HISTOIRE DE JULES CÉSAR

LIVRE QUATRIÈME — RÉSUMÉ DE LA GUERRE DES GAULES ET RÉCIT DES ÉVÈNEMENTS DE ROME DE 696 A 705

CHAPITRE NEUVIÈME — ÉVÈNEMENTS DE L’AN 704.

 

 

— I — C. Claudius Marcellus et L. Emilius Paulus, consuls

L’année 703 avait été employée à des machinations dont l’objet était de renverser César, et le parti aristocratique croyait pouvoir s’appuyer, pour le succès de cette espèce de complot, sur les premiers magistrats qui entraient en charge en janvier 704. Des deux consuls, C. Claudius Marcellus, neveu du précédent consul de ce nom, et L. Emilius Paulus, le premier était parent mais ennemi dé César, le second n’avait pas pris couleur ; on lui prêtait cependant les mêmes sentiments qu’à son collègue. On espérait que, d’accord avec C. Scribonius Curion, dont l’élévation au tribunat était due à Pompée[1], il distribuerait les terres de la Campanie qui n’avaient pas encore été réparties, et que dès lors César, à son retour, ne pourrait plus disposer de ces biens en faveur de ses vétérans[2]. Cette espérance était vaine ; déjà Paulus et Curion s’étaient donnés au proconsul des Gaules. Au fait des menées de ses ennemis, César prenait soin depuis longtemps d’avoir toujours dans Rome un consul ou des tribuns dévoués à ses intérêts : en 703, il avait pu compter sur le consul Sulpicius et les tribuns Pansa et Cœlius ; en 704, Paulus et Curion étaient à sa dévotion. Si plus tard, en 705, les deux consuls lui furent contraires, il eut du moins pour lui, cette année-là, les tribuns Marc-Antoine et Q. Cassius.

Curion est appelé par Velleius Paterculus le plus spirituel des vauriens[3] ; mais, tant que ce tribun resta fidèle à la cause du sénat, Cicéron l’honora de son estime, et fit les plus grands éloges de son caractère et de ses hautes qualités[4]. Curion s’était acquis de l’autorité par son éloquence et sa clientèle. Son père avait été l’ennemi déclaré de César, contre lequel il avait composé un livre[5], et lancé une foule de bons mots, piquants ou grossiers, qu’on répétait à Rome[6]. Héritier de ces sentiments, Curion poursuivait lui-même depuis longtemps de ses sarcasmes le vainqueur des Gaules ; mais personne n’oubliait les injures plus facilement que César, et, comme il comprenait l’importance politique de ce dangereux adversaire, il n’épargna rien pour se l’attacher.

Dès sa première jeunesse, Curion avait été étroitement lié avec Marc-Antoine. Perdus de dettes l’un et l’autre, ils avaient mené ensemble la vie la plus dissolue ; leur intimité ne s’était pas affaiblie[7]. La parenté de Marc-Antoine avec la famille Julia[8], ses relations avec Gabinius, et principalement sa conduite militaire en Égypte, l’avaient fait distinguer par César, auprès duquel il s’était retiré lorsque Gabinius fut mis en jugement[9]. César l’employa d’abord comme lieutenant, puis le choisit pour questeur, en 701. Sa bienveillance pour Marc-Antoine adoucit probablement un peu l’humeur de Curion, sa libéralité fit le reste. Il lui aurait donné, s’il faut en croire Appien, plus de 1.500 talents[10]. Il est vrai qu’en même temps il achetait tout aussi cher le consul L. Emilius Paulus, sans lui demander autre chose que sa neutralité[11]. On a peine à comprendre comment César, tout en soldant son armée, pouvait s’imposer de pareils sacrifices et suffire à tant d’autres dépenses. Augmenter par ses largesses le nombre de ses partisans à Rome[12] ; faire bâtir, dans la Narbonnaise, des théâtres et des monuments ; près d’Aricia, en Italie, une magnifique villa[13] ; envoyer de riches présents à des villes lointaines, telles étaient ses charges. Comment, pour y subvenir, pouvait-il tirer l’argent nécessaire d’une province épuisée par huit années de guerre ? L’immensité de ses ressources s’explique, parce que, indépendamment des tributs payés par les vaincus, et qui s’élevaient, pour la Gaule, à 40 millions de sesterces par an (plus de 7 millions et demi de francs), la vente des prisonniers à des négociants romains produisait des sommes énormes. Cicéron nous apprend qu’il retira 12 millions de sesterces des captifs vendus après le siège peu important de Pindenissus. Si, par hypothèse, leur nombre s’élevait à 12.000, ce chiffre représente 1.000 sesterces par tête. Or, malgré la générosité de César, qui souvent rendait les captifs aux peuples vaincus, ou en faisait don à ses soldats, ainsi que cela eut lieu après le siège d’Alise, on peut admettre que 500.000 Gaulois, Germains ou Bretons, furent vendus comme esclaves pendant les huit années de la guerre des Gaules, ce qui a dû produire la somme de 500 millions de sesterces, soit environ 95 millions de notre monnaie. C’était donc, au fond, l’argent romain donné par les marchands d’esclaves qui formait la plus grande partie du butin, de même qu’aujourd’hui, lorsque, dans les expéditions lointaines, les nations européennes s’emparent du produit des douanes étrangères pour payer les frais de la guerre, c’est encore l’argent européen qui fait l’avance de ces frais.

