LIVRE TROISIÈME — GUERRE DES GAULES D’APRÈS LES COMMENTAIRES
— I — Révolte de Les armes romaines avaient depuis six années soumis tour à
tour les principaux États de Les principaux chefs s’assemblent dans des lieux écartés, s’excitent mutuellement par le récit de leurs griefs, par le souvenir de la mort d’Accon, promettent de grandes récompenses à ceux qui, an péril de leur vie, commenceront la guerre, mais décident qu’avant tout il faut rendre impossible le retour de César à son armée, projet d’une exécution d’autant plus facile que les légions n’oseraient pas quitter leurs quartiers d’hiver en l’absence de leur général, et que le général lui-même ne pourrait les rejoindre sans une escorte suffisante. Les Carnutes s’offrent les premiers à prendre les armes ; la nécessité d’agir en secret ne leur permettant pas d’échanger des otages, ils exigent comme garantie un serment d’alliance. Ce serment est prêté par tous sur les enseignes réunies, et l’époque du soulèvement fixée. Le jour venu, les Carnutes, sous les ordres de deux hommes
déterminés, Cotuatus et Conetodunnus, courent à Genabum (Gien),
pillent et massacrent les commerçants romains, entre autres le chevalier C.
Fusius Cita, chargé par César des approvisionnements. Cette nouvelle parvint
à chaque État de Vercingétorix, jeune Arverne jouissant d’une grande
influence dans son pays[2], et dont le père,
Celtillus, un moment chef de toute Il en envoya une partie chez les Rutènes, sous les ordres
du Cadurque Lucterius, homme plein d’audace, et, pour entraîner les Bituriges
dans le mouvement, il envahit leur territoire. En agissant ainsi, il menaçait
— II — César entre en campagne César apprit ces événements eu Italie, et, rassuré sur les
troubles de Rome, apaisés par la fermeté de Pompée, il partit pour Tandis que César se trouvait en présence de si grandes
difficultés, Lucterius[4], envoyé par Vercingétorix
chez les Rutènes, les engage dans l’alliance des Arvernes, s’avance vers les
Nitiobriges et les Gabales, dont il reçoit des otages, et, à la tête d’une
armée nombreuse, menace Ce premier danger écarté, il importait d’empêcher Vercingétorix
de soulever d’autres peuples, enclins peut-être à suivre l’exemple des Bituriges.
Ln envahissant le pays des Arvernes, César pouvait espérer attirer le chef
gaulois dans son propre pays et l’éloigner ainsi des contrées où hivernaient
les légions. Il se rendit donc chez les Helviens, où il rejoignit les troupes
qui venaient de s’y concentrer. Les montagnes des Cévennes, qui séparaient ce
peuple des Arvernes, étaient couvertes de six pieds de neige ; les soldats, à
force de travail, ouvrirent un passage. En s’avançant par Aps et
Saint-Cirgues, entre les sources de Promptement informé de cette marche, Vercingétorix, à la prière des Arvernes, qui imploraient son secours, abandonna le pays,des Bituriges. César l’avait prévu ; aussi ne reste-t-il que deux jours chez les Arvernes, et, s’éloignant sous le prétexte d’augmenter ses forces, il laisse le commandement au jeune Brutus, auquel il enjoint de pousser des reconnaissances le plus loin possible, et annonce son retour au bout de trois jours. Ayant, par cette diversion, attiré Vercingétorix vers le sud, il se rend en toute hâte à Vienne, y arrive à l’improviste, prend la cavalerie nouvellement levée qu’il y avait envoyée, marche jour et nuit, traverse le pays des Éduens, et se dirige vers les Lingons, où deux légions étaient en quartiers d’hiver. Par cette célérité extrême il veut prévenir tout mauvais dessein de la part des Éduens. A peine parvenu chez les Limons, il envoie ses ordres aux autres légions, dont cieux se trouvaient sur les frontières des Trévires et six chez les Sénonais, puis, concentre toute l’armée à Agedincum (Sens) avant que sa marche soit connue des Arvernes. Dès que Vercingétorix fut informé de ce mouvement, il retourna avec son armée chez les Bituriges, et de là il partit pour faire le siège de Gorgobina (Saint-Parize-le-Châtel), oppidum des Boïens, établis, après la défaite des Helvètes, près du confluent de l’Allier et de la Loire[6]. — III — Prises de Vellaunodunum, de Genabum et de Noviodunum Quoique César eût réussi à réunir ses troupes et à se
mettre à leur tête, il lui était encore difficile de s’arrêter à un parti.
S’il entrait en campagne de trop bonne heure, l’armée pouvait manquer de
vivres par la difficulté des transports. Si, au contraire, pendant le reste
de l’hiver[7],
son armée, immobile, laissait Vercingétorix s’emparer de Gorgobina, place
tributaire des Éduens, cet exemple pouvait décourager ses alliés et entraîner
la défection de toute La ville de Noviodunum (Sancerre), appartenant à ce dernier peuple, était sur la route de César ; il entreprit de l’assiéger. Déjà les habitants s’empressaient de faire leur soumission, et une partie des otages avait été livrée ; lorsque partit au loin la cavalerie de Vercingétorix, qui, prévenu de l’approche des Romains, avait levé le siège de Gorgobina let marché à leur rencontre. A cette vue, les assiégés de Noviodunum reprennent courage, saisissent leurs armes, ferment les portes et bordent la muraille. La cavalerie romaine fut envoyée aussitôt au-devant de l’ennemi ; ébranlée au premier choc, elle commençait à céder ; mais bientôt, soutenue par environ quatre cents cavaliers germains, à la solde de César depuis le commencement de la campagne, elle mit les Gaulois en pleine déroute. Cette défaite ayant de nouveau jeté la terreur dans la ville, les habitants livrèrent les instigateurs du soulèvement, et se rendirent. De là César se dirigea, par le territoire fertile des Bituriges, vers Avaricum (Bourges), le plus grand et le plus fort oppidum de ce peuple. La prise de cette place devait, pensait-il, le rendre maître de tout le pays[10]. — IV — Siège d’Avaricum Vercingétorix, après tant de revers essuyés successivement à Vellaunodunum, à Genabum, à Noviodunum, convoque un conseil, où il démontre la nécessité d’adopter un nouveau genre de guerre. Avant tout il faut, selon lui, profiter de la saison et de la nombreuse cavalerie gauloise pour intercepter aux Romains les vivres et les fourrages, sacrifier les intérêts particuliers au salut commun, incendier les habitations, les bourgs et les oppidums qu’on ne pourrait pas défendre, enfin porter la dévastation depuis le territoire des Boïens jusqu’aux lieux où l’ennemi peut étendre ses incursions. Si c’est là un sacrifice extrême, il n’est rien en comparaison de la mort et de l’esclavage. Cet avis unanimement approuvé, les Bituriges livrèrent aux
flammes en un seul jour plus de vingt villes ; les pays voisins imitèrent
leur exemple. L’espoir d’une victoire prochaine fit supporter avec
résignation ce douloureux spectacle. On délibéra si Avaricum ne subirait pas
le même sort, les Bituriges supplièrent d’épargner l’une des plus belles
villes de Avaricum était situé, comme l’est aujourd’hui Bourges, à
l’extrémité d’un terrain qu’entourent, au nord et à l’ouest, plusieurs cours
d’eau marécageux : l’Yèvre, l’Yévrette et l’Auron. La ville gauloise, ornée
de places publiques et renfermant quarante mille âmes, surpassait sans doute
en étendue l’enceinte gallo-romaine. L’aspect des lieux n’est certainement
plus le même : les marais ont été desséchés, les cours d’eau régularisés ;
les ruines accumulées depuis tant de siècles ont élevé le sol sur plusieurs
points. Au sud de Bourges, et à une distance de César établit son camp en arrière de cette langue de
terre, au sud et à Pendant l’exécution de ces travaux, des messagers dévoués instruisaient à chaque instant Vercingétorix de ce qui se passait dans Avaricum, et y reportaient ses ordres. Les assiégeants étaient épiés quand ils allaient au fourrage, et, malgré leur précaution de choisir chaque jour des heures et des chemins différents, ils ne pouvaient s’écarter à quelque distance du camp sans être attaqués. Les Romains ne cessaient de demander des vivres aux Éduens et aux Boïens ; mais les premiers montraient peu d’empressement à en envoyer, et les seconds, pauvres et faibles, avaient épuisé leurs ressources ; les incendies, d’ailleurs, venaient de dévaster le pays. Quoique, pendant plusieurs jours, les troupes, privées de blé, ne vécussent que de bétail amené de loin, elles ne laissèrent échapper aucune plainte indigne du nom romain et des précédentes victoires. Lorsque, visitant les travaux, César s’adressait tour à tour à chacune des légions et proposait aux soldats de lever le siège si les privations leur semblaient trop rigoureuses, ils lui demandaient unanimement de persévérer ; ils avaient appris, disaient-ils, depuis tant d’années qu’ils servaient sous ses ordres, à n’essuyer rien d’humiliant et à ne laisser rien d’inachevé. Cette protestation, ils la renouvelèrent aux centurions et aux tribuns. Les tours s’approchaient des murailles, lorsque des prisonniers informèrent César que Vercingétorix, faute de fourrages, avait quitté son camp, y laissant le gros de son armée, et s’était avancé plus près d’Avaricum avec sa cavalerie et son infanterie légère, dans l’intention de dresser tale embuscade à l’endroit où il pensait que les Romains iraient le lendemain au fourrage[14]. Sur cet avis, César, voulant profiter de l’absence de Vercingétorix, partit en silence au milieu de la nuit, et arriva le matin près du camp des ennemis. Dès qu’ils eurent connaissance de sa marche, ils cachèrent leurs bagages et leurs chariots dans les forêts, et rangèrent leurs troupes sur une hauteur découverte. César ordonna aussitôt à ses soldats de déposer leurs fardeaux sur un même point, et de tenir leurs armes prêtes pour le combat. La colline occupée par les Gaulois s’élevait en pente douce au-dessus d’un marais qui, l’entourant presque de tous côtés, en renflait l’accès difficile, bien qu’il n’eût que cinquante pieds de large. Ils avaient rompu les ponts, et, pleins de confiance dans leur position, rangés par peuplades, gardant tous les gués et tous les passages, ils étaient prêts à fondre star les Romains, si ceux-ci tentaient de franchir cet obstacle. A voir les deux armées en présence, et si rapprochées l’une de l’autre, on les aurait crues, par leur attitude, animées du même courage et offrant le combat dans des conditions égales ; mais en considérant la force défensive de la position des Gaulois, il était facile de se convaincre que la contenance de ces derniers n’était qu’ostentation. Les Romains, indignés d’être bravés ainsi, demandaient à en venir aux mains ; César leur représenta que la victoire coûterait la vie à trop de braves, et que plus ils étaient résolus à tout oser pour sa gloire, plus il serait coupable de les sacrifier. Ces. paroles calmèrent leur impatience, et le jour même il les ramena aux travaux du siège. Vercingétorix, de retour à son armée, fut accusé de trahison,
pour avoir rapproché son camp de celui des Romains, emmené toute la
cavalerie, laissé son infanterie sans chef et facilité, par son départ, la
venue soudaine et si bien calculée de l’ennemi. Tous
ces incidents, disait-on, ne pouvaient
être l’effet du hasard : évidemment Vercingétorix aimait mieux devoir
l’empire de Les Gaulois, doués du génie de l’imitation, luttaient par tous les moyens possibles contre la rare persévérance des soldats romains. Ils détournaient les béliers à tête aiguë (falces) avec des lacets, et, une fois accrochés, ils les tiraient à eux au moyen de machines[15]. Habitués au travail des mines de fer et à la construction des galeries souterraines, ils contre-minaient habilement la terrasse, et garnissaient aussi leurs murailles de tours à plusieurs étages recouvertes en cuir. Jour et nuit ils faisaient des sorties, et mettaient le feu aux ouvrages des assiégeants. A mesure que l’accroissement journalier de la terrasse exhaussait le niveau des tours, les assiégés élevaient les leurs à la même hauteur au moyen d’échafaudages ; ils arrêtaient le progrès des galeries souterraines, empêchaient de les pousser jusqu’aux murailles en tâchant de les effondrer avec des pieux pointus durcis au feu (apertos cuniculos prœusta ae præacuta materia … morabantur)[16], et en jetant de la poix fondue et des blocs de pierre. Voici comment les Gaulois construisaient leurs murailles des poutres étaient posées horizontalement sur le sol dans irae direction perpendiculaire au tracé de l’enceinte[17], à cieux pieds d’intervalle l’une de l’autre ; elles étaient reliées, élit côté de la ville, par des traverses ayant habituellement quarante pieds de long, fortement fixées au sol, le tout recouvert de beaucoup de terre, excepté sur la partie extérieure, où les intervalles étaient garnis de gros quartiers de rochers, qui formaient titi revêtement. Cette première couche bien établie et bien compacte, on la surmontait d’une seconde absolument pareille, en ayant soin que les boutres ne fiassent pas exactement au-dessus les unes des autres, mais correspondissent aux intervalles garnis de pierres, dans lesquelles elles étaient comme enchâssées. On continuait ainsi l’ouvrage jusqu’à ce que le mur eût atteint la hauteur voulue. Ces couches successives, où les poutres et les pierres alternaient régulièrement, offraient, par leur variété même, un aspect assez agréable à l’œil. Cette construction avait de grands avantages pour la défense des places : la pierre la préservait du feu, et le bois, du bélier ; maintenues par les traverses, les poutres ne pouvaient être ni arrachées ni enfoncées. Malgré l’opiniâtreté de la défense, malgré le froid et les
