I C'est en vertu du traité d'Angoulême, conclu le 30 avril entre Louis XIII et sa mère, qu'échut à Marie de Médicis le gouvernement d'Anjou, principal théâtre de la guerre civile dont nous entreprenons le récit et où s'est popularisée sa mémoire. A la veille du premier rapprochement tenté avec son fils depuis l'assassinat de Concini, Marie de Médicis, à jamais déchue de son autorité plénière de régente par cette révolution de palais, chercha du moins à se ménager contre les entreprises réactionnaires de Luynes un inexpugnable refuge. Après s'être vue par l'immolation de son favori précipitée du faite des grandeurs, elle avait essuyé trop d'avanies pour que les vagues énonciations d'un traité de paix générale lui parussent désormais garantir suffisamment son prestige de souveraine et sa dignité de mère, en même temps que la sécurité de sa vieillesse. Qui sait même jusqu'où allèrent dès les préambules de la paix d'Angoulême les arrière-pensées d'une princesse aussi remuante que glorieuse, et fort dissimulée dans l'opiniâtreté de ses rancunes ? Dès qu'eut éclaté sur le pont-levis de la cour du Louvre le tragique signal de sa disgrâce, figurons-nous la veuve de Henri IV cernée dans sa demeure par des satellites fumants du sang du maréchal d'Ancre ; là, sevrée de toute consolation maternelle jusqu'à l'heure de son départ pour l'exil, et dans la solennité même d'une dernière entrevue brusquant avec son fils des adieux surveillés. Jusque dans l'exil du château de Blois, représentons-nous Marie de Médicis traquée par l'espionnage de Luynes, qui viole sa correspondance, puis envahit son foyer transformé en prison, d'où le vent de la persécution a chassé les derniers débris de son ancienne cour. Poussée à bout par de si persévérants outrages, au point de se frayer enfin par une évasion nocturne un chemin vers l'hospitalité que lui ouvrit à Angoulême le duc d'Épernon, imaginons-nous l'auguste fugitive relancée dans cet asile, qu'à la vérité sa présence a convertie sous les auspices d'un grand seigneur mécontent en un rendez-vous d'insurgés, par deux armées qui l'y tiennent bloquée en pleins pourparlers de réconciliation. Devant ce tableau des premières épreuves de Marie de Médicis, où partout à ses yeux l'injure s'ajoute au péril, qui pourrait affirmer que la crainte l'ait plus déterminée que le ressentiment à exiger de son fils, en avril 1619, comme gage d'un parfait accord et outre son apanage de reine douairière, une place de sûreté ? Pour atténuer la portée d'une telle réclamation, ce n'était pas trop de la prudence du plus accrédité des négociateurs fixés alors près de la reine-mère. Déjà fort employé dans la pacification des troubles de la régence, à travers les labeurs de l'établissement des Carmélites en France et de la fondation de l'Oratoire, le discret Père de Bérulle avait su dans ces premières entremises, grâce à non moins d'impartialité que de zèle, gagner la confiance universelle. Aussi, malgré ses antécédents diplomatiques au service du maréchal d'Ancre, après l'évasion de Blois Louis XIII l'adjoignit-il, avec de secrets pouvoirs, à l'ambassade opérant à Angoulême sur Marie de Médicis concurremment aux démonstrations militaires pour la ramener à la Cour. Grâce au dévouement d'un tel auxiliaire, ses deux collègues, le cardinal de la Rochefoucauld[1] et le comte de Béthune[2] touchaient presque au but de leurs efforts, et les voies s'aplanissaient pour la réunion de la famille royale, quand surgit la nouvelle prétention militaire de la reine-mère, confidentiellement déclarée au Père de Bérulle. Trop judicieux pour n'entrevoir pas le danger d'armer des rancunes dont cette prétention-là même trahissait la persistance, et, d'ailleurs, certain d'un échec irritant s'il laisse Marie de Médicis adresser d'abord à la Cour directement sa requête, le Père de Bérulle prévint cette démarche intempestive, en allant, comme à l'insu de la reine-mère et en son propre nom, plaider une cause aussi ingrate. Par là résorbant dans la sérénité de son intervention l'aigreur des personnalités en jeu, le Père de Bérulle, le 5 avril, représenta à Louis XIII, au cas d'un retour de Marie de Médicis à Paris, les alarmes dont une reine en disgrâce ne se pouvait défendre en retombant comme captive aux mains de ses ennemis de la veille. Pour la rassurer, il ne voyait rien de mieux à suggérer que l'offre d'une place d'armes. Apprivoisée par cette marque de confiance, Marie de Médicis, comme le Père de Bérulle s'en flattait dans sa candeur un peu chimérique, n'accepterait un aussi sérieux gage de sécurité qu'à titre de retraite provisoire à échanger contre le Louvre peu après la signature de la paix. Justement, et de là s'élevaient d'autant plus haut les réclamations de Marie de Médicis, Louis XIII, vu le danger de laisser aux mains de cette reine offensée une province trop voisine de Paris, venait de se décider à lui enlever la Normandie[3] dont elle s'était réservé, durant sa régence, le gouvernement vacant par le décès du comte de Soissons[4]. Trop équitable, il est vrai, pour n'offrir pas en dédommagement de cette reprise un équivalent territorial sur un autre point du royaume, Louis XIII, néanmoins, en voyant sa mère à Angoulême sous la protection d'un rebelle et en dépit des assurances du Père de Bérulle, hésitait à l'encourager dans ses dispositions équivoques par l'abandon d'une place forte. D'autre part Louis XIII, et ici relevons en lui une transformation trop heureuse si Marie de Médicis l'avait pu apprécier à travers tout ce qui alors la séparait de son fils, Louis XIII n'était plus l'adolescent qui, le 24 avril 1617, applaudissait au meurtre de. Concini et aux disgrâces maternelles avec la joie barbare d'un pupille secouant le joug d'une tutelle importune. Deux années écoulées depuis ce jour néfaste et les avis de son confesseur le jésuite Arnoux[5], avaient peu à peu rappelé à sa droiture naturelle celui qui n'a point usurpé devant la postérité le nom de Louis-le-Juste[6]. Sans cesser d'appuyer, avec plus de maturité, le nouveau favori qui palliait aux yeux de la France par un habile gouvernement[7] l'éclat de son attentat du Louvre et les vexations infligées à Marie de Médicis, le jeune roi, même depuis sa fuite à Angoulême, s'était senti repris de tendresse envers celle qui lui avait transmis le sang d'Henri IV. De là le désaccord du jeune monarque avec Luynes sur le dénouement le plus souhaitable des négociations d'Angoulême. Car Louis XIII aspirait à revoir auprès de lui sa mère. Au contraire l'ombrageux Luynes, encore plus jaloux d'écarter que de désarmer une influence rivale de la sienne, opinait pour acheter l'éloignement de Marie de Médicis même au prix d'un asile suspect. Tout le reste de la Cour, imbu des légitimes soupçons en règne, effrayait Louis XIII sur les suites de la démarche sollicitée par le Père de Bérulle. Mais le plus autorisé à insister là-dessus par la prééminence de son caractère diplomatique était le nonce Gui Bentivoglio. Dès l'an 1615, accrédité en France par le pape Paul V, ce fin observateur de tout ce qui y intéressait sa mission s'inquiétait de voir, depuis les récents décrets pour le rétablissement du catholicisme en Béarn, cabaler les huguenots enhardis par les querelles de la maison royale. Aussi, en regard de cette menace, multipliait-il ses bons offices, de concert avec l'ambassade d'Angoulême, entre Louis XIII et sa mère. Par dessus tout, avec le cardinal de Retz[8], premier ministre d'État, avec le cardinal de la Rochefoucauld et avec le jésuite Arnoux, à la fois confesseur de Louis XIII et de Luynes, Bentivoglio tâcha de conjurer ce qu'il envisageait au fond comme un développement du vaste réseau des forteresses octroyées par l'édit de Nantes au protestantisme. Étranger aux pieuses illusions du Père de Bérulle, l'offre d'une place de sûreté à Marie de Médicis ne lui semblait inoffensive pour l'État que si, très invraisemblablement, elle renchérissait sur la générosité des avances filiales par un noble refus. Sinon et une fois nantie de son gage, dont la paix ne la dessaisira point, représentait-il à Luynes, jusqu'où n'ira pas cette reine froissée dont on n'a pu éprouver encore les sentiments actuels ? Car si elle a osé conspirer dans une citadelle empruntée, que ne risquera-t-elle une fois maîtresse absolue de remparts où affluera, pour s'allier aux huguenots, la haute aristocratie associée au duc d'Épernon dans sa jalousie contre la soudaine élévation de Luynes ? Qui ne voit même déjà, poursuivait-il, Marie de Médicis fomenter de là les précoces mutineries de son fils favori le jeune Gaston ? Qui ne la voit, préparant de là son enlèvement ou sa fuite, l'attirer dans sa forteresse et lui en assurer le commandement avec l'autorité d'un chef de parti ? Pour prévenir de tels malheurs, il fallait amener Marie de Médicis à revenir au plus tôt d'Angoulême à Paris, en renonçant à tout autre gage de sûreté que l'amour filial. En voyant toute la Cour et jusqu'à la députation
d'Angoulême se partager sur un point aussi capital, car il s'agissait de
satisfaire Marie de Médicis sans réveiller les ombrages du parti en règne ni
préjudicier au salut du royaume, Louis XIII demeura longtemps perplexe entre
ses devoirs de fils et de roi. Sur ces entrefaites la reine-mère, dont le
Père de Bérulle n'avait pu qu'ajourner sur l'objet en litige une démarche
directe, produisit enfin en son propre nom sa requête, par l'organe du comte
de Béthune. Autant cette démarche comminatoire, au début des négociations
d'Angoulême, eût irrémédiablement choqué Louis XIII, autant l'entremise de
l'oratorien l'avait préparé à y accéder de guerre lasse au dernier moment,
comme à la solution s'imposant à ses scrupules. Il expédia donc vite au comte
de Béthune les pleins pouvoirs pour l'offre, en principe, d'une place forte
au choix de sa mère, sauf à réserver cette concession jusqu'à épuisement d'un
dernier débat sur tous autres équivalents imaginables. Suivait la remise
d'une lettre où abondaient les remontrances filiales. La sollicitude pour votre repos et le désir de vous complaire,
représentait Louis XIII à sa mère, m'ont seuls
incliné à souscrire à votre exorbitante exigence. Mais envisagez en
conscience le péril d'un tel précédent. A cet égard les souvenirs abhorrés
des récentes guerres civiles ne justifient que trop l'inquiétude actuelle du
royaume. Désabusez-vous des perfides conseils de rebelles redoutant mes châtiments,
et par là intéressés, pour se déclarer contre mon autorité sous votre nom, à
me signaler à vous comme votre agresseur. Vous me voyez, au contraire, armé
pour vous affranchir de l'accaparement des cabales. Nul refuge pour vous ne
vaudra le cœur d'un fils ; et mes bras seront toujours ouverts pour vous
recevoir[9].
Disposée comme nous venons de la voir, Marie de Médicis, en dépit d'un si pressant appel à la confiance maternelle, n'hésita point à passer outre à l'acceptation d'une place d'armes, sauf ensuite là-dessus à déclarer son choix. Ici s'impose à nous, dans cette cour vite réorganisée à Angoulême autour de Marie de Médicis, et grâce à l'autorité des calculs rehaussée du naissant éclat d'un grand nom, le plus hautement dévoué des serviteurs de la reine-mère, le seul attaché à concilier ses satisfactions avec l'intérêt de l'État. Armand-Jean du Plessis de Richelieu était la créature privilégiée de Marie de Médicis. Après l'avoir vu se signaler, durant sa régence, comme orateur du clergé aux États-Généraux de 1614 et non sans d'habiles flatteries à son adresse, Marie de Médicis l'avait tiré de son évêché de Luçon pour le produire à la Cour. Là, dans le premier essor de sa haute ambition, et sous les auspices de Concini qui alors atteignait l'apogée de sa fortune, Richelieu avait presque d'emblée passé de l'emploi d'aumônier d'Anne d'Autriche à la direction du ministère qui en 1616 prit la place des vieux serviteurs d'Henri IV. Mais, trop prévoyant pour s'inféoder sans retour à aucun des partis se relayant au pouvoir, et malgré ses officielles déférences envers le favori du jour qu'il soutint même résolument au nom du roi contre les coalitions seigneuriales, Richelieu avait répudié à son égard toute complicité d'intrigues. Fort d'une aussi nette attitude, au moment de l'assassinat de Concini Richelieu ne pouvait hésiter sur la ligne de conduite à suivre. Assez exceptionnellement ménagé dans le coup d'État qui le renversait du ministère pour avoir, dans l'explosion même de l'attentat du Louvre, obtenu de Louis XIII assisté de Luynes un favorable accueil, et, d'autre part, trop attaché à sa protectrice de la veille pour ne partager pas sa disgrâce, Richelieu dut renoncer à rentrer jamais au pouvoir que par Marie de Médicis, sans désespérer de la rétablir lui-même dans le crédit encore dil à son titre de reine-mère. Embrassant ce rôle d'arbitre modérateur que lui assignaient dans la famille royale et ses libres antécédents et sa forte ambition, et envoyé à Blois par la Cour auprès de Marie de Médicis avec le mandat sincèrement débattu de la surveiller sans la trahir, il ne le crut mieux remplir qu'en menant de front vis-à-vis d'elle l'apaisement de ses rancunes, et à l'adresse du roi la justification de ses démarches. De ce premier théâtre d'une aussi loyale entremise refoulé par la réaction craintive de Luynes jusque dans l'exil d'Avignon, Richelieu, du moins, par son long ensevelissement dans la profondeur de sa chute, avait peu à peu à son égard désarmé les préventions en règne, quand après l'évasion de Blois s'ouvrirent avec Marie de Médicis les pourparlers en vue du traité d'Angoulême. Dès les préliminaires des conférences diplomatiques, à défaut d'un raisonnable intermédiaire entre eux et la reine-mère, les députés du roi s'étaient d'abord heurtés tour à tour à l'arrogance du duc d'Épernon et au fanatisme du groupe intransigeant des Ruccellaï[10] et des Chanteloube[11], des Mosny et des Thémines[12]. Double écueil où allait éclater une rupture, si deux des négociateurs en détresse ne s'étaient avisés du rappel à Angoulême du seul mandataire de Marie de Médicis pénétré de ses vrais intérêts gisant dans la réconciliation de la maison royale. Le Père de Bérulle s'était lié de bonne heure avec Richelieu par l'établissement des Oratoriens dans son évêché de Luçon. Mais, sans goûter à fond dans son ingénuité mystique cet audacieux génie, il l'avait pu du moins fort apprécier lors d'une entremise sous son premier ministère, en vue de dissoudre la dernière des coalitions contre le maréchal d'Ancre. Mais, dans cette première phase de sa vie publique, Richelieu avait surtout conquis la mémorable amitié d'un digne émule du Père de Bérulle à la fois en fait d'apostolat et de diplomatie. Le capucin Jean Leclerc du Tremblay, en conférant avec Richelieu de son projet de fondation de l'ordre des Calvairiennes[13], s'était à jamais épris du grand homme d'État se décelant à ses yeux dans l'obscurité du plus humble évêché de France. Richelieu, en retour, avait dès lors distingué dans le sage réformateur de Fontevrault le futur arbitre négociateur de la diète de Ratisbonne. Aussi, à son premier passage au pouvoir, exploitant à la fois l'éloquence et l'astuce du moine inséparable de lui dans le culte de la postérité, Richelieu envoyait à Madrid le P. Joseph pour y observer, sous le couvert de la prédication d'une croisade générale contre les Turcs, les côtés faibles de la maison d'Autriche. Grâce à ce commun contact avec l'homme supérieur dont ils avaient respectivement mesuré la force et gagné la confiance, on conçoit que, dès le début des pourparlers d'Angoulême, le Père de Bérulle et le Père Joseph, adjoint à la députation de la Cour, se soient vite entendus pour solliciter le retour de Richelieu auprès de Marie de Médicis, afin d'engager avec elle par son organe d'efficaces discussions. Bien en prit à l'ambassade royale d'une telle initiative ; car à peine les deux hommes si judicieusement dévoués au sort de l'exilé d'Avignon eurent-ils obtenu sa réinstallation auprès de la reine-mère, que tout y eut bientôt changé de face. Depuis son arrivée à Angoulême, Marie de Médicis subissait le joug d'un abbé Ruccellaï. Ce présomptueux aventurier florentin, en se targuant de son ancienne adhérence aux Concini et de son nouveau titre d'organisateur émérite de l'évasion de Blois, accaparait la conduite de la reine-mère pour la compromettre sans retour avec l'autorité légitime, et par là éterniser auprès d'elle son importance. Aussi, à l'approche du modérateur impérieux suscité pour déjouer leurs intrigues, Ruccellaï et sa cabale s'épuisèrent-ils en manèges pour l'écarter de leurs factieuses délibérations. Mais Richelieu, d'abord averti en chemin par le Père de Bérulle, et à son arrivée à Angoulême assisté des conseils du Père Joseph, avant d'entrer en scène, y laissa patiemment le bruyant abbé se discréditer par son outrecuidance aux yeux du duc d'Épernon, tout en cultivant le grand seigneur qui couvrait de son exigeante protection Marie de Médicis. Grâce à la division ainsi fomentée entre les deux tuteurs qui usurpaient si diversement la confiance de la reine-mère, Richelieu eut vite ressaisi sur la cour tapageuse d'Angoulême l'ascendant du génie, au point d'y monter par degrés au rang de chef du conseil. Dès lors s'accélérèrent les pourparlers entre l'ambassade royale et Marie de Médicis, jusqu'au jour où s'éleva de sa part l'exigence d'une place de sûreté. Depuis son arrivée à Angoulême, Richelieu avait trop pénétré les sentiments de Marie de Médicis pour ne partager pas sur ce dernier point les appréhensions du nonce. Aspirant d'ailleurs, comme nous avons dit, au retour de la reine-mère à la Cour, afin d'y rentrer par elle-même au pouvoir, et tout en ambitionnant à cet effet pour elle une situation actuellement convenable, il ne souhaitait pas qu'entre elle et son fils surgissent comme une éternelle barrière les remparts d'une citadelle. Aussi, en appuyant dans les conseils de Marie de Médicis sur la nécessité de l'octroi d'un sortable apanage, on peut affirmer qu'au mépris de la suggestion de la cabale de Ruccellaï il plaida d'abord énergiquement contre l'opportunité de la réclamation d'une place d'armes. Mais, en voyant là-dessus la reine invinciblement obstinée, Richelieu jugea plus sage d'entrer dans ses vues pour se maintenir dans sa confiance, et par là prévenir au moins les suites de sa condamnable résolution. Dans ce dernier but, avant tout, il fallait, au cas où le roi pour la désignation d'une forteresse une fois concédée en principe s'en rapporterait à sa mère, l'amener comme d'elle-même au choix le moins préjudiciable à l'État. Justement, parmi les provinces fortifiées à échanger contre la Normandie dans le douaire de Marie de Médicis, Richelieu en avisa une aussi convenable à la reine-mère que rassurante pour la Cour, vu sa raisonnable 4istance, et spécialement appropriée au rôle salutaire que lui-même jouait auprès de sa souveraine. A bien des titres l'Anjou se recommandait aux prédilections de Marie de Médicis. C'est en Anjou que Henri de Navarre, en obtenant d'Henri III en 1589 à titre d'un gage d'alliance contre la ligue le gouvernement de Saumur, puis en recevant en 1598 à Angers la soumission du duc de Mercœur ; c'est en Anjou que Henri IV avait tour à tour franchi les premiers degrés et consommé la restauration du trône dont s'enorgueillissait la mère de Louis XIII. Plus tard, lorsqu'en 1604, au lendemain du traité de Sainte-Menehould et à l'heure la plus sereine de sa régence, Marie de Médicis alla avec le jeune Louis XIII pacifier la Bretagne agitée par le duc de Vendôme, à son passage en Anjou tout dans ce beau pays lui avait souri, depuis l'affable accueil de ses populations dépositaires des plus vivants souvenirs d'Henri IV[14] jusqu'à la fécondité si variée de son sol, et depuis la magnificence de ses châteaux et l'aménité de ses aspects jusqu'à la majestueuse profusion de ses fleuves. Mais, outre ces convenances d'agrément, l'Anjou offrait de plus à la reine-mère aigrement disposée les avantages militaires d'un château-fort commandant le chef-lieu de la province, et d'un passage sur la Loire assurant d'immédiates communications avec le duc d'Épernon et les protestants du Midi. Par là l'Anjou, même dans sa rassurante distance de la Cour, n'offrait que trop de ressources à une reine insurgée, si, pour la réfréner en la protégeant, Richelieu n'y eût envisagé tout ce que lui ménageaient de forces locales et la contigüité de ses domaines poitevins[15] et l'inféodation territoriale d'à peu près tout le Saumurois à son beau-frère Urbain, marquis de Maillé-Brézé[16]. Mais, tout en envisageant en Anjou contre les rébellions éventuelles de Marie de Médicis des préservatifs dont il y exercerait autour d'elle le souverain maniement, Richelieu tenait avant tout à conserver, auprès d'une reine dont la disgrâce avait avivé les défiances, un crédit qu'ébranlerait le moindre soupçon d'une recherche de domination personnelle. Il ne lui importait guère moins de ménager dans la cour d'Angoulême les ombrages de l'intraitable cabale de Ruccellaï. Aussi, quand s'y ouvrirent les délibérations sur le choix d'une place d'armes, se garda-t-il d'afficher de prime abord une préférence pour le lieu le plus adapté à ses combinaisons politiques. Il lui semblait bien plus sûr de couvrir son jeu dans un débat qu'il laissa patiemment se réduire ou que sans bruit il ramena lui-même à la comparaison des avantages purement militaires des deux villes d'Angers ou de Nantes. A ce moment, résolvant la question dans ces termes-là même, et cédant de bonne grâce en plein conseil le terrain qu'il était sûr de ressaisir dans d'intimes pourparlers avec la reine-mère, il conclut résolument en faveur de la Bretagne, sans croire trop risquer, d'ailleurs, en optant pour les sûretés les moins éloignées de son point d'appui angevin. Du moins tels nous apparaissent les mobiles secrets d'une consultation autrement inconciliable avec les naturels désirs de Richelieu, et sans contredit émanée de lui[17] à la date probable d'avril 1619[18]. La ville d'Angers,
représentait l'évêque de Luçon dans cette œuvre aussi judicieusement conçue
qu'habilement rédigée, mais que nous ne pouvons ici qu'analyser, est pourvue du meilleur des anciens châteaux de France.