La réconciliation de Curion avec César fut d’abord tenue secrète ; mais, soit que, afin de se ménager un prétexte pour changer de parti, le nouveau tribun eût présenté des lois qui n’avaient aucune chance d’être adoptées, soit qu’il se sentît blessé du rejet de ses propositions, vers le commencement de l’année 704 il se déclara pour César, ou, ce qui était la même chose, comme le dit Cœlius, il se mit du côté du peuple. Quel que fût le mobile de sa conduite, voici à la suite de quelles circonstances son attitude fut modifiée. Il avait proposé l’intercalation d’un mois dans l’année courante, afin, probablement, de retarder l’époque où l’on devait statuer sur la question qui agitait le sénat et la ville[14]. Sa qualité de pontife rendait sa proposition parfaitement légale ; malgré son utilité incontestable[15], elle fut mal accueillie. Il s’y attendait, mais il parut prendre la chose à coeur et regarder le refus du sénat comme une offense. Dès ce moment, il fit une opposition systématique[16]. Vers le même temps, il présenta deux lois, l’une concernant l’alimentation du peuple, dont il voulait charger les édiles[17] ; l’autre, sur la réparation des routes, dont il demandait la direction pendant cinq ans[18]. Il entendait, semble-t-il, faire payer les voyageurs selon le nombre et la nature de leurs moyens de transport, en un mot, établir un impôt : sur les riches et accroître ainsi sa popularité[19]. Ces deux derniers projets furent aussi mal reçus que le premier, et ce double échec acheva de le rapprocher de ceux qu’il avait jusque-là combattus.

La nomination des censeurs, qui eut lieu à cette époque, amena de nouvelles complications. L’un, L. Calpurnius Pison, beau-père de César, n’accepta ces fonctions qu’à regret et montra une extrême indulgence ; l’autre, Appius Claudius Pulcher, qui avait été consul en 700, fougueux partisan de la noblesse, crut la servir en déployant une sévérité excessive. II renvoya du sénat tous les affranchis et plusieurs nobles des plus illustres, entre autres l’historien Salluste, homme d’esprit et de talent, qui se rendit aussitôt dans la Cisalpine, où César l’accueillit avec empressement[20].

Appius n’avait aucune mesure dans sa dureté. Cicéron dit de lui que, pour ôter de simples taches, il s’ouvrait les veines et les entrailles[21]. Au lieu de remédier au mal, il ne fit donc que l’envenimer ; il jeta dans les rangs du parti opposé tous ceux qu’il excluait, sans donner à ceux qu’il maintenait une plus grande considération. Il y a des temps où la sévérité est mauvaise conseillère et ne peut rendre à un gouvernement la force morale qu’il a perdue.

— II — César se rend dans la Cisalpine

César passa tout l’hiver de 704 à Némétocenne (Arras). Au commencement de l’été suivant, il partit en toute hâte pour l’Italie, afin, dit Hirtius, de recommander aux villes municipales et aux colonies son questeur, Marc-Antoine, qui briguait le sacerdoce. En l’appuyant de son crédit, non seulement il voulait servir un ami fidèle, qu’il avait lui-même engagé à solliciter cette charge, mais lutter contre une faction qui désirait le faire échouer, pour ébranler le pouvoir de César, dont le gouvernement allait bientôt expirer. Il apprit en route, avant d’arriver en Italie, la nomination d’Antoine en qualité d’augure : il n’en crut pas moins devoir parcourir les villes municipales et les colonies, afin de les remercier de leurs dispositions favorables à Antoine. Il voulait aussi se ménager leur appui pour l’année suivante (705), car ses ennemis se vantaient avec insolence, d’une part, d’avoir nommé au consulat L. Lentulus et C. Marcellus, qui dépouilleraient César de ses charges et de ses dignités ; et, de l’autre, d’avoir enlevé le consulat à Servius Galba, malgré son crédit et le nombre de ses suffrages, par le seul motif qu’il était l’ami et le lieutenant de César.

César fut accueilli par les villes municipales et par les colonies avec des témoignages incroyables de respect et d’affection : c’était la première fois qu’il y paraissait depuis l’insurrection générale de la Gaule. On n’omit rien de ce qui put être imaginé pour orner les portes, les chemins, les places, sur son passage ; femmes, enfants, tous accouraient sur les places publiques et dans les temples ; partout on immolait des victimes, on dressait des tables. Les riches étalaient leur magnificence, les pauvres rivalisaient de zèle. César goûtait par avance le charme d’un triomphe vivement désiré[22].

Après avoir ainsi parcouru les contrées de la Gaule citérieure, il rejoignit promptement l’armée à Némétocenne. Dans la prévision de son prochain départ, il voulut frapper les esprits des Germains et des Gaulois par une grande agglomération de forces, et se montrer encore une fois à ses troupes réunies. Les légions, retirées de leurs quartiers, furent envoyées chez les Trévires ; César s’y rendit de son côté et y passa l’armée en revue. Cette solennité avait nécessairement de la grandeur. Il voyait devant lui ces vieilles cohortes avec lesquelles il avait livré tant de combats et dont les plus jeunes soldats comptaient huit campagnes. Sans doute il leur rappela que, général ou consul, il devait tout au peuple et à l’armée, et que la gloire acquise ensemble formait entre eux d’indissolubles liens. Jusqu’à la tin de l’été, il resta dans le nord de la Gaule, ne déplaçant les troupes qu’autant qu’il le fallait pour entretenir la santé du soldat. T. Labienus reçut ensuite le commandement de la Gaule citérieure, dans le but d’assurer plus de suffrages à la prochaine candidature de César au consulat. Quoique ce dernier n’ignorât pas les manœuvres de ses ennemis pour détacher de lui Labienus, et leurs intrigues pour lui faire enlever par le sénat une partie de son armée, on ne put l’amener ni à douter de Labienus, ni à rien entreprendre contre l’autorité du sénat. Il savait que, si les voix étaient libres, les pères conscrits lui rendraient justice[23]. En effet, toutes les fois que le sénat n’était pas sous l’empire d’une minorité factieuse, la majorité se prononçait en faveur de César.