pluies continuelles, les soldats romains surmontèrent tous les obstacles, et
élevèrent en vingt-cinq jours une terrasse de Le jour commençait et l’on combattait encore sur tous les points
; les assiégés avaient d’autant plus l’espoir de vaincre, que les mantelets
protégeant les approches des tours étaient brûlés (deustos pluteos
turrium)[18], et qu’ainsi les
Romains, forcés de marcher à découvert, pouvaient difficilement arriver
jusqu’aux ouvrages incendiés. Persuadés que le salut de Après tant d’efforts infructueux, les Gaulois résolurent le lendemain d’obéir à l’ordre de Vercingétorix et d’évacuer la place. Son camp n’étant pas éloigné, ils espéraient, à la faveur de la nuit, s’échapper sans grandes pertes, comptant sur un marais continu pour protéger leur retraite. Mais les femmes, désespérées, s’efforcent de les retenir, et, voyant leurs supplications impuissantes, tant la crainte étouffe la pitié, elles avertissent par des cris les Romains et obligent ainsi les Gaulois à renoncer à la fuite projetée. Le lendemain César fit avancer une tour et poursuivre les travaux avec vigueur ; une pluie abondante et la négligence des ennemis à garder la muraille l’engagèrent à tenter un assaut. Il ordonna alors de ralentir le travail sans l’interrompre complètement, afin de ne pas éveiller les soupçons, rassembla ses légions en armes, à l’abri derrière les galeries couvertes (vineas), et leur annonça qu’elles allaient recueillir le fruit de tant de fatigues. Il promit des récompenses aux premiers qui escaladeraient l’enceinte, et donna le signal. Les Romains s’élancèrent aussitôt de toutes parts, et couronnèrent la muraille. Les ennemis, épouvantés de cette attaque imprévue et précipités du haut des murs et des tours, se réfugièrent sur les places publiques, se formèrent en coins, afin de présenter une résistance de tous côtés ; ruais, lorsqu’ils virent que les Romains se gardaient bien de descendre dans la ville, et en faisaient le tour sur les remparts, ils craignirent d’être enfermés, jetèrent leurs armes et s’enfuirent vers l’autre extrémité de l’oppidum (où sont aujourd’hui les faubourgs Taillegrain et Saint-Privé). La plupart furent tués près des portes, dont ils encombraient l’étroite issue, les autres hors de la ville par la cavalerie. Nul parmi les soldats romains ne songeait au pillage. Irrités par le souvenir du massacre de Genabum et par les fatigues du siège, ils n’épargnèrent ni vieillards, ni femmes, ni enfants. Sur environ quarante mille combattants, à peine huit cents fuyards purent rejoindre Vercingétorix. Celui-ci, dans la crainte que leur présence, s’ils arrivaient en masse, n’excitât une sédition, avait envoyé au loin, vers le milieu de la nuit, à leur rencontre, des hommes dévoués et les principaux chefs, pour les répartir par fractions dans le campement affecté à chaque peuplade. Le jour suivant Vercingétorix chercha, dans une assemblée
générale, à ranimer le courage de ses compatriotes en attribuant le succès
des Romains à leur supériorité dans l’art des sièges, inconnu aux Gaulois. Il
leur dit que ce revers ne devait pas les abattre ; que son avis, ils le
savaient bien, n’avait jamais été de défendre Avaricum ; qu’une éclatante
revanche les consolerait bientôt ; que, par ses soins, les pays séparés de la
cause commune allaient entrer dans son alliance, animer La constance de Vercingétorix, après un si grand revers, et la prévoyance dont il avait fait preuve en conseillant, dès le commencement de la guerre, de brûler, et plus tard d’abandonner Avaricum, accrurent encore son influence. Les Gaulois fortifièrent donc, pour la première fois, leur camp, et leur courage se raffermit tellement qu’ils furent prêts à supporter toutes les épreuves. Fidèle à ses engagements, Vercingétorix mit tout en oeuvre
pour gagner à sa cause les autres États de — V — Arrivée de César à Decetia et marche vers l’Auvergne L’hiver allait finir, et la saison invitait à continuer les opérations militaires. Comme César se disposait à marcher vers l’ennemi, soit pour l’attirer hors des marais et des bois, soit pour l’y enfermer, les principes des Éduens vinrent le prier de mettre un terme à des dissensions qui menaçaient de dégénérer chez eux en guerre civile. La situation était des plus graves. En effet, d’après les anciens usages, l’autorité suprême n’était conférée qu’à un magistrat unique nommé pour un an. En ce moment, néanmoins, il s’en présentait deux, qui se disaient l’un et l’autre légalement élus. Le premier était Convictolitavis, jeune homme d’une naissance illustre ; le second, Cotus, issu d’une très ancienne famille, puissant aussi par son crédit personnel, ses alliances, et dont le frère, Valetiacus, avait, l’année précédente, rempli la même charge. Le pays était en armes, le sénat divisé ainsi que le peuple, chacun des prétendants à la tête de ses clients. L’autorité de César pouvait seule empêcher la guerre civile. Le général romain crut essentiel de prévenir les troubles
d’un État important, étroitement lié à Après cette décision, il engagea les Éduens à oublier
leurs querelles, à se vouer tout entiers à la guerre ; De son côté César résolut d’envahir, avec les six autres légions et le reste de la cavalerie, le pays même des Arvernes, foyer de l’insurrection. Il partit de Decetia et se dirigea sur Gergovia, principal oppidum de ce peuple. Après la prise d’Avaricum, Vercingétorix, se doutant des projets ultérieurs de César, s’était rapproché de l’Allier, que les Romains étaient obligés de traverser pour parvenir à Gergovia, et, à la nouvelle de leur marche, il avait fait rompre tous les ponts. César, arrivé sur l’Allier, vers Moulins, en descendit le cours par la rive droite. Vercingétorix s’achemina sur la rive opposée. Les deux armées étaient en vue, les camps presque en face l’un de l’autre, et les éclaireurs gaulois, surveillant la rive gauche, empêchaient les Romains d’établir un pont. La position de ces derniers était difficile, car l’Allier, guéable seulement en automne, pouvait retarder longtemps leur passage[22]. Pour surmonter cet obstacle, César eut recours à un stratagème : il alla camper dans un lieu couvert de bois, vis-à-vis les restes d’un des ponts que Vercingétorix avait fait détruire (probablement à Varennes). Il y demeura caché le lendemain avec deux légions, et fit partir le surplus des troupes, ainsi que les bagages, dans l’ordre accoutumé. Mais, pour présenter à l’ennemi l’apparence de six légions, il avait divisé en six corps les quarante cohortes ou quatre légions envoyées en avant[23]. Elles reçurent l’ordre de marcher aussi longtemps que possible, afin d’attirer Vercingétorix, et, à l’heure où César présuma qu’elles étaient arrivées à leur campement, il fit rétablir le pont sur les anciens pilots, dont la partie inférieure était encore intacte. L’ouvrage bientôt terminé, les deux légions restées avec lui passèrent la rivière, et, après avoir choisi une position favorable, il rappela le gros (le son armée, qui le rejoignit pendant la nuit[24]. Informé de cette manoeuvre, Vercingétorix, craignant d’être amené à combattre malgré lui, prit les devants en toute hâte pour occuper l’oppidum des Arvernes. De l’endroit où il se trouvait, et que nous pensons être Varennes[25], César parvint à Gergovia en cinq étapes ; le jour même de son arrivée, après une légère escarmouche de cavalerie, il reconnut la position de la ville. Comme elle était bâtie sur une très haute montagne d’un difficile accès, il crut impossible de l’enlever de vive force ; il résolut de la bloquer et de n’en commencer l’investissement qu’après avoir assuré les vivres. — VI — Blocus de Gergovia L’oppidum des Arvernes était situé à La montagne de Gergovia se rattache à l’ouest, par un col
étroit de César établit son camp près de l’Auzon, sur les ondulations
de terrain qui s’étendent au nord du village d’Orvet et jusqu’à l’ancien
marais de Sarlièves. Ces ondulations forment un glacis naturel vers la
plaine, qu’elles dominent de Vercingétorix avait rangé les contingents de chaque pays séparément, à de faibles intervalles, sur les versants méridionaux de la montagne de Gergovia et du massif de Risolles qui regardent l’Auzon ; ils couvraient toutes les hauteurs qui se relient à la montagne principale, et présentaient, dans l’espace que l’œil pouvait embrasser, un aspect formidable[28]. Ses camps principaux étaient situés entre l’enceinte de l’oppidum et un mur de grosses pierres, haut de six pieds, qui s’étendait à mi-côte. Chaque jour, au lever du soleil, les chefs composant le
conseil de Vercingétorix se rendaient auprès de lui pour faire leur rapport
ou recevoir ses ordres. Chaque jour aussi, dans de légers engagements[29], il éprouvait le
courage de sa cavalerie, entremêlée d’archers. Les Gaulois occupaient, comme
poste avancé, par une garnison assez faible, Pendant ce temps, l’Éduen Convictolitavis, qui, on l’a vu, devait à César la suprême magistrature, ébranlé par l’argent des Arvernes, résolut d’abandonner le parti des Romains, et entra en relation avec plusieurs jeunes gens, à la tête desquels étaient Litavicus et ses frères, issus d’une illustre famille. Il partage avec eux le prix de sa trahison, les exhorte à se rappeler que, nés libres, ils sont faits pour commander dans leur pays, leur démontre que la tiédeur des Éduens retarde seule l’insurrection générale, qu’ils doivent préférer à tout l’indépendance de leur patrie. Séduits par de pareils discours et par l’appât de l’or, ces jeunes gens ne s’occupent plus que des moyens d’exécuter leur projet ; se défiant néanmoins des dispositions du peuple à se laisser entraîner à la guerre, ils décident que Litavicus prendra le commandement des dix mille hommes qui doivent rejoindre l’armée romaine, et les excitera à la révolte en route, tandis que ses frères se rendront d’avance auprès de César. Litavicus se mit en marche. Arrivé à trente milles de Gergovia (probablement à Serbannes), il arrête ses troupes, les rassemble, et, semant le bruit que César a fait massacrer la noblesse ainsi que les chevaliers éduens qui étaient à sa solde, entre autres, Eporedorix et Viridomare, il leur persuade facilement d’aller se joindre aux Arvernes à Gergovia, au lieu de se rendre au camp des Romains. Niais avant de prendre cette détermination, il livre au pillage un convoi de vivres qui marchait sous sa protection, fait périr dans les supplices les Romains qui le conduisaient ; il envoie ensuite des messagers pour soulever, au moyen de la même imposture, tout le pays des Éduens. Eporedorix et Viridomare, dont il avait faussement annoncé la mort, étaient auprès de César, qui, par faveur spéciale, avait élevé ce dernier d’un rang ; infime à une haute dignité. Eporedorix, informé du dessein de Litavicus, vint au milieu de la nuit en instruire le proconsul, le suppliant de ne pas permettre que la folie de quelques jeunes gens détachât son pays de l’alliance romaine. Il serait trop tard lorsque tant de milliers d’hommes auraient embrassé le parti contraire. D’autant plus affecté de cette nouvelle, qu’il avait toujours favorisé les Éduens, César prend sur-le-champ quatre lugions sans bagages et toute la cavalerie ; il ne se donne pas le temps de rétrécir l’enceinte des deux camps, car tout dépend de la célérité. Son lieutenant, C. Fabius, est laissé pour les garder avec deux légions. Il donne ordre d’arrêter les frères de Litavicus et apprend qu’ils viennent de passer t l’ennemi. Ses soldats, encouragés à supporter les fatigues de la marche, le suivent avec ardeur, et à vingt-cinq milles environ de Gergovia (près de Randan, sur la route que Litavicus devait suivre pour rejoindre Vercingétorix) ils rencontrent les Éduens. La cavalerie, envoyée en avant, a l’ordre de leur barrer le chemin sans se servir de ses armes. Eporedorix et Viridomare, qu’on avait fait passer pour morts, sortent des rangs, parlent à leurs concitoyens et sont reconnus. Dès que l’imposture de Litavicus est découverte, les Éduens jettent leurs armes, implorent leur grâce et l’obtiennent. Litavicus s’enfuit à Gergovia avec ses clients, qui jamais en Gaule n’abandonnaient leurs patrons, même dans la plus mauvaise fortune. César envoya chez les Éduens pour leur représenter combien
il avait été généreux envers des hommes que le droit de la guerre
l’autorisait à mettre à mort, et, après trois heures de repos données, la
nuit, à son armée, il retourna à ses quartiers devant Gergovia. A moitié
chemin, des cavaliers vinrent lui apprendre le danger que courait Fabius. Les
camps avaient été attaqués par des troupes se renouvelant sans cesse. Les
Romains étaient épuisés par un travail incessant, car la grande étendue de
l’enceinte les forçait à rester continuellement sur le vallum. Les flèches et