Avec son groupe monumental de tours massives dont la Maine baigne les pieds ;
avec ses vastes logis et ses murs épais ceints d'un large et profond fossé
taillé dans le roc-vif, ce château adhère à la cité proprement dite, assise
sur un coteau abrupt et close elle-même de remparts munis de portes fermant
chaque soir ; et par une sortie extérieure il communique avec les faubourgs.
L'ample et populeuse ville que commande cette forteresse possède un évêché et
un présidial, une université et une élection, une prévôté, un grenier à sel
et une maréchaussée. La province d'Anjou fournit un revenu de deux mille
écus. D'innombrables cours d'eau la sillonnent en tous sens ; et le château
des Ponts-de-Cé y garde le passage de la Loire. Mais le château d'Angers, si on
l'envisage dans ses rapports avec la ville qu'il domine topographiquement, ne
la peut en réalité maitriser ; car cette citadelle pêche par la mauvaise distribution
de ses logis, l'éloignement de ses portes et la disproportion de son pourtour
avec la force numérique de la population urbaine. Aussi, pour suffire à la
double tâche d'en garder les portes et de jeter au besoin dans la ville un
corps de troupes à répartir entre la cité et les faubourgs, il faut aviser à
la fois à l'onéreux entretien d'une garnison de mille à douze cents hommes et
à la scabreuse entreprise du désarmement de la bourgeoisie. Angers est
d'ailleurs le seul poste sérieux de l'Anjou à la disposition de Marie de
Médicis. Car si l'on distrait d'une province déjà en elle-même fort réduite
les gouvernements autonomes de Saumur et de La Flèche, quelle autre garantie
pour la reine-mère que le passage de la Loire très insuffisamment gardé par le
fragile château des Ponts-de-Cé, séparé du chef-lieu par une heure de marche
? En ce qui est de cette foule de rivières non guéables ou navigables au-delà
de quatre lieues en amont d'Angers, et par là inutiles à l'approvisionnement
du pays qu'elles coupent en tous sens, on ne peut les envisager que comme un
réseau d'entraves à ses communications intérieures. Si de la configuration
matérielle de l'Anjou nous passons à ses dispositions morales, quel ferme
soutien y verra-t-on pour la reine-mère, entre une aristocratie inconsistante
et des multitudes indisciplinées ? Si encore la reine-mère pouvait se
dédommager de tant de mécomptes par les ressources pécuniaires de la province
! mais le seul entretien du gouverneur d'Angers en absorbera le revenu. Ainsi se désintéressant de tout ce que lui vaudrait comme surcroît de prépondérance à l'égard de Marie de Médicis sa clientèle angevine, Richelieu opinait nettement pour l'option du comté de Nantes. Nantes, poursuivait-il, est une ville frontière maritime qui, par la proximité de l'embouchure de la Loire, peut directement trafiquer avec le littoral et correspondre avec l'étranger, tout en jouissant de libres communications avec l'Anjou, la Bretagne et le Poitou. Son château, il est vrai mal bâti et désavantageusement situé, n'en maîtrise pas moins une ville d'une dimension bien proportionnée à son périmètre, à l'aide d'une simple garnison de deux cents hommes à distribuer entre quatre poternes, dont l'une donnant à travers une large rue sur la place centrale, et les trois autres sur les faubourgs, le pont de la Loire et la route d'Ancenis. Nantes possède une lieutenance-de-roi, une chambre des comptes et un bureau de recettes, un présidial, une élection et une maréchaussée. Sa population, moins militaire que bourgeoise, est docile et traditionnellement dévouée à ses gouverneurs. Ses ressources financières surabondent sans pression fiscale, grâce à la vitalité de son commerce et aux revenus du péage de la Loire[19]. Ces considérations si fortes, émises par l'évêque de Luçon en faveur du plus stratégiquement considérable des deux postes soumis à son étude comparative, et que d'ailleurs en plein conseil il ne soutint devant Marie de Médicis que juste assez pour marquer l'impartialité de ses vues, ne détachèrent point la reine-mère de l'objet de ses vraies inclinations. Mais, tenant surtout à concilier dans un asile privilégié ses agréments avec sa sûreté par de solides communications avec le Midi de la France et, sur ces entrefaites, enhardie en ses exigences par le désarmement de Metz que venait d'opérer au profit du duc d'Épernon son fils La Valette, Marie de Médicis opta pour le gouvernement d'Anjou renforcé de l'annexe d'une des deux villes de Nantes ou d'Amboise[20], afin d'acquérir par là sur la Loire un pont en pierre, au lieu des deux ponts de bois reliant aux deux rives adjacentes l'île où se dresse le château des Ponts-de-Cé. Ici encore Richelieu, qui dans sa consultation n'avait posé qu'une alternative entre les deux places dont la reine-mère osait réclamer le cumul, la dut conjurer de ne pas polisser à bout la condescendance filiale. Mais l'opiniâtreté de Marie de Médicis croissant en raison de la témérité de ses instances, l'évêque de Luçon dut combiner avec l'ambassade royale un moyen terme de satisfaction. Vu l'urgence d'épargner à la reine-mère, pressée de déclarer son choix indiscret, un refus cette fois inévitable, et en dépit de ce que la seule option de l'Anjou de sa part offrait déjà d'inquiétant pour la paix du royaume, on ne crut trop vite à la Cour prévenir ses désirs au sujet de cet équivalent de la Normandie, pour lui faire mieux agréer par cette avance une permutation quant à l'offre d'un poste additionnel. Du moins, dès les derniers jours d'avril, à son tour le cardinal de la Rochefoucauld[21] reprenait la route d'Angoulême, muni de pleins pouvoirs pour l'octroi de l'Anjou à Marie de Médicis avec annexe du château de Chinon, situé sur la Vienne et lui assurant ainsi, aux portes de son nouveau gouvernement, la clef d'un des principaux affluents méridionaux de la Loire. Il semblait que Marie de Médicis prit à tâche d'opposer à chacune des concessions filiales un enchérissement d'exigences. Car, bien loin d'adhérer à un aussi avantageux compromis, elle renvoya le 2 mai à la Cour le Père de Bérulle pour insister en son nom sur Nantes ou Amboise, en stipulant de plus l'entretien d'une garnison de douze cents hommes et, en tous cas, pour délibérer sur les propositions de la Cour un délai de six semaines. Après de longues hésitations, le roi voulut bien encore s'engager envers la reine-mère à l'entretien d'une garnison suffisante, quoique indéterminée dans son effectif, en outre de sa garde ordinaire et de deux compagnies de gens d'armes et de chevau-légers. Mais, rendu là au dernier degré des sacrifices compatibles avec l'intérêt de l'État, il maintint l'offre de Chinon à l'exclusion d'Amboise et de Nantes et réduisit le délai sollicité de six semaines à trois jours. Passé ce terme, en cas d'inacceptation de la part de Marie de Médicis entraînant le rappel immédiat de l'ambassade de la Cour, le duc de Mayenne, posté aux confins de l'Angoumois[22], avec l'armée royale en expectative depuis l'ouverture des négociations pacifiques, devait poursuivre aussitôt sa marche sur Angoulême. A tout événement d'ailleurs Louis XIII, à la suite du Père de Bérulle renvoyé vers la reine-mère[23] avec son ultimatum accompagné de nouvelles exhortations épistolaires, à son tour lui-même, le 7 mai, s'avançait de Paris jusqu'à Orléans[24]. Malgré cette démarche comminatoire et la stricte mesure du sursis imparti par Louis XIII à sa mère, l'offre additionnelle de Chinon et la promesse relative aux garnisons des places concédées trahissaient de la part du roi un trop vif désir de paix au gré des secrets ennemis de Luynes qui, à la Cour, visaient sourdement à sa chute en lui rendant Marie de Médicis irréconciliable. D'autre part, et en cela favorisant lui-même les menées de ses adversaires, Luynes, qui trouvait encore la reine-mère trop rapprochée de lui dans le gouvernement d'Anjou, se prêtait aussi mal que ces perfides brouillons le pouvaient souhaiter à un accord diplomatique sur ce dernier terrain. Témoin de cette complicité d'entraves, tenant en échec entre ses mains jusqu'à la dernière heure les avances royales, le Père de Bérulle, pressé de lier la Cour irrévocablement à cet égard par l'acceptation de Marie de Médicis, et craignant d'être, dans l'intervalle, atteint sur sa route ou devancé à Angoulême par un contre-ordre, accéléra par des chemins détournés son retour vers la reine-mère. Mais tant s'en faut que Marie de Médicis ait d'emblée adhéré à l'ultimatum transmis à son quartier général dès le 8 mai avec une si industrieuse diligence, qu'à l'énoncé de ses clauses par le Père de Bérulle, elle se récria sur le refus d'Amboise et de Nantes, à ses yeux nullement racheté par l'augmentation de garnisons dans le champ restreint des offres définitives. Puis, revenant à ses anciennes garanties dont elle ne pouvait, soutenait-elle, être dépossédée sans un réel équivalent, elle menaça de se maintenir dans son gouvernement de Normandie. Puis enfin, le 14 mai, jour de l'Ascension, après avoir communié le matin et par là, ce semble, soudainement calmée, la reine-mère, sans toutefois contremander les hostilités, proclama la paix, aussitôt célébrée dans la cathédrale d'Angoulême par un Te Deum, avec sa déclaration formelle de n'aspirer à d'autre sûreté que le cœur de son fils. Par cette affirmation non moins solennelle qu'inattendue,
Marie de Médicis réussit à en imposer à toute l'ambassade royale en éveil
autour d'elle. Dès ce jour-là même, le cardinal de la Rochefoucauld et le
comte de Béthune envoyèrent, de par leurs pleins pouvoirs, décommander les
hostilités reprises au nom du roi par le duc de Mayenne à l'expiration des
trois jours du sursis de l'ultimatum. De son côté le Père de Bérulle, que la
seule urgence de ses précédents voyages avait contraint de déroger à sa
rigueur d'ascète en recourant sur la route de Paris à Angoulême à la
confortable locomotion d'un carrosse, reprenait cette fois à pied, en toute sécurité,
le chemin de la Cour[25]. A la Cour, le
nonce lui-même, qui ne s'était jamais flatté que la reine-mère s'abstint de
prendre au mot les avances de Louis XIII et qui, cependant, ne voyait qu'à ce
prix la maison royale sûrement réconciliée, n'en applaudissait que mieux à la
nouvelle inespérée du dénouement pacifique brusqué par l'élan de la confiance
maternelle. Le seul Luynes, avec sa soupçonneuse clairvoyance, entrevit sous
les protestations de Marie de Médicis l'œuvre de la duplicité italienne. Pour s'abuser, redisait-il au conseil du roi, sur les faux-fuyants de la reine-mère, pouvait-on perdre
de vue son mécontentement au refus de Nantes ou d'Amboise ? Là-dessus ses
calculs de vengeance ne s'étaient-ils pas assez accusés déjà vis-à-vis de la
Cour par la perfide réclamation d'une suspension d'armes sans réciprocité ?
Par là ne visait-elle pas à poursuivre impunément à Angoulême ses
conciliabules et ses pratiques ? On sait qu'elle y tente la fidélité du duc
de Mayenne par l'appât d'un riche mariage dans sa famille. Jusque dans Paris,
autour du donjon de Vincennes où Condé languit en expectative depuis la chute
du maréchal d'Ancre, ne voit-on pas
cabaler journellement les émissaires de la reine-mère, jaloux de devancer la
Cour dans sa délivrance pour s'en adjuger aux yeux du captif le mérite, et
par là le gagner à un parti qui ainsi s'autoriserait du nom du premier prince
du sang ? Pernicieuses menées tendant toutes au but avoué par la reine-mère
elle-même à l'ambassade royale, dans l'accès de colère qu'a provoqué chez
elle la notification de l'ultimatum. Se maintenir dans son gouvernement de
Normandie comme dans le poste le plus voisin du Louvre, tel était le seul
mobile qui l'avait décidée à rejeter les dernières offres de la Cour, et par
là s'interprète la soudaine protestation formulée dans la cathédrale d'Angoulême.
A l'en croire, la reine-mère n'ambitionne d'autre place de sûreté que le
cœur de son fils. Mais, dans l'argutie de son langage, on ne peut
accorder le sens littéral de cette protestation de confiance avec ses vues
sur la Normandie, à moins d'envisager ce pays dépourvu de villes fermées
comme valant surtout à ses yeux par la contigüité de l'ancien théâtre de sa
domination maternelle. Car elle n'a jamais renoncé à y recouvrer
l'omnipotence, afin de bouleverser par là le gouvernement. Au fond c'était pour la stabilité de son pouvoir que Luynes s'effrayait du retour de la reine-mère à Paris par le chemin de la Normandie. Mais la perspective du maintien de Marie de Médicis en son ancien apanage de Normandie déconcertait en outre les arrangements du nouveau favori concernant cette province. Car, dès le jour où Louis XIII en avait retiré le gouvernement des mains de sa mère, Luynes l'avait cédée au duc de Longueville en échange de la Picardie, plus adaptée par des établissements territoriaux à ses convenances personnelles. Aussi, pour se prémunir contre les subterfuges de Marie de Médicis et pour parer d'avance au plus vite les coups dirigés à bout portant, ce lui semblait-il déjà, contre son autorité et sa fortune, Luynes ne devait plus songer qu'à maintenir adroitement la reine-mère à une raisonnable distance de la Cour. C'est dire qu'il revint bien vite au moyen terme concerté par Richelieu avec l'ambassade royale entre les ménagements dus à ses ombrages et les justes aspirations de Marie de Médicis. En un mot, plus Luynes avait répugné d'abord et plus il s'ingénia désormais à ramener doucement la reine-mère à l'adoption des sûretés angevines même restreintes aux limites tracées dans l'ultimatum. De là autour de Marie de Médicis à la dernière heure un redoublement d'insistances diplomatiques. C'est d'abord un cinquième ambassadeur, Marossano, qui passe et repasse sur la route d'Angoulême. En même temps Luynes, obstiné dans son effacement personnel au regard de la reine-mère, lui transmet par le Père de Bérulle de nouvelles supplications en date du 13 mai. Puis enfin, le 30 mai, se découvrant vis-à-vis d'elle, il l'interpelle directement sous les formes les plus obséquieuses. Et cependant Louis XIII, non content de réprimander le cardinal de la Rochefoucauld et le comte de Béthune pour leur démarche précipitée envers le duc de Mayenne, le rappelait sur les frontières de l'Angoumois en s'acheminant lui-même, le 16 mai, d'Orléans sur Amboise. Dans le camp opposé, on rivalisait avec Luynes en fait de sollicitudes autour de Marie de Médicis pour lui faire agréer les concessions finales de la Cour. Le Père de Bérulle, en appuyant auprès d'elle les exhortations du cardinal de Retz, l'assurait de tout ce que lui vaudrait, croyait-il, en fait de crédit inespéré sa déférence aux volontés filiales. De son côté, c'est là que Richelieu put mesurer ce qu'il avait gagné de terrain dans la Cour d'Angoulême par l'abnégation étudiée de ses précédents avis sur les garanties les plus convenables à la sûreté de la reine-mère. Car il réussit à y rallier à son opinion, conforme aux désirs du roi, les suffrages très corruptibles de deux soutenants de Ruccellaï, à savoir Mosny et de Chanteloube. Enfin Marie de Médicis elle-même comprit la nécessité de se soumettre. Quel point d'appui lui pouvait offrir, en effet, dans ses prétentions si vite démasquées, un parti encore à l'état d'ébauche, entre les deux corps d'armée des ducs de Mayenne et de Schomberg, et sous l'imminence de l'approche du roi ? Jusque dans son conseil, ne voyait-elle pas la majorité se déclarer pour une franche adhésion à l'ultimatum ? Par là, d'ailleurs, comme le lui dut insinuer Richelieu, Marie de Médicis en définitive mettait de son côté les apparences de la victoire. Car elle obtenait en principe les sûretés réclamées, tout en couvrant l'échec essuyé quant à leur assignation territoriale. Bref, Marie de Médicis, après un désistement formel au sujet de la Normandie, accepta sans ambigüité pour son apanage de douairière les places d'Angers, des Ponts-de-Cé et de Chinon. Cette démarche décisive et ces explications catégoriques de la reine-mère semblaient défier cette fois tous les soupçons de la Cour ; et cependant on y avait trop expérimenté ses pièges pour n'accumuler pas les précautions dans la remise entre ses mains de son nouveau gouvernement. Il va sans dire d'abord qu'on exigea d'elle un désarmement préalable ; et elle-même justifia la nécessité de ce préliminaire par une longue résistance, dont Richelieu et le Père de Bérulle ne triomphèrent que grâce au rappel du duc de Mayenne. Même une fois ses propres troupes à leur tour licenciées, et malgré la connexité de l'octroi des garanties angevines avec le pacte de réconciliation générale demeuré célèbre sous le nom de traité d'Angoulême, Marie de Médicis n'obtint pas même la mention de l'Anjou dans la teneur des clauses de ce monument diplomatique. Ce n'est que dans un sous-seing séparé qu'on dressa l'accord spécial intervenu entre Louis XIII et sa mère pour l'échange de la Normandie contre les places d'Angers, des Ponts-de-Cé et de Chinon. Mais là encore les méfiances de la politique primèrent les règles du droit. Car cet accord synallagmatique ne fut rédigé qu'en brevet ; si bien que la reine-mère n'en put retirer un double[26], et se vit ainsi à la fois irrévocablement dépossédée de son ancien apanage, et sans titre à l'appui des sûretés compensatrices. Sur les récriminations de Marie de Médicis, l'ambassadeur Marossano lui rappela son récent abus d'une lettre du roi souscrivant, durant son séjour à Blois, à sa libre circulation par tout le royaume. Mal en avait pris à la Cour d'une telle marque de confiance insidieusement exploitée par Marie de Médicis à l'effet de s'autoriser dans Angoulême. Après cela, comment pouvoir sans péril se dessaisir à son égard des moindres attestations littérales ? Et, d'ailleurs, pour l'établissement de ses droits les plus sacrés ne se devait-elle pas estimer trop heureuse en se reposant sur la parole d'un fils et d'un roi[27] ? Si indéfectibles qu'apparaissent à première vue les assurances dont la reine-mère se devait tenir pour satisfaite, et à quelque degré qu'elle ait encouru par ses fallacieux procédés la défaveur du gouvernement, il faut convenir qu'une fois admise à figurer comme partie contractante vis-à-vis de la Cour dans l'échange des deux provinces d'Anjou et de Normandie, elle y devait marcher de pair avec ceux qui s'y étaient munis d'un titre contre elle, en obtenant d'eux, en retour, plus qu'un engagement verbal. A ce point de vue, la frustration, qui livrait le sort de son nouvel apanage à la merci d'un caprice de favori, n'accuse que trop à nos yeux l'influence hostile de Luynes. Lui, que la seule peur de son voisinage immédiat avait gagné à l'idée de fixer en Anjou Marie de Médicis, pouvait-il chercher à lui ménager là autre chose que l'établissement le plus précaire Y Mais l'adversaire en réalité spolié par d'aussi déloyales combinaisons n'était pas d'humeur à se résigner sans réplique. Aussi l'on peut juger si la reine-mère eut beau jeu pour produire à cet égard ses revendications, lorsqu'aussitôt après le traité d'Angoulême Louis XIII l'invita à venir sceller la paix dans une entrevue amiable. Car aux yeux de ce roi, dont on a méconnu la tendresse, et qui dans les ennuis du trône souffrira surtout du refoulement nécessaire des affections domestiques, il eût fallu que sa mère déméritât bien plus qu'elle n'avait encore fait jusqu'ici pour qu'il n'aspirât pas toujours à la revoir. Ajoutons que Louis XIII au fond se flattait même, et bien entendu sans oser s'en ouvrir à Luynes, que Marie de Médicis, une fois radoucie par l'accueil qu'il lui préparait dans l'entrevue projetée, s'éprendrait de l'idée d'un rapatriement à la Cour, et que, sans se dessaisir de ses garanties territoriales, elle laisserait l'Anjou aux mains d'un lieutenant-général pour venir retrouver sa place au Louvre. Telles étaient les illusions que nourrissait Louis XIII en indiquant à sa mère, le 31 mai, par l'organe du Père de Bérulle, un rendez-vous solennel à Tours ; et c'est ce qu'attendait Marie de Médicis avec moins de sincérité que d'à-propos pour mettre son voyage au prix de la régularisation de l'investiture de son apanage par la délivrance d'un titre légal[28]. A ce coup digne de son astucieuse antagoniste, on devine l'embarras du favori non moins récalcitrant à l'affermissement des sûretés de la reine-mère qu'alarmé de la perspective de la revoir assise à la droite du trône et suivie de Richelieu, qui depuis le retour d'Avignon ne lui était que trop vite redevenu redoutable. C'est dire à quel point l'idée de l'entrevue de Tours nous semble étrangère à l'initiative de Luynes qui, sans nier l'urgence d'une telle démonstration pacifique en regard des récentes bravades des huguenots enhardis par les querelles de la famille royale, connaissait trop le jeune roi pour s'aveugler sur son arrière-pensée filiale. Mais, trop soigneux du ménagement de son crédit pour contrarier le respectable désir de Louis XIII, en indisposant par là du même coup une reine ou en voie de rentrer en faveur ou ébranlée par les avances du protestantisme, Luynes se résigna d'aussi mauvaise grâce qu'on peut se l'imaginer à la mortification d'armer son ennemie de pied en cap avant de l'introduire dans la place. Bref, tout en se promettant en revanche de biaiser sur l'exécution des clauses intégrantes du traité d'Angoulême, et non sans étendre autour de la reine-mère ses propres sûretés territoriales dans la Picardie, l'Ile-de-France et la Normandie, et jusque dans la Bretagne et la Touraine, Luynes enfin se résolut de lui expédier les titres afférents au gouvernement d'Anjou. Mais, à cet égard, il s'exécutait trop à contre-cœur pour que d'aussi précieuses constatations ne nous semblent pas comme arrachées de ses mains pièce par pièce. D'abord Marie de Médicis reçut, le 11 juin, un brevet royal lui déférant la nomination aux gouvernements d'Angers, de Chinon et des Ponts-de-Cé[29] ; puis, après règlement des indemnités ouvertes par la démission des anciens gouverneurs[30], suivit, le 7 juillet, au profit de la reine-mère une ordonnance d'envoi en possession concernant ces trois places[31]. Puis, et comme si sur chaque article on eût voulu racheter la lenteur des communications par le luxe des formes juridiques, on lui délivra, les 17 et 27 juin et 16 août, jusqu'à trois sous-seings émanés du roi et des sires de Béthune