Il avait été décidé, dans le mois d’octobre précédent, qu’on s’occuperait des provinces consulaires au 1er mars 704, époque à laquelle Pompée avait déclaré qu’il ne mettrait plus d’obstacle à la discussion. Elle s’ouvrit alors, à ce qu’il semble d’après une lettre de Cicéron, et le sénat se montra disposé à rappeler César pour les ides de novembre de 704. Il n’y eut pas néanmoins de résultat décisif. On n’osait pas s’engager encore dans une lutte à outrance : Curion, à lui seul, faisait trembler le sénat par son opposition[24].

Lorsqu’au sein de cette assemblée C. Marcellus déclamait contre César, Curion prenait la parole, louait la prudence du consul, approuvait fort que le vainqueur des Gaules fût sommé de licencier son armée ; mais il insinuait qu’il ne serait pas moins désirable de voir Pompée licencier la sienne. Ces grands généraux, disait-il[25], lui étaient suspects, et il n’y aurait pas de tranquillité pour la République tant que l’un et l’autre ne seraient pas devenus des hommes privés. Ces discours plaisaient au peuple, qui commençait d’ailleurs à perdre beaucoup de son estime pour Pompée, depuis que, par sa loi sur la brigue, un grand nombre de citoyens étaient condamnés à l’exil. On louait de tous côtés Curion : on admirait son courage à braver deux hommes si puissants, et plusieurs fois une foule immense le reconduisit à sa maison en lui jetant des fleurs, comme à un athlète, dit Appien[26], qui vient de soutenir un combat rude et périlleux.

Les habiles manœuvres de Curion eurent un tel succès, que, lorsque Marcellus proposa de se concerter avec les tribuns du peuple sur les moyens de s’opposer à la candidature de César, la majorité du sénat se prononça en sens contraire. M. Cœlius, à ce sujet, écrivait à Cicéron[27] : Les opinions ont tourné, au point qu’on trouve bon de compter comme candidat au consulat tel qui ne veut remettre ni son armée ni sa province. Pompée ne donnait plus signe de vie, et laissait faire le sénat.

Il semblait toujours dédaigner ce qu’il convoitait le plus[28]. Ainsi, à cette époque, il affectait une complète insouciance et se retranchait dans la légalité, attentif à éviter toute apparence d’hostilité personnelle contre César. En même temps, soit pour échapper à une pression prématurée, soit pour paraître indifférent à la question qui agitait la République, il quitta ses jardins près de Rome pour se rendre eu Campanie. De là il envoya au sénat une missive dans laquelle, tout en faisant l’éloge de César et le sien, il rappelait qu’il n’avait jamais sollicité un troisième consulat, ni le commandement des armées ; qu’il l’avait reçu, malgré lui, pour sauver la République, et qu’il était prêt à y renoncer, sans attendre le terme fixé par la loi[29]. Cette lettre, étudiée et artificieuse, avait pour but de faire ressortir le contraste de sa conduite désintéressée avec celle de César, qui refusait d’abandonner son gouvernement ; mais Curion déjoua cette manœuvre. Si Pompée était sincère, il devait, disait-il[30], non pas promettre de donner sa démission, mais l’offrir immédiatement ; tant qu’il ne serait pas rentré dans la vie privée, le commandement ne pouvait pas être enlevé à César. D’ailleurs l’intérêt de l’État exigeait la présence de deux rivaux sans cesse opposés l’un à l’autre, et, à ses yeux, c’était Pompée qui aspirait ouvertement à la tyrannie. Cette accusation ne manquait pas de fondement, car depuis dix-neuf ans, c’est-à-dire depuis 684, époque de son premier consulat, Pompée avait presque toujours été en possession de l’imperium, soit comme consul, soit comme général dans les guerres contre les pirates et contre Mithridate, soit enfin comme chargé des approvisionnements de l’Italie. Ôter à César son armée, dit Plutarque[31], et laisser à Pompée la sienne, c’était, en accusant l’un d’aspirer à la tyrannie, donner à l’autre les moyens d’y parvenir.

— III — Pompée reçoit des ovations et redemande à César deux légions

Vers cette époque Pompée tomba dangereusement malade, et, lorsqu’il fut guéri, les Napolitains et les peuples de toute l’Italie montrèrent une telle allégresse, que chaque ville, petite ou grande, dit Plutarque[32], célébra des fêtes pendant plusieurs jours. Lorsqu’il revint à Rome, il n’y avait pas d’endroits assez spacieux pour contenir la foule qui accourait au-devant de lui : les chemins, les bourgs et les ports étaient pleins de gens offrant des sacrifices, faisant des banquets pour témoigner leur joie de son rétablissement. Un grand nombre de citoyens, couronnés de feuillage, allaient le recevoir avec des flambeaux et l’accompagnaient en lui jetant des fleurs ; le cortége dont il était suivi dans sa marche présentait le spectacle le plus agréable et le plus magnifique. Quoique ces ovations eussent donné à Pompée une opinion exagérée de son influence, de retour à Rome, il observa en public la même réserve, tout en soutenant secrètement les mesures propres à amoindrir le pouvoir de César. Ainsi, prenant prétexte des demandes de renforts, sans cesse renouvelées par Bibulus et Cicéron, proconsuls de Syrie et de Cilicie, qui voulaient mettre leurs provinces à l’abri d’une invasion des Parthes, il représenta que les levées ordonnées par le sénat étaient insuffisantes et qu’il était nécessaire d’envoyer en Orient des troupes aguerries. Il fut alors décidé que Pompée et César, qui se trouvaient à la tête d’armées considérables, en détacheraient, chacun de son côté, une légion pour la défense des provinces menacées. Aussitôt un sénatus-consulte somma César de remettre la sienne et lui ordonna, en outre, de rendre la légion qui lui avait été prêtée par Pompée peu après la conférence de Lucques. Peut-être espérait-on quelque résistance de sa part, car cette dernière légion avait été levée, comme toutes celles de son armée, dans la Gaule cisalpine ; mais il n’hésita pas à obéir, en sorte que, seul, il dut fournir les renforts exigés pour l’Orient. Avant de se séparer de ses soldats, qui avaient si longtemps combattu sous ses ordres, il fit distribuer deux cent cinquante drachmes (225 fr.) à chaque légionnaire[33].