les traits de toutes sortes lancés par les barbares avaient blessé beaucoup
de monde ; mais, en revanche, les machines avaient été d’un grand secours pour
soutenir la défense. Après la retraite des ennemis, Fabius, s’attendant
à,être encore attaqué le lendemain, s’était empressé de faire obstruer les
portes du grand camp, à l’exception de deux, et d’ajouter tin clayonnage à la
palissade. Sur ces informations, César hâta sa marche, et, secondé par
l’ardeur des soldats, arriva au camp avant le lever du soleil, ayant parcouru
50 milles ou Pendant que ces événements se passaient à Gergovia, les Éduens, trompés à leur tour par la nouvelle qu’avait répandue Litavicus, se jettent sur les citoyens romains, pillent leurs biens, tuent les uns et traînent les autres en prison. Convictolitavis pousse encore à ces violences. Le tribun militaire M. Aristius, en route pour rejoindre sa légion, ainsi que les marchands étrangers qui résidaient dans le pays, sont contraints de sortir de Cabillonum (Chalon-sur-Saône). On leur promet une sauvegarde ; mais, à peine en chemin, ils sont assaillis et dépouillés. Ils se défendent, et leur résistance, qui dure pendant vingt-quatre heures, attire contre eux une plus grande multitude. Cependant, dès que les Éduens apprennent la soumission de leurs troupes, ils mettent tout en œuvre pour obtenir leur pardon ; ils ont recours à Aristius, rejettent sur un petit nombre la cause du désordre, font rechercher, pour les rendre, les biens pillés, confisquent ceux de Litavicus et de ses frères, et envoient des députés à César pour se justifier. Leur but, en agissant ainsi, était d’obtenir la libre disposition de leurs troupes, car la conscience de leur trahison, et la crainte du châtiment les faisaient au même moment conspirer en secret avec les États voisins. Quoique informé de ces menées, César reçut leurs députés
avec bienveillance, leur déclara qu’il ne rendait pas la nation responsable
de la faute de quelques-uns, et que ses sentiments pour les Éduens n’étaient
pas changés. Néanmoins, comme il prévoyait une insurrection générale de Au milieu de ces préoccupations, les assiégés lui offrirent
une chance favorable dont il voulut profiter. S’étant rendu au petit camp
pour visiter les travaux, il s’aperçut qu’une colline (faisant partie du massif de Risolles),
dont les masses ennemies dérobaient presque la vue les jours précédents,
était dégarnie de troupes. Étonné de ce changement, il en demanda la cause
aux transfuges qui chaque jour venaient en foule se rendre à lui. Tous s’accordèrent
à dire, comme ses éclaireurs le lui avaient déjà rapporté, que le dos de la
montagne à laquelle appartenait cette colline (croupe des hauteurs de Risolles) était
presque plat, se reliait à la ville et y donnait accès par un col étroit et
boisé. Ce point inquiétait particulièrement l’ennemi ; car si les Romains,
déjà maîtres de D’après ces renseignements, César envoie dans cette direction, vers le milieu de la nuit, plusieurs détachements de cavalerie, avec ordre de battre, à grand bruit, au pied des hauteurs de Risolles, le pays dans tous les sens. Dès le point du jour, il fait sortir du camp principal beaucoup de chevaux et de mulets déchargés de leurs bâts, et les fait monter par des muletiers, qui prennent des casques pour se donner l’apparence de cavaliers. Il leur recommande de contourner les collines, et quelques cavaliers qui leur sont adjoints ont l’ordre de se répandre au loin pour augmenter l’illusion. Enfin ils doivent tous, par un long circuit, tendre vers les lieux indiqués. Ces mouvements étaient aperçus de la ville, d’où la vue plongeait sur le camp, mais à une trop grande distance pour distinguer exactement les objets. César dirige vers le même massif une légion qui, après s’être un peu avancée, s’arrête dans un fond et affecte de se cacher dans les bois (du côté de Chanonat) pour simuler une surprise. Les soupçons des Gaulois redoublent ; ils portent toutes leurs forces sur l’endroit menacé. César, voyant les camps ennemis dégarnis, fait couvrir les insignes militaires (plumet, boucliers, etc.), baisser les étendards et passer ses troupes par petits détachements du grand camp au petit, derrière l’épaulement du double fossé de communication, de manière qu’elles ne puissent être aperçues de l’oppidum[33] ; il instruit de ses intentions les lieutenants placés à la tête des légions, leur recommande de veiller à ce que le soldat ne se laisse pas emporter par l’ardeur du combat ou l’espoir du butin, attire leur attention sur les difficultés du terrain : la célérité, dit-il, peut seule permettre de les surmonter ; enfin il s’agit d’un coup de main et non d’un combat. Ces dispositions prescrites, il donne le signal, et fait en même temps partir les Éduens du grand camp avec ordre de gravir les pentes orientales de la montagne de Gergovia pour opérer une diversion sur la droite. La distance du mur de l’oppidum au pied de la montagne, où
le terrain est presque plat, était de douze cents pas ( César, satisfait de ce succès, ordonna de sonner la retraite, et fit faire halte à la 10e légion, qui l’accompagnait (d’après l’examen du terrain, l’endroit où se trouvait César est le mamelon qui s’élève à l’ouest du village de Merdogne). Mais les soldats des autres légions, séparés de lui par un assez grand ravin, n’entendirent pas la trompette. Quoique les tribuns et les lieutenants s’efforçassent de les retenir, entraînés par l’espoir d’une facile victoire et par le souvenir de leurs succès passés, ils ne crurent rien d’insurmontable à leur courage et s’opiniâtrèrent à la poursuite de l’ennemi jusqu’aux murs et aux portes de l’oppidum. Alors une immense clameur s’élève dans la ville. Les habitants des quartiers les plus reculés la croient envahie et se précipitent hors de l’enceinte. Les mères de famille jettent aux Romains, du haut du rempart, leurs objets précieux, et, le sein nu, les mains tendues et suppliantes, les conjurent de ne pas massacrer les femmes et les enfants, comme à Avaricum. Plusieurs même, se laissant glisser le long du mur, se rendent. aux soldats. L. Fabius, centurion de la 8e légion, excité par les récompenses d’Avaricum, avait juré de monter le premier à l’assaut ; il se fait soulever par trois soldats de son manipule, atteint le haut de la muraille, et, à son tour, les aide à y parvenir l’un après l’autre. Cependant les Gaulois qui, on l’a vu, s’étaient portés à l’ouest de Gergovia pour élever des retranchements, entendent les cris partis de la ville ; des messages répétés leur annoncent la prise de l’oppidum. Aussitôt ils accourent en se faisant précéder de leur cavalerie. A mesure qu’il arrive, chacun se range sous la muraille et se joint aux combattants, dont le nombre grossit à chaque instant, et les mêmes femmes qui tout à l’heure imploraient la pitié des assiégeants, excitent contre eux les défenseurs de Gergovia en étalant leurs cheveux épars à la façon gauloise et en montrant leurs enfants. Le lieu, le nombre, tout rendait la lutte inégale ; les Romains, fatigués de leur course et de la durée du combat, résistaient avec peine à des troupes encore intactes. Cette situation critique inspira des craintes à César ; il ordonna à T. Sextius, laissé à la garde du petit camp, de faire sortir promptement les cohortes et de prendre position au pied de la montagne de Gergovia, sur la droite des Gaulois, afin de soutenir les Romains s’ils étaient repoussés, et d’arrêter la poursuite de l’ennemi. Lui-même, portant la 10e légion un peu en arrière[35] de l’endroit où il l’avait établie, attendit l’issue de l’affaire. Lorsque la lutte était le plus acharnée, parurent tout à coup, sur le flanc droit des Romains, les Éduens qui avaient été envoyés pour opérer une diversion par un autre côté. La ressemblance de leurs armes avec celles des Gaulois causa une vive inquiétude ; et, quoiqu’ils eussent l’épaule droite nue (dextris humeris exsertis), signe ordinaire des troupes alliées, on crut à une ruse de guerre. Au même moment, le centurion L. Fabius et ceux qui l’avaient suivi sont enveloppés et précipités du haut de la muraille. M. Petronius, centurion de la même légion, s’efforce de briser les portes, mais, accablé par le nombre, il se dévoue au salut de ses soldats et se fait tuer pour leur donner le temps de rejoindre leurs enseignes. Pressés de toutes parts, les Romains sont rejetés des hauteurs après avoir perdu quarante-six centurions ; cependant la 10e légion, placée en réserve sur un terrain plus uni, arrête les ennemis trop ardents à la poursuite. Elle est soutenue par les cohortes de la 13e, qui étaient venues occuper un poste dominant (le Puy de Marmant), sous les ordres de T. Sextius. Dès que les Romains eurent gagné la plaine, ils se rallièrent et firent face à l’ennemi. Quant à Vercingétorix, arrivé au pied de la montagne, il n’osa pas s’avancer plus loin et ramena ses troupes dans les retranchements. Cette journée coûta à César près de sept cents hommes[36]. Le lendemain César assembla ses troupes, réprimanda leur témérité et leur soif du pillage ; il leur reprocha « d’avoir voulu juger par elles-mêmes du but à atteindre comme des moyens d’attaque, et de n’avoir écourté ni le signal de la retraite, ni les exhortations des tribuns et des lieutenants ; il fit ressortir tout ce que les accidents de terrain avaient causé de difficultés, enfin il leur rappela sa conduite près d’Avaricum, où, en présence d’un ennemi sans chef et sans cavalerie, il avait renoncé à une victoire certaine plutôt que de s’exposer à une perte, même légère, dans une, position désavantageuse. :butant il admirait leur bravoure, que n’avaient arrêtée ni les retranchements, ni l’escarpement des lieux, ni les murailles, autant il blâmait leur désobéissance et leur présomption de se croire plus habiles que leur général à peser les chances de succès et à pressentir l’issue de l’événement. Il demandait aux soldats la soumission et la discipline, non moins que la fermeté et la bravoure, et, pour relever leur moral, il ajoutait qu’il fallait imputer leur insuccès aux obstacles du terrain bien plus qu’à la valeur de l’ennemi[37]. — VII — Observations Dans le récit qu’on vient de lire, et qui est la reproduction presque littérale des Commentaires. César déguise un échec avec habileté. Évidemment il se flattait de prendre d’assaut Gergovia par un coup de main, avant que les Gaulois, attirés par une fausse attaque à l’ouest de la ville, eussent eu le temps de revenir la défendre. Trompé dans son espoir, il fit sonner la retraite, mais trop tard pour qu’elle pût s’exécuter en bon ordre. César ne paraît pas sincère lorsqu’il déclare avoir atteint sou but au moment de l’arrivée de ses soldats au pied de la muraille. Il n’a pas dû en être ainsi, car à quoi pouvait lui servir la prise des camps presque vides de troupes, si elle ne devait pas avoir pour conséquence la reddition de la ville elle-même ? La déroute, à ce qu’il paraît, fut complète ; selon les uns, César aurait été un instant prisonnier des Gaulois ; selon les autres, il aurait perdu seulement sou épée. Servius rapporte en effet cette anecdote peu compréhensible : lorsque le général romain était emmené par les Gaulois, l’un d’eux se mit à crier César, ce qui signifiait en gaulois laisse-le aller, et ainsi il échappa[38]. Plutarque donne une autre version[39] : Les Arvernes, dit-il, montrent encore une épée suspendue dans un de leurs temples, qu’ils prétendent être une dépouille prise sur César. Il l’y vit lui-même dans la suite et ne fit qu’en rire. Ses amis l’engageaient à la reprendre, mais il ne le voulut pas, prétendant qu’elle était devenue une chose sacrée. Cette tradition prouve qu’il était assez grand pour supporter le souvenir d’une défaite, bien différent en cela de Cicéron, que nous avons vu enlevant furtivement du Capitole la plaque d’airain où était gravée la loi qui l’avait exilé. — VIII — César quitte Gergovia pour rejoindre Labienus César, après l’échec subi devant Gergovia, persista d’autant plus dans ses projets de départ ; mais, ne voulant pas avoir l’air de s’enfuir, il fit sortir ses légions et les rangea en bataille sur un terrain avantageux. Vercingétorix ne se laissa -pas attirer dans la plaine ; la cavalerie seule engagea le combat : il fut favorable aux Romains, qui ensuite rentrèrent au camp. Le lendemain la même épreuve se renouvela avec le même succès. Pensant avoir assez fait pour abattre la jactance des Gaulois comme pour raffermir le courage des siens, César quitta Gergovia et se dirigea vers le pays des Éduens. Ce mouvement de retraite n’attira pas les ennemis à sa poursuite ; il arriva le troisième jour (c’est-à-dire le second jour de marche, à partir de l’assaut de Gergovia) sur les bords de l’Allier, reconstruisit un des ponts, sans doute à Vichy, et s’empressa de passer la rivière, afin de la mettre entre lui et Vercingétorix. Là, Viridomare et Eporedorix lui exposèrent la nécessité
de leur présence chez les Éduens afin de maintenir le pays dans l’obéissance
et d’y devancer Litavicus, parti avec toute la cavalerie pour le soulever.