et de Montbazon, pour lui garantir, avec l'entretien de 400 hommes de garnison, le maintien ou le rétablissement des vivres et des munitions dans ses forteresses[32]. Par cette prodigalité de garanties littérales affluant sur ce dernier chapitre aux archives de Marie de Médicis, on ne songeait au surplus qu'à l'amuser dans ses expectatives, à en juger par l'attitude de la Cour en face du procédé cavalier de l'officier qu'au moment de s'installer dans son apanage elle trouva nanti du château d'Angers. C'était le fils de celui qui, dans le théâtre où se meut notre récit, nous apparaît comme la plus soudainement comblée d'entre les créatures d'Henri IV, sous le nom populaire de Guillaume Fouquet de la Varenne. Il semblait que ce fût d'hier qu'Henri IV avait tiré de l'intendance des cuisines de sa sœur Catherine de Bar cet avisé courtisan, pour l'élever presque d'emblée au titre héréditaire de gouverneur de La Flèche. Guillaume Fouquet de la Varenne avait d'ailleurs noblement répondu à cette dernière marque des faveurs royales en relevant le lustre de son nouveau fief ; aussi l'obscure ville de La Flèche s'était comme transfigurée sous son administration princière[33], avant de tomber aux mains de son fils René de la Varenne, appelé par son décès peu antérieur au traité d'Angoulême à cumuler le gouvernement paternel avec l'office de capitaine du château d'Angers. Malheureusement, dans ce dernier emploi et sous le relief improvisé du nom patronymique, René de la Varenne étala par trop vite au service de la dynastie qui venait de créer sa fortune le zèle maladroit d'un fils de parvenu trop peu initié encore au maniement des hommes pour y discerner la juste mesure de ses prérogatives. Informé de l'arrivée en Anjou de Marie de Médicis avec de pleins pouvoirs à exploiter pour le renouvellement de l'état-major de son apanage au gré de ses calculs vindicatifs, René de la Varenne, par là mis en demeure de résigner sa citadelle en des mains probablement suspectes, à l'avance prit sur lui de soutirer le péril attaché à la transmission de ce gage au moyen d'un étrange abus d'autorité exercé sous forme de prélèvement seigneurial. Lorsque, en effet, l'exempt des gardes de la reine-mère La Mazure vint officiellement au nom de celle-ci, le 15 juillet, prendre possession du château d'Angers, il y constata le vide absolu dans les magasins qui, selon l'inventaire dressé la veille[34], regorgeaient de tout le matériel concentré aux mains du gouverneur d'Aumont lors de la soumission de la ligue par l'effet du désarmement de la bourgeoisie angevine. C'est qu'au cours de la nuit précédente, le marquis de la Varenne avait enlevé du château tous les approvisionnements militaires[35] pour les diriger vers son domaine de La Flèche en des ballots qui, le lendemain, au grand jour, stationnèrent le long des quais de la ville impunément aux yeux de la municipalité et du présidial. Ici la connivence des autorités locales est trop flagrante pour qu'on puisse douter qu'à cet égard elles aient reçu d'en haut au préalable une sournoise consigne. Aussi, à son arrivée en Anjou, l'arsenal où Marie de Médicis espérait, d'après le traité d'Angoulême, puiser pour l'organisation de sa défense, n'eût offert à ses yeux qu'un gouffre béant, si l'attentat du marquis de la Varenne, absous par un servile déni de justice, n'eût provoqué les clameurs de la population urbaine ameutée autour des chargements délictueux. Car il n'y allait pas là seulement pour les Angevins d'un préjudice matériel évalué, en un procès-verbal de carence notarié du 19 août, à la forte somme de vingt mille écus. En voyant s'entasser dans les fourgons du gouverneur de La Flèche les arquebuses rouillées des vieilles milices du duc de Mercœur, il leur semblait que s'y engloutit le principe même de leurs sûretés communales. A ces sûretés-là, d'ailleurs, se liait à leurs yeux le sort de la reine qui venait associer ses destinées aux leurs et leur était devenue chère pour s'être complue déjà deux fois dans l'hospitalité proverbiale du pays devenu sa patrie adoptive. Bref, au bout d'un mois, et grâce à l'entremise de Guillaume Fouquet de la Varenne[36], évêque d'Angers et frère du gouverneur démissionnaire, Louis XIII accueillit la revendication tumultuaire émanée du chef-lieu de l'apanage maternel et ordonna la réintégration des armes soustraites[37], en laissant en proie au décri public l'officier de race trop fraîchement exhaussée pour qu'on y regardât à désavouer l'intempérance de ses initiatives. Après tout, sous le bénéfice de l'incident clos par cette opportune démarche, la Cour avait, dans sa tactique temporisatrice au regard de Marie de Médicis, gagné six semaines. Durant ce répit, on avait scruté les dispositions des Angevins envers la reine-mère, sous la seule responsabilité officielle du marquis de la Varenne. Et, certes, l'épreuve eût tourné tout entière au profit de celle dont il avait on ne peut plus malencontreusement confisqué les garanties vitales, si l'esclandre où se trahit l'adhésion publique à la cause de Marie de Médicis n'eût, par là même, compromis sans retour avec l'aventureuse dominatrice de l'Anjou le plus puissant gardien de l'entrée du Maine. Ce n'est que le 22 août que Marie de Médicis obtint enfin la présentation à l'enregistrement judiciaire de ses provisions de gouvernante de l'Anjou[38]. Tant d'atermoiements dans la délivrance de ce titre primordial, au regard duquel les pièces antérieurement fournies n'étaient que d'éblouissants protocoles[39], l'eussent dû rendre de prime abord suspecte ; et en effet sa teneur même recélait une surprise. Aux portes du chef-lieu du nouvel apanage de Marie de Médicis régnait dans le Saumurois sous l'appellation caractéristique de pape des huguenots le vieux Duplessis-Mornay, qui avait obtenu dès 1589 de l'amitié rémunératrice d'Henri de Navarre le gouvernement de cette première étape de sa marche vers le trône de France, et aux débuts du règne d'Henri IV, s'y était consolidé grâce à l'érection de la citadelle de Saumur par l'Édit de Nantes en place de sûreté. Dans ce poste privilégié, vite converti sous son énergique domination en école et en boulevard du protestantisme, Duplessis-Mornay se voyait de longue date en possession d'une indiscutable autonomie vis-à-vis des gouverneurs de l'Anjou, quand s'ouvrirent à Angoulême les pourparlers en vue de la remise de cette province à Marie de Médicis. Du plus loin que ce hargneux sectaire avisa l'installation limitrophe d'une reine trop agissante pour n'empiéter pas sur son libre domaine avec les anciennes allures de l'omnipotence, et qui depuis sa sortie de Blois l'importunait de ses sollicitations insurrectionnelles, il maugréa contre la menace d'un si fâcheux voisinage. En même temps, et comme harcelant d'étape en étape la Cour en marche sur Angoulême, il dépêcha coup sur coup son secrétaire Marbaut à Orléans et son gendre Fontenay à Amboise afin d'y stipuler vis-à-vis de Louis XIII, au regard de Marie de Médicis et en se targuant de son inféodation directe à l'autorité royale, le maintien de ses intactes franchises. Une telle démarche, au plus fort des préoccupations de Luynes à l'effet de réduire le champ des sûretés territoriales débattues avec la reine-mère, arrivait trop juste à propos pour qu'il songeât à se formaliser de la mauvaise humeur de Duplessis-Mornay. Quelle bonne fortune, en effet, au point de vue des calculs coercitifs de Luynes à l'égard de Marie de Médicis, que d'agréer une requête visant dans son nouvel apanage à couper les communication de l'Anjou avec la Touraine ! Luynes, d'ailleurs, vu les menaces de la séditieuse assemblée des huguenots de Loudun, comptait avec Duplessis-Mornay comme avec l'arbitre modérateur du protestantisme. Il s'estima donc fort heureux de déférer à ses réquisitions en insérant traîtreusement pour la réserve de son autonomie, dans les lettres patentes de Marie de Médicis, une formule captieuse destinée à la mettre aux prises cette fois avec le gouverneur de Saumur. On y mentionnait, en effet, la remise à la reine-mère du gouvernement d'Anjou pour en jouir, et ici nous donnons une citation textuelle, comme le précédent possesseur aurait fait. Or, dès l'arrivée en Anjou de Marie de Médicis, son lieutenant-général Du Bellay indiscrètement empressé de se faire valoir auprès d'elle, et mal informé des antécédents qui aux termes de ses provisions lui devaient servir de règle, la poussa à présenter son titre à l'enregistrement de la sénéchaussée de Saumur, soi-disant à l'instar du maréchal de Boisdauphin, prédécesseur immédiat de Marie de Médicis dans le gouvernement de la province qu'elle recevait en apanage. Le 16 novembre arriva donc à Saumur un courrier porteur desdites lettres patentes avec injonctions conformes au gouverneur et au sénéchal. Mais, dès le lendemain, Duplessis-Mornay accourut avec son gendre Tabarière au château de Brissac vers Marie de Médicis, pour arrêter la procédure attentatoire à ses immunités. Là, et en présence de Richelieu, il produisit sa requête en détrompant la reine-mère sur les précédents invoqués, avec démenti jeté à la face du lieutenant-général ; si bien que Marie de Médicis, rivalisant avec Luynes en fait de ménagements intéressés à l'égard du gouverneur de Saumur, se désista bénévolement de sa poursuite en gourmandant l'officier qui ne s'excusa que mal à ses yeux de la lui avoir si témérairement suggérée, et qui lui dut au plus vite retourner le dossier de ce malheureux conflit. N'importe, la démarche inconsidérée de la reine-mère avait produit l'effet qu'en attendait Luynes sur le morose vieillard attaqué dans son inviolabilité presque à demi séculaire. L'amertume de Duplessis-Mornay ne s'exhala pas toute en gémissements, et bientôt Marie de Médicis éprouvera de sa part le danger de se commettre avec un mauvais voisin. En revanche de tant de déconvenues infligées de tous les côtés à la reine-mère dans les délimitations de son apanage, et au fur et à mesure de la remise de ses titres, autour d'elle s'y propageait en sa faveur la plus salubre influence. Celui des conseillers de Marie de Médicis qui à Angoulême nous a seul paru jusqu'ici attaché à réconcilier à fond la famille royale, et qui à cet effet y avait préconisé les sûretés angevines comme les plus propices à sa domination pondératrice, Richelieu ne pouvait négliger de s'impatroniser dans la province dévolue à la reine-mère, au gré de ses propres vues, par de solides établissements à distribuer à sa famille et à ses créatures. Certes, à cet égard il avait beau jeu, grâce à sa situation de chef du conseil de Marie de Médicis et au surcroît d'ascendant acquis sur elle depuis le traité d'Angoulême, pour lui imposer presque ses recommandations. Aussi, appréhendant en Anjou comme d'autorité le monopole des investitures à l'exclusion de la factieuse cabale de Ruccellaï, et d'abord avisant les postes militaires, il promut au commandement du château d'Angers son frère acné le marquis Henri de Richelieu, brillant officier déjà parvenu au grade de maréchal de camp, et y préposa au commandement de la garnison son cousin le baron de Pontchâteau[40], et le marquis de la Flocellière, oncle du marquis de Brézé. Quant au gouvernement des Ponts-de-Cé ; Richelieu en pourvut son homme-lige Bettancourt. En ce qui est du gouvernement de Chinon, il en gratifia Chanteloube, enraciné déjà dans la Touraine par des inféodations patrimoniales ; Chanteloube, le plus malléable sinon le plus sûr des séides de Marie de Médicis, et dont on avait dû à ce prix, aux derniers pourparlers d'Angoulême, acheter les suffrages en faveur de l'option de l'Anjou, tout en le brouillant par là sûrement avec ses envieux consorts. Passant ensuite aux emplois de cour, avant tout Richelieu, soucieux de s'ingérer avec toute sa dextérité dans le chapitre de la direction de conscience, et après avoir doucement écarté d'auprès de Marie de Médicis son premier aumônier titulaire l'évêque de Chartres Hurault de Chiverny qu'il soupçonnait de pactiser avec les manœuvres hostiles de Luynes, Richelieu, dis-je, en réalité lui substitua sous la qualification d'aumônier ordinaire son plus indéfectible ami Sébastien Bouthillier, prieur de la Cochère et doyen du chapitre de Luçon. Venait ensuite la charge de secrétaire des commandements de la reine-mère, aux yeux de l'évêque de Luçon l'une des plus considérables, dont il ne crut pouvoir mieux disposer qu'au profit du frère même du prieur de la Cochère, le laborieux Claude Bouthillier, son futur surintendant des finances[41]. Par contre, à mesure que Richelieu implantait de main de maître en Anjou sa parenté et son vasselage, les séides de Marie de Médicis, mystifiés dans la vénalité de leur fanatisme par les envahissements de leur formidable rival, à l'envi désertaient la cause d'une reine taxée par eux d'ingratitude, et non sans invectiver Chanteloube, suppôt de l'évêque usurpateur, criaient-ils, et saturé de leurs dépouilles. Le signal du départ vint de l'extravagant Ruccellaï, supplanté dans la présidence du conseil de la reine-mère[42] et taré dans son estime ; et vite avec lui déguerpirent Mosny et Thémines. Car, dans le camp de Marie de Médicis un Thémines pouvait-il, en sa qualité d'ancien recors du maréchal d'Ancre[43], aspirer à moins qu'au brevet de gouverneur du château d'Angers ? Le gouvernement du château d'Angers ! n'était-ce pas là, d'autre part, le salaire non moins convoité du suffrage émis par Mosny d'accord avec l'heureux Chanteloube en faveur de l'option de l'Anjou aux dernières délibérations d'Angoulême ? Voilà donc toute la cabale frustrée en rumeur sur les chemins de la Cour. Car, bien entendu, à l'heure du départ d'Angoulême, ces irréconciliables de la veille s'étaient donné rendez-vous dans l'antichambre de Luynes, sans qu'au surplus le dédaigneux triomphateur, qui ne s'était fait qu'un jeu de les éliminer, s'émût de leurs lointaines menaces perdues dans le rayonnement de sa victoire. Et certes, il y avait lieu pour l'arbitre désormais incontesté des destinées de Marie de Médicis à se rasséréner avec elle dans l'atmosphère purgé de l'importunité de ses détracteurs, si cet essaim d'énergumènes en lâchant prise n'avait attaché à ses flancs un dard empoisonné. Car, peu après la promotion du marquis de Richelieu au gouvernement du château d'Angers, son compétiteur évincé Thémines, en l'apostrophant avec une virulence émanée de l'exaspération de son échec, le provoqua de suite à dégainer en pleine rue d'Angoulême. Dans ce champ clos improvisé le brillant maréchal de camp tomba moissonné dans sa fleur, sans que le père de Bérulle, accouru au cliquetis funèbre, ait eu le temps que d'appeler sur son dernier soupir une bénédiction céleste[44] ; et avec son noble sang s'échappa l'unique espoir de la survivance héréditaire du nom dont on voyait dès lors s'ébaucher les grandeurs[45]. Du même coup transpercé dans son grand cœur, où l'ambition du génie et l'orgueil seigneurial alimentaient le culte fraternel, Richelieu chancela sur le seuil de son incomparable carrière ; et ce n'est que grâce à son énergie surhumaine qu'il poursuivit sa route, en domptant sa souffrance aussi intrépidement qu'il avait naguère étouffé les murmures de la disgrâce. Bientôt d'ailleurs, et par là déjà se cicatrisait sa blessure, bientôt Richelieu pourvut à la vacance du gouvernement de la citadelle où il avait failli arborer son blason par la nomination de son oncle maternel, le loyal commandeur de Malte Amador de la Porte[46] ; et il désigna au poste de capitaine des gardes de Marie de Médicis vacant par le départ de Thémines son beau-frère Urbain de Maillé-Brezé[47]. En même temps, invariablement soigneux de s'entretenir dans le crédit de Marie de Médicis par le souci persévérant de sa défense, il multiplia par l'organe de son oncle les démarches à la Cour pour l'entretien de la garnison maintenue sous le commandement de sa famille, et pressa les recrutements et les marchés pour reconstituer son effectif, et la remonter en armes, en munitions, en équipements et en vivres. Concurremment à cette organisation militaire, et toujours avec le concours dévoué du commandeur de la Porte, vers la fin de septembre il captait en Anjou par de graduelles avances de politesse le clergé et l'armée, la municipalité et la bourgeoisie[48]. Bref, à la veille de l'installation de sa souveraine en son apanage définitif, et sous l'imminence d'un nouveau conflit entre une Cour prévenue et une reine mal satisfaite, autour d'elle Richelieu inaugurait par son plus beau côté la mission préventive qui, dans les péripéties du séjour en Anjou de Marie de Médicis, à nos yeux se résume en ces deux mots où ressort la diversité des manœuvres parallèles de son plus méfiant ennemi et de son plus sérieux serviteur : paralyser son action et amortir ses rancunes. II Pour remonter à la date du traité d'Angoulême, et comme nous l'avons déjà laissé entrevoir, la régularisation des titres constitutifs de l'apanage de Marie de Médicis n'était pas le seul obstacle à l'entrevue projetée avec son fils à Tours. Malgré l'empressement de Louis XIII à s'y acheminer dès après la réconciliation officielle, pour y veiller aux préparatifs de la réception de sa mère, autour de ses démonstrations d'impatience filiale on eût dit que Luynes et Marie de Médicis jouaient à s'éviter l'un l'autre. Luynes, en effet, ne pouvait laisser revenir à Tours la reine-mère sans Richelieu, qu'aux négociations d'Angoulême il n'avait utilisé près d'elle qu'en le replaçant à proximité du pouvoir, mais qui, une fois revenu à la Cour, se disait-il, forcerait l'entrée du conseil pour l'y supplanter. D'autre part, Marie de Médicis, qui répugnait à revenir dès le lendemain de la paix se livrer aux mains de ses ennemis de la veille et se montrer sur l'ancien théâtre de ses grandeurs, à demi-abattue derrière son fils et comme liée à son char de victoire, était bien décidée, pour sa sécurité personnelle et pour mieux imposer son serviteur, à ne reparaître elle-même à Paris qu'en triomphatrice. De son côté, Luynes, tout en s'adjoignant cauteleusement à l'invitation épistolaire adressée de Tours, le 31 mai, par Louis XIII à sa mère, et confirmée verbalement par une ambassade spéciale de son beau-père le duc de Montbazon[49], se flattait d'éterniser sous main l'éloignement de Marie de Médicis, en la maintenant de parti pris dans une ostensible défaveur où s'alimenteraient ses rancunes rétrospectives ; et de là, chez la reine-mère, depuis la paix d'Angoulême, avec de nouvelles défiances des griefs quotidiens, à l'inverse érigés par elle contre son fils en autant d'exceptions dilatoires. Grâce, en effet, à l'ajournement indéfini du départ d'Angoulême, où l'enracinaient d'ailleurs les incitations intéressées du duc d'Epernon, Marie de Médicis espérait user la longanimité de son fils qui, lassé de se morfondre en un rendez-vous illusoire, et y jugeant compromise à la longue la dignité royale, bientôt rebrousserait chemin vers sa capitale, il est vrai avec d'autres sentiments que ceux qui l'avaient amené d'Amboise à Tours. Mais, une fois débarrassée du voisinage d'ennemis qui, des rives de la Loire, la surveillaient de trop près, la reine-mère, en cela justifiant les pronostics du nonce et démentant les illusions du Père de Bérulle, espérait, à l'ombre de ses places fortes, et dans le champ restreint de son apanage, reprendre en sous-œuvre la revanche traversée par la paix d'Angoulême. Elle espérait, dis-je, à la tête d'un parti réorganisé, revenir à Paris la tête haute, en état de donner la loi ou tout au moins de compter dans le gouvernement. Luynes, d'ailleurs, ne semblait-il pas s'attacher à légitimer presque, en vue d'un tel idéal, les procrastinations de Marie de Médicis, en la refoulant derrière ses retranchements par l'endroit même où elle se sentait le plus attirée vers le rendez-vous filial ? Car c'était par l'inamissible prestige de sa qualité de reine-mère, impliquant toujours à travers les disgrâces une haute tutelle domestique à exercer sur la famille royale, que Marie de Médicis espérait ressaisir à la Cour un peu de considération ; et c'est cette qualité-là même qu'au lendemain du traité d'Angoulême Luynes avait d'abord le plus persévéramment méconnue. Déjà, durant l'exil à Blois de la reine-mère, Luynes, répudiant la politique extérieure de la régence, inaugurée par les alliances matrimoniales avec l'Espagne, était revenu au système inverse et plus patriotique d'Henri IV, appliqué à rechercher dans toutes les cours de l'Europe, et principalement en Italie, des contrepoids à la maison d'Autriche. De là le récent mariage de Christine de France avec le prince de Piémont Victor-Amédée, conclu à l'insu de Marie de Médicis estimée déchue du droit d'opiner sur l'établissement de ses enfants, pour avoir attaché son nom à la double union de Louis XIII avec Anne d'Autriche et d'Elisabeth de France avec Philippe IV. Par une suite des mêmes infractions systématiques à la hiérarchie de la famille royale, on s'abstint non moins soigneusement de consulter la reine-mère lorsqu'il s'agit de pourvoir à l'emploi de gouverneur de son fils favori Gaston, vacant par le décès du comte du Lude ; et, en effet, pouvait-elle souscrire au choix du colonel d'Ornano, l'un des complices de l'assassinat du maréchal d'Ancre ? Certes d'aussi brutales atteintes aux prérogatives maternelles élevaient au gré de Luynes, comme au profit de Marie de Médicis, d'infranchissables retranchements sur la route d'Angoulême à Tours. Mais là où Marie de Médicis avait surtout la partie belle au regard du jeu si serré de son antagoniste, c'était en lui rétorquant l'inexécution des clauses toujours éludées du traité d'Angoulême. Car les temporisations de Luynes ne portaient pas seulement sur la délivrance à la reine-mère des titres de son apanage. En dépit de ses réclamations verbalement transmises à Tours par le duc de Montbazon, elles affectaient la mise en œuvre même du pacte fondamental de la réconciliation de la maison royale. On ne se borna pas, en effet, à reculer jusqu'au 20 juin l'enregistrement du traité d'Angoulême : après l'accomplissement même de cette formalité qui lui conférait seule une sanction législative, et au mépris de ses articles essentiels, on traîna en longueur le payement des dettes