Appius Claudius, neveu du censeur du même nom, parti de Rome avec la mission de ramener ces troupes de la Cisalpine en Italie, rapporta, à son retour, que les soldats de César, fatigués de leurs longues campagnes, soupiraient après le repos et qu’il serait impossible de les entraîner à une guerre civile ; il prétendait même que les légions en quartiers d’hiver dans la Gaule transalpine n’auraient pas plutôt passé les Alpes, qu’elles se rallieraient aux drapeaux de Pompée[34]. Les événements démentirent dans la suite ces renseignements, car non seulement, comme on le verra, les troupes restées sous le commandement de César lui demeurèrent fidèles, mais celles qui lui avaient été retirées conservèrent le souvenir de leur ancien général. En effet Pompée lui-même n’avait nulle confiance dans les deux légions qu’il avait reçues, et sa lettre à Domitius, proconsul au commencement de la guerre civile, explique son inaction par le danger de les mettre en présence de l’armée de César, tant il redoute de les voir passer dans le camp opposé[35]. A Rome, cependant, on croyait aux rapports qui flattaient les prétentions de Pompée, bien qu’ils fussent contredits par d’autres plus certains, montrant l’Italie, les provinces cisalpines, la Gaule même, comme également dévouées à César. Pompée, sourd à ces derniers avertissements, affectait le plus grand mépris pour les forces dont son adversaire pouvait disposer. A l’entendre, César se perdait, et n’avait d’autre chance de salut que dans une prompte et complète soumission. Quand on lui demandait avec quelles troupes il résisterait au vainqueur des Gaules, dans le cas où celui-ci viendrait à marcher sur Rome, il répondait d’un air confiant qu’il n’avait qu’à frapper du pied le sol de l’Italie pour en faire sortir des légions[36].

Il était naturel que sa vanité lui fit interpréter favorablement tout ce qui se passait sous ses yeux. A Rome, les plus grands personnages lui étaient dévoués. L’Italie avait tressailli à la nouvelle de sa maladie et fêté sa guérison à l’égal d’un triomphe. L’armée des Gaules, lui disait-on, était prête à répondre à son appel.

Avec moins d’aveuglement, Pompée eût discerné la véritable raison de l’enthousiasme dont il avait été l’objet. Il eût compris que cet enthousiasme s’adressait bien moins à sa personne qu’au dépositaire d’une autorité qui semblait alors seule capable de sauver la République ; il eût compris que, du jour où se produirait un autre général dans les mêmes conditions que lui de renommée et de pouvoir, le peuple, dans son admirable discernement, se rangerait aussitôt du côté de celui qui s’identifierait le mieux avec ses intérêts.

Pour se rendre un compte fidèle de l’opinion publique, il eût fallu, chose difficile au. chef de la cause aristocratique, ne pas s’en tenir uniquement au jugement du monde officiel, mais interroger les sentiments de ceux que leur position rapprochait le plus du peuple. Au lieu de croire aux rapports d’Appius Claudius, et de compter sur le mécontentement de quelques lieutenants de César qui, comme Labienus, montraient déjà des tendances hostiles, Pompée aurait dû méditer sur cette exclamation d’un centurion, qui, placé à la porte du sénat lorsque cette assemblée rejetait les justes réclamations du vainqueur des Gaules, s’écria en mettant la main sur son épée[37] : Celle-ci lui donnera ce qu’il demande.

C’est que, dans les troubles civils, chaque classe de la société devine, comme par instinct, la cause qui répond à ses aspirations, et se sent attirée vers elle par une secrète affinité. Les hommes nés dans les classes supérieures, ou élevés à leur niveau par les honneurs et les richesses, sont toujours entraînés vers les causes aristocratiques, tandis que les hommes retenus par la fortune dans les rangs inférieurs restent les fermes soutiens de la cause populaire. Ainsi, au retour de l’île d’Elbe, la plupart des généraux de l’empereur Napoléon, comblés de biens comme les lieutenants de César[38], marchaient ouvertement contre lui ; mais dans l’armée tous, jusqu’au grade de colonel, disaient, à l’exemple du centurion romain, en montrant leurs armes : Voilà ce qui le remettra sur le trône.