Malgré les preuves nombreuses de leur perfidie, et la pensée que le départ de
ces deux chefs hâterait la révolte, il ne crut pas devoir les retenir,
voulant éviter jusqu’à l’apparence de la violence ou de la crainte. Il se
borna à leur rappeler les services rendus par lui à leur pays, et l’état de
dépendance et d’abaissement d’où il les avait tirés pour les élever à un haut
degré de puissance et de prospérité, puis il les congédia et ils se rendirent
à Noviodunum (Nevers).
Cette ville des Éduens était située, sur les bords de César fut informé de ces événements pendant sa marche de
l’Allier vers — IX — Expédition de Labienus contre les Parisiens Tandis que le centre de Labienus, arrivé sur le bord opposé, fit avancer des galeries
couvertes et essaya, au moyen de claies et de terre, d’établir un chemin à
travers le marais : mais, rencontrant trop de difficultés, il forma le projet
de surprendre le passage de Déjà le bruit courait que César avait levé le siège de
Gergovia ; déjà se répandait la nouvelle de la défection des Éduens et des
progrès de l’insurrection. Les Gaulois répétaient à l’envi que César, arrêté
dans sa marche par A la nouvelle de tant d’événements contraires, Labienus
sentit toute la difficulté de sa situation. Placé sur la rive droite de Lorsqu’il y fut arrivé, un violent orage lui permit
d’enlever à l’improviste les postes gaulois placés sur toute la rive. Les
légions et la cavalerie eurent bientôt passé Au lever du soleil, les Romains avaient passé le fleuve, et l’armée ennemie parut en bataille. Labienus exhorte ses soldats à se rappeler leur ancienne valeur, tant de glorieux exploits, et à se croire, en allant au combat, sous les yeux de César, qui les a menés si souvent à la victoire ; puis il donne le signal. Dès le premier choc, la 7e légion, placée à l’aile droite, enfonce les ennemis ; mais à l’aile gauche, quoique la 12e légion eût transpercé de ses pilums les premiers rangs, les Gaulois se défendent avec acharnement, et pas un ne songe à fuir. Camulogène, au milieu d’eux, excite leur ardeur. La victoire était encore balancée, lorsque les tribuns de la 7e légion, informés de la position critique de l’aile gauche, portent leurs soldats sur les derrières de l’ennemi, et viennent le prendre en queue. Les barbares sont enveloppés, cependant aucun ne lâche pied ; tous se font tuer, et Camulogène périt avec eux. Les troupes gauloises laissées en face du camp de Labienus étaient accourues dès la première nouvelle du combat, et avaient occupé une colline (probablement celle de Vaugirard) ; mais elles ne soutinrent pas le choc des Romains victorieux, et furent entraînées dans la déroute générale ; tous ceux qui ne purent trouver un asile dans les bois ou sur les hauteurs furent taillés en pièces par la cavalerie. Après cette bataille, Labienus retourna à Agedincum ; de là il se mit en route avec toutes ses troupes pour aller à la rencontre de César[46]. — X — Les Gaulois prennent l’offensive La défection des Éduens donna à la guerre un plus grand
développement. Des députés sont envoyés sur tous les points ; crédit,
autorité, argent, tout est mis en œuvre pour soulever les autres États.
Maîtres des otages que César leur avait confiés, les Éduens menacent de faire
périr ceux qui appartiennent aux nations hésitantes. Une assemblée générale
de Pour parer à ces dangers, vingt-deux cohortes, levées dans
— XI — Jonction de César et de Labienus. Bataille de La marche que suivit César après avoir franchi L’armée romaine se composait de onze légions : la 1ère, prêtée par Pompée, et les 6e, 7e, 8e, 9e, 10e, 11e, 12e, 13e, 14e, 15e[49]. L’effectif de chacune d’elles devait varier de 4 à 5.000 hommes ; car, si nous voyons (liv. V, 49) qu’au retour de Bretagne deux légions ne comptaient ensemble que 7.000 hommes, leur effectif s’accrut bientôt par les renforts considérables arrivés à l’armée des Gaules en 702[50] ; la légion prêtée par Pompée était de 6.000 hommes[51], et la 13e, au moment de la guerre civile, avait dans ses rangs 5.000 soldats[52]. César disposait donc, pendant la campagne qui se termina par la prise d’Alésia, de 50.000 légionnaires, peut-être de 20.000 archers numides ou crétois, et de 5 ou 6.000 hommes de cavalerie, dont 2.000 Germains ; total, environ 15.000 hommes, sans compter les valets, qui étaient toujours très nombreux. La réunion de ses troupes effectuée, César chercha, avant
tout, à se rapprocher de Pendant que les Romains abandonnaient Le jour où Vercingétorix arrivait sur les hauteurs de
Sacquenay[54],
César, comme on l’a vu, campait sur — XII — Blocus d’Alésia Vercingétorix, après la défaite de sa cavalerie, se décida
à la retraite ; emmenant son infanterie, sans rentrer dans ses camps, il se
dirigea aussitôt vers Alésia, oppidum des Mandubiens. Les bagages, retirés
des camps, le suivirent sans retard[57]. César fit
conduire les siens sur une colline voisine, sous la garde de deux légions,
poursuivit l’ennemi tant que le jour le permit, lui tua environ trois mille
hommes de l’arrière-garde, et campa le surlendemain devant Alésia[58]. Après avoir
reconnu la position de Alise-Sainte-Reine, dans le département de L’ancienne Alésia occupait le sommet de la montagne
appelée aujourd’hui le mont Auxois ; sur le versant occidental est bâti le
village d’Alise-Sainte-Reine. C’est une montagne complètement isolée, qui
s’élève de 160 à Le sommet du mont Auxois a la forme d’une ellipse longue
de Cet oppidum semblait ne pouvoir être réduit que par un investissement complet. Les troupes gauloises couvraient, an pied de la muraille, tous les versants de la partie orientale de la montagne ; elles y étaient protégées par un fossé et par un mur en pierre sèche de six pieds d’élévation. César établit ses camps dans des positions favorables, l’infanterie sur les hauteurs, la cavalerie près des cours d’eau. Ces camps et vingt-trois redoutes ou blockhaus[61] formaient une ligne d’investissement de 11.000 pas (16 kil.)[62]. Les redoutes étaient occupées le jour par de petits postes pour empêcher toute surprise ; la nuit de forts détachements y bivouaquaient. Les travaux étaient à peine commencés qu’il se livra un combat de cavalerie dans la plaine des Laumes. L’engagement fut très vif de part et d’autre. Les Romains fléchissaient, quand César envoya lès Germains à leur aide et mit les légions en bataille devant les camps, afin que l’infanterie de l’ennemi, tenue en respect, ne pût aller au secours de sa cavalerie. Celle des Romains reprit confiance en se voyant appuyée par les légions. Les Gaulois, forcés de fuir, s’embarrassèrent par leur propre nombre et se pressèrent aux ouvertures, trop étroites, laissées à la muraille de pierre sèche. Poursuivis avec acharnement par les Germains jusqu’aux fortifications, les uns furent tués, les autres, abandonnant leurs chevaux, essayèrent de traverser le fossé et de franchir le mur. César alors fit avancer un peu les légions établies devant ses retranchements. Ce mouvement porta le trouble jusque dans le camp gaulois. Les troupes qu’il renfermait craignirent une attaque sérieuse, et de toute part on cria aux amies. Quelques-uns, frappés d’effroi, se précipitèrent dans l’oppidum ; Vercingétorix se vit obligé d’en faire fermer les portes, de peur que le camp ne frit abandonné. Les Germains se retirèrent après avoir tué beaucoup de cavaliers et pris un grand nombre de chevaux. Vercingétorix résolut de renvoyer de nuit toute sa
cavalerie avant que les Romains eussent achevé l’investissement de la place.
Il recommande aux cavaliers, à leur départ, d’aller chacun dans son pays et
d’y recruter les hommes en état de porter les armes ; il leur rappelle ses
services, les conjure de songer à sa sûreté et de ne pas le livrer en proie
aux ennemis, lui qui a si bien mérité de la liberté commune ; leur
indifférence entraînerait avec sa perte celle de 80.000 hommes d’élite. Tout
bien calculé, il n’a que pour un mois de vivres ; il pourra, en les
ménageant, tenir quelque temps de plus. Après ces recommandations, il fait
partir sa cavalerie en silence, à la seconde veille (neuf heures). Il est probable
qu’elle s’échappa en remontant les vallées de l’ose et de l’Oserain. Ensuite
il ordonne, sous peine de mort, de lui apporter la totalité des
approvisionnements de blé. Il répartit par tête le nombreux bétail rassemblé
par les Mandubiens ; mais, quant au grain, il se réserve de le distribuer peu
à peu et par petites quantités. Toutes les troupes campées en dehors rentrent
dans l’oppidum. C’est par ces dispositions qu’il se prépare à attendre les
secours de Dès que César fut instruit de ces mesures par les
prisonniers et les transfuges, il prit le parti de construire des lignes de
contrevallation et de circonvallation, et adopta le genre de fortifications
suivant : il fit d’abord creuser, dans la plaine des Laumes, un fossé large
de Il fallait à la fois travailler à des fortifications
étendues, et aller chercher du bois et des vivres, de sorte que ces corvées
lointaines diminuaient sans cesse l’effectif des combattants ; aussi les
Gaulois essayaient-ils souvent d’inquiéter les travailleurs et faisaient de vigoureuses
sorties par plusieurs portes à la fois. César jugea nécessaire d’augmenter la
force des ouvrages, afin de pouvoir les défendre avec moins de monde. Il fit
prendre des arbres où de grosses branches dont les extrémités furent amincies
et taillées en pointe[64] ; on les plaça
dans un fossé, de Ce travail achevé, César fit creuser des retranchements à peu près semblables, mais du côté opposé, pour résister aux attaques du dehors. Cette ligne de circonvallation de quatorze milles de circuit (21 kil.) avait été tracée sur le terrain le plus favorable en se conformant à la nature des lieux. Si la cavalerie gauloise ramenait une armée de secours, il voulait par là empêcher celle-ci, quelque nombreuse qu’elle fût, d’envelopper les postes établis le long de la contrevallation. Afin d’épargner aux soldats les dangers qu’ils auraient courus en sortant des camps, il ordonna que chacun se pourvût de vivres et de fourrages pour trente jours. Malgré cette précaution, l’armée romaine souffrit de la disette[66]. Pendant que César prenait ces dispositions, les Gaulois, ayant convoqué, probablement à Bibracte, une assemblée de leurs principaux chefs, décidèrent, non de réunir tous les hommes en état de porter les armes, comme le voulait Vercingétorix, mais d’exiger de chaque peuple un certain contingent, car ils redoutaient la difficulté de nourrir une multitude aussi grande et aussi confuse, et d’y maintenir l’ordre et la discipline. Les différents mats furent requis d’envoyer des contingents dont le total devait s’élever à 283.000 hommes ; en réalité, il ne dépassa pas 240.000. La cavalerie se composait de 8.000 chevaux[67] (attention note en image). Les Bellovaques refusèrent leur contingent, déclarant vouloir faire la guerre en leur nom, à leur gré, sans se soumettre aux ordres de personne. Cependant, à la prière de Commius, leur hôte, ils envoyèrent 2.000 hommes. Ce même Commius, on l’a vu, avait, les années précédentes, rendu à César, en Bretagne, de signalés services. En récompense, son pays, celui des Atrébates, affranchi de tout tribut, avait recouvré ses privilèges, et obtenu la suprématie sur les Morins. Mais tel était alors l’entraînement des Gaulois pour reconquérir leur liberté et leur ancienne gloire, que les sentiments de reconnaissance et d’amitié s’effacèrent de leur souvenir, et tous se vouèrent corps et âme à la guerre. Le recensement et la revue des troupes eurent lieu sur le territoire des Éduens. On nomma les chefs : le commandement général fut donné à l’Atrébate Commius, aux Éduens Viridomare et Eporedorix, et à l’Arverne Vercassivellaunus, cousin de Vercingétorix. On leur adjoignit des délégués de chaque pays, qui formaient un conseil de direction pour la guerre. Ils se mirent en marche vers Alésia pleins d’ardeur et de confiance : chacun était convaincu que les Romains reculeraient à la seule vue de forces si imposantes ; lorsque surtout ils se trouveraient menacés à la fois et par les sorties des assiégés, et