, aveq leurs intervalles sur une ligne droite, paroissant contre les petits escadrons de la Reyne ce que fait soubz une mouche un elephant.....

Ceust este pour une auttre nombre de cavalerie, un beau temps de les charger. Mais quoy ny de celle du grand Prieur qui avoit esté commandé, ny des courriers que Marillac y envoyoit..... pour les haster, nul ne vint.....

Ce fut là que le comte de Saint-Aignan, aveq trente des gardes de Mons. de Vendosme commandez par Vassan et autant de ses carrabins, vint joindre Marillac.....

Dès le commencement, ny Mons. de Vendosme, ny Du Bellay, il ne fut pas seulement secouru de la veüe, ouy bien du bon Mons. de Nemours qui aveq quelque autre noblesse faisoit ferme derrière luy en un gros de quarante maistres.....

Ces deux maréchaux de camp cependant, pour faire tenir bride au petit escadron d'ennemys qui par leur main droitte s'avançoit pour reconnaistre le coude des bayes, y envoyèrent les carrabins à l'escarmouche.

[Sur les entrefaites, dans l'aile gauche des royalistes], le regiment de Picardie, sur ce qu'il avoit cru que les gardes ne vouloient faire la droitte, voyant qu'ils avoient pris leur poste au milieu, tira tous ses bataillons à la file par le front de la bataille pour aller prendre la place de Champagne, cependant que par le dernier cet autre regiment en faisoit autant.

Que n'eussent point fait sur ce temps là où les ennemys montroient le flanc d'une sy longue file aveq la cavalerie qui desjà estoit là, les quatre cens chevaux que l'on attendoit d'Angers ?

L'ordre mauvois auquel ceste bataille sestoit presentée assavoir de bataillons de picques sans feu et de feu sans picques séparés les uns des autres de distances égales à leurs espaisseurs pour rendre leur front plus..... formidable, un grand chemin fossoyé des deux costez, et dès lors couvert de hayes, qui estoit a l'aile droitte tout moyen de secourir la gauche par le front, et des maisons qui par le dos leur donnait le mesme empêchement, la lassitude découragèrent des soldats par la faim, qu'ils avoient soufferte telle que les uns jettoient les armes, les autres se couchoient par terre, sans que les hallebardes des sergens fussent capables de les relever, le deffault de cavalerie..... la confusion que la contremarche de Champagne et de Picardie mirent en tout ce corps, et le voysinage du poste que Marillac avoit occupé, car il ne laissoit entre les ennemys et luy que cinq ou six vingt pas au plus de la prairie toute raze, offrirent à la reyne-mère..... [la victoire] sy cette malheureuse cavalerie fût venue d'Angers.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais voilà cette bataille embarassée, remise en ordre : Picardie à la droite, Champagne à la gauche.....

[Alors tout s'ébranle.]

Quelques mousquetaires [de l'armée royale] en furent jettez au devant des enfants perduz pour taster ceux qui les tenaient en jalousie, mais recueilliz par d'aultres que La Ferté avoit fait couler le long du fossé qui alloit à eux, ils ne firent pas grand chemin, et Vassan aveq moitié de ses compagnons les recongnit jusque dans leur gros.

La toutte la mousquetterie des bataillons qui, pour quelque peu de chemin qu'ils eussent fait, se trouvoient portée des petits escadrons de la Reyne, déchargea sur eux quasy d'une mesme salve sans beaucoup deffet, ce fut alors que Marillac voyant le feu de cette main gauche tout esteint, ne se put empescher de lascher le bouton pour luy faire une charge, mais les corps du picquet se mirent au devant, et à pied ferme, les uns et les autres demeurèrent à se regarder, jusques à ce qu'il se retirp par un caracul à cent pas en arrière pour ne recevoir une seconde salve de sy près et inutilement, le comte de Saint-Agnan aveq Vassan et tous les carrabins alla faire teste à la cavalerie des ennemys, et luy couvroit tousjours le coude des hayes comme le salut de la journée, là il attendit une seconde descharge, et à cinquante autres pas une troisième...

Enfin le grand front de huit bataillons, à qui le terrain ne pouvoit pas estre disputté par cent ou six vingt chevaux, aprez une autre couple de descharges, et autant de caracoles, arriva sy près du coulde, qu'il falut ou en découvrir la mousqueterie ou l'abbandonner. Elle y estoit en petit nombre, et néanmoins La Ferté s'en servit si bien, que leur bon jeu, et la contenance des trois petits escadrons les arresta tout court.

Cet alte faisoit penser à quelques-uns que là ils voulussent borner leur journée ; mais non, c'estoit pour se servir de deux pièces de canon qui leur estoient arrivées, et là leur faire gaigner seurement le coulde qui leur importoit sy fort.