— IV —Le sénat vote avec impartialité

Un examen attentif de la correspondance entre M. Cœlius et Cicéron, ainsi que les récits des différents auteurs, donne la conviction qu’il fallut, à cette époque, de grands efforts de la part de la fraction turbulente du parti aristocratique pour entraîner le sénat contre César. Le censeur Appius, en faisant la revue de cette assemblée, nota Curion, c’est-à-dire voulut le rayer de la liste ; mais, sur les instances de son collègue et du consul Paulus, il se borna à exprimer un blâmé formel et le regret de ne pouvoir faire justice. En l’entendant, Curion déchira sa toge et protesta avec la dernière vivacité contre une attaque déloyale. Le consul Marcellus, qui soupçonnait l’entente de Curion avec César, et qui comptait sur les dispositions du sénat, très défavorables à l’un et à l’autre, mit en discussion la conduite du tribun. Tout en réclamant contre ce procédé illégal, Curion accepta ce débat et déclara que, fort de sa conscience, et certain d’avoir toujours agi dans les intérêts de la République, il remettait avec confiance son honneur et sa vie entre les mains du sénat. Il ne pouvait résulter de cette scène qu’un vote honorable pour Curion[39] ; mais bientôt cet incident tint abandonné, et la discussion s’engagea sur la situation politique. Marcellus posa d’abord cette question César doit-il être remplacé dans sa province ? Il pressa le sénat de voter. Les sénateurs s’étant formés en deux groupes dans la curie, l’immense majorité se déclara pour l’affirmative. La même majorité se prononça pour la négative à une seconde question de Marcellus : Pompée doit-il être remplacé ? Mais Curion, reprenant les arguments qu’il avait déjà fait valoir tant de fois sur le danger de favoriser Pompée aux dépens de César, exigea la mise aux voix d’une troisième question : Pompée et César devront-ils désarmer tous les deux ? A la surprise du consul, cette proposition inattendue passa à la majorité de trois cent soixante et dix voix contre vingt-deux ; alors Marcellus congédia le sénat en disant avec amertume : Vous l’emportez ! vous aurez César pour maître[40]. Il ne croyait pas si bien prédire l’avenir. Ainsi la presque unanimité de l’assemblée avait donné, par son vote, raison à Curion, qui n’était, dans cette circonstance, que le représentant de César, et, si Pompée et son parti se fussent soumis à cette décision, la lutte que les honnêtes gens redoutaient n’aurait plus eu de prétexte : César et Pompée seraient rentrés dans la condition commune, chacun avec ses partisans et sa renommée, mais sans armée et par conséquent sans moyen de troubler la République.

— V — Mesures violentes adoptées contre César

Ce n’était pas l’affaire de ces hommes impatients, qui abritaient leurs petites passions sous les grands mots de salut public et de liberté. Pour détruire l’effet de ce vote du sénat, on fit courir dans Rome le bruit de l’entrée de César en Italie ; Marcellus demanda qu’on levât des troupes et qu’on fit venir de Capoue, où elles tenaient garnison, les deux légions destinées à la guerre d’Orient. Curion protesta contre la fausseté de cette nouvelle et intercéda, en sa qualité de tribun, pour s’opposer à tout armement extraordinaire. Alors Marcellus s’écria : Puisque je ne puis rien faire ici par le consentement de tous, seul je me charge du salut public sous ma responsabilité ! Puis il courut dans le faubourg où Pompée avait ses quartiers, et, lui présentant une épée, il lui adressa ces paroles : Je te somme de prendre le commandement des troupes qui sont à Capoue, d’en lever d’autres, et d’aviser aux mesures nécessaires pour le salut de la République. Pompée accepta cette mission, mais en faisant des réserves : il dit qu’il obéirait aux ordres des consuls, si toutefois il n’y avait rien de mieux à faire. Cette réflexion prudente, dans un moment si critique, peint le caractère de l’homme[41]. M. Marcellus comprit tout ce que sa conduite avait d’irrégulier et amena avec lui les consuls désignés pour l’année suivante (705) ; même avant leur entrée en fonction[42], qui devait avoir lieu dans quelques jours, ils avaient le droit de rendre des édits indiquant les principes d’après lesquels ils se proposaient d’agir pendant leur magistrature. C’étaient L. Cornelius Lentulus Caus et C. Claudius Marcellus, ce dernier parent du précédent consul du même nom, tous les deux ennemis de César. Ils s’engagèrent auprès de Pompée a soutenir de tous leurs efforts la mesure que leur prédécesseur avait prise à ses risques et périls. On le voit, ce sont les consuls et Pompée qui se révoltent contre les décisions du sénat.

Curion ne put pas s’opposer régulièrement à ces mesures, les tribuns n’ayant pas le droit d’exercer leurs pouvoirs hors de Rome ; mais il attaqua devant le peuple ce qui venait de se faire et demanda qu’on n’obéît pas à la levée de troupes ordonnée par Pompée au mépris de la légalité[43].

— VI — État de l’opinion publique

La lettre suivante, de M. Cœlius à Cicéron, fait connaître quel était le jugement des Romains impartiaux sur la situation politique, en septembre 704.

Plus nous approchons de la lutte inévitable, plus on est frappé de la grandeur du péril. Voici le terrain où vont se heurter les deux puissants du jour. Cn. Pompée est décidé à ne pas souffrir que César soit consul avant d’avoir remis son armée et ses provinces, et César se persuade qu’il n’y a pour lui de salut qu’en gardant son armée ; il consent toutefois, si la condition de quitter le commandement devient réciproque. Ainsi ces effusions de tendresse et cette alliance tant redoutée aboutiront non pas à une animosité occulte, mais à une guerre ouverte. Pour ce qui me touche, je ne sais guère quel parti prendre dans cette conjoncture, et je ne doute pas que cette perplexité ne nous soit commune. Dans l’un des partis, j’ai des obligations de reconnaissance et des amitiés ; dans l’autre, c’est la cause et non les hommes que je hais. Mes principes, que vous partagez sans doute, sont ceux-ci : dans les dissensions intérieures, tant que les choses se passent entre citoyens sans armes, préférer le plus honnête parti ; mais, quand la guerre éclate et que deux camps sont en présente, se mettre avec le plus fort, chercher la raison là où se trouve la sûreté. Or que vois-je ici ? D’un côté, Pompée avec le sénat et la magistrature ; de l’autre, César avec tout ce qui a quelque chose à craindre ou à convoiter. Tulle comparaison possible quant aux armées. Plaise aux dieux qu’on nous laisse le temps de peser les forces respectives et de faire notre choix ![44] Cœlius ne fut pas longtemps à faire le sien : il embrassa le parti de César[45].