par une armée extérieure puissante en infanterie et en cavalerie. Cependant le jour où les assiégés attendaient du secours venait d’expirer, les vivres étaient consommés ; ignorant d’ailleurs ce qui se passait chez les Éduens, ils s’assemblèrent pour délibérer sur une résolution suprême. Les opinions se partagèrent : les uns conseillaient de se rendre, d’autres de faire une sortie, avant que la vigueur de tous fût épuisée. Mais Critognatus, Arverne distingué par sa naissance et son crédit, dans un discours d’une singulière et effrayante atrocité, proposa à ses concitoyens de suivre l’exemple de leurs ancêtres, qui, lors de la guerre des Cimbres, enfermés dans leurs forteresses et en proie à la disette, mangèrent les hommes hors d’état de porter les armes plutôt que de se rendre. Les avis recueillis, il fut décidé que celui de Critognatus ne serait adopté qu’à la dernière extrémité et qu’on se bornerait, pour le moment, à renvoyer de la place toutes les bouches inutiles. Les Mandubiens, qui avaient reçu dans leurs murs l’armée gauloise, furent forcés d’en sortir avec leurs femmes et leurs enfants. Ils s’approchèrent des lignes romaines, supplièrent qu’on les prît pour esclaves et qu’on leur donnât du pain. César mit des gardes le long du vallum, et défendit de les recevoir. Enfin apparaissent devant Alésia Commius et les autres chefs, suivis de leurs troupes ; ils s’arrêtent sur une colline voisine, à mille pas à peine de la circonvallation (la colline de Mussy-la-Fosse). Le lendemain ils font sortir la cavalerie de leur camp ; elle couvrait toute la plaine des Laumes. Leur infanterie s’établit à quelque distance sur les hauteurs. Du plateau d’Alésia on dominait la plaine. A la vue de l’armée de secours, les assiégés se rassemblent, se félicitent, se livrent à la joie, puis ils se précipitent hors de la ville, comblent le premier fossé avec des fascines et de la terre, et tous se préparent à une sortie générale et décisive. César, obligé de faire face à la fois de deux côtés,
disposa son armée sur les deux lignes opposées des retranchements, et assigna
à chacun son poste ; il ordonna ensuite à sa cavalerie de quitter ses
campements et d’engager le combat. De tous les camps placés sur le sommet des
collines environnantes, la vue s’étendait sur la plaine, et les soldats,
l’esprit en suspens, attendaient l’issue de l’événement. Les Gaulois avaient
mêlé à leur cavalerie un petit nombre d’archers et de soldats armés à la
légère, pour la soutenir si elle pliait, et arrêter le choc des cavaliers
ennemis. Bon nombre de ces derniers, blessés par ces fantassins jusque-là
inaperçus, furent contraints de quitter la mêlée. Alors les Gaulois, confiants
dans leur supériorité numérique, dans la valeur de leur cavalerie, se crurent
certains du succès ; et de toutes parts, du côté des assiégés comme de celui
de l’armée de secours, s’éleva une clameur immense pour encourager les
combattants. L’action se passait en présence de tous, nul trait de courage ou
de lâcheté ne demeurait inconnu ; chacun était excité par le désir de la
gloire et là crainte du déshonneur. Depuis Après un jour employé à faire une grande quantité de
fascines, d’échelles et de harpons, les Gaulois de l’armée de secours
quittèrent leur camp en silence vers le milieu de la nuit, et s’approchèrent
des ouvrages de la plaine. Puis tout à coup, poussant des cris pour avertir
les assiégés, ils jettent leurs fascines afin de combler le fossé, attaquent
les défenseurs du vallum à coups de frondes, de flèches et de pierres, enfin
préparent tout pour un assaut. En même temps Vercingétorix, entendant les
cris du dehors, donne le signal avec la trompette, et s’élance suivi des
siens hors de la place. Les romains prennent dans les retranchements les
postes assignés précédemment, ils répandent le trouble parmi les Gaulois en
leur lançant des balles de plomb, des pierres d’une livre, et en se servant
des épieux disposés d’avance dans les ouvrages ; les machines font pleuvoir
sur l’ennemi vine foule de traits. Comme on se battait dans l’obscurité, les
boucliers devenant inutiles, il y eut dans les deux armées beaucoup de
blessés. Les lieutenants M. Antoine et C. Trebonius, auxquels était confiée
la défense des points menacés, soutenaient les troupes trop vivement
pressées, au moyen de réserves tirées des redoutes voisines. Tant que les
Gaulois se tinrent loin de la circonvallation, la multitude de leurs
projectiles leur donna l’avantage ; mais, en s’avançant, les uns
s’embarrassèrent tout à coup dans les stimuli,
les autres tombèrent meurtris dans les scrobes,
d’autres enfin furent transpercés par les lourds pilums usités dans les
sièges, et qui étaient lancés du haut du vallum et des tours. Ils eurent
beaucoup de monde hors de combat, et ne réussirent nulle part à forcer les
lignes romaines. Cependant, lorsque le jour commença à poindre, ils se
retirèrent, craignant d’être pris en flanc (côté droit) par une sortie des camps
établis sur la montagne de Flavigny. De leur côté les assiégés, après avoir
perdu un temps précieux à transporter leur matériel d’attaque, et à faire des
efforts pour combler le premier fossé (celui qui avait Ainsi repoussés deux fois avec grande perte, les Gaulois
de l’armée de secours délibérèrent sur le parti à prendre. Ils interrogèrent
les gens du pays, qui leur firent connaître la position et le genre de défense
des camps romains placés sur les hauteurs. Au nord d’Alésia était une colline
(le mont Réa)
qui n’avait pas été renfermée dans les lignes, parce que celles-ci auraient
eu un trop grand développement ; par suite, le camp, nécessaire de ce côté,
avait du être établi sur une petite, dans une position désavantageuse ;
les lieutenants C. Antistius Reginus et C. Caninius Rebilus l’occupaient avec
deux légions. Les chefs ennemis résolurent de l’assaillir avec une partie de
leurs troupes tandis que l’autre se porterait dans la plaine des Laumes
contre la circonvallation. Ce plan arrêté, ils font reconnaître les lieux par
leurs éclaireurs, règlent secrètement entre eux les moyens d’exécution, et
décident qu’à Lorsque, du haut de la citadelle d’Alésia, Vercingétorix aperçut ces mouvements, il quitta la ville emportant les perches, les petites galeries couvertes (musculos), les gaffes (falces), tout ce qui avait été préparé pour une sortie, et se dirigea vers la plaine. Une lutte acharnée s’engage ; partout on tente les plus grands efforts, et les Gaulois se précipitent partout où la défense paraît plus faible. Disséminés sur des lignes étendues, les Romains ne défendent qu’avec peine plusieurs points en même temps, et sont obligés de faire face à deux attaques opposées. Combattant pour ainsi dire dos à dos, chacun est troublé par les cris qui s’élèvent et par la pensée que son salut dépend de ceux qui sont derrière lui ; il est dans la nature humaine, dit César, d’être frappé plus vivement du danger qu’on ne voit pas[68]. Sur les versants nord de la montagne de Flavigny, César avait choisi le lieu le plus convenable pour observer chaque incident de l’action, et envoyer des secours aux endroits les plus menacés. Des deux côtés on était convaincu que le moment des efforts suprêmes était arrivé. Si les Gaulois ne forcent pas les lignes, ils n’ont plus d’espoir de salut ; si les Romains l’emportent, ils atteignent le terme de leurs travaux. C’est surtout aux retranchements situés sur les pentes du mont Réa que les Romains courent le plus grand danger, car la position dominante de l’ennemi lui donne un immense avantage (iniquum loci ad declivitatem fastigium, magnum habet momentum). Une partie des assaillants lance des traits ; une autre s’avance formant la tortue ; des troupes fraîches relèvent sans cesse les soldats fatigués. Tous s’empressent à l’envi de combler les fossés, de rendre inutiles, en les couvrant de terre, les défenses accessoires, et d’escalader le rempart. Déjà les armes et les forces manquent aux Romains. Informé de cette situation, César envoie Labienus à leur secours, avec six cohortes, et lui ordonne, si les troupes ne peuvent se maintenir derrière les retranchements, de les en retirer et de faire une sortie, mais seulement à la dernière extrémité. Labienus, campé sur la montagne de Bussy, descend des hauteurs pour se porter vers le lieu du combat. César, passant entre les deux lignes, se rend dans la plaine, où il encourage les soldats à tenir ferme, car ce jour, cette heure, décideront s’ils doivent recueillir le fruit de leurs précédentes victoires. Pendant ce temps les assiégés, ayant renoncé à forcer les redoutables retranchements de la plaine, se dirigent contre les ouvrages situés au bas des hauteurs escarpées de la montagne de Flavigny, et y transportent tout leur matériel d’attaque ; ils chassent par une grêle de traits les soldats romains qui combattent du haut des tours ; ils comblent les fossés de terre et de fascines, s’ouvrent un passage, et, au moyen de gaffes, arrachent le clayonnage du parapet et la palissade. Le jeune Brutus y est d’abord envoyé avec plusieurs cohortes, puis le lieutenant C. Fabius avec sept autres ; enfin, l’action devenant plus vive, César accourt lui-même avec de nouvelles réserves. Le combat rétabli et les ennemis repoussés, il se dirige vers l’endroit où il avait envoyé Labienus, tire quatre cohortes de la redoute la plus rapprochée, ordonne à une partie de la cavalerie de le suivre, à l’autre de faire un détour en dehors des lignes et de prendre l’ennemi à revers, en sortant du camp de Grésigny. De son côté, Labienus, voyant que ni les fossés ni les remparts ne peuvent arrêter l’effort des Gaulois, rallie trente-neuf cohortes venues des redoutes voisines, que le hasard lui présente, et avertit César que, d’après ce qui était convenu, il va faire une sortie[69]. César hâte sa marche pour prendre part au combat. Aussitôt que, des hauteurs où ils se trouvent, les légionnaires reconnaissent leur général à la couleur du vêtement qu’il avait coutume de porter dans les batailles (le paludamentum couleur de pourpre)[70], et l’aperçoivent suivi de cohortes et de détachements de cavalerie, ils sortent des retranchements et commencent l’attaque. Des cris s’élèvent de part et d’autre et sont répétés du vallum aux autres ouvrages. Lorsque César arrive, il voit les lignes abandonnées, et le combat se livrant dans la plaine de Grésigny, sur les bords de l’ose. Les soldats romains rejettent le pilum et mettent l’épée à la main. Ln même temps la cavalerie du camp de Grésigny paraît sur les derrières de l’ennemi ; d’autres cohortes approchent. Les Gaulois sont mis en déroute, et, en fuyant, rencontrent la cavalerie, qui fait d’eux un grand carnage. Sedulius, chef et prince des Lémovices, est tué ; l’Arverne Vercassivellannus est fait prisonnier. Soixante et quatorze enseignes sont apportées à César. De toute cette armée si nombreuse peu de combattants rentrèrent au camp sains et saufs. Témoins, du haut des murs, de cette sanglante défaite, les assiégés désespérèrent de leur salut et firent rentrer les troupes qui attaquaient la contrevallation[71]. A la suite de ces échecs, les Gaulois de l’armée de secours s’enfuirent de leur camp, et, si les Romains, forcés de défendre tant de points à la fois et de s’aider mutuellement, n’eussent été accablés par les travaux de toute une journée, la masse entière des ennemis pouvait être anéantie. Vers le milieu de la nuit la cavalerie envoyée à leur poursuite atteignit l’arrière-garde ; une grande partie fut prise ou tuée, les autres se dispersèrent pour regagner leurs pays. Le lendemain Vercingétorix convoque un conseil. Il déclare
qu’il n’a pas entrepris cette guerre par intérêt personnel, mais pour la
cause de la liberté de tous. Puisqu’il faut céder
au sort, il se met à la discrétion de ses concitoyens, et leur offre d’être
livré mort ou vivant aux Romains pour les apaiser. Aussitôt on
députe vers César, qui exige que les armes et les chefs lui soient remis. Il
prend place devant son camp, à l’intérieur des retranchements ; les chefs
sont amenés, les armes sont déposées, et Vercingétorix se rend au vainqueur.