contractées par la reine-mère depuis son exil, et les amnisties de ses adhérents. Ici, c'était le duc d'Epernon, qu'on hésitait de jour en jour à réintégrer dans les places militairement occupées sur lui depuis l'évasion de Blois ; et là, deux transfuges d'entre les officiers des gardes de Louis XIII, revenus d'Angoulême à Tours, mais obstinément écartés de leurs anciens postes d'honneur. C'est pour mieux donner le change au roi sur l'obliquité de ces manœuvres où la reine-mère et Luynes semblaient se donner le mot pour s'exclure ou se fuir, que nous avons vu celui-ci s'associer, pour la forme, aux appels que, de Tours, Louis XIII adressait à sa mère. Vint cependant un moment où force fut à Luynes d'épouser tout de bon les sollicitudes royales en vue du rapprochement espéré. Car, sous l'imminence de la prochaine assemblée des huguenots, soucieux de réclamer contre le rétablissement du catholicisme en Béarn et, à cet effet, convoqués le 24 mai pour le 25 septembre en la ville de Loudun contiguë à celle d'Angoulême, il devint urgent de tirer à tout prix de cet orageux voisinage et de détacher du duc d'Epernon Marie de Médicis. Aussi, dès le cours de juin, par un revirement graduel de sa souple tactique, et sauf les persévérantes lenteurs dans la remise de ses titres à la reine-mère, le timide favori peu à peu pressa davantage l'intégrale exécution du traité d'Angoulême, en recherchant de nouveau l'entremise aussi nécessaire que redoutée de Richelieu, pour décider Marie de Médicis au voyage de Tours. De son côté, celle-ci, poussant là-dessus ses avantages, et par un renchérissement de ses premiers moyens dilatoires, exigea d'abord une promesse littérale de Luynes, précisée dans ses termes par le contrôle du Père de Bérulle, et portant sur l'exécution intégrale du traité d'Angoulême, sur une réception convenable à la Cour et sur la libre administration de son apanage. Puis. elle excipa de la nécessité préalable d'appeler en cause les garants des promesses de la Cour les plus sûrs et, de prime abord, les moins suspects, à l'effet ou de soutenir à Paris sa considération ou de relever en Anjou son parti. A ce double point de vue, ce n'était pas certes le P. Arnoux, créature et confesseur de Luynes, et l'un des promoteurs de la restauration du catholicisme en Béarn, dont on pût récuser le cautionnement à la veille de l'assemblée de Loudun. Ce n'était pas non plus à une cour affichant la condamnation du gouvernement de la régence, à répudier au même titre la double entremise du duc de Mayenne et du prince de Piémont Victor-Amédée : l'un jadis armé des premiers contre le maréchal d'Ancre, et commandant hier encore l'armée d'Angoulême, et l'autre inféodé, ce semble, à la politique du nouveau favori par son récent mariage avec Christine de France. Aussi que n'eussent opéré ces deux considérables médiateurs au profit d'une cour dont ils avaient d'abord tiré leur lustre en lui prêtant leur appui, si, dès la conclusion du traité d'Angoulême, ils n'eussent déjà préparé vers Marie de Médicis leurs latentes évolutions ? Henri de Mayenne, fils de l'ancien lieutenant-général de la Ligue, tranchait sur les collatéraux amoindris de sa génération par sa physionomie chevaleresque, où se résumaient les traits les plus marquants de la race prestigieuse des Guise. Un homme de cette trempe et de ce sang, naguère armé des premiers contre le maréchal d'Ancre, ne se devait-il pas cabrer derechef sous le joug non moins neuf du fauconnier de Louis XIII, installé d'hier et le primant déjà sur les avenues de ce trône où son père avait failli s'asseoir ? Luynes, il est vrai, eût peut-être à force de ménagements fait oublier au petit-fils du héros de Calais et de Metz et au neveu du Balafré la soudaineté de son élévation ! Mais Luynes avait plus d'une fois choqué sa fierté en le sacrifiant à des arrangements de famille. A ses yeux, ce n'était pas assez que le duc de Mayenne se fût résigné au lointain gouvernement de la Guyenne en compensation de l'Ile-de-France, afin que Luynes y colloquât aux portes du Louvre son beau-père le duc de Montbazon. Par un surcroît d'indélicatesse, le plus digne des derniers rejetons de la maison de Lorraine n'avait pu briguer la main de l'héritière du vidame d'Amiens sans que Luynes lui ait osé souffler cet opulent parti au profit de son frère Cadenet. Si encore, à travers l'agrandissement des siens, Luynes avait su observer à tous autres égards envers le commandant en chef de l'armée d'Angoulême une stricte justice ! Mais deux ans s'étaient écoulés depuis le versement d'un subside de cinquante mille écus, effectué par le duc de Mayenne en 1617 au bénéfice de la dernière des coalitions contre le maréchal d'Ancre, et endossé par la Cour à titre d'indemnité de guerre en vertu de l'amnistie qui suivit sa chute, et le duc de Mayenne réclamait toujours en vain son remboursement au favori qu'au moyen de cette avance il avait si fort contribué à pousser au pinacle. Aux amertumes du grand seigneur si longtemps et si maladroitement berné répondaient, à l'extrémité opposée du théâtre de notre récit, de profonds désenchantements. Tout aussi fière que la maison de Lorraine et mue d'un plus aventureux essor, la maison de Savoie, depuis un demi-siècle, épiait toutes les révolutions des états confinant à l'Italie pour les exploiter au profit de son agrandissement. On sait comme, à la faveur des troubles de la Ligue, l'avisé duc Charles-Emmanuel s'était affermi dans la possession du marquisat de Saluces. Dix ans plus tard, lorsqu'à l'ouverture de sa régence Marie de Médicis répudia nos alliances anti-espagnoles, Charles-Emmanuel avait tenté tour à tour, contre la Suisse et les ducs de Mantoue, l'attaque de Genève et du Montferrat. Enfin, quand l'avènement de Luynes marqua notre retour vers les traditions nationales d'Henri IV, en adoptant, grâce au mariage de son fils ainé Victor-Amédée avec Christine de France, nos sollicitudes d'équilibre, Charles-Emmanuel espéra par là obtenir de Louis XIII, en vertu de vagues assurances, l'entrée dans son conseil, avec un grand commandement militaire qui l'autoriserait sur les deux versants des Alpes. Il espérait surtout par cette alliance, doublée de celle d'une de ses filles avec le prince de Galles, appuyer ses compétitions à la couronne impériale, vacante en Allemagne par le décès de l'empereur Matthias et que disputaient à la maison d'Autriche l'électeur palatin Frédéric V, gendre du roi d'Angleterre Jacques Ier, et les protestants insurgés de la Bohème. Pour la réalisation de ces beaux rêves, quels appoints d'ailleurs pour Charles-Emmanuel que les avantages par lui stipulés au profit de ses trois fils ! Car, outre la dot royale à fournir à Victor-Amédée, on avait promis à Thomas de Carignan une pension de cinquante mille écus avec maints bénéfices, et au cardinal de Savoie l'appui à Rome de sa candidature au titre de protecteur de la couronne de France. Mais aussi quelle désillusion pour la maison de Savoie depuis le mariage de Victor-Amédée et durant son voyage nuptial en France ! Non seulement Luynes, inaugurant à l'extérieur une politique encore plus modératrice que réactionnaire, se prononça pour le maintien de la couronne impériale dans la maison d'Autriche en la personne de l'archiduc Ferdinand, cousin-germain du défunt Matthias. Mais, ou se défiant de l'humeur du duc de Savoie ou jaloux de ses entreprises, et tout en traversant au profit d'Henriette de France son projet d'alliance matrimoniale avec le prince de Galles, il tint en France Victor-Amédée hors de toute participation des affaires du conseil et à l'écart de tout commandement militaire. Il ajourna de plus le payement de sa dot et la réalisation des avantages promis à ses deux frères, non moins systématiquement qu'il avait fait la solde de l'indemnité de guerre du duc de Mayenne. Pour comble de déboires aux yeux d'une race d'avenir, se classant près d'un siècle avant le traité d'Utrecht, et de par la double communication du sang d'Henri IV et de Philippe II, au rang des dynasties royales[50], à la cour de Louis XIII une dédaigneuse étiquette relégua Victor-Amédée et son frère Maurice dans la foule des princes de second ordre. En dépit de sa qualité de beau-frère du roi, Victor-Amédée ne put jamais être admis à se couvrir devant lui ni à manger à sa table. Quant au cardinal Maurice, à l'heure de son retour en Savoie il dut attendre trois heures l'évêque de Metz, frère naturel du roi et préposé au soin de le reconduire. Aussi, vu l'inconvenance de ces procédés, dont souffrait en eux la morgue espagnole infuse avec le sang des Habsbourg et l'éducation espagnole, le cardinal Maurice et Victor-Amédée allaient de guerre lasse brusquer leur départ, quand enfin arriva le prélat retardataire, mais avec l'offre dérisoire d'un carrosse dépourvu d'escorte. On conçoit à quel point de telles mortifications, infligées tour à tour aux deux maisons de Savoie et de Lorraine, inclinèrent vers le parti s'ébauchant à Angoulême sous le nom de Marie de Médicis, le duc de Mayenne et le duc Charles-Emmanuel : l'un avec un ressentiment combattu par les dernières hésitations de la loyauté héréditaire, et l'autre avec la versatilité de sa diplomatie d'expédients. De là il est vrai l'accueil si divers que reçurent chez les deux princes les premiers appels de la reine-mère à l'effet de lui garantir l'exécution sincère du traité d'Angoulême. Mais, sous son prudent déclinatoire, le duc de Mayenne parut suffisamment ébranlé au gré de Marie de Médicis, qui n'avait déjà que trop habilement consolé le prétendant évincé de l'héritière du vidame d'Amiens, par l'offre de la main d'une nièce issue de la maison souveraine des ducs de Mantoue. Aussi l'épée du guerrier qui venait d'imposer en Angoumois la paix à la reine-mère se devait vite retourner contre le favori en voie de l'éluder ou de l'enfreindre. Quant au duc de Savoie, rebuté des mépris d'un gouvernement qui prétendait, sans compter avec lui, l'entraîner clans son orbite, aux premières ouvertures de Marie de Médicis on devine l'agilité de sa conversion vers un parti qui avouait trop haut la nécessité de son appui pour se défendre de marcher à sa remorque. Une fois certaine des dispositions du duc de Savoie, et entrevoyant chez le duc de Mayenne l'imminence d'une volte-face, on conçoit que Marie de Médicis, par l'organe du duc de Montbazon et sur la sollicitation du P. de Bérulle, ait à coup sûr insisté vis-à-vis de Luynes sur un double appel en garantie que celui-ci, malgré ses répugnances, eût été par trop malavisé de lui dénier. En ce qui est en effet du duc de Mayenne, en regard des menaces de l'assemblée des huguenots de Loudun, Luynes pouvait-il sans danger suspecter les entremises de l'héritier du nom pouvant le mieux rallier les catholiques à la veille d'une nouvelle guerre de religion ? Quant au duc de Savoie, outre la nécessité de maintenir dans son attachement à l'alliance française, par la communication d'une plus large part d'influence politique, un si variable auxiliaire du programme restauré d'Henri IV, on espérait que les assiduités de son fils Victor-Amédée à titre d'époux de Christine de France avec Marie de Médicis, la réconcilieraient avec un mariage négocié au mépris de son autorité maternelle. Bref, aux premiers jours de juin, la reine-mère recevait de la Cour, par le P. de Bérulle, les autorisations aux fins de son exception de garantie ; et, dès le 13 du même mois, arrivait à Angoulême[51], après s'être assez fait prier pour couvrir son jeu, le plus immédiatement disponible de ses deux plaignants. Non que, dès l'arrivée de Victor-Amédée au quartier général du dernier soulèvement, il n'y eût une glace à rompre entre la mère de Christine et le gendre qu'on lui avait trop outrageusement imposé pour qu'elle pût s'interdire de le lui témoigner. Mais Victor-Amédée s'était d'avance résigné à essuyer d'entrée l'épineux accueil de Marie de Médicis, sauf ensuite à l'amadouer à force de prévenances. D'autre part, le futur héritier de Charles-Emmanuel semblait trop utile aux ressentiments de la reine-mère pour qu'à la première entrevue elle lui tint rigueur au delà de ce que comportait à ses yeux la nécessité d'accentuer son grief. Aussi, dès le soir et après les réserves prévues du colloque préliminaire, Marie de Médicis, assistée du duc d'Epernon, festoyait royalement son hôte illustre avec une magnificence affichée en contraste avec la mesquine réception du Louvre. Peu à peu l'on vit même, sous la citadelle d'Angoulême, se mêler à l'éclat des fêtes l'intimité des confidences et la réciprocité des engagements ; si bien que Victor-Amédée et son frère Thomas y eurent vite décidé Marie de Médicis à s'acheminer vers Tours sous leur garantie officielle, mais au fond dans l'unique but d'opérer chez Louis XIII un revirement filial avec l'appui secret et intéressé de la Savoie[52]. Tandis qu'à la veille d'une reprise d'armes, la reine-mère recrutait ses premiers soutenants dans ce fond d'inimitiés éveillées d'un bout à l'autre du royaume contre le parti en règne, en sa faveur mais plus loyalement Richelieu, aussi jaloux que Luynes de la détacher du duc d'Epernon, mais bien plus désireux que lui d'une réunion définitive de la famille royale, pressait de non moins énergiques ressorts. Tout en recommandant les exigences de Marie de Médicis avec articulation de ses griefs par le P. de Bérulle et le commandeur de la Porte[53], et non sans s'ingénier à dégager de tout péril d'inquiétantes entremises, il opérait d'Angoulême sur la conscience de Luynes, aussi fortement qu'il faisait à l'égard de Marie de Médicis en organisant autour d'elle son aumônerie angevine. C'est lui, sans doute, qui, pour mieux pallier ce qu'offrait de suspect aux yeux du favori l'appel en cause des deux princes mécontents de Savoie et de Lorraine ; c'est lui qui, d'accord avec le P. Suffren, confesseur de la reine-mère et le P. Joseph, suggéra à celle-ci l'idée d'y joindre l'intègre cautionnement du P. Arnoux, en sa qualité spéciale de confesseur de Louis XIII et de Luynes. Non qu'en s'y soumettant Luynes n'espérât encore ici louvoyer aux yeux du casuiste qu'il envisageait comme sa créature, et dont il avait fait naguère le complice abusé des rigueurs aggravant l'exil à Blois de Marie de Médicis. Mais, ici encore, l'évêque de Luçon s'évertua à prévenir toute nouvelle surprise en dictant au jésuite, à l'égard de son insaisissable pénitent, une formule de garantie endossée par Luynes le 22 août, et aussi rigoureuse qu'acceptable. Bref, sur la foi d'un traité scellé par l'autorité de la religion s'ajoutant aux convenances de la diplomatie et aux persuasions de la famille, Marie de Médicis, d'ailleurs sur les entrefaites régulièrement investie de son douaire, et dès lors plus confiante en sa force et plus relevée en considération, n'hésita plus, le 29 août, à s'acheminer vers Tours. En effet, rien ne manquait, ce semble, au succès de son voyage, quand le prélat qui venait de lui ménager, avec le double concours du P. de Bérulle et du P. Joseph, le plus honorable apanage et, à première vue, la plus sûre amnistie, lui servait encore là et d'introducteur et d'escorte[54]. Rien ne manquait plus, ce semble, au succès que Marie de Médicis augurait de l'entrevue de Tours, que le bon vouloir du favori qui l'y conviait avec le plus d'instance. Luynes, en effet, n'avait contribué à évoquer au regard de l'assemblée de Loudun cette mise en scène de réconciliation de la maison royale, que pour infirmer d'avance la portée de cet événement où il voyait péricliter sa fortune. Acculé jusque dans ses derniers retranchements à l'exécution de ses promesses, et par là voyant s'aplanir la route d'Angoulême à Tours, Luynes, du moins, pour se prémunit' d'avance contre l'accaparement maternel, y suscita sur les premiers degrés du trône contre Marie de Médicis, l'adversaire le plus maltraité de la régence et partant le, plus irréconciliable : espérant surtout par là écarter sans retour et la reine-mère et sa créature du théâtre abhorré d'une domination partagée. Depuis trois ans, à travers les coups d'état qui renouvelaient en France autour de lui la face du gouvernement, Henri II de Bourbon, petit-fils du héros de Jarnac, fils du premier protecteur officiel des réformés de France, et père du vainqueur de Rocroy, languissait aux portes de Paris dans une captivité sans issue. Incarcéré en 1616 à la Bastille pour y expier au lendemain de la paix de Loudun les provocations factieuses de la victoire envers Concini, qui par cette exécution n'assura qu'avec trop d'éclat sa revanche et marqua l'apogée de son règne, le prince de Condé, à l'avènement de Luynes et en dépit de la signification réactionnaire du coup d'État du 24 avril 1617, était resté jusqu'après le traité d'Angoulême confiné dans sa prison, sauf échange des tours de la Bastille contre le donjon de Vincennes, par la défiance du nouveau favori. Non qu'au lendemain de l'assassinat du maréchal d'Ancre, Luynes ait douté des ressentiments accumulés chez l'illustre captif durant sa longue détention contre le régime déchu qui la lui avait infligée. Mais les haines invétérées qui, avant son arrestation, avaient deux fois poussé Condé aux révoltes enfin châtiées par la prison de la Bastille et que ce châtiment n'avait pu qu'aggraver, poursuivaient en Marie de Médicis par delà la protectrice des Concini la mère de Louis XIII. A l'avènement d'Henri IV, alors engagé dans l'union stérile et non encore attaquée avec Marguerite de Navarre, Henri II de Bourbon, par le décès prématuré de son père Henri Ier, s'était vu longtemps, au regard de son cousin dépourvu d'enfants comme de collatéraux mâles dans la branche aînée des Bourbon-Vendôme, le prince du sang le plus rapproché de la couronne. C'est dire avec quelle sollicitude paternelle Henri IV éleva près de lui dans l'expectative d'un dauphin le jeune orphelin en qui se résuma jusqu'à l'annulation de son premier mariage tout son espoir dynastique. Mais aussi quel signal de déchéance pour l'héritier désigné du restaurateur du trône de saint Louis, quand sur ce trône, dont aucune postérité directe ne le séparait d'Henri IV, il vit Marguerite de Navarre céder la place à Marie de Médicis, à la féconde épouse bientôt entourée de la plus florissante et non de la moins virile des lignées royales. On peut juger dès lors si le prince évincé du premier degré du trône par la survenance des enfants de France put pardonner à celle qui se glorifiait de leur avoir donné le jour. On s'étonnerait plutôt qu'au décès d'Henri IV, Henri II de Bourbon n'ait pas étendu son animosité jusqu'au successeur en ligne directe assis sur ce même trône qu'il avait si longtemps envisagé comme son patrimoine. Bien plus, n'alla-t-on pas jusqu'à se représenter encore au lendemain de la chute de Concini le prisonnier de la Bastille prêt à remettre en question, au mépris des jugements canoniques, la validité du mariage de la mère de Louis XIII, et par là la légitimité de ce roi qui venait de sanctionner le meurtre du favori florentin par l'adoption de Luynes ! Quoi qu'il en soit de ces rumeurs, on voit à quel point Luynes, au jour de son élévation, dut répugner à l'élargissement d'un prince acharné, croyait-on, à ruiner dans le jeune Louis XIII émancipé l'origine même de sa fortune. Il y dut répugner, surtout en regard des démarches tentées à la fois en faveur d'Henri II de Bourbon par deux partis contraires mais également hostiles au régime inauguré par le coup d'état de 1617. Sous l'agitation confuse des cabales qui avaient sans relâche fatigué la minorité de Louis XIII, en effet gisait le levain de deux grands partis durant un demi-siècle en lutte ouverte, puis équilibrés sous la forte main d'Henri IV, mais sous le coup de son assassinat ravivés par tout ce que leur dut inspirer d'espoir ou de crainte la perspective d'une régence, avec ses intrigues, ses hasards et ses caprices. Nous avons par là suffisamment désigné le protestantisme et la vieille ligue. Nous savons aussi d'où provinrent les tressaillements de joie et les cris d'alarme, quand Marie de Médicis inaugura son règne par la disgrâce de Sully et les pourparlers de la double alliance matrimoniale avec l'Espagne ; quand surtout, pour le couronnement de cette politique florentine, en 1615, aux rives de la Bidassoa, s'opéra sous la protection militaire d'un Guise l'échange de Madame Élisabeth de France contre l'infante Anne d'Autriche. Pour ramener les deux grands partis religieux du catholicisme triomphant et de la réforme inquiète à travers l'antagonisme des principes et la diversité des manœuvres à l'unisson des défiances, il fallait une de ces révolutions de cour trop aveuglément souhaitées par les disgraciés de la veille pour ne pas tromper vite leurs espérances et trop originellement réprouvées par les opinions qu'elles détrônent pour trouver grâce devant elles. C'est dire à quel point Luynes, ce précurseur inégal mais longtemps méconnu du grand homme d'état qui fut à la fois le vainqueur de la Rochelle et de l'alliée de Gustave-Adolphe, encourut vite la commune défaveur des deux religions adverses, en menant de front, dans l'essai d'une politique aussi complexe qu'homogène, le rétablissement du catholicisme en Béarn et la négociation du mariage d'Henriette de France avec l'hérétique Angleterre. De là, peu après l'élévation de Luynes, le ralliement des débris des anciens partis religieux en deux groupes d'opposition distincts : ici les Bouillon, les Lesdiguières et les La Trémouille, et là les Montmorency[55], les Mayenne et les Nevers. De là surtout les sollicitudes simultanées des deux camps visant respectivement à arborer le seul nom dont se pût autoriser leur cause, et qui, à cet effet, les amenèrent à la fois pour ainsi dire au pied du château de Vincennes. C'est que le château de Vincennes, au lendemain de l'avènement de Luynes, recelait comme point de mire à la revendication des partis en hostilité contre le gouvernement le chef le plus en vue par son titre de premier prince du sang, et accessible aux accaparements les plus contradictoires par sa physionomie disparate et la mobilité de son humeur tranchant sur la permanence de ses lointaines rancunes. En un mot, c'était à qui des deux anciens partis de religion arracherait à la captivité pour son propre