Cette appréciation d’un contemporain était certainement partagée par un grand nombre de personnes qui, sans convictions bien arrêtées, étaient prêtes à se ranger du côté du plus fort. Cicéron, qui revenait en Italie[46], avait la même tendance ; toutefois il éprouvait un extrême embarras. Non seulement il était lié avec les deux adversaires, mais César lui avait prêté une somme considérable, et cette dette lui pesait comme un remords[47]. Après avoir ardemment désiré quitter son commandement par crainte de la guerre contre les Parthes, il allait tomber au milieu des préparatifs d’une guerre civile bien autrement dangereuse. Aussi, lorsque, arrivé en Grèce, il crut, sur de faux bruits, que César avait fait pénétrer quatre légions dans Plaisance, sa première pensée fut de s’enfermer dans la citadelle d’Athènes[48]. Quand enfin il fut de retour en Italie, il se félicita d’être en instance pour obtenir les honneurs du triomphe, parce qu’alors l’obligation de rester hors de Rome le dispensait de se prononcer entre les deux rivaux.

Il tenait par-dessus tout au triomphe, et, dans ses lettres, il pressait les grands personnages d’y faire consentir le sénat ; mais Caton trouvait, comme beaucoup d’autres, que les exploits du proconsul en Cilicie ne méritaient point tant d’honneur, et il lui avait refusé de l’appuyer, tout en donnant force éloges à son caractère. César, moins rigide sur les principes, n’oubliant rien de ce qui pouvait flatter l’amour-propre des hommes importants, avait écrit à Cicéron pour lui promettre son concours et blâmer la sévérité de Caton[49].

Cependant le célèbre orateur ne se faisait pas illusion sur les ressources des deux partis. Lorsqu’il s’entretenant avec Pompée, l’assurance de cet homme de guerre le tranquillisait ; mais, livré à ses propres méditations, il voyait bien que toutes les chances étaient du côté de César.

Aujourd’hui, écrivait-il, César se trouve à la tête de onze légions (il oubliait les deux légions données à Pompée), sans compter la cavalerie, dont il aura tant qu’il voudra ; il a pour lui les villes transpadanes, la populace de Rome, l’ordre entier des chevaliers, presque tous les tribuns, tout ce qu’il y a de jeunesse désordonnée, l’ascendant de son nom glorieux, son audace extrême. Voilà l’homme qu’il faut combattre[50]. Il ne manque à ce parti qu’une bonne cause ; le reste y abonde. Ainsi il n’y a rien qu’on ne doive faire plutôt que d’en venir à la guerre ; le résultat en est toujours incertain, et combien n’est-il pas plus à redouter pour nous ![51]

Quant à son propre parti, il le définissait de la manière suivante : Qu’entendez-vous par ces hommes du bon parti ? Je n’en connais pas que je puisse nommer. J’en connais, si nous l’entendons de la classe entière des honnêtes gens ; car individuellement, dans le vrai sens du mot, ils sont rares ; mais dans les dissensions civiles, c’est la cause des honnêtes gens qu’il faut chercher où elle est. Est-ce le sénat qui est ce bon parti, le sénat qui laisse les provinces sans gouverneurs ? Jamais Curion n’aurait résisté si l’on s’était mis à lui tenir tête ; mais le sénat n’en a rien fait, et l’on n’a pu donner à César un successeur. Sont-ce les chevaliers, qui n’ont jamais été d’un patriotisme très solide, et qui aujourd’hui sont tout dévoués à César ? Sont-ce les gens de commerce on ceux de la campagne, qui ne demandent qu’à vivre en repos ? Croirons-nous qu’ils redoutent beaucoup de voir le pouvoir d’un seul, eux à qui tout gouvernement est bon, dès lors qu’ils sont tranquilles ?[52] Plus la situation devenait grave, plus les hommes sages inclinaient vers le parti de la paix. Pompée s’était encore absenté de Rome pour quelques jours ; il se montrait fort irrité de l’arrogance du tribun Marc-Antoine, qui, dans un discours devant le peuple, l’avait attaqué avec violence. Il paraissait aussi très blessé du manque d’égards d’Hirtius, cet ami de César, qui était vente à Rome sans lui rendre visite[53]. L’absence de Pompée dans des moments si critiques avait été généralement blâmée[54] ; mais il fut bientôt de retour ; ses résolutions étaient arrêtées.

J’ai vu Pompée, écrivait Cicéron à son ami[55], le 6 des calendes de décembre. Nous sommes allés ensemble à  Formies et nous nous sommes entretenus seuls depuis deux heures jusqu’au soir. Vous me demandez s’il y a quelque espérance d’accommodement ; autant que j’en ai pu juger par ce qu’il m’a dit dans un long entretien rempli de détails, on n’en a pas même envie. Il prétend que, si César obtient le consulat, même après avoir congédié son armée, il y aura un bouleversement dans l’État. Il est d’ailleurs persuadé que, lorsque César saura qu’on se met en mesure contre lui, il laissera là le consulat pour cette année et qu’il aimera mieux garder son armée et sa province ; il a ajouté que ses fureurs ne lui feraient pas peur et que Rome et lui sauraient bien se défendre. Que voulez-vous que je vous dise ? Quoique le grand mot, Mars a des chances égales pour tous, me revînt souvent à l’esprit, je me sentais rassuré en entendant un homme valeureux, si habile et si puissant, raisonner en politique sur les dangers d’une fausse paix. Nous avons lu ensemble la harangue d’Antoine, du 10 des calendes de janvier, laquelle est, tout d’une pièce, une accusation contre Pompée, qu’il prend comme dès la toge de l’enfance. Il lui reproche des condamnations par milliers ; il nous menace de la guerre. Sur quoi Pompée me disait : Que ne fera point César, une fois maître de la République, si son questeur, un homme sans biens, sans appui, ose parler de la sorte ! En un mot, loin de désirer une telle paix, il m’a paru la craindre, peut-être parce qu’il faudrait alors qu’il s’en allât en Espagne. Ce qui me fâche le plus, c’est que je serai obligé de rembourser César, et de mettre là tout l’argent que je destinais à mon triomphe, car il serait honteux de rester débiteur, d’un adversaire politique. Par cette déclaration, Cicéron démontre, de la manière la plus positive, que Pompée voulait la guerre et repoussait tout rapprochement ; il le répète ailleurs avec plus de précision encore.