Ce vaillant défenseur de Voici comment Dion Cassius raconte la reddition du chef gaulois : Après cette défaite, Vercingétorix, qui n’avait été ni pris ni blessé, pouvait fuir ; mais, espérant que l’amitié qui l’avait uni autrefois à César lui ferait obtenir grâce, il se rendit auprès du proconsul, sans avoir fait demander la paix par un héraut, et parut soudainement en sa présence, au moment où il siégeait sur son tribunal. Son apparition inspira quelque effroi, car il était d’une haute stature, et il avait un aspect fort imposant sous les armes. Il se fit un profond silence ; le chef gaulois tomba aux genoux de César, et le supplia, en lui pressant les mains, sans proférer une parole. Cette scène excita la pitié des assistants, par le souvenir de l’ancienne fortune de Vercingétorix, comparée à son malheur présent. César, au contraire, lui fit un crime des souvenirs sur lesquels il avait compté pour son salut. Il mit sa lutte récente en opposition avec l’amitié qu’il rappelait, et par là fit ressortir plus vivement l’odieux de sa conduite. Aussi, loin d’être touché de son infortune en ce moment, il le jeta sur-le-champ dans les fers, et le fit mettre plus tard à mort, après en avoir orné son triomphe. En agissant ainsi, César crut obéir à la raison d’État et aux coutumes cruelles de l’époque. Il est à regretter pour sa gloire qu’il n’ait pas usé, à l’égard de l’illustre chef gaulois, de la même clémence qu’il montra pendant la guerre civile envers les Vaincus, ses concitoyens. Ces événements accomplis, César se dirigea vers le pars
des Éduens et reçut leur soumission. Là il rencontra des envoyés des
Arvernes, qui promirent de déférer à ses ordres ; il exigea d’eux un grand
nombre d’otages. Ensuite il mit ses légions en quartiers d’hiver : T.
Labienus, avec deux légions et de la cavalerie, chez les Séquanes, Sempronius
Rutilus lui fut adjoint ; C. Fabius et L. Minucius Basilus, avec deux
légions, chez les Rèmes pour les protéger contre les Bellovaques, leurs
voisins ; C. Antistius Reginus chez les Ambluarètes ; T. Sextius chez les
Bituriges ; C. Caninius Rebilus chez les Butènes, chacun avec une légion. Q.
Tullius Cicéron et P. Sulpicius furent établis à Cabillonum (Chalon) et à
Matisco (Mâcon),
dans le pays des Éduens, sur — XIII — Détails sur les fouilles opérées à Alise Les fouilles exécutées autour du mont Auxois, de 1862 à 1865, ont fait retrouver, sur presque tous les points, les fossés des retranchements romains. En voici le résultat : CAMPS. César déboucha sur Alésia par la montagne de Bussy, et il répartit son armée autour du mont Auxois : les légions campèrent sur les hauteurs, la cavalerie fut établie dans les parties basses, près des cours d’eau. Il y avait quatre camps d’infanterie, dont deux sur la
montagne de Flavigny. Leur forme dépend de la configuration du sol : ils
étaient tracés de façon que les retranchements dominassent, autant que
possible, le terrain situé en avant. Du côté où il aurait pu être attaqué,
c’est-à-dire au Le quatrième camp d’infanterie fut établi sur les pentes
inférieures du mont Réa. C’est celui qu’occupèrent les deux légions de
Reginus et de Rebilus, et qu’attaqua Vercassivellaunus avec 60.000 hommes. On
remarquera, en effet, que le contrefort situé au nord du mont Auxois, entre
le Rabutin et Il y avait quatre camps de cavalerie, placés près des
différents cours d’eau : trois dans la plaine des Laumes, un dans la vallée
du Rabutin. Les fossés de ces camps affectaient des formes très diverses. En
général leurs dimensions étaient sensiblement moindres que celles des fossés des
camps d’infanterie. Le camp G avait cependant des fossés assez profonds, sans
doute parce qu’il était le plus éloigné des lignes. Le fossé qui fermait le
camp I du côté de REDOUTES ou CASTELLA. Sur les vingt-trois redoutes ou blockhaus (castella), cinq seulement ont pu être retrouvées ; c’étaient les plus considérables. Les autres, construites en bois et formant des blockhaus, n’ont dût laisser aucune tracé. DISTRIBUTION DE
L’ARMÉE. DÉVELOPPEMENT DE FOSSÉ DE VINGT
PIEDS. Ce fossé a été retrouvé dans toute son étendue ; il barrait
la plaine des Laumes suivant une direction perpendiculaire aux cours de l’Ose
et de l’Oseraie, et ne faisait pas le tour du mont Auxois. Il n’avait pas
tout à fait les CONTREVALLATION. Vercingétorix, retiré sur le plateau d’Alésia, n’aurait pu s’échapper que par la plaine des Laumes, et, à la rigueur, par la vallée du Rabutin ; car les contreforts situés au sud, à l’est et au nord du mont Auxois sont surmontés d’une ceinture de rochers à pic qui forment des barrières infranchissables, et les vallées de l’Oserain et de l’Ose, qui les séparent, constituent de véritables défilés. Il importait donc de barrer la plaine des Laumes par des ouvrages inexpugnables. Aussi César y accumula-t-il les moyens de défense ; mais il les simplifia partout ailleurs, comme les fouilles l’ont démontré. Ce sont ces travaux, particuliers à la plaine des Laumes,
que César décrit aux chapitres 72 et 73. Les traces des deux fossés existent
dans toute l’étendue de la plaine, d’une rivière à l’autre. Ils n’avaient pas
la même forme : le plus rapproché du mont Auxois est à fond de cuve, l’autre
est en cul-de-lampe. La largeur du premier est de Le fossé qui est le plus rapproché du mont Auxois fut rempli d’eau. Les Romains avaient naturellement introduit l’eau dans celui des deux fossés qui, par sa forme à fond de cuve, pouvait en contenir le volume le plus considérable. Un nivellement fait avec soin dans la plaine des Laumes a prouvé que cette eau fut dérivée de l’Oserain. Pendant les fouilles, on a retrouvé, jusque vers le milieu de la longueur du fossé, le gravier qu’avaient entraîné les eaux de cette rivière, à l’époque de l’investissement d’Alésia. A gauche de l’Oserain, la contrevallation coupait, sur une
longueur de CIRCONVALLATION.
Dans l’étendue de la plaine des Laumes et sur les pentes de la montagne de
Flavigny, la circonvallation était parallèle à la contrevallation, à une
distance moyenne de Au-dessus du castellum, entre Grésigny et le mont Réa, les
fouilles ont mis à découvert un fossé de grandes dimensions, dont le fond
était rempli d’ossements d’animaux de diverses espèces. Sa position près d’un
petit ravin où coule un ruisseau peut faire supposer que là se trouvait
l’abattoir de l’armée romaine. Ln regardant ce fossé et ceux qui, sur la
calotte et sur les pentes du mont Réa, faisaient partie de la
circonvallation, ou trouve pour le développement de cette ligne TROUS DE LOUP.
Dans la plaine des Laumes, au sommet de la circonvallation et tout près du bord
extérieur du fossé, on a compté plus de cinquante trous de loup, sur cinq
rangées. D’autres ont été déblayés sur les hauteurs, neuf entre le camp A et
les escarpements, vingt-sept sur la montagne de Bussy, près du castellum :
ils sont creusés dans le roc, et leur état de conservation est tel qu’ils
semblent faits d’hier. Au fond de quelques-uns de ces derniers on a recueilli
quinze pointes de flèche. Tous ces trous de loup ont CAMP GAULOIS.
Dans les premiers jours de l’investissement, les assiégés campèrent sur les
versants du mont Auxois, vers la partie orientale de la colline. Ils étaient
protégés par un fossé et un mur en pierres sèches de Un spécimen remarquable de ce mur est visible à la pointe du mont Auxois, près de l’endroit où a été récemment placée la statue de Vercingétorix. Quant aux camps de l’armée de secours, il est probable que les Gaulois n’exécutèrent pas de retranchements sur les hauteurs où ils s’établirent. |
[1] Un ancien manuscrit
de la haute Auvergne, le manuscrit de Drugeac, nous apprend que cet usage se
pratiqua longtemps et qu’il existait au moyen âge. Des tours grossières étaient
construites sur les éminences, à 4 ou
Il est évident que des crieurs avaient été postés à
l’avance de Genabum à Gergovia, puisqu’il était convenu que les Carnutes
donneraient le signal de la guerre. Il y a par les vallées de
[2] Hic corpore, armis spirituque terribilis, nomine etiam quasi ad terrorem composito (Florus, II, x, 21). Vercingétorix était ne à Gergovia (Strabon, IV, p. 158).
[3] Guerre des Gaules, VII, 5.
[4] On a trouvé des monnaies de Lucterius comme de beaucoup de chefs gaulois mentionnés dans les Commentaires. La première a été décrite par MM. Mionnet et Chaudruc de Crazannes (Revue numismatique, t. V, pl. 16, p. 333).
[5] Ils avaient pour capitale Alba, aujourd’hui Aps (Ardèche). Des recherches récentes ont fait retrouver les vestiges d’une voie antique passant par les lieux indiqués ici et qui conduisait du pays des Helviens chez les Vellaves et les Arvernes.
[6] Guerre des Gaules, VII, 9.
[7] Comme César n’était
parti qu’après le meurtre de Clodius, qui avait eu lieu le 13 des calendes de
février (
[8] Le texte latin porte : Altero die, quum ad oppidum Senonum Vellaunodunum venisset, etc. Tous les auteurs, sans exception, regardant à tort l’expression altero die comme identique à postero die, proximo die, insequenti die, pridie ejus diei, l’ont traduite par le lendemain. Nous pensons que altero die, employé par rapport à un événement quelconque, signifie le second jour qui suit celui de l’événement cité.
En effet, Cicéron lui prête ce sens dans
Voici d’autres exemples qui montrent que le mot alter doit se prendre dans le sens de secundus. Virgile a dit (Églogue VIII, v. 39), Alter ab undecimo tum jam me ceperat annus, ce qui doit se traduire par ces mots : j’avais treize ans. Servius, qui a fait un commentaire sur Virgile à une époque où les traditions se conservaient, commente ainsi ce vers : Id est tertius decimus. Alter enim de duobus dicimus ut unus ab undecimo sit duodecimus, alter tertius decimus, et vult significare jam se vicinum fuisse pubertati, quod de duodecimo anno procedere non potest (Virgile, éd. Burmann, t. I, p. 130).
Forcellini établit péremptoirement que vicesimo altero signifie le vingt-deuxième ; legio altera vicesima veut dire la vingt-deuxième légion.
Les Commentaires rapportent (Guerre civile, III, 9) qu’Octave, assiégeant Salone, avait établi cinq camps autour de la ville et que les assiégés emportèrent ces cinq camps l’un après l’autre. Le texte s’exprime ainsi : Ipsi in PROXIMA Octavii castra irruperunt. His expugnatis, eodem impetu, ALTERA sunt adorti ; inde TERTIA et QUARTA et deinceps RELIQUA (Voir aussi Guerre Civile, III, 83).
On trouve dans les Commentaires soixante-trois fois
l’expression postero
die, trente-six fois proximo die, dix fois insequenti die, onze fois postridie ejus diei
ou pridie ejus
diei. L’expression altero die n’y est employée que deux fois dans
les huit livres de
Nous nous croyons donc autorisé à conclure que César arriva à Vellaunodunum le surlendemain du jour où l’armée s’était mise en mouvement.
On trouvera plus loin, page 299, note 1, une nouvelle confirmation du sens que nous donnons à altero die. Elle résulte de l’appréciation de la distance qui sépare Alésia du champ de bataille où César défit la cavalerie de Vercingétorix. (Voir les opinions des commentateurs sur altero die dans le sixième volume de Cicéron, M. Lemaire, Classiques latins, Excursus ad Philippicam primam.)
[9] Guerre des Gaules,
VII, 11. Contrairement à l’opinion généralement admise, nous adoptons Gien et non Orléans pour l’ancien
Genabum, Triguères pour
Vellaunodunum, Sancerre pour
Noviodunum, et enfin Saint-Parize-le-Châtel
pour
Comme le but de César, en partant de Sens, était de se diriger le plus vite possible vers l’oppidum des Boïens, pour en faire lever le siège, comme il part sans bagage, pour être moins gêné dans sa marche, nous examinerons d’abord la position probable de cette dernière ville, avant de discuter les questions relatives aux points intermédiaires.
Gorgobina Boiorum.
Après la défaite des Helvètes, César permit aux Éduens de recevoir les Boïens
sur leur territoire, et il est probable qu’ils furent établis à la frontière
occidentale, comme dans un poste avancé contre les Arvernes et les Bituriges.
Plusieurs données confirment cette opinion. Tacite (Histoires, II, 61) rapporte que : Mariccus quidam, e plebe Boiorum… concilis
octe millibus hominum, proximos Æduorum pagos trahebat. Les
possessions des Boïens étaient donc contiguës au territoire éduen. Pline
l’Ancien (Histoire nat., IV, 18) met
les Boïens au nombre des peuples qui habitaient le centre de
Le village de Saint-Parize-le-Châtel convient mieux. Il
est à
Il y avait probablement à Saincaise-Meauce (
Genabum.