compte et placerait à sa tête Henri II de Bourbon, qu'attiraient d'un côté les souvenirs héréditaires et les accointances personnelles, et de l'autre les adhérences de famille et l'éducation catholique. A la veille de se voir alternativement sommé par les huguenots et par le groupe des Montmorency[56], de leur livrer le prisonnier qui depuis le coup d'État de 1617 entre ses mains constituait le gage le plus précieux de sa victoire, Luynes éprouva les plus étranges perplexités. Après s'être longtemps demandé s'il enhardirait davantage contre son autorité les deux partis religieux en prévenant leurs désirs ou en subissant leur contrainte, son inclination naturelle l'eût enfin porté à ouvrir de lui-même les portes de Vincennes, afin d'ôter aux catholiques et aux protestants leur commun prétexte de révolte en se sauvant lui-même à leur égard par cette libre initiative de tout semblant d'intimidation. Mais autour de Luynes diverses contradictions tenaient sa démarche en échec. Entre Luynes et Condé s'interposaient avant tout les défiances de Louis XIII, qui envisageait dans l'agitateur châtié par la prison de la Bastille, au regard de la postérité d'Henri IV, l'éternel retentissement d'un collatéral supplanté. C'étaient ensuite les appréhensions du nonce[57], trop éclairé sur l'humeur du prince pour que sa profession de foi canonique le rassurât pleinement sur sa versatibilité naturelle, et qui même redoutait de voir au sortir de Vincennes acclamé en roi par les coreligionnaires de sa race celui qui les avait la veille, au jour de l'échange des deux princesses de France et d'Espagne, ameutés sur le chemin de la Bidassoa. C'étaient enfin et surtout les mauvais offices d'une mortelle ennemie convoitant aussi implacablement à la Cour la situation de Condé que lui-même faisait celle de la légitime postérité d'Henri IV. Depuis 1612, Anne de Montafié, veuve de Charles, comte de Soissons et frère puîné d'Henri Ier de Condé, ne voyait son fils encore adulte séparé du rang de premier prince de sang que par Henri II de Condé, fils du défunt Henri Ier, et partant seul représentant de leur commune souche cadette dans la maison de Bourbon. C'est dire avec quel acharnement maternel l'habile et ambitieuse comtesse de Soissons entreprit au Louvre la ruine du seul collatéral en droit de primer le jeune Louis de Soissons sur le second degré du trône. Aussi l'on devine la joie d'Anne de Montafié au jour de l'arrestation de Condé, qu'elle-même peut-être avait en partie suggérée. Plus tard on voit croître ses espérances en raison des progrès de la maladie que l'illustre captif contracta dans les rigueurs de sa détention de la Bastille, et qui longtemps mit ses jours en péril. Par là même aussi on juge à quel point la comtesse de Soissons brilla de se dédommager du dépit essuyé de la guérison inattendue du prince, favorisée par l'adoucissement du régime de Vincennes, en appuyant auprès de Luynes, au sujet de l'élargissement sollicité, les craintes respectives de Louis XIII et du nonce. Pour parfaire l'imbroglio de mines et de contre-mines jouant autour de la prison du premier prince du sang, il n'y manquait plus que l'entrée en scène de Marie de Médicis qui, dès après sa sortie de Blois, à son tour ouvrit ses tranchées au pied du château de Vincennes. Marie de Médicis ! tel est le nom que d'abord invoquèrent simultanément dans leurs manœuvres distinctes en faveur de la délivrance de Condé au lendemain de l'avènement de Luynes, les deux groupes d'opposition religieuse. Car Marie de Médicis appartenait d'avance aux catholiques, en même temps que sa qualité de victime du nouveau favori la rapprochait des huguenots désabusés. Mais au lieu de s'inféoder au parti qui aurait le premier tiré Condé des mains de Luynes pour lui imposer avec ce renfort les conditions de son alliance, la reine-mère entendait s'adjuger à elle seule et opposer à Luynes pour son propre compte le prisonnier de Vincennes. Elle le voulait tout à elle, non pas en subissant son joug, mais en l'utilisant après sa victoire, avec la maturité de l'expérience et sous la main de Richelieu, comme un modérateur entre les vieux coreligionnaires du héros de Jarnac et les orthodoxes envisageant l'éducation ultramontaine de l'héritier longtemps désigné du trône de saint Louis. Ce n'est pas qu'au moment de songer à se l'accaparer, la reine-mère s'aveuglât sur l'abîme qui la séparait de Condé. Car l'ancien héritier présomptif de la couronne pouvait-il jamais oublier qu'à ce point de vue sa déchéance datait de l'introduction de Marie de Médicis dans le lit d'Henri IV ? Et en 1616 l'ennemi déclaré des Concini ne s'était-il pas vu poussé à la Bastille par cette même main tendue aujourd'hui vers lui sous les créneaux de Vincennes ? Mais Marie de Médicis ne désespérait pas d'amener le perturbateur de sa régence au commun rendez-vous de leurs animosités respectives, au pied même et pour l'ébranlement de ce trône qui avait échappé tour à tour aux expectatives collatérales et à la domination maternelle. Comment d'ailleurs, se disait-elle, un rejeton de la race magnanime des Bourbons ne sentirait-il pas en lui la gratitude primer les rancunes, en voyant l'ennemie qu'en dix ans il n'avait pu se lasser de se rendre irréconciliable venir elle-même briser ses fers ? Pour regagner Condé à titre de libératrice, Marie de Médicis affecta d'abord de s'apitoyer sur son sort, en insérant adroitement, à l'instigation de Richelieu, dans le cahier de ses griefs adressé d'Angoulême à la Cour, un désaveu de l'emprisonnement du prince, imputable à de prétendues calomnies, avec des doléances sur l'ajournement indéfini de sa délivrance. Puis, redoutant d'être prise au mot du côté de la Cour par une diligence rivale de la sienne, aux pourparlers en vue de la paix d'Angoulême et par l'organe du père de Bérulle elle stipula comme prix de son adhésion aux volontés du Roi un sursis dans l'élargissement en question jusqu'au jour de sa rentrée à la Cour, indice le plus apparent de son crédit maternel : afin que le captif rendu enfin à ce moment-là même et comme pour l'inauguration de ce rajeunissement de faveur à la liberté, s'en reconnût redevable à elle seule. Ce n'était pas sans de puissants motifs que Marie de Médicis autour du château de Vincennes évoluait aussi ostensiblement en libératrice. Car c'est précisément de Vincennes qu'allait surgir sous les mains de Luynes l'adversaire le plus en relief à opposer à la reine-mère, ou plutôt à Richelieu la ramenant en triomphe à Tours, si elle-même préalablement ne devançait Luynes en fait d'accaparement. Tandis qu'en effet protestants et ultramontains se disputaient la possession du premier prince du sang, entre Luynes et Marie de Médicis, à la veille de l'entrevue de Tours, l'enjeu c'était de s'adjuger sa reconnaissance. Dès le jour en effet où Marie de Médicis eut pratiqué son évasion de Blois, Luynes, avec sa sagace jalousie, entrevit à quel point elle devait tenir à autoriser le parti s'ébauchant à Angoulême du nom du premier prince du sang, et partant combien elle s'acharnerait à forcer les verroux de Vincennes pour attirer Condé à son quartier général. Une aussi inquiétante perspective dès lors coupa court aux tergiversations de Luynes sur le sort de son otage : à cet égard, il ne pouvait plus s'agir pour lui que de gagner de vitesse à tout prix la reine-mère. Certes, Luynes ne se dissimulait pas combien Marie de Médicis lui était une concurrente redoutable, en assignant à Condé comme rendez-vous le camp d'Angoulême. Mais avant d'opter entre la cause royale et une coalition de mécomptes et de disgrâces, on pouvait se demander si Condé poursuivrait de son animosité la plus implacable l'héritier du trône d'Henri IV ou celle qui l'avait nourri dans son sein ; et à cet égard, en égalisant toutes choses, le prisonnier de Vincennes ne préférerait-il pas aux avances équivoques d'une mortelle ennemie de la veille, les démarches plus logiques de celui qui datait de l'immolation de Concini son avènement au pouvoir. Ne fût-ce que pour le libre jeu d'une pétulance héréditaire comprimée par une captivité de trois ans, et que stimulait l'imminente perspective d'un rôle à jouer sur le théâtre d'une guerre civile, Condé ne se verrait-il pas plus de marge dans le camp de Louis XIII, auprès d'un favori timide et politiquement déférant, que du côté de Marie de Médicis où il subirait la domination de Richelieu ? C'est du moins ce que Luynes augurait des inclinations de celui en qui par-là même il entrevoyait, à dater de sa sortie de Vincennes, un auxiliaire encore plus embarrassant au Louvre qu'il ne lui serait à Angoulême ou en Anjou un dangereux ennemi. Non qu'au jour de la réapparition de Condé à la Cour, Luynes ne se résignât de bonne grâce à l'effacement hiérarchique, en parvenu bien autrement sensé que le maréchal d'Ancre. Mais il se demandait si les impatientes ardeurs prêtes à se ruer sous sa main n'entraveraient pas au conseil du roi l'exercice pleinier de sa discrète influence autant que le ferait l'altier génie de l'évêque du Luçon ; et certes, il y avait là de quoi redoubler les perplexités de Luynes au seuil de la prison qu'il allait ouvrir, si l'agitation même des humeurs du captif ne lui assurait d'avance, au moins lé croyait-il, sa malléabilité. C'est justement sur ce que lui offrait ainsi de traitable, au moins sous les verrous de Vincennes, l'impétuosité désœuvrée du prince, que dès après le coup d'État de 1617, en attendant l'adoption à son égard d'un parti radical et dans l'hypothèse d'un retour offensif de Marie de Médicis, Luynes s'était appliqué à tourner Condé par degrés irrévocablement contre elle, avant qu'à l'inverse elle-même prît les devants. A cet effet, il lui fallut d'abord se garer des circonvallations se croisant au pied de la citadelle de toutes parts assiégée, en la munissant des plus incorruptibles geôliers et en en renforçant les portes sous la surveillance de son frère Cadenet, promu à l'exclusion du duc de Montmorency à la capitainerie de Vincennes. A l'abri de ce rempart, et grâce aux démarches de son oncle et de son agent Modène[58] qui d'ailleurs entretenait avec Cadenet la jalousie des partis en vedette, Luynes s'ingénia par degrés à adoucir et à recréer le régime du détenu, tout en observant de jour en jour l'orientation de ses sentiments sans s'ouvrir lui-même sur l'issue de sa captivité. Sous le bénéfice de cette investigation aussi pénétrante que silencieuse, on aéra d'abord la prison de la Bastille ; puis on l'échangea contre les logements plus salubres et plus vastes de Vincennes. Ensuite on laissa pénétrer près du prince la plus suave consolation en la personne de sa jeune femme, la belle et désormais irréprochable Marguerite de Montmorency, trop longtemps insurgée contre l'exil que lui durent imposer sous Henri IV les soucis de l'honneur conjugal, mais en retour venant d'elle-même partager la prison de Vincennes. Enfin, pour qu'à Vincennes tout concourût aux adoucissements calculés, depuis la confortabilité matérielle et les joies domestiques jusqu'aux satisfactions les plus princières, on rendit à Condé avec tous les semblants de la magnanimité son épée deux fois dégainée contre l'autorité légitime, en lui assignant par là le recouvrement de son ancienne place au pied du trône, s'il poursuivait sous les drapeaux du Roi sa haine contre Marie de Médicis. Lorsqu'enfin par ces habiles ménagements d'égards et d'avances Luynes eut sûrement fixé dans le sens de la Cour les sentiments du prince[59], il jugea le moment venu de s'arroger tout de bon à ses yeux le mérite de sa délivrance, à la veille des revendications séditieuses de Loudun et surtout en regard des derniers progrès de Marie de Médicis, qui venait de pousser jusqu'au pied du château de Vincennes ses travaux d'approche. Tandis qu'en effet Marie de Médicis obtenait comme prix de son adhésion au traité d'Angoulême, à la date du 16 avril 1619, une promesse formelle de sursis[60] dans la délivrance de Condé jusqu'à la réunion de la famille royale, afin d'en constituer le captif redevable à elle seule, insidieusement et sous main, aux yeux de ce captif altéré de mouvement et de vie, on imputait à une inéluctable exigence de la reine-mère l'ajournement d'un bienfait soi-disant dû en principe à l'initiative de la Cour. Lorsqu'enfin apparut à Tours Marie de Médicis, empressée de s'afficher aux yeux de Condé en libératrice, au sommet de la brèche qu'elle allait escalader Luynes lui ravit son gage au moyen de la plus traitreuse démarche. A peine s'était effectuée sous les auspices du duc de Montbazon, à son château de Cousières sis aux portes de Tours, et sous les yeux de Luynes, l'entrevue moins cordiale qu'officielle et purement préliminaire de Louis XIII et de Marie de Médicis, que l'astucieux favori, sous couleur d'observer religieusement à l'égard de la reine-mère les promesses formelles touchant la liberté du prince, lui posa là-dessus à l'improviste la question d'opportunité. C'était placer Marie de Médicis dans la plus scabreuse alternative. Opinait-elle pour l'affirmative, Luynes comptait s'autoriser de cette adhésion pour bénéficier à lui seul de l'antériorité de ses propres ouvertures. Si au contraire, moins pressée encore de l'élargissement de Condé que soucieuse de s'en réserver l'heure propice, la reine-mère opposait à la mise en demeure de Luynes des dénégations intéressées, Luynes ne manquerait pas d'en empoisonner le mobile aux yeux de l'impatient captif. Pour se garer du double écueil perçant sous la captieuse interrogation du favori, et d'ailleurs confiante dans l'engagement pris par le roi de laisser tomber de ses propres mains dès à sa réinstallation au Louvre le signal de la liberté de Condé, Marie de Médicis crut se dérober à son adversaire par une ingénieuse échappatoire, en se déclarant sur la question posée trop prise au dépourvu pour ne s'en rapporter pas à la sagesse de la Cour. On ne pouvait se donner mieux le semblant d'abdiquer toute participation à l'ouverture immédiate des portes de Vincennes, et c'est ce qu'aussitôt Luynes se tint pour dit. Une fois muni de l'imprudent déclinatoire qui lui abandonnait en apparence l'honneur d'une démarche aussitôt déclarée urgente, Luynes s'ingénia à prévenir là-dessus à Paris un éclaircissement entre Marie de Médicis et Louis XIII. A cet effet, brusquant à Tours, ainsi qu'il l'avait fait au jour du départ pour Blois de Marie de Médicis, la séparation soi-disant provisoire de la mère et du fils, il attira le roi vers son gouvernement d'Amboise comme vers une première étape du retour à Paris, afin d'y marquer là du sceau de l'homologation royale à l'insu de la reine-mère et sous une date primant celle du commun rendez-vous au Louvre, la délivrance dont il entendait seul escompter le profit en y attachant son nom. Dès ce soir-là même, au château d'Amboise, la partie était liée, et dès le lendemain à Tours Marie de Médicis recevait en dévorant son dépit la désobligeante notification d'où surgissait contre elle un ennemi de plus[61]. Mais si Luynes, en intimidant les huguenots de Loudun par la mise en scène de l'entrevue de Tours, obviait au péril dont ce dernier événement menaçait sa fortune par l'évocation d'un premier prince du sang armé de pied en cap contre Marie de Médicis, en revanche Marie de Médicis ne demandait qu'à se prévaloir d'une aussi patente dénonciation d'hostilités, en vue de la réorganisation militaire de son parti mise par là plus plausiblement que jamais sous le jour d'une nécessité de défense. Le départ précipité du roi ne lui laissait même que trop le champ libre sur les rives de la Loire, afin d'y rallier dans son apanage hors d'une incommode surveillance ses anciens éléments de révolte. En vain Louis XIII et Luynes exhortèrent à l'envi sinon avec la même sincérité Marie de Médicis, et en vain elle-même s'engageait à venir reprendre sa place au Louvre dès que se serait effectuée dans son gouvernement l'installation dont elle prétextait la convenance immédiate : au fond le favori et la reine-mère ne songeaient par là qu'à s'éblouir l'un l'autre. Si en effet dans sa rébellion Marie de Médicis ne s'autorisait que trop de la délivrance de Condé résolue sous les auspices de Luynes, en revanche, par l'ostensible accaparement du premier prince du sang Luynes avait cherché moins encore à se prémunir contre la reine-mère qu'à la rejeter à distance. Car le soupçonneux favori qui à Tours n'avait pas laissé un instant seul Louis XIII en tête à tête avec sa mère, ne voulait pas plus d'elle à Paris qu'elle-même ne se souciait d'y rentrer pour n'y figurer qu'en trophée de la victoire obtenue contre elle sous les murs d'Angoulême. Bref, au lendemain de l'entrevue de Tours, Marie de Médicis et Luynes se retrouvaient en face de l'abîme ouvert entre eux par l'explosion d'avril 1617 ; et ces deux persévérants adversaires ne se le dissimulaient que pour le creuser encore plus avant sous les pas l'un de l'autre. La reine-mère la première, en réplique à l'anticipation significative du dénouement de Vincennes, au sortir de Tours et sur le chemin de son apanage caressa les ferments de discorde les plus rapprochés d'elle, et d'ailleurs les plus attirés de son côté par l'affinité des mécomptes. Nous voulons parler justement de ces huguenots en rumeur, que Luynes avait cru réduire au silence grâce à l'appareil de l'entrevue de Tours, et à qui il avait soutiré en la personne de Condé leur chef héréditaire, par cet exploit-là même qui dépossédait d'un homme-lige aussi qualifié Marie de Médicis. Isolée en même temps du duc d'Épernon, provisoirement attiédi par les politiques satisfactions tirées enfin du traité d'Angoulême, et à Cousières trahie dans la reprise des colloques avec son garant Victor-Amédée, par les mêmes regards braqués sur les épanchements maternels, la reine-mère se retourna vers les réformés de l'assemblée de Loudun, pour entrevoir ce qu'au besoin ils lui pourraient fournir d'appui matériel, en échange de son patronage sinon nominal au moins tacitement effectif. Dès le lendemain de son évasion de Blois d'ailleurs Marie de Médicis, avec l'aide du duc d'Épernon, avait doucement pratiqué l'assemblée alors illégalement ouverte à La Rochelle, sous le coup de l'édit du rétablissement du catholicisme en Béarn ; et il avait fallu l'entremise de Duplessis-Mornay pour déterminer ses imprudents coreligionnaires à se racheter au moins des rigueurs dues à leur désobéissance par la répudiation de toute solidarité avec l'impuissant complot d'Angoulême. Mais, après la résolution prise de la délivrance de Condé au profit de Luynes, la pénurie d'alliances intérieures et la nécessité d'un drapeau ramenèrent d'instinct et sans se l'avouer la nouvelle gouvernante de l'Anjou et l'assemblée cette fois dûment autorisée de Loudun à des velléités de compromis où, en retour de la régularisation officielle couvrant désormais de guerre lasse les conciliabules de la réforme, la reine-mère offrait pour sa part les ressources limitrophes de son apanage. Aussi, dans l'organisation du voyage qui de Tours l'y devait acheminer, la reine-mère se traça-t-elle un itinéraire côtoyant d'aussi près que possible le nouveau siège des délibérations des sectaires dont les yeux se tournaient vers elle : espérant, grâce à l'attraction du voisinage et sans graviter elle-même dans leur orbite, provoquer de leur part envers elle l'initiative d'une démarche. Dès qu'en effet l'assemblée eut vent du prochain passage de Marie de Médicis à Champigny, bourg situé seulement à trois lieues.de Loudun et formant ainsi son étape la plus rapprochée d'eux, ils lui expédièrent cinq députés porteurs d'une lettre lui offrant en amorce de vagues obséquiosités. Mais sur les entrefaites la Cour, alarmée de voir la reine-mère décrire à proximité du colloque séditieux de l'hérésie une tangente aussi suspecte, avait expédié à Champigny Brantes, l'un des frères de Luynes, avec le mandat officiel et d'avance désespéré de lui faire agréer au seuil de son apanage la décision capitale prise à Tours en dehors d'elle, mais en réalité comme éclaireur, à l'effet d'épier et au besoin de traverser ses agissements interlopes. On peut juger si cette malencontreuse visite surprit désagréablement aux abords du théâtre projeté de l'entrevue subreptice les députés de Loudun, qui désormais ne pouvaient plus ni rétrograder sans s'avouer en faute, ni poursuivre leur trame sous des yeux inquisiteurs. Pour eux le seul parti désormais à prendre, c'était de braver résolument la présence de Brantes avec l'attitude correcte empruntée à la source régularisée de leurs pouvoirs et sous le couvert d'une indispensable démonstration de politesse à l'égard d'une grande reine traversant leur horizon. Mais ni l'innocuité des formules échangées le 10 octobre dans la réception officielle des députés huguenots par Marie de Médicis assistée de Brantes, ni même la réserve de la reine-mère sur le chapitre de la liberté de Condé, ne donnèrent le change aux préventions de cour sur la portée des correspondances souterraines simultanément interceptées. Quelque soin que prit Duplessis-Mornay pour assainir les communications épistolaires de la reine-mère avec l'assemblée de Loudun, comme il avait déjà fait celles précédemment ouvertes entre Angoulême et La Rochelle, au regard des favoris en règne l'irréprochable mais cajolante réponse de Marie de Médicis aux dernières avances de l'hérésie se noircit de toute l'intensité de leurs méfiances[62]. Les soupçons de Luynes s'accrurent lorsqu'il vit Marie de Médicis, après avoir sur son parcours sondé les dispositions de ses alliés éventuels, au ternie de son voyage et sur les avenues de son apanage procéder à l'énumération de ses propres forces. A mesure que Marie de Médicis avait vu Luynes se précautionner vis-à-vis d'elle au cours des négociations relatives à l'établissement de ses sûretés angevines, elle avait cherché à s'y dédommager de son resserrement territorial et de la précarité de ses titres par la solidité des attaches locales. Dès l'an 1614, au lendemain du traité de Sainte-Menehould, et en allant par les rives de la Loire achever de pacifier en Bretagne les premiers troubles de sa régence, Marie de Médicis avait déjà capté les sympathies de la province appelée à lui devenir une patrie adoptive