Pompée, entraîné par la marche fatale des événements à combattre les justes demandes de César, qu’il avait d’abord favorisées, en était réduit à désirer la guerre civile.

Lui et les siens n’étaient pas arrivés à cette extrémité sans froisser le plus souvent la volonté du sénat, sans blesser le sentiment publie et sans sortir de la légalité. Au commencement de 703, lorsque Marcellus avait proposé de rappeler César avant le temps légal, le sénat, réuni en grand nombre, avait passé à l’ordre du jour[56], et pendant le reste de l’année il s’était montré déterminé à ne rien entreprendre contre le proconsul des Gaules. Il avait rejeté une seconde fois la proposition de Marcellus, renouvelée le 1er mars 704, et par la suite le sénat avait témoigné de dispositions favorables à César. Cependant on en vient bientôt à méconnaître la loi qui lui permet de garder son commandement jusqu’aux comices consulaires de 705 ; après bien des hésitations, le sénat décide que César et Pompée licencieront en même temps leurs armées, mais le décret n’est pas exécuté ; les passions s’animent, les mesures les plus arbitraires sont proposées, les tribuns intercèdent : leur veto est regardé comme non avenu. Alors, sans provoquer de sénatus-consulte, sans faire appel au peuple, les consuls chargent Pompée de lever des troupes et de veiller au salut de la République. C’est le parti aristocratique qui se place au-dessus de la loi et met le droit du côté de César.

 

 

 



[1] Cicéron, Lettres familières, VIII, 4.

[2] Cœlius à Cicéron, Lettres familières, VIII, 10.

[3] Ingeniosissime nequam.

[4] Cicéron à Curion, Lettres familières, II, 7.

[5] Cicéron, Brutus, 60, 218.

[6] Suétone, César, 49.

[7] Plutarque, Antoine, 2. — Cicéron, Philippiques, II, 19, 48.

[8] Voyez sa biographie, Appendice D.

[9] Cicéron, Philippiques, II, 20, 49.

[10] Appien, Guerres civiles, II, 26. — Cependant Cicéron, qui ne ménageait pas ses adversaires, ne parle pas de cet acte de corruption, et Velleius Paterculus (II, 48) s’exprime ainsi : Curion, comme on l’a dit, s’était-il vendu ? C’est ce que nous n’osons décider.

[11] Emilius Paulus bâtit, dit-on, de cet argent la basilique fameuse qui porte son nom (Appien, Guerres civiles, II, 26).

[12] On a dit de lui qu’il n’y avait homme si infime qui ne lui parût valoir la peine d’être gagné (Cicéron, Ad Div., VIII, 22).

[13] Cicéron, Lettres à Atticus, VI, 1.

[14] Curion, dans son humeur de n’avoir pas obtenu d’intercalation, s’est rejeté avec une légèreté sans pareille du côté du peuple, et s’est mis à parler pour César (Cœlius à Cicéron, Lettres familières, VIII, 6).

[15] Voir Appendice A.

[16] Dion Cassius, XL, 62.

[17] Cœlius à Cicéron, Lettres familières, VIII, 6.

[18] Cicéron, Lettres à Atticus, VI, 1 ; Ad Div., VIII, 6, 5. — Appien, Guerres civiles, II, 27.

[19] La lettre suivante explique la nature de cet impôt : Cet homme d’importance (P. Vedius) est venu au-devant de moi avec deux chariots, une chaise roulante, une litière et un si grand nombre de valets, que, si la loi de Curion passe, Vedius sera assurément taxé de cent mille sesterces. Il avait de plus un cynocéphale sur un de ses chariots, et des ânes sauvages dans son équipage. Je n’ai jamais vu un homme si ridicule (Cicéron, Lettres à Atticus, VI, 1, 22).

[20] Dion Cassius, XL, 63.

[21] Cicéron, Lettres familières, VIII, 14.

[22] Guerre des Gaules, VIII, 50-52.

[23] Guerre des Gaules, VIII, 52.

[24] Pompée paraît d’accord avec le sénat pour exiger absolument le retour de César aux ides de novembre. Curion est décidé à tout plutôt que de le souffrir : il fait bon marché du reste. Nos gens, que vous connaissez bien, n’osent s’engager dans une lutte à outrance. Voici l’état de la scène. Pompée, en homme qui, sans attaquer César, entend ne lui concéder que ce qui est juste, accuse Curion d’être un agent de discorde. Au fond, il ne veut pas que César soit désigné consul avant d’avoir remis son armée et sa province, et il redoute singulièrement que cela n’arrive. Il est assez malmené par Curion, qui lui jette continuellement au nez son second consulat. Je vous le prédis : si l’on ne garde des ménagements avec Curion, César y gagnera un défenseur. Avec l’effroi qu’ils laissent voir de l’opposition d’un tribun, ils feront tant que César restera indéfiniment le maître dans les Gaules (Cicéron, Lettres familières, VIII, 11).