La position de Gorgobina une fois établie au confluent de
1° Nous ne pouvons croire que César, partant de Sens
malgré la rigueur de la saison et pressé de faire lever le siège de Gorgobina,
ait fait inutilement un détour de
2° De Sens à Gien la route était courte et facile ; de
Sens à Orléans, au contraire, il fallait traverser le grand marais de Sceaux et
la forêt d’Orléans, probablement impraticable. Or la voie indiquée par la table
de Peutinger pour aller d’Orléans à Sens devait avoir une courbure prononcée
vers le sud, et passait tout près de Gien, après avoir traversé Aquæ-Segeste
(Craon et Chenevière), car la distance entre Sens et Orléans est marquée à 59
lieues gauloises, ou
3° Les Commentaires nous apprennent que la nouvelle de
l’insurrection de Genabum parvint en peu de temps aux Arvernes (dont Gergovia,
près de Clermont, était le centre principal), à une distance de 160 milles (
4° Après avoir traversé
Nous croyons donc que Genabum était non pas le vieux
Gien, qui, malgré son épithète, peut être postérieur à César, mais le Gien
actuel. Cette petite ville, par sa position au bord de
La principale raison qui a fait adopter Orléans pour Genabum, c’est que l’Itinéraire d’Antonin indique cette ville sous le nom de Cenabum ou Cenabo, et que ce nom se retrouve dans des inscriptions récemment découvertes. Il est à croire que les habitants de Gien, après avoir échappé à la destruction de leur ville, ont descendu le fleuve et formé, à l’endroit où s’élève actuellement Orléans, un nouvel établissement rappelant le nom de la première cité ; c’est ainsi que les habitants de Bibracte se transportèrent à Autun et ceux de Gergovia à Clermont.
Indépendamment des considérations ci-dessus, Orléans,
par sa position sur une pente uniformément inclinée vers
Vellaunodunum. L’emplacement du territoire des Boïens déterminé, ainsi que celui de Genabum, il s’agit de trouver, sur la route que suivit César de Sens à Gorgobina, les points intermédiaires de Vellaunodunum et de Noviodunum.
Sur la ligue directe de Sens à Gien, à
On objectera que la distance de Sens à cette petite ville (40 kil.) est trop faible pour que l’armée romaine, sans bagages, ait mis trois jours à la franchir ; mais César ne dit pas qu’il employa trois jours à se rendre d’Agedincum à Vellaunodunum : il nous apprend simplement que, laissant tous ses bagages a Agedincum, il s’achemina vers le pays des Boïens, et que le surlendemain il arriva à Vellaunodunum. Rien n’oblige donc à supposer qu’avant de se mettre en mouvement l’armée romaine fût concentrée ou campée à Agedincum même. Les personnes étrangères à l’art militaire sont disposées à croire qu’une armée vit et marche toujours agglomérée sur un point.
César, tout en opérant la concentration de ses troupes
avant d’entrer en campagne, ne les tint pas massées aux portes de Sens, mais il
les échelonna probablement dans les environs de cette ville, le long de
l’Yonne. Lorsque ensuite il se décida à marcher au secours des Boïens, on doit
supposer que le premier jour fût employé à concentrer toute l’armée à Sens
même, à y laisser les bagages, peut-être aussi à passer l’Yonne, opération
longue pour plus de 60.000 hommes. Ce premier jour écoulé, l’armée continua sa
route le lendemain, et arriva à Triguères le surlendemain, ayant fait deux
étapes de
Noviodunum.
Pour trouver l’emplacement de Noviodunum, il faut chercher la position qui
s’accorde le plus avec les Commentaires dans le triangle formé par les trois
points connus. Gien, le Bec-d’Allier et Bourges. Puisque, d’après le texte,
Vercingétorix ne leva le siège de la ville des Boïens que lorsqu’il eut appris
l’arrivée de César sur la rive gauche de
C’est donc parce que certains points indiqués jusqu’à présent ne répondent pas aux conditions exigées par le texte, que nous n’avons pas admis comme étant Noviodunum les villes de Nouan-le-Fuselier, Pierrefitte-sur-Saudre, Nohant-en-Goût, Neuvy-en-Sullias et Neuvy-sur-Barangeon. En effet, les unes sont trop loin du Bec-d’Allier, les autres trop prés de Bourges, et la plupart en plaine.
Sancerre, au contraire, répond à toutes les indications
du texte. Elle est située sur une colline élevée de
César, après la reddition de Noviodunum, se dirige vers
Bourges. Vercingétorix le suit à petites journées (minoribus itineribus). Le général
romain ayant Bourges devant lui et une armée ennemie sur sa gauche, marche
lentement et avec précaution. Il a peut-être mis trois ou quatre jours à faire
les
[10] Guerre des Gaules, VII, 13.
[11] Les archéologues ont prétendu trouver des traces encore existantes du camp de Vercingétorix dans les environs de Bourges, sans réfléchir que, d’après César, le chef gaulois ne songea pour la première fois à retrancher son camp à la manière romaine qu’après le siège de cette ville. Nous croyons que Vercingétorix, bien qu’il vînt de l’est, s’établit au sud de Bourges. Il était naturel, en effet, qu’il se plaçât entre l’armée romaine et le pays des Arvernes, d’où probablement il tirait ses approvisionnements. D’ailleurs, s’il eût campé à l’est de Bourges, il aurait intercepté lés vivres que César attendait du pays des Éduens, ce que le texte des Commentaires ne dit pas.
[12] Le ravin qui
descend à l’Auron se reconnaît encore aujourd’hui, entre les portes
Saint-Michel et Saint-Paul, à l’inclinaison brusque du terrain. D’anciens plans
de Bourges le désignent sous le nom de vallée
Saint-Paul. Le ravin opposé, qui se dirigeait vers la porte Bourbonnoux, a
disparu sous les remblais successifs dont se compose le sol d’un jardin de
l’archevêché. L’arête de terrain formant avenue ne devait pas avoir, au temps
de César, plus de
[13] Cela est évident,
puisque les Romains, afin de pouvoir donner l’assaut, furent obligés de
construire une terrasse de
[14] Vercingétorix,
campé d’abord vers Dun-le-Roi, s’était rapproché de Bourges : il avait établi
son nouveau camp à l’est de celui de César, peut-être à Chenevière, au
confluent de l’Yèvre et du ruisseau de Villabon, à
[15] On lit dans Vitruve à propos du siège de Marseille : Lorsque la tortue s’approcha pour battre la muraille, ils descendirent une corde armée d’un nœud coulant dans lequel ils prirent le bélier, et en levèrent la tête si haut, à l’aide d’une roue à tympan, qu’ils l’empêchèrent de frapper la muraille (Vitruve, X, 16).
[16] Tite-Live s’exprime ainsi en parlant des assiégés d’Ambracie qui creusaient une mine à l’encontre de celle des ennemis : Aperiunt viam rectam in cuniculum (XXXVII, 12).
[17] Plusieurs auteurs ont pensé que ces poutres, au lieu d’être disposées perpendiculairement à la direction de la muraille, étaient placées parallèlement à cette direction. Cette interprétation nous paraît inadmissible : les poutres ainsi placées n’auraient eu aucune solidité, et auraient pu être facilement arrachées. On voit sur la colonne Trajane des murs construits ainsi que nous l’indiquons ; d’ailleurs l’expression latine trabes directœ ne peut laisser aucun doute, car le mot directus signifie toujours perpendiculaire à une direction. Voir Guerre des Gaules, IV, 17, directa materia injecta, et la dissertation du Philologus, 19ème Jahrganges, 3ème Heft.
[18] On donnait en général le nom de pluteus à toute espèce de blindage en claie ou en peau (Festus, au mot Pluteus, p. 231. - Vitruve, V, 20). — Végèce (IV, 15) applique le nom de pluteus à une sorte de mantelet en clayonnage ou en peau, monté sur trois roues et protégeant les hommes postés derrière, afin de pouvoir tirer sur les défenseurs.
[19] On appelait ainsi une petite machine, dans le genre des balistes, qui lançait des traits. Ces scorpions composaient pour ainsi dire l’artillerie de campagne des anciens.
[20] Guerre des Gaules, VII, 22.
[21] Il est très probable que César se rendit d’abord à Noviodunum (Nevers), puisqu’il nous apprend (VII, 55) qu’il avait établi dans cette ville un grand dépôt et des approvisionnements de toute sorte.
[22] Aujourd’hui l’Allier est guéable presque partout en été ; mais depuis dix-neuf siècles le lit de la rivière a dû sensiblement s’exhausser.
[23] Les commentateurs ne sont pas d’accord sur ce passage. J’ai adopté la version qui m’a paru la meilleure, et qu’ont suivie dans leur traduction allemande MM. Kochly et Rustow. Stuttgart, 1862.
[24] Dion Cassius, XL, 35.
[25] César, en partant
de Decize, suivit sans cloute la route gauloise qui conduisait à l’Allier, et
dont on peut supposer l’existence par la construction postérieure de la voie
romaine allant de Decize à Bourbon-l’Archambault (Aquœ Borvonis), et qui traversait
l’Allier un peu au-dessous de Moulins. A partir de là il côtoya la rivière
pendant quelques jours, sans cesse à hauteur de l’ennemi. Pour la passer à
l’aide d’un stratagème, il profita des restes d’un pont, et, comme ce pont
indique le tracé d’une route, il s’agit de trouver parmi les voies anciennes
qui traversaient l’Allier celle que suivit César. Or nous ne connaissons que
deux voies romaines aboutissant à l’Allier au-dessus de Moulins, l’une à
Varennes, l’autre à Vichy. Vous nous prononçons pour Varennes. Cette localité
est à
[26] L’Artières reçoit au nord de Gergovia le petit ruisseau de Clémensat.
[27] C’est en cherchant
à quelles conditions essentielles devait satisfaire l’emplacement des troupes,
que le commandant baron Stoffel est parvenu à découvrir les camps. César avait
à établir 30 ou 40.000 hommes à proximité de l’eau, à distance convenable de
Gergovia, et de manière à conserver sa ligne d’opération sur revers, où étaient
ses dépôts. Ces nécessités indiquaient que le camp principal devait se trouver
près de l’Auzon, et à l’est. De plus, il fallait qu’il fût assez rapproché de
l’oppidum pour que, du haut de la montagne de Gergovia, on vît ce qui s’y
passait, mais cependant assez éloigné pour qu’on ne pût distinguer nettement
les objets. Le camp devait être dans la plaine ; Dion Cassius (XL, 34) dit
formellement : César
se tenait dans la plaine, n’ayant pu prendre (pour asseoir son camp)
un lieu fort
(par son élévation), et ensuite les Commentaires
font connaître que les Romains n’occupaient qu’une seule colline, c’est-à-dire
celle dont ils s’emparèrent par surprise (
[28] Vercingétorix, placé au centre d’une espèce de demi-cercle, pouvait bien être considéré, par César, comme entouré de ses nombreuses troupes (collocaverat copias circum se).
[29] Les combats de cavalerie ont eu lieu dans la plaine qui s’étend depuis la petite éminence appelée le Puy de Marmant jusqu’au marais de Sarlièves.
[30] Cette colline est
certainement
Les fouilles exécutées en 1862 ont fait retrouver les
deux camps. Les fossés du petit camp sont nettement dessinés dans un terrain
calcaire. Ils affectent un tracé irrégulier.
César part à quatre heures du matin, arrive à Randan à une heure après-midi |
|
Emploie en négociation de une heure à sept heures |
6 |
Repos pendant la nuit, de sept heures à dix heures du soir |
3 |
Retour précipité de Randan à Gergovia, de dix heures à quatre heures du matin |
6 |
|
----------- |
Durée de l’absence de César |
24 heures |
[32] Du sommet de
Le lieu qu’il importait aux Gaulois de fortifier était
la partie des hauteurs de Risolles qui font face au village d’Opme, parce que
des troupes ne peuvent escalader le massif que par le versant occidental. Comment
a-t-on pu supposer que, craignant pour le col des Goules, les Gaulois aient
abandonné leur camp devant la place et soient allés se fortifier au Montrognon,
à
[33] D’après Polyen (VIII, XXIII, 9), les soldats marchent tête baissée pour ne pas être vus.
[34] Il y a en effet
[35] Le général de Gœler croit avec raison qu’il faut lire regressus au lieu de progressus. La 10e légion, servant de réserve, devait, en présence d’un combat dont l’issue était incertaine, prendre position en arrière plutôt qu’en avant.
[36] La partie du
versant méridional de Gergovia qui fut le théâtre de la dernière bataille est
nettement indiquée par le terrain même. Cette bataille eut lieu sur tout
l’espace qui s’étend en avant de la porte de l’oppidum, but principal de
l’attaque. Le ravin qui, d’après les Commentaires, empêcha les légions
d’entendre le signal de retraite est celui qui descend à l’ouest de Merdogne.
On peut en conclure qu’à ce moment César et la 10e légion étaient à
droite de ce ravin. Enfin on se rend compte sur les lieux du mouvement des
Éduens. A l’est de Merdogne est un contrefort soudé à la montagne de Gergovia,
à
Le général de Gœler, sans avoir vu les lieux, a indiqué à peu près la place du camp romain, mais il ne le porte pas assez à l’ouest. Il fait camper les troupes gauloises sur les quatre versants de la montagne de Gergovia. C’est sans doute l’expression circum se (VII, 36) qui est la cause de cette erreur. On ne saurait admettre, en effet, que les Gaulois aient campé sur les pentes abruptes du versant nord. Le général de Gœler se trompe aussi en dirigeant la fausse attaque sur Montrognon. Enfin il place le théâtre de la bataille trop à l’ouest.