Pour demarcher ils jettèrent quelques mousquets à l'escarmouche, que dix chevaux d'un costé, vingt carrabins de l'aultre repoussoient comme s'ils eussent joué aux barres, cinq ou six volées de canon emportèrent dans ces escadrons un cheval, et dans un autre un pistolet d'entre les mains d'un maistre, sans autre effet, et les mousquetaires de La Ferté faisoient assez bien leur debvoir, pour donner grande jalousie de leur poste, quand de l'aille droite des ennemys, au chemin de laquelle rien ne s'opposoit, parce qu'elle marchoit couverte d'un bois, et de hayes, ils se trouvèrent attacquez par le flanc, dont ils ne se doubtoient point, ce furent les seuls soldats..... qui firent quelque debvoir. Ils estoient au marquis de La Flosselière, mais enfin ils furent contraints de fuir droit au retranchement.....

[Dégarnissement de l'autre extrémité].

Marillac manda donc Mons. de Nemours qu'il eût à couler au pas et en ordre droit au coin du retranchement qui abboutissoit aux murailles du fauxbourg, et que luy et le comte de Saint-Agnan après avoir tenu ferme..... pour couvrir sa retraitte, en feroient autant par l'aultre coing.....

La gloire est due au peu de cavalerie qui resta là d'avoir fait en cette retraitte bonne contenance, ny le canon de deux cents pas, ne firent jamais tourner teste à aucun de ces petits escadrons..... au pas tousjours et tousjours aveq ordre, ils se retirèrent à laultre bout du retranchement.

Là Marillac et le comte de Saint-Agnan se séparèrent, celuy cy aveq les gardes de Mons. de Vendosme, et les carrabins, alla joindre Nemours, et celuy là aveq le reste de la cavalerie demeura dans les retranchements soubs le concert entre eux, que sy les ennemys se mettoyent en debvoir dattacquer ledict retranchement..... l'un par un flanc, l'autre par l'autre, les chargeroient en mesme temps.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

[Marillac veut remettre l'ordre et l'assurance dans le retranchement.]

Cependant les ennemys maistres du coulde des bayes..... faisoient couler à la file leurs bataillons vers une des testes des retranchemens en toute sureté, et MM. de Vendosme tous les deux jouaient à la fausse compagnie, voicy comment. Mons. de Nemours et sa grosse noblesse jusques à cinquante maistres arrivez au lieu qui luy avoit esté assigné, fut mandé par Mons. de Vendosme, de venir à luy, pour la première fois, le bon prince s'en excusa, disant avoir ce poste à garder, mais à la seconde il obéit, et aprez quelque combat entre l'honneur et la réthorique de l'autre, il se résolut de le suivre, sans que Mons. de Caudale le put empescher, ny cette noblesse aussy de luy faire compagnie jusques à Angers, avec cette différence toutefois que le premier fit sa retraitte à toute bride, à l'autre seulement au pas.

Ainsy donc, le comte de Saint-Aignan ne trouva point Mons. de Nemours à son poste. Dont Marillac averty, luy manda des troupes de volontaires pour le remplir, et ayant reconnu que les ennemys, à la faveur de quelques bayes prétendirent de gagner un jardin fermé de palis et de fossés, dont le terrain assez hault voyait dans le retranchement, résolu de jetter la mousqueterie du baron de Cholet et le disputer comme le retranchement mesme.

Le Comte prit ce soin et luy s'en recourut vers l'autre bout du retranchement où l'on l'appelait à grande instance.

C'estoit pour luy monstrer le canon des ennemys en belle proye... ils l'avoient abandonné dans le milieu de la prairie à la seule garde des officiers et d'environ trente chevaux que Loppes commandait, il ne voulut pas perdre cette occasion, partant il fit en diligence couler par le fond du ruisseau qui allait abboutir assez près dudit canon, soixante mousquetaires de la Fosselière, il fit avancer les troupes du baron de Pontchasteau à la bouche du retranchement, il disposa le capitaine Beuchy avec quarante corselelets sans picque pour saisir et faire marcher ledit canon..... [on l'avertit que Cholet a évacué son poste aussitôt occupé par l'ennemi.].....

Marillac courait çà et là où l'estonnement paraissoit le plus grand pour y pourvoir, quand voicy tous les régiments du baron de Chaulet qui prennent la fuitte. Et desjà celuy de Boisguerin esbranlé pour en faire autant, il y court et les maréchaux de camp font tant aveq luy quils le rejettent en leurs postes. Mais voicy que tout d'un coup avec un pareil bruit que fait une volée de pigeons qui lève de dedans un champ, le régiment du marquis de Touarsay, que le Bellay avoit mis à couvert sur les terrasses des murailles du fauxbourg, jette les armes et se précipite à la fuitte.