en y goûtant de sa meilleure grâce les charmes d'une hospitalité proverbiale. Ce premier fond d'attache populaire, Marie de Médicis l'avait depuis soigneusement cultivé dès la communication des premiers titres de son investiture, en gratifiant l'Anjou des prémices d'une administration libérale et réparatrice. A cet égard, Dieu sait quels applaudissements y accueillirent et le maintien des garanties d'équité personnifiées héréditairement dans l'hôtel-de-ville angevin sous le nom vénéré du maire Lasnier[63], et la révocation de l'ancien gouverneur des Ponts-de-Cé Bonneveau si abhorré pour ses rigueurs fiscales exercées au sujet des péages de la Loire[64]. En retour d'aussi séductrices avances émanées de l'habileté florentine, rappelons-nous aussi les clameurs qui surgirent de la cité angevine lors du dégarnissement clandestin de ses arsenaux par le gouverneur sortant Fouquet de la Varenne. En s'associant avec cet éclat à la revendication des garanties vitales assurées en vertu du traité d'Angoulême à Marie de Médicis, l'Anjou ne s'était-il pas militairement inféodé à sa souveraine ? Dès lors, quoi d'étonnant si, au jour de son entrée solennelle en son gouvernement, on vit reluire et s'incliner sur son passage les vieilles armures des milices guisardes retrempées dans l'amour filial voué à l'épouse du miséricordieux vainqueur de la Ligue ? Dès qu'en effet Marie de Médicis arrivant par les Ponts-de-Cé en Anjou, le 16 octobre, eut paru en vue de la cité angevine, aussitôt s'ouvrirent en haie sur son passage huit cents cavaliers nobles, ayant à leur tête le gouverneur sortant Boisdauphin, le lieutenant-général du Bellay, le commandeur de la Porte et le marquis de Brézé. Plus loin, à douze cents pas des faubourgs, débouchèrent en échiquier détaché pour la libre circulation dans leurs rangs, cinq bataillons formés de six cents mousquetaires qui, dans leur halte, firent face de partout à leur souveraine. En même temps deux rangs d'arbalétriers qui bordaient la route vinrent s'échelonner autour de la litière de Marie de Médicis pour l'escorter jusqu'à la résidence urbaine que lui avait somptueusement préparée l'hospitalité municipale. Bref, depuis le passage de la Loire jusqu'aux remparts abritant dès lors dans son chef-lieu la gouvernante de l'Anjou, l'on n'avait compté guère moins de dix mille hommes accourus au devant d'elle pour lui présenter les armes. C'en était assez pour offusquer une Cour saturée déjà de tant de préventions. Ni les inoffensives harangues de bienvenue débitées sur le parcours de Marie de Médicis, ni les rameaux d'olivier foisonnant sur les écussons des arcs de triomphe, ni le souvenir même des recommandations de Louis XIII revendiquant pour sa mère, à la veille de sa réception en son apanage, les honneurs dus à la seule majesté royale, ne prévalurent sur les sinistres interprétations tirées de l'apparat militaire du 16 octobre. Sans que d'avance on pût assigner le théâtre du dénouement de la querelle prête à se rallumer au sein de la famille royale, en cavalcadant sur le chemin des Ponts-de-Cé au front des milices angevines Marie de Médicis, aux yeux du plus inquiet des favoris, apparaissait, si nous nous pouvons exprimer ainsi, comme un général d'armée passant une revue-sur un champ de bataille[65]. Non seulement la Cour, dans son émoi, se dépeignait déjà autour de Marie de Médicis, à peine rendue au chef-lieu de son apanage, une armée et des alliés ; mais aux yeux des favoris semblait s'y déceler encore sous son autorité nominale un chef de parti. Nous avons laissé Richelieu ramenant d'Angoulême à Tours Marie de Médicis qu'il devait croire honorablement réconciliée avec son fils, mais ne l'y ramenant que pour embarrasser la Cour du prestige de son propre triomphe lié à la rentrée en grâce de sa protectrice. Car où y trouver désormais pour la victorieuse créature de la reine-mère, une situation convenablement rassurante au regard de Luynes ? Comment oser consigner le négociateur du traité d'Angoulême et de l'entrevue de Cousières à la porte du conseil du roi ? et comment l'en laisser franchir le seuil autrement qu'en dominateur exclusif, ainsi qu'il nous est apparu déjà sur le premier théâtre de ses entremises opérées depuis le retour d'Avignon ? Encore moins pouvait-on décemment replonger dans l'exil, une fois sa mission glorieusement close et à travers les sincères félicitations de Louis XIII, l'arbitre désormais incontesté des querelles de la famille royale Au regard d'un aussi envahissant génie telles eussent été du moins les perplexités du favori en règne, sans la perfide manœuvre évoquant au pied du trône, en la personne du captif libéré de Vincennes et au moment même de son arrivée à Tours, un non moins implacable ennemi de Richelieu que de la reine-mère ; un ennemi qui ne pouvait pardonner au hardi prélat d'avoir été arrêté sous son premier ministère et surtout à son instigation. A ce coup non moins grièvement déçu que la reine-mère dans ses visées d'homme d'état, en envisageant les impossibilités édifiées par là même à son adresse au sein du conseil suprême, où allaient désormais siéger à sa face les invincibles contradictions de la rancune, il ne restait plus à Richelieu d'autre asile pour sa dignité et ses espérances qu'auprès de celle dont il avait indissolublement épousé les disgrâces, et sur le théâtre de leur commune revanche. Sans qu'en effet après l'entrevue de Tours on puisse préciser la date de l'acheminement de Richelieu en Anjou, l'on peut affirmer qu'il y suivit de près Marie de Médicis[66], environné de sa propre considération locale à l'appui de ses vues sagement restauratrices. Mais, malgré la sagesse de ses calculs, après l'annonce de l'élargissement de Condé et une fois implanté dans l'apanage contigu à ses domaines de famille, Richelieu y sembla trop dangereusement lié avec la reine-mère par la solidarité du grief et la cohésion territoriale pour que Luynes ne se reprit encore plus qu'avant l'exil d'Avignon à incriminer ses allures. En cela, d'ailleurs, ne prévalurent que trop les damnables offices des anciens déserteurs de la Cour d'Angoulême, à savoir Mosny et Thémines et surtout l'abbé Ruccellaï. Car, du nouveau théâtre de ses agitations, Ruccellaï, l'ancien libérateur de Marie de Médicis, ne pouvait assez distiller de calomnies sur le rival qui l'avait si radieusement évincé de ses conseils. Sans l'ombre d'un tel fiel, et sans qu'on lui ose reprocher la souveraine inopportunité d'un zèle purement apostolique, à cette même date de l'installation de Richelieu en Anjou voilà qu'à son tour le Père de Bérulle s'avisa de rappeler à celui qu'il soupçonnait d'oublier son titre d'évêque de Luçon, l'obligation canonique de résider clans son diocèse. A ce dernier point de vue, l'infraction officielle de Richelieu par là si malencontreusement soulignée, ne put, aux yeux de Luynes, qu'achever de le précipiter dans son tort[67]. La Cour ne vit plus dans le prélat soi-disant réfractaire, que le chef d'état-major d'une conspiratrice en récidive, éternisant sa propre importance avec les exils et les rébellions de sa souveraine. Aussi de quel œil vit-on figurer le 16 octobre, au-devant de Marie de Médicis et à la tête de la noblesse angevine, et l'oncle de Richelieu La Porte et son beau-frère le marquis de Brézé[68] ! En voyant se redresser, ce semble, en Anjou plus fortement que jamais le parti de Marie de Médicis, et à l'effet de pouvoir en cas d'une reprise d'armes sur ce dernier terrain d'hostilités opposer puissance à puissance, il était grand temps d'ouvrir enfin les portes de la prison de Vincennes ; car à Tours on n'avait fait que notifier à la reine-mère la résolution bien arrêtée du très prochain élargissement de Condé. Dans les huit premiers jours, en effet, de l'arrivée en Anjou de Marie de Médicis, celui dont la liberté lui devenait redoutable dès qu'elle y était demeurée étrangère, brisait ses fers avec cette fixité de résolutions où l'avaient amené les graduelles avances de Luynes. Dès le soir, à Chantilly, Condé tombait aux genoux du roi qui lui avait ménagé là, au sein de toute sa Cour, une chaude réception de bienvenue tranchant sur le cérémonial compassé de l'entrevue de Cousières. Sous d'aussi rassurants auspices, à peine Henri de Bourbon eut-il repris sa place au Louvre qu'on ne saurait dire ce qu'il afficha le plus vite, ou du ravalement de sa gratitude envers le parvenu qui se déclarait son libérateur, ou de son surcroît d'animosité contre l'ancienne ennemie à qui l'on avait si prestement soufflé ce titre. Dès l'abord s'ouvrirent de vagues pourparlers de mariage entre un fils de Luynes et une fille issue de la réconciliation conjugale opérée sous les verrous de Vincennes. Puis, quand l'heureux fauconnier dont les pamphlets contemporains se gaussaient sous la rubrique du contadin provençal, dut aller au parlement faire vérifier les lettres royales érigeant sa terre de Luynes en duché-pairie, l'on vit le premier prince du sang l'y introduire et l'y présenter avec l'obséquiosité d'un acolyte et les flagorneries d'un courtisan bien plus qu'avec la condescendance d'un protecteur. En même temps, le nouvel antagoniste déchaîné contre Marie de Médicis, à travers de vagues protestations de services, s'empressait de lui signifier très cavalièrement sa délivrance[69]. Exploitant même en vue de l'assoupissement de sa haine l'empire que lui acquéraient sur Luynes et l'humilité de ses démarches et le prix de son alliance — car Luynes, naturellement satisfait de l'éloignement de ses ennemis, comptait du moins avec le nouvel auxiliaire qu'il appelait en aide pour le tenir à distance — ; à son tour Condé arracha à la faiblesse du favori, soi-disant pour se laver de la flétrissure de la Bastille, une déclaration justificative dûment enregistrée[70], incriminant le régime qui la lui avait infligée. Il faut voir avec quelle acrimonie cette pièce, tout en proclamant l'innocence et la pleine réhabilitation du captif libéré de Vincennes, flagelle le gouvernement de la régence. Voici, du moins, ce qu'on lit dès le début de la Déclaration royale du 9 novembre 1619 : Les désordres passez ont assez faict cognoistre jusqu'à quels termes estoit venue l'audace de ceux lesquels pour l'honneur qu'ils avoient de nous approcher et de tenir de grandes charges et pouvoirs en ce royaume, ont tellement abusé de notre nom et autorité, que si Dieu ne nous eust donné la force et le courage de les châtier, et pourvoir aux mal-heurs et calamitez qui menaçaient l'Estat, ils eussent enfin porté toutes choses à une grande et déplorable confusion. Entre autre mal qu'ils ont procuré, a esté l'arrest et détention de nostre très-cher et très-amé cousin le prince de Condé, premier prince de notre sang à la liberté duquel comme elle estoit grandement considérable de soy, auparavant que d'y adviser, nous avons soigneusement voulu nous informer de toutes les occasions sur lesquelles on avoit prétexté sa détention. En quoy nous aurions trouvé qu'il n'y avoit autre subject, sinon les artifices et mauvais desseins de ceux qui voulaient joindre à la ruine de nostre dit État, celle de nostre dit cousin. Certes, on ne pouvait plus sûrement signaler au décri public l'administration de Marie de Médicis, que par ce document officiel voué, grâce à l'organe des parlements, à la Plus éclatante publicité. C'est aux yeux de la France entière, c'est aux yeux de l'Europe à l'affût d'un renouvellement de nos querelles intestines, que la reine-mère, pour ainsi dire, essuyait tout l'opprobre dont on déchargeait son plus mortel ennemi. En vain le marquis de Toiras, le futur défenseur de l'île de Rhé et de Casai, que Louis XIII déjà distinguait dans le cortège de ses compagnons de chasse au point de l'envoyer à Angers notifier officiellement à la reine-mère la délivrance de Condé ; en vain Toiras lui présenta la déclaration comme une suite nécessaire d'un de ces revirements de cour familiers à la politique florentine. En vain là-dessus il lui rappelait Catherine de Médicis, au début des guerres de religion, amnistiant sur le chemin de l'échafaud au gré de ses calculs d'équilibre et en la personne de l'aïeul même d'Henri II de Bourbon, le chef de la conjuration d'Amboise. Sans nier ce souvenir historique ni la valeur des considérations d'état émises par Toiras : Au moins, répliquait la reine-mère, pouvait-on absoudre en la personne du petit-fils du héros de Jarnac, le prisonnier de la Bastille sans inculper celle qui, pour la paix du royaume, l'y avait cru devoir consigner. En vain Luynes, encore moins étranger à l'initiative qu'à la teneur de la pièce constituant au regard de Marie de Médicis un si cuisant grief ; en vain Luynes désigna comme rédacteur de l'acte de novembre à la reine-mère, le garde des sceaux Duvair. En esquivant par là toute responsabilité dans la préparation d'un si violent manifeste, Luynes se défendait-il de l'avoir revêtu du sceau royal et soumis à la vérification solennelle des parlements ? Au surplus, nous avons toute la correspondance échangée au sujet de l'acte d'accusation dressé contre elle, entre la reine-mère ulcérée et le roi plus embarrassé qu'il ne l'avait encore été depuis l'avènement de Luynes entre le respect filial et les exigences du favoritisme[71]. En vain, représentait Marie de Médicis dans une première lettre avec l'articulation de sou grief, et en oubliant son désaveu personnel de l'arrestation du prince consigné au cahier de doléances daté d'Angoulême, en vain lui affirmait-on n'avoir visé dans les incriminations de l'acte de novembre que les ministres qui avaient tiré de ses mains l'ordre d'écrou pour la Bastille. En s'avouant aveuglée au point d'avoir signé de confiance les plus graves atteintes aux libertés publiques, pouvait-elle échapper à sa responsabilité de souveraine ? Cette responsabilité-là même, Louis, XIII ne l'avait-il pas héritée d'elle, et ne retournait-il pas contre lui-même son réquisitoire pour avoir, après le coup d'État qui l'avait émancipé de la tutelle maternelle, prolongé de plus de deux ans encore la captivité de Condé ? Elle-même, au contraire, ajoutait Marie de Médicis, en se targuant ici de l'habile dissimulation du mécontentement qu'elle éprouva de l'annonce reçue à Tours et réitérée à Champigny du dénouement de Vincennes ; elle-même, à l'annonce de la résolution qui rendait à la liberté son plus implacable ennemi, n'y avait-elle pas généreusement adhéré ? Et alors la déclaration ne se dressait-elle pas contre elle comme une injure toute gratuite ? Pour couper court aux fortes doléances motivées chez Marie
de Médicis par le plus ostensible décri de sa carrière publique, ce n'était
pas assez de la lettre privée où Louis XIII, tout en l'assurant vaguement des
bienfaisantes dispositions de Condé, en fils reconnaissant affecta de relever
les sollicitudes maternelles qui avaient plané sur sa longue minorité. La
reine-mère, en réplique épistolaire, et aussi par l'organe du maire angevin
Lasnier, exigea l'entérinement d'une aussi honorable attestation dans les
formes mêmes adoptées par l'acte de novembre, afin de rétablir sa réputation
sur le théâtre même où elle la voyait si cruellement entamée. Exigence vraiment digne d'être accueillie,
répliquait à son tour Louis XIII à sa mère par une lettre du 26 février 1620,
si une rectification additionnelle lui était
vraiment utile ; et alors comme il la lui octroyerait de bonne grâce ! Et
même, que ne tenait-il à lui de révoquer la Déclaration, en la voyant de sa
part si fâcheusement interprétée ? Mais, une fois cette déclaration
promulguée sans que sa mère y fût au fond personnellement intéressée,
pourquoi solliciter là-dessus des commentaires moins capables à son égard de
prévenir que d'éveiller les soupçons ? Ingénieuse fin de non-recevoir
dont ne s'éblouit point Marie de Médicis. Car Louis XIII, à bon droit, lui
apparut là moins jaloux de la considération d'une mère que de la sienne
propre ; et à vrai dire comment le roi qui venait de signer le manifeste de
novembre pouvait-il, dès le lendemain, le remettre en question aux yeux de la
France entière, étonnée de voir par là se déjuger si soudainement la majesté
royale ?[72] Non seulement la veuve d'Henri IV et la mère de Louis XIII voyait s'afficher par tout le royaume où elle avait figuré vingt ans en souveraine, la plus sanglante vitupération de la régence avec l'apologie de ses victimes ; mais on rajeunissait le lustre du parti installé sur Ses ruines. Depuis l'institution par Henri III de l'ordre des chevaliers du Saint-Esprit, destiné à grouper autour du trône du dernier Valois et en regard des envahissements de la Ligue une vaste clientèle nobiliaire, il s'était écoulé cinquante ans sans renouvellement du personnel de cette milice héraldique ; aussi, vers la fin de l'année 1620, la Cour dut-elle y pourvoir à environ soixante promotions. Il y eût eu certes là pour Luynes, livré aux seules inspirations de sa prudence naturelle, assez de marge pour accueillir, à côté de ses propres candidats, les deux seuls que lui voulût désigner Marie de Médicis : à savoir le vieux comte de Montsoreau, qu'au jour de son entrée en son apanage nous avons vu sur le chemin des Ponts-de-Cé chevaucher au-devant d'elle, et son parent et son féal protégé Marillac. Mais, dans les procédés à suivre envers l'ancienne régente convertie en souveraine angevine, Luynes avait désormais à compter avec les intempérantes ardeurs qu'il venait de déchaîner contre elle. Car on a pu déjà mesurer tout ce qu'avait gagné d'empire au conseil du roi, depuis sa sortie de Vincennes, l'instigateur de l'acte de novembre. Enhardi par ce premier triomphe à pousser sa pointe au mépris des suggestions plus modérées de son allié de la veille, Henri de Bourbon s'acharna, du même souffle dont il avait lacéré la réputation de la reine-mère, à l'écarter de cette ombre même d'ingérence politique où elle pouvait aspirer encore au sein de l'apanage qui lui était à la fois un exil et une place d'armes. Quand du moins s'ouvrirent en présence de Condé, à Saint-Germain-en-Laye, le 7 décembre, les délibérations sur le renouvellement du personnel de l'ordre du Saint-Esprit, on s'interdit de consulter là-dessus Marie de Médicis, aussi soigneusement qu'on l'avait fait sur le mariage et l'établissement des enfants de France. A vrai dire, on ne l'eût que bien dérisoirement conviée à risquer ses candidats sur une liste comminatoire où figura tout ce qui avait comploté sa chute, hérité de ses dépouilles ou répudié ses disgrâces. A ce point de vue, quel défilé de provocations ! Ici Luynes, avec ses deux frères Cadenet et Brantes ; et là Vitry, Ornano et du Hallier, teints encore du sang du maréchal d'Ancre. Plus loin Schomberg, préposé naguère avec le duc de Mayenne au blocus d'Angoulême ; et là Rochefort, chambellan du prince de Condé. Ailleurs, enfin, c'est Mosny, transfuge de la Cour d'Angoulême et rehaussé par sa promotion non moins que le seront bientôt par l'octroi d'une riche abbaye et d'un haut grade militaire ses complices Ruccellaï et Thémines. Une nomenclature aussi agressive, infligée à celle qu'avait déjà si vilipendée l'acte du 9 novembre, ne pouvait qu'aggraver cette récente blessure. Aussi l'on devine avec quel dédain Marie de Médicis accueillit l'ambassadeur Tharault quand il osa lui venir déférer, après la clôture et comme en un coin de la liste aussi haineusement dressée contre elle, un supplément de présentations[73]. Car chez une reine aussi persévéramment abreuvée d'outrages qui ravivaient en elle le souvenir des anciennes avanies, la mesure des griefs était comble. Aussi Marie de Médicis releva vite le défi contenu en l'acte du 9 novembre et réitéré dans la promotion de décembre[74], sans souci du péril de la lutte à soutenir contre un ennemi renforcé à qui elle n'avait encore à opposer que ce qui ne mérite que le nom de la cabale d'Angoulême. Quant à Luynes, en laissant à contre-cœur le double signal d'une reprise d'hostilités tomber bruyamment des mains du prince à peine sorti de Vincennes, il s'affecta de la domination qu'Henri de Bourbon ravissait sitôt à son libérateur. De là déjà un principe de division entre les jalousies du favoritisme et l'accaparement des vengeances princières ; et par là quelle issue ouverte à l'attentive ambition du grand homme d'état replié sur l'apanage de Marie de Médicis avec l'expérience consommée des disgrâces ! Atteint aussi bien que sa souveraine en sa qualité de promoteur de l'arrestation de Condé par l'acte du 9 novembre, on voit d'ici Richelieu ployant sagement sous la rafale qui l'accable sans l'aveugler. Adossé aux remparts de la ville qu'il désigne à sa souveraine et qu'à sa suite lui-même adopte comme refuge et comme arsenal, indéfectiblement il projette son regard d'aigle au-delà des nuages partout amoncelés sur sa route. Sous les mugissements de la tempête, et à travers les clameurs insurrectionnelles qui dès demain étoufferont en Anjou sa voix médiatrice, il avise le jour où Luynes, enfin lasse des envahissements de l'allié dont lui-même avait soulevé contre lui les inimitiés, en ses calculs d'équilibre pour la troisième fois se retournera vers lui, comme vers un pondérateur encore moins redouté que nécessaire ; et voilà le chemin par où, à travers le champ de bataille des Ponts-de-Cé, l'on verra Richelieu ramener, sinon plus triomphalement au moins plus sûrement qu'il ne l'avait fait à Tours, Marie de Médicis à Louis XIII. |
[1] Grand-aumônier de France. Issu d'une branche cadette de la maison originaire des La Rochefoucauld, il naquit à Paris en 1558 et mourut en 1645, fut évêque de Clermont en 1584, refusa de reconnaître Henri IV avant son adjuration, devint cardinal en 1607. Evêque de Senlis sous Louis XIII, il assista aux Etats-Généraux de 1614, où il proposa l'acceptation des décrets du Concile de Trente avec réserve des libertés de l'église gallicane et des immunités du royaume, succéda en 1618 à Duperron dans la charge de grand-aumônier de France, fut nommé, en 1619, abbé de Sainte-Genevière et, en 1622, président du Conseil d'Etat, et se démit de toutes ses fonctions en 1624 pour ne &occuper plus que de la réforme des ordres religieux dont Grégoire XV et Louis XIII l'avaient chargé. On lui doit l'établissement de la congrégation de Sainte-Geneviève dite Congrégation de France.