[37] Guerre des Gaules, VII, 52.
[38] Dans la guerre des Gaules, Caius Julius César fut surpris par un ennemi, qui l’enleva tout armé et l’emportait sur son cheval, lorsqu’un autre Gaulois, reconnaissant César, cria, comme pour l’insulter, Cœcos Cœsar ! ce qui en langue gauloise veut dire laisse-le aller, lâche-le, et il échappa ainsi. C’est ce que César dit lui-même dans son Éphéméride, au passage où il parle de sa fortune (Servius Maurus Honoratus, grammairien du Ve siècle, commentaire du livre XI de l’Énéide, v. 743 ; II, p. 48, éd. Albert Lion).
Les manuscrits de Servius ne portent pas tous les mêmes mots. En voici les principales variantes : Cecos, Cœsar ; Cœcos ac Cœsar, et Cœsar, Cesar.
[39] Plutarque, César, 19.
[40] De tout temps il a existé un gué à Bourbon-Lancy.
[41] Guerre des Gaules, VII, 54.
[42] On a trouvé à Sens une balle de fronde en plomb sur laquelle sont imprimés en relief ces mots : T. LABIENUS. Cette balle fait partie de la collection du musée de Saint-Germain.
[43] De Saulcy et J.
Quicherat ont déjà démontré d’une manière évidente que Labienus avait dû suivre
la rive gauche de l’Yonne en quittant Sens et qu’il passa sur la rive droite de
Un très grand fleuve tenait les légions séparées de leur
réserve et de leurs bagages. Ce très grand fleuve ne peut pas être
Le capitaine d’état-major Rouby a fait, sur les lieux,
des reconnaissances qui prouvent qu’en partant de Sens les plus anciennes voies
conduisant à Paris passaient sur la rive gauche de l’Yonne et de
On a cru à tort que
[44] Vous n’avons pas
reproduit ces mots, fugam parare, parce que ce passage nous a
toujours paru inintelligible. Comment, en effet, les Gaulois, en voyant les
Romains prêts à passer
[45] Quelques manuscrits portent Metiosedum, version lotit à fait incorrecte, suivant nous.
[46] Guerre des Gaules, VII, 62.
[47] Voir l’Appendice D.
[48] Guerre des Gaules, VII, 65. — On appelait evocati les anciens soldats qui, après avoir servi, revenaient volontairement dans les rangs de l’armée.
[49] Récapitulons ici
les numéros des légions employées pendant la guerre de
La 6e légion, à cause de son numéro, devait
être une des plus anciennes, puisque Dion Cassius (XXXVIII, 47) nous apprend
que les légions étaient désignées suivant leur rang d’inscription sur les rôles
de l’armée ; mais, comme elle ne paraît pour la première fois qu’en 702, il est
probable qu’elle était restée en garnison chez les Allobroges ou en Italie. Ce
qui prouve que cette légion assistait au siège d’Alexia, c’est que, après la
reddition de la place, elle fut envoyée en quartiers d’hiver sur
[50] Il est clair
qu’une armée ne pouvait pas rester huit années à faire la guerre sans recevoir
de fréquents renforts pour relever son effectif. Aussi, après le meurtre de
Clodius, toute la jeunesse d’Italie ayant été appelée sous les armes, César fit
de nouvelles levées qui vinrent probablement grossir les rangs de ses légions,
car on ne voit pas paraître de nouveaux numéros (Guerre des Gaules, VII, 1). — De même, quand il arriva, en 702,
dans le
[51] Plutarque, Caton, 53.
[52] Plutarque, César, 36. — D’après Sextus Refus (Festus), dans son Breviarium du IVe siècle, chaque légion de César était de 4.000 hommes.
[53] Le texte fait
connaître qu’il établit trois camps. Cette disposition lui était commandée par
les circonstances et la configuration des lieux. Les hauteurs de Sacquenay
forment, en effet, trois promontoires, qui s’avancent vers le nord ; la route de
Dijon gravit celui de gauche, la route de Pontailler celui du centre. En
établissant trois camps sur ces trois promontoires, Vercingétorix occupait
chacune de ces routes avec un tiers de son armée, et il appuyait sa droite à
L’armée gauloise avait là une position très forte par
elle-même, car, pour l’emporter, il fallait aborder des versants élevés,
faciles à défendre ; elle était, en outre, protégée par deux cours d’eau :
l’un,
[54] Le champ de
bataille de
Deux de ces tumulus se voient l’un près de l’autre, entre Prauthoy et Montsaugeon. Il y en a un près de Dardenay, trois à l’ouest de Cusey, un à Rivières-les-Fosses, un autre à Chamberceau. Nous ne parlons pas de ceux que la culture a détruits, et dont les habitants se souviennent encore.
Les fouilles pratiquées récemment dans ces tumulus ont fait découvrir des squelettes, dont plusieurs avaient des bracelets en bronze aux bras et aux jambes, des ossements calcinés d’hommes et de chevaux, trente-six bracelets, plusieurs cercles en fer, qui se portaient au cou, des anneaux en fer, des fibules, des fragments de plaque, des débris de poterie celtique, une épée en fer, etc.
Fait digne de remarque : les objets trouvés dans les
tumulus de Rivières-les-Fosses et de Chamberceau ont une telle ressemblance
avec ceux des tumulus des bords de
Il faut ajouter que les cultivateurs de Montsaugeon,
d’Isomes et de Cusey trouvent depuis plusieurs années, en faisant des fossés de
drainage, des fers à cheval enfouis à un ou deux pieds dans le sol. En 1860,
lors du curage de
Si l’on songe que la rencontre des deux armées romaine et gauloise ne fut qu’une bataille de cavalerie, où s’entrechoquèrent vingt à vingt-cinq mille chevaux ; on trouvera sans doute intéressants les faits qui viennent d’être signalés, quoiqu’ils puissent cependant se rapporter à un combat postérieur.
[55] Nous avons adopté la version aciemque constitui jubebat, qui seule donne une interprétation raisonnable.
[56] Ce n’était pas le même dont il est parlé plus haut (Guerre des Gaules, VII, 67).
[57] Les trois camps
gaulois ayant été établis sur les hauteurs de Sacquenay, à 4 ou
Le texte dit que Vercingétorix donna l’ordre d’enlever
les bagages hors des camps en toute hâte et de les faire suivre. Si les bagages
d’une armée de cent mille hommes avaient accompagné Vercingétorix sur la route
parcourue par l’infanterie, on ne comprendrait pas que l’armée romaine, qui
poursuivit les Gaulois tant que dura le jour, ne s’en fût pas emparée. Mais des
recherches exécutées dans le pays situé entre le champ de bataille et Alise, en
arrière des hauteurs de Sacquenay, ont
fait retrouver les vestiges d’une voie romaine qui, partant de Thil-Châtel, à
La voie romaine de Langres à Alise, qui indique sans aucun doute la direction suivie par les deux armées, a été reconnue, presque dans toute son étendue, par le commandant Stoffel. Aujourd’hui encore, sur les territoires de Fraignot, Salives, Échalot, Poiseul-la-Grange, les habitants l’appellent Chemin des Romains ou Voie de César.
[58] On lit (Guerre des Gaules, VII, 68) : Altero die ad Alesiam castra fecit. Nous avons déjà cherché à établir que les mots altero die doivent se traduire par le surlendemain et non pas par le lendemain. César a donc marché deux jours pour se rendre du champ de bataille à Alésia.
L’étude du pays confirme pleinement l’interprétation
que nous donnons de l’expression altero die. En effet, au nord et à l’est
d’Alise-Sainte-Reine (Alésia), à moins de deux journées de marche, le pays est
tellement coupé et accidenté, qu’aucune bataille de cavalerie n’y est possible.
Il conserve ce caractère jusqu’à 55 ou
[59] Nous appelons surtout l’attention du lecteur sur les nombreuses monnaies romaines et gauloises trouvées dans les fossés du camp D, et dont la nomenclature est renvoyée à l’Appendice C.
[60] Près du sommet ouest de la montagne jaillissent deux fontaines, abondantes ; il en existe une autre sur le côté est. Il était facile avec ces sources de créer, comme à Gergovia, de vastes abreuvoirs pour les bestiaux. On voit d’ailleurs sur le plateau des traces manifestes d’un grand nombre de puits, de sorte qu’il est évident que l’eau n’a jamais manqué aux assiégés, sans compter qu’ils ont toujours pu descendre jusqu’aux deux rivières.
[61] Nous croyons que ces castella étaient des redoutes palissadées ayant un réduit semblable aux blockhaus en bois représentés sur la colonne Trajane ; souvent même ces réduits composaient à eux seuls le castellum.
[62] Ce n’était pas, comme on le remarquera, la contrevallation qui avait 11.000 pas d’étendue, mais la ligne d’investissement.
[63] Eadem altitudine. — Voir paragraphe XIII, Détails sur les fouilles d’Alise.
[64] Dolabratis, amincies, et non delibratis, écorcées.
[65] On a retrouvé dans les fouilles d’Alise cinq stimuli. Les noms nouveaux que donnèrent les soldats de César à ces défenses accessoires prouvent qu’elles étaient employées pour la première fois.
[66] Cela ressort d’un
passage de
[68] Ce passage prouve clairement que l’armée de secours attaqua aussi la circonvallation de la plaine. En effet, comment admettre que sur 240.000 hommes il n’y en ait eu que 60.000 d’employés ? Il résulte du récit des Commentaires que, parmi cette multitude de peuplades différentes, les chefs choisirent les hommes les plus courageux pour en former le corps de 60.000 hommes qui opéra le mouvement tournant ; les autres, peu aguerris et peu redoutables, lancés contre les retranchements de la plaine, furent facilement repoussés.
[69] D’après Polyen (VIII, XXIII, 11), César, pendant la nuit, détacha trois mille légionnaires et toute la cavalerie pour prendre l’ennemi à revers.
[70] César (à Alexandrie) se trouva fort embarrassé, étant chargé de ses vêtements de pourpre, qui l’empêchaient de nager... (Xiphilin, Jules César, p. 26). — Crassus, au lieu de paraître devant ses troupes avec un paludamentum couleur de pourpre, comme c’est l’usage des généraux romains (Plutarque, Crassus, 28).
[71] Les habitants d’Alésia désespérèrent de leur salut lorsqu’ils virent les soldats romains rapporter de tous côtés dans leur camp une immense quantité de boucliers garnis d’or et d’argent, des cuirasses souillées de sang, de la vaisselle et des tentes gauloises (Plutarque, César, 30).
[72] Florus, III, X, 26. — D’après Plutarque (César, 30), Vercingétorix, après avoir déposé ses armes, serait allé s’asseoir en silence au pied du tribunal de César.
[73] Guerre des Gaules, VII, 90. — En confrontant les donnée, du VIIe livre avec celles du VIIIe, on obtient les résultats suivants :
En Franche-Conté, Labienus avec la 7e et la 15e |
2 légions |
Dans le pays de Reims, Fabius et Basilus avec la 8e et la 9e |
2 |
Entre Loire et Allier, Reginus avec la 11e |
1 |
Dans le Berry, Sextius avec la 13e |
1 |
Dans le Rouergue, Rebilus avec la 1ère |
1 |
A Mâcon, Tullius Cicéron avec la 6e |
1 |
A Chalon, Sulpicius avec la 14e |
1 |
A Bibracte, Marc-Antoine avec la 10e et la 12e |
2 |
Total |
11 |
[74] On a trouvé, sur
une longueur de
En fait d’armures défensives, on a découvert 1 casque en fer et 7 geniastères, semblables à celles que nous voyons représentées sur les sculptures romaines ; des umbo de boucliers romains et gaulois ; 1 ceinture en fer de légionnaire ; enfin de nombreux colliers, anneaux et fibules.
[75] On a trouvé dans
les fossés de la plaine des Laumes une belle épée, plusieurs clous et quelques
ossements, sur la rive gauche de l’Oserain, deux médailles, trois pointes de
flèche et d’autres débris d’armes ; dans le fossé qui descend vers l’Ose, sur
les pentes septentrionales du mont Pennevelle, une grande quantité d’ossements
d’animaux. (Un terrain planté de vignes situé tout à côté, sur le versant sud
du mont Pennevelle, s’appelle encore aujourd’hui, sur le cadastre,
[76] Les fossés de la circonvallation ont fourni, dans la plaine des Laumes, des boulets en pierre, quelques débris d’armes, de la poterie et un magnifique vase d’argent d’une belle époque grecque. Ce dernier a été trouvé près de la route impériale de Paris à Dijon, dans le fond même du fossé, à 1m,40 de profondeur. Des armés de bronze, composées de dix lances, deux haches, deux épées, avaient été trouvées antérieurement en près de l’Ose.