[25] Dion Cassius, XL, 61. — Appien, Guerres civiles, II, 27.

[26] Appien, Guerres civiles, II, 27.

[27] Cœlius à Cicéron, Lettres familières, VIII, 13.

[28] C’est son habitude de parler d’une façon et de penser de l’autre ; mais il n’a pas assez de tête pour ne pas se laisser pénétrer (Cœlius à Cicéron, Lettres familières, VIII, 1).

[29] Appien, Guerres civiles, II, 28.

[30] Appien, Guerres civiles, II, 28.

[31] Plutarque, César, 34.

[32] Plutarque, Pompée, 61.

[33] Appien, Guerres civiles, II, 29. — Plutarque, César, 32.

[34] Appien, Guerres civiles, II, 29. — Cet officier (Appius) affecta de rabaisser les exploits qui s’étaient accomplis dans cette contrée (la Gaule), et de répandre des bruits injurieux à César. Il Fallait, disait-il, que Pompée connût bien peu ses forces et sa réputation ; autrement chercherait-il, pour se mesurer avec César, d’autres troupes que celles dont il disposait ? il le vaincrait avec les légions mêmes de son ennemi, aussitôt qu’il paraîtrait, tant les soldats haïssaient César et désiraient de revoir Pompée (Plutarque, Pompée, 61).

[35] Je voudrais me rapprocher de vous ; mais, je le dis à regret, je n’ose nie fier aux deux légions... II ne faut pas, sans les cohortes du Picenum, exposer les deux légions en présence de César (Lettre de Pompée à Domitius, proconsul. — Cicéron, Lettres à Atticus, VIII, 12). — Toutes mes ressources se réduisent à deux légions que Pompée a retenues d’une manière odieuse et dont il n’est pas plus sûr que d’étrangers (Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 13).

[36] Plutarque, Pompée, 61.

[37] Plutarque, César, 33.

[38] Approuvez-vous que Labienus et Mamurra aient amassé des richesses immenses ? (Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 7).

[39] Dion Cassius, XL, 63-64.

[40] Appien, Guerres civiles, II, 30. — Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 4.

[41] Appien, Guerres civiles, II, 31. — Cicéron, Lettres à Atticus, VI, 9 ; VII, 1.

[42] Dion Cassius, XL, 46.

[43] Appien, Guerres civiles, II, 31.

[44] Cœlius à Cicéron, Lettres familières, VIII, 14.

[45] Cicéron, Lettres à Atticus, VIII, 3.

[46] Cicéron débarqua à Brindes le 7 des calendes de décembre 704 (Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 2).

[47] Je reçois de César des lettres flatteuses ; Balbus m’en écrit tout autant de sa part. Je suis bien résolu à ne pas m’écarter d’un doigt du chemin de l’honneur ; mais vous savez si je suis encore en reste avec César. Pensez-vous que j’aie à craindre qu’on ne me reproche ma dette, si j’opine pour lui seulement en douceur, et, si je me roidis, qu’on ne me la réclame tout haut ? Que faire ? Le payer, me direz-vous. Eh bien ! j’emprunterai à Cœlius. Pensez-y pourtant, je vous prie ; car je m’attends bien que, s’il m’arrive de parler avec fermeté dans le sénat, votre bon ami de Tartessus viendra aussitôt me dire : Payez donc ce que vous devez (Année 704, 9 décembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 3).

[48] Qu’allons-nous devenir ? J’ai bien envie de m’enfermer dans la citadelle d’Athènes, d’où je vous écris (Année 704. Lettres à Atticus, VI, 9). — Aussi, laissant aux fous l’initiative de la parole, je crois que je ferai bien de travailler à obtenir ce triomphe ; ne fût-ce que pour avoir une raison de ne pas être dans Rome ; mais on saura bien trouver le moyen de venir m’arracher mon opinion. Vous allez vous moquer de moi. Que je voudrais être resté dans ma province ! (Lettres à Atticus, VII, 1).

[49] Il a témoigné, ce que je ne lui demandais pas, de mon intégrité, de mon équité, de ma douceur, et il m’a refusé ce que j’attendais de lui. Aussi il faut voir comme César, dans la lettre où il me félicite et me promet tout, sait bien se prévaloir de cette abominable ingratitude de Caton ! Mais ce même Caton a fait accorder vingt jours à Bibulus : passez-moi d’être rancunier ; c’est là une chose que je ne puis souffrir et que je ne lui pardonnerai jamais (Année 704, novembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 2).

[50] Année 704, décembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 7. — Les mots ordre entier des chevaliers ne sont point dans le texte, mais cela ressort de ce que dit Cicéron dans la même lettre.

[51] Année 704, décembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 3.

[52] Année 704, décembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 7.

[53] Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 4.

[54] La situation de la République m’inspire de jour en jour plus d’inquiétude. Les honnêtes gens ne sont pas d’accord autant qu’on le croit. Que de chevaliers romains, que de sénateurs n’ai-je pas entendus déclamer contre Pompée, notamment pour ce malheureux voyage ! C’est la paix qu’il nous faut. Toute victoire sera funeste et fera surgir un tyran. Oui, je suis de ceux qui pensent que mieux vaut en passer par tout ce qu’il demande (César) que d’en appeler aux armes. C’est s’y prendre trop tard pour lui résister, quand depuis dix ans nous n’avons fait que lui donner de la force contre nous (Année 704, décembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 5).

[55] Année 704, décembre. Cicéron, Lettres à Atticus, VII, 8.

[56] Senatus frequens in alia transiit (Guerre des Gaules, VIII, 43).