[2] Béthune (Philippe de), comte de Selles, né en 1561, mort en 1649, frère puîné du fameux Sully, eut une grande réputation comme diplomate. Il fut envoyé par Henri IV en Ecosse et à Rome, par Louis XIII à Vienne et en divers états italiens.
[3] Comme Louis XI avait fait jadis à l'égard de son frère Charles, après la Ligue du Bien Public.
[4] Décédé en 1612. C'est le père du futur vainqueur du combat de la Marfée qu'au cours de notre récit nous verrons en Anjou figurer à la tête du parti des mécontents.
[5] Arnoux, Jean, jésuite, habile controversiste et prédicateur éminent, né à Rome vers 1550, mort en 1636, prêcha à la Cour et succéda, comme confesseur de Louis XIII, au père Cotton, enveloppé dans les disgrâces qui signalèrent l'avènement de Luynes au pouvoir. Le père Arnoux fut, sous Louis XIII, l'un des promoteurs de l'édit concernant le rétablissement du catholicisme en Béarn et de la guerre contre les huguenots. Il fut à son tour disgracié au cours de cette guerre, après la levée du siège de Montauban.
[6] Voir, sur les saines dispositions morales de Louis XIII, les développements aussi neufs que judicieux fournis par M. Marius Topin dans son ouvrage sur Louis XIII et Richelieu.
[7] Voir, à cet égard, Le duc et connétable de Luynes, de V. Cousin, et Le connétable de Luynes, Montauban et la Valteline, de Zeller.
[8] Henri de Gondi, fils du florentin Albert, maréchal de Retz, et créature de Catherine de Médicis, et neveu et d'abord coadjuteur de son oncle Pierre de Gondi, évêque de Paris, auquel il succéda en cette qualité en 1616. Il se distingua, dès lors, dans ce siège épiscopal, devenu comme héréditaire dans sa famille, par son zèle pour le maintien de la discipline ecclésiastique, ses immenses aumônes et la fondation de nombreux établissements religieux, parmi lesquels surtout ceux des Carmélites et de l'Oratoire. En récompense de tant de services rendus à la religion, Henri de Gondi fut promu au cardinalat, sous Louis XIII, par le pape Paul V, et prit dès lors le nom de Cardinal de Retz. L'année suivante, il fut nommé par le roi chef du Conseil et premier ministre d'Etat. C'était un esprit doux et conciliant. Il s'unit cependant aux cardinaux Duperron et de la Rochefoucauld pour conseiller à Louis XIII de retirer aux protestants les places de sûreté qu'ils tenaient de l'Edit de Nantes, et fut le principal promoteur des nouvelles guerres de religion entreprises sous son règne et au cours desquelles il mourut en 1621, au siège de Montpellier. Henri de Gondi eut pour successeur, au siège épiscopal de Paris, tour à. tour son frère Jean-François et leur neveu, le trop fameux auteur des Mémoires.
[9] Cette lettre, dont malheureusement nous n'avons pu trouver l'orignal, porte, dans l'allegata de l'ambassadeur vénitien, la date du 13 mai. Mais c'est là, suivant nous, une date erronée. Elle ne peut en effet, d'après la substance que nous venons de donner, se rapporter qu'à une époque où les négociations entre Louis XIII et sa mère, au sujet de la concession d'une place de sûreté, n'en étaient qu'aux préliminaires ; or, au 13 mai, ces négociations touchaient à leur dénouement. — Mercure François, t. IV, p. 202. — La nunziatura di Francia, del Cardinale Guido Bentivoglio (Firenze, 1863-1870), lettres des 13 et 27 mars, 10 et 24 avril, 8 et 22 mai 1619.
[10] Ruccellaï, fils d'un riche banquier italien qui, par ses relations financières en France, lui obtint d'abord l'abbaye de Signy, en Champagne, avec maints bénéfices. Ainsi richement doté, Ruccellaï acheta d'abord à Rome une charge de clerc de chambre, par où débutent souvent les aspirants au cardinalat. Le pape Paul V goûtait son esprit insinuant, jusqu'au jour de la disgrâce encourue par ses nombreuses incartades. Forcé de quitter Rome. il vint s'établir en France, auprès de son compatriote Concini qui, à son tour, le distingua et sous les auspices duquel il s'ingénia à figurer brillamment à la Cour par le luxe de sa table, sa libéralité, sa politesse et ses intrigues de galanterie entremêlées de nouvelles rodomontades. Une seconde fois déchu de ses espérances, au jour de l'assassinat du maréchal d'Ancre, il accompagna Marie de Médicis à Blois, d'où les impatiences de l'inaction le relancèrent enfin jusqu'auprès du duc d'Epernon pour y organiser prestement avec lui la fuite de la reine-mère en son gouvernement d'Angoulême.
[11] Jacques Chanteloube, seigneur de Chanteloube, issu d'une bonne famille du Forez, était né à Clermont, en Auvergne. Après quelques études théologiques, et déjà pourvu de plusieurs bénéfices, il embrassa l'état militaire, puis, durant l'exil à Blois de Marie de Médicis, s'attacha à sa cause et gagna son amitié en concourant avec Ruccellaï aux préparatifs de son évasion de Blois, et en négociant avec les princes mécontents, pour les engager dans son parti. Nous le verrons à Angers reprendre ce rôle d'agent de conspirations. Durant les relations fréquentes qu'eut à Angoulême avec Chanteloube le père de Bérulle, envoyé par Louis XIII pour ménager sa réconciliation avec sa mère, le fondateur de l'Oratoire décida le courtisan à entrer dans sa congrégation et, en 1621, Chanteloube se retira dans la maison des Pères de Lyon. Mais, après la journée des Dupes, Chanteloube sortit de sa retraite pour accompagner dans les Pays-Bas son ancienne maîtresse et, suivant Richelieu, il y aurait fomenté ses suprêmes mécontentements ; suivant d'autres, il s'y serait entremis pour la réconciliation de la mère et du fils. Le Cardinal, qui le croyait auteur de quelques-uns des plus odieux libelles répandus à profusion contre lui, sembla confirmé dans ses soupçons d'inimitié quand l'un des domestiques de Chanteloube fut convaincu d'être venu en France l'assassiner. L'assassin fut pris et exécuté. Quant à Chanteloube, il fut condamné par contumace à être roué vif. Il est difficile de voir dans Chanteloube un complice de ce lâche assassinat, et il répondit à cet arrêt par sa propre apologie intitulée : Lettre d'un vieux conseiller d'Etat a la reine-mère. Dans toutes les négociations entreprises après la retraite de Marie de Médicis en Flandre pour la réunion de la famille royale, Richelieu s'obstina à mettre pour condition que Chanteloube lui serait livré, et la reine-mère s'y refusa non moins énergiquement. Enfin, lorsqu'elle quitta Bruxelles en 1638, Chanteloube ne la suivit point dans ses dernières pérégrinations, sans doute pour no point donner un nouveau prétexte aux soupçons, et resta dans les Pays-Bas où il mourut trois ans après, en février 1641.
[12] Fils du capitaine des gardes du corps qui, sous la régence de Marie de Médicis, arrêta Condé pour le mener à la Bastille. Son fils l'assista dans cette exécution.
[13] Ou Fontevristes réformées.
[14] Henri IV avait été conçu à La Flèche, et l'on sait que quelques jours après son décès le cœur d'Henri IV fut transporté pour y reposer dans la chapelle du collège des jésuites de La Flèche.
[15] La terre du Plessis, en Poitou, dont la famille de l'évêque de Luçon portait le nom, était un fief contigu à l'Anjou et relevait de l'évêché de Poitiers ; elle appartenait aux Plessis depuis le XIIIe siècle. Le septième seigneur du Plessis, Geoffroy, épousa l'héritière du seigneur de Richelieu et laissa cette terre à son fils François Ier qui commença à porter ce nom. Le neuvième seigneur du Plessis, François II, épousa l'héritière du seigneur de Chillon et ajouta ce domaine à ceux que possédait sa maison.
[16] Urbain de Maillé, marquis de Brézé, seigneur de Milly-le-Meugon, qui avait épousé Nicole du Plessis, sœur de Richelieu.
[17] Nous n'avons point de preuve absolue que cette pièce émane de Richelieu, mais il existe plusieurs motifs de la lui attribuer. D'abord, elle provient d'un recueil de pièces manuscrites recueillies par Le Masle dans les papiers du Cardinal et avec son autorisation. Ensuite, l'auteur du mémoire semble confondre ses propres intérêts avec ceux de la reine-mère. Puis la famille de l'auteur du mémoire est angevine. Or, par son origine comme par ses alliances, la famille de Richelieu tenait à l'Anjou. Dans l'instruction faite en 1585, au sujet d'une promotion dans l'Ordre du Saint-Esprit, il est dit que François du Plessis (père du Cardinal) a fait sa résidence ordinaire audit lieu de Richelieu en Anjou pour le temporel et en Poitou pour le spirituel. Voir aussi Duchesne, Histoire généalogique de la maison du Plessis de Richelieu. Ajoutons que le marquis de Maillé-Brézé, qui venait d'épouser la sœur de Richelieu et allait être capitaine des gardes de Marie de Médicis, était Angevin. En vain objecterait-on les considérations militaires invoquées dans la discussion et qui, à première vue, sembleraient émaner d'un soldat plus que d'un ecclésiastique. On sait que l'évêque de Luçon se piquait à cet égard d'une habileté professionnelle. On peut du reste induire de ce membre de phrase estant Angevins, etc., que le frère aîné de Richelieu, gratifié par la reine-mère du gouvernement d'Angers, et leur beau-frère, le marquis de Brézé, collaborèrent à ce mémoire.
[18] Le mémoire n'est point daté, mais il est nécessairement du mois d'avril ; alors seulement, en effet, a pu s'agiter dans le conseil de la reine-mère la discussion sur le choix d'une place d'armes à réclamer de la Cour.
[19] Lettres du Cardinal de Richelieu (publ. Avenel), t. I, pp. 587-593, et n. — Rangeard, Mémoires pour servir à l'histoire du calvinisme en Anjou, mss. 893 de la bibliothèque d'Angers, p. 356.
[20] Et non le bourg du Bec-d'Ambez, situé à l'embouchure de la Guyenne. A cet égard, la similitude des noms a induit en erreur l'ambassadeur vénitien.
[21] L'auteur du Véritable père Joseph, capucin, nous indique son héros comme chargé de cette mission. Mais il faut se défier de sa tendance exagérée à le mettre invariablement en scène dans les événements diplomatiques dont nous avons entrepris le récit.
[22] A Châteauneuf, à trois lieues d'Angoulême.
[23] Avec de si amples dépêches que le secrétaire d'Etat Phelipeaux se borna à y ajouter un simple billet de politesse à l'adresse du cardinal de La Rochefoucauld.
[24] Le seul Arnauld d'Andilly a critiqué cette marche du roi sur Orléans, si opportune à l'effet de hâter la soumission de Marie de Médicis aux volontés du roi.
[25] Ce n'est qu'au hasard de la rencontre, chemin faisant, du carrosse de l'archevêque de Bordeaux Sourdis, qu'il dut de pouvoir aller informer la Cour, avec la célérité nécessaire, de la mise en scène captieuse de Marie de Médicis.
[26] Le brevet même n'est signé que du comte de Marossano qui y emprunte la qualité de secrétaire de Marie de Médicis.
[27] Mémoires de Richelieu (coll. Pet.), 2e série, t. XI, p. 162. — Mém. de Pontchartrain (coll. Mich. et Pouj.), Arie, t. V, p. 49. — Mém. du duc de Rohan (coll. Mich. et Pouj.), 2e série, t. V, p. 409. — Bassompierre (coll. Mich. et Pouj.), série, t. V, p. 129. — Mercure français, t. IV, p. 202. — La nunz. di Fr., eod., 24 mai. Lettres du cardinal Bentivoglio (Bruxelles), 5 mai 1619, p. 252 ; 28 mai, pp. 234-235. — Vitt. Siri, t. 20, p. 143 ; 19e partie, pp. 124-125. — Lettres et mém. de Messire Philippe de Mornay (Amst., Elz., 1659), t. II, pp. 200 et 220. — Journal du règne de Louis XIII, p. Arnauld d'Andilly (mss. de l'Arsenal, nouveau classement, 517 b), t. II, f° 77, 79-80. — Bibl. nat., mss. F. fr., n° 3805, f° 22, et le 3820, f° 26 ; F. Colbert, n° 98, p. 56, et F. Béthune, passim. — Disp. degl. amb. venet., filz. 52, 30 avril, 7 mai, 16 juin et juillet. — Arch. des aff. étr., F. fr. 1619, P 184. — Négociation du Cardinal de La Rochefoucauld et du comte de Béthune envoyés par le roi Louis XIII vers a reine sa mère, en 1619 (in-f° mss.) passim. — Rangeard, eod., p. 356. — Hist. Galliæ, auctore Gabr.-Bartholomeo Gramundo (Amst., ap. Lud. Elz., 1653), p. 229. — Ludovici XIII Itinerarium ab Oceano neustriaco usque ad Pyræneos montes (1620), passim. — Roneoveri, Ist. del regno de Luigi XIII (in Lyon 1621), pp. 281, 286-287. — Rec. de pièces, p. Matth. de Mourgues (1643) ; Lumières pour l'histoire de France, p. 28. — Hist. de Louis-le-Juste, p. M. Scipion Dupleix (Mém. des Gaules, t. V et VI, 1654), pp. 121-122, 124. — Hist. de Louis XIII, p. Michel Levassor (Amst.. 1715. t. III, 1re partie, pp. 385-386. — Hist. du règne de Louis XIII, p. le P. Griffet (1758), t. I. p. 246. — Hist. de F. sous Louis XIII, p. A. Bazin (2e éd.), t. I, p. 352. — Histoire de Henri Martin (2e éd.). t. XI, passim. — Hist. de Fr., p. G. Dareste, t. V, p. 59. — Vie de Marie de Médicis, par Mme d'Arconville (1774), t. II, pp. 562, 564, 571, 573. — Le duc et connétable de Luynes, p. V. Cousin (Journal des Savants, 1861), 1er art., pp. 281-282 ; 2e art., p. 343. — L'évêque de Luçon et le connétable de Luynes (Revue des questions historiques, 5e année, t. IX), pp. 95 et suiv. — Hist. de Pierre de Bérulle, p. Tabaraud (Paris 1817), pp. 302-303-304 ; Batterel (Mémoires mss., Archives de l'Oratoire, 1752), t. I, l. III, n° 29 et pp. 303-304. — Vie de M. le Cardinal de Bérulle, p. l'abbé Gouget (en copie manuscrite aux Archives de l'Oratoire), f° 131-138 et 135. — L'abbé Houssaye, eod., pp. 273, 277-279. — Le véritable P. Joseph, capucin (Saint-Jean-de-Maurienne, 1714), p. 132. — Hist. de la vie du duc d'Epernon, p. Girard (1655), p. 341. — Hist. de la vie de Messire Philippe de Mornay (Leyde, Elz., 1847), p. 478.
[28] Dispacc. degl. amb, venez., eod., 1er juillet. — Arch. nat., carton 232. Congrégation de l'Oratoire, f° 18. — Batterel, eod., n° 43.
[29] Arch. des aff. étr., f. Fr., 772, p. 104, et Lettres et mém. de Messire Philippe de Mornay, p. 212.
[30] Pour sa part, le maréchal de Boisdauphin, prédécesseur immédiat de Marie de Médicis dans le gouvernement d'Anjou, reçut cent mille écus.
[31] Arch. des aff. étr., f. Fr., n° 772, P 97. — Journal de Jehan Louvet, P 97. — Mém. de Pontchartrain, eod., 409. — Mém. de Fontenay-Mareuil (coll. Mich. et Pouj., eod. f, p. 139. — Arnauld d'Andilly, eod., é 80. — Mém. de Matthieu Molé (publ. de la Société d'histoire de France), p. 221. — Vie de Duplessis-Mornay, p. 498. — Arch. nat., carton 232, mss. sans nom d'auteur, P 18. Rangeard, p. 356. — Le P. Griffet (1758), t. I, passim. — Mme d'Arconville, t. III, p. 11. — Richelieu et la monarchie absolue, p. le vicomte G. d'Avenel, t. I, p. 415.
[32] F. Colbert, 98, f° 56. — Arch. des aff. étr., eod., p. 103 et 117. — Arch. nat., carton 232, p. 18. — Batterel, eod., n° 46. — L'abbé Gouget, le 13. — Arnaud d'Andelly, f° 80. — Au surplus, en ce qui est de l'ensemble des titres constitutifs de l'apanage de Marie de Médicis, voir aux pièces justificatives, n° 1.