C'étoit que le Régiment de Picardie parvenu par des chemins couverts jusques à vingt pas de la barricade qui fermoit l'advenue du fauxbourg ayant surpris ceux qui la gardoient [les mirent en fuite]. Le vieux Boisguerin ayma mieux s'abbandonner aux ennemys que de suivre ses propres enfants qui comme les soldats l'abbandonnoient. Quelques capitaines de la Trémouille et de Boissy firent ferme..... Le marquis de la Fosselière anima..... sy bonne partie de ses gens que le combat en son poste donna de la gloire à ceux qui l'osèrent attaquer. [Mais enfin, la fuite devint générale].....

Les ennemys..... au mesme instant que cette fuitte fut apperçue d'eux, leurs bataillons qui se suyvoient l'un l'autre le long des hayes ne firent plus de difficulté de se jetter dans un retranchement abbandonné.

Les enfans perdus des gardes que Malissy commandoit comme plus avancez y arrivèrent les premiers, et par l'ouverture du retranchement qui abboutissait au faux-bourg desja entrez en bon ordre, quand le comte de Saint-Aignan qui s'estoit mis à la teste des volontaires les chargea de front sy hardiment qu'il les fit faire vingt pas en arrière, et sans que les picques des premiers rangs portées par des officiers de la noblesse soustinrent son effort, il les eut jettez hors du retranchement, Marillac quasi en mesme temps les chargea par le flanc, toutefois avec sy peu d'honneur, car les trouppes des gardes et de Pontchasteau qu'il avoit envoyé querir en l'autre bout du retranchement n'estoient encore pal arriver, que son effect ne fut pas grand, mais partye des trouppes arriva cependant que le comte faisoit son caracol pour retourner à la charge sur les mesmes enfants perdus, ils en firent une sur ceux de Champagne, deux autres par une aultre endroit si rude qu'il les rompit et separa en deux, mais aveq grande perte du baron de Pontchasteau de qui l'effet fut le plus grand parce qu'il donnoit a la teste, eut quatorze des siens portez par terre ; les gardes dont la moitié estoit demeurée derrière à cause d'un marais, y en perdirent huit, ne se put ralier non plus que le comte qui de sa seconde decharge n'eut pas meilleur marché. [Mêlée ; dispersion générale par les faubourgs, les royalistes pour le pillage et les rebelles pour la fuite].....

Ce petit reste de cavalerie [des rebelles] n'avoit retraitte que par le mesme fauxbourg dont toutes les avelines estoient barricadées hormis deux.

Par l'une Marillac aveq grand peine, car il le falloit desmesler de la presse par petites charges, fit passer ce qui luy restoit de compagnons librement et vivement, par l'aultre le comte alla chercher son passage, mais encore elle ne pouvoit servir pour les gens de pied, à cause de quelques degrez qui en formoient la sortye. Il rebroussa chemin droit dans une escouade ennemye de picques et de mousquets, d'où s'estant courageusement demeslé, un sergent à qui il en cousta la vie de sa main, l'enveloppa dans une aultre, là il fut contraint de se rendre prisonnier d'un gentilhomme qui le reconnut dans la presse, nommé Boyer.

Cependant le marquis de la Fossilière ni la redoute qui fermoit le retranchement sur la rivière d'Authion et quelques cappitaines de la Tremouille et de Boissy au dessoubs disputoient leur vie fort inégalement ; ceux-ci furent incontinent emportez, celuy-là resista davantage et, tant qu'il se vit dix hommes auprez de lui, jamais ne voulut rendre les armes.

Marillac ne sçavoit pas encore la perte du fauxbourg ny du pont ; il prétendoit, avec ce qu'il pouvoit rallier de gens, se jetter dans la ville, rassurer tout ce qu'il y trouveroit et la bien disputer sous la faveur du chasteau ; pour cela il tourna plusieurs fois da la ruelle dans la prairie, cognoissant ce qu'il y avoit de ses compagnons pour ny en laisser pas un..... mais arrivé qu'il fut avec le dernier dans la grande rue, il la trouva pleine d'ennemys, au milieu d'eux Saint-Geny, Navailles, Chassenaye et le comte de Chasteauroux, les espées sanglantes jusques aux gardes ; il tourne à eux, il les dégage, et aveq grande peine perça la foule vers la ville jusques au pont levis, mais l'ayant trouvé à demy levé, et en disputte entre les deffendants et les assaillans, force leur fut de tenter un autre chemin, il rebroussa par le bout de pont dans la prairie qui va à Sainte-Gemmes, tenta l'eau, mais le guay n'estoit pas là, il ne luy resta donc rien à faire que sa retraitte, laquelle selon lapparence..... Il fit alte au bord de l'eau longuement tant pour ralier le plus quil pouvoit de gens.....

En cette alte quelques ennemys sortis à lui par trouppes furent recongnez dans le fauxbourg par plusieurs fois.....

[Puis] la teste tournée vers Angers en ordre et en volonté de vendre leur retraicte bien cher ils prennent leur chemin par..... Sainte-Gemmes.....