[33] Guillaume Fouquet, né à La Flèche, en 1560, avait commencé sa carrière dans la domesticité de Catherine de Navarre, sœur de Henri IV, dont il était maitre d'hôtel. Catherine le donna au roi son frère comme un homme fertile en ressources. Il plut à Henri IV qui le fit d'abord porte-manteau et le mit dans la confidence de ses amours. Fouquet se dévoua entièrement à Henri IV à qui même il sauva la vie au combat de Fontaine-Française et qui, de retour, le nomma coup sur coup conseiller d'Etat, contrôleur général des postes, chevalier de Saint-Michel, marquis de la Varenne et lieutenant-général de la province d'Anjou et gouverneur de La Flèche. Guillaume Fouquet de la Varenne y fonda un présidial et un collège de jésuites, et mourut en 1616.
[34] Et clos le matin même aux armes de la ville.
[35] Tant en armements qu'en vivres et en bois de chauffage, et jusqu'au mobilier.
[36] L'évêque d'Angers. Fouquet de la Varenne, était le fils aîné de Guillaume Fouquet de la Varenne, premier gouverneur de La Flèche. Il se distingua sur le siège épiscopal d'Angers par son zèle pour la discipline ecclésiastique dans son diocèse.
[37] Sous la surveillance d'experts. — Jehan Louvet, eod., pp. 294, 298, 300, 305. — Rangeard, eod., p. 356.
[38] F. Colbert, t. V, p. 51. — Mém. de Matt. Molé (pub. de la Soc. d'hist. de France, Renouard, 1855), t. I, pp. 223-224. — Journal de Jehan Louvet (Rev. de l'Anj., 1855, pp. 306-307). — Les pièces, reproduites aux sources sus-indiquées, au surplus, ne relatent que les formalités extrinsèques de l'enregistrement soit au Parlement de Paris, soit au Présidial d'Angers, car nous n'avons pu trouver le texte intégral des provisions. — Voir aussi, pour leur envoi à la municipalité angevine, Prise de possession de la ville et château d'Angers par la reine-mère du roy. avec la réception faite à Sa Majesté à son arrivée et la harangue. Paris, chez Silvestre Moreau, 1619. Voir enfin le P. Griffet, eod., p. 217.
[39] Lettres et mém. de M. de Messire Philippe de Mornay.
[40] Charles de Cambout, marquis de Coislin, baron de Pontchâteau. Il était cousin-germain de Richelieu, son père ayant épousé la tante paternelle du Cardinal, Louise du Plessis, dame de Recay. En 1624, le baron de Pontchâteau présida l'assemblée de la noblesse de Bretagne ; et il obtint, en mai 1630, des lettres qui le maintenaient, en toutes les assemblées publiques de la province, aux assises et tenues d'Etats, au rang des anciens barons du pays. Il fut chevalier des ordres, gouverneur de Brest, gouverneur de la Basse-Bretagne, sans compter divers autres emplois. Il mourut presque octogénaire en 1648. Nous le retrouvons au combat des Ponts-de-Cé.
[41] L'abbé Bouthillier (Sébastien), prieur de la Cochère. Il était, en 1614, doyen de l'évêché de Luçon, dignité qu'il résigna en 1618. L'abbé de la Cochère contribua activement à faire rappeler Richelieu de l'exil d'Avignon, en 1619 Lorsqu'après la retraite des Ponts-de-Cé Richelieu eut besoin d'un homme de confiance pour presser à Rome sa promotion au cardinalat, il y fit envoyer l'abbé Bouthillier qui y gagna, comme prix de ses services l'évêché d'Aire.
Pour mesurer l'étendue du pouvoir de Richelieu sur la conscience de Marie de Médicis ; v. encore aux Archives des aff. étr., F. Rome, 23, les démarches du cardinal Bonsi envers Richelieu une fois installé à Angers, auprès de Marie de Médicis, à l'effet de lui recommander comme candidat de ce même poste de premier aumônier de la reine-mère, l'évêque de Néocésarée (f° 481 et suiv., lettres du 26 décembre).
En ce qui est de la chancellerie de la reine-mère, Richelieu était entré en négociations pour l'achat de cet office avec l'octogénaire président Potier de Blancmesnil. Mais Marie de Médicis, désapprouvant les conditions du traité définitif, défendit à l'évêque de Luçon de passer outre (Lettres du Cardinal de Richelieu, eod., pp. 613644 et en n.).
[42] Outre sa double déception au sujet de la garde des sceaux de la reine-mère et du titre de son chevalier d'honneur, et sans compter l'échec essuyé quant à la recommandation de Mosny pour le gouvernement d'Angers.
[43] Le marquis de Thémines avait, en 1616, durant l'apogée du règne de Concini, assisté son père le maréchal de Thémines dans l'arrestation du prince de Condé.
[44] Sans entrer dans les particularités de ce duel étrangères à notre sujet, bornons-nous, à cet égard, à relever une contradiction essentielle entre les mémoires et la correspondance de Richelieu et le journal d'Arnauld d'Andilly. D'après Richelieu, son frère était encore en vie au moment de l'arrivée du père de Bérulle. D'après Arnauld d'Andilly, au contraire, il venait d'exhaler son dernier soupir. — Mentionnons encore une précédente rencontre entre Thémines et Chanteloube mais qui n'aboutit pas, grâce à d'immédiates interventions.
[45] Henri de Richelieu mourut en effet sans enfants ; avec ses deux sœurs, Mme de Pontcourlay et la maréchale de Maillé-Brezé, il ne restait au futur cardinal-ministre d'autre frère qu'Alphonse-Louis du Plessis, qui fut tour à tour son prédécesseur dans le siège épis-. copal de Luçon, puis chartreux, puis archevêque d'Aix et de Lyon, et enfin cardinal, et qui décéda en 1653.
[46] Amador de la Porte, fils du célèbre avocat de la Porte, frère de Suzanne, mère de Richelieu. L'avocat de la Porte avait parmi ses clients l'Ordre de Malte et parvint à y faire recevoir chevalier son fils Amador, déjà parvenu au grade de commandeur lors du duel où périt son neveu Henri. Lorsque le futur cardinal-ministre acquit le gouvernement du Havre, il en donna le commandement à son oncle, l'éleva enfin, en 1640, à la dignité de grand prieur de France. Le commandeur de la Porte mourut le 31 octobre 1844. — Richelieu, eod., pp. 156, 170, 173, 174 et passim. — Lettres du Cardinal de Richelieu, pp. 628, 629. — Mém. du duc de Rohan (coll. Michaud et Pouj.), t. V, p. 514. — Mém. de Brienne (coll. Pet., t. XXXV). — La nunz. di Fr., eod., juin 1619, et 2 juillet. — Vitt. Siri, 20e partie, pp. 198, 199, 121, 202, 203, 206. — Lettres et mém. de Philippes de Mornay, eod., p. 22. — Arnauld d'Andilly, eod., f° 80-84. — Dispacc. degl. amb. venet., eod., 16 juillet 1619. — Arch. des aff. étr., eod., f° 22, 188, 196. — Roncoveri, pp. 289-290. — Matth. du Mourgues, pp. 12, 19, 20, 28, 29, 33. — Dupleix, eod., p, 121, et pièces curieuses ensuite de celles de Saint-Germain, etc. Resp. au Libelle intitulé très humble, etc. — Levassor, eod., pp. 279, 389, 390, 391. — Le P. Griffez, pp. 247-249. — Hist. de la vie de Louis XIII, p. A. Bury (1768), pp. 286-287. — Bazin, eod., p. 352. — Dareste, eod., pp. 60-61. — Mme d'Arconville, eod., t. III, pp. 3-1, 6, 10-12. — Hist. du Cardinal de Richelieu, p. Aubery (Paris, 1860), p. 18. — Vie du Cardinal de Richelieu, pp. 44-45. — Notice sur Richelieu (coll. Pet.), p. 32. Le duc et le connétable de Luynes, de V. Cousin, eod. (1861), p. 344. — L'évêque de Luçon et le connétable de Luynes, p. Avenel, eod., p. 95. — Batterel, eod., 42 et 43. — Gouget, p. 124, 130, 137. — L'abbé Houssaye, eod., pp. 289-291. — Vie du duc d'Epernon, pp. 340-341 — La duchesse d'Aiguillon, p. A. Bonneau-Avenan, (Didier, 1879), p. 72.
[47] Non sans versement aux mains de Thémines d'une indemnité de trente mille écus.
[48] Lettres du Cardinal de Richelieu, eod., pp. 606 ; 627 ; 628 ; 631 ; 646. — Mém. du duc de Rohan, p. 516. — Pièces curieuses ensuite de celles du sr de Saint-Germain, etc. Resp. au Libelle intitulé Très humble, etc. passim.
[49] Sans compter celles de Brantes, frère de Luynes, du duc de Bellegarde et du Père Joseph.
[50] Le duc Charles-Emmanuel avait épousé une fille de Philippe II.
[51] Accompagné de son frère, le prince Thomas, et du cardinal de la Rochefoucauld.
[52] Ici nous nous avouons en désaccord avec les appréciations si autorisées de M. Avenel, qui nie tout concert séditieux, en 1619, entre Marie de Médicis et la Savoie, vu l'absence de tout document à l'appui, dans le Fond Turin des Archives des Affaires étrangères. Mais, à cet égard, les informations du nonce Bentivoglio, dédaignées par l'éminent érudit, comme trop hâtivement recueillies dans les salons diplomatiques pour inspirer une confiance définitive, sont pleinement confirmées par les dépêches de l'ambassadeur vénitien, intime confident du prince Victor-Amédée, et par les traditions trop connues de la cour de Savoie. Nous reviendrons d'ailleurs sur ce point dans la suite de notre récit, sous le bénéfice de nouveaux documents.
[53] A l'occasion de sa prestation de serment devant la Cour, en qualité de gouverneur du château d'Angers.
[54] Mém. de Richelieu, eod., pp. 178, 186, 194, 235. — Lettres et papiers d'Etat, etc., pub. Avenel, p. 624 et n. — Mém. de Bassompierre, p. 129. — Mém. de Brienne, p. 340. — Nunz. di Fr., 6 et 18 mars ; 24 avril ; 30 juin ; 2-3, 16. 22 et 30 juillet ; 14, 16, 17 et 25 août 1619. — Mém. secr., eod., pp. 88, 98-99 ; 103-106 ; 109-112, 115, 118-122, 139, 141-142, 144-146, 184, 186, 191-194 ; 196-197 et passim. — Ph. de Mornay, Lettres et mém., pp. 212, 221, 234-236. — Arnauld d'Andilly, eod., f° 83 et 84. — F. Colbert, f° 37-38, 40-41 ; 53-55 ; 98 et passim. — F. Dupuy, I, 72, f° 133-137. — Dispacc. degl. amb. vinez., 16 mars, 24 et 30 avril ; 9 et 16 juin ; 1er, 16, 19 et 26 juillet ; 6 et 20 août 3 et 17 septembre 1619. — Fonds divers, 25,022, é 73. — Marillac, p. 1-17. — Arch. des aff. étr., eod., 181, 187-188, 198-200, 203, 206, 208-210, 215. — Arch. nles, carton 232, f° 8, 17, 18, 19 et passim. — Rangeard, p. 356. — Roncoveri, pp. 287-288 ; 296, 304, 305. Matth. de Mourgues, eod., p. 29. — Gramond, p. 282. — Dupleix, eod., pp. 122-124 et 133. — Levassor, eod., pp. 383, 392-394, 396, 397, 400, 537, 539 et 540, 638. — Bazin, eod., pp. 353 et 357. — Henri Martin, eod., p. 142. — Dareste, eod., p. 65. — Mme d'Arconville, eod., pp. 12-15. 21-22, 51. — Vie du cardinal duc de Richelieu, par Leclerc, p. 17-46-50. — V. Cousin, Le duc et connétable de Luynes, eod., mai, pp. 268, 280 ; juin 1861, pp. 343, 348, 249 et passim ; octobre, 624. — Avenel, L'évêque de Luçon et le connétable de Luynes, eod., pp. 93-94 ; 98 et 99 ; 100 et passim. — Batterel, eod., n° 38, 43, 45, 48-49. — L'abbé Gouget, pp. 134-138, 141 et passim. — L'abbé Houssaye, eod., pp. 281, 291-293, 296. — Le véritable P. Joseph, pp. 132-133 et passim. — Histoire des ducs de Guise, p. Bouillé, t. IV, p. 386. Pour les cautionnements des ducs de Savoie et de Mayenne et pour la formule de garantie dictée au Père Arnoux par Richelieu, v. aux Pièces justificatives, n° II.
[55] Un instant déviés des traditions modératrices des Damville.
[56] Sans compter les instances du parlement, empruntant l'organe du président Legeai.
[57] Qu'il communiquait à son pieux groupe, composé des Retz, des Larochefoucauld et des Arnould,
[58] Et sans compter l'habile concours de son affidé Deageant.
[59] Condé se déclara même en faveur de Luynes jusqu'à mettre en avant le projet, depuis avorté, d'une alliance de Cadenet avec sa sœur Léonor de Bourbon, veuve du prince d'Orange Philippe-Guillaume.
[60] Ecrite de la propre main de Louis XIII et confiée aux mains du comte de Béthune (voir aux Pièces justificatives, n° III). Ce sursis aurait même, suivant Deageant, fait l'objet d'un des articles secrets du traité d'Angoulême.
[61] Marillac : La délivrance de Monsieur le Prince estoit sur le tapis secret, pour laquelle résoudre sans elle et commencer la séparation de leurs Majestés par un affront il [Luynes] enleva le Roy à Amboise et là en fit prendre la résolution dès le soir. — Richelieu, eod., pp. 186-187, 194, et notice, p. 82. — Pontchartrain, eod., pp. 237, 248. 265, 266, 269, 280, 281, 292. Fontenay-Mareuil, eod., pp. 419 et 453. — Mém. de Deageant (Didot, 1756), pp. 147-150. — La nunz. de Fr., 9 mai 1617, 2 janvier, 27 février, 6, 20 et 26 mars, 2, 6, 9, 13, 22, 23 et 30 mai ; 6 et 20 juin ; 16 juillet ; 12, 14, 22 et 30 août ; 13, 14, 17 et 22 septembre 1619. — Mém. Secr., eod., pp. 99-100, 122, 123, 132, 160, 164, 169, 170, 175-186, 194. — Lettres et Mém. de messire Ph. de Mornay, eod., p. 256.— F. Colbert, 98, pp 56 et 57. — Eod. : Registre du roi Louis XIII à la Reyne sa mère, sur la déclaration faite en faveur de M. le prince, p. 45. — Coll. Dupuy, Extraict des raisons et plainctes gue la Reyne Mère du Roy faict au Roy son fils, p. 134. — Marillac, p. 1. — Dispacc. degl. amb. venez., 17 et 20 octobre 1619. — Arch. des aff. étr., F. fr., n° 772, f° 143-144. — Rerum andegavensium Pandectæ, de CL. Ménard (mss. 875 de la Bibl. d'Angers), t. II, f° 94 v°. — Roncoveri, pp. 285-286, 291, 295. — Matth. de Mourgues, Rec. de pièces, etc., pp. 30-31. — Gramond, p. 282. Dupleix, eod., p. 128. — Levassor, pp. 404, 406, 409. — Le P. Griffet, p. 251. — Bazin, eod., pp. 354-356. — Henri Martin, eod., pp. 142-143. — Dareste, eod., p. 651. — Mme d'Arconville, t. II, pp. 535-536 ; t. III, pp. 18-21, 23-24. — Aubery, p. 18. — Vie du Cardinal duc de Richelieu, p. 53. — V. Cousin, juin 1861, pp. 353-359. — Avenel, eod., pp. 95-96, 100, 101. — Tabaraud, eod., p. 310. — Batterel, t. I, l. III, n° 22, 23, 25, 54, 74. — L'abbé Gouget, n° 13, pp. 125-126 128 et 144. — Arch. nat., carton 232, f° 18 et 19. — Le véritable P. Joseph, p. 137. — Girard, Vie du duc d'Epernon, p. 349. — Hist. des princes de Condé, par le duc d'Aumale, t. III, pp. 94, 110.
[62] Vie de messire Philippes de Mornay, pp. 88-89 et 501. — Lettres et mém. de messire Philippes de Mornay, t. II. pp. 257-258, 261. F. Brienne, pp. 220. 226 : Assemblée politique de ceux de la religion tenue à Loudun (1619-1620), pp. 11 r° et v° et 104 r° et v°. — Levassor, t. III, 1re partie, pp. 335-338. — Bazin, eod., pp. 350-356. — Vie du Cardinal duc de Richelieu, pp. 53-55.
[63] A. Pocquet de Livonnière, Hist. des Illustres d'Anjou, mss. 1068 de la Bibl. d'Angers, p. 18.
[64] Journal de Jehan Louvet, eod., pp. 301, 304.
[65] Récit véritable de l'entrée de la Reine-Marie dans la ville d'Angers, faicte le 16 octobre 1619, par A. Menard (chez Antoine Hernault, 1619), pp. 14, 16. — Jehan Louvet, eod., pp. 310, 313. — Rangeard, p. 357. — Merc. fr., t. V. p. 357. — Pontchartrain, p. 409. — Louis de Clermont, sieur de Bussy d'Amboise, gouverneur d'Anjou, par A. Joubert (Angers, 1885), pp. 199-200. — P. Griffet, eod., p. 251. — Levassor, eod., p. 410. — Vie du Cardinal-duc de Richelieu, p. 55.
[66] Il y était certainement le 20 octobre 1619 (Journal de Louvet, 1855, t. I, p 314).
[67] Il est même regrettable que Luynes ait imbu de ses préventions le nonce Bentivoglio, qui à son tour les a communiquées au cardinal de Retz et au jésuite Arnoux. V. à cet égard, loc. inf. cit., la correspondance diplomatique de la Nunziatura de Francia à laquelle s'est trop servilement attaché Victor Cousin dans sa sévère appréciation de la conduite politique observée par Richelieu une fois fixé en Anjou. — En fait d'accusations lancées contre Richelieu au sujet de son établissement en Anjou, l'on a violé même la vraisemblance au point de le supposer de connivence avec Luynes, à l'effet de maintenir Marie de Médicis dans son éloignement de la cour.
[68] Mém. de Richelieu, t. XXII, p. 62. — Mém. secr, eod., pp. 113-114, 122. — La nunz. de Fr., 16 et 30 juillet 1619. — Roncoveri, pp. 288 et 294. — Dupleix, pp. 124-125. — Levassor, eod., pp. 396, 398. — Dareste, eod., p. 61. — Mme d'Arconville, t. III, pp. 15-16, 22. — V. Cousin, eod., juin 1861, pp. 360-361 et mai 1862, p 313. — Batterel, eod., n° 41-42. — L'abbé Gouget, p. 137. Abbé Houssaye, eod., pp. 291-292. — Vie du Cardinal-duc de Richelieu, p. 47. Le véritable P. Joseph, pp. 132-133. — Girard, vie du duc d'Epernon, p. 346.
[69] Mém. de Richelieu, t. XI, p. 190. — Mém. secr., 20e partie, pp. 79-80. — F. Colbert, Registre, etc., p. 43. — Dispacc. degl., ambasc. venez., 21 novembre 1619. — Roncoveri, pp. 296-297. Mme d'Arnouville, t. III. p. 27 — Avenel, eod., p. 96.
[70] Au dire de Richelieu, Louis XIII aurait enlevé l'enregistrement par surprise. Mais cette affirmation partiale est démentie par tous es documents authentiques.
[71] Nous laissons de côté les stériles explications épistolaires échangées entre Marie de Médicis et Condé et Luynes.
[72] Richelieu, t. XXI, pp. 170-172, 191, 194-195 ; t. XXII, pp. 32, 34 et 35. — Mercure français, t. V, pp. 337, 340. — Nunz. di Fr., 4 et 18 décembre 1619 ; 17 et 29 janvier 1620. — Mém. Secr., eod., pp. 147, 181, 185 et t. XXXV, p. 86. — F. Colbert, 98, Registre, etc., f° 43, 45. — Arch. des aff. étr., F. fr, 773, f° 214. — Marillac, p. 2. — Dispacc. degl. amb. venez., 21 janvier 1620. — Roncoveri, p. 296. — Gramond, pp. 285-286. — Dupleix, pp. 133-134. — F. fr., divers : Faultes remarquées en l'histoire de Louis XIII, par Scipion Dupleix, par M. de Bassompierre, p. 72. — P. Griffet, eod., p. 253. Levassor, t. III, 2e partie, pp. 466, 470. — Bazin, pp. 357-358. Mme d'Arconville, t. III, pp. 27, 29. — Vie du Cardinal-duc de Richelieu, pp. 57-58, 60. — Le véritable P. Joseph, p. 138. — Tabaraud, p. 310. — Gouget, p. 154. — Arch. nat., carton 232, f° 18 r°. — Avenel, eod., passim. — Duc d'Aumale, eod., pp. 107-108.
[73] Richelieu, t. XXI, p. 194. — Pontchartrain. pp. 409, 411. Merc. fr., t. VI, pp. 5-6. — Mém. Secr., 20e partie, pp. 207-208. Marillac, p. 2. — Arch. des aff. étr., F. fr., 773, f° 214 et 238. — Roncoveri, p. 303. — Gramond, pp. 282 et 286. — Dupleix, eod., pp. 129 et 133, et F. fr., divers 22, 25. — Faultes remarquées, etc., p. 72, 74 et 197. — P. Griffet, eod., p. 254. — Levassor, t. III, pp. 534-535. — Bazin, eod., p 358 — Mme d'Arconville, eod., pp. 33, 35. — L'abbé Gouget, p. 155. — Arch. nat., carton 232, f° 18 et 19. — V. Cousin, eod., mai 1851, p. 283. — Avenel, eod., p. 101.
[74] Officiellement arrêtée au chapitre général de l'ordre tenu le 30 décembre 1619.